/!\ ce texte contient des scènes à caractère simultanément sexuel et violent pouvant choquer
Karma
L’air avait beau devenir plus léger en approchant de la bouche de la mine, la température augmentait au fur et à mesure qu’elles s’en rapprochaient. A en juger par la lumière crue qui peignait les environs extérieur de la grotte d’un blanc de chaux, elles devaient avoir passer environ cinq heures en bas. Son estomac le lui confirma lorsqu’elle parvint finalement au campement : l’heure du déjeuner arrivait.
Hermance posa son sac au sol, lourdement, presque avec ostentation, comme par reproche pour la novice qui lui avait imposé ce fardeau. Avec un profond soupir de soulagement, elle retira son chandail et s’essuya au passage un visage luisant de sueur…
-
Bien l’bonjour, Mesdames.
Le visage de Hermance pivota brusquement, une fraction de seconde avant que Haple n’imite son geste et braque son regard vers le seuil de la grotte. Aveuglées par le contre-jour, ni l’une ni l’autre n’avait aperçu la silhouette de l’homme adossé à la paroi dans la pénombre relative du campement.
L’inconnu se dégagea du mur nonchalamment et sorti les mains de ses poches. Il n’en fallut pas plus pour l’humaine : elle mit un genou en terre et, dans le même geste, libéra son glaive des liens qui le retenaient sur le côté de son sac de voyage.
-
Qui êtes-vous ? Que voulez-vous ? lança-t-elle, lapidaire, à l’attention de l’intrus.
La réaction de l’humaine réveilla l’esprit stupéfait de l’adolescente. Qui était-ce ? Elle répondit à la place de l’intéressé :
-
M. Pulchinel…
Son murmure lui valut le regard surpris des deux adultes.
-
Tu t’souviens d’moi ?
(
Oui) Haple hésita à révéler ce qu’elle savait de l’homme… L’homme de main des Sœurs Nétone et Nacota. Leur « Berger » …
-
Ça fait un bail. La dernière fois que j’t’ai vue, tu f’sais plus p’tiote.
Elle décida instinctivement que, pour l’instant, elle partagerait ce dont elle se souvenait d’avant son arrivée au couvent – pas ce qu’elle avait découvert entre temps. Sans le quitter des yeux, elle expliqua à sa compagne de voyage :
-
M. Pulchinel est un travailleur saisonnier que j’ai rencontré alors que je voyageais en direction de Beauclair. On a fait un bout de chemin ensemble ; je me suis un peu entraînée avec lui.
Elle hésitait à ajouter que le personnage ne lui avait alors inspiré rien de bon à l’époque. Qu’une impression de malaise à son endroit l’avait habitée à chaque instant de ce voyage. Ce n’était pas la peine, jugea-t-elle : Hermance ne lui faisait clairement pas confiance et se tenait sur sa garde, son glaive maintenu fermement en main.
-
Que voulez-vous ? répéta-t-elle.
-
Com’ tout l’monde. Du travail, ma bonne dame, répondit-il, d’un air à la fois narquois et obséquieux.
-
Nous n’avons pas de travail pour vous.
La voix était neutre ; le constat sans appel.
-
C’est bien l’souci. J’dirai même plus : vous m’coutez des op-por-tu-ni-tés, voyez-vous...
Hermance fit jouer ses doigts sur le manche de son arme, nerveuse.
-
J’m’explique : depuis qu’la p’tite est chez vous aut’ du couvent, j’n’ai plus d’travail. Une belle somme qu’j’ai touchée quand j’l’y ai conduite, j’dis pas… commenta-t-il en appréciant le poids d’une bourse à sa ceinture,
mais d’puis : rien. « Merci pour vos services » qu’elles m’ont dit, p’is plus rien. Plus d’missions.
Haple écoutait avidement. Jusque-là rien de nouveau : elle savait déjà que Pulchinel avait joué un rôle dans son abduction par les Sœurs Nétone et Nacota. En revanche, elle ne savait rien de ces autres missions même si ça tombait sous le sens qu’elles l’avaient employé à différents desseins. Malheureusement, il ne s’étendit pas sur la chose :
-
Alors, j’me suis dit : si la p’tite v’nait à disparait’, alors les beaux jours r’viendraient p’tet… ! C’est qu’une question d’temps d’toute façon, m’est avis…
(
Rassurant…) Il l’avait dit d’un air entendu qui intrigua la concernée. Et froissa sa fierté aussi : elle n'était pas si fragile que ça...
-
Mais j’me suis dit qu’on n’est jamais mieux servi qu’par soi-même… alors, j’suis v’nu donner un coup d’pouce au destin.
