Je passe de rue en rue, questionnant les personnes que je croise. Tous m’indiquent un emplacement assez vague et leur avis sur ce qui s’est déroulé avec l’elfe est encore plus flou. Argent, rivalité amoureuse et même une histoire d’une plante torturée. Je commence à perdre espoir quand je vois un gamin avec des vêtements bruns troués en plusieurs endroits, juché en hauteur sur plusieurs caisses. Cette fois-ci, c’est sans aucun espoir que je pose une énième fois ma question.
"Et toi, t’aurais pas vu une elfe verte par hasard ?"
"Ca dépend !" Lance-t-il avec culot.
"Et ça dépend de quoi au juste ?"
"Ca dépend de combien tu peux avancer pour avoir l’info !" Renchérit-il avec un aplomb surprenant.
"Ben voyons ! Allez à la prochaine gamin !" Dis-je en commençant à partir.
"Moi j’l’ai vue la taurine !" Dit-il avant que je ne l’interrompe toujours en marchant.
"Taurionne !"
"Si tu veux. Elle était avec un mec bizarre !" Me stop-t-il du haut de son perchoir.
Je reviens à hauteur du mioche, intrigué par sa révélation.
"Et c’était qui ce type ? Il lui voulait quoi ?"
En guise de réponse il me tend une main vide, demandant de l’argent. Qu’ai-je à perdre avec tout l’argent que j’ai amassé ? Je lui donne quelques yus et attends mes informations.
"Alors ?"
"C’est votre copine qui avait besoin de lui. Elle voulait passer en douce au Naora." M’explique-t-il.
"Au Naroa, mais pourquoi ?" Fais-je à moi-même.
"A quoi il ressemble ce type ?"
Il me tend la main de nouveau pour quémander encore des yus. Je réprime l’envie de le corriger, mais finalement je lui donne encore de l’argent.
"Le double et je te dis même où il est en ce moment précis !" Fait-il avec son air narquois.
"C’est de l’extorsion !" Dis-je alors que je cède de nouveau, la main dans la bourse.
Il empoche la totalité et tend son bras, doigt pointé derrière-moi.
"C’est ce type juste-là !"
Je me retourne pour faire face à un homme qui dénote totalement avec le style Oranais. Malheureusement pour moi, l’homme remarque que l’on s’intéresse à lui et décampe rapidement du secteur. Ne pouvant pas perdre la seule piste que j’ai de retrouver Castamir, je me lance à sa poursuite. L’homme passe par des ruelles étroites rendant difficiles de courir. Cependant je suis plus malin et surtout plus agile. A l’aide de cabrioles, j’arrive à passer outre les divers obstacles qui se dressent sur mon chemin et réduit significativement la distance. Voyant sa stratégie mise en échec, ma cible change de stratégie en empruntant une ruelle plus propice à une vitesse de pointe. Cette fois-ci mes cabrioles ne me seront d’aucun secours, hormis peut-être une idée qui me vient en tête. Il me faut cependant attendre un peu, avant d’avoir la possibilité de gravir quelques caisses en bois qui me permettent d’atteindre le toit à ma droite, non sans perdre du terrain malheureusement. Peut-être pense-t-il m’avoir semé, car il se retourne plusieurs fois et ralentit quelque peu la cadence pour certainement s’économiser. La chance est avec moi pour le moment car l’architecture des toits me permet de le suivre assez vite, sans risquer de perdre mon équilibre. Il continue tout droit après un carrefour, me forçant à faire un bond de plusieurs mètres pour atteindre la maison suivante. Cette fois-ci je suis repéré. Le bruit de mon atterrissage n’est pas passé inaperçu et l’homme reprend sa course de plus belle après s’être assuré de ma position en hauteur. Plus question pour lui d’hésiter, il tourne à gauche pour me forcer à sauter de nouveau et se heurte à une charrette de fruits arrivant en sens inverse. Il tombe au sol avec un léger soupçon d’agrume dans l’air et les protestations du conducteur.
