La Taverne des Sept Sabres

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Yuimen
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La Taverne des Sept Sabres

Message par Yuimen » mer. 27 déc. 2017 16:11

La taverne des sept sabres


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Les sept sabres, repères de mercenaires, voleurs, bons à rien et filles de joies...

Taverne plutôt glauque où se réunissent les personnes ne voulant pas attirer l'attention. L'établissement n'est d'ailleurs pas facile d'accès et ne porte pas d'enseigne. Ce lieu malfamé sert souvent de point de rencontre pour voleurs et assassins. Le gérant, Fred le Muet, n'est pas très bavard. C'est peut-être dû au fait qu'on lui ait arraché la langue...

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Ulric
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Re: La Taverne des Sept Sabres

Message par Ulric » ven. 5 févr. 2021 22:37

Les rues

A peine entré, Ulric fût accueilli par le bruit sourd d’un homme projeté au sol, puis celui d’un tabouret fracassé sur son crâne. Les clients de la taverne avaient laissé de la place au centre de la pièce pour les deux bagarreurs. La plupart restaient indifférents, et discutaient juste un peu plus fort pour couvrir le bruit. D’autres prenaient des paris sur le vainqueur, bien que l’issue ne fît plus beaucoup de doutes. Dans le fond de la pièce, Fred, le tavernier, semblait juste résigné. C’était la routine, après tout.

Ulric scruta la pièce au travers de l’air enfumé, mais ne vit aucun visage familier dans la pénombre de la taverne. Une fois qu’il était certain que l’endroit était « sûr » (selon le standard de l’établissement), il se demanda par qui il pourrait commencer. Le tavernier aurait peut-être des informations. Il n’avait peut-être plus de langue, mais il lui restait des yeux et des oreilles.

Il s’avança vers le fond de la taverne, faisant attention de ne bousculer personne, jusqu’à atteindre Fred. Le tavernier ne fit pas attention à lui, malgré le fait que lors de sa dernière visite, il était de ceux qui avaient mis le bordel. Mais, de nouveau, c’était la routine, ici. Sans doute qu’il ne s’en souvenait même plus.

« Fred »

Le tavernier releva les yeux de la chope qu’il essuyait sans grand entrain.

« Tu ne connaitrais pas un très grand sinari -ou un très petit homme- avec des rouflaquettes, et qui parle beaucoup trop ? »

Il haussa les épaules, bien qu’Ulric ne sût déterminer s’il s’agissait d’un « Non » ou d’un « Je n’ai pas envie de parler ». Sans doute que quelques pièces lui aurait rafraîchit la mémoire, mais le jeune mage n’avait plus rien de valeur dans sa bourse. Comprenant qu’il n’en tirerait rien, il soupira intérieurement et tenta sa chance avec les clients de la taverne.

Malheureusement, il n’eut pas plus de chance avec eux. La plupart ne savait rien ou ne voulait juste pas parler. Certains tendirent la main, espérant se faire un peu d’argent facile contre quelques information bidons, mais Ulric n’avait rien à leur donner de toute façon.

Il finit par laisser tomber. Il n’avait plus qu’à attendre, retrouver Machin et entendre quel plan il avait à proposer, quitte à le laisser en plan s’il propose quelque chose de trop dangereux.

Vers les rues

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Ulric
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Re: La Taverne des Sept Sabres

Message par Ulric » mer. 24 févr. 2021 18:10

Les rues

La taverne s’emplissait rapidement, à cette heure-ci. De nombreux dockers traversaient la ville après chaque journée de labeur pour venir parier aux dés leur maigre paie, à l’abris des regards inquisiteurs. D’autres clients vivaient pratiquement ici ; des arnaqueurs professionnels qui, avec quelques dés pipés et deux ou trois tours de passe-passe, allégeaient ces derniers de leurs quelques pièces. Il y avait aussi des vagabonds, qui n’avaient nulle part d’autre où aller de toute façon, la pègre locale qui discutait à voix basse de leurs prochaines casses, et une bande d’énergumènes qui commentaient à grand cris une course de rats, sous le regard résigné de Fred, le tavernier.

L’air chaud fit du bien à Ulric. Bien qu’il y eût énormément de bruit, il faisait encore calme, selon le standard de l’établissement (ce qui signifiait que personne n’était en train de se tabasser, pour l’instant). L’apprenti mage scruta la taverne, à la recherche d’une table de libre. A la place, il aperçu Furet et Pigeon qui étaient déjà là, attablés dans le fond de la taverne avec chacun une chope devant eux. Loutre manquait encore à l’appel, cependant.

Ulric fit ce qu’il put pour s’enfoncer dans la taverne bondée sans bousculer personne, passant en crabe entre les tables serrées, et arriva enfin devant les deux voleurs.

« Ecureuil ! Viens, assieds-toi ! », s’exclama Furet, « T’as des petits yeux, dis donc. »

Pigeon le salua également d’un signe de tête, avant de se replonger dans sa chope.

« Mal dormi. », grogna Ulric en prenant un tabouret pour lui.

« C’est vrai que ce n’est pas facile de bosser la nuit et de dormir le jour. »

« Ce n’est pas ça… Tu t’es renseigné, pour ce que je t’avais demandé ? »

« Droit au but, hein ? Oui, j’ai demandé à mes contacts. Je ne sais pas où est ton contrebandier, mais je sais à qui tu dois t’adresser ! Alors, euh… tu vois le gros bâtiment près de la gargote " Chez l’gros Mirchaud " ? »

« Celui plein de graffitis ? »

« Oui, celui-là ! Eh bien, tu prends la ruelle à côté, tu continues tout droit, et là, tu as une boutique qui vend des amulettes contre le mauvais sort. »

« Et ? »

« Eh bien, n’achète pas les amulettes ! C’est de la camelote, il-y-a rien de magique là-dedans. Mais, euh... Du coup, tu parles au vendeur, un gros chauve, et tu lui dis « Je cherche quelque chose pour ma grand-tatie ». C’est le mot de passe. »

« Vraiment ? »

Ulric semblait sceptique.

« Eh bien, tu sais, à force de le changer toutes les semaines, ils arrivent à court d’idées. », répondit le sinari en haussant les épaules.

« Bien, j’irais voir. »

« Ravi d’être de service ! Et toi, de ton côté, tu as réfléchi à ce que je t’ai proposé ? »

« De rejoindre tes « associés » ? Non, pas vraiment. »

« Pourtant, c’est le moment de se lancer dans le métier, tu sais. Tous les yeux sont braqués vers la guerre, au nord. Il y a moins de gardes dans les rues, et ceux qui sont encore là sont d’avantages préoccupés par les espions ennemis que par nous. A nous quatre, on pourrait tous être riches avant la fin de l’année ! »

L’offre était alléchante, et les arguments du sinari faisaient sens. Qui plus est, il lui offrait le moyen de se faire de l’argent facile tant qu’il était en ville, mais le problème était bien là : Ulric ne voulait pas passer sa vie à Kendra Kâr, à enchainer les combines jusqu’au jour où la garde lui tombera dessus. Maintenant qu’il avait commencé son apprentissage de la scotomancie, il aspirait à quelque chose de plus… Significatif ? Intéressant ? Il ne trouvait pas le mot exact pour retranscrire son sentiment, mais il craignait que de rejoindre une nouvelle bande serait une entrave autant qu’un atout.

« Je ne vais pas passer ma vie à Kendra Kâr. », commença-t-il, « Si tu as encore une autre "pêche" à proposer tant que je suis en ville, je suis preneur, mais dans quelques semaines, je serais parti. »

« Hum, je vois… », Furet semblait déçu, « Ce n’est pas grave. Si tu cherches un peu d’argent tant que tu es encore là, tu peux me retrouver ici. Si je ne suis pas là, je serais sans doute au marché. Avec un peu de chance, je pourrais te faire changer d’avis. »

Ulric en doutait, mais il valait peut-être mieux laisser cet espoir au voleur.

Ils durent encore patienter un long moment avant que Loutre n’arrive, mais personne ne s’en plaignit. Après tout, c’étaient eux qui étaient arrivés tôt. Furet insista pour payer à manger et à boire à tout le monde, peut-être dans une autre tentative de faire changer le jeune mage d’avis, mais la bière au goût de pisse et le gruau insipide n’aidaient pas vraiment.

