La Sylve des Premiers Âges

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Yuimen
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La Sylve des Premiers Âges

Message par Yuimen » jeu. 16 août 2018 10:47

Sylve des Premiers Âges


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La Sylve des Premiers Âges, ainsi nommée parce que la légende dit que c'est en son sein qu'eut lieu, en -23 600, la guerre entre les Dryades et les Centaures, est l'une des plus vastes forêts du monde de Yuimen, l'une des plus ancienne aussi. Les Dryades échappèrent de justesse à l'extinction et rassemblèrent leur pouvoir pour créer une race qui leur ressemblait tout en étant plus puissante : les Oudios, dont ce serait le lieu d'origine. La forêt des Faëras lui aurait été rattachée, jadis, du temps où les hommes n'avaient pas encore défriché les plaines pour y établir leurs cultures.

Majoritairement constituée d'immenses arbres feuillus dans ses parties basses, elle se transforme peu à peu en forêt d'épineux en grimpant à l'assaut du massif des Jumeaux. Ces derniers eux-mêmes rapetissent inexorablement à mesure que l'altitude augmente, jusqu'à laisser la place à des buissons rabougris tordus par les vents. Deux grands fleuves la traversent: le Kenaris qui alimente le lac Hynim et les plaines de Kendra-Kâr, et le fleuve Blanc, qui serpente jusqu'à Gamerian avant d'aller irriguer les alentours de Bouhen.

Si ses bordures sud et ouest sont largement fréquentées et exploitées par les forestiers et les chasseurs, elle devient nettement plus sauvage à mesure que l'on s'y enfonce. Certaines de ses parties les plus reculées n'ont sans doute jamais vu d'humains et demeurent bien mystérieuses, mais s'y aventurer ne va pas sans risques car il y demeure d'antiques et puissantes créatures promptes à faire leur repas des audacieux. La flore, quant à elle, regroupe une multitude d'espèces, variables selon l'altitude, dont certaines d'une grande rareté, comme les Altefiz, les Curchrans ou encore les merveilleux arbres nommés Cheveux de Gaïa.

Plusieurs routes traversent la sylve, celle menant de Kendra-Kâr à Luminion en passant par Akinos, où elle se sépare pour se diriger également vers Oranan, mais aussi celle reliant Luminion à Mertar, nommée route du Col Blanc.

Lieux particuliers au sein de la Sylve des Premiers Âges:

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Vohl Del'Yant
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Re: La Sylve des Premiers Âges

Message par Vohl Del'Yant » sam. 6 avr. 2019 13:31

Il ouvre péniblement les yeux. Au-dessus de lui se trouve une toile de tente. Il reprend ses esprits progressivement : le camp kendran, Hïo Himatori, la fuite du campement oaxien, les loups géants et la pluie de flèches. Ses oreilles captent les éclats de voix d’une conversation.

« Si ce que vous nous dites est vrai, vous êtes des idiots. Vous et votre protecteur, ce Kage… »
« Je suis seul à blâmer pour le choix de cet itinéraire, je vous l’ai déjà dit. Kage a été contraint de me suivre pour assurer sa mission. »
« En ce cas, vous ne méritez peut-être pas de gagner cette compétition. »
« Vous me surprenez…je ne pensais pas trouver une opposition à la frontière kendrane ? »
« Je suis opposé à ce que vous avez fait car cela induit des risques pour vous, pour votre peuple mais aussi et surtout pour nous. Vous êtes un inconscient. »
« Comment ma conduite pourrait-elle vous mettre en danger ? »
« Je vais vous parler franchement. Vous êtes un gamin impertinent et gâté. L’importance de votre famille vous monte à la tête. Mais malgré cette importance, ici, je commande. Et foi de Gaïa, ne vous rendez vous pas compte de la situation que vous créez ? »
« Non ! Je ne vois pas comment rester à l’abri dans votre fort, décocher quelques flèches ou ouvrir par pitié vos portes a pu vous faire ressentir un danger quelconque ! Et je doute que tenter de rabaisser ma famille apporte cette réponse ! Alors je vous en prie, éclairez ma lanterne : comment deux hères comme nous peuvent-il mettre en danger votre bastion ? »

Le ton monte entre les deux hommes.

« Rester à l’abri dans mon fort ! Comment osez-vous ! Nous vous avons sauvé la vie, et voici la gratitude ynorienne ? Quelques secondes plus tard vous auriez fini entre les crocs de leurs loups ! Quant au danger que vous représentez ? Oooooh mais rien, voyons : une paire d’ennemis sont passés dans leur camp, ce qui constitue déjà en soi un affront de taille. Pour agrémenter cela, vous avez pu estimer les forces présentes dans ce camp, et vous vous êtes enfuis apporter ces informations à leurs ennemis. Non vraiment ! Aucune raison pour eux de réagir et de lancer un assaut ! »
« C’est…c’est ridicule ! Comment pouvez-vous croire que… »
« Oh et pour couronner le tout, on peut ajouter que vous avez probablement assassiné les sentinelles en faction ! Voyez-vous maintenant ? S’ils ne réagissent pas, ils afficheront leur faiblesse ! Et Oaxaca ne tolèrera pas cette faiblesse ! Donc oui, vous pouvez être sûrs qu’en ce moment, ils sont sur le pied de guerre ! »
« Mais voyons… Kage ? Tu vas bien ? »

Vohl tousse. Sa tête tourne encore, mais il se sent mieux, redressé sur le lit de camp.

« Ça va, Hïo. Bonjour, Capitaine. »

Il se redresse pour s’incliner devant l’autorité en charge de la place forte. Hïo vient immédiatement se placer à son côté pour le soutenir, passant un bras autour de son épaule. Vohl le repousse gentiment.

« Merci, Hïo, ça va aller. Capitaine, je suis navré du désordre que nous avons causé dans votre camp. Je sais que vous comprenez que nous n’avions pas d’autre choix que de chercher votre aide. Je prie Rana pour que vous ayez tort sur ce qui se prépare désormais, mais je partage malheureusement votre analyse. »
« Un sur deux que l’honneur ynorien ne pousse pas à l’imbécilité. Voilà qui redresse la moyenne…mais qui n’arrange rien. Même si je vous livrai maintenant, non seulement je passerai pour lâche, mais rien ne leur garantirai que vous n’ayez pas parlé avant. Et de plus, vous seriez aussitôt mis à la torture pour connaître l’organisation de ce camp. »
« En effet. Mais je suppose qu’Hïo n’a pas pu vous tenir au courant de tout. Peut-être est-ce le moment de vous faire part d’un rapport complet. »

Le capitaine hausse les sourcils soignés en une expression de surprise à moitié feinte.

« J’espérais que vous me diriez ça. Que savez-vous ? »
« D’abord, la base : le campement se situe majoritairement sur les parties surélevées : les portes amènent dans un goulot, dans lequel toute troupe sera soumise à un feu croisé redoutable. La mort d’une de nos montures à une centaine de mètre des fortifications en dit assez sur les capacités des Shaakts qu’ils ont dans leurs rangs. Les loups géants pourront également se jeter sur vous une fois votre avancée stoppée. »
« Pourquoi notre avancée serait-elle stoppée ? »
« Des épieux brise-charge. Trois rangées de pieux épais sont disposées dans le fossé, en rangs alternés. Au vu de la taille du camp et des patrouilles croisées, je pense qu’un peu moins d’une centaine d’oaxiens sont présents ici. »
« Vous oubliez les camps à proximité, qui auront tôt fait de leur prêter main forte. »
« Je n’oublie rien, Capitaine ; je vous fais simplement l’état des lieux de ce que nous avons traversé. »
« Bien. Rien d’autre ? Leurs installations de défenses sur les parties ‘supérieures’ du camp que vous avez décrit ? »
« Rien qui puisse vous être utile, je le crains, Capitaine. Les rotations des patrouilles sont d’au moins une heure dans la fosse, mais je doute qu’ils conservent le même rythme après notre passage. Les portes de la fosse s’ouvrent uniquement vers l’extérieur. Elles sont closes par une poutre transversale, et par un système de cordes. J’ai mis le feu à la porte dont je n’ai pas tranché la corde. Toutefois, au vu de l’humidité du lieu, vous ne devriez pas compter sur une fragilisation de la structure. L’accès à la fosse se fait par des échelles, il leur suffira donc de les briser pour bloquer un assaut en bas. Ils n’ont pas choisi cette position pour rien : elle est très clairement à leur avantage ! »
« Voilà un rapport précis et succinct. Seriez-vous par hasard détaché d’un bataillon d’armée ? »
« Malheureusement pour moi, non, Capitaine. »

Les yeux du capitaine le détaillent d’un regard acéré. Sa moue sévère s’agrément d’un sourire au coin des lèvres.

« Je suis surpris. Ces informations valent presque le risque que vous nous faites courir. Un assaut organisé était prévu dans le mois. Ces informations ont peut-être sauvé de nombreux hommes. Nous devrons en tenir compte lors de l’assaut. »
« Capitaine, je ne possède pas toutes les clefs de la situation, mais de mon point de vue, ce campement doit être traité avec un soin particulier. Ils seront particulièrement affectés par une attaque par le flanc, du fait de leur camp découpé en deux. Bien que le point soit stratégique, un assaut en deux temps en prenant d'abord un camp voisin pourrait être une solution.» Vohl fronce les sourcils en soupesant sa proposition.
« …Cette suggestion n’est pas stupide. »

Un éclat de malice traverse ses yeux, mais au fond de ses prunelles luit un intérêt réel que Vohl semble provoquer.

« Chercheriez-vous à vous faire engager comme stratège ? »
« Non, Capitaine. J’ai simplement à cœur de voir un jour Oaxaca défaite. »
« Nous partageons tous ce souhait, de ce côté de la frontière. Mais nous nous écartons du sujet principal. Je pense pouvoir me fier à vos informations. Je vous accorde le droit de passage…il semble que ce forgeron ait trouvé en vous un protecteur de confiance, Kage. Je tâcherai de me souvenir de ce nom. Kage ? »

Vohl répond sans une once d’hésitation.

« Kage No’Otoko. »
« Bien. Kage No’Otoko, votre protégé m’a expliqué que vous deviez faire route vers Mertar. Je présume que vous passerez par les crêtes. La route est fléchée, vous n’aurez qu’à la suivre. »
« Merci, Capitaine. »
« Ne me remerciez pas trop vite. Si je vous laisse filer, c’est pour plusieurs raisons : les informations, mais aussi le mode opératoire des légions oaxiennes. Ils ne perdront peut-être pas d’hommes pour venger l’affront que vous leur avez fait. En revanche, des assassins sont parfaitement dans leur style. Et autant vous le dire, je n’aimerais pas que ces assassins aient une raison de rentrer dans mon camp. »
« Je vois. Est-ce possible qu’en même temps que les assassins, vous nous laissiez quelques provisions et…un poney ou un âne pour mon protégé ? »

Himatori lève les yeux au ciel. « Un âne ! », semble-t-il dire.

« Je peux vous laisser des rations, nous en avons plus qu’il nous en faut. En revanche pour la monture…une des bêtes qui servait à acheminer les provisions s’est blessée il y a un moment. Elle est restée ici et s’est rétablie depuis, mais elle ne vaut rien comme monture militaire. Vous pouvez l’emmener. Mais je vous préviens…il paraît qu’elle peut être très caractérielle. »
« Cela ne posera pas de problème. Son propriétaire aura lui aussi la tête dure. »
« Bien ! Messieurs, je vous souhaite bon vent, et de la chance. Vous en aurez besoin ! »

D’un geste, il les congédie. Il demande à un subalterne de leur fournir les vivres et le cheval promis, puis quitte la tente. Les récriminations ne se font pas attendre.

« Est-ce là tout le respect auquel j’ai le droit, Kage ? »
« Hïo, lorsque nous ne sommes pas en position de négocier, il vaut mieux caresser notre hôte dans le sens du poil. »
« Je voulais m’en assurer. »
« Te voilà rassuré ! Allons-y ! »
« Kage… »
« Quoi ? »
« Tu m’as encore vouvoyé ! »
« Mais non ! »
« Pas maintenant. Pendant notre fuite. »
« Ah. C’est possible. Les habitudes sont difficiles à perdre…et même si je t’apprécie, j’ai du mal à te considérer comme un égal. En tant que 'mercenaire', je suis souvent traité en paria…tu te comportes un peu de la même façon, parfois. »
« Désolé, Kage. Tu as pleinement mérité mon respect. J’espère pouvoir faire quelque chose pour te rendre tes service. »
« Ne t’en fais pas. Si c’était important pour toi d’aborder ce sujet, tu as bien fait de le faire. Maintenant, allons-y. Je partage l’avis du capitaine : des assassins sont déjà probablement à nos trousses depuis que nous avons laissé les faunes décharnées et le gobelin. Ils suivront notre piste sans peine. Et au camp oaxien ils auront une description précise de notre visage. Nous n’avons pas été exactement discrets. »
« Entendu. Et… »
« Et quoi ? »
« Le capitaine t’a aussi pris pour un soldat. »

Vohl se gratte la barbe.

« La confusion est fréquente. »
« Si tu le dis… Bon ! Allons-y. »

Vohl commence à le suivre, lorsque le grognement de son estomac suspend ses pas.

« Attends un moment. »
« Hm ? »
« Combien de temps suis-je resté inconscient ? »
« Un jour à peine. »
« Un jour ! »
« Oui…Tu étais clairement amoché. Il a fallu te faire boire et manger. Et cela a permis de soigner, et de prendre soin de Hô. Elle aussi n’a pas été épargnée. »
« Hô ? »
« Ta monture, ta Hô, oui ! »
« Ah ! Oui, Mahô…Attends, Mahô est blessée ? »
« Oh que oui. Tu as demandé un cheval, tu aurais dû en demander deux ! Un carreau s’est fiché au garrot. Elle boitait comme une vieille carne ! »
« Le carreau a dû être tiré par un des cavaliers garzok. Elle n’aurait pas pu nous porter tous les deux, autrement. »
« Sans doute. Bon, on y va ? »

(Je rêve…)

Vohl ne s’offusque pas du manque flagrant de compassion pour sa monture. Le jeune forgeron a déjà montré qu’il ne se souciait pas vraiment de son propre compagnon de voyage. Il tâche de ne pas trop montrer son inquiétude pour la Cerfe avec qui il a noué des liens si étroits depuis qu’il l’a faite venir au monde. Une boule d’angoisse se forme tout de même, presque contre son gré, au creux de son ventre. Il presse Hïo de le mener jusqu’au destrier, et le suit d’un pas énergique. Lorsqu’ils arrivent aux écuries, le protecteur se rue dans le box d’où dépasse la tête de la créature exceptionnelle. Après l’avoir inspecté sous toutes les coutures, il ne repère que deux blessures : l’une bandée présente des compresses, l’autre, sans trop de gravitée, a fait l’objet d’un plâtre réalisé à la va-vite avec ce qui semble être de l’argile verte. Lorsque Mahô se retourne vers Vohl à son entrée dans l’écurie, il remarque le boitillement marqué de la fière femelle. Il espère que le cheval fourni gracieusement par les kendrans pourra transporter deux passagers : ainsi, il n’aura pas à faire porter son poids à la monture blessée. Après ce passage à l’écurie, on leur fournit vivres et une couverture supplémentaire.

Ils sortent finalement du camp avec leurs vivres rangés dans leurs sacs. Le cheval donné par le capitaine kendran est un cheval de trait, peu rapide, mais supportant de lourdes charges. Les deux voyageurs se défont des armes, boucliers et affaires qu’ils ne peuvent faire porter à Mahô. La Cerfe boite toujours un peu, mais la blessure a été soignée efficacement. A regard de l’allure du cheval de trait, elle ne les ralentira pas.

La route est dégagée pour l’instant. Le protecteur espère que cela dure. La neige rend les chemins glissants, laisse des traces et ralentit la progression. Au fur et à mesure de leur ascension vers les nuages, les compagnons sentent la température descendre. La brume les encercle avant la fin de la journée. Leur vision se restreint à une vingtaine de mètres. Ils dépassent plusieurs embranchements, continuant leur progression vers le col des montagnes. La grisaille permanente a raison des sujets de conversations. Il faut dire que le protecteur n’est pas des plus détendus : il prête l’oreille au moindre bruit, tourne la tête au moindre crissement de graviers, sursaute à la moindre brindille cassée.

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Vohl Del'Yant
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Re: La Sylve des Premiers Âges

Message par Vohl Del'Yant » sam. 6 avr. 2019 15:49

La traversée durera onze jours. Une fois atteint le niveau des crêtes, la variation d’altitude n’est plus un problème. Le cheval de trait au poil épais ne craint pas les températures qui se durcissent alors. Mahô non plus ne semble pas souffrir de l’apparition de la neige ; au contraire, c’est comme si elle retrouvait un élément familier. Il est vrai que c’est dans la Chaîne du Karathren et ses neiges éternelles qu’elle a fait ses premiers pas.

(Du défilé d’Aïsunidoriu, pour être exact.)

Lorsque la brume se lève en début de journée, les montagnes se dévoilent alors dans leur imposante majesté. La neige laisse dépasser des zones de rocher et quelques touffes d’herbes précoces. La neige est la seule ressemblance entre les pics acérés du défilé et les vastes étendues du royaume des thorkins. Là où les canines acérées semblent vouloir monter à l’assaut du domaine céleste, les molaires du Karathren se satisfont de leur position entre ciel et terre. Là où les rocs déchirés semblent être sur le point de se rompre à tout moment, les blocs solides paraissent immuables. Là où le relief semble lui-même atteint de vertige, la route appelle au contraire à la sérénité, à la réflexion sur l’importance très relative qu’a une existence sur cette terre.

(Oui, décidément…on ne peut pas faire deux montagnes plus différentes.)

Le manteau blanc, aveuglant, oblige les deux voyageurs à nouer un vêtement sombre sur leur tête afin de voir le chemin. Ce dernier n’est pourtant pas étroit, et indiqué par des panneaux lorsque les ornières créées par le passage de chariots disparaissent. Les roues de ces chariots semblent larges, car la trace laissée au sol fait au moins la taille de deux sabots du percheron. La raison leur apparaît lorsque les deux hommes croisent un de ces chariots. Il s’agit en réalité de traineaux. Les conducteurs de l’attelage sont pris d’hilarité en voyant arriver les deux hommes avec leurs tissus noués autour de la tête et chevauchant une seule monture. A cette occasion, Vohl sent Hïo bouillir intérieurement, mais il parvient à garder son calme. Vohl tâche de tourner le sujet en dérision : c’est vrai que leur allure ne les rend pas exactement ‘communs’.