Son sang se glaça ; elle s’était à moitié attendue à quelque dans ce goût-là. Mais tout de même : ça faisait son effet d’entendre le ton dégagé et calculateur qu’il prenait en parlant de son meurtre.
-
Ça se suit, alla-t-elle dans son sens d’une voix tendue avant de l’amener à considérer les conséquences d’un tel acte.
Mais… vos commanditaires ne vous confieront probablement plus de travail si vous prenez ce genre de libertés.
-
Haple, ça ne sert à rien… commenta Hermance en se relevant enfin.
L’humaine se campa sur ses jambes, légèrement de profil, la jambe gauche engagée en direction de Pulchinel. Elle connaissait déjà l’issue de la conversation.
-
‘coute donc la bel’ brune, petite, ricana le mercenaire en tirant une dague de sa ceinture.
A la vue de la lame, Haple réfléchit à toute vitesse. Il devrait se débarrasser des deux, autrement son rôle dans sa mort serait connu des Sœurs Nétone et ça … il ne le voulait surement pas. Ses fluides épuisés, elle ne pouvait pas faire grand-chose pour le neutraliser, encore moins pour le vaincre. Ne restait qu’une option : temporiser. (
Une distraction … Hermance fera l'affaire) Et vite car il se dirigeait déjà vers elle!
Elle connaissait suffisamment le bonhomme pour savoir quelle posture adopter. (
Une beauté enfantine.) Celle de la pauvrette sans défense qu’il avait connue il y a un an. Celle qui n’aurait pu lui résister. Celle dont il pourrait bien s’occuper une fois mise hors d’état de nuire son adversaire principale en la personne de Hermance. Alors, serrant les dents et les poings avec une résolution ostensiblement hésitante, Haple fit un pas en avant et deux en arrière, le regard passant fébrilement d’un adulte à l’autre, incarnation de l’impuissance du jeune âge.
Pulchinel suivit attentivement cette comédie, captivé dans un premier temps par l’idée qu’il serait facile de mettre un terme à la vie de l’encombrante adolescente, puis reporta fixement son attention sur l’humaine que le glaive rutilant, les muscles saillants et la posture belliqueuse désignait naturellement comme sa première cible. Sa posture de combat fonctionnait-elle ? Ou bien était-ce simplement l’analyse logique de la situation qui avait conduit le mercenaire à affronter la collecteuse en premier ? Quoiqu’il en fût, elle était libre de prendre d’autres dispositions sans que celui-ci ne l’attaque.
Du moins, elle estimait qu’elle le serait tant qu'elle maintiendrait cette illusion en la vivant profondément comme une réalité alternative : elle était réellement une adolescente, sans défense, qui plus est éprouvée par les évènements de la matinée. Sans ses fluides, elle n’était rien – comme animée par une volonté propre, sa main, tremblante, se saisit de sa gourde magique – sans ses fluides, l’issue du combat était certaine – d’un coup de pouce maladroit, elle ouvrit la gourde avant de la porter à ses lèvres pincées (
... sans mes fluides…)
A l’instant où sa tête pencha en arrière et que le liquide s’élança dans la gourde inclinée, Haple formula son choix par la pensée (
que mes fluides me reviennent et m’assistent dans cette épreuve !). Alors elle goûta pour la première fois à l’extase de la graine qui accueille la pluie du renouveau printanier ! Comme le sang qui reprend possession d’un membre engourdi, la potion magique roula-boula le long de sa gorge avant de dévaler en une conquérante avalanche de picotements délicieux, rayonnant de son plexus solaire à chacune de ses extrémités… Elle était entière à nouveau.
Haple ne rompit pas pour autant sa comédie de pauvrette sans défense. (
Encore un peu). Juste pour juger la situation. Elle connaissait la compétence martiale de Hermance et lui laisserait volontiers la charge de se débarrasser du mercenaire : pas la peine de prendre des risques inutiles. N’était-ce pas la meilleure manière de survivre à un combat : faire preuve de jugement et l’éviter tout bonnement ?
Tandis qu’elle avait adopté cette posture désarmante et but sa potion, les deux adultes avaient engagé le combat. Pulchinel avait avancé sur Hermance. Sa consœur avait, contrairement à l’adolescente, fait front fièrement et courageusement. Elle avait même réussi à le blesser au bras d’un coup de tranchant – son bras d’arme, songea Haple en remarquant que l’humain manipulait désormais sa dague de l’autre main et avec maladresse.