Loutre arriva enfin, alors qu’une bagarre éclatait du côté de la course de rats, mais ils n’y prêtèrent pas attention. Une fois que la jeune femme fut installée, Furet sorti une bourse bien grasse et commença à distribuer les parts.

« Ecureuil, tu as une demi-part, comme tu as déjà eu les runes. »

« Comme convenu. », répondit-il sobrement.

Ulric compta les pièces empilées en petit tas devant lui. Il devait bien y avoir de quoi s’acheter une fiole de fluide, une petite au moins, et peut-être un peu de matériel s’il voulait inspecter cette histoire de morts-vivants dans les égouts. Il lui faudrait au moins de quoi s’éclairer.

Là-dessus, ils rangèrent tous les quatre leurs yus et Ulric se leva. Il devait retraverser la ville, s’il voulait aller dans les docks, en espérant ne pas y faire de mauvaise rencontre.

« À la prochaine, peut-être. »

Vers les rues
Modifié en dernier par Ulric le ven. 24 juin 2022 01:58, modifié 1 fois.

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Ulric
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Re: La Taverne des Sept Sabres

Message par Ulric » ven. 24 juin 2022 01:56

Précedemment


Ulric quitta le port sans que personne n’ait eu l’air de s’inquiéter de son examen indiscret des navires qui y étaient amarrés, et traversa la ville d’un pas vif. Il était pressé d’atteindre sa destination, la taverne des Sept Sabres, où il espérait retrouver Furet, le voleur qui l’avait embrigadé dans une de ses manigances il y a quelques jours de cela. Il n’avait pas revu le grand sinari, à moins qu’il ne s’agisse juste d’un très petit humain, depuis le soir où ils s’étaient partagé la paye qu’ils avaient reçu pour dérober un certain document chez les Lothandres. Cependant, il lui avait fait comprendre que s’il voulait le retrouver pour poursuivre leur association, ce serait à la taverne.

Avec un peu de chance, Ulric lui tomberait directement dessus. A cette heure-ci de la journée, le voleur était probablement soit en train de « pêcher » au marché, mais Ulric n’espérait pas pouvoir le retrouver au milieu de la foule qui devait y grouiller comme des fourmis, soit en train de planifier sa prochaine casse aux Sept Sabres avec sa bande.

Tenter de ramener plusieurs personnes pour s’infiltrer discrètement sur un bateau pouvait sembler dangereux de prime abord, mais la petite bande de Furet lui avait semblée à la fois organisée et efficace lors de leur petite escapade dans le manoir des Lothandres, ainsi Ulric ne doutait pas qu’avec leurs compétences et sa magie d’ombre, ce serait un jeu d’enfant. Il avait juste à le convaincre de le suivre dans cette petite aventure… Mais cela non plus ne devrait pas être bien compliqué : le Roi Jaune appartenait de toute évidence à un riche armateur et même si on omettait ce que les mages avaient bien pu y laisser, il devait regorger d’objets de valeur. Et quel genre de voleur refuserait une occasion de se faire un joli magot ?

Ulric approchait de la taverne et continua de presser le pas, ignorant la douleur qui s’éveillait dans ses mollets plaintifs. Il fut bientôt devant et poussa la porte d’un geste brusque.

L’intérieur de la taverne était noir de monde et il en émanait un effluve, mélange d’odeurs de bière bon marché, de transpiration et de renfermé. Comme d’habitude, en somme mais, au moins, l’ambiance était encore assez calme. Il faudrait sans doute attendre la soirée avant que la magie de l’alcool ne commence à faire voler les chaises et les dents.

Ulric tenta de repérer la silhouette de Furet parmi la masse de chaire serrée autour des tables, mais sans grand succès. Sa petite taille le rendait assez facile à distinguer des autres clients de la taverne, en majorité humains bien qu’on pût apercevoir çà et là les oreilles pointues d’un elfe ou la fourrure bigarrée d’un worran. Mais, surtout, elle le rendait bien plus difficile à apercevoir.

(Sois là, je n’ai pas envie de t’attendre pendant des heures !), pensa l’apprenti mage.

Ulric voulait monter son coup le plus vite possible, comme l’équipage du bateau pouvait larguer les amarres à tout moment. Selon le marin qu’il avait interrogé, leur capitaine attendait seulement le retour des mages pour repartir, mais qui savait si ce serait dans un jour ou dans des semaines ? Dans le doute, il devait se dépêcher et une heure passée à attendre que le voleur pointe le bout de son nez serait une heure de perdue.

Soudain, Ulric crût apercevoir une tête qu’il connaissait dans un coin de la taverne, bien qu’il ne la vît que de dos. Des cheveux châtains coupés courts recouvrant une tête vissée sur un coup trop fin pour être celui d’un homme, le tout couronnant une silhouette élancée. Ce n’était pas Furet, de toute évidence, mais Ulric crût reconnaitre là Loutre, une de ses complices. L’apprenti mage avait à peine parlé à la jeune femme lorsqu’ils s’étaient rencontrés mais, si elle était là, Furet ne devait pas être bien loin.

Ulric approcha en tentant de se frayer un chemin entre les nombreuses tablées. Son intuition se révéla être la bonne puisque qu’il découvrit bel et bien Loutre et, caché derrière elle, Furet qui discutaient d’un sujet qui lui échappait à cause du brouhaha de la pièce. C’était parfait !

Le sinari l’aperçu et l’interpella par le surnom stupide qu’il lui avait donné :

« Ecureuil ! Ça fait plaisir que tu sois là ! J’ai bien cru que tu finirais bouffé par une goule à force de te promener dans les égouts, tu vois. »

Il tapota ensuite une chaise vide à côté de lui, avant de reprendre :

« Viens, assieds-toi ! »

« Ça fait aussi plaisir de te voir. », répondit l’apprenti mage en prenant la place qui lui était offerte.

Ce qui était vrai, mais davantage parce que ses talents de voleur lui seraient bien utiles que par sympathie.

« Alors, qu’est-ce qui t’amène ? Si tu veux te faire quelques yus, je suis en train de planifier quelque chose, il me faut juste encore quelques jours pour fignoler, tu vois. Après, tu seras le bienvenu pour participer ! »

« A vrai dire, c’est moi qui voulait t’engager cette fois-ci. »

Le voleur afficha un air surpris :

« Ah ? Comment ça ? Ce n’est pas que je doute de toi, mais ça fait des années que je m’occupe de planifier nos coups avec mes gars. Ça demande de l’expérience, tu vois. »

« C’est justement pour ça que j’ai besoin de toi. Avec ton expérience et le talent de ta bande, ce sera un jeu d’enfant. »


L’apprenti mage espérait que brosser le sinari dans le sens du poil le rendrait plus coopératif, et cela semblait fonctionner puisqu’il afficha un petit sourire. Furet était très fier de ses compétences autant que celle de la petite bande qu’il avait rassemblée autour de lui, Ulric l’avait déjà remarqué, et cet orgueil semblait être le bon levier à activer pour le faire marcher dans le sens qu’il voulait.

« Bien sûr. », commença le sinari toujours souriant, « Mais tu ne m’as toujours pas dit pourquoi tu avais besoin d’aide. Je suis sûr qu’ensemble on saura s’organiser un plan bien propret comme il faut, tu vois. »

Ulric tordit le cou pour jeter un œil à la sale pour s’assurer que personne ne les épiait. Nul ne semblait prêter attention à eux, mais on n’était jamais trop prudent. Ainsi, il se rapprocha de Furet et reprit à voix basse :

« J’ai appris qu’un groupe de mages de Henehar faisait la navette dans un bateau amarrés dans le port. J’ai juste besoin de m’infiltrer dessus pour fouiller leurs quartiers. Ils y ont sans doute laissé des grimoires, des notes, quelque chose qui me serait utile… Le reste du butin sera pour toi, bien entendu. »

« Le reste du butin ? », commença Furet, dubitatif, « Donc, tu ne sais pas exactement ce qu’on y trouvera ? »

Le sinari ne semblait pas mordre à l’hameçon comme prévu, s’inquiéta Ulric, et le sourire sur son visage avait disparu, remplacé par un air pensif.