Au fur et à mesure de leur avancée, les paysages ne varient finalement pas beaucoup pour l’œil neuf de l’assassin. Il a noté que le même schéma se répétait souvent : les vallées, plus chaudes, présentent de vastes pinèdes embroussaillées. Puis lorsque l’on regarde vers le haut du massif, la végétation devient plus dispersée, laissant voir de larges zones pierreuses, abruptes, vestiges de violences géologiques aujourd’hui oubliées. Les teintes de ces rocs vont du gris sale au brun clair, et rehaussent la clarté de la neige qui apparaît à cette altitude en de grandes étendues. A partir de ce niveau, les résineux encore présents sont poudrés de flocons qui alourdissent leurs branches ; c’est aussi à ce niveau que les feuillus disparaissent presque totalement. Un saule ici, un noisetier là…une cépée de frêne, profitant d’un torrent glacial pour humidifier ses racines. En remontant le court violent de la cascade, en s’intéressant de plus près aux stalactites qu’elle crée avant de s’élancer dans un vide vertigineux, on peut s’étonner de voir disparaître jusqu’aux arbustes résistants de chèvrefeuille et d’aubépine. Le regard de l’assassin porte jusqu’au sommet des monts : ici, même les pins, rois de la haute montagne, perdent en taille et en volume sous les vents et le climat rigoureux. Plus haut encore, ils passent de petit à rachitiques, puis brillent par leur absence. Les seules touches de couleur restantes sont les décrochements rocheux et les arrêtes battues par les vents.

En soirée, la montagne se pare de lueurs bleutées : le glacier signale sa position sous leurs pieds. Le soleil brille de mille feux avant de s’éteindre, laissant la nuit exposer ses étoiles dans un ciel pur. De nombreux refuges parfois utilisés par d’autres voyageurs leurs permettent de s’abriter dans une pièce relativement chaude. Les deux compagnons s’arrêtent toujours le plus tard possible, mais l’accueil de ces visiteurs tardifs est cordial et réchauffe le cœur comme l’âme – et l’estomac. C’est le premier groupe avec lequel ils partagent leur refuge. Une troupe de musiciens qui ont fini d’exploiter leur représentation à Mertar, et qui filent rapidement vers Oranan pour profiter de l’effervescence de l’Erementarîfôji d’ici la fin de l’hiver. La fin de soirée s’écoule lentement, au milieu des chants et des récits cocasses, parfois un peu pimentés pour la joie de l’auditoire, toujours avec un vocabulaire un peu fleuri. Les rires fusent régulièrement face aux mimiques et au jeu d’acteur des troubadours.

L’équipée s’endort finalement fort tard ; mis à part Vohl et une paire d’acteurs imbibés d’une bonne dose d’alcool qui continuent de discuter jusqu’au matin suivant. Vohl se renseigne ainsi sur les habitudes thorkines et les différents mouvements qui animent leur ville. Il apprend en particulier leur intérêt pour Valyus, jusqu’à l’extrémisme pour certains. Un groupe appelé « Enragés de Valyus » ont apparemment semé la pagaille à plusieurs des représentations de la troupe : ils reprochaient à ces derniers de tourner en dérision la divinité et de ne pas la mettre suffisamment en valeur par rapport à leurs récits. Un malaise léger semble planer lorsqu’il demande quelques précisions à leur sujet. Les troubadours finissent par confier entre deux nuages d’alcool que ce groupe présente des accointances pour le moins louches. Le financement du groupe semble être en particulier au cœur des intrigues. Il est également renseigné sur l’organisation générale de la cité, certains bouges lui ayant été présentés bien plus en détail que d’autres – le facteur discriminant semblant être le service en alcool davantage que la qualité des draps. Les discussions erratiques des éméchés s’orientant ensuite vers les préférences féminines et le caractère apparemment bien trempé de certaines thorkines, l’assassin se retire des échanges. Les deux troubadours semblent tirer un second souffle des bouteilles qu’ils vident, et tiennent donc compagnie à Vohl dans sa veille. Quoi qu’il apprécie, sans y participer pour autant, les jacasseries des deux compères, il regrette de ne pouvoir aérer la pièce sans livrer tous ses occupants au froid glacial. Les vapeurs d’alcool lui procurent presque le même effet que quelques verres, faisant remonter des souvenirs d’anciennes et irresponsables beuveries lors de son service dans l’armée. Il se laisse bercer par la mélancolie, passant le reste de la nuit plus à revivre ces anciens souvenirs que véritablement prêter attention aux dangers de la situation.

Dès les premières lueurs de l’aube, le protecteur tire Hïo de son sommeil. Il est temps de se remettre en route. Ils sortent rapidement, faisant de leur mieux pour ne pas réveiller les troubadours endormis et ceux, à moitié comateux, qui restent accrochés à la conscience par l’intermédiaire du goulot d’une bouteille. La figure de Hïo est loin d’évoquer la fraîcheur : Vohl se permet d’en rire un peu, ce qui a pour effet de transformer la moue fatiguée en une expression mi-figue mi-raisin. Ils détachent les longes des destriers et enfourchent tous deux le cheval particulièrement poilu. Vohl jette un nouveau coup d’œil soucieux vers sa monture. La Cerfe a repris du poil de la bête, c’est certain, mais sans savoir pourquoi, le protecteur a un mauvais pressentiment. Comme si un danger le guettait. La sensation d’être la cible de quelque chose, ou de quelqu’un. Il scrute le paysage. Rien. La combe dans laquelle ils sont descendu cette nuit, afin de s’abriter des vents et de gagner quelques degrés, ne montre qu’une blancheur immaculée. Pourtant, Mahô semble partager son impression : la voilà qui s’agite un peu, dressant les oreilles comme pour écouter le silence de la montagne. D’ici, on voit l’épaisseur du manteau neigeux qui recouvre la montagne. Par endroit, le glacier laisse voir des blocs jusqu’à plusieurs mètres d’épaisseur, eux-mêmes recouverts de plusieurs mètres de neige. Un bruit curieux retentit dans la combe. Comme si un géant faisait craquer ses doigts. Le son semble provenir de partout à la fois. C’est Hïo qui reconnait les signes avant-coureurs.

Il presse d’un seul coup les flancs de leur monture, qui accélère brusquement aussi vite qu’il le peut. Un nouveau craquement sourd retentit : les choucas, mésanges et moineaux présents sur les lieux s’envolent. Ce craquement ci était plus fort.

« Que se passe-t-il ? »
« C’est un début d’avalanche ! Une plaque est en train de céder ! »

Il pointe du doigt les rebords que Vohl observait précédemment.

« Celle-ci ! »

Le regard de Vohl se porte sur le bloc de glace. Et sur la cahutte, en contrebas.

« Et eux ?! »
« On ne peut rien faire pour eux ! »

Le protecteur le sait bien. Il a déjà vu –et subi – la force et la rapidité d’une avalanche. Ce qui l’étonne, c’est l’horaire choisi par celle-ci : le jour s’est à peine levé, et n’a pas eu le temps de réchauffer le glacier. Comme si l’incohérence ne suffisait pas, il n’a pas neigé depuis qu’ils sont arrivés sur les crêtes. Le forgeron semble penser avant tout à fuir les lieux, ce qui n’est pas pour déplaire à son mercenaire attitré. Mahô les talonne, boitant encore légèrement mais agrémentant sa course de quelques-uns de ses sauts planés si étranges.

Un troisième craquement retentit, plus fort que le second. Vohl semble capter du coin de l’œil un éclair de lumière, réfléchi par la glace. Il sent Hïo obliquer leur trajectoire, probablement pour sortir de la trajectoire de l’avalanche. Dans le même temps, une tenue chamarrée d’un de leur compagnon de la veille sort de la chaumière. Il oscille un peu, encore sous l’influence des litres de boisson. Vohl lui fait de grands signes et lui crie de faire attention. Il est aussitôt rappelé à l’ordre par Hïo.

« Tu veux accélérer l’avalanche ? »

Le cri n’a pas d’effet notable, cependant. Un nouveau craquement retentit, accompagné d’un nouveau reflet du soleil sur la glace apparente. Intrigué, Vohl se tourne. Le soleil n’est pas encore visible à l’horizon. On dirait que quelque chose de brillant, pris au piège dans la glace, cherche un chemin vers la sortie. Vohl n’a pas le temps de creuser davantage cette réflexion. Avec une lenteur majestueuse, un énorme bloc se décroche du surplomb glacé. Le bloc pivote lentement, tournant avec grâce alors que le craquement retentit encore dans la combe. Avec horreur, Vohl voit la masse fondre droit sur leur dernier abri. Puis c’est l’apocalypse. Dans un grondement de fin du monde, la masse écrase la maison, soulevant un nuage de neige. Le souffle du choc pousse les aventuriers en avant. Vohl, hypnotisé par le spectacle, voit s’élever les panaches de neige en même temps que d’autres morceaux de glace adjacents se décrochent du glacier. Le nuage s’élève d’abord en hauteur, avant d’être capté par le souffle de l’avalanche.

« Plus vite ! Plus vite ! »

Sa voix semble se perdre dans le grondement ambiant, mais le forgeron aiguillonne encore le destrier massif alors que Mahô profite du souffle pour tenter de planer. La violence de la rafale la prend toutefois un peu au dépourvu, et la monture assume une perte d’équilibre avant de se reprendre. Elle a tôt fait de les distancer, emportée par le vent. Le nuage de débris glacés et de neige les rattrape rapidement : alors qu’ils avaient parcouru un bon kilomètre avant la chute du bloc, le nuage de neige est déjà quasiment sur leurs talons. Hïo oblique brutalement, remontant la pente. Le lourd cheval est à la peine, et rase le tapis. Vohl appelle Mahô alors qu’ils sortent du cirque de glace. Ils s’en sont tirés juste à temps : une deuxième rafale, bien plus violente que la première. Ils sont projetés dans sur la neige durcie par des cycles de dégel et de regel. Leurs mains percutent en premier la croute de glace, avant qu’ils ne soient engloutis par une extension de l’avalanche. Vohl saisit le bras du forgeron. Ce dernier, encore conscient, l’attrape également. Ils sentent qu’ils se tiennent l’un l’autre, mais ne se voient pas malgré la faible distance qui les sépare. L’excroissance blanche les recouvre instantanément d’un voile blanc. La nappe mortuaire s’épaissit de seconde en seconde. Du coin de l’œil, Vohl voit le cheval de trait se redresser avant qu’une nouvelle épaisseur de neige ne le recouvre. Sous la violence des bourrasques, sa tête heurte à nouveau la plaque de glace, lui faisant brièvement perdre connaissance. Il revient rapidement à lui. Au bout d’un moment, le bruit s’estompe, sans que le protecteur n’arrive à déterminer si cela est dû à l’épaisseur qui les recouvre, remplissant leurs oreilles, leur nez, leur bouche.

Vohl cherche la main de son protégé. Il trouve les doigts de Hïo. Ils sont encore engourdis par le déferlement glacial. D’une brève pression, il s’enquiert de l’état du forgeron. Ce dernier répond par une contraction. Vohl est rassuré. Il faut désormais qu’ils sortent rapidement. Il s’apprête à creuser vers la surface, dont il perçoit la lumière filtrée par la neige, au-dessus de lui. Un bruit l’arrête. Un bruit distinct dans le silence retrouvé, l’avalanche s’étant éloignée, poursuivant son itinéraire destructeur plus bas dans les vallées. Un bruit de pas. Quelqu’un s’approche d’eux.

(Des secours providentiels ? Improbable.)

D’instinct, l’assassin se fige. Le forgeron sent son partenaire s’immobiliser. Il presse la main de Vohl, qui répond pareillement. Les pas s’immobilisent à proximité de leur localisation. Une décharge les traverse. De faible intensité. L’adrénaline, surement. Son erreur ne dure pas : une seconde décharge, plus intense, lui traverse les membres, de même que son protégé. Il ne résiste pas : son corps se tend sous la violence du flux électrique. Son mouvement froisse la neige bruyamment. Les pas s’éloignent un peu avant de s’arrêter. La piste d’un sauveteur est définitivement exclue. Vohl serre avec force la main de Hïo en la plaquant sur la neige. Il veut lui faire comprendre de ne pas bouger. Un hennissement signale que le cheval de trait n’a pas vécu les mêmes péripéties qu’eux.

Le protecteur tâche de s’extirper au plus vite de la neige. La couche qui les a recouverts cède rapidement contre ses gesticulations. Il parvient à se hisser sur la surface peu dense. Il reste enfoncé jusqu’aux genoux : à quelques pas, une créature humanoïde encapuchonnée lui fait face. Elle semble condenser quelque chose entre ces mains. De la magie. Vohl n’en a observé très peu au cours de sa vie : peu familier avec le domaine, il ignore tout à fait ce que l’homme prépare. Raison supplémentaire pour être prêt à réagir à tout moment !

La dernière fois qu’il a vu quelqu’un se servir de ces pouvoirs, il s’agissait d’Hivan Goont, invoquant presque instantanément des pics de terre pour empaler les soldats ynorien. Le sort que prépare le sbire oaxien en face de lui semble moins élaboré, mais l’air vibre autour des flashs électriques qui rebondissent d’une paume à l’autre. Vohl reconnait cette lueur. C’est celle qui luisait dans le glacier, à chaque coup de semonce de la montagne. Un éclat doré et bleuté, ce qui lui avait d’abord fait penser au reflet du soleil sur la glace. Autant pour sa vision poétique des choses.

Les courants bleutés et irisés d’un jaune or forment progressivement des arcs électriques, qui se concentrent progressivement autour d’un seul faisceau. L’aspect menaçant du sortilège n’ôte rien à sa bizarrerie aux yeux de Vohl. La ligne d’un jaune pâle semble se mouvoir par sa propre volonté, se tordant en tous sens, laissant des filaments électriques s’éparpiller un peu partout autour de la branche principale. Hypnotisé par le spectacle, Vohl manque d’oublier que cet éclair-là est manipulé par un ennemi. Il saute sur le côté. Juste à temps : le projectile magique part s’écraser contre la neige, sur laquelle il semble glisser après l’avoir percutée, laissant derrière lui une tranchée d’où la vapeur s’élève. Vohl se relève après son nouveau séjour dans la neige. Ses mains souffrent du froid : il tremble de toutes parts, encore glacé de son séjour sous le souffle de l’avalanche.

Le bruit de sifflement est à peine éteint qu’il reprend de plus belle : l’électricité naît encore entre les doigts de son adversaire. La forme est encore plus particulière : à une vitesse prodigieuse, le mage des éclairs semble façonner un filet fait de filaments plus fins, plus bleus que jaune. Cette fois, Vohl dispose d’un appui plus ferme : il se lance vers le jeteur de sorts. L’ennemi bat un peu retraite : son sort semble mettre plus de temps à prendre forme. Le protecteur en profite pour se catapulter vers l’homme encapuchonné, lame en avant. Son élan est dévié par le passage d’une violente bourrasque, qui le fait passer largement à gauche de sa cible. Un instant, Vohl craint que cette intervention soit le fruit de son adversaire. Toutefois le sortilège lancé par ce dernier le rassure : voulant anticiper la trajectoire de Vohl, le mage a été aussi surpris que lui de la bourrasque : le filet d’éclair va percuter un bloc de glace. Le bloc explose, comme découpé par le filet. Le sifflement de l’eau chaude sur la glace se fait encore entendre après le tonnerre de l’explosion. Une nouvelle bourrasque souffle, rabattant la capuche de l’agresseur. Le visage du Shaakt se révèle à la blancheur de la montagne. Vohl retient un hoquet de stupeur.

(Si vite ?!)

Il n’attendait pas les assassins d’Oaxaca aussi tôt, et pour cause : le temps qu’un messager atteigne Omyre aurait dû suffire à leur permettre d’arriver à Mertar. Ce jour d’avance signifie que le messager a littéralement dû se faire pousser des ailes pour signaler leur passage dans les lignes ennemies.

Emporté par son élan, Vohl se retrouve dans le dos de son adversaire et repart à l’assaut, armant une frappe verticale. Il veille cette fois à ne pas sous-estimer son élan : en aucun cas, il ne souhaite retourner de l’autre côté de son adversaire. Ainsi, le combat s’éloigne de son protégé et lui évite d’être atteint par une frappe perdue. Pendant son assaut, la neige se tasse sous ses pas, le déséquilibrant à plusieurs reprises. Autant dire que le magicien a le temps de le voir venir. D’une rotation du poignet, l’air semble vibrer autour de lui. La lame de l’assassin semble percuter un champ de force d’une résistance incroyable : le bouclier d’une nature inconnue renvoie le poids de la frappe de Vohl d’une pichenette. Du moins, c’est ce que Vohl pense dans un premier temps. Le visage noir, de l’autre côté du bouclier, tire une grimace et assumer un léger vertige avant que les lignes électriques ne se délitent.

Il se reprend rapidement, toutefois. Avec un cri de rage, il tire plusieurs projectiles vers Vohl. L’un l’atteint au genou, l’autre à la main gauche. Les impacts ne sont pas vraiment douloureux, mais suffisants pour lui engourdir les membres. Comme s’il perdait le contrôle de ses muscles, son genou cède sous son poids, et sa main manque de lâcher la dague qu’elle tient. La sensation disparaît rapidement, autorisant Vohl à se relever. Son esprit commence à traduire une colère frustrée : comment est-il censé pouvoir tenir tête avec des créatures inhumaines dont le répertoire de magie semble inépuisable ?

Son esprit n’est d’ailleurs pas le seul à s’échauffer, et des volutes de vapeur s’échappent de sa bouche. Il en va de même pour l’elfe d’ébène. Lancer des sorts semble tout aussi physiquement épuisant que se débattre dans la neige. Vohl doit reprendre son souffle : il se met en garde, prêt à réagir, aspirant de grandes goulées de l’air glacé. Le shaakt reprend l’initiative : il semble certain de sa supériorité. Pourtant, il chancelle légèrement lorsqu’il recommence à manipuler un faisceau d’éclairs qui fusionnent pour n’en former qu’un. Vohl reconnait le premier tour qu’il a esquivé. Le sortilège semble concentrer une grande puissance : peut-être est-ce pour cela qu’il est difficile à maîtriser.

Difficile à maitriser ou pas, le sorcier libère la nouvelle décharge en direction de Vohl. Heureusement pour lui, la foudre ‘artificielle’ semble moins rapide. Ou est-ce un effet de la fatigue de l’elfe ? Il se jette en avant, songeant qu’il faut profiter de cet instant de faiblesse. D’un mouvement de bras, son adversaire rectifie la trajectoire du projectile. Le flux électrique court sur les griffes en fer du protecteur, lui tétanisant la main et le bras. La décharge lui parcourt ensuite le reste du corps : sans être agréable, le léger picotement n’est pas handicapant. La tétanie de son bras, en revanche, risque de le désavantager largement lors de sa frappe. Jusqu’à maintenant, aucune de ses attaques n’est passée : entre le vent et ce genre de bouclier, le combat tourne à sa défaveur.

