Lenneth. Voilà le nom que je suis censé donner si on nous interpelle dans la rue. Pourquoi ? Très bonne question. Personne ne connais Hirst, personne n’en a jamais entendu parler, nul ne sait ce qu’elle est capable de faire, ce qu’elle a fait sur un autre monde puisque pour rappel, la magie est interdite et aucun voyageur en dehors de ce monde ne devrait arriver ici. D’autant plus qu’on a bien attendu que le Soleil Noir soit parti pour sortir dans la rue. Donc, à part des passants qui auraient vu une tête de dragon immense, notre appellation n’est pas importante. Qu’importe, l’appeler Lenneth sur le trajet qui nous sépare de la boutique reste encore dans mes cordes et ne coûte rien.
De retour chez elle, Fanielle pénètre la première pour y retrouver son père, celui-ci s’exclamant que nous avons tenu parole.
(Ha oui ? On a fait ça ?)
Il me laisse le regard qu’on offre généralement aux parfaits inconnus, porte brièvement un regard à Itulë et enfin, parait plus que surpris, choqué ou craintif, de voir Hirst avec nous. Craignant de voir un garde revenir ici, celle-ci détaille son plan, à savoir la visite d’un couple et de leur fille Itulë, venant voir papy Bergeac et tata Fanny. Visiblement, Hirst semble véritablement partie sur son idée et s’est prêtée au jeu. Le sérieux qu’elle dans son rôle me pousse à me détendre, évacuant la tension d’une question à l’intéressée.
"C'est ça, un couple ! D'ailleurs ma douce, tu ne m'as jamais raconté comment tu avais trouvé ta nuit de noce ?" Dis-je avec un petit sourire, avant de m’approcher doucement vers Bergeac.
"Écoutez...je sais que les choses ont complètement dérapé. Il y a eu de la magie et tout est parti en vrille, mais nous ne sommes ni l'un ni l'autre des mages." Fais-je en nous désignant moi et Hirst.
"Nous ne souhaitons pas vous porter préjudice. Au contraire et nous avons grand besoin de votre aide pour cela. Je ne vous forcerai pas à nous aider en usant de votre faveur auprès de la Voie Haute, mais nous ignorons complètement où nous sommes. Notre ignorance est une terrible faiblesse qui vous a déjà causé du tort. Tout ce que nous voulons, c'est rentrer chez nous. Permettez-nous d'en savoir plus sur votre monde, je vous prie ! Malgré les derniers événements, votre fille pourra vous certifier que nous ne sommes pas armés de mauvaises intentions." Je m’arrête une dernière fois pour finir.
"Les présentations pour commencer. Je me nomme Jorus Kayne !" Dis-je finalement en lui tendant la main.
Il me serre la main en retour, m’offrant une sérénité rafraîchissante. Il nous rassure que le Soleil Noir à rejoint sa base et que nous n’avons donc pas la peine de jouer le couple familial.
"Vous m'avez ramené ma fille, et n'êtes effectivement pas mages, ou responsables de la situation de cette boutique. Sachez que les vôtres sont traqués par l'Ordre, et qu'ils répondront de leurs torts. Je vais... passer sur vos menaces, considérons qu'elles appartiennent au passé." Dit-il avant qu’il ne pointe un souci dans notre couverture.
"En revanche, votre couverture est bancale. Il n'y a que deux générations présentes, à Ashaar : les Pères et Mères, et les Fils et Filles. Au sein d'une même génération, tous sont Frères et Sœurs. Et Parents ou Enfants de tous les autres. Ainsi... Soit l'un de vous deux est de ma fratrie, faisant d'Itulë notre fille et sœur de Fanielle, soit Itulë et l'un de vous êtes mes enfants, et dans la fratrie de Fanielle. Et celui-là devra porter le nom Dantes."
(Mais…mais…mais…)
Je suis venu pour avoir de plus amples informations sur ce monde et la manière dont il fonctionne. Dantes sait comment nous sommes arrivés ici et sait de quoi nous sommes capables. Lui et sa fille sont les plus à même d’écouter les questions d’un étranger à ce monde. Tandis qu’il nous interroge sur la notion de mariage, je sens venir les réponses à mes questions, menant à un flot ininterrompu de questions. Je me masse la paupière des yeux face à mon incompréhension avant de répondre.
