Au matin, tout le monde est prêt à partir à la conquête du froid de Nosveris. Hereld, bien vêtu de fourrure, comme tout un chacun, nous mène à l’’extérieur, dans une ambiance morne et grise. Et froide, bien sûr : c’est qu’on se les pèle ici. Et là, ô surprise, un curieux attelage nous attend aux portes de l’Académie. Deux immenses créatures à trompe et défenses recouvertes d’un poil épais et long sont arnachés avec des traîneaux couverts de fourrures. Des mammouths, comme il m’est bientôt précisé. Et ces monstres des glaces sont dirigés par nul autre qu’une paire de gobelins domestiqués. Polis, même. Des marchands, apparemment, nous faisant la grâce de leur matériel pour nous mener à destination. Et sans nous dépouiller ou nous égorger la nuit, visiblement. Une nouveauté qui ne manque pas de me faire sourire.
Nous prenons place sur les charriots sans roue, et partons vers l’inconnu. Pas moins de sept jours de voyage nous attendent dans la plaire nosverienne enneigée. Sept jours à progresser sous les chutes de neige et les vents glaciaux dans un paysage immaculé où rien n’était visible. Je profite des journées pour méditer, assis dans ces traineaux, gardant mon énergie pour rester éveillé le soir, afin de monter la garde pour tout le monde. On ne sait jamais.
Le premier soir, je décide d’approcher Arkalan, celui de la compagnie que je connais le moins. Morose et distant, il n’a pour l’instant pas beaucoup parlé, ni ne s’est fait remarquer. Alors qu’il est assis près du grand feu réchauffant nos corps et nos âmes, je l’apostrophe sans lui laisser l’occasion de fuir la conversation.
« Arkalan, c'est ça ? J'ai besoin de savoir si l'on peut compter sur toi pour cette aventure, toi qui es resté si discret jusqu'ici. Que penses-tu de tout ça ? »
Espérons qu’il soit mieux luné que la veille, et plus loquace aussi. Et ce n’est pas gagné, puisque sa première réaction est un long soupir empli de lassitude. Je grince des dents, mais il semble aussitôt se relâcher, après un regard vers Sibelle. Il se décide à parler, notant qu’il est plus sûr que certains autres convives de cette aventure. Nul doute qu’il évoque l’elfe rousse. Les deux semblent avoir un passif en commun. Il me fait ensuite part de doutes concernant l’expédition, sans préciser lesquels. Une prudence, une crainte, et la certitude de vouloir démêler le vrai du faux. Une bonne note pour lui, en quelque sorte. Je rebondis sur ses affirmations :
« Tu n'es pas le premier à me dire que cette histoire ne tourne pas rond. Des hypothèses personnelles ? »
Puis, mimant son regard vers l’hinionne, je le questionne :
« L'elfe blanche a eu une drôle de réaction quand tu as dit ton nom, hier. Tu la connais ? »
Il s’empresse alors de me narrer, calmement, les histoires passées vécues avec Sibelle. Elle aurait tenté de lui arracher la tête avec ses serres. Alors que mon visage se décompose en une mine incrédule, il poursuit en disant qu’elle expliquerait une toute autre version si je lui demandais. Et rajoute qu’on croit sans doute plus vite une elfe blanche qu’un noir tout couturé de partout. Je rétorque, interloqué :
« Ses… serres ? »
Je me reprends néanmoins et précise le fond de ma pensée sur l’apparence et l’origine de chacun. L’habit ne fait pas le moine, et je l’ai souvent appris à mes dépens.
« En ce qui me concerne, la tête de quelqu'un ne fait pas ses actes. Je suis sindel, et loin d'être comme mon peuple se comporte. L'un de mes plus proches amis est shaakt, quand bien même j'ai rencontré quelques soucis avec certains d'entre eux. Je connais le danger des préjugés. »
Sur l’entrefaite, Arkalan évoque ses doutes sur l’implication des Matriarches de Gwadh dans l’affaire. Une hypothèse surprenante qui ne manque pas de m’intéresser.