« Non… », admit l’apprenti mage, « Mais c’est un grand navire marchand, tu y trouveras ton dû. »

« Sans doute. Il y a probablement un beau magot dessus. On pourrait faire une belle casse dessus et tout rafler. On pourrait même partir maintenant et le faire ce soir même, tu vois. »

Bien que le propos fût enthousiasmant, le ton ne l’était pas, et Ulric craignait qu’il n’aimerait pas la suite :

« On pourrait surtout tous finir à la milice le lendemain matin. Tu vois, quand je te disais l’autre jour que le vol est un art, je ne parlais pas juste de piquer des trucs. Juste rentrer chez quelqu’un, mettre la main sur tout ce qui brille et se casser, ça, tout le monde peut le faire. L’art réside dans le fait de ne pas se faire prendre, ni sur le moment, ni après. Et tu sais comment j’ai toujours évité de me retrouver en geôle ? C’est parce qu’au moment où je pose le pied là où je ne devrais pas, je sais déjà ce que je vais prendre, où je vais le prendre et à qui je vais le revendre. Et pour t’aider, je manque d’informations, tu vois. »

« Tu n’as pas besoin d’être aussi prudent. Le port est grand, et la garde ne sait pas tout contrôler. Et le bateau sera pratiquement vide, la nuit. Ce serait passer à côté d’une opportunité que de le laisser filer. », répondit Ulric en essayant de se montrer convaincant.

Loutre, qui s’était contentée d’écouter la conversation jusque-là, prit la parole :

« Tu sais, Furet, ça peut être un bon plan. Si ces mages ont laissé quelques potions ou des fluides en réserve, ça pourrait valoir le coup. C’est facile à déplacer, ça vend cher et, une fois qu’elles sont utilisées, ça ne laisse pas de trace. On n’aura pas le même coup que la fois où le vieux à qui on avait refourgué les bijoux des Sudras s’est fait choper trois ans plus tard et a voulu nous rater à la milice, si tu te souviens. »

Ulric ne s’attendais pas à ce que la jeune femme prenne soudainement son parti, mais ça suffirait peut-être à convaincre le voleur de le suivre dans son projet. Après tout, il la connaissait depuis des années là où il n’avait rencontré Ulric que quelques jours de cela. Son opinion devait sans doute avoir de l’importance pour lui.

« Bien sûr que je me souviens ! Tu ne vas pas t’y mettre, toi aussi ! »

Le sinari se tût, couvrant sa bouche de ses mains d’un air pensif, avant de s’adresser à nouveau à Ulric :

« Bon, disons que j’accepte de t’aider. Dis m’en plus sur ce rafiot. Comment tu sais qu’il est vide, pour commencer ? Tu as déjà fait du repérage ? »

« J’ai interrogé un des marins travaillant dessus. Le gros de l’équipage loge à terre tant qu’il est à quais. Il reste juste le capitaine, son second et un des mages qui passent la nuit à bord. »

« Bien… Mais tu as pensé que le gars que tu as interrogé t’as peut-être raconté des bobards et t’attends à bord avec ses potes en espérant pouvoir se choper une belle prime pour avoir attrapé un voleur ? »

Ulric n’avait effectivement pas pensé que ce puisse être un piège mais, honnêtement, le marin avait semblé bien trop alcoolisé pour improviser un plan de la sorte. Cela lui semblait assez improbable.

« Et ce mage à bord », continua Furet, « tu en sais quelque chose ? Si c’est un novice, pas de soucis, je m’y suis déjà frotté… Mais, si c’est un archimage, il ne faudra pas compter sur moi, tu vois. »

Une bonne question, et c’est vrai qu’il n’y avait pas pensé. Mais si ses confrères l’avaient laissé derrière faire le planton pendant qu’ils allaient accomplir leur tâche, quelle qu’elle soit, c’était bien qu’il devait être le plus sacrifiable, non ? Ainsi, c’est ce qu’il répondit au Sinari.

« Bon, très bien. Je veux bien miser sur ton plan et espérer que j’en tirerais quelque chose, mais… », commença le voleur.

« Mais ? »

« Laisse-moi une semaine pour faire le repérage proprement. J’ai davantage l’habitude que toi, tu vois. »

« Une semaine ? Mais il sera peut-être parti, d’ici là ! », s’indigna l’apprenti mage.

« C’est possible, mais il vaut mieux rater une opportunité que de se faire incinérer ou jeter en taule. On trouvera d’autres occasion de te procurer des grimoires, et moi des yus. »

L’idée de juste se tourner les pouces pendant une semaine alors que le bateau pouvait larguer les amarres à tout instant révulsa Ulric. Un sentiment assez curieux étant donné que, comme l’avait souligné Furet, il n’avait aucune idée de s’il trouverait effectivement quelque chose d’intéressant à bord. Les mages avaient tout aussi bien pu laisser un des leurs à bord pour s’assurer que l’équipage respecterait leur accord et ne repartirait pas sans eux, et non pour protéger un quelconque butin. Mais, maintenant qu’Ulric s’était mis cette idée en tête, renoncer maintenant ou risquer de laisser un potentiel trésor de savoir lui filer entre les doigts serait ressenti comme une défaite.

« Je peux t’aider pour le repérage. A deux, on aura toutes nos infos d’ici demain. »

« Non. Deux personnes en train de fouiner au même endroit serait trop voyant. », commença Furet, « Ecoute, je comprends que ce n’est pas facile d’apprendre ta magie dans cette ville et que tu cherches toutes les opportunités que tu peux, et je veux bien t’aider là-dedans… Surtout que ça me ferait un nouvel associé avec des compétences utiles qui me devrait une faveur… Ma seule condition, je te l’ai dit, c’est : donne-moi une semaine. A prendre ou à laisser. »

Son ton signifiait clairement qu’il n’était plus possible d’argumenter. Soit Ulric prenait patience pour pouvoir bénéficier des talents de voleur expérimenté de Furet, au risque de voir le bateau lever l’ancre dans la semaine, emportant les mages et leurs secrets, soit il tentait le coup seul, se reposant seulement sur lui-même et sa magie bourgeonnante.

« Oublie toute cette conversion. », commença-t-il en se relevant de sa chaise d’un mouvement brusque, « Je suis largement capable de m’y introduire moi-même. »

Furet soupira.

« Très bien… Fais attention à toi, quand même. Et si tu changes d’avis, tu sais où me trouver. »

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Marcy
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Re: La Taverne des Sept Sabres

Message par Marcy » sam. 24 mai 2025 12:44

Le bar des indésirables

Sortir s’avère bien plus facile que d’entrer. Des escaliers mènent vers les hauteurs de l’arène. Une fenêtre, puis un saut sur un toit, et Marcy s’éloigne sans regrets du bâtiment abandonné. Elle s’éloigne, petite ombre furtive qui se dirige droit vers les docks. La nuit, le coin est encore plus mal famé. La rouquine redouble de vigilance et préfère passer le moins de temps possible sur les pavés. Elle remarque quelques silhouettes solitaires. Mieux vaut les éviter. Après quelques détours et un arrêt impromptu dû à la fatigue qui la fait chanceler, elle repère la rue de la taverne. Aucune enseigne ici, seuls les habitués et les informés peuvent la trouver. Marcy n’y a jamais mis les pieds, mais elle a passé suffisamment de temps dans la rue pour savoir où elle se trouve. La réputation de cette taverne n’est plus à faire. Repaire de brigands et de meurtriers, c’est un coupe-gorge qu’une femme devrait éviter. Et encore plus une adolescente comme elle. Jean en est bien conscient et Marcy se doute qu’il lui a donné rendez-vous là pour la tester. Voir si elle a du cran.

Elle ignore le garde nonchalamment appuyé contre le mur. Lui l’observe d’un œil critique, mais en fait rien pour l’empêcher de passer. Marcy n’a guère l’air dangereuse. Ni même menaçante. Sans doute pense-t-il qu’elle a perdu l’esprit à entrer là, mais il n’y a aucun échange. La porte s’ouvre et laisse entrer la petite voleuse. La chaleur qui l’envahit la fait soupirer et elle s’ébroue, ravie du changement de température bienvenue. Le lieu est glauque. Il manque un peu de lumière et il n’y a pas l’ambiance qu’on pourrait imaginer trouver dans une taverne classique. Pas de troubadour en train de chanter, pas de danseur sur estrade, pas de rire à gorge déployée. Une foule d’yeux se tournent vers l’adolescente quand elle entre et elle entend quelques murmures alors qu’elle se dirige vers le comptoir. Une femme, seins nus et peau exposée, est en train de se frotter à un client ravi. Un autre tangue dangereusement sur son tabouret. Un homme au visage scarifié joue avec une dague en l’observant. Un frisson la parcourt et elle se hâte vers le bar. Le propriétaire lave un verre, les yeux fixés sur Marcy quand elle arrive devant lui. Elle s’éclaircit la gorge, faisant mine de trouver tout ça parfaitement normal. Son inconfort est malheureusement visible.