Pour autant, Pulchinel ne semblait pas le moins du monde inquiété. Au contraire, l’adolescente remarqua qu’un sourire grandissait sur son visage sombre. Un sourire narquois, joueur et carnassier… Elle le reconnaissait : c’était la même expression que lorsque Hermance prenait plaisir à dominer de sa puissance la novice lors de leurs nombreux affrontements au couvent. Il y avait danger ; et en premier lieu pour l’humaine.
Comme en réponse à ce pressentiment, l’homme plongea de tout son corps sous la garde de la collecteuse, dague en l’air pour parer la riposte surprise de sa cible, et d’un mouvement circulaire de sa jambe droite, faucha Hermance sur ses appuis. Haple la vit s’effondrer sur le côté comme une poupée de chiffon, lâchant son arme pour tenter d’amortir sa chute. La surprise de voir ainsi cette jeune femme qui l’avait à la fois tant tourmentée et lui avait tant enseignée fut telle que la ménestrelle faillit quitter involontairement sa posture désarmante. Elle n’avait plus l’énergie de la maintenir bien longtemps toute façon ; ce contrôle de ses gestes, de ses expressions faciales… tout cela l’épuisait nerveusement. (
Encore un dernier petit effort).
Aussitôt l’humaine désarmée et à terre, Pulchinel bondit sur elle et la cloua au sol de tout son poids pour l’empêcher de se ressaisir de son arme. (
Le glaive !) Haple sut quoi faire de ce dernier moment de répit que sa posture désarmante lui avait gagné. D’un pas hésitant, tout en prenant soin de rester à distance, elle se rapprocha du duo qui semblait pris dans une étreinte amoureuse, muscles bandés par la confrontation de leurs volontés qui tentaient de s’imposer l’une à l’autre avec fougue. Le glaive était là, au sol, à quelque pas devant elle.
Pour ne pas dévoiler son intention, elle portait un regard apeuré vers la sortie de la caverne ; voilà ce qu’elle donnait à voir tandis que ses pas fuyant la menaient discrètement vers l’arme de l’humaine : une adolescente dépassée par les évènements qui cherchent à s’en…
-
N’songe même pas à t’enfuir, l’avertit une voix gravement sinistre.
J’s’rai à toi dans un instant.
Haple jeta un regard furtif du coin de l’œil. Pulchinel avait tiré profit de sa position en surplomb de l’humaine pour lui plaquer les bras en arrière, au-dessus de sa tête, là où malgré des efforts visiblement douloureux, elle ne pouvait plus les rabattre pour protéger son visage et son torse. Sa force en était tellement diminuée que l’homme la tenait en respect d’une seule main, qui plus est de son bras blessé, prenant ses deux poignets en tenaille tandis que la pointe de sa dague reposait, implacable et menaçante, sur sa jugulaire. Une question interrompit la marche hésitante de Haple : qu’attendait-il pour la mettre à mort ?
La réponse vint en trois mots soufflés doucereusement à l’oreille de l’humaine :
-
Ne bouge pas.
Un instinct immémorial informa l’adolescente de ce qui devait suivre. L’homme décolla la pointe de sa dague, libérant une larme rouge qui décora d’une coulure carmin la blanche nuque de la religieuse. Avec un calme horrifiant, il fit glisser son arme sensuellement le long des courbes tracées dans ce marbre humain par une artère frémissante, une clavicule gracile pour finalement le libérer de son drapé superflu. D’un geste sec, il trancha ce qui restait de la chemise de l’humaine traçant sur ce buste haletant un éclair blanc qui courait de sa poitrine à son nombril… à défaut de libérer ses entrailles.
Une terreur paralysante se lisait dans yeux de Hermance. Les pupilles écarquillées, les lèvres tremblantes, les épaules ouvertes et la poitrine exposée, chaque parcelle de son corps vaincu anticipait la mortification de sa chair qui précéderait une mort salvatrice. Haple ne vit pas sa bouche faire le moindre effort pour appeler à l’aide, et pourtant, la supplique qu’elle lisait dans ses yeux criait haut et fort son ultime espoir : ("
AIDE MOI !")
Exit la docile enfant ; Haple, la Simple, reprit brutalement et entièrement place en son corps. Elle n’aurait pas pu tenir sa posture plus longtemps de toute façon car cette dissociation de personnalité, cette tromperie lui coutait trop. A fortiori, dans l’instant présent où tout son être se révoltait contre cette prise de pouvoir de l’homme sur sa consœur. Exit aussi toutes les animosités à son égard et toutes les réticences individualistes : la jeune femme privée de sa liberté d’action la renvoyait à son propre combat avec le Destin. Il ne lui en fallut pas plus !
