L'ïle Interdite

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Yliria
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Re: L'ïle Interdite

Message par Yliria » ven. 12 juil. 2019 20:14

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Un mal de tête lancinant m’accueillit à mon réveil. Je n’avais aucune idée de pourquoi j’étais tombée inconsciente, ni de combien de temps j’avais pu rester ainsi. Je sentais la douceur d’un drap au-dessus de moi et ce n’était pas le sol qui portait mon dos, mais une paillasse. J’ouvris les yeux et aperçus l’intérieur d’une tente. Je me redressai doucement, essayant de remettre mes idées en place. Puis la réalité me frappa de nouveau et une vague de tristesse me déferla dessus tandis que je sortais du couchage. Elle n’était plus, j’étais seule de nouveau. Je sentis Alyah me soutenir en m’envoyant une vague de réconfort, mais même ça ne pouvait combler la culpabilité qui s’installa dans ma poitrine. J’écartai les pans de la tente et me retrouvai au milieu d’un petit campement. Les membres de la caravane avaient apparemment décidé de camper dans les ruines bordant le temple maudit. Je cherchais des visages connus du regard, saluant sans enthousiasme ceux qui me reconnaissait avant de tomber sur Izar’tho qui m’adressa un large sourire.

- Content de te voir en vie gamine. Nous allons avoir besoin de ton aide pour la suite, j’espère que tu es d’attaque. Tu nous raconteras tes aventures aussi, on a hâte d’entendre ça !

Je n’eus pas l’occasion de répondre car il fut appelé ailleurs. Ma réponse ne lui aurait sans doute pas plu de toute façon. Je croisai également Harion et Béarid qui m’adressèrent eux aussi de larges sourires et signes de la main. Je les saluai à mon tour, mais sans enthousiasme, avant de continuer mon chemin. J’avais besoin de calme. Je finis par m’asseoir un peu à l’écart, sur un rocher, les jambes pendant dans le vide, les yeux perdus en direction de la forêt, soupirant.

- Tu vas vieillir avant l’heure à soupirer de la sorte Yli.

Je haussai les épaules. Elle pouvait bien dire ce qu’elle voulait, elle n’était plus là pour m’en empêcher à présent. Je reniflai en silence tandis que des bras m’entouraient doucement et qu’une joue se colla contre la mienne. J’eus du mal à ne pas sangloter immédiatement en la sentant près de moi. Je me contentai de serres ses mains dans les miennes en faisant de mon mieux pour ne pas céder aux larmes.

- Tu m’as manqué Yli.

La voix était tremblante et lorsque je vis son visage et ses yeux humides, je me jetai dans ses bras, pleurant et riant à la fois, tout comme elle. Quiconque serait passé là nous aurait pris pour deux folles, mais je m’en fichai. Elle était là, je pouvais la toucher, elle me parlait, c’était tout ce qui comptait pour moi. Cela dura un moment, un long moment, mais pour rien au monde je n’aurai coupé court à cela. Lorsque finalement nous nous séparâmes avec un sourire, j’essuyai mes larmes et la regardai, tout de même surprise.

- Je ne comprends pas… je t’ai vu…

- Je sais, je n’ai pas compris non plus au début. Tu étais allongée au sol, et il y avait cette licorne. Elle m’a regardé et elle est partie lorsque je l’ai remercié. Je crois qu’elle a souri à un moment, mais je n’en suis pas sûre.

- Une licorne…

C’était elle que j’avais vu dans la forêt, elle qui m’avait averti du danger sans que j’en comprenne pour autant la signification ou la raison. Mais pourquoi ne l’avais-je pas identifiée ?

(Seuls les cœurs purs Yliria… Ton cœur n’est pas impur, mais il comporte son lot de noirceur, contrairement à Nyllyn.)

Je hochai la tête aux paroles d’Alyah, comprenant très bien de quelle noirceur elle parlait, et reportai mon attention sur Nyllyn qui semblait attendre.

[color=##FF80FF]- Tu avais une cape et un bouclier sur toi, tu as trouvé ça dans le temple ?[/color]

- Oui, la cape c’est ce que je recherchais, quant au bouclier… disons que je pense apprendre à m’en servir, c’est tout de même fort pratique.

Nous passâmes un long moment à nous raconter nos aventures et les siennes n’avaient rien à envier aux miennes. Apparemment ils avaient été plusieurs fois attaqués par des Woran sur le trajet jusqu’ici, ils avaient trouvé un vieux campement abandonné depuis des lustres et les quelques chercheurs et intellectuels de la troupe avaient apparemment fait de superbes trouvailles qui, selon eux, valaient largement le déplacement de l’expédition.

- Et après ça, nous avons marché jusqu’ici, puis les fanatiques sont arrivés, en même temps que d’autres créatures particulièrement intelligentes qui nous ont traqués. Nous ne sommes plus qu’une quinzaine sur la trentaine de personnes parties. Il a même été question de rebrousser chemin, mais le chef n’en démordait pas. Certains pensent qu’il a complètement pété les plombs, mais personnellement j’en doute.

Cela me rappela les paroles d’Alyah sur l’état de la caravane. Les choses n’allaient peut-être pas s’arranger autant que je l’espérais finalement.

- Yli… quand… quand tu as disparu je…

- Je sais… enfin je veux dire, je me doute. J’étais très inquiète moi aussi, je me demandais tout le temps si tu allais bien. Mais tout ça c’est du passé d’accord ?

- Tu as raison ! Viens, il faudrait peut-être parler avec Izar’tho. Je pense qu’il aimerait savoir certaines choses, et probablement que monsieur Joraquin également.

Elle n’avait pas tort et je la suivis dans le campement. J’avais toujours du mal à réaliser qu’elle était bien là, vivante et en forme, mais lorsque sa main serra doucement la mienne, comme si elle savait ce que j’avais en tête, je ne pus m’empêcher de répondre à son sourire par un autre. Je remarquai que la majorité des gens dans le camp semblait fatiguée, beaucoup étaient blessés et avaient le visage fatigué et les yeux perdus dans le vide. L’expédition était en train de tuer à petit feu ceux qui la composaient. Arrivée devant la tente de Joraquin, izar’tho nous salua et nous fit entrer, nous suivant à l’intérieur. Intérieur très sommaire, ce qui n’avait rien de surprenant, composé d’un lit, d’un bureau, d’un siège et de quelques caisses. Penché sur un livre, le chef de l’expédition leva les yeux et nous adressa un léger sourire avant de poser la plume qu’il avait à la main.

- Yliria, Nyllyn, je suis content de vous voir toutes les deux en pleine forme. J’avoue avoir été surpris de te voir Yliria, nous te pensions… et bien…

- Je peux comprendre, il n’y a pas de mal.

- Je vois… Tu es toujours la bienvenue dans cette caravane si tu le souhaites, et tu peux bien entendu reprendre ta place de garde, ce qui nous serait utile, je ne vais pas te mentir, nous avons quelques déboires avec un village Woran et les créatures de l’île.

- Justement… à ce sujet, j’aurai quelque chose à vous proposer, si vous voulez bien.