« Je cherche Jean, il est là ? »

Un voile de surprise passe sur les yeux du gérant qui lui indique le fond de la salle. Marcy se retourne. Ses yeux balayent la salle puis tombent sur une table bondée, où une chevelure grisonnante attire son attention. Elle remercie le gérant d’un hochement de tête, inspire et avance dans la salle. Elle n’aime pas l’attention qu’elle crée en évoluant entre les tables. Des regards fugaces se détournent bien vite d’elle, mais d‘autres la fixent, tout un tas d’émotions parant les visages de ceux présents. Curiosité, intérêt… envie. Rien qui mette Marcy à l’aise. Elle doute que sa dague dissuade les types présents ici. Beaucoup sont marqués par les rixes et les combats. Tous sont armés. Marcy tient sa main éloignée de son arme, persuadée que cela ne ferait que provoquer ceux au sang trop chaud pour rester calme. Elle avance vite, passant chaque table en évitant de croiser le moindre regard. Elle n’a pas besoin de donner une excuse à qui que ce soit. Lorsqu’elle atteint la table, elle est un peu surprise que personne n’ait dit ou fait quelque chose.

La table où se trouve Jean est couverte de godets, de charcuterie, de pièces étalées et de cartes à jouer qu’elle ne reconnaît pas. Elle n’est pas vraiment surprise que les jeux d’argent se déroulent ici, mais elle n’imaginait pas Jean y participer. Elle ouvre son sac, en sort la boite et, sans un mot, la pose devant Jean, stoppant net le jeu en cours. Le visage du quadragénaire se tourne vers elle, une expression surprise sur le visage. Expression qui se transforme en un sourire, puis par un froncement de nez empreint de dégout.

« Marcy ! Quel bonheur de… tu empestes, ma parole ! »

La rouquine roule des yeux. Une main sur la hanche, elle le met au défi d’en rajouter.

« Ça n’a pas été facile, figure-toi ! C’est bien ta boîte, non ? »

« Absolument… Comment tu as fait ? »

Elle hausse les épaules, jetant un œil suspicieux au reste de la tablée qui observe la conversation sans un mot. Un sourire fleurit de nouveau sur le visage de Jean et il se lève. Contrairement à elle, il est parfaitement détendu. Calme, presque débonnaire, comme s’il savait qu’il ne craignait rien, ici.

« Messieurs, je m’absente quelques instants, le temps de régler cette affaire urgente. »

D’un geste de la main, il fait signe à Marcy. Après avoir récupéré la boîte, l’adolescente suit Jean d’un pas rapide, essayant d’ignorer l’attention portée sur elle. Jean a l’air parfaitement calme et elle n’est pas sûr de trouver ça rassurant. Après un bref hochement de tête vers le gérant, la quadragénaire ouvre une porte sur le côté et invite Marcy à y entrer. Une pièce banale, servant à stocker divers produits, dont de la viande séchée. Jean referme la porte derrière eux et inspecte Marcy, notant enfin l’état de l’adolescente. Couverte de poussière, le visage ensanglanté et sentant les égouts, l’adolescente a connu des jours meilleurs. Jean, lui, est habillé simplement, mais tout est neuf, propre et son attitude est loin de la petite souris apeurée et méfiante que Marcy renvoie.

« On dirait que tu as fait une mauvaise rencontre. »

« Il y avait… quelque chose dans les ruines. Un truc dangereux. »

Elle ne sait même pas expliquer ce qu’elle a vu, mais, étrangement, Jean ne lui en demande pas plus à ce sujet.

« Et tu as quand même réussi à prendre la boîte ? »

Haussement d’épaule, Marcy n’en sachant pas beaucoup plus que Jean. Ce dernier l’observe un instant, pensif, avant de tendre la main. Il récupère la boîte, l’examine quelques secondes. Une moue appréciatrice se peint sur son visage. Puis, il ouvre la boîte et en présente le contenu à Marcy. Des pierres… banales. La rouquine s’indigne avant même de réfléchir à une quelconque explication.

« C’est une blague ? »

« Un peu. Je voulais surtout voir si tu réussirais. Vois ça comme un test. Tu es la première à y arriver ; les autres n’ont même pas réussi à entrer. Comment as-tu fait ? »

« Les égouts… »

Elle marque une pause, puis s’exclame, un peu stupéfaite.

« Comment ça les autres ? »

« Comment ça les égouts ? »

Passée la stupeur face à la réponse de l’adolescente, il éclate de rire. Marcy croise les bras, les lèvres pincées en une expression boudeuse. Elle n’aime pas qu’il se moque d’elle vu les efforts qu’elle a fait pour retrouver cette satanée boîte. Tout ça pour amuser Jean, en plus ! Ce dernier essuie ses yeux embués à force de rire.

« Ah, Marcy, tu es vraiment unique. Bien joué, cela dit. Comme je disais, tu n’es pas la première que je teste, mais les autres sont moins débrouillards que toi. Tiens, comme convenu. »

il lui tend une petite bourse que la voleuse saisit avec avidité avant d’en vérifier le contenu. 100 yus ! Un sourire enfantin et victorieux fleurit sur ses traits fatigués. Elle relève cependant le nez quand Jean enchaîne.

« Vu ton succès, j’aurai d’autres missions à te confier, mais ça attendra un peu. Rentre chez toi, repose-toi et… lave-toi. Tu m’impressionnes, Marcy. »

Fière d’elle, elle bombe le torse, tirant une mimique amusée au quadragénaire qui ouvre la porte de la pièce pour la laisser sortir. Avant de partir, elle lui demande tout de même quelque chose.

« Et comment je saurai si t‘as une mission pour moi ? »

« T’en fais pas, je saurai où te trouver. »

Un peu perplexe face à cette réponse qui n’en est pas vraiment une, elle quitte la pièce après avoir rangé soigneusement sa petite bourse. Elle a tout de même une dernière question avant de sortir pour quitter les lieux.

« C’était quoi cette chose, dans les ruines ? »

Un sourire énigmatique. Pas un mot. Jean rejoint sa tablée qu’il a quitté pour parler avec elle, la laissant sans réponse. Curieuse, mais trop fatiguée pour insister, la rouquine se hâte de quitter les lieux. Maintenant qu’elle a un peu d’argent sur elle, elle a l’impression d’être le centre de l’attention et une cible de choix. Ridicule, puisque personne ne sait qu’elle est désormais plus riche d’une centaine de yus. Mais elle ressent chaque regard comme une fouille approfondie et sort de la taverne avec empressement. Elle ne remarque pas la silhouette encapuchonnée qui la suit quelques secondes plus tard, avant de disparaître sous le couvert de la nuit.

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Marcy
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Re: La Taverne des Sept Sabres

Message par Marcy » lun. 29 sept. 2025 20:40

Un rôle taillé sur mesure

Suivant Jean à la trace, Marcy se retrouve emmenée jusqu’aux docks, repaire du quadragénaire et, elle imagine, du reste de son organisation. A vrai dire, elle n’a pas la moindre connaissance sur l’existence d’une quelconque organisation gérée par Jean. Il lui a toujours trouvé des petits boulots simples et rapides et elle n’a jamais cherché plus loin. Les yus l’ont toujours bien plus intéressé que ce qui pouvait se cacher derrière le sourire sarcastique de l’homme qu’elle suit aujourd’hui. Cela commence à changer. Jean a tendance à sortir de nulle part pour venir lui proposer quelque chose et elle le soupçonne d’être quelqu’un de bien renseigné et d’important. Pas comme un noble, mais comme une figure incontournable dans son milieu. Suffit de voir la manière qu’il a de déambuler n’importe où sans se soucier d’être attaqué ou détroussé. Il a forcément un secret. Et cela titille la curiosité de la rouquine.