Vohl est conscient de la problématique de son style de combat. Il exige de la mobilité, contrairement à son adversaire. Et cette mobilité, le terrain la lui ôte sans pitié. Il doit trouver une astuce. Contraindre l’adversaire à venir vers lui. Le faire sortir de cette immobilité invulnérable. Alors il se lance toutes griffes dehors, dans un nouvel assaut. Il saute, aidé dans la prise de hauteur par ses bottes. Il s’envole. Un mètre. Deux mètres. Trois mètres de haut. Puis il tombe. Droit sur sa cible, les pieds en avant. Tel un Wunrkrol, il arrive au pied de son adversaire, défonçant la neige. L’adversaire perd l’équilibre. Tombe. Son bouclier magnétique fait pression sur les griffes métalliques de Vohl, cherchant à les écarter de la chute du shaakt. Mais Vohl tient bon, aidé par la neige tassée pour garder son appui. Il grimace en maintenant son bras droit. Sans la tétanie douloureuse qui le maintien tendu de force, il aurait peut-être cédé. Peut-être pas. Il n’y réfléchit pas : seule compte la douleur qu’il doit affronter. Et il réussit. D’un coup, le bouclier se rompt. Le shaakt chute sur les tiges acérées.

L’arme rate de peu son torse. Elle traverse son bras : le shaakt hurle de douleur. De haine, il semble expulser l’énergie qu’il lui reste dans une onde électrique. Cette dernière traverse Vohl. L’ironie veut que, reconduite par la tige de métal, elle traverse également le corps du lanceur, qui frissonne de douleur. Vohl s’accroche à lui, tâchant de l’immobiliser. Puis in choc sourd retentit, et le corps de son adversaire perd tout tonus en s’affaissant contre lui dans un soupir de vapeur. Derrière, Hïo brandit le marteau tel un dieu de la forge oublié.

Ses yeux inquiets trouvent ceux de Vohl. Une moue un tantinet hautaine vient se placer sur son visage.

« Quand monsieur No’Okoto aura fini d’enlacer son ami le shaakt, peut-être pourra-t-il me rejoindre ? »

Il lui tend une main secourable. Pour une fois, Vohl est content qu’il n’ait pas respecté sa volonté…il n’est pas sûr qu’il y aurait survécu. Il saisit la main qui lui permet de retrouver la surface neigeuse.

« On dirait que tu vas prendre goût à sauver ma peau. »
« Disons que c’est pour ma propre sécurité. »
« Quoi qu’il en soit, merci. Tu souhaites que je finisse le travail ? »
« Comment ça ? »
« Il n’est pas mort, juste assommé. Nous ne pouvons pas le laisser si nous voulons continuer aussi tranquillement que possible. »

Le jeune Himatori cille. Son regard passe de l’homme au shaakt à plusieurs reprises.

« Bon, je vais le faire. »
« Non ! »
« Tu veux le faire ? »
« Je…je ne sais pas. »
« Les seules questions auxquelles tu dois répondre sont : ta vie est-elle en danger ? Sa vie vaut-elle que tu mettes la tienne en péril ? »

Hïo ne répond pas. Il inspire à plusieurs reprises. Puis il hoche la tête avec cette fermeté dans les yeux. Il s’approche du shaakt et brandit son marteau. Il semble hésiter, l’outil brandit vers le ciel. Au moment où l’assassin s’apprête à poser une main pour l’aider à accomplir le geste fatidique, il abat le marteau. Il fracasse le crâne fragile de l’elfe. Le sang gicle avant de couler par paquets épais, colorant la neige comme une fleur rouge.

Hïo reste figé un instant, surpris par l’éclaboussure écarlate. L’air perdu, il se retourne vers Vohl, qui acquiesce. Ses yeux font la navette entre ses mains et le mort. Il brandit de nouveau le marteau. Vohl saisit sa main au vol et le plaque sur la neige. Hïo a le souffle court. Aucune soif de sang ne l’anime. C’est plutôt l’inverse, aux yeux de son protecteur : Hïo n’est pas et ne sera jamais un tueur.

« Calme toi. Tu as bien fait. Maintenant passe à autre chose. Pense à la dernière soirée et aux troubadours. Pense à la forge. A la faerunne. A Cherock. A Oranan, à ta famille. Pense au bien de la République ! »

Le forgeron semble progressivement retrouver ses esprits. Son souffle retrouve un rythme normal, après quelques minutes à inspirer profondément l’air glacé. Des larmes coulent de ses yeux, et roulent sur ses joues avant de tomber dans la neige. Vohl le libère. Le jeune homme reste encore quelque temps allongé, avant de se remettre à quatre pattes dos au cadavre, pour vomir. Il halète pendant encore un moment avant de se rincer la bouche et le visage avec la neige fraiche.

Vohl part fouiller le corps. Il cherche tout signe d’appartenance, tout objet étrange. Il trouve quelques pièces, deux petites fioles vides, et quelques autres petits objets. Lorsqu’il en prend un en main, une légère décharge le parcourt. Au loin, orbe d’un bleu électrique entre soudain dans son champ de vision. Il bondit en arrière, et balaie la sphère d’un coup de griffe. ‘Essaie’ serait en réalité le mot juste. La sphère, constituée d’air, semble insensible au traitement et vient se poser sur son épaule. Il la chasse encore, et la sphère cette fois tourbillonne un peu, avant de revenir. Il la chasse de nouveau. La lueur, placide, revient inlassablement. De lutte vaine, il finit par la laisser se poser. Aucune douleur n’arrive : l’assassin reste figé, et regarde avec suspicion la sphère luisante lorsqu’elle retransmet un message.

"Ici la Conseillère Shimi. Message du Conseiller Gale.
Attention ! Groupe Tonnerre d'Omyre à votre poursuite. Dangereux, fulguromanciens et psychomanciens. Protégez votre forgeron. Mesure de sécurité, date retour repoussée. 20 Kemenlartëa. Soyez prudent !"


Un message de la Conseillère Shimi ? Pour l’avertir de fulguromanciens et psychomanciens s’étant lancés à leurs trousses ? L’avertissement arrive un peu tard ! Et pour retarder le délai de retour à Oranan ? Cela ressemble à une manipulation d’un des protecteurs pour éliminer par forfait les autres protecteurs de la course. Vohl réfléchit : au bout du compte, la stratégie de protection de son forgeron reste inchangée. Aussi inattendu que soit ce message, les informations dont il dispose lui permettent de donner du crédit à cette nouvelle. Mais sans code permettant d’affirmer la provenance du message, il peut s’agir d’une ruse ennemie comme d’un conseil ami.

Il décide de ne pas en faire part à son protégé. Plus vite ce dernier sera de retour entre les murs oraniens, plus vite il sera en sécurité. Que des menaces pèsent sur lui, il n’en doute pas, et ce depuis le début du voyage. Ceux qui seront partis la fleur au fourreau risquent de ne pas s’en sortir facilement. Le fait qu’une Conseillère expérimentée comme Shimi précise la nature de la menace est étrange et presque plus inquiétant. Un drame est-il déjà arrivé ?

(Il faut que nous trouvions cette faerunne au plus vite.)

« Nous devons y retourner. »
« Hm ? »
« Nous devons retourner à la chaumière. Certains d’entre eux ont pu survivre ! »
« N'est-ce pas toi qui m'a dit que l'on ne pouvait rien faire ? »
« C'était différent : on ne pouvait pas en sauver à ce moment là. Je ne me fais pas d'idée sur la chance qu'il ont eu de survivre. Je veux juste vérifier. »
« Hïo…Comme tu voudras. Au moins, nous sommes sûrs que les avalanches ne se déclencheront plus. »

Ils se remettent en route. Vohl se retourne souvent, guettant une paire de bois apparaissant sur la neige. Rien. Le chemin n’est pas long pour retourner dans la combe. Mais l’avalanche l’a transformée : une étendue d’un blanc immaculé. Plus de maison visible. Pourtant, le forgeron s’avance.

« Hïo. C’est sans espoir. J’ai vu le bloc de glace tomber directement sur la maison. »
« J’ai compris. Mais nous devrions tout de même y aller.»
« Mais pourquoi… »
« Tu vois cette glace ? »
« Quelle…oui, bien sûr. Qu’y a-t-il ? »
« Tu ne trouves pas sa couleur…étrange ? »

Vohl regarde plus attentivement le glacier. Sous les premiers mètres de glace, des reflets se mêlent pour donner, effectivement, une allure particulière.

« Et que ? »
« Attends un peu. Nous devons nous approcher plus. »

Ils progressent jusqu’à la couche de glace. L’avalanche a fait apparaître une glace bleutée à verte, aux reflets changeants.

« Hahaha ! Quelle triste ironie ! »
« Pourquoi ? Cette glace t’intéresse ? »

L’illumination se fait sous le crane de Vohl.

« Ce n’est quand même pas… »
« Si ! Ceci n’est pas plus fait de glace que ta griffe n’est faite d’acier ! Mon cher Kage, bienvenue sur la tombe des troubadours. Bienvenue devant une poche de Faerunne. »
« Comment veux-tu procéder ? »
« Nous n’avons pas les moyens d’en transporter une grande quantité. Toutefois, nous avons une chance monstrueuse, pour le plus grand malheur de nos compagnons de veillée. »
« Ce n’est pas vraiment de la chance. Tu as fait l’objet d’une tentative d’assassinat : lorsqu’on fuyait l’avalanche, j’ai vu des éclairs semblables à ceux que lançait le fulguromancien shaakt. Je suppose qu’il a déclenché l’avalanche en se servant de ses projectiles magiques. »
« Je vois. Eh bien, je suppose qu’aujourd’hui, je ne te détesterai pas de m’avoir fait lever aux aurores. Tiens ! »

Il regarde un point au-dessus de l’épaule du protecteur ; Vohl se retourne. A l’entrée de la combe se tient une espèce de cerf complètement noir, aux bois majestueux. Devant le soleil levant, la silhouette se découpe tout en aveuglant les spectateurs de l’apparition. Un vent de bonheur souffle dans le cœur de Vohl.

« Mahô ! »

La monture galope vers eux. D’une formidable détente, elle semble s’envoler, alors que sa queue se déploie pour la faire planer jusqu’au groupe. Le destrier exceptionnel fait la fête autour de Vohl, plaçant son museau sur l’épaule de l’assassin, réclamant force de câlins et grattouilles que le protecteur lui apporte avec un plaisir non dissimulé. Hïo sourit en observant la scène.

« Quoi ? »
« Oh, rien. Rien du tout ! »

Vohl essuie discrètement une larme de joie sur sa joue.

« Bon ! Alors ce métal : combien pouvons-nous en transporter ? Et comment l’extraire ? »
« Avec ceci ! »

Hïo sort un coin et brandit le marteau encore ensanglanté.

« Ne t’en fait pas, j’en ai un aussi pour toi ! » dit-il en sortant une seconde paire d’outils de son sac.

Pendant une heure, ils s’échinent sur le bloc après que le forgeron lui ait expliqué comment il fallait procéder. Malgré une méconnaissance des outils et de leur maniabilité, Vohl pense faire amende honorable. Ils en extraient deux larges lingots. Le reste est enfoui sous la neige, mais ils n’ont plus de place pour transporter davantage. Ils doivent aller chercher du matériel dans la ville de Mertar.

Ils se mettent en route après avoir fait une courte prière pour les morts enfouis sous la neige. Le corps du fulguromancien, lui, est laissé aux vautours-moines qui se repaîtront de sa chair. En repassant devant le cadavre, le protecteur scrute le visage de son compagnon de voyage. Il affiche un air serein, légèrement dégoûté, sans que l’on sache si cela est dû au cadavre, à sa profession d’assassin, à ses origines oaxiennes, ou au fait de l’avoir tué. Sans doute un mélange de tout cela.

(Dans tous les cas, c’est une bonne chose.)

Quelques heures plus tard, ils arrivent en vue d’une porte colossale gardée par deux exceptionnelles statues de basalte : les gardes de la capitale thorkine.

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Vohl Del'Yant
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Re: La Sylve des Premiers Âges

Message par Vohl Del'Yant » jeu. 18 avr. 2019 00:46

Lorsqu’ils arrivent à une cinquantaine de mètres de l’enceinte fortifiée, Vohl fait signe à Hïo de diminuer l’allure en lançant un regard inquiet derrière eux. Mais les éclairs ont laissé la place à un silence de plomb. Largement de quoi miner l’ambiance, si le stress ne tenaillait pas déjà les entrailles des deux compagnons. Fort heureusement pour eux, ni les gardes de la première, ni les gardes de la seconde enceinte ne semblent au courant des troubles qui agitent la cité thorkine.

(Sans quoi nous aurions sans doute été contraints de fuir ou de subir un nouvel interrogatoire afin de vérifier que nous n’étions pas des ennemis de la nation. Espérons que les dirigeants de cette cité sont plus sages que ne le laissent paraître leurs subalternes.)

Tous deux passent sans encombre l’une et l’autre porte. Les voici de nouveau sur la route du Col Blanc, tant redoutée. Le temps ne les a pas attendu, pendant leur périple souterrain : la température est bien plus clémente que deux semaines auparavant. Le dégel est amorcé : cela se sent. Cela se sent, non seulement dans la chaleur qui couvre leurs membres, mais aussi dans le parfum de l’air, colporteur d’une odeur d’herbe fraiche. Loin de l’air glacial de l’hiver et de sa pureté presque blessante pour les poumons, même à cette altitude on sent qu’il est chargé d’autre chose – sans pouvoir précisément définir quoi.

Peut-être l’impression d’être libre après plus d’une semaine de captivité sous des tonnes et des tonnes de pierre contribue-t-elle aussi à cette sensation. Leurs yeux papillonnent, éblouis, par la blancheur blessante de la neige au soleil. Comme durant l’aller de leur trajet, ils entourent leur tête d’un tissu foncé qui leur permet de tolérer la luminosité crue de ce milieu. L’odorat est bien le seul sens qu’ils ont à leur disposition pour comprendre le changement qui s’est opéré ici. S’ils avaient pu compter sur la vue, sans doute auraient-ils vu que la neige semblait plus compacte qu’avant, ou que la teinte des glaciers, des glaces éternelles ou des névés tenaient désormais plus du bleu que du blanc. Mais leur séjour dans les profondeurs de la terre les prive de ces observations.

Ils avancent donc, au milieu de ce qui leur semble être un immense voile blanc duquel ne dépassent que quelques conifères maigrichons, taches brunes sur la couverture immaculée. La route leur est familière, et les marchands qui ont voulu partir dès les prémices du printemps ont marqué la piste de nouvelles traces d’essieux. La piste qui descend depuis l’entrée de Mertar permet à Vohl de récupérer de leur fuite effrénée dans les tunnels. Leur avancée se fait en silence, tous deux en train de se remettre de leurs émotions, à moitié perdus dans leurs pensées, et l’autre moitié concentrée pour éviter les congères presque invisibles avec le manque de visibilité.

“Nous allons devoir nous arrêter au niveau du dernier refuge.”
“Le dernier refuge, c’était...”
“Oui.”

Malgré son contrôle, une grimace tord la bouche du forgeron.

“On ne va quand même pas dormir au milieu d’une avalanche !”

Il y a fort à parier que ce n'est pas l'avalanche en elle-même que déplore le forgeron... Mais Vohl décide de le prendre au mot.

“En fait, ce pourrait bien être plus facile que tu ne le pense... La neige doit être facile à creuser. Et ce sera l’occasion de récupérer, si nous avons un peu de chance, le minerai qu’il te manque.”
“Ce serait bien, je te l’accorde. Mais après tout ce que nous avons vécu, je préférerais revenir vivant.”
“Serait-ce un brin de prudence ?”
“Tu as une influence déplorable sur moi.”
“Si tu savais comme je m’en veux... enfin, quoi qu’il en soit. Nous n’avons pas le choix, si nous voulons te donner une chance pour l’Erementarîfôji.”
“Qui pourrais croire que tu deviendrais moins prudent que moi...”
“Oh eh bien, si ton ancienne obsession de prouver ta valeur ne t’intéresse plus du tout, on peut toujours faire comme en omyrhie...”

Le souvenir de la nuit sans repos suffit à faire de nouveau grimacer le forgeron.

“D’accord, d’accord. Tant qu’à faire, autant profiter de l’occasion pour se donner une chance. Pas la peine de devenir déplaisant, grand sermonneur Kage.”
“...”
“...”

Et tous deux de s'esclaffer devant la scène de théâtre qu'ils viennent de jouer. Vohl laisse parler sa curiosité, une fois son hilarité calmée.

“Tu as une idée de ce que tu souhaites faire pour le concours ?”
“Eh bien...les œuvres sont imposées, mais je n’ai pas encore eu le temps de vraiment réfléchir. Je dois me démarquer, mais je ne veux pas répéter ma performance d’il y a quelques années. Nous avons tous le même métier, et pour la plupart, la même origine.”
“Mais ta famille a été le fournisseur exclusif de l’armée pendant des années : cela devrait déjà faire pencher la balance en ta faveur, non ?”
“Tu ne me réconfortes pas vraiment. Je ne souhaiterais surtout pas vaincre par ‘habitude’. Et je doute que cela ait la moindre valeur aux yeux des juges. Ou du moins, je l’espère... Non, je veux produire une armure qui parle de l’histoire d’Oranan. Je veux une armure que les légions noires apprennent à redouter. “

Voilà un manque de confiance en lui qui surprend Vohl. Le forgeron n'est pourtant pas le dernier auquel l'opinion commune dédie des louanges ! Et après ce qu'ils ont vécu et ce que l'assassin perçoit dans le cœur du jeune homme, ce sont loin d'être des louanges volées.

“Il est dommage d’écarter ainsi ton expérience... comme tu le disais au début de notre voyage, ce n’est pas rester le fournisseur officiel qui te démange. C’est de préserver ta patrie. Et cette dévotion, cette foi inébranlable, je suis certain que presque aucun autre forgeron ne l’a. Non qu’il faille abandonner la prudence pour faire preuve de ta loyauté. Mais je pense qu’aucun forgeron n’aurait sciemment fait un détour par les landes noires, terre de nos ennemis depuis des siècles, pour être à la hauteur de cette épreuve.”
“C’est sans doute vrai. Je ne nie pas les efforts que j’ai fait. Parfois, la tâche me semble si colossale que...eh bien, ne serait-ce que s’y attaquer demande un effort incroyable. J’ai pour moi la connaissance des fonctionnements de l’armée d’Ynorie. Je suis un forgeron doué, je ne le nie pas... ce serait de la fausse modestie et méprisant pour ceux qui ont moins de chance que moi. Et pourtant, lorsqu’il s’agit de me vanter, de me mettre en avant face à des confrères, je suis pris par le doute. Mais tu as dit une chose qui m’intéresse... je veux préserver. Peut-être pour cela suis-je le candidat idéal pour la création d’une armure, là où d’autres préfèrent confectionner de magnifiques lames.”
“C’est ce que je pense. D’ailleurs, pour avoir observé de près les confections de ta famille, je peux sans doute t’aiguiller sur des modifications à apporter. Au sens d’un soldat, il est crucial que l’armure soit fonctionnelle.”
“Je n’y avait pas songé ! Tu as parfaitement raison...tes connaissances en génie militaire pourraient m’aider à démêler les véritables améliorations des armures ynoriennes ! Cependant... ce ne sera pas tout. N’oublie pas que ce sont les Conseillers qui jugent, et pas une unité de fantassins qui pourront mettre en avant la fonctionnalité de mon armure. Il faudra qu’elle combine tous les domaines : l’esthétisme, la symbolique, la maniabilité, la protection, l’efficacité.”
“Effectivement. Malheureusement, je crains de ne pouvoir t’aider que sur les trois derniers.”