Il hocha la tête, m’invitant à continuer.

- J’ai pu tisser des liens avec des habitants de l’île, un village Woran qui m’a aidé à rester en vie et à parvenir jusqu’ici. Je pense qu’il serait plus judicieux de leur demander un peu d’aide contre un peu de nourriture ou d’autres objets qui leur seraient utiles ici. Et ils connaissent bien cette île, je suis sûre qu’ils pourraient s’entendre avec les chercheurs qui veulent en apprendre davantage et nous aider à repartir ensuite.

Joraquin prit un air pensif et Izar’tho me regarda d’un air étrange.

- Je vais étudier la question Yliria… j’aurai une requête. Pourrais-tu ouvrir de nouveau le temple ? Un de nos hommes s’y est aventuré et j’aimerais savoir s’il est en vie.

- Je… il est mort, j’ai vu son corps en ressortant… je peux toujours essayer d’ouvrir la porte si vous voulez le récupérer. Je vous déconseille par contre d’aller trop loin, les pièces qui se trouvent plus bas renferment une magie sombre qui pourrait affecter ceux qui s’y aventurent.

- Je vois… si tu acceptes, j’aimerais que tu guides un petit groupe jusque-là où cela te semble sûr afin de ramener le corps de notre camarade et les éventuels objets qui se trouvent là-bas.

Je hochai la tête. Je n’avais guère envie d’y retourner, mais je comprenais pourquoi Joraquin souhaitait y aller. Il leur fallait retrouver leur camarade et trouver quelque chose de valeur, que toute cette expédition n’ait pas été menée en vain.

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Message par Yliria » ven. 12 juil. 2019 20:25

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Ouvrir la porte ne fut pas un problème et notre petit groupe, composé de trois Hafiz, Izar ‘tho, les deux mages, Nyllyn et moi-même, fit un rapide tour des lieux. Je les laissai ramasser ce qu’ils voulaient, notamment le corps de l’Hafiz tué et le précieux métal d’obscurité dont ils découvrirent tout un stock après une fouille plus minutieuse. En revanche, personne ne s’occupa des corps des fanatiques et Alyah me poussa à les fouiller malgré tout. Quelques bourses, une épée droite et deux dagues en plus d’un orbe magique, tout d’une bonne facture sans être exceptionnel. Nyllyn récupéra le reste, y compris l’arbalète qu’elle regarda d’un air dédaigneux, qualifiant cette arme de « barbare » et faite pour les « inaptes qui ne savent pas se servir d’armes plus nobles », ce qui me fit sourire. Notre petit groupe continua son chemin mais je refusai catégoriquement de descendre les escaliers. J’avais eu de la chance que Alyah me guide, mais rien ne disait que d’autres ne deviendraient pas fous ou qu’un autre élémentaire d’obscurité s’y trouvait, mieux valait ne pas prendre de risques supplémentaires. Evidemment les deux squelettes de dragons intriguèrent beaucoup et chacun alla de sa théorie sur les origines et les raisons de ce combat titanesque. L’un des Hafiz ramassa une dent, tout comme moi je l’avais fait et nous ressortîmes. Le butin récupéré remit du baume au cœur aux membres de l’expédition, mais un événement vint perturber ce moment de fête toute relative.

- Des Worans !

Aussitôt, tous prirent leurs armes et se mirent en position tandis que je les regardai bêtement avant de jeter un œil vers la source du cri, deux worans qui avançaient prudemment sur les flancs du volcan, visiblement peu à l’aise. Je reconnus sans peine Valah et Wollar et me hâtai de les rejoindre sous les regards surpris et les murmures d’avertissements du reste de la troupe. Arrivée à hauteur des deux Worans, ils s’inclinèrent et je fis de même.

- Content de voir que vous êtes saine et sauve, Envoyée.

- Grâce à vous en grande partie. Je suis rassurée de voir que vous allez bien.

Cela les fit sourire tous les deux.

- Avez-vous réussi à trouver ce que vous étiez venu chercher ?

- Oui, et j’ai aussi en quelque sorte débarrasser le temple d’une créature sombre, voire deux... Enfin le temple est plus sûr qu’avant, mais je ne saurai trop vous conseiller de ne pas vous y aventurer, la magie qui y règne est maléfique et corrompt les esprits.

Les deux Worans hochèrent la tête dans un ensemble parfait.

- Nous vous remercions. Pouvez-vous nous accompagner jusqu'au village ? Nous aimerions que vous fassiez un récit à la Mère Firma.

Je tournai la tête vers la petite troupe qui restait à l’affut un peu plus haut et offris à mon tour un sourire aux deux Worans.

- Bien sûr, mais avant ça, j’aurai quelque chose à vous proposer, si vous êtes d’accord.

Après quelques négociations dans une relative tension qui me fit dresser les cheveux sur la tête, Joraquin accepta ma proposition de demander une assistance au village Woran pour nous guider à travers la jungle de l’île, moyennant quelques échanges. Les deux Worans affirmèrent ne pas pouvoir vraiment parler à la place de leur chef, mais ils étaient persuadés qu’une requête de l’Envoyée serait acceptée, ou au moins étudiée avec attention. Nyllyn et une bonne partie de la petite troupe me lançèrent des regards intrigués et je me contentai d’une vague explication qui ne parut satisfaire personne, au point que Nyllyn demanda de vraies explications un peu plus tard. Elle fut à la fois sidérée et amusée.

- Et toi tu n’as pas cherché à leur dire la vérité ?

- Disons que même en essayant ils s’en fichaient et que j’étais bien contente d’avoir un peu d’aide et de ne pas finir embrochée sur une pique.

- Vu comme ça… Comment dois-je t’appeler alors, Ô Envoyée ?

- Ah non tu ne vas pas t’y mettre aussi !

Le trajet fut relativement calme, malgré une timide tentative d’attaque d’une meute de kragens qui rebroussèrent vite chemin après le déferlement magique d’Harion et de Béarid qui semblaient vraiment détester ces créatures en particulier. Il fallut cinq jours complet pour être en vue du village et j’y entrai seule avec Valah afin de raconter ce qu’il s’était passé et de parlementer avec la cheffe. Elle écouta avec attention tout le récit, ne prenant la parole qu’une fois celui-ci terminé.

- Je vous remercie… j’espère que vous ne nous tenez pas rigueur pour notre petite mascarade.

- Pas vraiment, ce qui est fait est fait. En revanche, j’aimerais vous demander quelque chose.