Mais, pour l’heure, elle se contente de le suivre jusqu’à la taverne des Sept Sabres, qu’elle connaît déjà. L’ambiance y est aussi pesante que lors de son dernier passage et elle n’est pas plus sereine qu’elle ne l’était la première fois. Quelque chose dans les regards qu’on lui lance la dérange profondément. Ici, elle n’est pas Marcy, elle n’est qu’une gorge de plus qu’on peut trancher. Elle déglutit et colle aux basques de Jean qui avance de son pas nonchalant sans trop prêter attention au reste des types présents. Il échange un bref regard avec le barman qui hoche la tête, leur libérant l’arrière salle sans qu’un seul mot ne soit échangé. C’est uniquement une fois la porte fermée que Marcy reprend la respiration qu’elle avait instinctivement bloquée en entrant. Ce qui n’échappe pas à Jean.

- Tu ne risques rien ici, tant que tu es avec moi.

- Vachement rassurant. Grommelle-t-elle en se laissant tomber sur une chaise vide, une moue boudeuse sur le visage. Elle n’aime pas beaucoup ce sentiment d’insécurité qui alourdit ses épaules.

- Ça l’est, tu ne crains rien. Fais-moi confiance.

Nouvelle moue de la rouquine en guise de réponse, aussi n’insiste-t-il pas. Il pose son sac sur le sol avant s’installer à son tour à la table. Pendant quelques instants, seule le silence règne. Marcy, bras croisés, sent le regard scrutateur de Jean.

- Quoi ?

- Pourquoi as-tu quitté l’orphelinat ?

L’adolescente se tend tandis que le rouge lui monte aux joues. Elle détourne le regard, lèvres pincées, tandis que ses poings se serrent. Elle grommelle tout bas.

- J’l’ai pas quitté…

- Tu peux répéter ?

Elle foudroie Jean du regard. Le quadragénaire, pas le moins du monde impressionné, attend la réponse, visiblement prêt à attendre longtemps pour obtenir une réponse intelligible. La rouquine finit par soupirer.

- J’l’ai pas quitté, elle m’a mis dehors…

- Méli Almaran t’a mise dehors ?! Tu as du sacrément l’énerver pour qu’elle en arrive là. C’est un exploit.

- Oui bon ça va ! On s‘en fout, non ? Coupe-t-elle, excédée et peu désireuse de revenir sur ce moment gênant, douloureux et humiliant. T’as du boulot pour moi ou pas ?

Jean se frotte la barbe en la fixant, visiblement pensif, mais finit par acquiescer. Le sujet semble clos et Marcy n’a aucune envie qu’ils y reviennent un jour. L’orphelinat est derrière elle, elle va faire avec et s’en sortir, juste pour prouver à méli qu’elle n’avait pas besoin de qui que ce soit pour le faire. Et cela passe par trouver de l’argent, d’où son intérêt pour le boulot que Jean se met enfin à expliquer.

- Dans un mois aura lieu un grand tournoi, je ne sais pas si tu es au courant ?

Marcy acquiesce. Elle a entendu les rumeurs sur le sujet. Un paquet de nobles et de mercenaires sont attendus à la capitale. Cela va créer de belles opportunités pour tout un tas de gens honnêtes. Et moins honnêtes. Elle n’a pas trop compris tout l’aspect politique de la chose, l’effet sur le moral, ce genre de chose, mais elle a bien saisi que cela pouvait être une occasion rêvée de vider quelques poches bien remplies. Jean reprend alors.

- Ce genre d’événement fait la part belle aux paris, vols et autres petites transactions dont on raffole, je ne t’apprends rien. Cependant, il y a un problème qu’il faut régler avant. Un groupe de voleurs se fait un peu trop remarquer en ce moment. Vols en plein jour, désordre, ils se permettent même d’ignorer les protections offertes à certains de nos commerçants. Tu en as eu un aperçu tout à l’heure. C'est mauvais pour les affaires.

Marcy hoche la tête, comprenant fort bien le problème. Ce n’est jamais bon pour qui que ce soit quand un groupe crée des problèmes. La garde se montre plus incisive et vigilante, ce qui gêne tout le monde. Et si, en plus, ils ignorent les lois tacites du monde souterrain… Marcy ne les connait pas toutes, mais elle sait qui il faut laisser tranquille, sous peine de finir avec une main en moins ou une dague entre les omoplates. Ce qui ne semble pas être el cas de ce fameux groupe de voleurs.

- Ta mission, Marcy, est assez simple. Infiltre le groupe de voleur, trouve leur base d’opération et renseigne-moi. Je me chargerai du reste. Il faut que ce soit réglé avant que les festivités ne commencent, dans trois semaines.

- Hein ? Mais pourquoi moi ? Je ne suis pas une espionne ! Ni une balance !

Son ton outré tire un rictus à Jean. Mais bien vite, il redevient sérieux.

- C’est un groupe de jeunes voleurs. Pas plus âgés que toi. Impossible que j’envoie mes gars les infiltrer. Mais toi, petite Marcy, tu es parfaite pour le rôle. Trouve un moyen de les contacter, rejoins-les et gagne leur confiance pour me filer l’information dont j’ai besoin. Tu seras généreusement récompensée…

Marcy ouvre la bouche, avant de se mettre à sérieusement réfléchir à la proposition. Après tout, ces voleurs empirent son quotidien, indirectement. Elle ne compte plus le nombre de fois où elle n’a pas pu faire ce qu’elle voulait à cause du nombre croissant de patrouille. D’un côté, cela lui rendrait service. De l’autre, elle n’apprécie guère de jouer les fouines espionne. Surtout qu’elle imagine sans mal ce qui arrivera aux jeunes qui se feront attraper.

- T’vas pas les tuer, quand même ?

- Je ne suis pas un monstre, Marcy.

Ce n’est pas une vraie réponse en soi et elle ne se laisse pas avoir. Jean l’aime bien, elle le sait. Il apprécie son tempérament et le fait qu’elle soit têtue, bien qu’assez intelligente pour voir son intérêt dans les boulots qu’il lui propose. Et elle perçoit sans mal ce que cela va lui apporter. Mais quand même… Elle est consciente de la violence inhérente aux rues mal famées de Kendra-Kâr et ne donne pas cher de ceux qui enfreignent les lois et se font attraper. Que ce soit par la milice ou les truands. Aussi, son propre plan se forge dans sa tête. Une autre possibilité. Un pari. Et sûrement une mauvaise idée.

- Marché conclu, mais je veux une belle récompense ! Et je veux participer aux affaires pendant le tournoi.

- Tu as ma parole ! Et tu as déjà ta place dans mes plans. Tu as récupéré cette boîte, après tout. Mais tu dois d’abord nous débarrasser de ces gêneurs, d’accord ?

Elle hoche la tête. Jean sourit. Reste à savoir maintenant par où commencer.

- T’as des pistes pour les trouver ? C’est vachement grand, Kendra-Kâr.

- On peut dire ça. Mais ça ne va pas te plaire.

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Marcy
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Re: La Taverne des Sept Sabres

Message par Marcy » jeu. 25 déc. 2025 23:30

Haute tension

Comme à son habitude, une fois la nuit tombée, la taverne est bondée de monde. Du monde peu recommandable, souvent bardé de cicatrices et à l’odeur peu enviable. Marcy n’aime pas spécialement entrer là-dedans, peu importe le moment de la journée, mais, le soir, c’est encore pire. Le type à l’entrée ne lui jette qu’un bref coup d’œil avant de lui ouvrir la porte et elle est aussitôt agressée par le bruit, la chaleur et les odeurs du lieu. Des rires, des cris, des gémissements même. Certains malfrats jouent aux cartes, ou au jeu du couteau. D’autres boivent simplement en discutant. D’autres s’acoquinent avec quelques prostitués, d’où les gémissements. Marcy resserre le col de son haut autour de son cou et slalome entre les tables et les gens, veillant à ne bousculer personne. Et malgré l’envie, elle ne tripote aucune bourse non plus. Il y a un temps pour tout et ce n’est vraiment pas l’endroit ou le moment de s’amuser à fouiller des poches.

Elle parvient au bar et s’assoit sur un tabouret en espérant attirer l’attention du propriétaire qui sert les boissons. Elle sent aussitôt ses cheveux se dresser sur sa nuque. On l’observe. Elle se frotte la nuque et tente une fois de plus de se faire remarquer du tavernier qui lui fait signe sans pour autant venir vers elle. Trop de monde. Elle peste intérieurement, mais prend son mal en patience malgré la tension qui ne quitte pas ses épaules. Elle ose un coup d’oeil sur le côté droit. Puis le gauche. Personne ne semble s’intéresser à elle. Se retourner pourrait donner une excuse pour qu’on vienne lui chercher querelle, donc elle s’abstient, malgré sa jambe qui tremble nerveusement et son index qui tapote le bar de plus en plus vite.

