Les Terres Cultivées autour de Kendra Kâr

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Akihito
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Re: Les Terres Cultivées autour de Kendra Kâr

Message par Akihito » lun. 13 avr. 2020 19:48

Dans le chapitre précédent...


Interarc : Apprendre des meilleurs.

Chapitre V.2 : Combinaison de sorts.


Akihito regardait avec un air étonné la jeune femme se recroqueviller sur elle même. Il n’avait jamais vu de bandit terrifier à ce point après s’être fait battre.

(Se manger un éclair, ça a de quoi faire peur.)
objecta sa Faëra.

(Je suis d’accord, mais elle n’était pas la seule à avoir cette impression de peur au ventre plaquée sur le visage. Les autres aussi.)

(Mmmh… C’est vrai. Et qui est cette sorcière ? Anthelia ?)

(Non pas possible, elle n’a pas pu la voir bien longtemps. Ce doit être une autre personne, et ça ne me dit rien de bon.)

Anthelia fut la première à le rejoindre, elle jeta un regard à sa blessure à la cuisse, puis un regard furibond à l’arbalétrière. Du sang coulait le long de sa joue d’une vilaine plaie au front, sans gravité. Akihito l’arrêta alors qu’elle s’approchait d’un air menaçant de la bandit étalée au sol, visiblement décidée à lui faire comprendre qu’elle n’aurait pas dû toucher à son homme. Frans arriva ensuite et à deux, ils calmèrent rapidement la tatoueuse avant que Akihito ne se mette à interroger leur adversaire.

« Répond moi. Qui vous a envoyé ? Qui est cette sorcière ?

- C’est elle… La noiraude… L’a bouffé l’esprit d’notre chef… Il gueulait… Par tout les dieux c’tait horrible !

- La noiraude ? répéta avec un air contrit le vieux mage de foudre.

- Nous as manipulés ! On avait les foies, on pouvait pas lutter ! Nous a obligé à vous piquer vot’ magot ! Oh non non non non…

- Qui ça ? Qui est-elle ? Eh ! »

Akihito tenta d’en apprendre plus, mais l’arbalétrière se mura dans le silence, ces yeux ternes roulant dans ses orbites en tout sens. Elle semblait comme prise de démence. Et dans une scène qui faillit leur faire rendre leur petit déjeuner, la folle furieuse arracha le carreau de son épaule pour se le plonger dans la gorge. Akihito recula pour éviter les projections de sang et c’est dans un gargouillis immonde que leur informatrice rendit l’âme. Un peu blême, l'enchanteur recula et rejoignit la charrette, entourés de cadavres désormais. Deux d’entres eux à l’arrière étaient à moitié brûlés, probablement du fait d’Anthelia. Mais le plus impressionnant, c’était le côté qu’avait protégé Frans. Une demi-douzaine de bandits gisait, fumant. Non content d’être sorti du combat sans aucune blessure, Frans s’était occupé d’un grand nombre d’ennemis seul. Le devant de la charrette était lui aussi jonché de trois cadavres, défaits par la magie conjointe de ses deux professeurs. Betty, elle, tremblait de nervosité. Frans assura s’en être occupé pour la calmer, ce qui à l’humble avis d’Akihito, avait eu un effet tout relatif. Enfin, ça avait au moins empêcher la jument de partir au triple galop…
Akihito s’appuya contre l’arrière de l’attelage et à la lumière du soleil, observa sa plaie. Le combat s’était fini juste à temps, et sa blessure n’était que douloureuse. L’enchanteur n’eut cependant pas le luxe de se reposer car le maître magicien les exhortait déjà de repartir. Anthelia l’aida à grimper après avoir sommairement fouillé les corps, et l’équipe détalla du charnier qu’elle avait provoqué malgré elle. Sur la plateforme de bois, Anthelia bandait la cuisse d’Akihito tout en lui demandant comment il avait fait abattre cet éclair.

« Je… n’en sais trop rien. J’ai eu l’impression que je pouvais le faire, que j’en avais la possibilité, alors je n’ai pas cherché à comprendre et j’ai agi.

- Et c’était une attaque bien exécuté mon cher apprenti. Les grincheux des académies appellent ce sort « Atmosphère Orageuse », mais je trouve que ce nom ne lui rend pas hommage. Je le nomme personnellement l’Appel de Valyus.

- Mais je n’ai jamais appris à lancer pareil sort, s’étonna Akihito en grimaçant quand Anthelia serrait son bandage.

- Pas encore, mais tu as appris tout ce qu’il fallait pour le maîtriser. Pourquoi crois-tu que je t’ai appris d’abord l’Orage Terrifiant puis la Balise Magique à ton avis ? »

L’enchanteur fronça les sourcils en se remémorant la scène. La balise… Le déclencheur dans le nuage d’orage… Le lien entre les deux, la puissance qui se libère…

« … Vous êtes en train de me dire que pour faire tomber la foudre, il suffit de marquer les cibles pour que notre déclencheur dans le nuage libère la foudre pour les frapper ?

- Exactement ! Tu sais créer un nuage, tu sais marquer des cibles. Alors évidemment, le processus est sensiblement différent et ton éclair tenait plus du bricolage qu’autre chose, mais tu as saisi le principe. Ne manque plus qu’à l’appliquer pour en faire un sort parfaitement indépendant.

- Et si on parlait maintenant de cette « sorcière » ? Vous avez l’air d’avoir une idée sur ce qui se passe, mage Frans.

- Ah, ça… Connaissez-vous le « Tonnerre d’Omyre » ? »

Ce mot évoqua des souvenirs chez Akihito, et il acquiesça. L’organisation que Vohl et lui avaient imité pour couvrir leur « enlèvement » de Ryo Ôkami, il y a de cela deux mois. Frans leur fournit quant à lui des informations complémentaires : les Shaakts qui formaient ce corps d’élite était tous des fulguromanciens à la solde d’Omyre et vénéraient une forme différente de Valyus, baptisée « Nizzre’ » ou tonnerre en langue shaakt. Leur spécialité, c’était la traque et ils se faisaient un devoir de toujours mettre des bâtons dans les roues du culte de Valyus, en faisant une affaire personnelle puisqu’ils vénéraient une forme pervertie de Nizzre’. Frans avait souvent eu à faire avec eux au cours de sa carrière de Messager de la Foudre, mais jamais aussi loin dans les terres de Kendra-Kâr. Il émit l’hypothèse que la récente activité de la Déesse Noire et de ses sbires avait donnée des idées à ses serviteurs les plus zélés.

« Ca n’explique toujours pas comment cette prétendue sorcière a pu leur ficher une telle terreur…

- Certains de leurs membres sont également des psychomanciens.

- Des psycho-quoi ?

- Psychomanciens. Des mages pouvant influencer l’esprit des autres. Ces pauvres hères ont du en baver pour être aussi désespérés à nous tomber dessus. »

Akihito éprouva alors beaucoup de pitié pour ces bandits. Rien ne pouvait excuser le fait que ce soit des criminels, mais rien ne justifiait aussi de se réjouir de les voir se jeter à corps perdu dans une entreprise qui allaient les mener à la mort quelqu’en soit l’issue.

(Cette « sorcière » ne va pas en rester là et va de nouveau vouloir nous attaquer… Je compte bien m’occuper d’elle à ce moment-là.)


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Akihito
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Re: Les Terres Cultivées autour de Kendra Kâr

Message par Akihito » lun. 13 avr. 2020 19:48

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Interarc : Apprendre des meilleurs.

Chapitre VI.1 : Une question de dosage.


Les jours qui suivirent furent consacrés à la maîtrise de ce nouveau sort. Mais pourtant, aucun des trois voyageurs ne relâchait son attention, à l’affût du prochain assaut de la sorcière. Cela expliqua en partie le retard que Akihito prit dans son apprentissage, là où les précédents sorts avaient été plus simples à assimiler. Frans avait également tenu à le rassurer en plus expliquant que compresser deux sorts en un était aussi un exercice difficile et qu’il était normal qu’il mette du temps à le maîtriser. Les nuits avaient été elles aussi été plus… Mouvementé. D’une part, parce que les tours de garde avaient été maintenus même dans les auberges pour ne pas subir d’assaut nocturne, mais aussi parce que les rares instants que l’enchanteur passait avec Anthelia étaient désormais bien plus intimes… Quand la situation le permettait. Sa blessure à la cuisse s'était elle résorbée correctement grâce à sa potion et aux soins prodigués par la tatoueuse, ne lui laissant qu'une douleur résiduelle et la précaution de faire attention à cette blessure.
L’ynorien n’oubliait évidemment pas de prendre le temps nécessaire pour s’entraîner à l’art du tatouage. Les progrès étaient visibles et il se sentait près à faire son premier tatouage, bien que sa professeure se contentait de doucher son enthousiasme en lui disant que si c’était suffisant pour un tatoueur de seconde zone, elle était encore insatisfaite de son travail en temps qu’élève.

« J’ai une réputation à tenir mon cher Ynorien. Et tu ne voudrais pas me mettre dans l’embarras n’est ce pas ? »

Tels avaient été ses mots, accompagnés d’un sourire trahissant le côté faussement hautain. Akihito lui avait sourit avant de se repencher sur le petit nuage qu’il maintenait au creux de sa paume. La théorie avait fait place à la pratique : Akihito savait désormais comment fonctionnait le sort pour l’avoir expérimenté les jours passés.

(Tout d’abord, le nuage, chargé et « armé » comme dit Frans. On ne libère pas le déclencheur pour que la foudre garde sa puissance dans le nuage. Ensuite, je dois cibler mes cibles. Je ne peux en cibler que quatre maximums c’est ma limite actuelle, mais restons-en à trois pour les tests. Les cibles doivent être balisées avec des étincelles chargées. Pas de projectiles, c’est plus rapide de juste projeter ces marqueurs éphémères. Et donc…)

En face de lui au dessus de Betty et alors qu’il conduisait, Frans faisait léviter trois pièces à quelques dizaines de centimètres les unes des autres. C’était ses cibles. L’enchanteur « lâcha » le nuage qui se mit à flotter en l’air et tenta de tirer et marquer les trois pièces flottantes. Car là était tout l'intérêt de l'Appel de Valyus : pouvoir frapper à plusieurs endroits en même temps, là où les sorts que connaissait jusque là l'enchanteur étaient monocibles.
Si sa visée avait été sans défaut, c’est le balisage qui fit défaut alors que Akihito relâchait le déclencheur dans le nuage pour frapper les pièces. La première pièce fut toucher, la balise ayant correctement attirée la foudre. La seconde balise n’attira tout simplement pas le projectile quand la dernière cessa d’émettre en plein milieu du sort, ce qui fit partir le petit éclair directement dans la croupe de Betty. Cette dernière fit savoir son mécontentement en poussant un hennissement et en jetant le regard le plus furieux qu’une placide jument pouvait lancer à ses conducteurs. Frans, qui regardait son élève faire, lui prodigua quelques conseils supplémentaires.

« N’oublie pas, Akihito. Ces mini balises ne doivent pas être trop faibles ou trop fortes. Tout est…

- Une question de dosage, je sais. Mais je suis d’avis que de marquer tout simplement les différentes cibles pour laisser s’abattre la foudre ensuite serait plus simple.

- Plus simple, certes, mais bien plus long : tu devrais générer ton nuage, puis cibler un à un toutes tes cibles, perdant un précieux temps et laissant tes adversaires se mettre à l’abri de l’Appel de Valyus. Non, c’est une attaque qui doit être vive et puissante, pour toucher plusieurs cibles en même temps. Allez, recommence. »

En grommelant, Akihito se remit néanmoins au travail. Il prit cependant un temps pour observer les alentours, par précaution. Ils se trouvaient désormais dans une vaste plaine parsemée de champs, où ils pouvaient voir le danger arriver de très loin. Cela aurait pu entamer leur vigilance, mais il n’en était rien : Frans leur avait dit que les pouvoirs d’un psychomancien pouvait tout aussi bien affecter les animaux doués d’un minimum de conscience, ce qui impliquait l’attaque de bêtes sauvages. Et pour couronner le tout, les trois voyageurs s’étaient accordés sur le fait que quelqu’un prêt à manipuler toute une troupe de brigands n’allait pas abandonner au premier échec. En se concentrant sur ce qu’il voyait au fond, Akihito apercevait désormais les contours de Breen, la ville étape qui signait la moitié de leur trajet à la limite entre la principauté de Kendra-Kâr et du comté de Bouhen. Le soleil commençait à se coucher et plusieurs fermiers rentraient en direction de la ville. L’un deux leur donna deux bonnes heures avant de l’atteindre, ce qui laissait donc deux heures pour continuer à maîtriser l’Appel de Valyus.

Akihito se concentra et un nouveau nuage armé se forma dans sa main droite. Puis, dans le même mouvement, il pointa sa paume gauche en direction des pièces, en préparant rapidement les trois marqueurs pour les trois pièces qui flottaient toujours. De petites étincelles qui devaient être parfaitement identiques pour qu’aucune plus attirante que les autres ne déstabilise le fragile équilibre de balisage rapide. Des balises pas trop faibles pour que le nuage puisse les détecter, mais pas trop forte pour qu’elles se parasitent entre elles. C’était, encore une fois, cette question de dosage qui posait problème à Akihito. Et cette tentative n’eut elle aussi pas plus de résultat que la précédente, à la différence notable que l’intégrité du postérieur de Betty fut conservée. Une deuxième, troisième, quatrième tentative suivit. Frustré de ses échecs répétés, le jeune homme envisagea de s’arrêter là pour aujourd’hui, se sachant peu efficace quand il commençait à s’énerver. Amy intervint alors et lui proposa de plutôt prendre le problème à l’envers : ne pas chercher à créer de bons marqueurs, mais plutôt des marqueurs semblables. Reconnaissant envers sa Faëra de toujours lui souffler de bonnes idées, il se força à se lancer dans une nouvelle batterie de tests en prenant cette fois bien son temps, sans se soucier de créer des nuages.