Elle n’eut pas l’air enchanté d’aider un groupe entier d’étrangers à se promener librement sur l’île, mais je lui affirmai que les intentions de la troupe étaient tout sauf belliqueuses. Ils avaient déjà beaucoup soufferts sur l’île, je demandais simplement un guide pour repartir et de l’échange d’informations qui serait sans doute bénéfique à tous, en échange de quelques objets. Valah m’appuya à la grande surprise de la Mère Firma et elle finit par accepter, mais en interdisant aux étrangers de séjourner dans le camp, tous les échanges se feraient devant les portes sous la surveillance des guerriers. Le compromis ne me plaisait guère, mais Joraquin accepta les conditions et, heureusement, tout se passa très bien. Notamment lorsqu’ils apprirent que ce n’était pas ce village qui était à l’origine des attaques, les Worans de ce lieu n’ayant même pas connaissance de la présence de la troupe autrement que par le récit que j’avais fait lors de mon premier passage. La troupe resta une semaine complète près du village, le temps de panser ses blessures et de faire quelques échanges qui ravirent les chercheurs, un des Worans les plus ouverts partageant ses connaissances sur la faune et la flore locale en échange de récits du monde extérieur et d’un peu d’alcool.

Le cinquième jour, Wollar vint me voir alors que je m’entraînai avec Nyllyn sous l’œil amusé de Béarid et Harion qui avaient pris la fâcheuse tendance de parier sur nos affrontements. Le bouclier que j’avais récupéré avait hélas beaucoup souffert de mon affrontement et de son séjour prolongé dans le souterrain, aussi je me contentais de ma seule épée, mais Nyllyn avait décidé de se battre avec deux lames et cela la rendait bien plus agressive et dangereuse qu’avant et j’avais parfois du mal à suivre. Je pris une pause en voyant Wollar s’approcher et nous saluer, me mettant un peu à l’écart pour discuter avec lui. Il avait l’air légèrement tendu et la raison était on ne peut plus simple.

- Je tenais à vous remercier, grâce à vous, je vais pouvoir de nouveau être considéré comme un membre du clan, à égal avec les miens. Je vous en suis extrêmement reconnaissant. J’aimerais vous payer ma…

- Je vous arrête tout de suite Wollar. Vous ne me devez rien. Sans vous, je serai probablement morte dans cette jungle. Certes m’assommer et m’emmener de force ce n’était pas forcément la meilleure solution, mais je ne vous en tiens pas rigueur… enfin pas trop.

J’ajoutai ces derniers mots avec un sourire et il se détendit, un rictus amusé se dessinant sur son visage. Il se mit à ma hauteur, s’accroupissant juste assez pour que son visage soit en face du mien.

- Envoyée ou non, je suis content de vous avoir rencontré, Yliria. J’espère que vous rentrerez saine et sauve chez vous.

Je lui souris malgré la petite pointe de tristesse qui passa sur mon cœur. Chez moi… une notion bien vague depuis quelque temps, à arpenter les routes au gré des envies du Destin. Du coin de l’œil, je vis Nyllyn rire avec les deux mages et m’adresser un sourire. J’étais idiote, j’avais un chez moi, un lieu où rentrer et des gens sur qui compter.

- Merci Wollar. J’espère que vous saurez regagner la confiance des vôtres. Si je peux aider en quoi que ce soit…

- Vous avez fait bien assez pour moi et mon peuple. Je vais demander à vous guider, vous et vos amis jusqu’à un endroit d’où vous pourrez repartir.

Je le remerciai de nouveau avant qu’il ne retourne dans son village. J’eus une petite discussion avec Théodore Joraquin, qui accepta la proposition de Wollar sans discuter. Lui aussi semblait finalement pressé de quitter cette île malgré les faibles retours positifs. Beaucoup étaient morts, peu de chose avaient été récupérées et aucune trace de la licorne pour lui, Nyllyn m’ayant informé qu’elle garderait ça pour elle, en signe de reconnaissance envers l’être qui lui avait donné un nouveau souffle et j’avais fait de même. Seules les trouvailles sur la faune et la flore dépassaient les espérances de l’expédition. Au moins certains n’étaient pas venus pour rien. Et je faisais clairement partie du lot.

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Modifié en dernier par Yliria le sam. 13 juil. 2019 01:59, modifié 1 fois.

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Message par Yliria » sam. 13 juil. 2019 01:57

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Epilogue

Trois jours plus tard, au matin, ce qu’il restait du convoi se mit en route, guidé par Wollar. La veille au soir, Valah, la mère Firma et quelques Worans m’avaient souhaité bonne chance à grands renforts de « puisse Utu vous guider », au point que ça en devenait gênant. Après un bon millier de refus pour des cadeaux, j’avais rejoint la caravane pour prendre ce qui serait sans doute une des rares nuit complète de sommeil avant longtemps. J’étais persuadée que le trajet dans la jungle ne serait pas une partie de plaisir et que nous allions vite tomber d’embûches en embûches. Pour une fois, j’étais ravie de me tromper, au moins en partie. Il y eut bien quelques attaques de kragens mais la taille de notre convoi décourageait même les plus téméraires d’entre eux et leur viande n’était bizarrement pas horrible à manger, bien que passablement compliquée à se procurer. La seule fois où je fus vraiment inquiète pour le convoi fut lorsqu’un groupe de Woran nous tomba dessus par surprise, blessant deux mercenaires avant que quiconque ne puisse réagir. Fort heureusement Nyllyn en découpa un et j’en envoyai un autre au tapis d’une boule de feu, ce qui eut pour effet de vite calmer les autres qui disparurent dans la jungle sans demander leur reste. Il nous fallut deux semaines entières pour atteindre le rivage et quatre jours supplémentaires pour remonter jusqu’au lieu de rendez-vous où nous allumâmes un immense feu de nuit. Le lendemain, après avoir dit adieu à Wollar qui s’en retourna chez les siens après des salutations amicales avec toute la troupe, les passeurs nous firent embarquer et traverser de nouveau la mer jusqu'au royaume de Kers, loin de cette île que tous quittaient avec joie.

La traversée ne fut un moment serein pour personne. Tout le monde scrutait l’eau, la peur au ventre. C’était là que les déboires avaient commencé pour la caravane et chacun priait pour que cela n’en sonne pas la fin pure et simple. Il y eut bien quelques remous menaçants, mais rien ne vint crever la surface de l’eau pour engloutir l’une des barges et c’est guidée par une pleine lune sublime que la caravane, ou ce qu’il en restait, pu accoster en toute sécurité sur une terre plus sécurisante et rassurante. Le soulagement était collectif et de nombreux sourire fleurirent un peu partout sur les visages fatigués. Je rêvais d’un lit …

(Et d’un bain… tu dois sentir mauvais.)

(Merci Alyah… vraiment c’est… tellement gentil de ta part de te préoccuper de mon hygiène.)

(Ça fait quand même un moment… et l’eau claire en forêt c’est bien, mais c’est probablement loin d’être suffisant. Je suis sûre que Nyllyn adorerait prendre un bain avec toi.)

(Sans doute… c’est quoi cette soudaine volonté de me faire prendre un bain ?)

(Rien rien…mais prends un bain.)