Quelques secondes plus tard – soit une éternité pour Marcy – le tavernier se tourne finalement vers elle. Avant même qu’elle ne dise un mot, il pointe du doigt la salle. Elle se retourne vers l’endroit ciblé et aperçoit une table entourée de silhouettes. Elle se retourne vers le tavernier, histoire de demander si Jean s’y trouve vraiment, mais celui-ci s’affaire déjà avec un autre client et ne lui accorde plus la moindre attention. Elle soupire, puis saute de son tabouret pour marcher d’un pas rapide vers l’endroit désigné par le tavernier. Cela lui demande de traverser toute la salle, mais elle n’a pas vraiment le choix. Elle rase les murs pour éviter le plus gros du capharnaüm, mais la sensation d’être observée ne faiblit pas. Elle perçoit bien quelques regards se tourner vers elle, mais rien de comparable avec la sensation qu’elle a depuis qu’elle est assise au bar. Elle sait que sa maigreur, sa petite taille et son manque de poitrine dissuade la vaste majorité des hommes. Pas pour rien qu’elle masque ses formes au maximum. Car elles commencent à se voir. Et si des filles de son âge rêveraient sans doute de ce genre de choses, c’est plus un calvaire pour la petite voleuse. On ne se faufile pas dans un trou de souris avec des mamelles de vache. Et c’est bien ce qui l’ennuie chaque fois qu’elle voit sa poitrine de plus en plus formée. Ça et le regard des hommes qui changera s’ils la remarquent. Tout cela ne lui plaît pas beaucoup. Mais prier Gaïa pour moins de présence mammaire lui semble un peu inadéquat. Et stupide. Surtout stupide.

Elle évacue ces considérations pratico-esthétiques d’un mouvement de tête lorsqu’elle parvient près de la table. Deux regards se posent sur elle quand elle approche. Un curieux. L’autre un peu plus suspicieux. Mais c’est quand elle arrive enfin aux côtés de la table, qu’elle peut soupirer de soulagement. Jean tourne les yeux vers elle et un immense sourire fend son visage.

- AAAAAH Marcy ! Ma rouquine favorite ! Ne soit pas timide, viens, viens. Je vais te présenter.

Il l’attire à lui et entoure ses épaules d’un de ses bras tout en la présentant à la tablée qui observe la scène avec diverses expressions allant du désintérêt le plus total à l’incompréhension. Du moins jusqu’à ce que Jean la présente.

- Messieurs, Hinako-sama, je vous présente Marcy. Voleuse patentée et notre petite espionne dans l’affaire du groupe de gamins. Tu as trouvé des informations intéressantes alors ?

Cela attire le regard et l’intérêt de toute la tablée qui fixe une Marcy soudainement mal à l’aise. Ce que Jean n’arrange pas en présentant à son tour les personnes présentes. Hinako, une femme au visage poudrée originaire d’Oranan qui est membre de la Triade, versés dans l’art du poison et des drogues. Un grand homme chauve au bouc entretenu, Joff, membre important des Lameliers, des assassins. Deux hommes presque identiques et à la peau sombre, Hakir et Faki, représentant le Syndicat Noir, des contrebandiers. Et enfin, celui qui était désintéressé, mais qui la fixe désormais, Eteriel, un elfe à la peau blanche comme neige et aux yeux gris, représentant la Perle Pourpre, dont elle n’a, cette fois, jamais entendu parler. Tout un groupe de gens dangereux que Marcy se voit obligée de côtoyer quand Jean l’assoit sur un tabouret amené par une serveuse au déhanché exagéré. La rouquine n’en mène pas large. Son cœur bat à cent à l’heure et elle regrette de ne pas avoir attendu le lendemain pour avoir moins d’audience.

- Alors, Marcy, dis-moi, tu as de bonnes nouvelles ?

Toute la tablée a complètement abandonné le jeu de cartes qu’ils étaient en train de faire pour se concentrer sur elle. Seul Jean arbore une mine enjouée, les autres ont l’air prêt à égorger quelqu’un à la moindre information leur en donnant la possibilité. Et Marcy n’a pas envie d’être la cible. Elle hoche vigoureusement la tête, mais est incapable d’ouvrir la bouche. Jean le remarque et se tourne vers la tablée. Et cela le fait rire.

- Allons, allons, cessez de la regarder comme ça. On dirait que vous voulez la dévorer.

Cela n’amuse guère l’oranaise qui se tourne vers Jean, lâchant du regard Marcy un bref instant.

- Il n’y a rien de drôle, dans cette situation. Tu nous as certifié que tu avais quelqu’un sur le coup et il s‘agit de cette gamine ? Si elle n’a pas d’information pertinente, je me ferai une joie d’utiliser sa langue comme ingrédient expérimental.

Marcy sent un frisson glacé lui parcourir l’échine et elle commence à trembler comme une feuille. Mais la main de Jean se posant soudainement sur son épaule accapare son attention ailleurs. Jean qui, soudainement, n’a plus du tout un visage amusé. Bien au contraire.

- Vous n’êtes guère en position de faire la moindre demande ou la plus petite menace. Vous avez tous échoué à trouver la cache des voleurs. Marcy travaille pour moi. Si vous avez quelque chose à lui dire, cela passe par moi. Si vous avez un problème avec elle, cela passe par moi. Est-ce clair ?

La tension cloue littéralement Marcy sur son tabouret. Tout le monde se dévisage d’un regard froid et calculé et Marcy sait maintenant qu’ils ne jouent pas du tout dans la même cour. Elle n’est qu’un grain insignifiant au milieu d’un océan de requins. Elle déglutit. Elle qui a si confiance en elle d’ordinaire, elle se dit surtout qu’elle ne fait pas le poids ici. Mais Jean serre brièvement son épaule.

- Donc, Marcy. Qu’as-tu découvert ?

Elle aurait vraiment préféré parler en tête à tête avec Jean, pour cette histoire de cachette, mais tant pis, elle va trouver une parade plus tard. Il y a une information qu’ils aimeront forcément.

- J’ai trouvé leur chef.

Toute l’attention se porte sur elle et elle se serait recroquevillée sur elle-même si les regards ne s’étaient pas faits plus intéressés que dangereux, cette fois. Nouvel encouragement de Jean qui la fait inspirer et continuer.

- C’est un elfe qui s’appelle Yerek. Il est chauve et il a un tatouage sur le côté du crâne. Un genre de cercle cranté ou un serpent.

Jean tapote doucement son épaule, comme pour la féliciter avant de se tourner vers les autres. Etrangement, c’est l’elfe qui agit, cette fois. Contrairement aux autres, lui garde un visage impassible, avec une voix étonnamment claire et douce.

- Ce tatouage, ressemblait-il à ceci ?

Il se tourne vers Marcy et sort un parchemin qu’il griffonne avant de lui montrer un croquis rapide de ce qu’elle a décrit concernant le tatouage. C'est le même qu'aperçu sur le côté du crâne de Yerek, le symbole plus proche d'un serpernt, maintenant qu'elle le voit à plat et de plus près. Elle hoche la tête, sans trop savoir ce que cela change, mais au vu des regards échangés, ce n’est pas anodin. Bien vite, chacun termine sa boisson et Jean se lève, le visage soudainement grave.

- Marcy, tu me suis. J’attends de vos nouvelles, Messieurs, Hinako-sama. Contactez-moi par les canaux habituels

Marcy cille, sans rien comprendre, tandis que Jean l’entraine vers la porte d’une autre pièce. Dans quoi s’est-elle embarquée ?

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Re: La Taverne des Sept Sabres

Message par Marcy » ven. 26 déc. 2025 01:31

Sous le signe du fléau

Dans la petite pièce que Marcy commence à bien connaître, Jean la laisse s’installer sur une des chaises. Il s’installe sur celle d’en face, le visage surprenamment grave. Marcy l'a toujours vu avec un air plus ou moins détaché, peu importe la situation. Quoiqu’elle ait découvert, cela semble l’affecter. Et elle ne sait pas si c’est une bonne ou une mauvaise nouvelle. Sans doute une mauvaise, au vu des réactions des autres avant leur départ. Et elle n’a aucune idée de pourquoi. Elle espère un peu que Jean la renseignera, mais elle ne compte pas trop dessus non plus. Elle n’est pas si importante que ça, après tout. Juste une petite voleuse que Jean emploie de temps à autre. Le boulot a beau être différent, son statut n’a pas vraiment évolué. Peut-être que cela va changer, mais la situation a l’air compliquée.

