Lorsque la brute tourna sa tête dans la direction opposée, je sortis de ma cachette et je courus dans sa direction, légèrement décalé à sa gauche. Une fois à sa hauteur j’effectuai quelques pirouettes afin de le déstabiliser tout en poursuivant ma route.
M’orienter et pister tout en prenant la fuite n’était pas chose facile, mais je parvins tout de même à trouver quelques repères, c’était du moins ce que je croyais.
Puis au détour d’une ruelle j’arrivai face à face avec le Chevalier antique Kilmun Vala’ar celui-là même qui avait guidé Akihito et Khalor. Le sourire aux lèvres j’allais lui demander de m’indiquer la voix à suivre lorsque celui-ci m’apostropha.
“Voici donc celui qui se cachait dans l’ombre. Hé bien, condamné : tu n’étais pas le seul à te cacher.”
Mon sourire s’effaça aussitôt. Il avait deviné ma présence ce qui ne me surprenait pas outre mesure. Cependant ce qui se passait ensuite m’effara au plus haut point. Sitôt ses paroles prononcées, je vis son visage se transformer. Son teint déjà blafard s’accentua pour prendre une couleur grisâtre alors que sa peau flétrissante se collait sur les os, les rendant très proéminents. Ses orbites profondes semblaient se creuser davantage dévoilant des billes blanches cadavériques en guise de yeux. Une couronne d’or, dont les pointes ressemblaient à des cornes, confirmait que le chevalier était désormais promu au titre de roi…
(Mais roi de qui ? de quoi ? )
Je n’eus même pas le temps de pousser plus loin ma réflexion et encore moins d’ouvrir la bouche pour le questionner que je sentis un violent coup derrière mon crâne.
Alors que j’avais l’impression d’être dans le noir le plus total, je sentis une poigne assez ferme me secouer. Je me réveillai alors en sursaut, craignant être entre les mains de la créature affamée. Je ne désirais surtout pas finir en repas à emporter.
Lorsque j’ouvris mes yeux, j’eus l’heureuse surprise de voir Eaeria qui me fixait une légère inquiètude pouvant se lire dans ses beaux yeux dorés.
“Désolée de te réveiller si brusquement, mais tu criais dans ton sommeil, tu avais l’air effrayé.” me dit-elle aussitôt.
“Me réveiller ? Je dormais ? Tu t’es retrouvé dans les bouges toi aussi ? Comment as-tu fait pour me ramener ici ?”
Affolé, je tentai de me relever, mais elle me retint doucement, me priant de rester allongé un moment.
“ Je suis contente que tu sois enfin réveillé, cela fait plus de deux jours que tu dors ainsi sans arrêt. On m’avait bien interdit de te secouer, tu devais sortir de ce sommeil forcé par toi-même afin de préserver ta santé, mais t’entendre crier ainsi, me fut insupportable, je n’ai pu m’empêcher de te secouer… J’aurais peut-être dû le faire avant finalement.”
J'acquiesçai à sa demande et demeurai étendu sur le lit. Il me suffit d’un bref regard circulaire, pour constater que j’étais dans l’infirmerie d’Esseroth.
“Que s’est-il passé ? Pourquoi je me retrouve ici ?” Dis-je encore tout secoué.
Avec une infinie douceur, elle s’assit sur le rebord du lit et me prit la main.
“Nous étions en plein discussion ici. Toi et Dracaena tentiez de trouver comment prévenir les autres pour la tête du Dragon qui risquerait de reprendre sa taille normale et là subitement…”
Connaissant la suite, je poursuivis:
“.. un vortex s’ouvrit alors et j’en fus absorbé. et…”
Les sourcils froncés, elle s'interrompit à son tour.
“Non, non..” Dit-elle de sa douce voix. “ Tu as brusquement perdu connaissance et tu t’es étalé sur le sol. Visselion t’a porté jusqu’ici. Et depuis, je viens à ton chevet dès que j’ai un moment.”
Je la regardai ahuri.
“Mais, la ville souterraine avec ses habitants immortels qui ne se souviennent pas de leur enfance, croyant de ne pas en avoir eu ? Cette ville habitée sur plusieurs étages dont ceux aux niveaux supérieurs étant réservés aux plus riches ? Aucune espèce animale n’existant…”
Tout en me souriant, elle me répondit :
“Je crois que tu as rêvé tout ça… Ce monde semble étrange, mais au point d’émettre des cris d’horreur ?”
Reprenant mon calme, soulagé d’être auprès de ma bien aimé dans l’infirmerie et non dans les bouges en compagnie du Roi des morts, je lui répondis:
“En fait, j’avais été jugé injustement et condamné à demeurer six mois dans le plus bas niveau de cette ville souterraine, parmi des êtres n’étant plus vraiment humain et prêt à m’attaquer afin d’assouvir leur faim. Lorsque tu m’as réveillée, je venais de recevoir un coup sur la tête et une créature était en train de me manger les pieds.”
Elle s’approcha de mon visage et déposa tendrement un baiser sur mes lèvres.
“C’était un affreux cauchemar, heureusement que ce monde que tu m’as décrit n’existe que dans ton imaginaire.”
Elle s’étendit près de moi et plaça sa tête contre mon épaule.
“C’est terminé, je suis là, tu ne feras plus cet affreux rêve.”