"Un mariage ? C’est simplement une union de deux êtres devant la société ou un représentant religieux, les deux entités considérant le couple comme mari et femme. Vous appelez très certainement ceci les Pères et Mères chez vous. Mais qu’est-ce que vous entendez par…générations…concrètement ? Chez nous un couple fonde une famille qui grandit, les parents devenant vieux, enfants devenant adultes, faisant naître la prochaine génération d’enfants et ainsi de suite de générations en générations. Alors…comment ça…deux générations ?" Fais-je en posant finalement les mains sur les hanches, prêt à recevoir des réponses énigmatiques.
"Il dit que nous avons encore fort à apprendre, oublions cette couverture pour l'instant et parlons de la meilleure façon de compenser vos pertes." Déclare Hirst, avant de sortir deux pièces d’or de sa bourse, demandant si ce métal existe ici.
La vue de ces deux pièces va immédiatement attirer son attention. Ils usent de l’or pour régler les transactions et beaucoup dans la veine ne possèdent pas cette quantité. Puis il prend le temps de me répondre qu’ici il n’y a nul mariage. Seulement des pères et mères, ainsi que des frères et sœurs. Personne ne fonde de couple et les individus sont livrés par les Chevaliers des Cieux. Ainsi, pas plus de deux générations ne foule le sol d’Ashaar. Des informations qui me mènent comme prévu à des énigmes et c’est les yeux fermés que je fais le point.
(La veine, deux générations, les Chevaliers des Cieux et ceux-ci livrant les individus comme des cigognes. Bordel !)
"D’accord alors…" Dis-je en rouvrant les yeux et usant d’une main pour compter et mettre l’accent sur mes nouvelles questions.
"…c’est quoi cette histoire de livrer des individus et qui sont ces chevaliers des cieux ?"
De son côté, Hirst se fait généreuse en donnant les pièces à Dantes, mais elle me pousse ouvertement à lui payer la même somme pour les pertes qu’il a eu et les informations qu’il nous donne.
(Mais….j’ai pas une telle somme sur moi !)
"Ce ne devrait pas être à vous de payer : vous n'avez lancé aucune magie, abîmé aucune vitrine, aucun tissu, déversé aucun vin ou bière ici." Me sauve Bergeac en acceptant gracieusement les pièces.
Hélas, sa détresse se traduit en un long soupir devant mes questions. Ici, ils naissent ainsi, livré par les Chevaliers des Cieux. Les habitants de la surface déposent dans les familles des membres pleinement formés sur demande ou à leur guise. La seconde option est la plus régulière. Expliquant qu’il pourrait être possible que l’on soit ses enfants venu par la porte de sa cave, il s’arrête craintif, se demandant si tel n’est pas le cas et que les Lumineux nous auraient retourné l’esprit.
(Lumineux ?)
(Sûrement les Chevaliers des Cieux.)
Hirst réplique que ce n’est pas le cas et confirme, sans le vouloir que c’est sa sœur à l’origine du sort qui nous a envoyés ici en voulant seulement rentrer chez elle.
(Mais nous avions prévu de le faire ensemble ! Pourquoi a-t-elle fait ça ? Qu’elle est la raison qui l’a poussé à agir si précipitamment ?)
"Je sais que ce n'est pas à moi de payer les dégâts des autres, mais disons que je suis en train d'acheter une echarpe, rien de plus. Vous avez fait preuve de sang-froid dans tout ce chaos et il est normal que nous vous remercions. Silmeria a chu dans l'écluse en compagnie du reste de notre troupe. Pensez-vous que je doive descendre la chercher ?"
Bergeac m’ayant offert une porte de sortie pour ne pas avoir à sortir ma bourse vide d’or, de plus en plus à l’aise en sa compagnie, je regarde Hirst avec un petit sourire en coin.
"Tu vois, j'suis une perle ! J'ai rien cassé et en prime, c'est moi qui ai empêché Fanielle de tomber au-delà de l'écluse." Puis j'écoute, les réponses de Dantes qui me perdent encore, menant à d'autres questions et voie la détresse de mon interlocuteur lorsqu’il faut y répondre.
"Elle a raison, on a rien avoir avec ces types lumineux. Désolé, avec toutes mes questions, votre monde est si... différent du nôtre. Des individus livrés depuis la surface. Pas de magie, enfin si mais, non toléré sauf si on a les moyens visiblement." Je regarde Fanielle un instant avant de revenir à Dantes père.
"Des êtres qui ne meurent pas. Que deux générations présentes..."