Haple bondit sur le glaive et le brandit dans le même élan, découpant furieusement l’air en une virgule vindicative de bas en haut dans une tentative plus prosaïque d’entailler le flanc du vile assaillant. Roulant sur le côté, celui-ci esquiva sans difficulté l’attaque maladroite et, se retournant aussitôt, fit face à l’adolescente la pointe de sa dague désormais pointée sur sa nouvelle cible :
-
Com’ tu veux, ma belle. On commence par toi.
Son cœur tomba dans son ventre lorsque son esprit pressentit l’indicible ; Haple raffermit sa volonté en se focalisant sur le contact sec du cuir sur le manche du glaive avec sa main moite.
Du coin de l’œil, elle détecta une masse au sol s’agiter frénétiquement. Libérée de l’emprise du mercenaire, Hermance redressa ses genoux et se tortilla en arrière en toute hâte avant de se relever précipitamment. Déchevelée et la chemise déchirée glissant sur ses épaules, elle ne ressemblait plus à la farouche et belliqueuse combattante que la novice connaissait. Il lui faudrait du temps pour se ressaisir. Et Pulchinel le savait, songea-t-elle alors que l’homme s’avançait vers l’elfe, ignorant superbement la jeune femme en état de choc et dardant l’adolescente non seulement de sa dague mais aussi de l’ardeur de ses yeux et de son entre-jambe.
C’est alors qu’une vague de poussière les aveugla tous les trois ! Sa main libre couvrant ses yeux, Haple n’en ouvrit que plus grand ses oreilles : qu’était-ce donc ce bruit de battement d’ailes qui se répercutait contre les murs de la grotte en écho des battements de son cœur contre sa cage thoracique ? Avec appréhension mais pressée par l’urgence de la situation, l’elfe entrouvrit les yeux et chercha l’origine de cette interruption à travers le rideau noir de ses cils : en contre-jour, sur le seuil de la grotte, se détachant du canyon inondé de lumière à l’arrière-plan, un oiseau gigantesque rabattait ses ailes.
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Quel beau brin d’femme qu’voilà !... siffla avec engouement un Pulchinel empourpré par la chaleur de son émotion.
Ces mots suscitèrent l’incompréhension de l’elfe blanche. Comment pouvait-il voir dans cette créature monstrueuse une femme, et a fortiori, lui trouver une quelconque beauté ? Le visage de la nouvelle arrivante présentait certes des traits humanoïdes empreints d’une féminité sauvage mais... Comme pour entretenir cette apparence ambiguë et attiser l’excitation du mercenaire, la créature se cambra en réponse à son accueil emballé, accueillant la lumière du jour sur sa poitrine dénudée et déployant sa gorge velue pour en tirer un cri strident qui lacéra l’air pesant de la scène improbable aussi surement que ses griffes acérées ne le feraient de sa tendre chair comme du dos d’un amant.
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Harpie, lâcha d’une voix atone la jeune femme en recul.
Les bras ballants, ne cherchant même pas à couvrir sa nudité, l’humaine fixait de ses yeux un espace de vide devant elle, absente. Un fragment d’humanité devait cependant toujours vivre derrière le masque mortuaire de son visage car elle ajouta par souci pour la novice sous sa responsabilité :
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Ne t’en mêle pas. Tu ne risques rien.
Par quel miracle l’humaine espérait-elle que la harpie repartirait gentiment, Haple l’ignorait. Tout ce qu’elle pouvait constater, c’était que Pulchinel, lui du moins, ne comptait pas ignorer la créature. Loin de là, il s’en rapprochait, subjugué par la bestiale apparition, se léchant les lèvres fiévreusement et entrainant sa lame dans des moulinets enflammés, extension de sa conscience aiguisée par un désir hors de contrôle.
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J'vais t'dompter ! s’emporta-t-il.
La femme-oiseau semblait avoir compris la bravade machiste et y répondit en tournant la tête de guingois, un éclat malicieux dans ses yeux marrons, comme pour mieux inviter ce mâle présomptueux à tenter sa chance. A mesure que celui-ci avançait sur le nouvel objet de son désir abject, elle reculait, l’air de rien, jusqu’à le soleil de midi ne miroite sur l’acier de la dague du mercenaire. (
Le fou). Avait-il donc perdu tout discernement ?! En sortant de l’espace exiguë de la grotte, il venait de pénétrer dans le domaine aérien de son adversaire. Là, elle avait l’avantage. Là, elle le tenait en son pouvoir !