« Des matriarches ? Shaakt ? Je ne connais rien de ce continent. Elles ont un lien avec Yuïa et ses créatures ? »
Il commence par m’expliquer le pouvoir de Sibelle de se transformer à volonté en hippogriffe, une sorte d’oiseau quadrupède avec un corps de cheval et des ailes. Et des serres, apparemment. Une question que je suis pressé d’aborder avec elle. Il dérive ensuite sur l’explication de son hypothèse shaakt, précisant qu’elles ne vivent que par la soumission, et que la disparition d’Oaxaca pourrait être un événement les faisant sortir de leur trou pour relayer un pouvoir dévastateur. Même si ça implique de réveiller un ancien esprit créé de toutes pièces par une déesse.
« Je n’ai croisé Sibelle que sur les Champs de Kochii, en Ynorie. La bataille qui a vu Oaxaca tomber. Mais je ne la connais guère. Quant aux matriarches, j'ai conscience de leurs travers nombreux sur votre peuple... Mais Gwadh était-elle sous le joug d'Oaxaca ? Je pensais que seule Pohélis l'était, ici. »
Il m’explique que sans être sous le joug de la déesse noire, les tensions se sont fait sentir au sein de leur peuple, depuis des années. Enfin, rien ne les empêchant de vouloir désormais prendre l’ascendant sur les autres peuples. Ça me semble un peu tiré par les cheveux, d’un premier abord, car rien n’indique l’intervention de shaakt dans l’histoire, mais aucune piste ne peut être écartée. Pourquoi pas, après tout ? Il sait peut-être des informations complémentaires qu’il préfère garder pour lui momentanément. Je tente tout de même de le pousser hors de ses frontières.
« Et cette hypothèse se base sur des faits de ta connaissance ? Tu connais le Cryomancien Ertiart, peut-être ? »
C’est peut-être un peu gros, le raccourci entre ses doutes et le meneur de notre expédition, mais bon, on ne pêche pas un poisson sans appât. Enfin, pas moi en tout cas. Sa réponse reste sibylline : il parle d’une simple intuition. Rien de concret, donc, à me mettre sous la dent. Je décide de le rassurer, et de l’avertir :
« Quelle qu'en soit l'origine, je suis là pour que ces menaces ne voient pas le jour. Et je pense que c'est le cas de chacun des aventuriers présents, même l'elfe blanche. Je n'ai pas de conseil à donner, mais nous faisons équipe désormais, et je sais que le retrait peut amener des doutes, chez certains. »
Fixant mon regard dans le sien, je précise néanmoins :
« Mais ça ne sera pas mon cas. Je ne juge que les actes, et je crois en ton objectif de régler tout ça. »
Il réitère sa non intention de s’en prendre à nous, conscient de l’obligation d’une coopération entre aventuriers pour mener à bien cette histoire. Il précise toutefois qu’il n’accordera pas sa confiance facilement, surtout envers Sibelle. Je ne lui en demande pas tant, surtout qu’il semble de bonne volonté. Souriant, je confirme mon contentement :
« Ah ça, j'imagine bien. Une tentative de meurtre... ça ne s'oublie pas comme ça. Mais je vois que tu es de bonne composition, et moi ça me va. La confiance, j'ai bon espoir qu'elle viendra au fur et à mesure de nos péripéties. Ou pas. La seule chose qui importe c'est de palier à cette menace, chacun avec nos forces, nos faiblesses, notre histoire. »
Il m’encourage à répandre mon avis sur lui aux autres membres de l’expédition, préférant qu’ils ne viennent pas tous le voir pour lui demander ses allégeances. Je comprends bien son désir de rester seul : ce n’est pas un être des plus sociables, même si la conversation s’est somme toute bien passée. Je décide de conclure l’entretien, satisfait.
« Je leur dirai si l'occasion se présente. Je ne t'ennuie pas plus ce soir. Bon repos à toi ! Et si un doute sur l'un de nous s'installe, n'hésite pas à venir m'en parler... Surtout si c'est moi ! »
Et je le laisse à ses occupations, le quittant cordialement.
_______________________
Le second soir, je décide d’aborder la seconde partie de la pièce, dans l’histoire entre Sibelle et Arkalan. Je m’approche de la rouquine, toujours au coin du feu. Une situation que je trouve réconfortante et incitant à la conversation.
« Ça va, pas trop froid ? Je peux m'installer ? »
Elle accepte ma présence, souriante, et je ne me laisse pas désirer, prenant place à ses côtés.
« Alors, Sibelle, comment ça se passe jusqu'ici cette aventure ? Tu permets que je te tutoie ? »
Elle permet le tutoiement, et précise que de son côté, tout est encore trop calme. Elle est une personne d’action.