Je levai les yeux au ciel en soupirant face au rire de ma faëra. Parfois je ne comprenais vraiment pas ce qu’elle avait en tête, elle avait de ces idées… J’étais au moins d’accord sur le fait qu’un bon bain ne serait en effet pas de refus, mais il n’allait pas être pour tout de suite, il nous fallait encore rallier Kers, et c’était à plusieurs semaines de marche. Mais personne ne trouva à se plaindre, personne n’avait vraiment envie d’y aller par la mer après ce que nous avions vécu lors de la première traversée. La nuit sur le bord de mer se termina calmement et chacun pu enfin goûter aux joies d’une nuit de sommeil. Enfin presque, parce que Nyllyn et moi nous étions mises d’accord pour en profiter et discuter un peu à l’écart après notre tour de garde. J’avais mis du temps à mettre le doigt sur ce qui n’allait pas et le constat était assez évident. Que faire ensuite ?

- Nessima ? C’était l’objectif à la base pour donner la missive et avoir des informations pour la suite.

- Je sais, mais tu as bien vu l’accueil qu’on nous a réservé la dernière fois à la zone d’embarcation, je ne suis pas certaine d’avoir envie de tenter la chose une seconde fois.

- On n’a pas vraiment le choix Yli, on ne peut pas retourner à Tulorim sans passer par Tahelta de toute façon.

- J’avais oublié ce détail… Par Meno ce voyage est une plaie du début à la fin…

- Tout va bien se passer Yli. Une fois à Nessima, maître Ithil pourra t’assurer sa protection, il faut juste que nous atteignions la ville.

- Et on fait comment pour contacter ce fameux maître Ithil ? Je ne pense pas que les gardes vont gentiment aller le chercher en nous faisant sagement attendre devant les portes de la ville.

Nyllyn ouvrit la bouche puis la referma en prenant un air pensif qui me fit sourire. Elle était énergique et bien plus téméraire que moi, il fallait juste que je lui montre que parfois il valait mieux trouver une autre solution que simplement foncer dans le tas. Je l’avais appris à mes dépens. Elle me surprit néanmoins.

- Je sais ! Tana… Maître Ithil m’avait raconté que Nessima avait été construite sur les ruines d’une ancienne cité souterraine ! Il suffirait qu’on trouve un passage pour s’y infiltrer, t’en dis quoi ? Comme ça une fois à l’intérieur des murs, je vais discrètement le chercher et voilà, il assure ta protection en plus de celle de l’Ordre.

- Encore faut-il trouver un passage… mais l’idée n’est pas complètement irréalisable. Enfin en admettant qu’on trouve une entrée, qu’on puisse s’orienter et que tu trouves maître Ithil.

- J’ai étudié les plans des villes du Naora, parce qu’il voulait que je vienne finir ma formation un jour, donc il m’a expliqué comment me déplacer en ville pour le trouver. Cela dit, pour la ville souterraine, je n’ai pas d’informations, je pense qu’il faudra trouver sur place. Ça te va ?

- Je n’ai pas vraiment de meilleur plan à offrir, alors d’accord. On essaie d’être discrètes et surtout on ne dégaine pas sauf si on est attaquée, d’accord ?

- C’est d’accord ! J’ai hâte de voir maître Ithil. Je t’ai dit qu’il était l’envoyé de Sithi ?

Je levai les yeux au ciel. Je l’avais tellement entendu cette histoire…

- Au moins une centaine de fois…
La nuit fut calme et le voyage de deux semaines le fut tout autant. Peu à peu les gens se détendirent et la bonne humeur avait largement regagné le convoi avant la fin de la première semaine de route. Je discutai régulièrement avec Béarid et Harion, et les deux m’encouragèrent à rapidement développer mon panel de sort. Le premier disait qu’une boule de feu c’est bien, mais franchement pas pratique et l’autre affirmait que plus de sorts ce serait plus de versatilité. J’en pris bonne note avec dans l’idée de voir quoi faire une fois à Kers. Kers qui fut finalement en vue encore une semaine plus tard, créant un soupir de soulagement collectif partagé même par le commanditaire de l’expédition. Le voyage avait été long et éprouvant pour tout le monde et chacun avait hâte de retrouver le confort de la ville après plus de deux mois passés sur les routes ou dans la jungle. Pour beaucoup c’était l’ultime étape du voyage, mais Nyllyn et moi savions toutes les deux que nous n’en étions pas prêtes d’en voir la fin.

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Spark
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Re: L'ïle Interdite

Message par Spark » jeu. 4 mars 2021 03:57

Prologue


(Que Ta force habite mon corps)
(Que Ta sagesse guide mes choix)

Je termine de prier Utu alors que les premières lueurs de l’aube s’esquissent au loin. L’air qui m’enveloppe est pourtant déjà chaud, comme c’est toujours le cas à cette période de l’année. Quelle que soit la période de l’année en fait, ici sur l’Ile Interdite. En revanche l’humidité ambiante rend souvent l’air particulièrement étouffant le jour précédent le Solstice d’Eté.

(Dépêche-toi, les Prêtresses vont pas t’attendre !)

Je presse le pas en me rendant sur le forum de notre clan, la grande place où ont lieu toutes les fêtes et cérémonies qui continuent de tous nous réunir, enfants et adultes, mâles et femelles, au fil du temps qui s’écoule. Les cabanes sur pilotis de mes voisins, des familles qui me connaissent depuis le jour de ma naissance, glissent derrière moi sans que j’y prête attention. Des discussions inaudibles se devinent alors que je ne suis plus qu’à une centaine de mètres de la place. J’aperçois ma sœur, tâche de fourrure blanche au milieu des rayures noires et fauves de la foule, du brun de la terre, du vert sombre de la jungle. Toujours ponctuelle ! Et ensuite je les vois, ces fichus poteaux.

En rejoignant le côté Sud du forum, je salue respectueusement la Matriarche et les cinq Prêtresses d’Utu, toutes présentes dans leur tenue d’apparat pour l’occasion. Un geste rapide suffira pour les autres candidats : il va bientôt faire jour, plus de temps pour les politesses. La Prêtresse du Soleil se dirige vers le large foyer éteint à l’extrémité opposée de la place, nous savons que c’est le signal pour monter sur le poteau de bambou haut de deux mètres qui fait face à chacun d’entre nous.

(Et merde, c’est le moment d’y retourner)

Je termine à peine de prendre position sur ma jambe droite que la Prêtresse tend ses bras vers le foyer, prononce quelques mots à voix basse et ce sont alors deux torrents incandescents qui surgissent de ses paumes pour allumer le feu de ce jour. Alors que les bûches s'embrasent, je lève le regard pour suivre des yeux les flammes qui s’étendent en dansant vers le ciel et remarque que le soleil vient tout juste de se lever.

Il y a quatre autres participants cette année, une petite session. En plus de Lekaa et moi se trouvent les trois frères Bandeem, des orphelins dont les parents ont été enlevés – et probablement tués – alors qu’ils n’avaient même pas encore six ans… c’est moche. Heureusement que notre communauté tisse des liens serrés et a décidé de les prendre en charge collectivement, toutes les tribus woranes n’auraient pas agi de la sorte. Je ne les connais pas très bien mais je me souviens avoir entendu une histoire improbable de chasse au buffle, où ils avaient brillé, qui m’avait bien fait rire ; j’espère qu’ils s’en sortiront aussi bien aujourd’hui. Ce ne sera pas facile de rester ainsi en équilibre toute la journée, sans boire ni manger. J’adresse une dernière prière au Père de la Vie en lui demandant de m’accorder une portion infime de sa détermination et de son endurance, lance un clin d’œil à ma droite pour souhaiter bonne chance à ma sœur et ferme les yeux pour me concentrer.