Partitionner son attention sur plusieurs étincelles était une tâche qu’il ne parvenait pas à réaliser. S’il se concentrait sur l’une, il délaissait les autres qui du coup perdaient de la puissance. Il pouvait certes s’entraîner à cette tâche, mais à mesure que sa maîtrise de la magie augmenterait, il pourrait cibler cinq voir six personnes différentes. Il devrait alors de nouveau s’entraîner pour maîtriser cet aspect et il avait vraiment autre chose à faire quand tous ses autres sorts évoluaient naturellement. Et comme toujours en manipulation des fluides, la manière la plus simple de résoudre un problème était la créativité.

(Et si… Et si je faisais un seul « gros » marqueur qui aurait du coup une puissance adaptée que je fractionnais ensuite ? Pas besoin de les former un par un.)

Plus il y pensait, et plus l’idée lui plaisait. Accumulant une petite portion de fluide dans sa main, il la fit tourner pour obtenir le marquage magnétique qu’il estimait correcte. Puis, il pensa à une sphère qui se coupe en deux parties égales et il sentit nettement les fluides dans sa main faire de même. Les deux balises avaient la même intensité, ne manquait plus qu’à les tester. Un nuage se créa rapidement et deux pièces marquées. La bonne nouvelle fut que les balises étaient suffisamment puissantes pour persister assez longtemps pour que l’éclair les frappe. La mauvaise, c’est qu’elles étaient trop puissantes et les deux éclairs jumeaux qui sortirent du petit nuage ne touchèrent pas leurs cibles, gênées par les interférences de l’autre. Mais c’était un progrès. Maintenant qu’il savait comment marquer de manière identique ses cibles, il ne manquait plus qu’à trouver le bon dosage.
Relevant le nez, Breen dévoilait petit à petit ses contours plus nettement. Il estima qu’il lui restait une bonne heure avant d’arriver.

(Largement de quoi trouver le dosage parfait… Bon, on refait le plein et on y va.)

Dénudant la Kizoku sous l’œil toujours attentif de son professeur, Akihito alimenta la lame de foudre avant de lentement commencer à l’extraire pour recharger ses réserves de fluides.

« Quelle technique indécente… »

Anthelia, qui se trouvait à l’arrière comme à son habitude, abonda dans le sens du magicien.

« Je vous l’avais dit. Avec Aki, le commun n’est plus qu’une notion vaguement abstraite. »


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Xël
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Re: Les Terres Cultivées autour de Kendra Kâr

Message par Xël » mar. 1 sept. 2020 14:53

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Le soleil n’est pas encore levé quand nous nous mettons en route vers le nord pour rejoindre la route principale qui traverse le royaume d’est en ouest. Nous sommes plus nombreux que ce que j’aurais cru. Le General Bogast est évidemment présent ainsi que ses deux lieutenants. Le sergent Aldchet fait partie de la troupe elle aussi accompagnée d’autres sous officiers. Quelques recrues qui, comme moi, vont débuter un entrainement militaire ainsi que plusieurs soldats qui sont là pour renforcer la garnison à Breen et Gamerian en cas d’attaque venant d’Ynorie. Le départ semble quelque peu précipité et certains ne semblent même pas avoir eu le temps de se préparer convenablement. Je suis installé dans une des charrette transportant les recrues venant de la cité ou des fermes environnantes. D’autres charriots transportent les soldats mais les officiers et sous officiers ont leur propre monture. Deux autres chariots au centre du convoi contiennent uniquement du matériel, des vivres, de l’équipement. Le soleil se lève et nous augmentons la cadence sur la route qui devient de plus en plus large. Certains en profite pour dormir malgré le bruit de martèlement des sabots sur les pavés. Nous traversons sans encombre les terres agricoles tout au long de la matinée. Nous faisons une courte pause au milieu de la journée pour faire boire les chevaux et manger rapidement un bout de pain sans descendre des chariots avant de repartir de plus belle. Les regards des fermiers que l’on croise sont inquiets, un tel déplacement doit être rare et l’annonce du siège d’Oranan et de la bataille de Luminion a dû faire le tour du royaume à présent. Nous atteignons le premier croisement en fin de journée et l’ordre est donné de poursuivre la route vers l’ouest pendant la nuit. Personne n’émet la moindre plainte, la route est encore sûre et les officiers changent de place avec d’autres soldats dans les charrettes pour pouvoir se reposer. J’avais profité de la journée pour faire un peu connaissance avec les autres recrues à mes côtés. La plupart sont issues de familles pauvres et espèrent pouvoir gagner un peu d’argent à envoyer à leur famille plutôt que de se lancer dans des activités illégales. D’autres viennent pour défendre le royaume, originaires de familles plus riches, ils possèdent des vêtements plus coûteux, arborent un air fier et parmi eux certains ont déjà armes ou armures onéreuses. Tous sont plus jeunes que moi car peu d’entre eux dépassent la vingtaine d’année mais c’est vrai que mon cas est un peu particulier. Tous m’ont reconnu et connaissent mon nom mais aucun n’insiste pour en savoir plus sur moi, sur ce que j’ai accompli ou les raisons de ma présence.

Le voyage se passe donc tranquillement et je me lie d’amitié avec une jeune recrue aux cheveux roux et au regard orange du nom de Cwen Rolbrand. Le cinquième fils d’un meunier qui n’avait visiblement plus de place dans son moulin. Équipé de peu, il n’a sur lui que sa chemise et son pantalon sombre, une paire de bottes usée et un petit sac de biscuits secs qu’il partage sans compter.

Nous arrivons à Breen à la fin du troisième jour où les gens, bien qu’accueillants, sont agités et inquiets. Les palissades de la bourgade sont déjà renforcées et des soldats présents se sont occupés de dresser des tours de guet. Visiblement le chaos dans la région voisine donne l’occasion aux brigands des environs de sévir plus durement si j’en crois les avis de recherche et les mises en garde contre les cambriolages épinglés sur un panneau à l’entrée de la ville. Des portraits sommaires pour que les illettrées puissent également comprendre. Une activité qui semble attirer chasseurs de primes et mercenaires qui souhaitent se faire de l’argent. Un ordre fait vite le tour du convoi, nous restons ici pour la soirée et la nuit. Nous reprendrons la route au lever du jour.

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Relonor
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Re: Les Terres Cultivées autour de Kendra Kâr

Message par Relonor » lun. 5 avr. 2021 21:21

Chapitre 14 - Maître Relonor.
VI.15 Par une nuit noire sanglante


Durant ce temps de repos, Relonor bavarde avec Carnie. L’un et l’autre se racontant des moments de leurs vies, même si l’elfe noir élude certains aspects sanglants et change quelque peu la vérité à d’autres moments. Il continue également d’expliquer certains mouvements qui pourraient être utile au garçon. C’est pendant un de ces moments où Relonor se prend pour un maître d’arme, que Naegrim fait irruption.

"C’est l’heure, rassemblez-vous !" Ordonne-t-il.

En sortant du bâtiment, l’elfe noir remarque qu’il est vidé de ses mercenaires. Dehors, la nuit est tombée et la fraîcheur du soir s’est bien installée. La petite troupe est arrêtée par le bras droit de la maîtresse pour quelques explications.

"On sort de la ville par petit groupe pour ne pas attirer l’attention. Dehors, vous serez guidez par d’autres. Ne vous faites pas remarquer, alors fermez-là et filez droit où vous ne toucherez rien !" Menace le shaakt.

Dès que le moment se présente, Relonor se dépêche pour être parmi les premiers à sortir et Carnie le suis de près. Une fois dehors, un aigle s’approche rapidement de nous pour les surprendre, avant de leurs tourner autour et de repartir là où il se trouvait.

"Woha, c’était quoi ça ?" Demande le jeune homme.

"Ca c’est une invitation à le suivre !" Répond l’elfe noir.

Il s’avance dans la direction de l’animal, suivi par les hommes venus avec lui. Ils y retrouvent une femme portant l’aigle sur son épaule qui leurs indique une nouvelle destination.

(Ca commence à m’agacer ce jeu de pistes !)

Heureusement pour l’elfe noir, la piste se termine rapidement, lorsqu’à l’orée d’un boit près non loin des cultures au nord de Kendra Kâr, la destination est atteinte en retrouvant le gros des mercenaires bien équipées de l’après-midi. Dans une ambiance visible grâce aux petites torches dont ils disposent, tous discutent et ne savent visiblement pas la raison de leur présence. Cependant ils savent bien qu’un tel rassemblement armé, on ne va pas demander une préparation à un festival. Du sang et des tripes sont au menu de cette nuit. La maitresse shaakt Istavari arrive finalement, escorté par Naegrim et quatre hommes avec des armures de qualité. Elle semble mettre un point d’honneur à se montrer avec ses plus beaux joujoux.

"Faisons ça rapidement !" Déclare Naegrim pour attirer l’attention. "On va se séparer en trois groupes. Ezraël tu prends un groupe d’hommes par la droite. Iyérik, toi tu prends l’autre groupe et tu passes par la gauche. Attendez le signal pour agir. Quant aux autres qui étaient dans le sous-sol, vous venez avec moi. Exécution !"

Obéissants à l’ordre, les mercenaires se divisent en deux groupes éteignant leurs torches pour se fondre dans la nuit, laissant Istavari et Naegrim avec la garde rapprochée et une troupe de pouilleux, dont Relonor. Tout ce groupe se dirige avec le bras droit de la dame en tête. Le chemin est éclairé par les torches de deux gardes personnels de la dame, éclairant de chaque côté le chemin pour ceux qui ne sont pas à l’aise dans la noirceur de la nuit. Au total, pas moins d’une trentaine d’homme sont présent dans le groupe de l’enchanteur.

(Bordel mais c’est quoi ce délire ? Pourquoi laisser la maîtresse avec comme principale force des hommes même pas entraînés ?)

Durant la marche, Relonor se rapproche de Carnie.

"Reste près de moi, je n’aime pas ce qui va nous tomber dessus."

"Bien m’sieur Relonor." Répond-il, offrant un rictus de plaisir à l’enchanteur.

Ils arrivent à un important chêne à l’abri des regards, ou les attendent l’homme de l’hôtel des ventes : le seigneur Goron. Lui aussi est accompagné par l’elfe blanc et l’humaine que Relonor a croisés, mais également part quelques hommes en plus.

"Très chère c’est un plaisir de vous revoir. La douceur de la nuit caresse si bien votre…" Salue faussement le seigneur qui se fait arrêter par la shaakt.

"Trêve de bavardages et venons en aux faites ! Vous l’avez avec vous ?" Demande-t-elle.

Pour toute réponse, Goron donne d’un geste un ordre à l’hinïon qui part chercher l’objet de l’hôtel des ventes : le talisman d’Azakaël.

"Et vous très chère, avez-vous ce que nous avons convenu ?" Demande l’humain.

L’homme et l’elfe noire se toise du regard en attendant la réponse de cette dernière. Après quelques secondes de silence, elle finit par faire exploser la tension montante.

"Vous pensiez réellement que j‘accepterais un marché avec vous ? Vous êtes bien un humain pour être aussi sot ! Naegrim !"

Avec une vivacité stupéfiante, le bras droit de la maitresse lance une étrange poussière sur les torches, ce qui provoque un important changement de flammes, vertes et plus puissantes. Les elfes noirs affichent un large sourire qui se ternie avec les secondes qui passent sans changements notables.

"Mais que se passe-t-il ?" Grogne Istavari.

"Vous vous inquiétez pour les hommes que vous avez cachés ?" Demande le seigneur Goron, l’air faussement gêné. "Je doute qu’ils soient en mesure de venir vous prêter main forte pour l’instant. Voyez-vous, j’ai moi aussi anticipé votre venue !"

"Meurt espèce de chien ! En avant vous autres !" Ordonne Naegrim.

Parmi la garde rapproché de la shaakt, seul deux hommes restent près d’elle. Le reste part se battre, accompagné des hommes récemment engagés. Suivi de Carnie, Relonor fait de même et s’avance sur la ligne de front, bouclier et épée en main.

(Je comprends à présent. Ces hommes-là ne servaient que de leurre, laissant croire qu’il s’agissait-là de notre force principale. Sauf que le plan s’est retourné contre nous et vu leur efficacité, ils serviront au mieux de chair à canon !)

Le choc des lames est rude. Une multitude de coups, fer contre fer, génère une cacophonie que seuls les râles des vaincus brisent. Afin de se donner un avantage, Relonor mobilise sa magie sombre dans sa lame.

(Une imprégnation de vent m’offre un léger avantage face aux adversaires plus rapides que moi. Voyons voir ce que ma magie d’ombre me permet.)

En plus de son arme élémentaire, il use également de sa magie aérienne pour accélérer ses mouvements, tant offensifs que défensifs. Dans la mêlé, ses coups touchent plus facilement, bien que son arme ne pénètre qu’à peine face à une armure plus résistante de ses opposants. Parés pour un rude combat, les hommes de Goron sont équipés avec un ensemble de protections lourdes pour la majorité. Pourtant, même léger, les blessures qu’il provoque paraissent plus douloureuses qu’elles ne semblent en réalité. Ceux touchés par la lame gorgée de magie, préfère s’en prendre à d’autres adversaires moins problématiques et confiant dans leur équipement en brandissant deux boucliers lourds face à lui. Une erreur que le shaakt s’empresse de mettre à profit.

Désormais face à des protections qui ne contre-attaquent pas, l’enchanteur puise dans ses sombres pouvoirs pour faire appel aux âmes défuntes. L’une d’elles répond à son ordre et vient prendre place dans le corps de l’elfe noir. Un premier coup au lourd pavois fait fléchir celui qui le porte, engendrant une blessure au torse pour punir l’enchanteur pour son manquement. Accueillir une âme offre un avantage, mais le prix à payer est la douleur. Si le possédé n’en est pas le générateur, il en devient la source et une blessure bénigne se fait sentir sur le torse de Relonor. Ce n’est qu’en réitérant un coup puissant par le haut, qu’il parvient à défaire la prise de son adversaire, le touchant gravement à l’épaule.