Il ne m’en faut pas plus pour bondir sur ma proie comme un chat sur une malheureuse souris prise au piège. Le choc est rude, surtout pour celui qui s’est trouvé sous mes bottes à ce moment-là. Je tombe un peu plus loin et me relève alors que l’homme dégaine une lame courte. Je le cerne un peu mieux à présent. Il porte un long vêtement gris foncé, dissimulant une chemise blanche cachée sous une veste bleue assez chics et des collants marron clairs. Ses cheveux châtains clairs se baladent libres au vent. Peut-être voulait-il jeter son ample vêtement au moment où je l’aurais perdu de vu et se cacher au milieu de la populace. Il frappe dans ma direction, mais il semble avoir du mal à accuser du choc et j’évite avec facilité le coup d’un salto sur le côté. L’homme est faible et en adoptant une posture souple propice à l’esquive il me sera plus facile d’éviter les coups.
(Non il vaudrait mieux économiser ton énergie. Si Castamir est en danger tu auras besoin de toutes tes force disponibles.)
(Tu n’as pas complètement tord. Cependant il a des informations pour moi, alors il est hors de questions de le tuer et mon énergie m’aurait été utile !)
(Essaie de le frapper aux genoux, comme tu l’as fait contre la créature de lave.)
(Oui enfin je ne suis pas parvenu à grand-chose non plus !)
(C’est une occasion idéale de t’entraîner pourtant ! Il est déjà affaibli et le fait d’être encore plus diminué va lui saper le moral. Aie confiance. Et puis il s’agit d’un humain cette fois-ci, pas d’un monstre de lave !)
Poussé par ma faéra et au mieux de ma forme, je concentre mon énergie. Comme lors de la première fois, j’enveloppe mon poing droit d’un manteau de force intérieure et la condense à la surface de ma main pour augmenter sa densité. Nouvel assaut de mon adversaire qui frappe au niveau de ma gorge, me laissant une ouverture. Je passe sous sa garde, évitant le coup de justesse, alors que mon poing désormais solide comme une pierre frappe son genou droit. Bien que le coup puisse lui faire mal, il n’en semble pas diminué pour autant. Sa jambe se meut toujours aussi bien et je suis contraint d’effectuer une roulade arrière pour éviter le coup de dague visant ma nuque dégagée.
(Non qu’il s’agisse d’un humain ou d’un monstre ne change rien au problème !)
(Tu t’étais essayé à une deuxième fois, rappel-t-toi les vagues.)
Effectivement, un vieux souvenir concernant des marins qui voulaient jouer un mauvais tour au p’tit mousse du bateau, m’a fait penser à une chose. J’ai été capable de les surprendre grâce aux ondulations de l’eau. Ca m’avait donnée l’idée de générer une onde de choc à l’impact, mais pas que, je pensais même guider cette onde pour atteindre l’articulation du genou. Ayant une bonne distance entre nous, l’homme profite de l’occasion pour tenter de s’enfuir. Me tournant le dos, je concentre mon énergie dans ma main pour l’émettre et bondis d’un coup. Je réduis rapidement la distance, trop rapidement même. Mon adversaire se retourne subitement par sa gauche pour me frapper de son arme. Malgré ma souplesse, cette fois-ci je ne peux qu’encaisser le coup alors que j’attaque de même. Sa lame m’atteint juste au-dessus de la clavicule. Je grince des dents alors que je crois sentir le froid de la dague contre ma chaire et je frappe à mon tour la même cible que précédemment. Je transmets au genou mon énergie modelée en une onde que je dirige. Je sens ma force intérieure atteindre le centre de l’articulation. Cependant, une nouvelle fois je ne parviens par à atteindre mon but. L’articulation semble toujours intacte et mon adversaire profite de mon désarroi pour reprendre le dessus. J’arrive à stopper son avantage avec un bon crochet de gauche et un direct du droit en plein pif.
(D’accord, là ça commence légèrement à m’énerver ! Je devrais en être capable, j’ai essayé plusieurs façons différentes et rien ! Une idée ?)
(C’est pas à moi qu’il faut le demander, c’est toi le spécialiste du combat.)
(Durant tes nombreuses existences, les êtres avec qui tu as vécus, il n’y en a pas un qui a été capable de quelque chose de similaire ?)
(Non aucun ! Quoique, après réflexion j’ai connu un maître de l’acuponcture !)
(Et c’est quoi comme style de combat ?)