D’abord ma respiration.

(Un. Deux. Trois.)

Ecouter les battements de mon cœur.

(Un. Deux. Trois.)

Ne faire qu’un avec eux. Je les sens déjà ralentir, s’apaiser. Mes pensées suivent le rythme de mon pouls et se calment avec lui. Elles deviennent paradoxalement plus claires et plus diffuses.

Je rouvre les yeux.

L’Astre Divin est maintenant haut et des tensions naissantes signalent leur présence au bas de mes lombaires. Je m’étire longuement pour détendre mon dos. J’entrevois du coin de l’œil le corps massif de Sahasi faire de même sur ma gauche, Hankari se moquant de lui juste à côté. Mes géants de frères dans toute leur splendeur !

(Mes frères ? Que font-ils là ?!)

Je comprends à ce moment que je revois une scène dont j’étais acteur il y a un an, jour pour jour, lors du dernier Passage. Face à moi, imperturbable, Lekaa arbore un discret sourire serein.

Nous avons toujours été proches ma sœur et moi. Nourrissons, nous avions compris instinctivement notre intérêt à coopérer pour assurer notre place et notre ration au milieu des deux autres estomacs sur pattes. A partir de là s’est instaurée une complicité qui s’est renforcée à chaque nouveau jeu, puis quelques années plus tard à chaque nouvelle chasse sous la direction de notre père, Jhalam. Nous anticipions les mouvements de l’autre sans nous parler. Le plus souvent, c’était elle qui avait la responsabilité de pister notre proie avant que nous ne la fatiguions avec une chorégraphie complexe de courses et de sauts. Il me revenait de porter le coup de grâce d’une morsure dans la jugulaire, à condition que notre proie du jour en ait une.

Les traditions woranes nous ont par la suite éloignés. Il y a neuf ans, lorsque Lekaa commença à montrer les signes de l’âge adulte, elle quitta la protection de notre père pour recevoir l’éducation des anciennes. Comme toute femelle, elle devait se préparer à prendre les rênes du clan au cas où un jour, elle était élue Matriarche par ses consœurs.

Soudain, sur son poteau, son air serein se fige. J’entends qu’elle se parle à elle-même sans parvenir à discerner le moindre mot. Ses yeux s’écarquillent. De surprise ? De peur ? Et là, en plein milieu des neuf candidats encore en course, elle chute lourdement sur le sol la tête en avant, inconsciente.

Je me revois sauter sans réfléchir et m’accroupir à côté d’elle. Elle mit plusieurs jours à se remettre de son malaise sans que l’on sache quel mal l’avait frappé. Elle n’a jamais voulu partager avec moi les paroles qu’elle a prononcé avant sa perte de connaissance.

(Voilà que je recommence à m’énerver. Respire.)

(Un. Deux. Trois.)

Je me vois maintenant avec mon père, pendant une partie de chasse remontant à six ans. Ce jour-là, nous sommes seuls. Mes frères ont pris la direction de Niafaân avec d’autres Worans pour acheter des biens introuvables sur notre île. Alors que nous marchons à la recherche d’une piste intéressante, je repère des arbres dont l’écorce est abimée sur la partie inférieure. Ces marques sont caractéristiques de gros animaux venant se frotter pour éliminer les parasites de leur fourrure ou de leurs écailles. Elles semblent fraîches. Je les signale à mon père qui me fait signe d’ouvrir le chemin. Après un temps d’observation, je distingue des empreintes suffisamment profondes pour pouvoir correspondre à l’animal que nous cherchons. Je décide de partir dans leur direction.

Après une demi-heure de marche environ, nous nous rapprochons d’une région de la jungle où des bassins naturels forment des petites mares en recueillant l’eau de pluie. L’animal s’est sûrement arrêté pour boire. En effet, quelques centaines de mètres plus loin s’ouvre un espace avec de moins en moins de végétation. Une créature rouge vif s’y désaltère en nous tournant le dos, plus petit que nous mais bien plus lourd. Une bonne cible car sous sa carapace d’écailles doit se cacher une chair tendre et juteuse. Je commence à sortir du couvert des arbres quand mon père siffle doucement pour attirer mon attention. Je retourne auprès de lui et il me dit à voix basse :

« Ne sois pas impatient, Spark. Que sais-tu sur notre proie ?

- C’est juste une sorte de gros varan, on sera vite de retour au village !

- Détrompe-toi, fils. Ne te fie pas toujours à ce que tes yeux te font voir. Il s’agit d’un langoran. »

C’est la première fois que j’en croise cependant je connais sa réputation. Mon père pourrait l’affronter à lui tout seul, c’est un chasseur expérimenté. Pour ma part il faut que je me méfie. Les langorans possèdent une très longue langue qu’ils peuvent projeter telle une arme à plus de dix mètres et sa salive empoisonne les blessures. On doit parfois recourir à l’amputation des membres trop sévèrement infectés, sinon c’est la mort.

« Réfléchis. Quelle tactique utiliserais-tu ?

- Je foncerais sur lui aussi vite que possible pour arriver au corps à corps avant qu’il ne puisse utiliser sa langue et ensuite je lacérerais ses flancs avec mes griffes tout en restant mobile pour profiter de son manque d’agilité.

- On ne peut pas l’attaquer tant qu’il boit, même si nous sommes dans son dos. Il nous sentirait venir et ce terrain dégagé est à son avantage. Si tu le peux, mène toujours le combat sur un terrain que tu as choisi. Si nous arrivons à l’attirer dans la forêt, les arbres nous offriront une protection tant que nous restons en mouvement. »

Je hoche la tête alors que je mémorise ses paroles.

« Tu es un Woran, sois en fier. Sers-toi de tes armes. Tu es plus puissant et agile qu’un humain. Mais tu n’es pas une bête sauvage comme certains le pensent, alors utilise ta tête. »

Les leçons de cette journée sont restées gravées dans mon esprit.

Les souvenirs continuent de s’enchaîner derrière mes yeux fermés. Certains avec ma mère, bien sûr, ou encore des fêtes traditionnelles de mon clan. Mon premier voyage sur le continent aussi. Des instants importants qui font de moi ce que je suis aujourd’hui.

Alors que je suis au milieu de mes rêveries, des cris autour de moi me forcent à revenir à la réalité. J’ouvre les yeux, pour de bon ce coup-ci. La foule applaudit et nous félicite ! Les dernières lueurs du jour viennent de disparaître, donnant au ciel cette couleur bleue intense typique du crépuscule. Je regarde autour de moi : ma sœur et la fratrie Bandeem attendent sur une jambe qu’une Prêtresse officialise leur Passage réussi. Tout le monde a tenu ! L’excitation d’être enfin un adulte et la gratitude envers Utu me submergent. Je remercie mon Dieu à voix basse et quand vient mon tour, je savoure les quelques mots que la Prêtresse m’adresse.
Je saute par terre et rejoins rapidement Lekaa.