Malgré la douleur qu’il subit par l’arme maudite, l’homme qui lui fait face ne peut ignorer le danger que représente le shaakt. Epée en main gauche et protection dans l’autre, les regards des deux guerriers se croisent, bataillant férocement dans un duel d’intimidation muet. L’épaule portant le pavois étant grièvement blessée, la protection offerte s’en voit diminuée. Bouclier contre bouclier, Relonor accentue son ascendant en cherchant une faiblesse dans la garde de son adversaire. Du bout de sa lame, il parvient à blesser son adversaire, retardant l’aggravation de sa blessure de possession. Malheureusement, il subit un contre adverse et manque de peu de recevoir une autre blessure grave. Le sang coule, mais cela reste encore acceptable dans un affrontement où sa propre vie est en jeu. L’elfe noir poursuit ses assauts par une frappe en biais, visant l’épaule armée. L’épée adverse vient à la rencontre de sa consœur et même s’il n’est pas en mesure de parer efficacement le coup, l’imposante protection vient le couvrir d’éventuels dégâts, augmentant à nouveau le cran d’aggravation de la plaie maudite.

(Par Phaïtos, encore un peu plus et je serais dans l’obligation d’interrompre le sortilège !)

Mû par la rage, le shaakt puise dans sa colère la force d’atteindre son adversaire dans la jointure du genou. L’homme fléchit. Son bouclier devient trop difficile à tenir, mais son épée est toujours présente. Pour autant, cette position à terre est une vision particulièrement délectable pour Relonor. Voir son adversaire ainsi soumis, attise son désir de démontrer sa force, sa domination face à un combattant qui ne peut que le regarder d’en bas, se concrétisant en un seul et unique acte : massacrer sans pitié. Il met toute sa force pour frapper l’humain et lui offre un magnifique présent sanglant, de l’épaule gauche jusqu’au milieu du thorax dans un hurlement de souffrance. L’elfe noir pourrait se délecter d’autant de désespoir de son adversaire, mais le sortilège qu’il le possède l’en empêche, il devait répandre la souffrance physiquement. Qu’importe, il frappe encore et encore, jusqu’à ce que le guerrier au pavois, ne soit plus en mesure de ressentir la moindre douleur.

Dès cet instant de vie s’échappant du corps, l’enchanteur se tourne rapidement sur une autre cible. Son combat l’a éloigné des autres sans qu’il s’en rende compte et il recevra une nouvelle aggravation avant d’être en mesure de respecter l’accord qu’implique le sombre sort sur un ennemi. Il se rapproche des affrontements en déviant légèrement sa course. Cela lui permet d’atteindre un des hommes qui se bat à ses côtés, repoussé en arrière par un coup puissant, avant de devoir payer le coût maudits. D’un geste vif, sa lame lui ouvre le flanc dans une gerbe se sang si importante, qu’il en sera mortellement privé d’ici peu. Même s’il vient de sonner le glas d’un allié, cela permet au shaakt de retarder une nouvelle aggravation maudite et ça, c’est le plus important.

Il arrive de nouveau en pleine mêlée et aide à sa façon. Plutôt que de prêter main forte pour reprendre l’ascendant contre des adversaires, il préfère attaquer de côté un soldat déjà bien acculé. Sa lame lui traverse la gorge et ne laisse en guise de dernières déclarations, quelques gerbes de sangs avant de s’effondrer. Ce n’est qu’après qu’il réalise son erreur. Le désir de suivre ses pulsions meurtrières au dépend d’une stratégie globale, se résume par une situation de danger où se trouve le jeune Carnie. Ne voulant pas perdre son investissement, Relonor se rue vers le jeune garçon et un pare in-extremis un coup mortel grâce à sa lame. Malheureusement, il n’a le loisir de voir la gratitude du jeune humain. Porté dans son élan, il ne peut frapper et aggrave sa blessure maudite, au point où elle devient une gêne particulière. A cause de cela, il n’arrive pas à garder sa stabilité et reçoit une profonde entaille à la cuisse. Dressé devant le garçon et se protégeant tout deux du bouclier, l’enchanteur se voit obligé de rompre son sort pour ne pas risquer de subir une blessure trop handicapante, voir mortelle.

Il brandit son bouclier pour bloquer un coup de taille, puis use de son arme pour parer une frappe visant sa tête. Cependant ce deuxième coup, le pousse à forcer sur sa jambe blessée, l’obligeant à ployer le genou. Ironie du sort, voilà le shaakt humilié le genou à terre, afin de protéger un jeune humain rencontré quelques heures auparavant. Au moins celui-ci se prouve son utilité en enfonçant sa lame dans le ventre de son adversaire. Courbant le corps par la douleur, il reçoit un coup venant d’un allié passant par là, commettant un crime inadmissible : lui voler sa vengeance, en ôtant la vie de celui qui l’a forcé à se prosterner.

"Vous allez bien m’sieur Relonor ?" Demande Carnie, aidant l’elfe noir à se relever.

Pour toute réponse le shaakt ne fait que grogner, manipulant ses énergies sombres avant qu’une tête volante ne vienne l’interrompre. C’est grâce à une chance inouïe, qu’il parvient à bloquer un coup en se retournant vivement. Une arme vient frapper le bouclier de l’enchanteur et une seconde frôle son plastron sur sa droite. L’hinïon, le guerrier du seigneur Goro ! Particulièrement habile, l’elfe blanc manie une lame dans chaque main avec une adresse horripilante, comme une guêpe qui vous agresse sans être en mesure de la claquer entre les mains. Face à un adversaire plus fort que lui, compte tenu de son état physique actuelle, l’elfe noir concentre ses efforts dans une défense totale, attendant un moment plus propice. Quelques coups parviennent cependant à toucher, mais les blessures restent légères.

"Dame Elover !" Déclare soudainement l’elfe blanc particulièrement fort.

L’instant d’après, une énergie vient englober le guerrier et génère de puissants courants d’air. Reconnaissant là la furie zéphyrienne, sort d’aéromancie connu de l’enchanteur, Relonor sait qu’il va passer un mauvais moment. En supériorité technique, le guerrier frappe avec une vitesse qui prend au dépourvu le shaakt. La guêpe multiplie ses coups et c’est face à un essaim entier que l’elfe noir tente en vain de lutter. Avant que le sort ne se rompe, l’Hinïon parvient à complètement prendre l’ascendant sur le shaakt qui voit bouclier et épée repoussées en arrière. Le torse uniquement protégé par son plastron, l’elfe blanc a tout le loisir de lacérer la poitrine de son adversaire, dessinant une profonde croix sanglante. Incapable de résister, Relonor se laisse tomber à la renverse. Lorsqu’il atteint le sol, son ennemi est déjà passé à l’opposant suivant.

"M’sieur Relonor ! M’sieur Relonor !" Déclare une voix qui se rapproche de lui. La tête de Carnie apparaît devant le visage de l’elfe noir, inquiet en observant les blessures. "Vous allez pas mourir hein m’sieur Relonor ?"

L’enchanteur parvient à attraper l’enfant par le col et tente de le rapprocher pour lui parler.

"Non je…je ne vais pas mou…mourir si…si tu m’aides !" Répond-il difficilement.

"Dites-moi ! Vous avez une potion c’est ça ?" S’inquiète l’enfant dont l’angoisse grandit, en pensant qu’il est l’unique être qui peut sauver la vie du seul homme qu’il peut considérer comme un mentor.

"Je dépends de...toi, j’ai besoin que tu me fa…fasses confiance d’accord ?" Renchérie le shaakt.

"Bien sûr ! Tout ce que vous voudrez !" S’exclame l’enfant.

Pour seule réponse, une volute noire émane des blessures shaakt et enveloppe Carnie, comme une main de fumée agrippant un frêle oisillon. Les plaies se referment au même rythme qu’elles apparaissent sur le corps du petit oiseau, qui ne peut échapper à son destin. Tandis que l’elfe noir se redresse, recouvrant la pleine possession de ses moyens et inspirant à pleins poumons, l’oisillon est prostré de douleur par le mal qui l’accable, refermant ses ailes contre lui dans le futile espoir qu’il ira mieux. Ainsi l’enfant vient de prouver son utilité, ainsi que le dur labeur de Relonor pour gagner la confiance du malheureux. Il vient de faire le don de sa vie pour servir les désirs macabres de l’elfe noir. Ce dernier regarde ce petit oiseau qui n’a désormais plus rien à lui offrir et n’aura plus jamais l’occasion de déployer ses ailes.

Sans le moindre remord, le shaakt délaisse le garçon pour s’intéresser au combat. Il est certes dans une forme excellente, mais l’Hinïon ne sera pas plus facile à battre pour autant. La magie qui l’a enveloppé n’émanait pas de lui. Il faut un laps de temps pour concentrer la magie et même si l’enchanteur n’arpente que depuis peu ce domaine mystique, il en a la certitude : la source de magie venait d’ailleurs.

(Dame Elover ! Ce fumier a demandé de l’aide pour accroître ses capacités. Pas étonnant qu’il ait été en mesure de se battre sans interruption. Un guerrier associé à un aéromancien, ou plutôt une aéromancienne, est un duo dangereux. Tant que cette garce sera encore capable de manier la magie, il nous sera impossible de remporter la victoire !)

Cherchant du regard la source de son désagrément, Relonor se souvient de l’humaine vêtu comme une mage, qui accompagnait le seigneur Goron et reste d’ailleurs près de lui. Il ne lui faut pas plus de temps pour la trouver, à l’arrière du champ de bataille. Elle ne cesse de mobiliser sa magie sans interruption. L’enchanteur le sait, à ce rythme elle va être à court de mana. Lui-même est au bord des capacités physiques qu’un corps peut absorber en terme de fluide et il ne peut lancer plus de six sorts avant d’être réduit à l’impuissance magique. Alors qu’il regarde avec satisfaction la magicienne lancer encore des sorts sans s’inquiéter de sa dépense magique, une étrange aura l’entoure. Tandis que ses yeux s’illuminent d’un blanc pur, des tentacules de magies s’échappent de ses bras et d’étranges créatures apparaissent et semblent happées par elle, êtres aux formes aussi étranges que la lumière dont ils semblent issus. Puis, comme si elle était en train de manger, une partie des créatures immatérielles vont converge vers la magicienne. Suite à cela, le sort s’interrompt et sans regagner sa magie grâce à une potion, elle relance à nouveau ses sorts sur le champ de bataille.

(Comment ? Elle vient…elle vient de recouvrir sa magie comme ça, sans rien ?)

C’est un véritable prodige aux yeux de Relonor, ainsi qu’une triste calamité. Avec les capacités qu’offrent la magie de vent pour un guerrier déjà habile et celle de ne jamais être à court de mana de la magicienne, le seul atout que le groupe de Relonor avait en main vient de voler en éclat. Ils n’ont aucune chance de changer le cours de la bataille.

(Du moins tant qu’elle est en vie !)

L’humaine reste bien en retrait derrière deux hommes affairés à ne laisser personne l’atteindre. Il faudra plus que de la chance pour que cette garce ne pose plus de problème.

(J’ai bien un atout en manche, mais…je ne l’ai jamais utilisé en condition réelle. Il faut croire que l’occasion se présente pour m’en assurer !)

"Naegrim !" Appelle le shaakt. "C’est l’humaine qu’il faut tuer ! Tant qu’elle sera là, nous n’avons que peu de chance de succès !"

Le bras droit de l’elfe noire ne sait pas s’il peut se fier au jugement de Relonor. Lui qui se refuse à partir trop loi de sa maîtresse, il grade en tête le désir de battre en retraite, ainsi que la possibilité qu’ils aient été trahis pour que leur plan se soit si mal passé.

"Comment faire ? Elle est trop bien gardée !" Rétorque-t-il.

"Je peux l’atteindre d’ici, mais il me faut une ouverture ! Si on y arrive pas, leur magie de vent nous empêchera de fuir, tu peux en être certain !" Insiste l’enchanteur qui perçoit dans ses yeux le doute.

D’un hochement de tête, Naegrim consent à offrir ce présent à Relonor et profite de la présence de plusieurs hommes affairés à occuper l’elfe blanc, pour contourner les adversaires et se diriger vers la magicienne. Alerté par la menace que représente cet elfe noir qui arrive rapidement, les deux gardes s’orientent vers lui pour l’accueillir. Pendant ce temps, l’enchanteur se prépare. Dans un premier temps, il vide sa gourde contenant une petite potion de mana pour recouvrer sa magie noire. Puis il ramasse une lame au sol et y concentre ses fluides. Manquer sa cible n’est pas une option, il doit toucher mortellement sinon le détournement d’attention ne sera plus efficace. Il prend donc de nouveau le risque de faire appel aux âmes damnées, avant de canaliser sa magie aérienne dans l’arme. Un courant d’air contrôlé entour la lame qui devient plus légère. Concentré sur le maintient de ce courant avec toute sa force mentale, Relonor transforme le courant en un maëlstrom tempétueux dont il maîtrise la fureur. Il doit faire vite, car déjà l’âme damnée réclame son dû et une blessure bénigne apparaît sur le torse de l’elfe noir. Armant la lame en retrait, il la projette autant par la force de son bras que par la maîtrise de son esprit. L’épée fuse vers sa cible avec une telle vitesse qui est impossible pour la magicienne d’échapper à son sort. La lame se plante profondément dans le ventre de l’humaine, dont le maigre tissus qu’elle porte n’offre aucune résistance.

Lorsque son corps tombe au sol, Goron est le premier à hurler. Resté près d’elle, il a vu impuissant la lame atteindre la malheureuse. Son cri de détresse alerte ses hommes qui se voient désarçonnés par la perte de leur pilier centrale. La clef de voûte de leur stratégie s’écroule et bientôt, tous tomberont, emporté par les débris de leur échec. Naegrim occupe à lui seul les deux hommes protégeant le seigneur ennemi à gauche, ouvrant un large chemin par la droite. Goron en a pleinement conscience et ce n’est pas son habile guerrier elfique, occupé à garder plusieurs hommes en respect, qui sera en mesure de lui venir en aide. Il agit en conséquence et fuit comme un lâche. Il n’en faut pas plus à Relonor pour lui donner la chasse.

(Cours petit lapin ! Cours!)

Chapitre 16 - L'art de la trahison.
Modifié en dernier par Relonor le lun. 5 avr. 2021 21:32, modifié 1 fois.