- Marcy, je veux être sûre d’une chose. As-tu tout dit tout à l’heure ?

Elle se dandine maladroitement sur sa chaise face au regard perçant de Jean. Elle se doutait qu’elle ne pourrait pas vraiment lui mentir. Il commence à bien la connaître et il n’est pas surnommé le Renard pour rien, dans le milieu. Il sait flairer les mensonges aussi bien que les bonnes opportunités.

- Marcy…

- Tu vas leur faire du mal si je te le dis !

- A qui ?

- Les enfants ! Les voleurs ! Ce type, Yerek, il les manipule ! Ils sont au courant de rien ! Je l’ai vu faire !

Le regard de Jean se plisse. Il semble comprendre ce que Marcy cache sans même qu’elle ne le dise.

- Tu as trouvé leur repaire… Marcy, on avait un marché !

- C’était avant que…

Avant qu’Eleanore la regarde de cette manière. Avant qu’elle ne voie tous ces enfants et adolescents. Des miroirs de sa propre existence. Des jeunes manipulés, offerts en pâture une fois leur utilité compromise.

- Marcy…

Le ton de Jean devient plus menaçant, Mais Marcy serre les poings et le défi du regard.

- Il leur a promis de les protéger, de les sortir de là, de leur offrir une vie meilleure ! Il les manipule, ils ne savent pas que tout le monde leur en veut ! Je veux pas qu’il leur arrive quelque chose.

- Je t’ai donné ma parole que je ne leur ferai rien, Marcy.

- Oh pitié, je ne suis pas naïve ! Tu aurais donné l’information à quelqu’un d’autre et ils auraient fait le sale boulot !

Jean a le bon ton de ne pas nier. Marcy perçoit même une légère surprise dans son regard. Il la sous estimait clairement, mais il se rend maintenant compte qu’elle n’est pas aussi naïve que d’autres. Il lève les mains en signe d’apaisement.

- Très bien, que proposes-tu, alors ?

Elle ouvre la bouche, mais rien ne lui vient, dans l’immédiat. Même s’ils se débarrassent de Yerek, cela ne va pas dissoudre le groupe de voleurs. Sûrement qu’une partie cessera, mais tous les orphelins, tous ceux qui n’ont rien d’autre seront obligés de continuer. Et les choses pourraient dégénérer.

- J’en sais rien… mais ils méritent pas qu’on leur fasse du mal, Jean !

Un long silence s’installe alors. Jean semble réfléchir et Marcy se contente d’attendre en cherchant vainement une solution dans sa tête. Mais rien ne lui vient. Qu’elle garde l’information ou qu’elle l’offre, elle ne voit pas d’issue positive à tout ça. Jamais la pègre ne lâchera le morceau. Jean sait qu’elle possède l’information, ce qui rend tout bien plus difficile pour elle. Il n’a aucune raison de ne pas en parler aux autres. Et cette Hanako lui a fichu la trouille, avec son histoire de langue comme ingrédient…

- Ce Yerek. Sais-tu où le trouver ?

Elle nie de la tête. Elle aurait bien aimé le suivre, mais le perdre de vue un bref instant a suffit à ce qu’il soit introuvable ensuite. Il devait se méfier d’elle pour disparaître de la sorte.

- Pourquoi tout le monde a réagi comme ça quand j’ai parlé du tatouage ? Il signifie quoi ?

Jean l’observe un bref instant avant de soupirer. Il tire sa pipe de sa poche et, ignorant la grimace de Marcy, la remplit de tabac avant de l’allumer et de prendre une bouffée qu’il souffle vers le plafond.

- Sais-tu qui est Jeri ?

Elle nie de nouveau de la tête. Cela ne semble guère étonner Jean qui reprend une bouffée de sa pipe. Si Marcy n’aime guère l’odeur du tabac, elle apprécie quand même qu’il ne lui souffle pas en pleine figure.

- Je ne suis pas théologien, aussi je ne vais pas te faire un cours, mais c’est le dieu des maladies. Peste, choléra, typhus, peu importe, choisi ton poison. Il y a quelques années, un groupe s’est mis en tête de le faire venir à Kendra-Kâr en déclenchant une épidémie, supposée le faire revenir parmi les mortels pour nous sauver. Ils se font appeler les Fils de la Peste et leur symbole est l’Ouroboros, le serpent éternel qui se mord la queue. Le même tatouage que porte ce Yerek.

Marcy frisonne, dégoutée par l’idée d’une épidémie volontaire.

- Par chance, ils avaient besoin de fonds et d’appui pour lancer leur plan stupide. Et ils se sont tournés vers nous. Autant te dire qu’ils n’ont pas fait de vieux os. Mais s’ils sont de retour, ils ont visiblement trouvé un autre moyen d’amasser leur argent. Et ton groupe de voleur leur a fourni ce dont ils ont besoin.

Il se penche davantage vers une Marcy qui a pâli un peu plus à chaque mot prononcé par Jean. Elle n'imaginait pas une telle chose. Elle ne voyait qu’un tatouage bizarre sur un elfe manipulateur. Pas une conspiration visant à déclencher une épidémie. Cela va au-delà de tout ce qu’elle peut comprendre et entrevoir.

- Il nous faut les arrêter, Marcy. Et vite. Il y a…

- Yerek ! Il… il a dit que certains des enfants étaient malades.

Elle pensait que c’était dû à un mensonge, qu’ils avaient été blessés. Et s’ils étaient tombée malade à cause de ce que Yerek prévoyait ? Si tout ça n’était que le prélude à une vraie épidémie qui allait se répandre dans la cité ? Jean ne dit rien, mais elle le voit clairement se tendre, la mâchoire serrée. Il a pensé à la même chose qu’elle.

- Il a dit qu’ils étaient prêts du but ! Il… a dit que ce serait bientôt fini !

Elle se relève d’un coup, le cœur battant à cent à l’heure. Elle doit retrouver Eleanore. Et Edouard. Et tous les autres. Ils sont tous en danger ! Même l’orphelinat. Méli, Gus, Sania ! Tout le monde est en danger ! Jean lui attrape le bras avant qu’elle ne file ventre à terre. Elle lui jette un regard implorant, mais il se contente de la fixer d’un regard perçant.

- Le repaire, Marcy. C’est notre seule piste. Où est-il ?

Marcy se mord la lèvre. Jean n’en démord pas. Et elle ne peut pas imaginer ce qu’il se passerait si l’épidémie se déclarait réellement. Les enfants du repaire ne seraient pas les seuls à en pâtir. Toute la ville en souffrirait. Elle se résigne après que sa lèvre se soit mise à saigner. Chaque mot lui fait mal, autant dans sa poitrine que sur ses lèvres.

- Une cave derrière une des boutiques de livres près de la rue de l’herboristerie. Ils sont dans les sous-sols.

Jean la lâche. Au lieu d’un sourire satisfait, c’est un air grave qu’il arbore. Il lui tapote l’épaule, la faisant relever un regard humide.

- On s‘y rendra demain, le temps de regrouper du monde. S’ils se cachent avant, il sera difficile de les retrouver.

Marcy serre les poings et hoche la tête. Elle a reçu le message. Elle ne dormira pas cette nuit.

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Re: La Taverne des Sept Sabres

Message par Marcy » dim. 28 déc. 2025 14:24

Le seuil du répit

C’est une lumière désagréable et persistante qui tire Marcy de son sommeil. Elle grogne, cherche à ramener ce qui recouvre son corps vers son visage et se tourne sur le côté. La douleur se réveille et elle siffle entre se dents en se relevant brusquement. Son bras est bandé, sa cheville également et elle n’a plus ses habits habituels, mais une tunique verte qui lui descend jusqu’aux genoux. Elle est allongée dans un lit dans une pièce qu’elle ne reconnaît pas. La lumière s’infiltre dans la pièce par une interstice par le volet, droit sur l’endroit où sa tête était posée. Elle observe l’endroit. Sommaire, contenant un lit, une armoire et une table associée à une chaise. Propre, mais basique. Elle se frotte les yeux, un peu perdue. Les souvenirs de la nuit sont encore frais dans son esprit et elle écarte le drap qui la recouvre pour sortir du lit. Elle pose prudemment ses pieds nus sur le sol grinçant. Une légère faiblesse la fait tanguer, mais elle se reprend très vite. Elle doit savoir où elle est.