« Bien joué ! Tu es plus vaillante que la dernière fois où j’ai sauté d’un poteau pour te retrouver…

- Haha ! Bravo à toi aussi, p’tit frère. Et arrête de dire n'importe quoi, on doit aller se reposer si on veut être en forme pour la fête de demain ! »

Elle a raison. D’ailleurs mon estomac me rappelle que je n’ai rien mangé depuis bientôt vingt heures. Je cherche mon père parmi les villageois réunis sur la place et nous rentrons ensemble à la maison en échangeant des banalités afin de laisser retomber l’excitation. Ce qui laisse place à la fatigue … J’engloutis un beau morceau de viande séchée en deux coups de crocs et me laisse tomber sur mon matelas. A peine suis-je couché que je sombre dans un sommeil profond...


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Re: L'ïle Interdite

Message par Spark » jeu. 4 mars 2021 03:59



Il fait encore sombre lorsque je m’éveille après une bonne nuit réparatrice. De longs étirements sont nécessaires après l’épreuve de la veille. Je préfère encore une journée passée à marcher ou me battre plutôt que la posture immobile du Passage…

(N’y pense plus, tu es un Woran adulte maintenant ! ADULTE !)

Je vais désormais devoir choisir quelle place je veux occuper dans ma tribu, quelle mission je vais poursuivre pour apporter ma pierre à l’édifice communautaire. Il me reste un peu de temps avant d’officialiser ma décision, je devrais l’annoncer cet après-midi juste avant les combats traditionnels du Solstice. Cette même tradition veut d’abord que je fasse le tour des familles du clan qui me féliciteront pour ma réussite d’hier.

Une fois le Soleil levé et le feu quotidien signalant le début des activités diurnes allumé, je mange rapidement un morceau puis je sors de chez moi pour commencer la tournée. Ce matin pas besoin de courir, je prends mon temps pour profiter de ce moment, écoutant les oiseaux tout en déambulant sur les sentiers du village. En terre tassée par les nombreuses allées et venues, ils sinuent entre les cabanes construites par les habitants. Aucun plan particulier n’a été suivi pour le placement des habitations ou des bâtiments communs ; chacun est libre de s’installer où il veut si la place est suffisante. Il en résulte un fouillis sans logique apparente. Cependant ce positionnement évolue de manière organique et chaque endroit semble naturellement à sa place, les déplacements entre deux lieux sont étonnamment fluides. Quant aux cabanes, elles forment un mélange hétérogène. Il n’y a pas vraiment de ligne directrice dans leur architecture et ce sont les matériaux utilisés qui unifient l’ensemble. Toutes les matières premières proviennent de la jungle : branches, lianes, bambou, terre séchée… Certaines maisons se sont bâties autour d’un arbre pour pilier central, d’autres voient leurs murs recouverts du cuir des proies chassées par leurs habitants. En revanche toutes sont surélevées à plus ou moins un mètre du sol afin d’éviter l’arrivée de serpents ou insectes nuisibles ne manquant pas par ici.

Je passe de voisin en voisin, je parle autant à des amis proches et à de la famille qu’à des Worans que je connais moins. Les anciens me félicitent et partagent anecdotes et conseils, les plus jeunes me demandent admiratifs comment j’ai fait pour ne pas craquer lors du Passage. Quelques-uns vont jusqu’à m’offrir des présents, certes de faible valeur, mais qui permettent de marquer le coup et de célébrer avec eux.

Ces visites continuent toute la matinée et commencent à m’ouvrir l’appétit. Je vais devoir mettre ma faim de côté car ce n’est pas encore le moment de se réunir autour du festin qui est en train d’être préparé. Le Soleil est presque à son zénith, c’est l’heure des prières du Solstice, rite particulièrement important dans le culte d’Utu. Mon circuit terminé, je me dirige vers le temple situé sur une colline un peu à l’écart des habitations. Sur la gauche du chemin qui y mène, de grandes tables accueilleront les festivités à venir.

Le temple domine cette scène, majestueux. Ce n’est pas un bâtiment fermé, ce serait le comble pour un lieu de célébration dédié à Utu, la lumière qui nous éclaire et nous réchauffe. Cinq autels sont répartis le long d’un cercle de trente mètres de diamètre, reliés entre eux par des pierres noircies de tailles diverses. Au centre du cercle trône un bloc circulaire de marbre brut dont seule la face supérieure est creusée et polie, révélant sa couleur rouge striée de noir. Cette vasque profonde est remplie de petites billes métalliques brillant sous les rayons du Soleil. Chaque autel, également lié à la vasque par des pierres noires, représente une partie du Tout qu’est notre Dieu, une pièce nécessaire pour maintenir l’harmonie qu’il a créée : soleil, feu, combat, honneur et forge. Aucun mur, les fidèles se répartissent autour des autels. Quand tout le monde est présent, les cinq Prêtresses entrent ensemble et se dirigent vers le marbre. Arrivée au centre, elles échangent quelques paroles puis vont vers leurs autels respectifs.

Je suis assis au milieu d’un groupe à proximité de l’autel du Soleil. La Prêtresse nous prêche les vertus de l’Astre Divin. La liberté qu’Il nous offre ! la vie qu’Il fait couler dans nos veines ! Après quelques minutes à l’écouter, je commence à marmonner des prières à Sa gloire. D’autres autour de moi font pareil. Bientôt, c’est une rumeur qui monte de tous les fidèles. Les Prêtresses auraient besoin de hausser le ton pour se faire entendre si elles ne criaient pas déjà, entrainée par leur foi. Je parle aussi de plus en plus fort. Comment contenir la gratitude que je ressens ? La transe collective s’intensifie, la foule ondule. Cette énergie nourrit les Prêtresses. Petit à petit, leurs discours se mêlent et leurs mots se synchronisent. Et soudain, le silence. Il ne dure que quelques secondes, mais dans mon état, paraissent une éternité. Puis, simultanément, cinq grandes flammes s’allument et flottent au-dessus des autels. C’est le moment choisi par la Matriarche pour apparaître. Elle s’arrête à côté de la vasque centrale, les yeux fermés, concentrée. Les fidèles se balancent toujours, attentifs à tout geste de sa part. Lorsque le Soleil atteint le sommet de sa course dans le ciel, que nos ombres disparaissent, la Mère ouvre ses bras vers la vasque. Les billes commencent à vibrer. Elles se soulèvent et se déplacent pour former une sphère, qui rougit et devient incandescente. Je n’arrive plus à distinguer les billes, je ne vois qu’une grosse boule qui irradie de lumière et de chaleur. Dans un geste brusque, la Matriarche lève les bras au ciel. Les pierres reliant les autels s’enflamment alors. Quand tout le cercle est embrasé, les allées remontant à la vasque s’allument. Enfin, en un grondement sourd, la boule prend feu.

Mes prières reprennent de plus belle.