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Re: Les Terres Cultivées autour de Kendra Kâr

Message par Relonor » lun. 5 avr. 2021 21:32

Chapitre 15 - Par une nuit noire sanglante.
VI.16 L'art de la trahison


Courir après sa proie est quelque chose de nouveau pour le shaakt et visiblement cela ne lui déplait pas. Il entend les râles de l’homme qu’il pourchasse, ses vaines tentatives de le semer un shaakt dans la nuit, son visage effrayé lorsqu’il tourne la tête pour constater sa terrible situation. Relonor sentirait presque la peur émaner de son gibier. Il se languit d’être un loup, sur les traces d’un malheureux petit lapin et visiblement, le lapin n’a pas l’habitude de faire des efforts physiques. Déjà essoufflé comme un bœuf, Goron presque exténué, finit par trébucher. Lorsqu’il se retourne pour faire face au shaakt, il brandit une épée d’une main frêle. Lame qui vole d’un simple coup d’épée, imposant la triste faiblesse d’un noble face à un homme de n’importe quelle catégorie social, tant qu’il est armé.

"C’était sympas cette petite chasse, ça m’a donné faim ! Et ma faim ne s’assouvie que dans le sang !" Déclare Relonor, toisant le riche homme.

"Non écoutez, on peut s’entendre ! Je possède une immense fortune, je vous payerai le double de ce que vous propose Isatvari, non le triple !" Supplie l’humain, rampant en arrière.

Relonor regarde sans bouger réfléchissant à une idée, comme un dieu se demandant s’il doit mettre fin à la vie d’une misérable créature du bout du doigt.

"Jusqu’où seriez-vous prêt pour votre vie ?" Demande l’elfe noir avec un sourire carniassier.

"Je…je possède une immense fortune et je…" Commence-t-il à répondre avant d’être interrompu par la pression de la lame sur sa gorge, interrompant sa lente progression.

"Ce n’est pas votre fortune qui m’intéresse. Passons un accord, je vous aide à tuer Istavari et vous vous m’aidez à mettre au silence certaines personnes." Propose le shaakt.

"Quoi ? Mais pourquoi me proposez-vous une telle chose ?" S’inquiète le seigneur de ce revirement de situation.

"Il s’avère qu’elle nous a embauché, moi et d’autres, mais qu’elle n’a aucun moyen de nous payer. Soit elle ne parvenait pas à obtenir l’argent pour nous payer, soit elle l’avait mais aurait probablement préférer le garder pour elle. Je connais assez bien les femmes de ma race. J’en conclue donc qu’elle n’avait pas l’intention de nous payer depuis le début." Explique Relonor.

"Vous me proposer vraiment de tuer cette garce ? Marché conclu ! On attaque maintenant ?" Interroge le seigneur.

"Non, elle possède encore bon nombre d’hommes. Si comme je le pense elle compte se débarrasser d’eux, elle le fera bientôt, très bientôt. Quand se sera fait, ses forces seront amoindri et elle sera vulnérable ! En attendant, nous allons faire croire à votre mort." Explique le shaakt.

"Et comment comptez-vous vous y prendre ?" Demande à nouveau Goron en voulant se lever. Cependant il est arrêté par la pression qu’exerce de nouveau la lame contre sa peau. "A quoi vous jouer ?"

"Je vous l’ai dit…" L’enchanteur déplace lentement sa lame du coup jusqu’au flanc. "…il faut faire croire à votre mort et pour cela, il faut être très convainquant !"

Le shaakt enfonce sa lame dans le corps de l’humain avec lenteur. Le hurlement de Goron se fait entendre sur une assez bonne distance. Nul doute que Naegrim aura entendu cela.

"Ca a beau faire mal, vous n’en mourrez pas ! Il n’y a que du gras. D’ailleurs, j’ai pour habitude de récolter de petits souvenirs." Continue Relonor en retirant sa lame.

Loin d’en finir, Relonor se penche vers l’humain meurtri et lui arrache le collier du coup. Un magnifique ensemble de pierres rouges, serties dans une armature en or. Il prend également le temps de prélever son épée. Une lame dont la garde est incrustée de pierres précieuses et d’or. Plus utile pour se pavaner à l’intérieur de son fourreau.

"Préparez vous hommes pour demain. Je suppose que vous savez déjà où elle vit. Soyez à l’heure !"

Le shaakt laisse l’humain au sol et retourne sur les lieux de l’affrontement. A son arrivée, presque tous les regards se posent sur lui, son épée ensanglantée et son visage triomphant. Avec le cri de Goron, le bluff est parfait. Toujours contre les deux hommes, Naegrim effectue un retrait pour s’assurer de la réussite de Relonor.

"Tu l’as eu ?"

"Je me suis permis un petit cadeau avant de partir !" Déclare Relonor, montrant le bijou et l’arme supplémentaire. "Et ce qu’on est venu chercher ?"

"C’est encore en cours !" Répond son homologue.

"Compris ! Je m’occupe de l’Hinïon pendant que tu t’en charges !" Lance Relonor qui surprend Naegrim et part sans attendre de réponse.

Relonor se fraie un chemin dans le tumulte des combats et lorsqu’il croise le regard du maître d’arme, il l’incite à retrouver le shaakt plus loin. Il ne faut guère plus de temps à l’elfe blanc pour rejoindre et lui expliquer ses sentiments les plus sincères, lames en avant. Bien qu’il soit particulièrement fort, le nombre d’adversaire est un défi trop important pour lui, par la présence de plusieurs blessures plus ou moins graves. Eloignant l’habile guerrier, l’elfe noir se concentre sur sa défense et profite bref d’un moment d’accalmie pour parler.

"On est assez loin alors écoute-moi ! Tu maître n’est pas mort, mais il le sera bientôt si tu ne vas pas à son secours !"

"Tu mens ! Pourquoi je croirais un traître mot de ta sale bouche ?" Rétorque l’Hinïon.

"Pourquoi j’aurais pris le risque de t’emmener ici seul ? Istavari est une salope ! J’ai passé un marché avec Goron. Il n’y a qu’un moyen pour toi d'en être sûr !" Fixe l’elfe noir en continuant de parer les coups.

"Retraite !" Hurle Naegrim qui vient d’obtenir ce qu’il voulait.

"Libre à toi d’essayer de me tuer, mais vas-tu prendre le risque de laisser ton maître mourir ?" Demande Relonor le visage ferme.

Pour toute réponse, l’elfe blanc s’éloigne laissant le loisir à Relonor de parler assez fort pour que les fines oreilles de son précédent adversaire l’entendent.

"On se revoit bientôt !"

Profitant de la retraite, l'enchanteur se rue sur les corps pour emporter deux autres lames avec lui. L'une est de bonne facture avec le manche bien ouvragé en cuir solide et dont le tranchant semble excellent. La seconde paraît de moins bonne qualité, sûrement l'arme d'un misérable recruté récemment, mais il faut faire vite. Même s'il n'y a pas de petits profits, mourir n'apporte rien. Une fois les deux armes acquises, le shaakt retrouve son frère de peau avec le précieux objet en mains et lui donne de nouvelles instructions.

"C’est parfait, la maîtresse sera ravie ! Nous ne pouvons attirer l’attention des gardes en rentrant maintenant. Dispersez-vous pour la nuit et retournez dans la précédente demeure demain dans la soirée !" Détail l’homme de main avant de retourner vers l’enchanteur. "Tu m’as particulièrement bluffé ! Je parlerais à la maîtresse pour que tu reçoives un supplément !"

(J’aurais droit à quoi ? Une mort sans douleur, plus rapide ?)

"J'ai hâte d'être à demain dans ce cas !" Fait Relonor avant de disparaître dans la nuit à la recherche d’un abri sûr.

Chapitre 17 - Se reposer.
Modifié en dernier par Relonor le jeu. 8 avr. 2021 21:35, modifié 1 fois.

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Re: Les Terres Cultivées autour de Kendra Kâr

Message par Relonor » jeu. 8 avr. 2021 21:34

Chapitre 16 - L'art de la trahison.
VI.17 Se reposer


Relonor s’éloigne groupe assez rapidement. Un attroupement trop important attire particulièrement l’attention. Non seulement s’isoler lui permet de passer inaperçu, mais cela évite surtout les coups dans le dos. Qui aurait cru que ce boulot d’escorte dans une salle d’enchère aurait fini de la sorte ? Une réunion secrète au fin fond des bois la nuit, dans les cultures de Kendra Kâr, à se battre pour un objet dont il ignore encore tout. Pourtant, Relonor ne va pas s’en plaindre. Cette nuit, il a eu son lot de massacre et de chair meurtrie sous sa lame. Et cela ce n’est que le commencement. Sachant que l’elfe noire qui l’a employé n’avait pas un sous pour le payer lui, ainsi que les autres idiots embauchés récemment, l’occasion de la trahir cette nuit avec le seigneur Goron, le rival de celle-ci, était trop tentante. Un marché passé à l’abri des oreilles indiscrètes où ils se sont donné rendez-vous le lendemain pour tuer cette garce de shaakt. Ce soir, il a également eu l’occasion de voir une étrange magie à l’œuvre avec cette humaine, capable de recouvrer ses réserves magiques de façon étrange. Comparable à ses capacités d’enchanter des sorts au sein même de ses équipements, sans avoir recoure à un élément en particulier, laissant entrevoir la possibilité qu’il puisse user de cette magie à son tour.

Pour le moment, il profite d’un arbre pour se cacher dans les branches à bonne hauteur à l’aide de sa corde. Une fois en haut, ce temps de répit lui permet de mieux regarder les armes qu’il s’est dégotées à la lueur de la nuit. Comme attendu de la part d’un misérable, l’arme qu’il a ne vaut pas grand-chose. En revanche, celle recueillie sur un des hommes de Goron devrait bien se revendre. C’était d’ailleurs son intention avec l’arme du seigneur et ses magnifiques parures, mais après expertise, la qualité de l’épée s’avère être particulièrement bonne et son tranchant, dangereux à souhait. L’enchanteur s’en équipe donc avec plaisir et préfère utiliser les autres lames pour se fabriquer un nid plus stable pour la nuit. La corde enroulée autour du tronc principal et sur lui-même, Relonor use de la technique enviée de la majorité des races non elfiques : se reposer en seulement deux heures par une profonde méditation.

A son réveil, le jour ne s’est toujours pas levé. L’elfe noir descend de son perchoir pour se dérouiller les jambes avant de reprendre la route. A cette heure, les portes de la ville sont fermées. Pour autant, les marchands qui viennent en ville aiment arriver tôt le matin pour profiter d’une longue journée, pleine de profits juteux. Il se rend donc sur la route, attendant avec espoir la présence d’un de ces cortèges. Après le passage d’une petite troupe de militaire à cheval, ainsi que de messagers filant à vive allure, où le shaakt fait mine d’être un individu errant seul caché sous ses vêtements, un long convoi fini par apparaître au loin. Marchant vers la ville, il se laisse dépasser par le grand nombre de chariots tractés par des chevaux et d’individus à pied, avant de se fondre parmi les nombreuses personnes présentes et lorsqu’ils arrivent aux portes, les accréditations des marchands lui permettent de pénétrer à l’intérieur de la ville sans craindre d’inspections.

Chapitre 18 - L'apprentissage d'un pouvoir.

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tgmalf
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Re: Les Terres Cultivées autour de Kendra Kâr

Message par tgmalf » jeu. 26 août 2021 21:17

-----A-----


Lorsque j'ai débarqué de l'aynore, je me suis aussitôt enfui direction la campagne. J'avais aucune envie de traîner dans une ville qui laisse les gris atterrir juste à côté. En décampant, j'ai quand même remarqué cette race étrange, une sorte d'eruïon à la peau pâle, mais sans les oreilles pointues. Autant dire que j'avais déjà assez supporté d'elfes pour la journée, alors j'ai juste mis les voiles sans me retourner comme ils disent par ici. Ah ouais, les voiles c'est des grands morceaux de tissus pour faire avancer des bateaux avec du vent. Enfin bref, j'ai marché quelques heures le long d'une route jusqu'à ce qu'un des elfes ralentisse sa charrette en passant pour me demander:

"Holà, p'tit gars, t'as une drôle de couleur toi, ou bien? T'es malade ou on t'as jeté un sort?"

Je regarde un instant l'elfe étrange avant de lâcher d'un ton sec.

"T'occupe, l'elfe."

"L'elfe? J'suis point elfe mais un humain. C'la première fois qu'tu sors d'Mertar, ou bien? Comment qu't'es v'nu jusqu'là sans savoir ça?"

Il n'avait manifestement pas l'intention de me laisser tranquille, mais avait réussi à attirer mon attention. Je lui demande donc avec méfiance:

"Mertar? C'est quoi ça?"

Il s'exclame alors avec surprise:

"Un thorkin qui connait pas Mertar? Par Gaïa d'où t'es arrivé, toi? T'bien bizarre dans ton genre, ou bien."

Je ne sais alors pas ce qu'est un "thorkin" mais je n'avais pas l'intention de me faire traité d'elfe ou quelque chose du genre.

"Je ne suis pas un "thorkin" mais un rakhaunen, je viens du Naora! D'ailleurs, c'est quoi un thorkin? Et c'est quoi Mertar?"

"L'Naora? Rakhaunen? Ça m'dit fout'ment rien tout ça. Les thorkins, c'les p'tits gars comme toi, mais pas gris, et Mertar c'leur ville. J'pensais niaisement qu't'en étais t'énerve donc pas comme ça, j'suis bien désolé, ma foi."

Après un moment à se dévisager l'un l'autre, l'humain me propose de l'accompagner.

"Ecoute, p'tit gars, j'm'en r'tourne chez moi, à Amaranthe. S'tu veux voir les thorkins, tu d'vrais v'nir avec moi. Ca t'rapprochera vach'ment de Mertar et puis... Et puis à deux dans la charrette, on a moins d'chances de s'faire attaquer, c'plus sûr, t'vois?"