(Mais du coup s’ils n’ont pas besoin d’enfanter…est-ce qu'ils…)
"Mais du coup, si vos enfants ne naissent pas, s'il n'y a pas de couple ou de mariage, vous..." De mes deux mains je forme un cercle et un doigt qui y fait des va-et-vient.
"...pas de sexe non plus ?"
Bergeac commence à partir dans une sorte de délire avec cette histoire de Lumineux nous ayant retourné le crâne. Mais il revient à la réalité avec l’évocation de l’écluse.
"Tombés au-delà de l'écluse ? Vous avez sauvé Fanielle de cette chute ? Quelle folie de vous être jetés dans cette fuite éperdue. Quant à aller les chercher... ils sont sans doute dans un état lamentable. Vous devriez alors les repêcher au fond du Lac de la Veine. Et nul ne sait jusqu'où vont ses profondeurs. Ou peut-être les a-t-on aidés ? Il faudrait vous renseigner sur les quais."
"Jorus ! Que..." S’exclame Fanielle presque choquée, tandis que son père lâche un rire franc, évacuant certainement la tension accumulé.
"Ahah ! Votre vision d'une union charnelle semble bien limitée, jeune homme. Bien sûr que si, le plaisir sexuel est présent à Ashaar. Vous devriez essayer." Déclare-t-il en jetant un regard à sa fille lourd de sous-entendu, qui s’offusque davantage.
Il y a peu, la tension était particulièrement palpable et je me mettais au travers de son chemin pour l’empêcher d’aller prévenir les forces de l’ordre. Nous voilà à présent à rire en voyant la réaction de Fanielle. Je me sens mieux, plus détendu, même aux côtés de Hirst avec qui je me sens plus à l'aise. Ce qui n’est pas son cas et soupir de dépit au sujet qui nous amuse Bergeac et moi, demandant si l’étape d’après serai d’aller dans un bordel pour les besoins de notre enquête. Puis elle revient sur le sujet principal pour savoir comment atteindre l’écluse et retrouver la trace de
"…une blonde inanimée, un ficus qui sème ses cendres partout et un pirate décérébré accompagné de ses matelots, quelqu'un a forcément vu quelque chose. "
Pour ma part, je me laisse porter par le courant soufflé par Dantes père, mettant à plus tard sa proposition concernant sa fille et porte ensuite mon attention encore sous le coup de la boutade du propriétaire.
"Un bordel ?" Dis-je en la reluquant des pieds à la tête.
"C'est pas une si mauvaise idée. On pourrait tirer quelques informations et toi quelques pièces d'argent !" Puis je reviens au sujet principal en reprenant mon sérieux.
"Quand vous dites lumineux tout puissant, vous entendez quoi par là ? Et quel serait notre intérêt d'avoir l'esprit retourné par les lumineux comme vous dites ?"
Plutôt que de descendre par l’écluse, il est préférable de passer par l’ascen-sœur afin de rejoindre la Veine et ensuite se diriger vers les Docks. Il me répond ensuite que c’est du pouvoir et des dons des Lumineux qu’Ashaar tourne ainsi, offrant habitants, denrées et protection. Leur magie protège même de la mort. Quant à ses interrogations sur le retournement de crâne, ce n’est visiblement que des divagations. Fanielle prend finalement la parole et toujours aussi gênée lorsqu’elle pose les yeux sur moi, elle se propose de nous accompagner. Une proposition qui, si elle ne sied pas à Bergeac, celui-ci donne son accord.
Amusé par la répartie du père et la gêne de la fille, je ne remarque qu’au dernier instant la présence se Hirst près de moi, sa main sur mon épaule et le pouce orienté vers ma gorge.
"De ma main je peux faire apparaître une lame qui te traversera la gorge de part en part. Par considération envers nos hôtes et pour ne pas aggraver les dommages qu'ils ont subit ici je ne vais pas te tuer tout de suite, mais si tu venais à être grossier à mon égard une seule fois, je te tuerai sans la moindre hésitation et je laisserai tes restes démembrés là ils auront lamentablement échoués. Est-ce que c'est clair ?" Lâche-t-elle dans un froid glaciale, refroidissant brutalement l’ambiance.
(De quoi ?)
Je la regarde avec surprise, comprenant tard qu’elle n’a pas saisi que ce n’était qu’une boutade, mon véritable crime étant en réalité un sens de l’humour douteux.
"C'est toi qui as évoqué le sujet, pas moi. Ta sœur, aurait compris que je n'étais en rien sérieux."