Le forgeron lève la main, imposant le silence à son interlocuteur.

“Ce n’est pas tout. On nous a imposé des métaux. Je ne dois pas me contenter de faire une armure et de dire : voyez comme elle est légère ! Non... il faut que l’on se dise : bon sang, il peut faire ça avec de la faerunne ? Et en plus, elle ne pèse que ça ! Cette propriété du métal doit être la cerise sur le gâteau.”
“Je vois ce que tu veux dire. Un final éblouissant.”
“C’est une idée...c’est une très bonne idée !”
“Comment ça ?”
“Vois comme nous sommes emmaillotés : à cause de quoi ? D’une lueur si blanche, si éclatante que même nous, qui vivons au grand jour, avons du mal à tolérer tant de lumière. Qu’en serait-il de prédateurs de la nuit ? J’ai bien vu, lors de notre passage en Omyrie, avec quelle promptitude ces créatures détectaient des individus dans un noir complet. Leur sensibilité à la lumière ne peut qu’être en leur défaveur !”
“Tu as raison sur ce point. Néanmoins, je ne vois pas comment tu souhaites transformer ton armure en phare : et comment ne pas éblouir ses propres alliés ?”
“J’ai mon idée...j’aimerais vérifier quelque chose avec nos artificiers, de retour à Oranan.”
“Ah non ! Je ne lâcherai pas, cette fois-ci. Comment comptes-tu procéder ?”
“Eh bien...la faerunne est un métal solide, mais léger. Je pense pouvoir créer des sortes de poches à même l’armure. Ces cavités seraient remplies d’une poudre qu’un guerrier pourrait enflamer pour dégager une lueur intense. Pas d’explosion, simplement une forte lumière. Le challenge sera de rendre l’arrière de l’armure aussi opaque que pourrait l’être une armure d’Olath.”
“Olath?”
“Le métal de l’obscurité.”
“Je vois. J’ai peut-être une idée plus pratique.”
“Je t’écoute.”
“Un bouclier.”

Hïo ne s’avance pas. Vohl décide de défendre son point de vue.

“L’armure oranienne est d’une redoutable efficacité comparée aux autres armures, mais elle a plusieurs points faibles. La plupart d’entre eux sont sur l’armure mais l’un est l’évolution du bouclier. Depuis des générations, les oraniens se battent avec les mêmes broquels - ou peu s’en faut -. Même dans les écoles, le matériel utilisé pour la formation est parfois si âgé que l’usure a eu raison du métal. Un bouclier pourrait répondre à la fonction que tu recherches, non ? On peut imaginer un maillage de métal sur une couche de bois collant, sur lequel se trouve la poudre aveuglante. Ce serait extrêmement précieux au niveau stratégique, aussi bien sur les escarmouches que les batailles rangées.”

Un silence suit encore ses propos. Il craint d’avoir été trop pensant un moment, mais se ravise en voyant sur la figure du forgeron un sourire honnête.

“Ta passion pour ce domaine est fascinante, Kage. Et tu te laisses emporter lorsqu’il s’agit de relever des défis. Tu as donc fait les classes militaires oraniennes.”

Au tour de Vohl de se figer. Il en a trop dit.

“Ne t’en fais pas. La suite de ton histoire inclut forcément une étape. Tu as dû sortir des rangs. Tu n’es ni stupide, ni manchot. Ce qui ne laisse que l’option la moins désirable...un renégat. J’avais un doute sur les révélations de ce soldat, à la frontière. Mais ça n’a pas cessé de me turlupiner.”

L’ancien soldat se maudit intérieurement. Sa couverture tombe à l’eau. Une seule chose le sauve encore, et c’est son anonymat. Le forgeron continue encore.

“Ton observation militaire de chaque détail, chaque action qui relève de la stratégie militaire. Tu es bien assez intelligent pour avoir pris ta décision en sachant ce qui t’attendait. Et pourtant, comme tu l’avais dit. Gale t’a laissé participer, voyant ton amour pour Oranan. Par Rana, qui ne le verrait pas ?”
“Que veux-tu, forgeron ?”

Le ton de Vohl est redevenu distant, comme prêt à perdre quelque chose qu’il a appris à chérir avec son voyage.

“Rien, Kage. Je n’ai cessé de te le répéter : tout ton mystère m’intriguait. Et maintenant, je suis soulagé d’avoir compris. Je ne fouillerai pas plus loin. Continuons de marcher.”

Tous deux s’étaient arrêtés, presque sans en avoir conscience, se dévisageant. L’un toujours avec un sourire chaleureux, l’autre avec un air suspicieux. Ils reprennent leur route. Hïo ne laisse pas le silence s’éterniser.

“Ne te ferme pas, Protecteur. Je suis réellement intéressé par ton idée de bouclier. Cela demandera un travail minutieux, mais c’est effectivement possible. Lorsque sous l’effet d’un coup, la maille de faerunne frottera sur la poudre, elle pourra déclencher cet éclair de lumière. Il faudra trouver un substrat adapté pour produire les étincelles. Ce ne devrait pas être compliqué.”
“Je suis ravi d’avoir pu t’aider.”
“Cesse donc de ronchonner, Kage. Crois-moi : ce mystère apaisé, je suis plus en confiance avec toi à mes côté qu’avec un inconnu certes valeureux mais mystérieux au-delà du raisonnable.”
“Si tu le dis...”
“Bon, je vois l’idée. Tu vas bouder jusqu’à notre arrivée jusqu’à Oranan après quoi tu disparaîtras sans laisser de trace afin d’espérer que je pense ne jamais t’avoir rencontré ? C’est puéril, Kage. N’aurais-tu pas tout intérêt à me gagner à ta cause ?”
“Bon sang, mais vas-tu te taire ?”
“Si ça te fait parler, jamais. D’autant que j’ai d’autres question sur les points à améliorer dans les armures, ce sur quoi tu as dit que tu m’aiderais.”
“J’ai dit que je pourrais t’aider. Nuance.”
“Toi, être dans la nuance. Ha ! La crédibilité ne risque pas de t’étouffer en tout cas !”
“...”
“Au fait, t’ai-je dit ô combien ta susceptibilité est sans doute la fleur sortie de la graine d’un égo surdimensionné ?”
“...”
“Ou combien ton culte du mystère traduit un besoin d’attention qui t’a fait défaut pendant ton enfance, surement ?”
“...”
“Ou encore, que tes valeurs, toutes axées autour de la rigueur et du sens du devoir...”
“C’est bon ! C’est bon, je me rends. Il m’était impossible de te préserver cela en mettant l’ensemble de mes connaissances à ton service, de toute façon.”

Le regard de Vohl reste ombragé par les outrages, mais une pointe d’autocritique vient donner une touche d’amusement à leur teinte. Comme d’habitude, l’honnêteté et son entièreté ont joué contre la sécurité qu’il avait tenté d’installer. Peut-être est-ce pour le mieux ou peut-être pas. Seul l’avenir le dira. En attendant, il serait effectivement stupide de cesser de communiquer. Il reprend donc ce qui ressemble de loin –et même de près- à un monologue sur les faiblesses selon lui de l’armure oranienne, ses points forts. Finalement, la première journée a le temps de se finir et la lune de largement se lever avant qu’ils arrivent sur les lieux de leur dernière nuit avant l’entrée à Mertar. Le refuge enseveli. La dernière demeure des troubadours, compagnons de soirée.

Non pas qu’ils aient eu le temps de tisser avec les itinérants une complicité incroyable, mais le fait de savoir que ces visages rieurs et rubiconds gisaient désormais sous des mètres de glace est particulièrement perturbant. Et pourtant, c’est ici qu’ils dresseront le campement. Bien que croûteuse et craquante, la neige reste plus aisée à modeler que les glaces battues par les vents depuis plus longtemps qu’aucun thorkin ne pourrait témoigner.

Ils ont rapidement fait de pouvoir aménager une cavité sous le manteau neigeux, sous la face boulimique de la lune. Une fois le renfoncement creusé de façon suffisante et en grande partie à l’aide des armes que transportent les deux hommes. C’est ainsi enroulés dans leurs vêtements au sein de l’étroite pièce que les deux compères finissent par se reposer. Vohl prend soin de ne dormir que d’un œil, changeant régulièrement de position afin d’éviter de s’endormir. Un manège qui n’est guère du goût de Himatori. Le forgeron peste plusieurs fois avant que ses ronflements discrets prennent le pas sur ses reproches assoupis.

Au milieu de la nuit, un bruit curieux attire l’attention du protecteur : on dirait que quelque chose gratte la neige, au-dessus d’eux. Quelque chose de massif. Vohl réveille son compagnon de route en douceur. Ce dernier proteste en silence avant de se figer lorsqu’il entend les mêmes bruits qui ont alerté Vohl. La blancheur éclatante de la lune ne pénètre pas la cavité : ils sont donc plongés dans un noir trop intense pour décemment distinguer les détails de ce qu’il se passe à l’extérieur. Des grognements, des grattements... Si la créature finit par passer pile au-dessus de leur abri, il y a toutes les chances pour qu’ils finissent en bouillie.

Les gestes qu’ils font pour se faire comprendre – un réflexe bien inutile lorsque l’on n’y voit goutte- est accompagné de chuchotements appuyés pour se faire comprendre. Suffisamment appuyés pour que le silence se face au-dessus d’eux. Puis les pas lourds se rapprochent. Vohl se catapulte hors de l’abri de neige. Juste devant lui se trouve le mélange entre un sanglier et un fauve des neiges. L’air glacé d’un hiver qui lutte encore la nuit contre l’inexorable progression du printemps pique sa peau d’une infinité d’aiguilles. Hïo le suit plus péniblement, encore engourdi par la fatigue et transi de froid. Du coin de l’oeil, il note que Mahô surveille la scène, les températures rudes de la nuit ne lui posant apparemment aucun souci.

“Un Gakhaï !”

Le protecteur est véritablement ravi que le forgeron se charge de faire les présentations...mais s’il pouvait se mettre à l’abri, ce serait nettement mieux !

(Se mettre à l’abri ? Où veux-tu donc qu’il se mette à l’abri, bougre d’âne ?)

La créature se fend d’un regard oblique vers le ninja. De son énorme tête dépassent des défenses capables d’étriper sans difficulté un chien de bonne taille. Et on dirait que son régime ne repose pas uniquement sur les lichens, mousses et jeunes pousses de printemps. La créature charge Vohl. Une charge prévisible, ridicule de simplicité et d’efficacité : une charge en ligne droite. Le protecteur s’écarte d’un bond sur le côté. S’arrêtant quelques mètres plus loin, le sanglier des neiges semble comprendre ce qui lui a ôté la possibilité d’avoir un humain embroché sur une des défenses.

Il fait demi-tour, chargeant à nouveau. Cette fois-ci, Vohl ne se décale que juste assez pour asséner un coup montant en visant le cou et la jugulaire du sanglier. Le sanglier a lui aussi évolué dans son comportement : au moment où tout autre sanglier ordinaire aurait soit percuté Vohl de plein fouet, soit fini emporté par son élan, voici la bête qui ralentit subitement en armant une patte vengeresse. La rapidité d’exécution du cochon ne lui laisse guère le temps de faire autre chose que de transformer son coup en un simple blocage. Le coup du sanglier manque de force et l’assassin riposte d’un large mouvement de balayage : une balafre vient courir le long du flanc de l’animal. Le cuir épais du gakhaï, sous son pelage de neige, le protège d’une bonne partie du coup. Des couinements s’échappent tout de même de sa cage thoracique meurtrie. La bête recule un peu, sans lâcher Vohl des yeux.

Le mercenaire ne comprend pas : peu d’animaux sont dépourvus d’instinct de survie au point de ne pas battre en retraite après deux coups manqués et une blessure. Mais la réponse lui parvient à l’arrière-plan. Des modèles réduits de l’énorme créature pataugent dans la neige, cherchant à retrouver un abri ou à tout le moins à récupérer la chaleur et la protection maternelle. Voilà donc la raison de cet acharnement !

Il court vers Hïo. Le tas de chair se lance aussitôt à sa poursuite, croyant tenir une occasion en or. Un revers de griffes métalliques lui ensanglante le museau. L’animal fait demi-tours, la douleur lui dictant sans doute enfin sa conduite. Après s’être éloignée de plusieurs mètres, la grande femelle abandonne son pas précipité pour sembler se reconstituer un air satisfait, comme si elle avait tenu en respect cet étranger menaçant. En quelques coups de ses pattes griffues, elle creuse un tunnel dans la neige molle et s’y engouffre, rapidement suivie par ses petits.

“Fin de l’alerte.”

Hïo de répond pas, trop concentré à lutter contre la somnolence glacée qui l’étreint. Vohl lui tâte le front. Il est glacé. Le mercenaire se défait de son manteau d’hiver pour l’en équiper. Le forgeron se laisse faire comme un pantin. Le mercenaire le frictionne énergiquement afin d’encourager la circulation du sang à se renforcer. Au cours des longues minutes, la protestation du forgeron, d’abord contenues à l’état de vagues grommellements, se muent en vigoureux avertissements. Qu’à cela ne tienne, son protecteur lui rétorque aussi sec qu’à moins de vouloir mourir avant le lever du jour, il a plutôt tout intérêt à participer activement ! Un bruit de grattement se fait entendre, suivi de couinements outragés avant que le silence ne revienne. Une scène de ménage au pays des suidés. Une fois la querelle entre deux petits se disputant sans aucun doute l’accès à une mamelle, le cirque glacé retentit encore du crissement de la neige sous des pas lourds.

(Par Rana, l’obstination est une chose dont on peut reconnaître la vertu, mais là c’est trop !)

Pivotant sans crier gare, les lames de Vohl se fichent dans le corps badigeonné de rouge, orange, maron et jaune. Autant de couleurs criardes qui ne sont pas véritablement le propre du gakhaï. L’assassin retire brutalement sa griffe et recule en titubant, manquant de tomber au sol. Devant lui se tiennent la dizaine de compagnons infortunés qui devraient être enterrés sous des mètres de neige et de blocs glacés. Voilà qui réveille Hïo pour de bon. Une question s’échappe de ses lèvres, bien légitime.

“Quelle est cette abomination ?”
“La magie !”

Le mercenaire s’écarte des créatures qui luttent contre le relief et l’instabilité de cette neige. Les mouvements des revenants sont fluides, mais un peu lents. Ils auront le temps de fuir sans problèmes.

“On dirait bien que nous ne finirons pas cette nuit dans un sommeil paisible. Monte sur Mahô. Je suivrai à pied.”

Une hésitation se lit sur le visage de Hïo. Son protecteur soupire tout en l’accompagnant jusqu’à sa monture.

“Je comprends ce que tu souhaites, et c’est peut-être plus sage, en effet. Mais j’ignore tout à fait comment me débarrasser de ce que sont devenus ces anciens troubadours.”

Ils continuent de s’éloigner pendant que le mercenaire poursuit.

“J’ai transpercé de part en part le comédien : ça n’a pas eu l’air de le gêner. Il est clair qu’ils ignorent la douleur, et que les blessures habituelles ne leurs sont pas fatales.”
“Je comprends, Vohl. Je me demande simplement si le jeu n’en vaut pas la chandelle. Souviens-toi de ce qu’il y a derrière ces cadavres ambulants.”
“...Bien ! Je les affronterai...sois conscient, forgeron. Quand tu parles de jeu, c’est ma vie que tu mets dans la balance. Un combat n’est jamais gagné d’avance.”

Vohl s’arrête et fait face aux créatures rappelées à la vie par une magie pernicieuse. Son regard acéré note une différence. Les mouvements des cadavres sont toujours fluides, mais plus rapides.

(Par tous les dieux...ils se réveillent !)

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Vohl Del'Yant
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Re: La Sylve des Premiers Âges

Message par Vohl Del'Yant » jeu. 18 avr. 2019 20:04

Le mercenaire se rue à l’assaut pour se débarrasser d’autant de créatures que possible – toutes ? Sa lame trouve le chemin du cœur du saltimbanque. L’être vacille, mais le sang a depuis longtemps cessé d’être son fluide moteur : les mains pâles et vides d’énergie enserrent son poignet, maintenant l’arme dans la plaie et son adversaire à portée. Le deuxième poing du macchabée vole vers le front du protecteur, le propulsant dans la neige avec la sensation que les phalanges osseuses sont restées incrustées dans son front. Pour Vohl, cette correction aura au moins servi de confirmation : rien ne sert de viser les points létaux habituels. Couper la tête d’un mort n’est pas sans lui rappeler les coutumes barbares des peaux-vertes...mais dans son cas, cela tient de la nécessité. Et rien ne garantit que cela suffise... comme à chaque fois qu’il y est confronté, Vohl regrette de ne pas s’être penché plus avant sur les arts obscurs. Il remédiera à ce problème dès qu’il en aura l’occasion.

Lorsqu’il se redresse, le corps rendu rigide par le froid et la mort est déjà presque sur lui. Les tiges de métal lui traversent le corps et lorsqu’il se baisse pour agripper le col du mercenaire, ces dernières déchirent - ‘cassent’ serait un mot plus juste – la peau du mort-vivant. D’un mouvement vif, Vohl repousse la poigne du cadavre en attrapant la poignée des griffes pour l’extirper de force de la poitrine fendue. Le mort tente de lui saisir le cou. D’une riposte, les griffes claquent contre le crâne de son adversaire. Le cou du mort forme désormais un angle impossible. Ce qui ne semble pas déranger le mort en question. Ses bras griffent l’air devant lui, tentant de se saisir de sa proie malgré que ses yeux morts ne voient plus gère que son dos. L’esquiver devient encore plus simple.

Esquiver la vingtaine de bras qui sont désormais à sa hauteur ne sera pas la même histoire. Il fait marche arrière. Voyant Hïo tirer Mahô par la longe pour les mettre en sécurité, il est rassuré. Les mines blafardes de ses connaissances d’une soirée ne manquent pas de faire revenir sa propre survie au centre de ses préoccupations. En les étudiant brièvement, les raisons de leur lenteur apparaissent de façon évidente. Les angles de leurs articulations, la finesse incroyable de certaines parties de leurs corps, les articulations improbables...quiconque a donné un second souffle aux malheureux ne s’est pas soucié de les remettre en état.