Sur la pointe des pieds, elle s’approche de la porte qu’elle ouvre délicatement. Malheureusement, un long grincement est la seule récompense de sa prudence. Elle grimace, détestant ce genre de bruit gênant. Elle sort malgré tout de la pièce pour découvrir un couloir en forme de U entourant un escalier. Elle perçoit des voix à l’étage inférieur. Une conversation animée, visiblement. Mais, surtout, elle sent l’odeur alléchante d’un potage et d’une viande grillée. Son estomac crie famine et ses lèvres et sa gorge sèches la poussent à se renseigner sur l’origine de cette merveilleuse odeur. A pas feutrés, elle descend l’escalier. Courbée, elle essaie de regarder à travers les marches de l’escalier. Elle reconnaît alors l’endroit. La pièce principale de l’auberge des Sept Sabres. Presque vide, ce qui est assez inattendu pour le souligner. D’ordinaire, elle aurait hésiter à descendre l’escalier, vêtue de cette manière. Mais l’absence relative de spectateurs et des clients habituels, couplés à sa faim et sa soif la font descendre un peu plus rapidement les marches. Elle se tient sur la dernière marche, à observer la pièce, lorsqu’une voix l’interpelle, venant de derrière elle.

- Marcy ! Enfin réveillée, espèce de loir !

Elle se retourne pour découvrir Jean en train de s’avancer vers l’escalier. Elle note immédiatement les cernes sous ses yeux et le teint plus pâle qu’à l’ordinaire sur la quadragénaire qui se fend pourtant d’un sourire. Il descend rapidement les marches, forçant la rouquine à faire de même. Elle se retrouve ainsi le centre d’attention de la demi-douzaine de type présents dans la pièce, en train de manger. De regards curieux qui la mettent mal à l’aise et lui font instinctivement tirer sa tunique – pourtant longue - vers le bas. Jean arrive rapidement à sa hauteur et ébouriffe ses cheveux, tirant un grognement exaspéré à la rouquine qui le repousse et essaie de redonner une forme civilisée au nid de boucles et de nœuds qu’est devenu sa tignasse rousse.

- Bas les pattes !

- En forme à ce que je vois. Tu as faim ?

Cela lui tire un sourire en même temps qu’un grondement de son ventre.

- T’as même pas idée.

- Fred, deux écuelles ! Et un grog pour moi !

Le tavernier – qui visiblement ne dort jamais – lève le pouce en signe d’assentiment et Jean accompagne Marcy jusqu’à la table où la demi-douzaine de types sont installés. A la grande surprise de la rouquine, ils se serrent pour lui laisser une place et jean lui offre même une chaise. Elle fronce les sourcils, mais décide que, pour une fois, ce n’est pas si mal qu’on fasse quelques trucs à sa place. Son bras la lance encore et elle ne crache pas contre un peu d’aide. Elle s’assoit donc en veillant à plaquer sa tunique contre ses jambes et à les serrer une fois assise. Elle n’a rien en dessous, et cette information la gêne quand même bien plus qu’elle ne l’avouera jamais. Si quelqu’un remarque son geste, personne ne le soulève. Pas même Jean quand il s’installe à côté d’elle. Un godet est glissé dans sa direction et elle en renifle le contenu d’un air suspicieux.

- C’est de l’eau.

- Croupie ? Parce qu’elle pue le fond de latrine.

- C’est Fred, il ne lave pas bien ses verres.

Le concerné se fend d’un geste obscène en direction de Jean, faisant rire l’assemblée tandis que Marcy vide la boisson d‘un trait et soupire d’aise. Elle a rarement eu aussi soif de sa vie. Un peu comme si elle avait passé plusieurs jours sans boire la moindre goutte. Ce qui, finalement, est assez proche de la réalité.

- T’as passé trois jours inerte, Marcy, on se demandait si t’allais te réveiller. Gred, - il pointe un grand gaillard du doigt – s’est occupé de te laver, te panser et te changer. T’es arrivée dans un état lamentable.

Elle grimace en jetant un regard au fameux Gred qui lui sourit aimablement. Elle n’aime guère l’idée qu’un type l’ai tripoté, dans son sommeil. Et cela doit se lire sur son visage, parce que Jean ricane.

- T’en fais pas, Gred préfère les hommes musclés et sans un poil sur le caillou. On aurait bien laissé une femme s’occuper de ça, mais il y avait urgence, vu ton état et on n’avait pas de fille sous la main.

- Oh... euh… je… m’ci…

Elle cache son embarras dans son verre vide. Embarras qui disparaît très vite quand son esprit reconnecte enfin sa présence ici avec les événements de la nuit. Elle bondit de son siège.

- Les rats ! Le message ! Jean , tu…

Elle titube après s’être relevée trop vite et une main se pose fermement sur son épaule et la force à se rassoir.

- Calme-toi, bon sang… j’ai bien eu le message. Et on a réglé le problème. Enfin, en partie. Mais c’est plus de ton ressort. Mange, tu mérites un peu de repos.

- Nan ! Dis-moi !

Il soupire, mais Fred interrompt le duel de regard que Marcy était prêt à lancer en déposant une écuelle remplie de lentilles, de sauce, de viande, de légumes, de pain et d’une odeur si alléchante que Marcy louche dessus. Ses yeux font des allers retours entre Jean et le festin qui se profile sous son nez. Et puisque Jean ne semble pas décidé à parler, elle se jette finalement sur le repas. Elle avale deux bouchées sans presque mâcher. Elle manque de s’étouffer, tirant quelques ricanements autour d‘elle tandis que les conversations reprennent que Jean commence lui aussi à manger ; mais, face aux regards incessants de Marcy, il finit par cracher le morceau.

- J’ai envoyé des hommes prévenir les autres parties impliquées. On a lancé des assauts les deux dernières nuits sur les lieux que ton message mentionnait. Une sacrée organisation. On a brûlé les rats vifs, pour éviter le moindre problème, mais on n’a pas réussi à trouver ton fameux Yerek. On a chopé quelques types qui se sont rendus, mais ils n’ont pas donné d’informations utiles. La milice est sur les nerfs avec les incendies et les corps retrouvés, donc je te conseille de faire profil bas.

Marcy écoute en silence et se sent soulagée. Ils ont réglé le problème principal. Mais Jean n’a pas mentionné ce qui motivait Marcy, à l’origine.

- Et les enfants ?

- On était occupé, donc leur sort n’est pas encore réglé.

Il étudie Marcy qui est décidée à finir son écuelle encore plus rapidement, à présent. Marcy sait que, sans la capture de Yerek, ils vont tôt ou tard se tourner vers les enfants voleurs. Et elle n’a pas l’intention de laisser faire ça. Elle doit retourner voir Eleanore, tout lui expliquer et tenter de convaincre tout le monde que Yerek est dangereux. Pour eux et pour tout le reste de la ville.

- Tu as plus que rempli ta part du contrat, Marcy, tu peux arrêter là.

- Pas question. Où sont mes affaires ?

Elle darde un regard courroucé vers Jean qui ne cille pas, pas le moins du monde impressionné par la petite rouquine, qu’elle lui fasse ou non les gros yeux. Elle termine son écuelle et descend de sa chaise. Jean n’essaie pas de l’en empêcher, mais la retient quand même par la manche.

- Tes affaires sont dans ma chambre. Avant que tu partes, j’ai quand même une question. Comment as-tu trouvé leur planque ?

- C’est pas moi. Je sais pas comment il a fait. Un type encapuchonné avec de drôles d’armes en disques. Vous l’avez pas retrouvé ?

- Pas du tout. Il y avait des corps dans une des maisons, avec un asternia particulièrement effrayé. Mais pas de types avec des lames en disques.

Cela tire un sourire à Marcy. Il a dû se débarrasser de ses adversaires et filer avant que la pègre n’investisse les lieux. Elle ne sait toujours pas qui est cet homme, mais, une chose est sûre, il est sacrément efficace. Et puisque le problème principal est réglé, c’est à elle de gérer la suite. Et ça ne devrait pas être aussi difficile.

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