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Re: L'ïle Interdite

Message par Spark » jeu. 4 mars 2021 04:01



A la sortie de la cérémonie, le banquet est copieux. Tous les chasseurs ont participé et les viandes sont variées et délicieuses. L’alcool ne manque pas non plus. Je ne bois pas trop pour me préserver pour mon combat de toute à l’heure mais j’en vois qui ne se privent pas ! Tiens, mes frères n’ont pas l’air de s’enivrer, ce qui ne leur ressemble pas. Finiraient-ils par prendre au sérieux leur rôle dans la garde ? D’ailleurs ça me fait penser au choix que je vais devoir faire. Je ne m’imagine pas dans la milice avec eux. Trop d’organisation, trop de règles. Alors que chasseur, comme mon père… j’aime être dans la jungle, seul ou en petit groupe, suivre une piste, respirer la nature… Oui, je vais prendre cette direction.

Après le repas, les danses commencent. Elles rejouent des scènes ancestrales de notre histoire pendant que les Anciens les illustrent de leurs commentaires et explications pour les plus jeunes. C’est ainsi que notre culture perdure à travers les générations.

Puis vient le tour des combats. La coutume veut que les premiers à se battre soient les nouveaux adultes. Etant donné la taille restreinte de notre groupe, nous allons participer tous les cinq au même affrontement. Avec la fratrie Bandeem et ma sœur, il ne nous faut pas longtemps pour nous mettre d’accord sur la composition des équipes. Nous allons logiquement nous opposer par famille, nous deux contre eux trois. Il reste à choisir nos armes. Etant en infériorité numérique, nous commençons. Ma sœur opte pour un long bâton à deux mains après quelques moulinets pour tester son équilibre. Elle se retourne et fait face aux spectateurs :

« Je suis Lekaa, Jeune-Flamme ! »

Elle décide donc de servir Utu. Je n’en étais pas sûr bien que ça ne m’étonne pas.
Je jette un œil aux armes non léthales à disposition mais je n’en prends pas. Mon corps, mes griffes, voilà tout ce dont j’ai besoin. Sans matériel, j’arrive à être un peu plus instinctif. Je m’avance.

« Je suis Spark, chasseur ! »

Les trois frères choisissent deux bâtons courts pour l’un, des aiguilles de lancer pour un autre, une chaîne pourvue d’une masse à son extrémité pour le dernier. Il va falloir se montrer réfléchi pour remporter cette victoire, ce ne sera pas facile. Les armes en main, nous prenons nos distances. L’après-midi est bien consumé, un orchestre composé de percussions et d’une flûte nasillarde entame une mélodie lancinante. La Prêtresse du Combat signale le début des hostilités.

La joute commence à peine que j’entends l’impact d’aiguilles tout près de moi. Le lanceur a pris position derrière ses frères et ne perd pas son temps. Il souhaite probablement une victoire rapide et glorieuse. Il faut vite engager les corps à corps pour l’empêcher d’être précis. Je regarde Lekaa, elle me comprend. Je fonce au contact de celui équipé de bâtons. Il me voit venir et attaque directement d’un coup latéral à la tête. Je me baisse et l’esquive, et enchaîne avec une frappe dans ses côtes. Je le touche mais il recule au même moment, amoindrissant l’impact. Nous échangeons encore quelques coups sans que l’un de nous ne prenne d’avantage significatif. A côté, ma sœur affronte le frère à la chaîne. Je la vois éviter la masse par des mouvements habiles et essayer de contrer grâce à l’allonge de son arme.

Alors que je m’apprête à lancer une nouvelle attaque, je sens une piqure au niveau de mon épaule gauche. Je baisse les yeux et là, plantée sur le haut du bras, une aiguille en bois d’une dizaine de centimètres. Je l’enlève en me moquant intérieurement du niveau de l’arme choisie par mon adversaire. Mon inattention permet à l’autre frère de m’atteindre d’estoc à l’estomac, de quoi me couper le souffle. Je recule de quelques pas, autant pour souffler que pour prendre de l’élan et sauter sur lui pour le faire tomber. Sauf que quand j’arrive sur lui, mon bras gauche se dérobe sous le choc. Les aiguilles doivent être imprégnées d’un poison paralysant ! Déséquilibré, c’est moi qui finis au sol.

Lekaa n’a pas plus de chance. Son adversaire a réussi à enrouler sa chaîne au milieu du bâton qu’elle tient de ses deux mains. Il tire dessus d’un mouvement sec et brise l’arme de ma sœur en deux ! Une moitié dans chaque main, elle aperçoit ma posture précaire. J’attrape le morceau qu’elle me lance juste à temps pour bloquer le coup qui arrive droit dans mon visage. Je repousse le combattant et me relève. J’en profite pour charrier le lanceur

« Tu vois, on peut vous encaisser tous les trois. Tu vas devoir nous planter encore et encore si tu veux qu’on se couche ! »

Là-dessus, je retourne à l’assaut avec mon bras valide. Je me concentre uniquement sur les trajectoires des bâtons maniés par mon adversaire. Ainsi j’arrive à bloquer ses attaques mais je ne trouve pas l’ouverture pour contrer. Alors que je plonge pour esquiver, je l’entends jurer :

« Imbécile, fais attention ! »

Dans le chaos du corps à corps, une aiguille s’est fichée dans sa cuisse ! Ça peut changer l’équilibre du combat, il faut en profiter. Je m’écarte pour laisser le temps au poison d’agir. Il s’approche, voulant au contraire en finir au plus vite. Sa démarche est déjà légèrement moins assurée. Je donne un coup de pied puissant dans sa jambe affaiblie et il s’écroule. Je lève mon bout de bâton pour le menacer. Il me signifie alors que le combat est fini pour lui, il n’arrive pas à se relever. Je crie à ma sœur :

« Un de moins ! On peut le faire ! »

J’ai un choix devant moi. Je peux me précipiter sur le lanceur et le forcer à batailler contre moi. S’il a choisi cette arme, la mêlée ne doit pas être son fort. Pourtant je choisis la seconde option : rejoindre ma sœur, plus proche, pour combattre le Woran avec la chaîne lestée. A deux, nous pouvons le vaincre rapidement, avant que le poison n’agisse si nous nous faisons toucher par une aiguille. Le troisième n’aura plus aucune chance.

En effet, pendant que l’un de nous esquive une attaque, l’autre peut frapper précisément ses points sensibles. Avec cette tactique, nous l’épuisons vite et le mettons hors de combat. Immédiatement, le lanceur admet la défaite de son équipe et nous félicite d’un hochement de tête. Je fais de même, l’affrontement a tenu ses promesses et tout s’est joué de peu. L’issue aurait très bien pu être inversée, je dois garder ce fait en tête et rester humble.

Nous pouvons retourner nous asseoir sous les applaudissements, nous reposer et profiter de la soirée.


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Re: L'ïle Interdite

Message par Spark » jeu. 4 mars 2021 23:42



D’autres combats suivent le nôtre. Je ne les regarde pas, préférant me détendre après ces deux jours intenses. Je déguste le vin à petites gorgées, ses saveurs m’embrument un peu l’esprit. Lekaa me rejoint.