(Ainsi, même la plus grande assassine de notre monde à des faiblesses de ce genre ?)
(Mieux vaudrait éviter de lui parler ainsi. Elle me fait froid dans le dos !)
N’a-t-elle vraiment pas compris l’absence de sérieux derrière cette remarque ? Ai-je été trop loin dans mes propos ? Peut-être et si c’est le cas, il faudra que je m’en excuse, mais plus tard. En attendant, Fanielle se propose de nous conduire dans la cité. Une aide très précieuse si l’on souhaite se déplacer à notre guise et interagir avec les citoyens sans éveiller les soupçons.
"Je...merci, sincèrement !" Fais-je en inclinant brièvement la tête de reconnaissance.
"Nous sommes venus chez vous, nous avons mis l'attention du Soleil Noir chez vous avec cet usage de la magie et pourtant, vous persistez à vouloir nous venir en aide. Même sur notre monde, on ne rencontre pas ou peu de personnes comme cela. Même vous Bergeac, vous vouliez nous aider pour soigner la sœur de ma camarade."
Puis je porte la conversation sur un point que je ne comprends pas.
"Il y a cependant un élément étrange. Le pouvoir que vous évoquez et le don qui vous empêche de mourir. C'est...de la magie. Hors elle est interdite ! Pourquoi ? Pourquoi les autres et pas eux ? Nous souhaitons rentrer chez nous, pas mettre les pieds dans un bordel. Retrouver les autres est une première étape. Il nous faudra ensuite soigner Silmeria et trouver comment rentrer chez nous. La magie nous a fait venir ici, c'est elle qui nous fera repartir."
(Bon Fanielle nous a dit que Bergeac avait participé à l’aide avec le Clan Carmin pour faire remonter une fille. Peut-être a-t-il un contact ou connaît-il une tierce personne pouvant répondre à nos besoins.)
Je m'arrête le temps d'une respiration avant de reprendre.
"Bergeac, avez-vous des liens ou des connaissances qui nous rapprocheraient de tels individus ? Votre fille nous a parlé du clan Carmin et de la faveur que vous vouliez utiliser. Peuvent-ils faire autre chose que de soigner ?"
Les remerciements, les louages et les compliments semblent être la faiblesse de la jeune femme. Elle ne cesse de rougir à chaque fois que je m’adresse à elle. Pourtant, nous lui devons tant, à commencer par l’asence totale de délation. Elle comprend parfaitement notre position. Celle d’un voyageur qui ne connaît rien des us et coutumes locales. C’est avec plaisir qu’elle nous apporte son aide afin d’éviter nos nombreuses maladresses jusqu’à ce que l’on parvienne à se fondre dans la masse sans crainte.
Moins amusé d’un coup, Bergeac me répond concernant la magie. Elle est interdite par les Chevaliers des Cieux car…c’est comme ça. C’est ce que l’Ordre du Soleil Noir dit donc on fait ainsi. La seule explication est que cela mettrait en danger la leur. Bien entendu, ne pas mourir porte l’intérêt de continuer ainsi, prémunissant les habitants de la mort. Mais quel est le coût d’une telle magie ? Je l’écoute avec attention lorsqu’il évoque le Clan Carmin.
"Je n'ai aucun lien avec eux. Aucun. C'est... par la Lumière, allez pas répéter ça. C'est Cedran de Montfort. Un Voie-Hautain. Sa fille a... eu des accointances avec le Clan, et il a tout fait pour la faire remonter dans la cité supérieure. Il a grassement payé le Soleil Noir - avec son or et celui de ses commerçants protégés, dont moi - pour qu'ils la traquent et la lui ramènent." Il continue soufflant son malaise.
"Il me démembrerait de vous l'avoir dit. Mais du coup il la détient dans leur Maison, et elle a... sans doute préservé des connaissances en magie de soin. Si tant est qu'on puisse appeler ça magie. J'sais pas. C'est la seule solution que je vois, et vous arranger une entrevue avec elle... je pourrais essayer de la lui soutirer."
Hélas, c’est une possibilité qui n’est pas partagée par Fanielle, doutant d’y arriver. Hirst laisse de côté notre altercation et ma maladresse, pour mettre l’accent sur l’utilité de rencontrer une telle personne, sans avoir retrouvée celle qui a besoin de soins. Elle remet sur le tapis cette dette qu’on aurait et que je devrais payer à mon tour. A défaut de connaître ce qu’elle derrière la tête en évoquant de nouveau le sujet, je connais son contenu et l’absence d’or qui y réside.