Tout en restant méfiant, l'humain m'a sacrément intrigué. Ces thorkins seraient-ils une race de rakhaunens habitant sur ce continent? Si tel est le cas, je pourrais tenter de les convaincre de nous aider à prendre notre revanche sur les gris. Et si ces routes ne sont pas sûres, sa connaissance de la région pourrait m'être utile. Je me décide donc à accepter son offre et monte sur son véhicule. Durant les dix jours de voyage jusqu'à la ville nommée Amaranthe dont l'humain dénommé Gaspard se dit être originaire. Je m'efforce ainsi de retenir les informations importantes que me fournit le bavard Gaspard, au milieu d'un tas histoire de pommes de terre, toutes plus inintéressantes les unes que les autres. Finalement nous arrivons en ville et je le suis dans la taverne où il veut me présenter à ses amis, prétextant que je suis une curiosité.
584mots

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Ezak
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Re: Les Terres Cultivées autour de Kendra Kâr

Message par Ezak » dim. 23 janv. 2022 15:15

Précédemment


Cela faisait un peu plus d’une quinzaine de jours qu’avait eu lieu la bataille et que nous étions sur la route depuis Oranan. Kendra-Kâr n’était plus qu’à une petite semaine d’efforts. L’avantage des voyages était que leur rudesse et leur longueur obligeaient à faire le point sur soi-même. Les jours passants, mon moral en berne avait fini par s’améliorer quelque peu. J’acceptais mieux les défaites et les pertes, et a contrario, je comptais aussi les victoires, si minimes étaient-elles. J’avais fini par toutes les lister.

Pour commencer, je vivais encore, ce qui, au vu de ce qui s’était passé durant la bataille, était un luxe. Ensuite, j’étais libéré d’Oaxaca après des années de fause servitude, je pouvais donc enfin reprendre le cours de ma vie. Quant au Roi… Oui , il était mort, mais la situation aurait pu être pire. Que se serait-il passé si nous avions échoué à contrecarrer le plan de Karsinar et Sarl qui visait à annihiler également l’Etat-Major ? La Princesse Satina, le Comte Ybelinor et son fils le Capitaine, Les Generaux Bogast et Andelys. J’avais quand même possiblement sauvé une sacrée grappe de dignitaire. Alors oui, j’avais servi avec honneur et hauts faits et grâce à cela, j’allais réaliser l’objectif de toute une vie : ramener les D’Arkasse dans la noblesse kendranne en devenant Chevalier.

Je n’étais pas le seul à faire preuve d’un peu plus d’optimisme au bout de ces longs premiers jours. Parfois, la nuit au coin du feu, des rires recommençaient à se faire entendre. Timides et encore rares, ils ne se prolongeaient jamais longtemps car la dépouille couverte du Roi faisait sentir sa présence, rappelant à tous les événements récents. Alors les bouches se plongeaient dans de nouveaux mutismes commémoratifs. Jamais je n’avais vu un cadavre si passif doté d’une telle puissance. C’était donc ça, la force d’une tête couronnée.

Je liai moi-même avec la dépouille un rapport particulier. Toutes les petites attentions qu’il suscitait finirent par attiser ma curiosité. Même mort, le Roi restait le Roi et cela me prouvait l’importance des symboles. Ils avaient du sens et ils influaient fortement sur la réalité.

Cela me faisait de plus en plus bizarre d’être si proche du pouvoir royale, fut-il détenu un dans cadavre, moi qui depuis mon enfance avait rêvé de ce monde, ce paradis perdu pour ma lignée. Un soir où je faisais partie de ses gardiens de nuit, je m’approchai quelques secondes de lui, contemplant sa silhouette sous la couverture. A voix basse je lachai :

« Vous me faîtes emprisonner, vous filez sans un mot, pas même un regard, sans un merci, Et aujourd’hui, je dois veiller tard dans la fraicheur de la nuit pour garder un œil sur vous, vous reposant éternellement… Si ça c’est pas de l’ingratitude…»

Le lendemain, comme pour me punir d’avoir eu la langue un peu trop libre avec Sa personne Royale, l’essieu de la charrette se brisa net. Bien que pas superstitieux pour un sou, je me jurai tout de même de ne jamais réitérer l’expérience, dans le doute.

Quoi qu’il en fut, l’ont dû trouver une solution et il fut décidé que nous irions quémander une charrette. Comme nous arrivions dans les terres cultivées de la principauté, les fermes du Royaume se faisaient de plus en plus proches. Je me dévouai, ainsi que quelques cavaliers elfes, à aller quérir cette charrette de remplacement. Nous eûmes à peine une ferme à vue qu’une patrouille montée de quatre cavaliers s’interposa entre nous et elle. Les routes dans cette partie du pays bénéficiaient d’une solide surveillance.

« Halte ! Où galopez-vous si vite armez comme vous-êtes. ? »

Lorsque j’expliquai à l’interrogateur la situation, je crus lire de la suspicion dans ses yeux. Il envoya un de ses hommes auprès des forces restées près du Roi pour vérifier. Lorsque l’homme revint, le visage blafard, il n’eut d’autres choix que de me croire. La patrouille nous escorta donc elle même jusqu’à la ferme, où le propriétaire visiblement très impressionné par le nombre de soldat sur ses terres, ne posa aucune sorte de question. En bégayant, il se dépêcha de nous mettre à disposition sa charrette avec laquelle nous repartîmes. Sur le chemin du retour, le meneur des cavaliers kendran s’adressa alors à moi.

« Je n’y crois pas que le Roi soit mort… »

Je ne répondis rien, ne sachant quoi dire. De mon point de vue, la mort du Roi constituait un épiphénomène compte tenu de la mise à mort massive qu’il y avait eu ensuite, mais la décence ne me permettait pas d le dire à voix haute.

Il continua alors, devant mon silence.

« Elle est où l’armée ? Pourquoi ce n’est pas la cavalerie kendranne qui vous accompagne ? »

« La cavalerie n’est plus… »

« Oh merde… »

« Comme vous dites… Et il n’y a pas que la cavalerie, tous ceux qui accompagnent le Roi en ce moment, sont à quelques exceptions les seuls survivants kendrans. »

Le visage de l’homme fut transpercé par le choc.

« Ça veut dire que… On a perdu ? On attend juste que Omyre déferle sur nous ?

J’expirai bruyamment. Répondre à cette question me fit mal. Je me l’étais posé tous les jours depuis la bataille.

« On a certes plus d’armée, mais Oaxaca et le Dragon Noir ne menacent plus notre existence. Alors… On n’a pas gagné, mais cela ne veut pas dire que nous avons perdu. Pas encore, du moins.»

« Gaïa nous vienne en aide. »

Je repensai émissaires des dieux venus nous sauver d’ Oaxaca.

« Il faut croire qu’elle l’a déjà fait… »

L’homme me jeta un regard intrigué, mais je n’en dis pas plus. Je n’avais pas très envie de revenir en détail sur la bataille. Je ne me sentais pas encore assez colmaté pour cela. Alors je détournai le sujet en donnant deux coups de talon à mon cheval pour accélérer le rythme.

« Dépêchons-nous de ramener cette charrette… »

°°°

Alors que la nouvelle charrette faisait son office et transportait aisément le Roi un phénomène étrange commença à se produire. Des cavaliers kendrans rejoignaient de plus en plus la cavalerie elfe protégeant la dépouille du Roi. Certains faisaient quelques kilomètres avec nous, quand d’autres restaient tout bonnement, bien décidé à accompagner leur souverain. La nouvelle avait fini par se répandre et nombreux étaient ceux qui venaient spontanément, avec leur monture grossir l’escorte du Roi. Cela fut d’autant plus flagrant lorsque que nous passâmes par la ville de Breem où un escadron tout entier quitta la ville pour nous suivre jusqu’à la cité blanche. Les jours passaient, il y en avait de plus en plus. C’était impressionnant à voir. Et chaque matin, je guettais avec ébahissement le nombre de ceux qui venaient toujours un peu plus nombreux que la veille, par petite grappe.

C’est ainsi, que lorsque les murs de la cité furent fut visible, nul ne rata de là-bas cette foule qui s’en approchait. De loin on nous pouvions déjà entendre les cloches de la ville s’égosiller.

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Lyra
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Re: Les Terres Cultivées autour de Kendra Kâr

Message par Lyra » lun. 26 mai 2025 14:23

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Le temps des adieux

Après plus de deux heures de marche, le paysage s’était transformé. La ville et son faubourg étaient loin à présent. Les bruits du marché s’étaient tus et le calme régnait dans la campagne breenoise. La route pavée était devenue un simple chemin de terre, bordé de haies basses et de vieux peupliers dont les feuilles bruissaient doucement au gré de la brise. La fraîcheur du matin s’était dissipée, remplacée par la chaleur encore douce d’un soleil montant. Paisible, mais sans pitié. Le vent ne pénétrait guère sous la capuche de Lyra, et le tissu sombre, porté par habitude plus que par nécessité s’était transformé en une fournaise. Sa nuque était moite, le dos trempé, sa gorge sèche.

« Idiote… » souffla-t-elle en s’arrêtant à l’ombre d’un arbre.
Elle venait de se rendre compte de son oubli. Dans la hâte et l’émotion, elle n’avait pris aucune gourde. Pas la moindre goutte d’eau. Elle tira sur sa capuche pour exposer son visage et ses joues écarlate aux bienfaits du souffle ambiant, espérant se rafraîchir. Elle s’assit sur une souche, laissant tomber sa besace qui lui sciait l’épaule. Ses jambes étaient lourdes, son souffle court. La mie du pain matinal était désormais aussi compacte qu’une pierre et pesait sur son estomac.
Les livres ne racontaient pas ça … Les voyages dans les grimoires étaient propres, simples. Il n’y faisait pas état de la chaleur, des pieds douloureux et de la sueur dans le dos.

« Tu as lue mille récits d’épopées, Lyra … Mais tu n’as jamais marché plus de deux heures … » soupira-t-elle, amère.

Elle ferma les yeux un instant, cherchant à ralentir les battements de son cœur lorsqu’une voix grave l’interpella.

« Tout va bien, demoiselle ? »

Elle sursauta et se redressa aussitôt. Sur la route, à une dizaine de pas, se tenait un homme d’une cinquantaine d’année, le visage tanné par le soleil, les cheveux grisonnants, attachés sous un chapeau de paille modeste. Il menait une petite mule bâtée, dont le pelage brillait sous la sueur.
« Vous devriez faire une pause, vos joues sont presque aussi rouges que vos cheveux » se permit-il de dire, d’un ton bienveillant.
Lyra n’osa pas lui avouer qu’elle marchait depuis seulement deux heures, elle joua avec ses mains, agacée par sa propre naïveté.
« J’ai oublié de prendre de l’eau … »
L’homme haussa un sourcil, mais sans raillerie. Il détacha une gourde de son flanc et la lui tendit.
« Buvez lentement, ça va vous faire du bien. »
Lyra accepta avec reconnaissance, ses mains tremblantes autour de l’outre pressaient le cuir afin d’en libérer le contenu dans sa bouche. L’eau était tiède …mais salvatrice.
« Merci… »
« Vous allez vers l’Est ? »
« Je vais voir une amie … Puis j’irai plus loin encore. »
Il sourit, compréhensif, comme s’il n’attendait pas plus d’explications. Il tapota doucement l’encolure de sa mule qui renâclait.
« Je prends vers le nord, mais on peut marcher ensemble jusqu’à la fourche, ça vous fera un peu d’ombre. »
Elle hésita, puis acquiesça d’un hochement de tête, se plaçant dans l’ombre de la bête de somme. Le silence du sentier reprit, entrecoupé seulement du bruit lent des sabots, des branches qui craquaient sous le vent et de quelques banalités échangées, sans obligation.

Ils marchèrent côte à côte jusqu’à une bifurcation marquée d’une vieille borne en pierre recouverte de mousse. L’homme s’arrêta, offrant une carotte à sa vieille compagne puis désigna le sentier sur la droite, d’un simple geste de la tête.
« L’est, c’est par ici, nous, on continue vers le nord. »
Lyra hocha la tête, prête à le remercier, mais il s’éloignait déjà d’un pas tranquille, la saluant d’un geste.
Elle reprit sa route, seule, suivant une pente douce agréable à dévaler. Les collines s’ouvraient sur une vallée verte, parsemée de toits de chaume, d’arbres fruitiers et de potagers.

La maison …

Le temps n’avait pas d’emprise ici, rien n’avait changé. Les pierres, les arbres et même les odeurs. Pourtant, tout lui semblait différent : Ce ne sont pas les choses qui changent, mais notre façon de les percevoir. La Lyra enfant, qui gambadait dans cette vallée semble bien loin à présent …
Le sentier la mena jusqu’à une petite maison basse, aux murs recouverts de vigne. Une grossière planche de bois peint, à moitié effacée, pendait à l’entrée:
"Remèdes – Plantes – Ecoutes."

La porte était entrebâillée, un parfum d’ortie séchée et de fleur de sureau flottait dans l’air.
Lyra hésita un instant, elle n’était pas revenue au hameau depuis plus d’un an déjà, et la vieille guérisseuse n’était plus en mesure de faire la route vers Breen depuis plus longtemps encore. Son cœur battait lentement mais fort lorsqu’elle poussa timidement la porte.
« Maela ? … » appela-t-elle d’un murmure rauque.
Pas de réponse immédiate. Puis, un bruit de pot renversé, suivi d’un râle d’exaspération.
« Si c’est encore Gilbert avec son dos, je t’ai dit que je ne pouvais rien y faire tant qu’il picole ! »
Lyra sourit malgré elle.
« Ce n’est pas Gilbert … »
Un silence. Des petits pas rapides résonnant sur le plancher. Enfin, une silhouette familière passa l’embrasure de la porte intérieure : Maela. Plus voutée qu’elle ne l’avait laissée, les cheveux plus blancs, mais les yeux toujours aussi clairs et lucides.
Elle s’arrêta net, surprise.
« Par tous les fluides… Lyra ?! »
La jeune femme baissa la tête, presque honteuse.
« J’aurais dû envoyer un mot … Mais je suis partie si vite … »
La vieille dame l’observa un instant. Elle s’approcha en ouvrant les bras et l’attira contre elle, sans un mot de plus.
Il n’y avait pas besoin de parler, pas encore. Pas tout de suite.