« Trop !? Hé bien, vu ce que ça peut donner quand ça éclate, je préfère profiter un peu de ce calme avant la tempête. Pour apprendre à nous connaître, par exemple. »
Voilà un bon préambule. Je m’empare d’un bâton traînant là pour farfouiller les cendres sous le feu négligemment, poursuivant amicalement :
« Ca n'a pas l'air d'être tout rose entre toi et Arkalan. Je lui ai un peu parlé hier soir. J'espère que ça ne portera pas préjudice à l'entente de notre groupe. »
Sympathique, mais ferme, je lui fais savoir de manière détournée que des soucis, je n’en veux pas de l’intérieur. Elle assure qu’il n’y aura rien à craindre de sa part, même si elle avoue rester méfiante suite à leur expédition sur le Naora, à deux. L’occasion d’en apprendre plus sur cette aventure. Et surtout sa vision de l’agression décrite par Arkalan.
« Oui, il m'a évoqué cette mission. Vite fait. Il m'a parlé d'une tentative de meurtre envers lui... J'ai été plutôt surpris. J'imagine que tu as une autre version des faits. »
Je l’incite par-là à m’en parler ouvertement, sans crainte d’un jugement déjà arrêté. Je préfère toutefois préciser à son encontre :
« Si le sujet t'ennuie, n'hésite pas à me le dire. »
Franche, elle n’hésite pas à répondre, commençant d’abord en précisant qu’elle ne comptait pas revenir sur cette affaire dans un premier temps. Et que si elle en parle, c’est parce que je le demande. J’opine du chef pour marquer ma compréhension et la laisse poursuivre. Elle évoque l’importance de l’union de notre groupe face à l’adversité, et conclut qu’elle va me narrer sa version des faits parce que je lui semble de ceux qui préfèrent rassembler plutôt que de semer la zizanie. Elle promet d’ailleurs d’aller vers lui pour enterrer la hache de guerre dès que possible. Une initiative que je ne peux que saluer. S’en vient alors le récit de leur périple en Naora. Une mission d’exploration ayant vu intervenir une attaque de nains. J’ignorais la présence de ce petit peuple sur le continent habité de mes semblables. Ils auraient maîtrisé la situation, forçant leur reddition, mais l’elfe noir aurait poursuivi l’agression, assommant leur chef. Sans doute pour s’assurer de leur coopération. Vient alors l’agression de Sibelle, bondissant sur lui pour le maîtriser… et non pour l’assassiner. L’elfe blanche assure qu’elle aurait pu le tuer mille fois si elle en avait eu l’envie, mais que ça n’avait pas été le cas ici. L’affaire se conclut par l’apparition d’un officier sindel les ayant envoyés dans l’embuscade naine sans les prévenir. Un comportement traître les ayant mis en difficulté. Elle regrette qu’Arkalan ait préféré lui en vouloir à elle plutôt qu’à lui. À la fin de l’histoire, je réagis :
« Oh. Je vois quel a pu être le malentendu... Dommage qu'il n'ait pas compris ton intention, alors. »
Je décide de rester neutre dans le conflit qui les anime, ne prenant pas à parti un camp ou l’autre. Cela les concerne tous les deux, et je compte laisser faire les choses, maintenant que j’en sais un peu plus. Je suis toutefois étonné d’un point :
« Mais... des nains ? Sur le Naora ? Je connais vraiment mal ma propre patrie... Enfin, pour peu que j’en aie une. »
Je mime des guillemets quand j’utilise le mot « patrie ». J’ai toujours été sur les routes, depuis ma jeunesse insouciante. Mais jamais sur le Naora. Elle m’informe qu’il existe bien des nains sur l’archipel. Des nains gris, différents de ceux de Nirtim, bien qu’ils aient tous deux une accointance pour les demeures souterraines. Elle me questionne alors sur ma patrie… ou son manque cruel. Je hausse les épaules dans un premier temps.
« Je n'ai jamais réellement eu à faire à des nains, de toute façon. Qu'ils soient gris ou... ben... normaux ? »
L’utilisation du terme est délicate, et je ne m’y attarde guère. Je reviens sur la notion de patrie.