« Pas trop cassé par le sport de tout à l’heure ?

- Rien de méchant, quelques coups mal placés. J’aurai mal deux ou trois jours. C’est plutôt mon bras qui me dérange, il ne répond toujours pas. Dommage pour un jour de fête.

- Je pense pouvoir t’aider, je voulais t’en parler. Pendant les célébrations, les aînées consomment une potion réalisée à partir de glandes de Womp. Elles l’appellent la Emd’eh. Elles m’en ont offert après l’annonce de ma décision de devenir Jeune-Flamme. Il suffit d’en boire un peu et tes sensations sont exacerbées.

- D’accord, mais comment ça va me guérir ?

- Tous tes sens s’ouvrent et sont à leur maximum. La nourriture devient succulente, les couleurs amplifiées… Sans en être sûre, tu pourrais retrouver des sensations dans ton bras et réussir à le bouger. Saches que tu ressentiras également plus vivement les douleurs dont tu m’as parlé plus tôt…

- Pour toute chose il faut payer un prix, Utu en a voulu ainsi. Je suis partant pour essayer ta Emd’eh. »

Elle prend mon verre et y verse quelques gouttes d’une fiole sortie de sa ceinture. Je saisis le verre qu’elle me tend, le renifle – sans rien y déceler d’autres que l’odeur du vin – et le bois d’un trait. Je regarde dépité mon bras pendant et espère que les effets ne vont pas se faire attendre.

Je n’ai pas attendu longtemps. Ça commence par mes contusions qui me lancent, comme si je venais de me faire frapper à l’instant. Je me ressers un verre pour accompagner la douleur et des volutes d’odeur fruitée parviennent à mes narines. Je n’ai jamais senti aussi finement un vin. Il est si riche ! Pareil pour le goût, je découvre de nouvelles saveurs alors que je bois au même pichet depuis tout à l’heure.

Je suis occupé à distinguer les différentes nuances de ma boisson quand des picotements se font sentir dans mon bras. Je n’y prête pas tout de suite attention. Dès que je le remarque, je me concentre et essaye d’ouvrir et refermer ma main. Rien ne se passe. En persévérant, je vois mes doigts tressaillir. Finalement je retrouve la mobilité de mon coude, de mon épaule et je contrôle à nouveau mes mouvements. Parfait, tout s’arrange. Ma bonne humeur est au summum tandis que le jour diminue. Le Soleil rasant pare le ciel de pourpre, d’orange et d’or, c’est magnifique. Il fera nuit dans moins d’une heure.

Mon regard erre sur les personnes présentes aujourd’hui lorsqu’une jeune Worane me fait signe. Que veut-elle ? Je me lève et vais vers elle.

« Ma Maîtresse veut te parler. Suis-moi. »

J’ai beau la questionner, elle ne répond à aucune de mes interrogations. Nous arrivons à la table occupée par la Prêtresse de la Forge et son entourage. Elle supervise l’approvisionnement de la communauté en nourriture en gérant les chasseurs et les cueilleurs, entre autres. Ce doit être la raison pour laquelle elle m’a fait venir : évoquer mon futur de chasseur.

« Spark… c’est bien ton nom ? »

Alors que j’aquiesce, elle poursuit :

« Ton combat était, disons… étonnant. Tu as des ressources, je pensais que ta sœur et toi allaient perdre. Disposes-tu d’autres talents, que tu gardes cachés ?

- Hum… oui, non enfin… comment ça ?

- Ne joue pas l’innocent, tu sais très bien de quoi je parle. »

Elle dit vrai. Mais je ne veux pas y penser, pas aujourd’hui. Elle me demande de lui offrir ma fougue pour la nuit dont l’arrivée est désormais imminente. Perspective alléchante pour clore le Solstice, d’autant plus avec la potion que j’ai bue. Quels plaisirs peut-elle révéler ? Seulement cette demande, qui n’a d’optionnelle que le nom, cache une autre signification : dans les sociétés woranes, les femelles de haut rang choisissent leurs favoris. Ceux-ci n’ont pas voix au chapitre. Ils deviennent à la fois leurs partenaires sexuels et leurs servants. Pas des esclaves, non, mais ils doivent lui obéir sous peine de sanctions plus ou moins sévères.

Depuis ce matin je songe à ma liberté, à la multitude des routes s’ouvrant devant moi. Je ne veux pas rentrer dans une impasse le soir-même !

« Non, je regrette de ne pas avoir d’autre talent à vous offrir.

- Es-tu sûr de toi ? Tu te rends compte que tu es un chasseur, ton avenir dépend de moi à présent.

- Je comprends, oui. Sans vouloir vous offenser, j’en suis certain. »

Le silence se fait autour de nous quand les gens comprennent la teneur de notre discussion. Chez nous, c’est un crime de refuser la demande d’une Prêtresse. Elle ne peut pas laisser passer un tel affront en public.

« Soit. Quitte cette île sur le champ. Pars avant que le Soleil n’ait disparu, sinon tu seras châtié. Je ne sais pas encore comment, mais tu n’en ressortiras pas en un seul morceau. »

(Au moins, elle me laisse partir…)

En revanche le temps presse, la nuit est quasiment là. Pas le temps de négocier, de toute façon sa décision est prise. Il faut y aller, et vite.

Je veux laisser un souvenir aussi digne que possible. Les adieux avec ma famille sont silencieux. Tellement d’émotions passent par un simple regard, par un sourire triste ! Je ne les reverrai plus jamais alors qu’ils sont tout pour moi. Je reste fort pour ne pas compliquer leur situation et reprend le sentier qui descend la colline. Je prends soin d’attendre d’être masqué par la végétation puis me mets à courir, au cas où la Prêtresse lancerait des gardes à ma poursuite. Il est physiquement impossible de partir de l’île aussi vite qu’elle le souhaite, elle le sait.

Je slalome à toute vitesse entre les arbres, évitant les racines et les lianes sans ralentir. L’effort m’aide à évacuer la rage qui grandit en moi. Je me retrouve banni de mon clan sans avoir rien fait de mal ! Comment accepter une telle injustice !

Ces pensées bouillonnent dans mon crâne alors que la jungle devient moins touffue. Après deux heures de course, j’aboutis dans la vaste plaine qui mène au rivage. Le ciel est dégagé et la lune illumine les hautes herbes. Arrivé sur la côte, je me rends au petit ponton où nous… où la tribu attache les bateaux qui servent à se rendre sur Niafaân. Ils sont constitués de deux longues pirogues espacées de deux mètres environ et attachées solidement entre elles par deux épaisses barres en bois. Le navire gagne en stabilité et reste suffisamment peu profond pour flotter au-dessus des récifs de coraux omniprésents dans la région. Malgré la difficulté de manier un tel engin en solitaire, je suis persuadé que c’est possible. Je ne vais sûrement pas m’aventurer à la nage dans ces eaux : si je ne me noie pas d’épuisement, je me ferai dévorer par un quelconque monstre marin…

Je pousse le bateau pour lui donner l’impulsion de départ, saute dedans, saisis les rames et entame la traversée.





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