Un silence s’était installé, dense mais paisible. Maela n’avait pas relâché son étreinte. Elle finit par se reculer lentement, posant ses mains tremblantes sur les épaules de sa fille adoptive en l’observant avec attention.
« Tu as mauvaise mine ma pauvre enfant, est-ce que tout va bien ? »
Lyra tenta de hausser les épaules, mais cet effort superflu semblait trop lui coûter. Ici, elle n’avait rien à cacher.
« J’ai marché depuis Breen … Je n’ai pas dormi depuis hier … Peu mangée … Et je suis assez stupide pour prendre la route sans même avoir de quoi boire… »
Maela leva un sourcil et poussa doucement Lyra vers le cœur de la maisonnette.
« Alors entre, installe-toi avant que tu ne t’effondres et que je sois obligée de te ranimer à coup de racines amères. »

La maison était comme dans ses souvenirs. Naturelle, vivante. Un bazar ordonné. Des bouquets de plantes séchées suspendu au plafond, des bocaux en tout genre s’entassant sur les étagères, une odeur d’infusion constante.
Maela fit asseoir Lyra sur un tabouret près de la table et s’activa sans un mot. Elle fit chauffer de l’eau, ajouta une poignée d’herbes aromatiques dans une tasse, sortit une miche de pain, du fromage et quelques œufs qu’elle avait manifestement préparée pour elle-même. Le tout arriva très vite sur la table, dans une vaisselle en argile.
« Mange. Bois. Et après, tu me raconteras tout. »

Lyra, trop fatiguée pour répondre, obéit en silence. La nourriture était simple, mais incroyablement bonne. Chaque gorgée de son thé la ramenait en enfance.
Quand elle releva enfin les yeux, Maela était assise en face, l’observant distraitement en tricotant habilement avec deux aiguilles grossières.

« Alors, tu vas m’expliquer ce qu’il y avait de si pressé pour prendre la route épuisée et sans préparation ? »
« J’ai trouvé un livre … Un vieux grimoire oublié dans les archives. Il parle de magie, d’alchimie … Mais c’est surtout une note qui a attiré mon attention… Elle parlait du "Codex Oranel" de "l’ordre des cendres" et portait le même sceau que ceci.»
Lyra sortie son amulette de ses vêtements pour exposer la gravure aux yeux de Maela.
« Tu crois que c’est lié à ton père ? »
« Je n’ai jamais eu plus qu’un bijou muet et incompréhensible à son sujet. Aujourd’hui j’ai une piste. Un vrai lien ! J’aurais peut-être des réponses. Et elles se trouves à Kendra Kar, là d’où vient ce livre. »
« Et pour ça, tu as décidé de quitter la ville sans préparation ? »
Lyra baissa les yeux.
« Tu sais ce que je vois ? Une jeune femme brillante, perspicace, capable sans aucun doute de déchiffrer cet étrange grimoire… Et pas fichue de penser à prendre de l’eau avant d’entreprendre son voyage. »
« C’était idiot, je sais … »
« Non, c’était dangereux, et c’est ce qui m’inquiète. Je loue Gaïa que tu aie eu assez d’amour pour moi pour prendre la peine de passer par ici avant de prendre la route … Lyra, le monde ne se lit pas. Il se marche, s’affronte, et il faut s’y préparer pour pouvoir aller jusqu’au bout. »
Lyra joua avec les miettes de pain sur la table, le regard bas, comprenant sa naïveté.
« Tu vas rester ici cette nuit, tu vas te reposer, et demain, je te laisserai partir … Avec un véritable nécessaire de voyage … »
« Mais je- »
« Ce n’est pas une question. » Souriait Maela. Comment faisait-elle pour être aussi autoritaire et agréable à la fois ?
« D’accord … Une nuit. »
« Une nuit. » Confirma Maela. «Et un bain ! Tu vas embaumer mon séjour.»

La nuit venue, seule la braise de l’âtre jetait encore une lumière orangée sur le vieux plancher. Allongée sur une paillasse de fortune, le corps enfin nourri, lavé et enveloppé dans une couverture tissée par Maela, Lyra fixait l’ondulation des flammes qui se projetait sur les combles.
Le sommeil ne venait pas.
Trop de pensées, de tensions. Trop de ce vide qu’on ressent après une grande décision, quand l’on stagne au lieu d’avancer vers son objectif.
Elle tourna lentement la tête vers sa besace posée près du foyer. Elle tendit la main et récupéra le grimoire.
Le cuir usé grinça sous ses doigts. Le simple contact du livre lui donnait la sensation étrange de tenir quelque chose de vivant, bien qu’endormi.
Elle l’ouvrit, feuilletant les pages. Elle s’arrêta sur un diagramme circulaire étrange, partiellement effacé, mais dont certains symboles semblaient réagir à la lumière vacillante des flammes.
Elle fronça les sourcils, s’approchant un peu plus.
Des lignes en marge, écrites dans une encre brunie par le temps, pulsaient doucement, comme si elles dansaient au grès des flammes.
Elle inspira, les yeux clos. Concentrée à chercher au fond d’elle cette énergie qui lui est propre, ce sens qu’elle avait appris à écouter, à force d’expériences maladroites, d’essais parfois dangereux : Le feu. Cet écho, ce fluide qui vibrait en elle, comme la corde d’un arc après avoir décoché sa flèche. Et elle le senti, subtilement.
Le grimoire n’enfermait pas de magie au sens propre … Il attirait la sienne. Il éveillait ses pouvoirs.
Un frisson lui remonta la colonne. Pas de chaleur brulante, pas de révélation spectaculaire, mais une certitude viscérale : Plus qu’un support, ce livre était un catalyseur pour ses pouvoirs, un lien… Et peut-être même une boussole.
Elle referma doucement l’ouvrage, les doigts encore posés sur la couverture.
« Tu sais quelque chose … Tu veux m’en parler … Mais pas ici … Pas encore … Soit. »
Pensive, elle ferma les yeux pour méditer à tout ceci, et rapidement, le sommeil s’empara d’elle.

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Re: Les Terres Cultivées autour de Kendra Kâr

Message par Lyra » mar. 27 mai 2025 10:41

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Premier sang




Le soleil était haut depuis longtemps, et la chaleur n’était plus celle d’un matin doux. Lyra marchait depuis des heures. Le sentier, bordé de bosquets et de talus, ne semblait jamais changer. Terre, cailloux, haies, silence … Le crochet pour rejoindre le hameau de Maela l’avait détournée de la route principale pour Kendra Kar, et la monotonie de cette voie lui collait aux bottes.
Elle avançait d’un pas régulier, l’esprit ailleurs, bercée par le balancement de sa besace sur sa hanche, alourdie par les présents que Maela lui avait donnés plus tôt.

Elle s’y voyait encore, ce matin, dans la petite maison de son enfance.

« Une gourde pleine … Un petit couteau, de quoi désinfecter et panser tes plaies, deux jours de vivres. Tu peux oublier le reste, mais pas ça. »
Maela avait empaqueté les objets un à un, avec soin, comme si la bonne santé de sa fille dépendait de la précision de leur emballage.

La route s’était rétrécie, serpentant entre les collines boisées. Le calme, apaisant d’abord, était devenu sourd, pesant. Il n’y avait plus de chants d’oiseaux. Plus que le bruissement régulier de ses pas sur les feuilles mortes.
Lyra s’arrêta brièvement près d’un vieux saule pour resserrer la sangle de sa besace.
Le bruit fut presque imperceptible. Un raclement de pierre, un bruissement dans le feuillage…
Et une voix, grinçante :

« Regardez-moi ça. Toute seule, jolie comme un cœur, et même pas un bâton pour se défendre. »

L’air sembla se figer autour d’elle. Trois hommes sortirent de l’ombre d’un vieux chêne, un peu plus haut sur le talus. Leurs vêtements étaient sales, leurs armes simples : haches usées, faucille rouillée et simple bout de bois clouté. Mais ce n’étaient pas les armes qui faisaient trembler ses jambes.
C’étaient leurs yeux.
Ils ne la regardaient pas comme un être humain. Plutôt comme un bien abandonné sur le bord de la route.
Le souffle bloqué, le cœur battant si fort qu’elle ne parvenait même pas à inspirer, elle resta inerte, tendue, alors que les trois bougres s’approchaient avec nonchalance.

« J’espère que t’as quelqu’chose pour nous ma jolie »
« Je … Je … Je n’ai qu’un peu de pain » balbutia maladroitement Lyra, encore tétanisée.
« Du pain … » Les compères s’esclaffaient, « Oui, on va l’prendre. Mais pas que… »
« Laiss’ le môme s’occuper d’elle, faut bien qu’il s’exerce ! »
Le plus jeune du groupe était à peine sorti de l’adolescence. Blond, crasseux, portant un simple gilet de cuir rapiécé sur son torse nu. Il avança en direction de Lyra, menaçant avec son bâton cloué, un sourire fébrile au coin des lèvres, tandis que les deux plus anciens se gaussaient en retrait.

Lyra, toujours figée vit sa chance dans ce relâchement. Son corps réagit avant son esprit : elle tourna brusquement les talons et s’engouffra dans les fourrés à toute vitesse pour s’enfuir.
« Va ! Rattrap’ la, p’tit ! Et r’viens pas sans ton trophée ! »
Elle courut. Les branches griffaient son visage, fouettaient ses bras. Ses pieds glissaient sur le sol sec, elle n’avait aucune idée d’où elle allait. Seulement qu’il était à ses trousses.

Et il courait plus vite qu’elle.

Le sol dur, recouvert d’un tapis de feuilles mortes était traître. Dans sa fuite, Lyra heurta une racine saillante et s’écroula au sol, glissant sur une pente raide, jusqu’à s’écraser dans un creux, le souffle coupé.

Elle tenta de se relever.
Trop tard.
Il était là.

Il descendit le talus d’un pas rapide et agile, le souffle court mais stable. Ce n’était pas une bête. Pas un monstre. C’était un jeune adulte, plus jeune qu’elle. Nerveux, les joues rouges, son bâton serré dans ses mains moites. Mais dans ses yeux il y avait quelque chose de laid. De froid.
« T’aurais pas dû m’faire courir »
Elle voulut parler, il était seul et loin des deux adultes, elle pouvait le raisonner. Mais sa gorge se noua lorsqu’il se jeta sur elle.
Son premier coup dérapa sur son épaule grâce au tissu épais de son manteau, entaillant légèrement la chair. Mais le second, lui, frappa sa hanche de plein fouet. Elle cria. Une douleur sourde, profonde, irradia jusqu’à sa gorge.
Elle tenta de ramper, de fuir, mais il la saisit par la cheville et la tira vers lui. Elle se débattit, grattant la terre de ses doigts qui s’encrassaient.
« Arrêt’ de gesticuler bon sang ! »
Elle se retourna, les mains en avant en guise de maigre protection
Et lorsqu’il leva son bâton des deux mains, prêt à en finir…
Quelque chose se cassa en elle.

Elle ne pensait à rien, ni à sa magie, ni même à survivre, elle voulait juste que cet instant prenne fin.
Elle hurla.
Et le feu répondit.

Une gerbe brève jaillit de ses paumes tendues. Un feu cru, incontrôlé, vint frapper le garçon de plein fouet. Il hurla à son tour, mais pas comme elle. Son cri n’était pas de peur … Mais de douleur. Il recula en titubant, laissant choir son arme pour soutenir son visage de ses deux mains.
Une odeur atroce s’éleva. De cuir brûlé, de peau fondue.
Il s’écroula en arrière, tordant son corps sur la mousse et les feuilles mortes, dans un gémissement guttural atroce.
Elle ne réfléchit pas.
Lyra se leva d’un bond et courut, chancelant, fuyant à nouveau. L’adrénaline occultait tout … Sa jambe lançait, son épaule saignait et sa gorge brulait.

Mais elle était vivante…

Elle ne s’arrêta que lorsque ses jambes refusèrent d’avancer. Elle s’effondra dans un talus, le souffle brisé, le cœur tambourinant dans sa poitrine, prêt à jaillir.
Elle entendit le vent, les feuilles, le bruissement du courant de l’eau….

Mais pas de voix, pas de pas. Elle était seule.

Elle se redressa et tituba en direction du bruit de l’eau, la douleur commençait à être bien présente et affreuse. Niché à l’orée d’un petit vallon, cerclé de roches couvertes de mousse, elle trouva le ruisseau, qui formait une sorte de bassin naturel.
Elle déposa sa besace sans un mot et s’agenouilla au bord de l’eau. Elle se vit.

Ses cheveux étaient en bataille, entremêlés de branches et de feuilles, collés par la sueur et la poussière. Ses joues étaient ciselées de petites coupures encore à vif. Sa lèvre était fendue. Elle ne se reconnaissait pas. Ses doigts tremblaient. Ses bras brulaient de l’intérieur, comme si la magie était encore aux aguets, prête à surgir dans une nouvelle vague destructrice. Lyra plongea ses mains dans l’eau glacée. Un frisson remonta le long de ses bras, éteignant un instant le tumulte dans son esprit.
Elle retira lentement son manteau en grimaçant de douleur, puis le haut de sa tunique. Son épaule était en sang, bien que la coupure ne soit pas très profonde, et une large ecchymose venait orner son flanc. Elle toucha du bout des doigts et couina vivement sous la douleur. Le coup n’avait pas fendu la peau … Mais la chair en portait la mémoire.
En ouvrant sa besace, elle sortit les bandages et herbes médicinales que lui avait confié Maela plus tôt … Lyra n’aurait jamais pensé avoir à s’en servir, et encore moins le jour même de son départ. La vieille guérisseuse était vraiment prévenante … Elle nettoya les plaies à l’eau du ruisseau puis les désinfecta, tapissant ensuite sa peau violacée d’un onguent réparateur et recouvrant maladroitement le tout de bandages propres. C’était à ce moment qu’elle regrettait de ne pas avoir été plus attentive lorsque, enfant, elle assistait sa tutrice dans les soins prodigués aux villageois.

Ses pensées revinrent rapidement se recentrer sur les récents évènements …
(Il me tenait … J’ai crié … Le feu … Il a hurlé … Je l’ai défiguré …)
Elle termina d’enrouler le bandage autour de son flanc et le noua en serrant les dents.
Elle observa son reflet dans l’eau, comme pour se parler à elle-même.
« Il était venu me faire du mal. Il l’aurait fait … Et je ne voulais pas mourir… »
« Alors pourquoi est-ce que je me sens … Coupable ? »
Mais son reflet ne lui répondit pas. Il n’y avait que le bruit perpétuel de l’eau, qui courait le long du ruisseau, indifférent à ce que Lyra racontait.