(Soit prudent. Pas comme la fois précédente.)
(Je ne compte pas non plus me laisser chier dessus !)
"Payer pour ? La vitrine cassée ? Les tissus volés ? L'alcool jeté au sol ? Tu viens de payer pour les dégâts causés parce qu'au cœur de tout, c'est ta sœur la responsable. C'est très généreux de ta part et je suis sûr que ceux qui auront causé les désagréments matériels cités loueront ta grande générosité !"
(Peux mieux faire !)
(Donc selon toi je devrais supporter ses menaces, mais en aucun cas elle ne devrait subir mes blagues lourdes ?)
(Je dis qu’elle a les moyens de te faire beaucoup de mal et tu n’as plus la magie d’Aliaénon pour t’avantager !)
(Oui ba chacun son fardeau ! Je supporte ses menaces, elle mon humour lourdingue !)
Hirst me lâche un simple
"A ta guise", mais l’expression qu’elle affiche ne me dit rien qui vaille. Je préfère me tourner vers Dantes père et parler de sujet plus important.
"Et le Clan Carmin ? C'est d'eux que semble provenir cette magie de soin. Plus encore que de soigner Silmeria, il nous faudra ensuite rentrer chez nous avec l'aide de la magie. Votre fille les a évoqués comme étant les seuls à être bons dans la cité inférieure. Ils semblent notre meilleure piste à suivre non ?"
L’avis de sa fille ne semble pas partagé par le père. A la différence que l’absence de bonté viendrait de leur présence au sein de la Cité Inférieur. Ceux qui semblent y vivre l’auraient en quelque sorte mérité. Il définit leur pratique comme obscure, évoque des desseins sans dire quoi et parle de sacrifice. Une opinion assez tranchée, mais dénuée d’argument et surtout de preuve. Cependant, les dires de Fanielle le sont aussi. L’un comme l’autre ignore la vérité et tout n’est que pure théorie. Il doute même que le Clan Carmin use de magie, pointant l’absence d’action du Soleil Noir à leur encontre. Enfin, il revient sur la possibilité qu’on présente le corps de Silméria dans les hauteurs pour s’y faire soigner. Si le dénommé Cedran de Montfort a fait remonter sa fille, il est fort probable qu’il préfère l’éloigner de tout ce qui attrait aux pouvoirs occultes. Sans être impossible, nous ne pourrions avoir qu’une seule chance de l’approcher.
Beaucoup d’informations en peu de temps s’agglutinent dans mon esprit. Triant les informations, je fais le point sur ce qu’on sait objectivement.
"Le Clan Carmin est ce qu'il y a le plus proche des mages que nous recherchons et tout ce qu'on dit sur eux, ne sont que des suppositions. Il faudra les rencontrer pour être sûr des faits." Mais mes interrogations ne cessent pas là. Cette histoire de Voie et de Cité est encore floue pour moi. "Les Voies Hautes, la Cité Inférieure, c'est quoi au juste ? Qui y vit et il y a quoi au-dessus et en dessous ? Et puis les mages, ceux qui sont capturés. Ils sont envoyés ou si nul ne peut mourir à Ashaar ?"
Hirst, elle, est davantage à l’écoute que lors de notre première arrivée dans ce monde. Elle laisse de côté l’idée d’user la faveur de Bergeac, mais lui demande pour autant de ne pas renoncer à la faveur qu’il nous fait, s’assurant empêcher sa propre sœur de créer des incidents. Notre hôte la rassure immédiatement, tant qu’il n’est pas menacé par son truc noirâtre, il est prêt à l’accueillir. Puis il me répond enfin, détaillant comment est façonnée Ashaar.
"Les Voies Hautes, c'est ce qu'il y a au-dessus de nous." Dit-il en désignant le plafond.
"C'est les quartiers riches d'Ashaar, si vous préférez. Le gros de la population vit dans la Veine et les Artères, voyez ça comme un rez-de-chaussée de la ville. Puis il y a les Voies Médianes, où nous trouvons. Les quartiers commerçants et artisans d'une certaine qualité. Puis les Voies-Hautes. Et tout ça, c'est la Cité Supérieure." Il tousse un instant, la suite lui étant plus désagréable à narrer.