S’il est une chose dont le protecteur n’envisage pas, c’est que leur âme habite toujours dans ces carcasses démolies par la chute de cet énorme rocher de glace et de faerunne sur leur abri, avant de recevoir comme ultime suaire une couche de neige épaisse d’une dizaine de mètres. Il n’a aucun remord à frapper, briser les os et couper les membres de ces étrangers décérébrés. Mais le manque de remord ne rend pas les lames plus tranchantes et le problème est bien là. Ses lames ont vécu nombre d’aventures, et il conçoit que les conditions dans lesquelles elles ont été conservées n’ont pas aidé à maintenir leur fil aiguisé. Le mercenaire esquive un coup venant de la gauche en se faisant une armure d’un des zombies à sa droite. Le coup fait éclater le ventre de son comparse. Rien n’en sort : ni sang, ni organes, ni chère. Tout est gelé et maintenu en place par la glace. La créature se retourne sans prêter attention à ses blessures terrifiantes : les yeux hagards, la bouche ouverte tel un poisson hors de l’eau.

Vohl bat légèrement en retraite. Il a devant lui un bloc d’une dizaine de morts en mal de verticalité. Il tente une nouvelle frappe. L’application d’une technique qu’il a développé pendant le voyage. Ses bottes le propulsent à deux mètres de haut alors qu’il saute vers le groupe. Par un réflexe rémanent de leur ancienne vie, surement, les créatures lèvent la tête alors qu’il se découpe sur la lune. Ses lames trouvent le chemin du cerveau de celle sur laquelle il atterrit, un peu derrière la troupe. Le mort est à peine reconnaissable, même avec son visage à quelques pouces du sien, tant l’avalanche et le refuge qui lui sont tombés dessus l’ont martyrisé. On croirait voir la création d’un enfant pris de folie, voulant à tout prix faire rentrer le nez dans les oreilles, qu’importe les dommages collatéraux.

Le visage tressaille et les dents claquent une dernière fois. On dirait qu’elles tentent de prendre une dernière bouchée de la vie qui leur fait défaut. Une bouchée qui n’aurait de toute façon rien nourri. La mâchoire se détend finalement, et laisse tout le loisir à Vohl d’admirer une langue bleue rehaussant l’ivoire de dents entretenues avec soin. Il s’agissait du meneur des troubadours. Celui qui, devant les dames, jouait au damoiseau innocent, faisant sans doute pousser sur bien des fronts les cornes de l'humiliation.

L’analyse n’aura duré qu’une poignée de seconde. C’est déjà trop : les morts-vivants lui donnent à nouveau la chasse. L’avantage du nombre est considérable et s’il n’avait pas bénéficié de sa mobilité et de son habileté actuelle, sans doute le mercenaire serait-il tombé bien des fois dans la poigne solide de ses adversaires. Mais ses mouvements vifs, son équipement léger et les épreuves qu’il ne cesse d’affronter depuis que cette quête a commencé le maintiennent un cran au-dessus de ses adversaires. Il doit malgré tout le reconnaître : la supériorité de la troupe qu’il affronte tient précisément à leur nombre.

Le manque d’affutage de ses lames, comme le nombre de ses adversaires, n’est pas le seul problème. Chaque coup porté, chaque parade lui semble être plus lourde, plus puissante que la précédente. Comme si les monstruosités prenaient progressivement leurs marques dans un corps inconnu. Des esprits d’un autre monde revenus habiter des carcasses vides comme le premier pied posé sur un champ de bataille. Leur prise d’assurance est la pire menace. Vohl se rue dans la mêlée, scintillant sous les reflets de la lune à chaque passage d’une des deux lames qu’il a en main. Un tourbillon d’acier l’entoure alors que les mains qui tentent de l’attraper finissent sectionnées dans un mélange d’eau, de glace et de chairs.

Rien ne décourage les guerriers sans âmes. Après leurs mains, ce sont leurs moignons qu’ils sacrifient, passant d’amputés à manchot. Face à cet adversaire qui monte crescendo, la maîtrise des armes de Vohl et son amour pour le maniement des lames éclot à l’instar d’une fleur de cerisier : les pétales se déploient dans toutes les directions. Il oublie le monde qui l’entoure tout en en gardant une conscience aiguë. La position de ses pieds, la fluidité des mouvements, les sifflements de l’acier tranchant l’air : ses sens saturés lui donnent l’impression que tout se déroulent au ralentit. Pilier inflexible au milieu de l’œil de la tempête. Il sacrifie sa mobilité, coûteuse sur ce terrain, en faveur du déploiement de techniques que de toute évidence ses ennemis n’auront plus jamais l’occasion de connaître.

Les yeux grands ouverts, il détecte un changement de rythme dans les adversaires qu’il affronte. Les attaques se font furtives et non plus brutales. La conscience de l’affaiblissement de leur unique adversaire vient d’atteindre les non-morts encore debout. Vohl se projette à distance. Le combat, par son introduction comme par le déchaînement d’adrénaline, a enflammé ces sens. Et ses yeux ne sont plus ceux d’un protecteur. Le chasseur sauvage est réveillé, le cœur embrasé par l’envie de réduire ses ennemis à néant. Sa domination est la seule chose qui compte : et rien ne peut mal se passer. Il est à l’affût du moindre signe de faiblesse de ses adversaires, de la moindre envie de fuir. Avide de détruire ce qui n’est rien de plus que des monceaux de chair. Libéré du fardeau de la conscience à l’idée de prendre une vie, aussi vile fut-elle.

Les ennemis n’en sont pas au renoncement, pour le plus grand ravissement de la bête qui leur fait face. Les pupilles dilatées, l’assassin s’élance à leur rencontre, un sourire prédateur sur les lèvres. Il ne reste que trois cadavres. Le premier se fait proprement empaler la cervelle sur la dague qui restera dans son orbite droite, alors que la main armée d’un poignard si orné qu’il ne pouvait être qu’un instrument de scène ne le manque que d’un cheveu, emportant quelques fibres de textile. Il n’emportera jamais rien d’autre. Le coup vertical traverse le crâne d’un formidable impact, soulevant un moment le corps hors de la neige. D’ici coule un fluide noirci par l’oxydation sur les lames, comme une poix sur les assiégeants. Une lame transperce le corps du mort – pour de bon cette fois – et percute la hanche du mercenaire pendant qu’il contemplait la victime agoniser sur les trois pics.

Il recule d’un bond, son expression sauvage reprenant le dessus sur la fascination morbide. Le mort ne le laisse pas tranquille pour autant, bondissant à sa suite. Ce dernier est d’une carrure sans comparaison avec ses compères : Vohl reconnait un certain Veash, qui jouait apparemment souvent le chevalier preux dans les représentations. L’épée bâtarde qu’il transporte n’a rien d’un jouet. L’excitation fait battre le cœur de l’ancien soldat. Cela fait si longtemps qu’il n’a pas croisé les lames avec une arme de cette catégorie ! Sitôt atterri, il se place en garde alors qu’il voit le chevalier armer un coup vertical pendant sa descente. Parer le coup sera impossible, l’arme et l’élan briseraient simplement ses propres lames. Il se projette contre le chevalier dans un corps à corps aérien. Ce dernier, garde grande ouverte, se fait transpercer de part en part. Seul son abdomen a pris le coup toutefois, et il ne daigne même pas tressaillir. Le choc est pourtant réel et l'assassin en a presque le souffle coupé. Pas le cadavre, de toute évidence. La rage qui le commande en ce moment le fait mordre à pleine dents ce qui passe à sa portée : le brassard de Vohl, l'épaulière. Malgré ces protections, le mercenaire sent la force de la mâchoire augmentée par un oubli complet de la douleur. Sur une peau nue, il comprend les dégâts que cela aurait pu engendrer. Il se tortille dans l'étreinte du mort-vivant, esquivant de justesse une morsure qui lui aurait broyé les cervicales. Il riposte aussitôt qu'il réussit à s'écarter de son adversaire. Un aller-retour de lame lui ôte la trachée et le reste de son cou.

L’ensemble roule encore au sol. Puis le mercenaire se relève aussi vite que possible, toujours en garde, prêt à réagir. Vohl se tient au milieu d’un champ de cadavres. Un mouvement attire son attention en périphérie de son regard. La position de garde revient instantanément après un mouvement de pivot pour se retrouver face à son nouvel adversaire. L’un des petits Ghakaï. Vacillant, il parvient à tituber avant de se laisser tomber contre la jambe du combattant. L’embrasement de ses sens déserte son horizon mental. Le jeune cochon commence à mâchonner un bout du cadavre. Vohl lâche un rire nerveux. Le marcassin alerté par le bruit se redresse et s’éloigne d’un pas en regardant d’un air curieux l’intrus qui a osé déranger son repas.

Il s’enfuit lorsque Hïo se rapproche.

“Kage ?”
“C’est moi, Hïo.”
“Ça va ? Tu avais l’air...”
“D’un tueur ?”
“D’un prédateur. Tu donnais l’impression d’y prendre du plaisir.”

Le cœur de Vohl se glace.

“J’en ai pris... Cela faisait longtemps que je n’avais pas ressenti avec une telle acuité l’exaltation d’un combat. Trop de frustrations et de colères... je suis désolé d’avoir donné ce spectacle.”
“Ne le sois pas. C’était terrible. Terrifiant, mais fascinant. Je n’avais jamais vu de combat ainsi.”

Vohl reprend sa respiration avant de répondre.

“Ce n’était pas un combat. C’était un massacre. Et si tu n’en as jamais vu de pareil, c’est parce qu’il faut laisser parler sa soif de sang. Et les haines de ce calibre sont soit séparées, soit interdites de duel dans l’armée.”
“Ce n’était pas seulement ça. C’était plus que de la haine. C’était une transformation. Tu ne te voyais pas, Kage. Moi, je t’ai observé. Et crois-moi : la fluidité des mouvements, la position...tout en toi semblait plus crier le défi vers Thimoros de venir te chercher plutôt que la haine déraisonnée. C’est ce que j’ai vu. Et c’était le plus bel affrontement que j’ai en mémoire.”

Le protecteur s’incline.

“En tout cas...il faut entrer, désormais.”
“Entrer ?”
“D’où sortaient ces corps, selon toi ?”
“Oh. Mais pourquoi veut tu aller dans la cahutte ? Ce ne sont plus que des ruines, et...oh je vois. Je ferais mieux de prendre mes outils.”

Le bloc qui s’était abattu sur la chaumière contenait un noyau volumineux de faerunne, qu’ils n’avaient pas pu ramasser à l’aller, par souci de gain de temps. Mais la voie étant ouverte aujourd’hui... pourquoi se priver d’un peu de matériel supplémentaire, qui permettrait d’assurer le coup en cas de raté. Vohl garde ses réflexions pour lui, qui n’auraient pas été appréciées par le forgeron. Lorsque ce dernier revient, ils s’engagent, Vohl en tête, dans le tunnel creusé par le Gakhaï. Lorsqu’il est clair qu’aucun danger supplémentaire ne les dérangera, le forgeron prend la tête des opérations, détachant en coups de burin bien placés des éclats du minerai, les dégageant de la gangue de glace. Se désintéressant de l’opération qui prendra sans doute jusqu’à l’aube, Vohl entreprend de découper des lanières de viande dans la carcasse encore chaude du sanglier des neiges. Hïo tourne la tête vers lui.

“Oh ! C’est une très bonne idée ! La viande de Gakhaï est excellente ! Et elle tient au corps !”

Loin d’être boucher, Vohl en prélève ce qu’il juge être une quantité suffisante pour quelques jours de voyage. Les lanières sont irrégulières et bien trop grasses. Tant pis. Comme dit Hïo, ça tiendra au corps !

Vohl profite du temps que lui offre Hïo pour se reposer un peu : le bruit régulier du burin contre la glace le berce, et en peu de temps, les images du massacre laissent la place à un écran rouge, symboles de sa rage de vivre. Puis les contours de sa conscience deviennent blancs, signe d’une innocence ancrée en lui. Sur ce fond se découpent des pétales qui s’ouvrent sur une image qu’il reconnait. Son image miroir, un reflet inversé, allant pourtant dans la même direction. Une jeune combattante, dont il souhaite de tout son cœur le succès...ou son attirance va-t-elle au-delà d’un simple soutien ? Son rêve s’efface, laissant place à un autre, et encore, et encore. Il est réveillé par la lueur du jour qui entre dans la galerie. Il se relève rapidement, plantant sa tête dans la neige du tunnel.

“Nom de …"

A côté de lui, Hïo s’ébroue, privé du mur qui faisait obstacle à la fraicheur de l’air.

“Debout, fainéant !”
“Gnnnnn...”
“Le soleil est bien trop haut ! Nous avons trop dormi !”
“Surtout toi...!”

Vohl ne relève pas. Sans se l’expliquer, ses rêves envolés, il est d’excellente humeur, soulagé des pressions qu’il ressentait la veille. Il a l’intime conviction qu’une bonne nouvelle l’attend au retour à Oranan.

(Ha ! On n’y est pas encore !)

Vohl s’extrait du tunnel. Dans la lumière éblouissante du soleil, la ramure de Mahô se découpe comme un aigle aux ailes ouvertes, procurant une ombre bienfaitrice. Vohl s’approche avant de flatter son encolure et de gratouiller le cartilage septal. La Cerfe place sa tête sous son bras, l’encourageant d’un coup de nez à continuer à la gourmander. Hïo sort pendant cette scène.

“Les tourtereaux, si je vous dérange, dites-moi.”
“En selle, sire Himatori. Nous avons déjà trop tardé !”
“Tu sais, Kage... je sais marcher !”
“Je n’en doute pas ! Mais je suis plus endurant que toi.”
“Et qu’est ce qui te permet d’affirmer que...”
“Hïo ! Tu le sais aussi bien que moi !”
“D’accord, d’accord ! Mais j’espère que tu pourras parler, parce que les questions n’ont pas fini de pleuvoir !”
“Rana, miséricordieuse... aidez-moi !”

La déesse éloigne pourtant les nuages qui lui auraient assurer une traversée maussade et silencieuse...Le sourire radieux qu’il affiche indique qu’il pourrait bien supporter un entretien avec un garzok. Dans quelques jours, il sera rentré à Oranan.

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Re: La Sylve des Premiers Âges

Message par Azra » ven. 26 avr. 2019 17:19

Daemon précisa que la faera de la dame blanche se cachait sous la forme d'un cygne noir. Était-ce un indice sur sa personnalité ? Azra s'aperçut qu'il ne savait pas du tout ce qui conditionnait la forme d'une faera. Arek s'empressa de répondre :

(Plusieurs choses : cela vient à la fois de la faera et de son maître. Tu vénères le dieu corbeau et tu es fasciné par la mort, j'ai donc pris une forme de corbeau avec un crâne d'oiseau, ce qui convenait à mes attributions. J'ai pris l'air d'une shaman car j'ai toujours été la plus spirituelle et la plus dévouée à Phaïtos. Celle dont la volonté ne faiblit jamais.)

(Et pourquoi une jeune femme à moitié nue, en dessous de la cape ? Ça vient de toi, ça ?)

(Hum... Non. Je te rappelle que tu étais un adolescent solitaire, à l'époque.)

S'il n'avait pas été une liche, Azra aurait certainement rougi. Il préféra changer de sujet.

(Et Morgoth ?)

(Il est fantasque et rêveur, d'où son jeu avec des bulles d'eau. Il a toujours fait ça. Quant au chaton... Disons que c'est lié à sa nature paradoxale : insouciant et pourtant incroyablement sage. Probablement le plus sage des trois.)

(Et donc, que voudrait dire le cygne ?)

(Morwen a toujours été hautaine et convaincue de sa force et de son influence. Qu'elle ait rejoint une maîtresse de la manipulation ne me surprend pas. Ensemble, elles forment sans aucun doute un duo redoutable. Mais ses formes élégantes témoignent aussi de sa plus grande faiblesse : il est facile de la vexer et de la piquer dans son orgueil...)

Voilà au moins une information qui pourrait être utile. Le nécromancien y réfléchissait alors que son compagnon rouspétait après sa faera. Le combat qui approchait était-il vraiment le sien ? Il pourrait se retirer et... non. Il restait toujours Chandakar qui pouvait revenir d'un jour à l'autre. Et Zéphanie, qui voulait le tuer. Il avait besoin d'alliés. Et puis, les souvenirs de ses anciennes aspirations le taraudaient : avoir enfin une famille. Des gens qui le comprennent... Il fallait tenter le coup ! Pour une fois, il n'allait pas se planquer, ni se plaindre ! Il allait se battre pour obtenir ce qu'il voulait !

Le reste du voyage se fit sans encombre. La forêt dense de la sylve des premiers âges était impraticable hors des routes, aussi, ils se contentèrent de la suivre, jusqu'à ce que Daemon lui indique un chemin qui semblait presque une piste d'animaux. La végétation se fit moins dense de jour en jour alors qu'ils s'élevaient dans les montagnes. Le voyage était si monotone qu'Azra fut le premier surpris quand jaillirent des fourrés, autour de lui, une horde de silhouettes en manteau noir, armes à la main. Il avait déjà tiré sa dague lorsqu'une femme assez jeune et pâle se présenta, seule à arborer un visage découvert. Elle dévisageait le nécromancien masqué avec une expression passablement démente, son regard allant de lui à son compagnon de route. Elle souffla :

« C'est lui, Daemon ? C'est le premier messager ? »

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Re: La Sylve des Premiers Âges

Message par Azra » jeu. 6 juin 2019 18:47

Sans surprise, c'est avec une certaine emphase que le semi-elfe présenta le « Premier messager », mais en s'embrouillant dans ses mots, hésitant entre Azraël et Azra... bon, le nécromancien savait depuis longtemps qu'il ne fallait pas trop compter sur lui pour en imposer. Pour tuer, ou pour se tuer, peut-être, mais pas plus ! Cependant, lorsqu'il fit remarquer que Kadria, la dame blanche était au courant, cela fit souffler un vent d'inquiétude sur le groupe.