« Je parlais du Naora, la terre qui m'a vu naître. Mais j'y ai été retiré avant même d'y avoir vécu un an. J'ignore toujours pourquoi. J'ai grandi chez les hommes, dans la contrée de Tulorim. Mais de là à considérer cette ville comme ma patrie... Non, je crois que je suis bien partout. Tol'Lhein est ma patrie, désormais, depuis peu. Une île au large de Tulorim, dédiée à la Liberté. »
Je lui retourne alors la question, sur ses origines et son parcours jusqu’ici. Elle précise être originaire de Cuilnen, issue d’une famille heureuse et sans complication. L’aventure s’est ouverte à elle à cause de son caractère remuant, impulsif et colérique. Elle décrit la situation comme banale, sans réel intérêt. Ce à quoi je m’oppose.
« Banale ? Pas tant que ça, puisque te voilà ici, en notre compagnie. Ça, ça n'est pas banal ! Se... changer en hippogriffe non plus, d'ailleurs. »
Boum, les pieds dans le plat. Je la lorgne d’un air taquin, comme si j’avais découvert un secret qu’elle gardait caché. Mais je poursuis alors, demandant des précisions sur ses origines d’aventurière.
« Qu'est-ce qui t'a mené sur les routes de l'aventure ? Qu'est-ce qui a fait que tu es celle que tu es aujourd'hui ? »
Sans s’offusquer, elle répond docilement. Un amour de la liberté, qu’elle décrit fort bien sans jamais utiliser le terme. Respirer, bouger. Elle retourne la question sur la transformation, évoquant mon changement en dragon sur les plaines de Kochii. Et les questions qui suivent m’interpellent.
« T'est-il arrivé de conserver cette forme plusieurs jours ? Si oui, n'as-tu pas eu l'envie de rester sous cette forme définitivement ? D’oublier la vie elfique… et ne vivre qu’avec les dragons ? »
Je comprends sans peine qu’elle évoque par ces interrogations sa propre histoire, ses propres réflexions. Je décide de lui répondre avec transparence.
« Nous nous ressemblons drôlement, dis-moi. J'ai toujours été à la recherche de l'aventure, du grand air, de libertés. Profitant des moments de solitude, mais toujours avide de compagnie. Je... ne crois pas que j'aimerais vivre chez les dragons. Leur île, Verloa, est totalement inhospitalière. »
Un petit rire plus tard, je poursuis :
« Non, vraiment. Je pense que si je prends cette forme, c'est parce qu'elle est relativement unique. Magnifique. Peut-être un peu pour me faire remarquer... qui sait ? Quant à ma vie, comme je te le disais, elle a été tout sauf 'elfique'. Je l'ai construite par moi-même, avec mes choix, mes rencontres. Si tu me poses la question, c'est parce que tu y as déjà songé, toi, à rester un hippogriffe ? »
Elle quitte mon regard pour plonger le sien dans le feu. Son ton devient plus grave, et elle narre une tragique histoire lui étant arrivée. Celle d’un lien créé avec un hippogriffe mâle lui ayant fait la cour. Une expérience forte se terminant fort mal. Elle a vu ce partenaire mourir sous ses yeux, impuissante. Je marche là sur des œufs fragiles, comme me l’indiquent son ton, sa voix et sa posture, prostrée les yeux fermés. L’air grave, je pose ma main sur son dos, pour la soutenir.
« Désolé. »
Acceptant mon geste, elle sort de sa besace une plume blanche de bonne taille. Sans un mot, elle me la présente. Un souvenir. Un douloureux souvenir. J’effleure la plume de mes doigts, d’un air triste.
« Il sera toujours dans ton cœur. »
Inspirant fortement, longuement, je tente de la rassurer.
« Tout ceci fait de nous des individus loin d'être banals. Des personnes que l'on croise ici, sur Nosveris, à tenter de sauver le monde. Ou sur les Plaines de Kochii, pour défendre la Vie. Le principal, c'est de ne jamais abandonner, n'est-ce pas ? Pour les autres. »
Elle acquiesce sans mot dire, puis s’excuse de s’être épanchée de la sorte, avouant un moment de faiblesse. Je fronce les sourcils face à cet auto-jugement sévère.
« Non. Aucune faiblesse. C'est de force dont il est question pour aborder ainsi des événements rudes du passé. Une force que j'admire. Merci de t'être confiée, Sibelle. Cela me permet de mieux te connaître, de mieux te comprendre. »
Rangeant sa plume, opinant de nouveau, elle change de sujet de conversation.