(Ce n’est pas un moyen de se battre, bien au contraire. Il utilisait des aiguilles pour soulager et guérir ses patients. Cette technique est encore utilisée et soulage tous types de maux, physiques et psychiques…)
(D’accord donc je fais quoi, je lui me propose une séance de relaxation ?)
(Tout l’art est dans l’emplacement des aiguilles. Frappe simplement au bon endroit en essayant de toucher le genou.)
(Et je fais quoi depuis tout à l’heure au juste ?)
(As-tu essayé d’atteindre le genou en son centre ?)
(Et bien oui j’ai…frappé avec une enveloppe d’énergie et…provoqué une onde. D’accord tu as raison, je n’ai pas frappé l’intérieur du genou lui-même.)
Devant moi l’homme ne bouge plus. La main contre son nez qui saigne légèrement, il doit se demander pourquoi je n’agis pas. Il va vite comprendre qu’il aurait mieux fait de tenter de fuir à nouveau. Encore une fois je rassemble mon énergie, mais la concentre dans l’épaule. Ce n’est que lorsque je charge mon adversaire, une dernière fois je l’espère, que je la déplace lentement le long de mon bras. Arrivé à son niveau, il tente un coup de son pied droit pour me surprendre. Malheureusement pour lui je parviens aisément à passer outre et vient chercher l’articulation de sa jambe opposée, tendue au sol. J’accélère la vitesse de mon énergie dans mon bras pour qu’elle sorte au moment où je vais frapper le genou. Le coup touche, je sens ma force interne pénétrer à l’intérieur de la jambe et l’homme me confirme ma réussite avec un beau cri de douleur. Sa jambe désormais coincée, j’achève son moral en saisissant son bras armé et enchaînant les coups au visage. Sa résistance cède finalement lorsque son visage tuméfié prend diverses teintes de rouge et de rose.
"Bordel mais tu me veux quoi saleté de gamin !" Gémi-t-il.
"Tu as croisé le chemin d’une taurionne. Où est-elle ?" Lui dis-je l’air sévère.
"Je t’emmerde toi et ta copine verte !" Me répond-il, ignorant de la colère qui monte en moi.
Je dégaine ma dague de glace et la pose contre son visage en le menaçant.
"Tu sens ce froid ? Il n’est pas naturel ! Si tu as vu ce dont je suis capable avec mes poings, devine ce qui m’est possible une fois armé ! C’est la dernière fois que je te pose la question. Où est-elle ?"
"Il est trop tard de toute façon. Elle est déjà loin !" Dit-il.
"Tu ne m’as pas répondu, donc tu choisis une mort lente et douloureuse. Qu’il en soit ainsi !" Fais-je armant mon bras.
"Un petit bois !" Cri-t-il en m’arrêtant, puis reprend plus calmement.
"Un petit bois près des cultures de blés, direction d’Ishikawa. J’ai entendu parler d’une vente avec un type intéressé."
Ce type m’intrigue autant qu’il me rend fou. D’un ton calme et froid je lui pose cette question :
"Une vente dis-tu ?" Explique-toi !
"Les elfes vertes, c’est pas un truc qui se voit pas souvent en pleine ville et des hommes riches sont capables de grosses sommes pour en faire ce qu’ils veulent ! Plus c’est rare, plus c’est cher !" Explique-t-il.
(Des esclavagistes !)
Je ne peux réprimer l’élan de colère qui hurle en moi et le frappe à la tête avec le manche de ma dague pour l’assommer. Je dois faire vite pour devancer l’acheteur. Je déplace le corps contre le mur et lui fais les poches. Je suis malchanceux et je ne trouve aucun document relatif au kidnapping de Castamir. En plus de sa dague il possède une bourse de yus et…trouvé ! Une bouteille de gnôle ! Je vide une partie du contenant dans le gosier de l’homme et le reste sur lui. Avec un peu de chance, s’il m’a menti, je le trouverai encore sur place. Je fais l’état de ma blessure à l’épaule et remarque que l’armure a plus encaissé le coup qu’il n’y paraît. Malheureusement je crains que d’autres dommages ne ruinent complètement ma protection.
3 - Promenons-nous dans les bois !