« Une chance que vous ayez survécu... les choses vont mal, ici, assura la femme pâle. Kadria s'est retranchée dans le château avec ses partisans. Elle m'accuse d'avoir fait assassiner ton compagnon nain. Le schisme est devenu effectif, et beaucoup se sont ralliés à elle. »

Pourquoi Azra n'était-il pas surpris ? Il avait déjà à gérer plusieurs problèmes, avec Zéphanie et, bien sûr, le retour de Chandakar, qui surviendrait un jour ou l'autre. Et voilà que la « famille » qu'on lui avait fait miroiter était à deux doigts de s’autodétruire. Comme quoi, le destin le poursuivait où qu'il aille... Avec une certaine amertume, il lâcha :

« Alors c'est ça les Messagers du Corbeau chez qui tu voulais m'amener ? La moitié se cache dans la forêt et l'autre moitié veut ma mort ? Me voilà bien... »

Daemon préféra l'ignorer, demandant où était un certain Gwandor. Sans doute un personnage d'importance... Cela se confirma dans la réponse de la femme pâle : Ce Gwandor semblait le seul en mesure de retenir Kadria. Il refusait de prendre part au conflit fratricide, ce qui avait empêché l'ordre de sombrer dans l'anarchie. Cependant, il soutenait néanmoins l'usurpatrice blanche. Le jeune homme, de plus en plus agité, s'énerva :

« J'ai toujours été en bon terme avec Kadria. Si j'ai pu m'intégrer dans l'ordre, c'est grâce à elle... et à toi bien évidemment. Sais-tu quels griefs elle me porte ? Me considère-t-elle moi aussi comme le meurtrier de Korben ? »

« Oui, répondit la femme en robe sombre. Pour elle, je t'ai utilisé pour assassiner celui qui était devenu un élu de Phaïtos et menaçait ma position. Bien sûr, c'est ridicule, et elle le sait ! C'est elle qui détourne l'ordre au nom du dieu Corbeau pour le plier à sa volonté... Nous avons tous toujours poursuivis des buts personnels en venant ici, mais nous avons toujours respecté les ambitions des autres ! Elle, elle veut plier tout le monde à ses objectifs. »

Un complot efficace... Azra ne pouvait nier qu'il soit légèrement impressionné. Cette femme s'était mise en position de prendre le contrôle de l'ordre, et il ne pouvait lui reprocher ce que lui-même comptait plus ou moins faire. Il avait pensé que ce serait facile mais, bien sûr, rien n'est jamais facile. Il allait donc falloir vaincre cette Kadria, qui était manifestement quelqu'un d'intelligent et doté de grands pouvoirs... Le nécromancien sentit monter en lui une exaltation qui n'était pas la sienne. La fougue de Chandakar l'ancien et de l'époque des lords nécromants, les guerres et les complots qui se livraient pour le pouvoir... Kadria n'était peut-être pas une nécromancienne, mais elle était digne des anciens lords, et cela lui plaisait ! Il allait falloir concocter un plan efficace pour s'en débarrasser...

Daemon, pour sa part, devenait de plus en plus sombre. Sa loyauté avait été bien peu récompensée et il se sentait trahi par ceux qui avaient été ses frères. Il demanda des nouvelles d'un certain Asad, mais la jeune femme secoua la tête d'un air sinistre :

« Il est au château. Pour ce que j'en sais, il fait partie des fidèles de Kadria... »


Bon, il allait falloir prendre les choses en main. Azra fit un pas en avant et fit remarquer :

« Je ne sais toujours pas qui vous êtes... »

La femme sursauta et fit une révérence, comme si ses soucis avaient été balayés par une révélation :

« Je... veuillez m'excuser, Premier messager. Je suis Merilian, nécromancienne au service de notre seigneur le dieu Corbeau. Je vis pour vous servir. »

Avec ses yeux brillants, il était évident qu'elle était complètement sincère ! Pour le coup, il se demandait comment une telle fanatique avait pu résister à quelqu'un d'aussi intelligent que Kadria, mais il était bien placé pour savoir qu'une volonté portée par une foi inébranlable ne devait pas être sous-estimée. Cependant, les regards des autres messagers, du moins ceux qui étaient visibles sous leurs capuches, étaient plus sceptiques. Ils avaient l'air de gens qui n'espéraient plus grand-chose. Il allait falloir les convaincre...

« Hé bien, je suppose qu'il va falloir qu'on fasse connaissance... » estima Azra en parcourant l'assistance du regard.

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Maâra
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Re: La Sylve des Premiers Âges

Message par Maâra » ven. 14 juin 2019 23:29

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Plusieurs semaines après leur rencontre, elle continue de se remémorer le texte traduit et n’a eu de cesse de penser aux implications d’une telle puissance dans les mains de faibles créatures tels que les mortels. Elle-même qui se qualifie de stable et raisonnée ressent une avidité immodérée quand il s’agit de connaissances … quel élément dans la vie d’un mortel le fait passer de la connaissance à l’expérience ?

Elle se souvient de l’avertissement du vieil homme …

« J’espère pour vous que nous ne souhaitez pas vous y mêler… » A-t-il dit pour la mettre en garde quant au caractère sombre de la magie évoquée là.

… et de sa réponse, pleine d’assurance et d’orgueil.

« Je m’y suis en effet mêlée, et je l’ai détruite. »




Encore maintenant, alors que les contours d’un château en ruine s’élèvent au dessus d’un village défiguré, elle savoure l’étincelle, le vacillement fugace de la paupière du vieux grincheux et le pli imperceptible de ses lèvres en réponse à cet accès de juste prétention.
Bien sûr, il lui a fallut l’aide de son faera, traducteur et décrypteur des expressions faciales humaines, pour en comprendre le sens ; mais elle sait qu’elle a réussit quelque chose de puissant ce jour-là, malgré son prix incommensurable.

Elle fonde beaucoup d’espoir en ce château et ces occupants. Arken, membre de ce groupe se disant héritiers des Lord, lui en a peu parlé car il a pressenti que rien ne pouvait être à la hauteur des espérances de cette nouvelle recrue.
L’endroit semble désolé, les ruines forment un imposant rempart semblable à un amoncellement de murs aux sommets effilés en pieux. Le paysage autour est sombre, lugubre, sans vie. La végétation est rabougrie, figée par la mort aux portes des ruines, mais bien plus vivace dans les terres alentours au point d’en avoir occulté les chemins pour y accéder. La brume semble y avoir installée une source immuable car peu importe les vents, peu importe les saisons, elle erre sans jamais disparaître. Il règne ici une atmosphère tendue, un froid plus vif qu’à quelques centaines de mètres en arrière ; souvenirs d’une époque où les plus puissants nécromanciens de la grande époque ont multiplié les batailles pour leur propre hégémonie et semer les graines de leur chute.

Lorsqu’ils arrivent au bas du chemin en pierre escarpé menant au château, ils sont arrêtés par un homme emmitouflé dans une bure de couleur sombre à la large capuche qui, après leur avoir demandé la raison de leur présence en ces lieux, les invitent à redescendre vers le village d’une voix qui ne souffre pas le refus ou l’objection. D’un caractère somme toute assez docile et pas le moins du monde contrariant, Maâra fait demi-tour sans discuter et sans avoir croisé le regard du serviteur du château. Elle a attendu des semaines, des mois avant de trouver des personnes capables de lui en apprendre plus sur ses pouvoirs de nécromancie ou sur les changements opérés en eux depuis l’arrivée de Brytha. Un serviteur désagréable à la voix grave et hargneuse n’est pas un obstacle suffisant à sa patience elfique, il mourra bien avant qu’elle ne s’ébrèche.

Le dit village est à l’image de son château, vieux, sombre et en ruine. Les toits absents côtoient des toitures éventrées par des branches d’arbres, les murs des maisons en bois sont envahis de mousse, de lierre et de ronces ; la grande majorité des rues et des allées ne sont plus reconnaissables, avalées depuis longtemps par la nature. Cependant, une partie du village commence à renaître. Quelques maisons de bois sont restaurées sur les anciennes ruines, des maisons en torchis ont été construites autour d’une place et délimitent un nouveau centre de village ; une fontaine a aussi été réparée et un lopin de terre a été labouré. Un hameau revit à l’intérieur de ce village abandonné depuis un temps indéfini.

De son œil expert et observateur, Maâra ne remarque rien de tout cela car elle le rêve du temps de la grande époque. Ce qu’elle distingue, en revanche, en traversant le village à grands pas, c’est un groupe qui s’en éloigne, tous habillés de lourd manteau noir et armés de gourdin, de masse, de bâton, d’épée ou d’arc. Ils s’enfoncent d’un pas pressant dans la sylve dense.
Arken et Maâra échangent un regard non entendu. La nécromancienne souhaite simplement attendre sur place comme demandé, peu curieuse des allers et venues des gens du village ; mais elle se plie rapidement à la volonté de son compagnon, visiblement inquiet de la tournure des événements. Selon lui, un garde se trouve toujours à la porte du château pour accueillir les invités ou éloigner les indésirables ; jamais il n’avait jusque là était permis qu’un simple membre en chasse un autre.
Ils les suivent à bonne distance jusqu’à un sentier étroit où ils les voient se déployer et faire irruption devant des voyageurs, les encerclant, tous bien en rang. Une jeune femme sort à visage découvert du rempart d’hommes encapuchonnés. La tension que dégage ce groupe est palpable mais inégale. Certain, comme l’individu derrière son heaume imposant se tient prêt à en découdre sur l’instant, d’autres serrent leurs armes sans grande conviction et certains moins nombreux observent seulement avec un intérêt impatient.

Observant la scène, Maâra remarque la nature trépassée d’un des voyageurs et son intérêt renaît de sa léthargie. Détaillant les deux autres, un jeune humain brun à la peau claire mais d’ascendance Shaakt, à en juger la couleur de ses pupilles, et le second caché sous un heaume au faciès squelettique ; elle mise sur ce dernier comme était le nécromancien.
Un étrange dialogue se joue alors. Etrange uniquement aux oreilles et à la compréhension de Maâra car le trouble de son compagnon de route est grandissant. Il hoquette en apprenant que le petit homme camouflé est le Premier Messager.

« Le Premier Messager est celui qui porte la parole de Phaitos, explique-t-il à la Sindel qui l’observe alors comme une bête curieuse. Celui qui nous montrera la juste voie. »

La trouvant toujours aussi peu captivée par ses révélations, Arken tente de lui dépeindre la scène et les raisons de son inquiétude. La jeune femme aux yeux déments faisant face au premier messager est une nécromancienne aux ordres de la seule Lord présente dans le château, une femme nommée Kadria. Avant son départ pour Bouhen, Arken assure que les deux femmes étaient en bons termes et l’unité prenait place dans le groupe ; et pourtant maintenant, un schisme d’envergure perturbe leurs rangs, causé par l’assassinat d’un messager par un autre. Et plus inquiétant encore pour lui que le retranchement d’une partie du clan au sein du château, ce sont les accusations respectives des deux femmes d’œuvrer pour leur propre compte, de comploter pour plier les messagers à leurs objectifs égoïstes.

Maâra écoute les craintes d’Arken mais ne dit mot car la situation, de son point de vue, n’est dramatique que pour ceux qui se disputent le trône et leurs moutons les plus fidèles. Les scissions sont courantes dans le monde de la foi, elle en a observé quelques unes au sein des temples de Xaoranh.
Ce qu’elle note et assimile des brides de phrases qu’elle entend, c’est qu’ils doivent être en majorité humains car ils semblent avoir adoptés le langage et les croyances de la cité blanche, et Le nomme le Dieu Corbeau. Une facette qu’elle connaît encore peu car dans son temple isolé du monde, elle a suivit les enseignements d’un Shaakt, ayant fui son peuple cruel pour un autre à peine plus tolérant, dont la nature rebelle a influencé la manière dont il a transmis ses croyances hétéroclites à Maâra.
Un bref sursaut de son Faera lui permet de recentrer son observation sur les mouvements d’Arken, déjà bien plus en avant et prêt à avaler les derniers mètres qui les séparent de la troupe armée. Son pas, bien que pressant, est sûr et confiant. Il se sait en sécurité avec cette partie là des Messagers et cela en dit long sur ses propres accointances, du moins pour ceux qui aiment à analyser l’attitude des autres. Maâra, elle, souffle et lance un regard contrarié vers le village où elle préférerait être, au lieu de se mêler d’histoires qui ne la concerne pas. Mais depuis le temps qu’ils partagent la route et l’objectif commun de lui faire rencontrer ces fameux héritiers des Lords, elle le suit docilement et se pare de son masque froid et morne.

Arken fend les rangs des hommes d’armes à coup d’épaules, d’excuses et de salut envers l’une ou l’autre de ses connaissances, tout en répétant le nom de la nécromancienne afin d’attirer son attention. Tous ou presque ont les yeux rivés sur l’homme maintenant nommé Premier Messager, mais Arken traverse la foule, conscient d’arriver à un moment peu opportun, galvanisé par ses craintes et son désir de servir.

« Premier Messager ! dit-il en saluant dignement l’homme au heaume squelettique. Merilian ! Pardonnez cette intrusion, je reviens tout juste d’une longue mission à Bouhen avec une nouvelle recrue. L’entrée au château nous a été interdite, que se passe-t-il Merilian, les mots que j’ai entendu, le schisme, tout cela est insensé.»

Maâra ne saurait dire les intentions des principaux interlocuteurs, mais les regards des hommes armés qui suivent sa traversée la perturbent. Elle entend des grognements et des messes-basses, remarque plusieurs fois des œillades se poser sur le joyau de Yama Zatchlas et la lueur anxieuse qui s'en suit. Elle pose la main dessus et continue jusqu’à se retrouver près d’Arken, observant sans retenue les personnes présentes et leur adressant une révérence Sindel altière.

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Modifié en dernier par Maâra le jeu. 16 avr. 2020 15:12, modifié 3 fois.
Maâra _-_ Sindel _-_ Nécromancienne _-_ Maître des Runes
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Daemon
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Re: La Sylve des Premiers Âges

Message par Daemon » sam. 15 juin 2019 18:35

- V -

Les deux compères gagnèrent par la suite les hautes terres du duché de Luminion, de vastes massifs rocailleux où le soleil se faisait discret en cette saison. Ils suivirent la route rendue difficile par les intempéries jusqu’à Akinos, où ils purent se restaurer en toute discrétion dans une taverne de voyageurs à l’écart de la ville.
Ils prirent ensuite le sud et suivirent le cours tumultueux du Kenaris, qu’ils traversèrent au gué généralement emprunté par les membres de l’ordre. D’autres voies praticables s’étaient offertes à eux dans les hauteurs, avant que la forêt des Sylphes ne devienne trop dense, mais Daemon répugnait à quitter la route qu’il connaissait. L’orientation n’était pas son fort et les territoires sauvages étaient si vastes et si anciens, qu’il préféra éviter de s’y égarer. C’était pourtant un choix discutable. Peu de routes menaient jusqu’au château d’Endor, abandonné depuis des siècles, et les rares chemins étaient surveillés par les sbires de Kadria. Leur venue était annoncée et il craignait d'être une cible facile. Azra avait beau être à son côté, il ne le protégeait pas pour autant des flèches… Il ne restait qu’à savoir si la dame blanche souhaitait le retrouver vivant, ou mort.

Alors qu'ils parcourraient un mince sentier forestier, à peine pénétrèrent-ils sur le domaine d'Endor, reconnaissable à sa terre pauvre et sa forêt morbide, flétrie par mille malédictions, une horde d’hommes encapuchonnés les encercla. Daemon bascula aux pieds de sa monture et avisa avec méfiance l’accueil qui leur était conféré. Il ne savait guère comment réagir. Dans ce genre de situation, chaque seconde comptait. Il ne pouvait pourtant pas attaquer le premier.
L’un d’eux s’avança et se découvrit. Il s’agissait de Merilian, celle même qui l’avait exhorté à fuir et trouver le Premier Messager. Elle n’avait pas perdu de son panache et les toisa avec les yeux exorbités de son imprévisible folie. Elle finit par demander, d’un air farouche, si c’était bien lui. S’il était accompagné du Premier Messager.

Daemon esquissa un sourire. Ils ne s’étaient pas vus depuis plusieurs mois et elle ne s’encombrait même pas d’un égard envers sa personne. Il en fut quelque peu vexé, mais se savoir à l’abris d’une volée de flèche contrebalança son humeur.

« C’est bien lui, je peux te l’assurer. » annonça-t-il avec fierté, pour compléter : « Kadria aussi… »

Il abandonna son cheval et ouvrit les bras pour présenter en grandes pompes son compère : « Je te présente Azraël de… euh… »

Il réalisa alors qu’il ne connaissait guère sa famille et ses titres, s’il en avait réellement.

« Ou Azra pour les intimes. »

Merilian s'était étranglé à l'évocation de Kadria. Elle demanda si la Lord savait pour leur venue. Daemon émit un sourire gêné et dodelina de la tête en cherchant ses mots. Elle avait un tempérament explosif, il était donc important de ne pas la froisser. Cependant, ce qui l’inquiéta le plus fut son manque de remontrance. La nécromancienne était devenue hâve, inquiète, et cela n’augurait rien de bon.

« En quelque sorte, oui. Elle est au courant de notre venue. Des bandits à sa solde nous ont tendu une embuscade sur les terres d’Oranan. »

Cela ne sembla pas surprendre la nécromancienne. Elle expliqua alors que Kadria s’était retranché dans le château après l’avoir désignée comme responsable du meurtre de Korben. La division au sein de l’ordre était maintenant effective. Merilian et ses hommes occupaient le village au pied des murailles, tenant un état de siège.
Azra gratifia le semi-elfe d’un commentaire bien senti sur l’unité de la famille qu’il eut tant vantée. Daemon ne l’écouta pas.

« Où se trouve Gwandor dans tout ça ? »

Cet autre point fut désagréable à expliquer. Le maitre d’arme était apparemment au château, et bien qu’il n’appréciait guère la situation, son allégeance envers la dame blanche n’avait point failli. Il n’y avait pourtant pas eut de traitre, aucune trahison. Daemon ne comprenait pas comment ils avaient pu en arriver là.

« Kadria a toujours été bonne à mon égard. Si j’ai pu intégrer l’ordre des Messagers du Corbeau, c’est par sa bénédiction. J’ai toujours fait en sorte d’être loyal et de servir sa dame, ainsi que notre dieu. Je ne comprends pas les griefs qu’elle me porte. Me considère-t-elle toujours comme un meurtrier pour avoir mis fin aux jours de mon ami ? »

Merilian valida d’un signe de tête et expliqua que la dame blanche avait utilisé la mort de Korben pour retourner les fidèles contre elle.
Daemon avait perdu son espièglerie.

Ils s’étaient rencontrés sur le bord d’un ruisseau, lui blessé, l’autre se remettant d’une grave beuverie. Il avait enrôlé Korben dans ses aventures, à travers la campagne, les marais, les montagnes, jusqu’ici, sur le domaine d’Endor. Korben n’était pas naturellement fait pour rejoindre un ordre sépulcral, et c’était sans doute ce qui le poussa, une fois qu’il eut le dos tourné, à relever l’épreuve du passage. Le jeune nain souhaitait prouver sa valeur et s’intégrer coûte que coûte. Ce qu’il fit. Il gagna son titre de noblesse et celui d’élu aux yeux de la dame blanche, mais au prix de sa santé mentale. Le pauvre ne s’en remit jamais et Daemon dut achever ses tourments de ses propres mains…
Et voilà où tout cela les avait mené.

« As-tu vu Asad ? » trancha-t-il avec le fil de ses pensées.