« Tu ne cesses de parler de liberté... et plutôt tu faisais allusion à un temple. Est-ce indiscret de savoir à quel groupe vous appartenez ? Ou quel dieu vous vénérez ? »
En voilà une surprise. Qu’est-ce qui lui a laissé penser que je faisais partie d’un groupe ? Et plus important, pourquoi utilise-t-elle le pluriel pour en parler ?
« Nous ? » rétorqué-je, surpris.
« Je n'appartiens à personne et ne vénère aucun être, fut-il divin. Je connais quelques autres de précédentes aventures communes. Madoka, Faëlis. Nous avions coutume de fréquenter les mêmes lieux, à Kendra Kâr. Ezak aussi, semblerait-il, même si je ne l'avais jamais vu avant la bataille de Kochii, comme toi. »
Je décris mes relations avec les autres, ceux qu’elle a pu penser faire partie de mon groupe. Et ce sans trahir le secret des Amants de la Rose Sombre. Une institution qui n’existe plus guère. Elle insiste en affirmant m’avoir entendu parler de temple. Je la rassure alors :
« Oui. Le Temple des Plaisirs. C'est de ce lieu kendran que je parlais. Le seul groupe dont je pourrais dire faire partie, c'est un rassemblement nouvellement créé autour de cette valeur que j'ai fait mienne, la Liberté. L'Ordre Pourpre, ça s'appelle. Mais aucun ici n'y est rattaché, pour l'heure. »
Et pourquoi pas faire un peu la publicité de ce nouveau rassemblement, à Tol’Lhein ? Elle semble concernée par la Liberté. La sienne en tout cas. N’était-ce pas mon cas, avant que je l’étende aux autres ? Elle ne commente pas davantage.
« Merci, pour tout ça. Je pense que tu seras un élément fort de notre groupe. »
Elle me remercie également, précisant qu’elle voit en moi un élément rassembleur. La discussion est terminée, et de bon gré, je la laisse à ses souvenirs douloureux, le regard plongé dans le feu. Dans la nuit noire, je disparais pour une ronde autour de notre camp.
_______________________
Au courant du troisième soir, c’est de discuter avec Madoka dont j’ai envie. Notre première soirée de présentations s’était fort bien déroulée, et j’ai hâte de renouer le contact avec elle, dans cette ambiance glaciale. Comme usuellement depuis le début du voyage, c’est moi qui fais le premier pas pour la causerie, interrompant sans doute un fort moment de pensées au coin du feu de camp, isolée des autres.
« Alors, comment se passe l'intégration au sein de notre petit groupe ? »
Elle annonce se sentir plutôt bien, en bonne compagnie, bien qu’elle soit encore en phase d’observation.
« Oui, il est trop tôt pour se prononcer sur chacun. Un avis sur nos chercheurs de l'académie ? Nous n'avons pas tellement eu l'occasion de parler depuis la rencontre. »
Elle mord à l’hameçon du ragot en précisant qu’elle trouve Hereld trop calme, craignant une trop grande confiance en soi, ou une maîtrise de soi trop poussée. Elle préserve aussi son jugement sur l’autre mage, Andreï, qu’elle trouve un peu fébrile et peu loquace. J’ai moi-même remarqué ces attitudes en journée, même si je ne suis pas encore allé les consulter outre pour les broutilles du quotidien.
« La prudence est de mise. Il y a pas mal de méfiance de la part de ceux avec qui j'ai un peu discuté sur ces deux professeurs. Moi j'attends de voir ce qu'ils révéleront quand nous serons au cœur du danger. J'ai appris qu'un caractère froid ou taiseux n'était pas forcément marque de malfaisance. Tous les autres, par contre, même Arkalan, me semblent de bonne composition. »
Une épine dans le pied, cependant, que je dénonce après une grimace.