Dans l’instant qui suivit, la créature projeta le bord de son aile droite dans un arc de cercle conquérant qui vint cueillir l’humain dans les côtes. Cependant, contrairement à Hermance plus tôt, le roublard ne se laissa pas tomber sans riposter. Les sens aiguisés par son appétit charnel, il réagit au quart-de-tour et accueillit le coup comme l’embardée fougueuse d’une amante, se pliant en deux sur l’aile et accompagnant son mouvement de manière à conserver un équilibre suffisant… pour mieux planter sa dague dans le dos de l’aile qui l’emportait.
La douleur, ou l’indignation, de la femme de proie fut telle qu’elle se dressa sur ses pattes arrière, déployant puissamment ses ailes en protestation et par la même projetant dans les airs un Pulchinel jubilant. Piquée au vif, elle ne lui laissa pas le temps de reprendre ses esprits : avant qu’il ne puisse reprendre ses appuis, elle décolla d’un puissant coup d’aile et lui fondit dessus dans un déluge de plumes et de griffes une fois, deux fois, trois fois.
En contemplant la poupée de chiffon enfin retomber au sol, Haple prit la mesure de la redoutable adversaire que cette harpie représentait. Du moins… tant qu’elle est dans les airs. Car en effet, Pulchinel si impuissant qu’il avait été lors de cette dernière attaque avait tout de même réussi à la blesser auparavant lorsqu’elle était au sol.
Haple contempla avec un plaisir coupable les vestiges de l’homme. Ses vêtements étaient en charpie, découvrant de profondes entailles qui zébraient de rouge son poitrail poilu, ses bras tannés et ses cuisses bandées par la douleur… (
Ou par l’effort ? Mais… qu’est-ce qu’… ?!).
Contre toute attente, le mercenaire se relevait, une main sur un genou tremblant et l’autre tenant toujours fermement sa dague, un sourire démentiel sur son visage tourné vers celle qui lui résistait si sauvagement. Soudain, un éclair dans les yeux vibrant d’excitation de l’humain annonça l’éclair d’acier qui, l’instant suivant, fendit l’air du canyon.
-
NOON !!! hurla l’elfe blanche qui, de fait, avait pris le parti de l’horrifique vengeresse.
Celle-ci s’arc-bouta violemment lorsque la dague pénétra son abdomen velu. Cette fois, le mercenaire semblait avoir porter un vilain coup et l’adolescente craignait qu’il ne reprenne le dessus. Devait-elle intervenir ? Elle pourrait faire pencher la balance en faveur de la harpie si elle la soutenait par l’intermède de ses fluides telluriques : Terre et Air contre la perversion de l’humain et de son métal mortifère. C’était sous-estimer les ressources de la femme ailée…
Son cri de douleur se mua en haro indigné devant la transgression du bipède qui osait se rebeller contre sa supérieure naturelle. Faisant fi de l’écharde d’acier fichée dans ses muscles abdominaux, la harpie se jeta sur le mercenaire, le renversant brutalement sur le dos et l’enfourchant violemment dans un renversement ironique des genres : la femme sauvage chevauchait la bête humaine.
Pour sa plus grande incompréhension, l’adolescente observa l’homme répondre à cet assaut conquérant avec un mélange de douleur et d’extase. L’intensité de ses sensations contradictoires l’emportait dans une transe charnelle où ses membres ne lui appartenaient plus mais se mouvaient d’eux-mêmes, ses mains se refermant tantôt sur le manche de sa dague tantôt sur les hanches de son assaillante, la dardant par tous les moyens, de chair comme d’acier, au service d’une finalité qui confondait jouissance et violence.
Au cours de cette étreinte macabre, le feu de l’humain se noyait progressivement dans le sang des blessures béantes que la harpie continuait de lui infliger avec ses serres acérées au rythme de ses souples mouvement de bassin. Tant et si bien que lorsque, lasse de recevoir ces douloureux coups d’estoc et satisfaite par ailleurs par les autres assauts de l’humain, la femme-oiseau trancha en deux son membre, libérant ainsi la dague en son bout … alors, à ce moment, l’épave qu’était devenue Pulchinel – ou qu’il avait toujours été – expira par sa bouche, béance béate, la petite mort qui devait précéder la grande.
(
Elle va l’achever.) L’imminence de la conclusion frappa la novice avec certitude. Elle réalisa alors malgré elle qu’elle ne pouvait s’y résoudre : il lui fallait questionner le mercenaire ! Autrement, comment apprendrait-elle en quoi consistaient ces « missions » sur lesquelles les Sœurs Nétone l’avaient envoyé… ? Elle fit un pas en avant.
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Haple… souffla sa voisine afin de lui intimer l’inaction.
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