Finalement, arriva deux autres protagonistes. La première était Sináëthin, cette elfe qu’il avait déjà rencontrée à deux reprises, sur l’île maudite et en Aliaénon. Elle avançait froidement détacher du vacarme ambiant et de la moiteur de printemps. Sa peau diaphane était revêtue d’une armure légère qui épousait ses formes. Sa chevelure argentée s’éparpillait hors de son casque. Elle n’avait pas changé son visage semblait pétrifié dans la glace.
Elle était suivie d'un jeune Kendran, aux cheveux bruns. Son visage candide était soutenu par des yeux ébènes perçant qui relevait cette immaculée innocence. Son physique de gringalet et cette fraîcheur, faisaient de lui le genre de soldat que sa famille pleurerait bientôt.
Ils n’eurent pas le temps de se présenter, que le vélite toujours courroucé de la présence de l’humoran les invita à rentrer dans la tente de l’état-major. Cette tente, qui tenait plus d’une salle de banquet par sa grandeur, abritait le roi de Kendra-Kar. Son jeune visage était entouré d’une barbe finement taillée, il scruta les arrivants. Habillé d’émeraude, il avait la tête droite, l’air sage et ne semblait souffrir d’aucune hésitation.
Certains mirent un genou à terre, il n’en était rien pour Sirat. Sa réputation l’avait sûrement précédé, faire des courbettes ne lui apporterait donc rien. Pour lui le seul qui méritait qu’il fléchisse l’échine eut été Zewen. Il était au-dessus de ces rois de pacotilles ou ces magiciennes d’opérettes.
Aux côtés du roi se trouvait sa sœur, Satina une jeune femme très belle, brune aux boucles tombantes sur sa peau de pèche. Elle observait en silence les aventuriers.
Elle vit bien évidemment le Bohémien, bousculé, trébuché devant elle et honteux se reprendre avec plus de fermeté.
Assis de l’autre côté le père de Sirat. Il n’avait plus revu ce visage sans joie et stérile d’amour qu’était celui de son père depuis son enfance. Ses cheveux coupés court, sa barbe brune, découpaient un visage dur et austère. Sa peau devint violette de haine quand il toisa cet enfant qui tachait tout ce qu’il avait mis des années à construire. Sirat le défia lui aussi, il n’était plus l’enfant, apeuré qu’il était jadis. Il n’avait rien à lui demander, rien à lui prouver, il n’allait pas baisser la tête pour le plaisir de ce géniteur hypocrite n’assumant pas ses actes.
Ce faux bigotisme, cette comédie, jouée par ces gens, l’irritait. Les humains étaient aussi coupables, inceste, violence, esclavagisme pour ne citer que cela. Mais leur haine systémique, leur violence silencieuse, avait l’apparat des mondanités et se faisait plus présentable.
Qui le retenait ? Personnes... Il pouvait tuer le roi, d’un coup. Qui pouvait l’arrêter, ce mage, vieillard serti de sa cape orange et doré ou ce monstre de muscle sous son armure, avec son regard bovin.
Il pouvait distendre le temps, faire siens de l’espace et fondre sur ce roi ballot, le pulvériser de sa masse et en finir. Son père ne pourrait rien y faire, bien trop vieux, il l’écraserait de son deuxième coup, pulvérisant sa cervelle sur les murs de la tente.
Un geste, un appel, un signe suffirait... Un bruit sourd frappait sa tête, tandis qu’il entendait des voix s’élever. Les groupes se formaient... Un élan, juste une frappe rapide, et il n’y aurait plus que silence et désolation.
Mais où serait la gloire, le triomphe? Sirat revint peu à peu à lui, il n’avait pas bougé, mutique il était resté prostré. Son regard sortit de sa torpeur.
Le plan était simple et ce minotaure de conserve l’expliquait, ou la beuglait, de sa grosse voix. Lui, il l’aurait affronté avec plaisir, juste pour lui enfoncer le crâne dans sa carapace qui lui servait de poitrail. Il était en colère, il ne comprenait pas réellement ce qui lui arrivait, mais cette colère se répendait en lui semant de ses tentacules des idées noires.
Sirat écouta, discret. Trois missions s’offraient aux aventuriers, la première au nom de code de la Mer Verte était dirigée par le père du zélote. Sirat émit un bruit désapprobateur à l’encontre de son père. Cette mission ne l’intéressait pas, il n’écouta même pas son énoncé. Il ne serait pas ce fils, stupide, près a tout pour faire plaisir à son papa. Il ne serait le chien de personne encore moins de cet homme.
La deuxième, De Vandrak, devait passer derrière les lignes ennemis avec un navire et attaquer directement au cœur d’un bastion, sûrement protégé et lieu de villégiature d’un de plus terrifiant des treize : Karsinar la bête sauvage.
Celle-ci était plus dans ses cordes, plus dangereuse, plus glorieuse. Le destin fit briller dans ses yeux une lumière de désir, celle du combattant de l’aventurier, qui n’a qu’une hâte mettre sa vie en jeu par pur plaisir et par amour de Zewen.
La troisième, il n’écouta pas la troisième, même si le nom de Khynt fut cité et qu’une vengeance pouvait lui être offert. Il savait pertinemment que la fortune ne se décidait pas sur des choix personnels. Il élimina d’office donc le choix du père et celui de punir celui qui l’avait vendu pour une mise à mort : Khynt.
Tout le monde y allait de son choix, tous pompeux, annonçant titres et fantaisies. L’honneur du guerrier, le courage ne s’achetait pas pour l’humoran, ce vomissement verbal de brevet et de particule ne valait pas la vérité du champ de bataille. Il était troublé malgré lui.
Sirius fit son spectacle, mais celui-ci égailla l’humoran. Le pirate s’amusa avec le comte, son père, Ybelinor. Celui-ci fulminait, ses tempes se gonflaient et pulsaient tant le corsaire l’avait irrité. Finalement le borgne offrait au zélote un petit plaisir.
Sirat esquissa un sourire. Heartless avait choisi Karsinar comme groupe, décision logique pour un marin et se il trouvait seul. Sibelle se retourna vers le colosse encore dans ses réflexions. Il l'observa. Elle semblait hésiter à suivre le pirate, elle avait déjà fait un pas vers le vieux mage qui attendait patiemment à côté du flibustier. Sirat lui fit comprendre qu’il allait la suivre. Confiante, elle se présenta alors évoquant ses maux de mer, mais ses aptitudes à voler.
Sirat lui emboîta le pas, sans rien dire, il regarda le vieil homme. Ses cheveux étaient blancs et soyeux, son parfum était presque envoûtant. Il représentait, dans sa robe orange, le grand-père parfait et rêvé, sage et avenant en même temps.
Sirat le jaugea un instant alors qu’il avait pris place dans le groupe. Il était un peu plus calme, mais avait hâte de s'en aller en mer.
Là où elle ira, j'irai.
Fit-il en désignant son amie à la chevelure enflammé.
hrp : groupe Karsinar