"La cité inférieure, c'est... sous tout ça. Séparés de nous par L'Entresol, où le Soleil Noir a sa base principale, ces quartiers dégradés s'étendent comme une fourmilière sous terre. Il n'y a là-bas que crime et chaos. Violence et misère. L'on y est condamné quand on commet un crime dans la Cité Supérieure. Pour un temps... plus ou moins long, selon la gravité des faits. Mais il arrive que ça ne suffise pas. Et pour les pires criminels, dont les mages récidivistes, il y a un endroit encore plus profond : les Tréfonds. Une fosse noire sans fond où... nul ne sait ce qui se passe. Car nul n'en revient."
(Hooo !)
Mon esprit pétille lorsque le Tréfond est évoqué. Un lieu inconnu, dont nul n’est venu pour en parler. Du fond de mon être, une envie me pousse à aller là où nul n’est revenu. Une émotion forte, qui ne passe pas inaperçu par ma faéra.
(Ho mon coco, tu oublies toute de suite !)
(Quoi…? Mais…j’ai rien fait !)
(Non, non, non. Tu m’auras pas comme ça. Tu crois que j’ai pas senti ton excitation à l’écoute du Tréfond ? Il y a plus urgent avant que tu ne te lances dans tes envies d’expéditions dangereuses !)
Ramené à la réalité par ma faéra, je réponds à Hirst qui me demande ce que je compte faire.
"Trouver les autres dont ta sœur dans un premier temps. Ceux qui ont été pris par le Soleil Noir ont peut-être été amenés à l'Entresol, là où ils ont leur base. Je pense qu'il nous faut chercher les mages de ce monde pour retourner chez nous, à commencer par le Clan Carmin. A long terme je dirais qu'il nous faut descendre." Je m'arrête un instant avant de reprendre. Nous avons passé la journée à affronter des créatures à Andel’Ys, parler avec un Titan, libéré une Déesse et affronté un Dragon sur deux champs de batailles différents. La fatigue se fait sentir.
"Mais dans l'immédiat...dormir !" Avant de croiser le regard de Bergeac et Fanielle.
"Sans vouloir nous imposer, vous êtes les seuls sur qui on peut faire confiance. Vous accepteriez de nous offrir gîte et couverts ?"
Si Bergeac accepte de s’occuper de nous, il demande cependant qu’on ne l’associe pas à la magie. Fanielle elle s’étonne, pensant partir dans l’immédiat.
(Retrouver Silméria semble plus important que tout pour Hirst et on ne sait pas comment vont les autres !)
(Pas faux. Suis-je dans le vrai lorsque je suppose qu’elle est la seule capable de retenir les débordements de sa sœur ? Ma remarque précédente a engendré une faille entre nous et si je veux aller rencontrer le Clan Carmin, je vais avoir besoin d’elle ! Nous nous inquiétons peut-être pour rien. Ils sont peut-êtreparvenusu à trouver un abri ou quelqu’un pour s’occuper d’eux.)
"C'est entendu et le minimum que nous pourrions faire pour vous !" Dis-je en réponse à Bergeac avant de me tourner vers Fanielle.
"Nous avons passé une très longue journée. Du repos serait appréciable. Cependant...il est vrai qu'on ignore encore comment vont les autres après leur chute de l'écluse."
(Mais j’ai peut-être un moyen de le savoir !)
"Excusez-moi une minute !" Fais-je avant de m’isoler pour ranger ma broche et porter mon monocle.
"Montre-moi Dracaena."
Je vois mon camarade à la peau d’écorce s’agiter. Il remue dans tout les sens, laissant entrevoir deux possibilités : soit ils sont dans un merdier, soit il est juste content. Ayant déjà eu l’occasion de le voir agir ainsi, les deux sont aussi probables l’une que l’autre, au point où je me demande si j’ai choisi la bonne personne à voir, tant ses expressions corporelles...sortent de l'ordinaire.
(Focalise-toi sur l’essentiel. Qu’est-ce que son attitude t’inspire ?)
(Je…il a l’air agité…)
(Et pourquoi selon toi ?)
(Je crois que…que cette histoire pue les emmerdes !)
Gardant mon monocle avec moi, ignorant combien de temps j’aurais l’image de l’arbre dansant, je rejoints les autres un peu plus agité qu’à mon départ.
"Je viens avec vous. On devrait y aller. Vite."
Inventaire : échange entre le monocle et la broche.
Plus que de suivre les filles, je les pousse à aller plus vite.