Merilian marqua un moment de surprise, puis elle fit un signe de dénégation. Pour ce qu’elle en savait, il faisait partie des fidèles de Kadria.
Cette nouvelle le troubla encore davantage. Il ne savait pas vraiment quoi en penser, si ce n’était qu’Asad faisait effectivement partie des hommes de Gwandor, ce qui pouvait expliquer qu’il restait à sa solde. Pour le reste, il brulait de s’expliquer avec lui.

Azra sortit alors de son mutisme et demanda à qui il avait affaire. La nécromancienne, oublieuse de sa présence, marqua un sursaut et se présenta d’une révérence appuyée, la dévotion dans son regard. Daemon la regarda sans rien faire. Il se souvenait de ce regard, le même qui lui fut servi lors de leur première rencontre, alors qu’elle venait d’essayer de le poignarder.

Un serviteur sortit du rang avec panique. Il semblait effaré et pour cause, il découvrait comme eux la situation. Après avoir salué Azra et Merilian avec déférence, il s'adressa à cette dernière. L'accès du château lui avait été refusé alors qu'il revenait d'une longue mission et il n'en comprenait le motif. Il n'était pas seul. Une sindel vint le retrouver d'un pas paisible et, sans un mot, elle s'inclina devant les nécromanciens d'une révérence altière et parfaitement maitrisée.

- VII -
Modifié en dernier par Daemon le jeu. 7 janv. 2021 23:59, modifié 3 fois.

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Re: La Sylve des Premiers Âges

Message par Azra » dim. 16 juin 2019 13:25

Alors que Daemon peinait à assimiler les nouvelles, deux nouveaux arrivants émergèrent de la foule. L'un était un homme au visage osseux, qui avait quelque chose de familier, comme si Azra se voyait lui-même en plus vieux. Il le salua rapidement, avant de s'inquiéter auprès de Merilian. Il revenait de mission et ne s'attendait pas à ce chaos.

L'autre était une elfe grise. Grande et princière, elle adressa des révérences en silence à toute l'assemblée, y compris au « Premier messager » malgré lui. Le regard du nécromancien accrocha alors un objet argenté qui pendait à son cou. S'il avait encore eu du sang, il n'aurait fait qu'un tour. Il savait ce qu'était cet objet. Une part au fond de lui le savait. D'un geste brusque, il le saisit et le tira vers lui, la forçant à se pencher.

« Où avez-vous trouvé ça ? Ce médaillon n'est pas à vous ! »

Chandakar l'avait bien connu, ce pendentif. La relique sacrée de Yama Zatchlas... Même le jeune homme en avait entendu parler, et le fait de le voir devant lui le secouait plus qu'il n'aurait pu l'expliquer.

La sindel réagit avec hauteur, affirmant qu'elle avait sauvé l'âme de l'antique Lord nécromant en récupérant sa relique. En retour, elle avait perdu la capacité à communiquer avec les esprits et avec son compagnon... C'était donc une nécromancienne ? Se reprenant, Azra fit un pas en arrière. Il allait devoir apprendre à mieux maîtriser la part de Chandakar qu'il y avait en lui !

« Bien... Tâchez de vous en montrer digne. Celle qui a créé cet objet était une âme noble qui a rencontré Phaïtos lui-même de son vivant. Yama Zatchlas, la Troisième Lord »

Il tapota son bâton :

« Tout comme ceci avait été volé à la dépouille de Boson Camard... Hum... J'imagine qu'il faut comprendre que l'ordre sera reformé quand les quatre reliques serons entre nos mains ? Enfin, nous verrons cela en temps et en heure... Avez-vous un camp de base ? Nous y seront plus à l'aise pour discuter... »


Merilian hocha la tête et leur fit signe de la suivre. Un peu plus loin, Azra reçut un nouveau choc en voyant pour la première fois les ruines d'Endor. Il l'avait vu en rêve, du temps où Chandakar était dans son esprit. Une citadelle noire comme la nuit, entourée d'un village. Un fief à l'aspect redoutable qui avait servi de siège à une succession de nécromanciens aussi puissants en terme de magie qu'en terme d'influence. Nul ne pouvait le regarder sans éprouver de la crainte...

… Aujourd'hui, le passage des siècles avait laissé une ruine dévastée, n'ayant même plus la moitié de sa hauteur d'origine. La végétation semblait avoir été dégagée récemment, mais les traces de rénovations étaient ténues. Le siège du pouvoir des nécromanciens n'était plus qu'un champ de ruines, et les successeurs des anciens lords étaient loin d'avoir les moyens de lui rendre sa splendeur d'antan.

Sans surprise, Merilian les tint à l'écart du château. Ils contournèrent les murailles pour s'approcher d'un ensemble de maisons en torchis. Des hommes en manteau noir, semblables à des fantômes, s'activaient ça et là. Il y avait même un petit troupeau de chevaux dans lequel ils pourraient sans doute parquer leurs récentes acquisitions.

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Fenouil
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Re: La Sylve des Premiers Âges

Message par Fenouil » mar. 2 juil. 2019 13:50

<<--Forêt du nord Kendran

Aucun incident majeur ne se produisit et Fenouil pénétra dans la forêt des Sylves. Sa longue randonnée tirait à sa fin. Il anticipait le moment où cette forêt traversée, il pénètrerait dans le village d’Akinos pour se rendre à l’auberge Au Bon Pain afin de retrouver Azalée. Il choisit donc une journée plutôt ensoleillée pour faire un brin de toilette. Il voulait être à son meilleur lorsqu’il rejoindrait son amie. Il s’approcha d’une petite rivière, se déshabilla sans pudeur et plongea dans l’eau. Après s’être frotté vigoureusement, il sortit du cours d’eau et laissa le soleil l’assécher, après quoi il se rhabilla.

Il aimait l’ambiance de cette vieille forêt qui lui semblait contenir mille secrets. Lors d’un après-midi particulièrement chaud, le vent se leva. Jetant un bref coup d’œil au ciel, il vit de gros nuages gris s’assembler. Il n’était pas passé maître dans la prévision de la température, mais il savait reconnaître ce type de nuages et ce qui normalement en découlait. Il s’abrita alors sans tarder près d’un arbre d’une hauteur moyenne, évitant les plus hauts que la foudre pourrait frapper et attendit. La nature ne se fit pas attendre et deux minutes plus tard à peine tombèrent dru, non pas de la pluie, mais de gros grêlons de la grosseur de glands de chêne.

Par un soir d’orages, lorsqu’il était un tout jeune gobelin, ses parents adoptifs lui avaient expliqué le phénomène. Ce dernier prenait d’abord naissance dans un type de nuage particulièrement épais où de petites poussières s’entouraient d’eau lors de leur traversée. Ces petits noyaux solides étant victimes de courants ascendants, l’eau les englobant gelait. Augmentées de volume, lorsqu’elles redescendaient, elles se recouvraient de nouveau d’eau. Les courants ascendants les capturaient une fois de plus et elles reprenaient de l’altitude. Elles pouvaient ainsi refaire ce petit manège à quelques reprises avant de traverser finalement ledit nuage et tomber au sol sous forme de sphères glacées plus ou moins grosses. Fenouil avaient écouté religieusement à chaque fois les explications de ses parents, s’interdisant de les interrompre ou de les contredire. Mais il savait, lui, que ses parents avaient tout faux. La grêle, il s’agissait simplement d’un dieu en colère qui se vengeait sur les créatures yuimeniennes en leur lançant des boules de glaces créées de ses propres mains.

Pendant que la colère des dieux se déversait sous forme de grêlons, Fenouil, bien à l’abri, passa son temps à faire l’inventaire de son sac de voyage : quelques baies sauvages à moitié écrasées, une cuisse de lièvre faisandée, un bonnet rouge, souvenir de ses aventures passées, de petites bourses de cuir contenant des billes de verres de couleurs assorties, deux chandelles et une broche dorée appartenant à Azalée. Il s’attarda un peu sur cette dernière, puis la rangea dans son sac.

L’orage passé, il reprit sa route longeant un ruisseau.
Modifié en dernier par Fenouil le dim. 15 déc. 2019 18:06, modifié 2 fois.

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Re: La Sylve des Premiers Âges

Message par Cromax » jeu. 4 juil. 2019 12:11

Message PNJ

Fenouil ne marcha guère longtemps avant qu’un événement vienne perturber sa progression. Il entendit d’abord des pas pressé sur les feuilles de la forêt, accompagnés des bruits d’une armure qui remue. Très vite, le visuel se mêla à l’auditif, lorsque déboula à toute vitesse, dans une course titubante, une bien curieuse apparition. Une elfe à la peau pâle, au visage découvert et à la longue toison écarlate, engoncée dans une armure prestigieuse rehaussée d’une cape rouge, venait d’arriver devant lui en sortant des futaies voisines.

Image

Son regard clair se posa sur toi, et un rictus douloureux parcourut son visage. Elle dégaina une épée longue qu’elle pointa vers toi. Mais elle ne semblait guère en état de se battre. Elle était essoufflée, la respiration haletante, les cheveux détrempés par le récent orage, et surtout, elle était blessée. Un sang vermillon coulait des interstices de son armure, au niveau du bras gauche et de la cuisse droite.

Elle avait l’air désespérée, désemparée. Son bras d’arme tremblait, son regard était trouble. Elle eut un regard implorant, puis lâcha son arme et s’effondra au sol, ployant sous ses blessures et roulant sur le dos, à moitié consciente, gémissant de douleur et de peine.

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Re: La Sylve des Premiers Âges

Message par Fenouil » sam. 6 juil. 2019 03:22

Fenouil longeait la petite rivière prenant soin de bien regarder où il mettait les pieds afin de ne pas glisser sur une roche mouillée lorsqu’un bruit de feuilles l’alerta. Craignant l’apparition d’une bête affamée, il recula de quelques pas. À l’affut, il s’immobilisa, dressa ses oreilles, et attendit. Il entendit alors un bruit d’armure lui indiquant qu’il s’agissait d’un humain ou d’une espèce avoisinante, ce qui ne le rassura pas pour autant. Les humains s’avéraient parfois plus barbares que les animaux dits sauvages. Il n’eut pas le temps de prendre une décision qu’un soldat sortit des fourrés. D’une démarche chancelante, revêtue d’une armure complète à l’exception de la salade qui devait lui avoir été arrachée lors d’un combat, une rousse elfe blanche s’approcha de Fenouil. Sur le coup, il eut craint de faire face à Sibelle, cette hinionne rouquine aux yeux noisette et plein de hargne envers le petit gobelin. Il fut rassuré en peu de temps, cette femme qui lui faisait face se distinguait de Sibelle par ses doux yeux verts. Il recula tout de même d’un pas, effrayé, lorsqu’elle lui pointa son épée près de son visage. Par instinct de survie, il la scruta intensément afin d’évaluer ses chances de la battre à la course s’il prenait la fuite. Il ne mit pas de temps à apercevoir du sang s’écouler à deux endroits : le bras gauche et la jambe droite, puis se concentrant sur son visage, il vit la grimace de douleur qu’elle tentait de contenir du mieux qu’elle le pouvait. Il conclut donc que les blessures de la dame étaient suffisamment graves pour rendre sa respiration difficile et pour donner un teint plus blafard que la normale, même pour une elfe blanche. Sa décision prise, il la fixa encore intensément, attendant le bon moment pour agir.

Et ce moment ne tarda pas à venir. Peinant à tenir son arme, l’hinionne la lâcha et tomba sur le sol. Fenouil, qui n’attendait que cela, partit à toutes jambes, certain qu’elle ne pourrait le rejoindre. Soulagé, il avait eu peur un court moment de mourir sous la lame de la belle et de ne jamais plus revoir Azalée. Tout en courant, il pensa à ce bref incident qu’il raconterait à son amie et … en y réfléchissant… il se dit qu’elle ne serait pas fière de lui…s’il s’enfuyait ainsi. Il s’immobilisa alors immédiatement. Puis après avoir hésité quelques secondes, il rebroussa chemin au pas de course une fois encore. Il ne parlerait pas de cette fuite à Azalée, il n’avait que parcouru quelques mètres après tout. Il lui raconterait seulement qu’il avait secouru une guerrière blessée.

Il s’approcha donc de la guerrière écroulée au sol, et du bout de son pied, il poussa l’épée, l’éloignant afin qu’elle ne soit plus à sa portée. Il s’agenouilla ensuite auprès de la blessée et ce fut juste à ce moment-là, il remarqua qu’elle était fort jolie.

« Je m’appelle Fenouil, je vais vous aider. » L’un dit-il de sa voix enrouée, mais tout de même agréable à l’oreille.

Délicatement, il souleva la spalière et la détacha du bras d’armures et du plastron. Puis, avec moult précautions, il retira les deux pièces une à une. Il devait à présent faire cesser l’hémorragie. Il prit alors un pan de la cape de l’elfe blanche et tenta de la déchirer, mais elle était trop résistante et de bonne qualité. Il prit alors la sienne et en déchira assez facilement un bon bout qu’il mit sur la plaie en faisant une pression de sa main droite. Avec ses dents et sa main gauche, il en déchira un morceau plus long qu’il enroula autour du bras et noua ensuite afin de bien tenir le premier chiffon en place. Il retira enfin sa main droite qui avait exercé une pression pendant tout ce temps. Il devait à présent s’occuper de la cuisse. Sans perdre une seconde, il sauta agilement par-dessus la guerrière sans même la frôler. Sa vue perçante ne put manquer au passage la bourse accrochée à sa ceinture et il se promit de s’en emparer un peu plus tard. Pour le moment, il devait s’occuper de la jambe blessée. Il détacha et retira la jambière. Puis, de la même manière que pour le bras, il déchira un autre morceau de sa cape.

« Ti-Jean m’en offrira une autre. » Marmonna-t-il pour lui-même.

Il appliqua le tissu sur la plaie tout en maintenant une pression de sa main droite, alors que la gauche déchira un long morceau qui servirait à enrouler le bras. Une fois la deuxième blessure pansée, il s’approcha de l’elfe blanche et lui parla.

« C’est tout ce que je peux faire pour le moment. Je n’ai pas de potion et je ne suis pas guérisseur. » Dit-il d’un air sincèrement déçu.

Il demeura près d’elle espérant que son état s’améliorait tout en jetant un coup d’œil à l’endroit par où elle était arrivée, de crainte de voir quelqu’un d’autre surgir de là.
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Cromax
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Re: La Sylve des Premiers Âges

Message par Cromax » dim. 7 juil. 2019 13:43

Message PNJ

Incapable de réagir, l’elfe se laisse débarrasser de ses équipements par le gobelin, lui octroyant quelques regards inquiets, craintive peut-être qu’il ne la dépouille pour ensuite l’égorger. Lorsque Fenouil commença à bander ses plaies, elle se détendit, sans pour autant se départir de sa respiration haletante et douloureuse. La douleur se lisait sur son visage quand Fenouil approchait des blessures. Et pas n’importe quelles blessures. Ce n’était pas beau à voir.

La belle elfe ne portait sous son armure une élégante tunique longue rouge vif roulée sur son ventre pour revêtir son plastron. Ses jambes n’étaient vêtues que de braies écrues sous ses jambières. La blessure au bras était plus profonde que large, résultat d’une pique sans doute métallique l’ayant perforé en passant par le défaut de l’armure, au niveau du biceps. Celle à la cuisse était située à l’arrière de celle-ci, et cette fois portait davantage les stigmates d’une arme tranchante l’ayant frappée par derrière, là où sa jambière ne couvrait pas son membre. Le sang s’était sans doute infiltré vers l’avant.

Mais Fenouil, tout peu soigneur qu’il était, remarqua aussi que le rouleau du surplus de tissu de sa tunique était lui aussi imbibé de sang. Elle était blessée sur le bas-ventre, là encore résultat d’une arme perçante qui, s’en allant de la blessure, aurait agrandi la plaie en lacérant les chairs.

Le gobelin eut raison d’être attentif, cependant, car au loin retentissaient des voix d’hommes, dans la forêt. Plusieurs personnes étaient là, cherchant ostensiblement à la retrouver. Sans doute pas pour lui vouloir du bien. Le regard paniqué de l’elfe en entendant ces voix au loin semblait confirmer ceci. D’une voix faible, elle parla.

« Ils… ils ne doivent pas… me retrouver. »

Le moindre mot semblait un effort surhumain. Elle n’était vraiment pas en forme. Et bien que leurs possesseurs ne soient pas encore visibles, les voix se rapprochaient dangereusement. Sans doute ne connaissaient-ils pas leur position, à Fenouil et à l’elfe, mais ils semblaient ratisser large…

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Oryash
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Re: La Sylve des Premiers Âges

Message par Oryash » dim. 7 juil. 2019 17:18

Précédemment : Pas de temps à perdre, on repart


Le soleil était à présent haut dans le ciel et Oryash cheminait sereinement en direction des montagnes. Elle ne s'était arrêtée qu'en de rares occasions afin de ménager sa monture. Le silence qui régnait avait quelque chose de reposant pour elle, alors que pour d'autre il aurait pu être pesant.

Elle arriva alors à la Sylve des Premiers Ages où les arbres se faisaient plus majestueux pour ne pas dire immenses. Il fallait avancer plus avant dans la forêt là où personne ne se rendait ou presque. Oryash se souvint d'une légende qui disait que les tréfonds de cette forêt étaient hantés par des créatures qui ne faisaient que d'une bouchée des curieux. Cela attira un mince sourire sur son visage. Elle s'enfonça plus avant dans la forêt, restant un rien sur ses gardes par mesure de prudence. Sa progression était facile pour me moment, mais cela ne serait pas toujours comme ça.

Bientôt, sa réserve d'eau fut épuisée et elle se mit en quête d'un point d'eau. Il y en avait forcément un dans le coin. Les traces d'animaux étaient plus fréquentes et les passages bien marqués. Elle les remonta et tomba sur un ruisseau, une vraie aubaine.
Elle sauta à terre et s'empressa de remplir ses réserves d'eau tandis que sa monture s'abreuvait. Elle se passa de l'eau sur le visage et sur la nuque en appréciant la fraicheur. Elle puisa une pomme dans les fontes de sa selle et croqua dedans à pleines dents avant d'en donner une à Herumor.
Elle s'accorda une petite pause et repartirait par la suite. Elle voulait gagner les montagnes avant la nuit dans la mesure du possible.


Suite : Une cape , du sang, un piège ?
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Re: La Sylve des Premiers Âges

Message par Fenouil » dim. 7 juil. 2019 18:38

Alors qu’il pensait avoir pansé toutes les plaies de la jolie rousse, il en vit une autre dans son bas ventre. Il déchira alors un autre morceau de sa cape, de forme rectangulaire cette fois, et le plia en quatre, puis il le mit dans une main de la femme. Avec une certaine pudeur, il déplaça sa main sur sa plaie, lui demandant de bien appuyer.