Elle perdit la notion du temps, restant inerte, hagarde, jusqu’à ce qu’elle sente l’air ambiant se rafraîchir. Le jour tirait ses derniers rayons, et l’ombre des feuillages s’étirait lentement sur le sol. Dans sa fuite, Lyra s’était sans aucun doute perdue, et elle ne retrouverait pas son chemin de nuit. Elle rassembla quelques pierres qu’elle disposa en cercle et y ajouta du bois sec. Elle essaya d’allumer un feu, maladroitement, avec une pierre et un peu d’écorce. Après plusieurs tentatives, et plus d’un juron, elle parvint à produire une flamme chétive, mais stable. Elle n’était pas prête à réutiliser sa magie. Pas maintenant, pas après ce qu’il s’était passé.

Elle dressa un tapis de feuilles dans le creux d’un rocher, à proximité du feu, et tenta de fabriquer un abri de fortune avec du branchage. Le résultat était catastrophique. Résignée, elle se blottit sur son matelas sauvage et tira son manteau sur son corps pour se protéger. Elle observait la danse des flammes qui s’agitait dans son cercle de pierre en mangeant une partie de ses provisions, distraite.
Son regard s’attarda ensuite sur son grimoire, qui pendait aux cotés de sa besace.

Elle hésita.

Ses doigts frôlèrent la couverture, elle n’osa pas l’ouvrir tout de suite.
« Tu réponds à moi … Ou tu m’attires ? »
Finalement, elle l’ouvrit. Les pages anciennes exhalaient une odeur d’encre vieillie et de poudre végétale. Elle tourna lentement les pages, s’arrêtant sur les glyphes qu’elle avait déjà vus, puis d’autres, plus complexes.
Elle sentit une vibration sourde. Légèrement plus intense que la veille. L’ouvrage lui semblait plus familier. Toujours aussi secret… Mais moins étranger. Avoir usée de sa magie en sa présence a-t-il intensifié leur lien ? Si toutefois ce lien existe réellement…
Les pages du livre restaient pourtant énigmatiques. Bien qu’elle remarquât que certains glyphes revenaient de manière récurrente, souvent placées stratégiquement sur les diagrammes obscurs. Cela avait un sens, mais elle ne le saisissait pas encore.
« Tu es ancien. Tu es puissant … Et je suis encore trop petite. »
Elle referma doucement l’ouvrage et le garda contre elle, pensive.

Le crépitement du feu lui tenait compagnie. Le vent avait changé de direction, chassant les insectes. Au loin, un oiseau nocturne lança son appel.
Et pour la première fois, elle prit conscience de l’ampleur du chemin.
« Ce monde-là … Celui des routes, des dangers, de la peur … C’est lui que je dois traverser pour trouver mes réponses … »
« Ce n’est plus une idée … C’est … Réel. »
Elle s’allongea, son manteau tiré comme une couverture jusqu’au menton, le grimoire à portée de main.
Et alors que la nuit avalait les alentours, le froid se fit plus mordant. L'obscurité s'annonçait pénible et douloureuse. L'air gelé s'insinuant sous son manteau, la vision horrifiée du combat de la journée et la souffrance allant hanter son sommeil.

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Modifié en dernier par Lyra le mer. 28 mai 2025 10:01, modifié 2 fois.

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Re: Les Terres Cultivées autour de Kendra Kâr

Message par Lyra » mer. 28 mai 2025 10:00

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Le long jour de pluie




Le matin était venu sans lumière, noyé dans un voile gris. Lyra s’était réveillée plusieurs fois dans la nuit, les sens en alerte, l’oreille traquant chaque bruissement dans l’ombre. Les rares instants de sommeil avaient été entrecoupés, hantés par le souvenir de ces bandits, de la peur qu’elle avait ressentie, de l’image qu’elle se faisait du visage fondu de son agresseur.
Le froid l’avait saisie en milieu de nuit, s’infiltrant sous son manteau comme une lame lente. Et lorsque l’aube commença à poindre, une fine pluie, discrète mais permanente se mit à tomber. Son abri étant tout simplement inefficace, Lyra prit la décision de se lever. Assise au bord de son maigre foyer éteint, elle mâchait un morceau de pain dur, les doigts engourdis, les yeux cernés.
Elle ne parla pas. A qui l’aurait-elle fait ?

Lyra rangea ses affaires, lentement, vérifiant chaque objet avec un soin nouveau. Elle recouvrit son grimoire d’un tissu afin de le protéger, ajusta la sangle de sa besace.

Et maintenant ?

Observant autour d’elle, les sourcils froncés, Lyra accepta enfin de se poser cette question qu’elle refusait d’aborder hier :

« Où suis-je ? »

Dans sa fuite, elle avait quitté la route et coupa à travers bois sans réfléchir. Elle avait certes semé ses agresseurs, mais elle était à présent au milieu de nulle part …
Pas de panneaux, pas de bornes ni même de sentiers … Les arbres, et le cours de l’eau.
La panique commença à monter.

(Calme toi … Souviens toi de ce vieux traité sur l’orientation et la topographie que tu as recopié chez Norgal, que disais-il ? Le soleil ! Bien sûr !)

Elle leva la tête en direction des cieux, et soupira de désillusion. Des nuages épais emplissaient les cieux, la luminosité ambiante était faible et grisâtre et déceler la position du soleil relevait de l’impossible.

(… La mousse des arbres qui ne pousse que face au nord ? C’est critiqué, mais je peux me raccrocher à ça …)

En détaillant autour de l’humidité du ruisseau, elle inspectait les arbres, tristes et décharnés. A son grand regret, la mousse semblait proliférer de manière totalement aléatoire, sans se limiter à un vulgaire point cardinal.
Lyra se jura d’annoter dans sa prochaine copie de ce traité qu’il est mensonger et peu utile en situation réelle…
Elle sortit son carnet de notes et y griffonna d’un petit bout de charbon un croquis approximatif de la clairière, du ruisseau et de la pente où elle s’était effondrée la veille.

« J’avançais vers l’est … Et je me suis enfuie par la droite … Mh … Le sud donc. Ai-je gardé ce cap ? Espérons. »


Déterminée, elle glissa son carnet dans sa besace, observa la direction d’où elle venait la veille et adapta son nouveau cap en conséquence, espérant ne pas se tromper et ne s’en remettant qu’à son instinct.

Elle ne le savait pas encore, mais c’était une erreur.

Les pieds lourds et trempés après une petite heure de marche, elle continuait de s’enfoncer dans les bois. Pas de routes, pas de clairières … Rien.

« Tu t’es trompée … »
« Tu t’es perdue » murmura-t-elle au bord des larmes., faisant le constat de cette énergie dépensée en vain.

Reprenant son souffle et essayant de raisonner de manière lucide, elle décréta qu’atteindre un point haut serait la solution à ses problèmes. Scannant les alentours, elle se décida à suivre simplement le sens de la pente. Elle n’est pas dans les montagnes, elle finira bien par atteindre un petit sommet et pourra reconnaitre quelques points clés du terrain. Du moins, elle l’espérait.
Glissant dans la boue et les feuilles mortes détrempée, elle s’acharna, grimpant, encore et encore, souffrant, jurant et larmoyant. Mais ses peines furent récompensées : Une petite clairière, dégarnie, assez pour distinguer le paysage dans la légère brume lointaine. En prenant pour repère un mamelon qu’elle avait contourné hier, elle affina son cap. Lyra ne s’était pas totalement trompée, elle avait simplement dérivé. Concentrée à garder la bonne direction, elle finit, dans un immense soulagement, à retrouver un layon, qui sinuait entre les vallons, vaguement vers l’est.
Un souffle long, profond, s’échappa de sa poitrine. Elle sourit, délestée d’un poids qui pesait sur son cœur, et reprit sa marche. Dans la bonne direction.

La pluie fine et froide continuait de tomber, sans violence, mais sans relâche. Pas assez forte pour justifier un abri. Trop tenace pour l’ignorer. Elle s’infiltrait partout, imbibait son manteau qui devenait de plus en plus lourd.
Lyra marchait, courbée contre le vent, le pas lourd et la mâchoire serrée.

« Je … Déteste… La… Pluie. »

Ses pieds étaient meurtris. Ses bottes trempées, frottaient contre ses talons avec cruauté. A chaque pas son lot de douleur : Raideur de la hanche ecchymosée, ampoules plantaires, courbatures… Ses mollets étaient noués, ses épaules raides sous le poids de sa besace, dont la sangle creusait lentement contre sa chair, ignorant la couche de vêtement censée la protéger.
Ce n’était pas une bonne journée.


A la mi-journée, elle chercha désespérément un endroit sec. Elle trouva un surplomb rocheux, assez large pour s’y glisser à genoux. Un abri misérable, mais protégé du vent et de la pluie. Elle s’y cala contre la pierre glacée, sortit un quignon de pain détrempé et des fruits secs collés.
Elle mangea sans faim, les doigts engourdis, les vêtements lourds d’humidité.
Ses pensées dérivaient lentement vers les évènements de la veille. Maela, encore, et sa bienveillance. Les bandits, terrifiants. Ce jeune garçon, qui en voulait à sa vie, ses yeux bleus, empli d’une haine gratuite … Et l’odeur de son visage calciné lorsque ses émotions prirent le dessus.

Elle ferma les yeux, juste un instant. Un bruit l’alerterait si quelque chose approchait.
Juste un instant…

La pluie s’était enfin atténuée. Profitant de ce répit, elle reprit la route, décidée à faire avancer cette terrible journée. Ses bottes s’enfonçaient dans la boue, glissaient dans la glaise, chaque petite pente représentait un effort inestimable pour elle. Mais il fallait avancer. Chaque bruissement, chaque craquement qu’elle pouvait entendre lui rappelaient les menaces qui se trouvaient derrière elle.

Le jour commençait à baisser. Lyra grimpait difficilement sur une piste caillouteuse afin de franchir une colline. Elle arriva au sommet pour observer les alentours et poussa un immense soupir de satisfaction en apercevant la grande route. Ici, ce sera plus sûr, plus simple. Elle n’aura qu’à suivre cette route jusqu’à Kendra Kar.
Elle dévala doucement la pente de l’autre côté du mouvement de terrain jusqu’à sentir une odeur agréable. Une odeur de fumée, de viande qui mijotait … Un peu plus loin, au détour d’un bosquet, elle aperçut la lueur d’un feu. Des silhouettes assises. Des chevaux, des charrettes. Un campement solide et organisé. Ce n’étaient pas des bandits ni des fugitifs, plutôt une caravane ou des voyageurs en pause.
Elle hésita en s’approchant doucement. Sa gorge était sèche, ses jambes ne la portaient plus.
Une voix rauque interrompit ses pensées.

« Hé qui va là ?! »
En sortant des fourrés, un homme massif, portant une armure de cuir renforcée, de bonne qualité, s’approcha. Il avait l’épée au poing et semblait monter la garde pour protéger le campement. A la vue de la pauvre fille épuisée, minable et sans armes, il rengaina.
« Ah ! Tu ne m’as pas l’air très dangereuse petite, approche. Il y a un feu qui réchauffe et qui sèche ici. Nous sommes plusieurs. »
Lyra restait prostrée, hésitante. L’homme comprit.
« Nous sommes des marchands, nous avons également femmes et enfants. Tu ne crains rien ici. NOSHKA ! » Il s’égosilla de sa voix rugueuse. Une femme d’une trentaine d’année, habillée simplement, à la stature rompue aux voyages, quitta le campement en direction des voix pour répondre à l’appel.
« Noshka, occupe-toi de cette pauvre petite, elle est transie de froid, et je crois que ma barbe l’impressionne trop. » Il sourit, essayant de se montrer avenant.
La femme, Noshka donc, lui tendit le bras pour l’inviter à s’approcher du feu.


Le camp avait été monté en retrait de la route, à l’abri d’un petit talus boisé. Son emplacement, choisi avec soin et intelligence, était suffisant pour accueillir les deux charrettes bâchées, les chevaux attachés et les huit voyageurs qui formaient ce petit convoi. Un cercle de pierres noircies par les flammes entourait un foyer vif qui léchait une lourde marmite d’où s’échappait l’odeur d’un ragoût appétissant, mélange de racines, champignons frais et de viande séchée. Quelques armes de facture assez simple était disséminée à proximité de trois hommes mûrs, en tunique épaisse et bottes de qualité. Deux enfants chahutaient près du feu, tandis qu’une autre femme, plus mûre, semblait invectiver tout ce petit monde de se mettre à la tâche.

« Nous faisons halte ici, nous sommes en route pour Bouhen. Tu viens de l’autre sens ? »
« Oui, je me rends à Kendra Kar, et je viens d’un petit coin, au nord-ouest … »
En s’asseyant, Lyra grimaça de douleur.
« Tu n’as pas l’air en forme… Tu es blessée ? »
« Je vais bien … J’ai juste besoin de repos. »
« Il semblerait oui, mais pour ça, il faut soigner tes maux. Montre-moi, jeune fille. »
Noshka hocha de la tête à ses propos, insistant pour qu’elle accepte.
« Bien … » maugréa Lyra. Elle retira son manteau détrempé – qu’un des enfants installa aussitôt sur un râtelier près du feu – Et tira sur sa tunique afin de dévoiler son épaule et sa peau meurtrie, en essayant de préserver un peu de dignité.

D’une main compétente et délicate, Noshka retira les bandages souillés pour inspecter ses blessures, relevant les yeux sur sa patiente, un air compatissant et grave marquant sa bouche et ses yeux lucides.
« De bien mauvais coups ma fille…Les routes ne sont plus ce qu’elles étaient … Comment te sens-tu ? »
Lyra haussa les épaules, maussade. Elle n’avait pas envie de parler. Pas de ça. Son corps entier la faisait souffrir.
Compréhensive, la guérisseuse s’attela aux premiers soins, appliquant un baume d’herbes séchées et de nouveaux pansements.
« Tes plaies ne s’infecteront pas, c’est déjà une victoire. Tu t’en remettras. Plus vite que tu ne le penses. A présent, il te faut du repos, tu as la mine d’une voyageuse qui vient de loin et qui arrive au bout de ses forces… »
« Si seulement … La vérité, c’est que je suis sur les routes depuis deux jours à peine, et j’ai l’impression d’être déjà brisée …Je ne suis pas faite pour ça… » Lyra se confessa, amère. Avec un peu de recul, il était évident qu’elle n’était pas taillée pour l’aventure.
« Ma douce, les routes ne sont faites pour personne, au départ. Même pour ceux qui s’y croient préparés. » Rétorqua doucement Nochka en essorant une compresse de fortune dans un bol. Elle pointa d’un bref signe de tête l’homme solidement bâti qui avait accueillie Lyra plus tôt, un sourire plein de sous-entendus aux lèvres.
« Deux jours … C’est suffisant pour se demander ce qu’on fait là. Au bout de trois, tu sauras pourquoi tu continues. Mon mari était forgeron. Il disait souvent qu’on ne forgeait jamais un bel outil sans malmener le métal, pour l’assouplir, le rendre flexible et solide. » lui confia t’elle en glissant un clin d’œil bienveillant.
Lyra hocha la tête. Ses paroles étaient réconfortantes, mais, pleine de lassitude, elle n’y croyait qu’à moitié.
Rangeant son matériel, la femme se releva et jeta les vieux pansements au feu.
« Tu peux rester au campement cette nuit. Nous partons à l’aube. D’ici là, tu peux dormir sur tes deux oreilles, nous gardons toujours le périmètre, et quelqu’un veillera sur le feu. »


Le soleil termina sa course, plongeant les alentours dans un crépuscule calme, serein.
Le feu mourait lentement dans son cercle de pierre. La chaleur était douce, diffuse, et les voix du camp s’étaient peu à peu éteintes, remplacées par le froissement discret des couchages et le crépitement des braises.
Lyra, encore éveillée, était restée en retrait. Calée contre la charrette, emmitouflée dans une couverture prêtée, elle mâchouillait un morceau de viande séché. La douleur de son flanc s’était atténuée sous l’effet des soins, mais ses pensées restaient vives.

Elle sortit son grimoire d’un geste mécanique, comme si cela devenait un rituel, peu importe les circonstances.
Elle l’ouvrit à une page qu’elle n’avait encore jamais lue. Attirée par un schéma plus complexe, composé de spirales et de cercles entrelacés. Le glyphe central brillait faiblement à la lumière du feu, peut être était-ce encore son imagination ?
En marge, comme à l’accoutumée, plusieurs notes manuscrites, mais l’une d’elle attira son attention. L’encre pulsait, d’un reflet rougeâtre, le long d’un alphabet qui lui était familier. Elle ne le comprenait pas, mais l’avais déjà observé. Les lettres aux courbes élégantes et raffinées lui rappelaient les brides de mot elfique qu’elle a pu lire dans différents lexiques ou textes classiques. Elle sorti son carnet et retranscrit le plus fidèlement possible ces inscriptions, de peur qu’elles disparaissent. L’un des mots, dans sa construction, l’interpella. Facilement reconnaissable, elle l’avait déjà vu dans d’autres ouvrages, « Lié ? Enchainé ? » Elle n’en était pas sûre.
« Tu te laisses lire par fragments … C’est voulu ? Ou est-ce moi qui commence à te comprendre ? »

Elle n’entendit pas tout de suite les pas qui s’approchaient. Ce n’est que lorsqu’une voix, fluette et tranquille, s’éleva à sa droite, qu’elle sursauta légèrement.

« C’est un livre magique ? »
Elle se redressa à demi. Le jeune garçon devait avoir quatorze ans tout au plus, il se tenait adossé à l’angle de la charrette, un bol vide à la main. Il portait une tunique simple, et lorsqu’elle détailla son visage, Lyra se figea, le cœur serré.
La mâchoire étroite, les pommettes saillantes, les cheveux blonds, les yeux d’un bleu clair et froid. Il ressemblait au garçon de la veille.
Pas parfaitement non, peut-être d’ailleurs n’était-ce que son esprit qui lui jouait des tours. Elle le fixa sans répondre.
« Je … Euh … Désolé, je ne voulais pas déranger. J’ai juste reconnu quelques signes. Enfin … Pas reconnus. J’ai toujours rêvé d’en lire. D’apprendre. Mais j’suis pas un magicien, je ne sais pas faire. Je ne sais même pas lire d’ailleurs … Mais un jour, j’y arriverai ! »
Il s’assit plus bas que le feu, sans s’approcher.
Lyra ravalait un mélange d’angoisse et de colère sourde. Pas contre lui. Contre elle-même. Contre ce que son cerveau revivait.
« J’aimerais bien moi-même réussir à le comprendre … Il est ancien … Et pas très bavard. Il cache bien ses secrets. »
« T’es une apprentie ?! On est passé par la grande ville, et il y avait des mages là-bas ! Mais tu as l’air plus jeune, et moins sévère qu’eux, Ça oui ! »
Elle referma le grimoire.
« Disons que je suis une chercheuse … Et que je n’ai pas encore trouvé. » lui répondit-elle plus sereinement, avec une pointe de sympathie.
« Tu cherches quoi ? »
Lyra haussa les épaules, affichant une moue aussi perdue que celle du garçon.
Il hocha la tête longuement, attendant plus de détails. Sa question lui semblait pourtant simple, mais l’absence de réponse lui fit se sentir bête. Il finit par se lever, posa son bol dans la charrette et s’éloigna, déposant une dernière bûche dans le foyer avant de disparaître vers sa couche.
« Bonne nuit, mage, et bonne chance pour tes recherches. »

Lyra resta immobile, le grimoire contre sa poitrine, observant les braises mourir lentement, jusqu’à ce que le sommeil prît possession d’elle.

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Modifié en dernier par Lyra le sam. 31 mai 2025 12:56, modifié 1 fois.

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Re: Les Terres Cultivées autour de Kendra Kâr

Message par Lyra » sam. 31 mai 2025 12:38

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Avant la première porte



L’aube pointait timidement lorsque les premiers mouvements vinrent tirer Lyra de son sommeil. Le camp s’éveillait : murmures discrets, claquement de toile qu’on repliait, les bêtes qui broutaient joyeusement…
Elle ouvrit les yeux dans la pénombre du matin. Le ciel était dégagé, annonciateur d’une bonne journée. L’humidité de la veille pesait encore dans l’air, imprégnant les environs d’une odeur de mousse, de terre trempée. Son corps était encore alourdi par la fatigue, mais son esprit était bien plus clair. Des soins de qualité, un bon repos, des paroles réconfortantes, voilà bien assez pour chasser les idées noires qui l’ont hantée la veille. En se redressant, elle aperçut Noshka, occupée à sangler les charrettes, entourée par les siens.
Redevable de leur accueil, elle rangea rapidement ses affaires et proposa son aide. Elle plia les couvertures, aida à rabattre la toile épaisse des tentes et partagea un maigre petit déjeuner avec le groupe : Des fruits frais, un morceau de pain presque rassis, de l’eau.

Les adieux furent simples, sobres. Une poignée de main aux hommes, un sourire aux enfants, mais une étreinte amicale – quoi qu’un peu forcée – par Noshka.

« Que la fille des vagues te protège pour la fin de ton voyage ma douce. Préserve-toi, mais ne doute pas. »
« Merci pour tout, Noshka. Vous allez très certainement passer par Breen sur la route de Bouhen. Faites-y une halte, les voyageurs sont bien reçus. Allez voir le greffier, il loge dans la rue commerçante. Norgal. Passez-lui mes salutations, le vieil homme vous donnera ses bonnes adresses. »
Elle les observa s’éloigner, un sourire doux, presque naïf, accroché aux lèvres. La route n’est pas belle tous les jours … C’est difficile, pénible, et parfois dangereux. Mais on y croise de belles personnes…

Lyra se retrouva seule, à nouveau.
Mais cela ne lui pesait pas.

La grande route n’était pas déserte. Elle croisait d’autres voyageurs : marchands à dos de cheval filant à belle allure, colporteurs tirant des chariots grinçants, paysans ployant sous de lourdes hottes, aventuriers bien équipés … Chacun allait de son pas, quelques mots s’échangèrent parfois, sans prendre le temps de s’arrêter. Chacun vacant à son but, chacun portant le poids de sa propre fatigue.

A la mi-journée, alors que le soleil se montrait plus agressif, Lyra fit halte à l’ombre d’un vieux chêne. Alors qu’elle se reposait en mastiquant lentement le restant de son pain, un colporteur à l’air bonhomme, chargé d’un barda d’objets hétéroclites, s’arrêta à son niveau.

« Tu voyages seule, gamine ? Tu crèves pas d’chaud avec ce gros manteau ? »
Sans attendre de réponse, il s’assit sans gêne à ses côtés, chassant la sueur de son front d’un revers de manche.
« J’ai l’œil, moi. Toi t’as un d’ses airs de bibliothèque ambulante. Pis, ce livre à ta ceinture, j’suis presque sûr que c’est pas pour les recettes de cuisine, hein ? »
Il désigna le grimoire d’un coup de menton, l’œil rieur.
« J’parie que t’es des arcanes. »
Il sortit de son paquetage une broche tordue et un médaillon ébréché, sans valeur. Devant l’air refrogné de Lyra, il soupira.

« J’ai croisé un vieux tas d’pierre, là-bas, dans les bois. Une ruine, avec des marques bizarres. M’a hérissé les poils sur les bras ! Y paraîtrait qu’des sorciers y vivaient dans l’temps. Moi, j’ai pas touché à tout. Vais pas m’trimballer une malédiction en plus de mon barda. »
Il baissa théâtralement la voix.
« Si t’as l’goût d’la poussière et des vieux secrets, le sentier est à la fourche, juste avant le gros rocher plein de mousse. Mais, fais gaffe gamine. Des fois, ce qui est oublié, c’est pour une bonne raison. »
« Si tu trouves un machin qui cause, reviens pas me le vendre, moi j’vends que ce qui mord pas ! Mais si tu t’prend une malédiction dans les dents, viens m’retrouver sur la route, j’ai un talisman qui protège les longues oreilles comme toi, j’t’en f’rais un prix d’ami, pour sûr ! »

« Merci, mais ça ira… » Lyra se redressa, décidant de mettre un terme à sa pause.
Elle ajusta sa besace, son manteau et salua d’un léger signe de tête le colporteur, pour l’inviter à ne pas insister.
Elle reprit sa route en direction de Kendra Kar, ne tardant pas à arriver à une intersection, ornée d’un gros roc qui scindait les voies. La grande route s’étendait encore à perte de vue derrière les collines, et sentier, plus petit, partait à travers bois vers le sud-est. Curieuse et lasse de ce grand chemin monotone, elle décida de s’y aventurer à la recherche de cette fameuse ruine « maudite ».

Le chemin menait à une bâtisse ancienne, rongée par le temps et envahie par la végétation. Une ruine sans nom, saturée de ronces, dont les murs penchaient comme des vieillards fatigués. A travers le feuillage, Lyra distingua des arches effondrées et un dôme brisé, d’où pendait encore l’ossature rouillée d’un vieux lustre.
Elle passa par l’encadrement d’une ancienne porte absente, et entra.
L’air y était plus dense. Chargé d’humidité malgré la chaleur ambiante de la journée. Un parfum ténu, ancien, semblait imprégner l’édifice. Des fragments d’ouvrages pourrissaient dans un coin, certains ouverts, d’autres éparpillés, dévorés par la moisissure.
Lyra s’agenouilla avec précaution, ramassant l’un des volumes dont la reliure de cuir s’émiettait sous ses doigts. Le titre était effacé mais quelques caractères subsistaient, évoquant une étude sur les fluides. Elle tenta d’en tourner les pages, mais celles-ci se désagrégèrent à son contact, réduites en poussière.

Frustrée mais fascinée, elle poursuivit ses fouilles. Au fond de la salle, entre deux piliers fendus, elle découvrit ce qui semblait être un laboratoire : Pupitre d’étude, banc d’expérimentation, des fioles vides, la plupart brisées.

Un pan de mur entier, fait de pierres vermoulues, était recouvert d’étranges graffitis directement gravés dans la roche. La plupart étaient illisibles, mais en grattant, elle aperçut des brides de phrases, qui n’avaient malheureusement aucun sens à ses yeux. Dans son inspection, elle aperçut une pierre branlante, mal alignée avec les autres. Curieuse, elle sortit le vieux couteau de Maela pour gratter les restes de mortier, et faire levier sur la pierre pour l’extraire de l’édifice, espérant ne pas tout faire effondrer sur elle-même.

Elle la délogea et découvrit une petite cache sommaire avec un bien maigre butin : Une petite bourse de toile qui tintait de quelques pièces et un vieil anneau, piqué de rouille. Elle l’examina, l’objet n’était pas spécialement ancien ou précieux, mais il avait subi les affres du temps, pourtant il semblait pulser dans la paume de sa main, comme détenteur d’un savoir, ou d’un pouvoir, aussi maigre soit-il. Elle le ferait examiner par quelqu’un en arrivant à Kendra Kar.

Elle continua de vagabonder dans les salles accessibles, la bâtisse éveillant en elle une curiosité brûlante, enfantine. Elle se surprit à imaginer les mages qui étudiaient ici, leurs discussions, leurs erreurs. Elle sourit en silence.
Lyra rangea soigneusement ses trouvailles et quitta les ruines avec lenteur, le cœur allégé, l’esprit trop occupé pour prêter attention aux douleurs de son corps.

Alors que le soleil entamait sa descente, Lyra avait de nouveau rejoint la grande route. Au détour d’une colline, le chemin déboucha sur une hauteur naturelle, assez dégagée pour voir -bien plus loin- une ligne sombre barrer l’horizon : les remparts de Kendra Kar
Massifs, sombres, étendus. Couronnés de tours et de cheminées fumantes.

Lyra resta immobile un long moment. Le cœur battant, la gorge serrée. L’évènement n’avait rien d’héroïque, mais l’émotion vibrait en elle comme une éclatante victoire.

Elle avait réussi.

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