Alors qu’il réfléchissait à la façon dont il s’y prendrait pour terminer le pansement de cette vilaine blessure, il entendit des voix d’hommes provenant des bois. Il tendit l’oreille, mais n’entendit rien de bien instructif quant aux intentions des visiteurs. Par contre, le regard de la guerrière lui en dit bien plus long. Paniquée, d’une voix faible, elle réussit avec peine à lui dire qu’ils ne devaient pas la retrouver. D’instinct peureux et donc habileté à se sauver, Fenouil trouva immédiatement un plan.

Puisqu’il fallait faire vite, sans en demander la permission à la principale intéressée, il dénoua sa somptueuse cape rouge et tout en tentant de ne pas trop la déplacer, il la lui retira et la mit dans un tas à côté de lui pour le moment.

« Je vais vous cacher. » Lui murmura-t-il tout bas afin de ne pas être entendu des hommes qui s’approchaient. Et il rajouta :

« Vous avez une jolie chevelure, mais elle est trop voyante. » Cela dit, il prit son propre casque et le mit sur la tête de la guerrière.

Et avec précaution, il la tira par les épaules afin de la déplacer un petit peu plus sous les fougères. Puis il la couvrit d’herbes, de bouts de bois, d’un peu de tout ce qu’il trouvait. À un moment, sa main effleura la bourse peu garnie de la dame. Il eut un moment d’hésitation, mais il se résoud à ne pas s’en emparer… pas tout de suite en tout cas. Une fois qu’il crut qu’elle était bien camouflée, elle et son équipement, épée y comprise, il s’approcha du tas de feuillages et lui souffla sous les branchages.

« Ne bougez surtout pas. »

Cela fait, il tenta d’effacer les traces de pas avec une branche d’arbre. Puis la cape chiffonnée dans ses bras, il courut le long du ruisseau en posant ses pieds de préférences sur les roches pour ne pas laisser de traces. Après avoir parcouru une distance appréciable, il déplia la cape et l’accrocha à une branche, de façon à ce que l’on croie qu’elle l’avait perdu en s’enfuyant. Il revint un peu sur ses pas et se cacha dans un fourré. Il ramassa ensuite quelques billes qu’il avait dans son paquetage et visa un arbre situé tout près de la cape, espérant déranger les animaux à proximité ou du moins faire suffisamment de bruits pour les attirer vers la cape et les éloigner de la guerrière.

((( Fenouil cache la guerrière, met la cape rouge plus loin en évidence, et lance des billes à proximité de la cape pour attirer les poursuivants dans cette direction)))


***
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Re: La Sylve des Premiers Âges

Message par Cromax » dim. 7 juil. 2019 20:34

Message PNJ

À peine consciente, n’ayant plus la force de prononcer le moindre mot, l’elfe se laissa faire par Fenouil, maintenant tant bien que mal le tissu contre sa plaie, grimaçant de douleur au moindre mouvement. Il put donc œuvrer à son aise, alors que les voix s’approchaient de plus en plus. Certaines, du moins. Caché dans son buisson il put balancer ses petites billes en direction de la cape… Peut-être cela attirerait les voix masculines, mais la première à pouvoir arriver sur les lieux n’était autre qu’Oryash, longeant non loin de là le petit ruisseau. Elle entendit des bruits suspects, qui révélèrent à sa vue une cape flottant dans le vide, accrochée à un arbre, à quelques dizaines de mètres de sa position.

De sa cachette, Fenouil l’aperçut, mais il put surtout entendre des pas massifs piétiner la forêt. Au moins trois paires de jambes s’approchaient, et armés en plus, comme le signifiait le cliquetis typique d’armures.

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Re: La Sylve des Premiers Âges

Message par Oryash » dim. 7 juil. 2019 21:26

Précédemment: En passant par la Sylve avec mes....


Allez donc savoir pourquoi, la peau blanche n'avait pas relâché sa vigilance malgré sa pause bien mérité. Soudain un bruit, puis un autre. Elle n'était pas seule en ce lieu. Elle se redressa doucement , écouta et se munit de ses griffes. Elle aperçut alors une cape rouge flottant au vent. Une cape qui n'était pas là, lorsqu'elle était arrivée. Elle en était certaine.

Elle scruta les environs guettant le moindre bruit suspect, puis elle s'avança vers le morceau de tissu. Quelqu'un l'avait déposé là dans un but précis. Une fois arrivée à hauteur du vêtement, elle l'examina plus en détail. Il était taché de sang . Du sang qui n'avait pas eu le temps de coaguler pour certaines taches. Elle huma la cape et en reconnu l'odeur particulière du fer.

Son instinct de Phalange de Fenris reprit alors le dessus et elle chercha des traces . Tous indices pouvant lui indiquer la présence de tierces personnes dans les parages. Elle sortit son épée prête à croiser le fer au besoin.

Ce n'était pas normal, quelque chose clochait. Etait-ce un piège tendu par les ennemis du temple? Avaient-ils eu vent de la mission de la peau blanche? Non, cela ne se pouvait, elle s'était assurée de ne pas être suivie. Alors à qui appartenait cette cape?


Suite : Doutes
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Re: La Sylve des Premiers Âges

Message par Fenouil » dim. 7 juil. 2019 23:03

Bien à l’abri, Fenouil attendit. Ses billes avaient percuté l’arbre comme prévu. Ce n’était pas qu’il fut un bon tireur, mais seulement qu’il y avait tant d’arbres près de la cape, qu’il aurait fallu être vraiment mauvais pour manquer sa cible. Il n’eut pas à attendre longtemps, puisque quelques secondes à peine s’écoulèrent avant qu’il aperçût une ravissante femme aux cheveux blancs s’approcher de la cape et l’examiner de plus près. De sa cachette, Fenouil regardait la nouvelle venue qui avait dégainé son épée. On lui avait dit que des créatures étranges habitaient ces forêts, mais on avait omis de lui dire qu’il y en avait aussi de très jolies. Les deux seules créatures rencontrées jusqu’ici en auraient fait saliver plus d’un, mais pas Fenouil. Bien que sensible à la beauté féminine, il y préférait un jarret de porc fumé. Si sa vision était concentrée sur l’inconnue, son ouïe perçut des bruits de pas. Il évalua que plusieurs mercenaires s’approchaient. Il sortit donc son petit couteau et attendit. S’il était repéré, il n’hésiterait pas à se sauver, mais dans la direction opposée à celle où il avait caché la guerrière. Son couteau ne lui servait qu’à se libérer si jamais on le capturait ou tentait de le faire.
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Re: La Sylve des Premiers Âges

Message par Cromax » dim. 7 juil. 2019 23:16

Message PNJ

Fendue aux techniques de pistage, la phalange s’aperçut sans trop de difficultés de la supercherie du petit gobelin. Elle remarqua non loin de l’arbre où la cape était suspendue des traces qu’on avait tenté de masquer, qui menaient à une sorte de bosquet de fougères. Mais la blanche traqueuse n’eut guère le temps d’explorer plus avant : plusieurs hommes venaient de faire irruption non loin d’elle, s’approchant de sa position lorsqu’ils la virent. Ils étaient vêtus d’une manière qu’elle connaissait fort bien : la livrée rouge des gardes de la Rose, ceux-là même qui gardaient le Temple des Plaisirs de Kendra Kâr, ou qui habitaient le Clan des Roses, dont elle ne devait plus être fort loin. Ils n'étaient que trois, là, mais des éclats de voix alentour indiquèrent qu'ils étaient sans doute plus dans la zone. Voyant la phalange près de la cape, ils approchèrent d’elle et l’un d’eux l’apostropha :

« Hé ! Qu’est-ce que tu fais avec cette cape, toi ? Où est sa propriétaire ? »

Un second sembla hésiter, scrutant la Fenris, avant de préciser à l’attention de celui qui venait de parler :

« Il me semble avoir déjà vu cette femme… Quasiment sûr qu’elle est déjà venue au château. »

Le premier qui avait parlé se ravisa alors, et adopta une attitude plus sympathique.

« Oh. A-t-il raison ? Connaissez-vous le Clan des Roses, demoiselle ? Vous devez connaître la prêtresse de la rose qui le dirige, alors. Une elfe, aux cheveux rouges. C’est à elle qu’appartient cette cape. Elle est blessée et nécessite des soins, nous la recherchons désespérément. L’auriez-vous aperçue ? »

Fenouil avait entendu toute la scène, toujours planqué dans son buisson.

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Re: La Sylve des Premiers Âges

Message par Oryash » lun. 8 juil. 2019 00:21

Précédemment: Une cape , du sang, un piège ?


L'arrivée des soldats coupa net Oryash dans son élan si bien qu'elle les toisa de ses prunelles rouge, se contentant juste de décrocher la cape et de répondre tout aussi sèchement que le premier homme qui l'avait apostrophé , s'approchant d'eux. , s'éloignant volontairement de sa position.

" Je n'ai vu personne, sauf ça !"

Elle jeta alors la cape au visage de l'homme avant de fixer le second qui donnait son avis à propos de la peau blanche. Elle n'affirma rien et ne nia rien, se contentant de les écouter. Elle soupira longuement comme lasse de les entendre. Ils lui faisaient perdre son temps.
Quelque chose sonnait faux chez ces hommes , mais Oryash n'arrivait pas à savoir quoi. Elle affirma un peu plus sa main sur la garde de son épée comme si de rien était alors qu'elle leur répondait.

" Si elle est blessée, comme vous l'insinuez, elle ira pas bien loin. Vous n'aurez pas de mal à la trouver à moins que vous ne soyez pas à la hauteur de votre réputation. A mon avis, elle va longer le ruisseau afin de gagner des lieux plus fréquentés pour trouver de l'aide. Enfin après vous faites comme vous voulez, pas mon problème de toute façon."

Elle entendit au loin des voix, signe évident qu'il y avait d'autres gardes. Autant d'hommes pour une seule femme, c'était vraiment trop louche.


Suite: Découverte sanglante
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Re: La Sylve des Premiers Âges

Message par Fenouil » lun. 8 juil. 2019 02:28

Les bruits de pas s’approchèrent et les hommes passèrent tout près du gobelin, qui retint son souffle pendant un moment, mais poursuivirent leur chemin jusqu’à la phalange de Fenris. Des trois hommes, tous équipés d'armures argentées agrémentées d’une livrée rouge de qualité, un premier apostropha la femme et d’un ton cavalier et accusateur il lui demanda ce qu’elle faisait près de la cape rouge. Un second, plus discret, et d’une taille légèrement inférieure au premier, l’examinait plus en détail, ce qui n’étonna pas Fenouil. Ce blondinet expliqua au premier, plus grand et trapu, qu’il l’avait déjà vue à leur château.

(Un château ! )

Le ton du premier se radoucit aussitôt et ce fut avec des manières beaucoup plus civilisées qu'il expliqua alors que la propriétaire de la cape était la prêtresse du Clan des Roses, tout en la décrivant.

(Une elfe aux cheveux rouges, oui c’est bien elle)
Pensa Fenouil un brin soulagé.

Le garde poursuivit en expliquant qu’elle était blessée et qu’ils la recherchaient désespérément.

(La dame s’est trompée alors, elle qui pensait que des ennemis la poursuivaient.)

La belle femme aux cheveux blancs ne se laissa pas intimider par les trois gaillards. Après les avoir toisés sans scrupule, elle décrocha la cape et s’approcha des hommes tout en s’éloignant de Fenouil. Sa vue était moins bonne, mais il pouvait quand même les voir et ils les entendaient tout aussi bien, ainsi que d’autres éclats de voix un peu plus loin. Fenouil retint son souffle lorsque la pulpeuse femme jeta la cape au visage des gardes, elle semblait être dotée du même caractère orageux que Sibelle. Vraisemblablement pas intéressée de poursuivre la conversation, elle leur indiqua le long du ruisseau leur affirmant que la disparue était probablement par là.

(Mais non, elle est dans la direction opposée !)

Fenouil rangea son petit couteau à sa ceinture. Ces hommes semblaient à la solde de la prêtresse, il devait donc leur indiquer où il l’avait caché et obtenir ensuite une énorme récompense. Mais il n’eut même pas le temps de bouger un petit doigt qu’il se ravisa.

(Mais s’ils ne comprennent pas que je ne suis pas un gobelin et qu’ils pensent que c’est moi qui l'a blessée, ils vont me jeter en prison.)

Et il ressortit son petit couteau. Fenouil n’était pas idiot, il savait bien que ses parents étaient des gobelins et que génétiquement parlant, il était identique. Par contre, dans sa logique bien à lui, ce n’était pas le physique qui déterminait la race de la personne, mais plutôt les personnes et la façon dont il avait été éduqué. Or, ses parents adoptifs, des humains bien aimants envers lui, l’avaient élevé comme s’il s’était s’agit d’un humain. En gens honnêtes, ils lui avaient inculqué leurs propres valeurs. C’était donc comme un humain qu’il se définissait, ne considérant pas son aptitude pour les larcins comme un mal en soi. Son instinct de survie très développé lui avait fourni cette explication un peu tordue, mais qui l’arrangeait. Il n’aimait pas ces gobelins sans sens moral qui tuaient tout un chacun. Donc, il en déduisit que s’il sortait leur expliquer qu’il avait caché leur prêtresse, il y avait de fortes chances pour qu’ils n’accordent aucune valeur à ses affirmations. Il décida donc de demeurer à sa place, bien caché dans les fourrés. Lorsque les hommes seraient partis, il tenterait de prendre le magnifique cheval noir et y mettrait la prêtresse pour la ramener au château. Comme ça, ils verraient bien qu’il avait de bonnes intentions et il obtiendrait son immense récompense.

((( Fenouil reste bien caché dans sa planque sans bouger. )))
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Re: La Sylve des Premiers Âges

Message par Cromax » lun. 8 juil. 2019 15:10

Message PNJ

Les gardes de la Rose semblèrent surpris de la vive et farouche réaction de la phalange, tout particulièrement celui qui pensait l’avoir reconnue. Celui qui avait dès le départ pris la parole parla à nouveau.

« Bon. Bon, je crois que nous en savons assez, merci de vos conseils et… désolés pour le dérangement. »

Ils échangèrent un regard, l’un haussant les épaules, l’autre secouant la tête, puis repartirent tous trois dans la direction indiquée, longeant le ruisseau en emportant la cape, se séparant un peu pour couvrir une plus large zone. Le plus surprenant, peut-être, dans leur recherche, était qu’ils n’appelaient pas du tout la prêtresse. Même s’ils ne faisaient rien non plus pour être discrets. Débarrassée des importuns, Oryash pouvait œuvrer selon son bon vouloir. Ainsi que Fenouil, toujours planqué dans son buisson. La menace directe sur l’elfe était écartée, même si d’autres rôdaient toujours dans les environs.

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Re: La Sylve des Premiers Âges

Message par Oryash » lun. 8 juil. 2019 21:07

Précédemment: Doutes


Une fois que Oryash fut certaine que les gardes se soient suffisamment éloignés, elle récupéra sa monture et regagna l'endroit où la cape avait été accrochée afin de détourner l'attention. Elle attacha la longe de Herumor à un arbre et reprit la piste là où elle l'avait laissé, remontant les traces qui avaient été effacées avec soin, mais visiblement pas assez pour elle.
Elle ne tarda pas à arriver au bosquet de fougères. Elle rangea son épée, mais garda ses griffes, après tout, elle ne savait pas ce qui se cachait là-dessous. Ce pouvait-être une personne ou tout autre chose. Elle donna un léger coup de botte dans les fougères et constata que ce qui se trouvait dissimuler là, semblait bien lourd. Elle jeta un oeil alentour, ayant l'étrange impression d'être observée depuis un petit moment. Elle s'accroupit, dégagea les branchages et découvrit l'elfe à la chevelure écarlate , blessée.

" Par Fenris, Prêtresse! "s'exclama-elle à mi-voix.

Très vite, elle constata que cette dernière avait reçu quelques soins sommaires, mais au moins quelqu'un avait essayé. D'ailleurs il se pouvait fort bien que ne la dit personne soit encore dans les parages.

"Qui que vous soyez, sortez de votre cachette, je ne vous ferai pas de mal. "

Sa voix avait porté un peu plus loin, mais espérait-elle pas assez loin, pour être entendue par les gardes. Elle reporta son attention sur la prêtresse.

" Qui vous a fait ça? "

Oryash, se demanda si elle pourrait lui répondre. Elle souleva la main de l'elfe qui tenait un morceau de tissu sur une de ces plaies . Ce n'était pas beau du tout. Si elle ne faisait rien, la prêtresse succomberait d'ici peu.


Suite: Quelle étrange, chose, bête... ça se mange ?
Modifié en dernier par Oryash le mar. 9 juil. 2019 20:43, modifié 2 fois.
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Re: La Sylve des Premiers Âges

Message par Fenouil » mar. 9 juil. 2019 01:52

Ce fut avec un soupir de soulagement que Fenouil vit les soldats s’éloigner le long du cours d’eau, emportant avec eux la cape rouge de leur prêtresse. Sa ruse avait fonctionné et il en était très fier. Il espérait que la dame aux yeux rouges en fasse autant, mais ce ne fut pas le cas. Elle prit les rênes de son magnifique cheval noir et revint à l’endroit où Fenouil avait accroché la cape. Les yeux de Fenouil s’écarquillèrent lorsqu’il la vit regarder attentivement le sol et s’approcher dangereusement de l’endroit où il avait caché la blessée. Lorsqu’il l’a vit donner un coup de pied dans le fourré, il dut retenir un hoquet de déception. Elle jeta un coup d’œil aux alentours.

Ce fut à ce moment précis qu’il décida de sortir de sa cachette. Lorsqu’elle dégagea les feuilles et les branchages, il était tout juste derrière elle. Elle lui avait retiré son casque et venait de la reconnaître. Se doutant que quelqu’un se trouvait dans les parages, elle demanda d’une voix forte de se montrer.

« Je suis juste derrière vous. » Lui dit le petit Fenouil.

« Je l’ai soignée comme j’ai pu, mais elle a besoin de soin…êtes-vous guérisseuse ? Ou avez-vous des potions de soin ? »
Tout en murmurant, il poursuivit :

« Il est préférable de ne pas parler trop fort, il y a encore de ses hommes dans les alentours et elle ne voulait pas qu’ils la retrouvent. »

Puis se plaçant au chevet de la prêtresse, il la questionna à son tour à voix basse pour ne pas attirer l’attention sur eux.

« Cette femme possède un cheval, ça va nous faciliter votre déménagement... Seriez-vous en sécurité à votre château ? Ou préférez-vous qu’on vous emmène ailleurs ? »

Fenouil ne ressentit pas le besoin de demander la permission à la belle, elle avait un cheval et ils en avaient besoin d’un. Le problème de transport était réglé.
Modifié en dernier par Fenouil le dim. 15 déc. 2019 18:22, modifié 2 fois.

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