« Sauf le Chevalier d'Arkasse ! Enfin, non qu'il ne me pose souci, mais sa fierté a l'air mal placée. Pour le coup, c'est un vrai kendran. »
Elle semble de mon avis le concernant, me questionnant sur ses motivations. Levant les yeux au ciel, je rétorque :
« Je ne crois pas qu'il mettra la mission en danger de manière volontaire. Mais son caractère a l'air de le faire vriller facilement sur des positions extrêmes. Il n'y a qu'à voir son 'entente' avec ce pauvre Faëlis. Tu le connaissais ? »
Ce n’est pas le cas, mais elle semble s’amuser de son excès de sérieux, de rigidité. Elle précise tout de même vouloir rester sur ses gardes le concernant. Opinant, je me perds un instant dans l’admiration des flammes vacillantes, et poursuis :
« Et concernant cette histoire de menace congelée depuis des millénaires ? Qu'en penses-tu ? Tu as glané des informations supplémentaires ? »
Elle a peut-être mené son enquête de son côté. Plus que moi, sans doute, qui n’ai fait que vivre au jour le jour sans trop me soucier de toute cette histoire jusqu’ici, m’inquiétant juste des membres de notre petite expédition. Grimaçant, elle avoue n’avoir pas tellement de piste, et être un peu larguée par toute cette magie pseudo-divine, secrets ancestraux et compagnie. Ça m’amène un petit sourire.
« Promis, je ne m'enfuis plus en volant cette fois. Mais ça peut avoir du bon, des trucs bizarres quasi divins, quand c'est dans son camp qu'on les a. Pour toute cette histoire, j'attends surtout de me faire un avis concret quand on y sera. En admettant que tout reste possible. »
Autant jouer la carte de la franchise absolue. Avec elle du moins. J’ouvre la peau de renne dans laquelle je suis enroulé, relâchant autour de moi une agréable vague de chaleur, l’invitant à m’y rejoindre.
« Et ce froid permanent, pas trop dérangeant ? »
Elle accepte la muette invitation et vient se lover contre moi sans la moindre hésitation. Je referme le manteau de fortune sur nous-deux alors qu’elle me dit que je fais bien ce que je veux, surtout sous ma forme de dragon qu’elle semble apprécier. Elle me questionne sur la source de la chaleur, posant son hypothèse sur les pouvoirs de Lysis, qu’elle a déjà rencontrée en personne.
« Oui, Lysis. Elle et moi ne faisons qu'un, en vérité, quand bien même nous sommes deux êtres à part, à la base. Son pouvoir calorifique peut nous être plutôt utile, dans un pareil pays. Et... contre une créature de glace, le cas échéant. Je pense que nous, on sera dans le même camp, quoiqu'il arrive. J'me trompe ? »
Le bras autour de son épaule, je la borde doucement. Elle se laisse faire, mains tendue vers le feu pour se réchauffer.
« Tu en a eues, déjà, toi, des aventures qui sortent de l'ordinaire ? »
Elle évoque la fois où je l’ai littéralement vue perdre la tête, sur l’île mouvante de Crean et Khynt. Un trauma que je ne suis pas prêt d’oublier. Elle narre une autre aventure, une chasse au trésor s’étant terminée pas un choix difficile ayant déchiré leur groupe entre les diverses solutions. Mal à l’aise à cause du souvenir de sa décapitation, je tente de chasser cette vision de mon esprit en poursuivant sur cette seconde aventure.
« Qu'est-ce qui a poussé tout ce monde à changer de camp, cette fois-là ? Au point que ça dégénère de la sorte ? »
Voyant mon malaise, elle va se toucher la gorge et me rassurer d’un baiser sur la joue. Elle semble mieux vivre ce souvenir que moi. Puis elle répond à ma question. Un nécromancien d’Omyre ayant fui Oaxaca, prisonnier sous les océans, aurait manipulé, menti et sacrifié beaucoup de vies. Beaucoup décidèrent de pardonner ses erreurs passées pour le libérer finalement. Pas elle. Elle décida de le laisser mourir dans sa prison.
J’opine du chef, me demandant ce que j’aurais pu penser dans la même situation. Je m’exempte cependant de toute décision, ne connaissant que trop brièvement l’histoire. Je commente simplement :
« Un dur dilemme, apparemment. Mais pourquoi la tension a-t-elle à ce point éclaté pour de simples idées divergentes ? »
Me répétant mentalement ce que je viens de dire, je reste un instant hagard, lèvres entrouvertes, avant de me raviser :
« Oui, non. Bête question en fait. Et quel était l'avis de cet être, ce nécromant ? Je pense savoir plutôt correctement ce que ça fait d'être considéré comme un ennemi du bien... »
Ma dernière remarque semble piquer sa curiosité. Elle ne connait pas mes accointances avec le camp oaxien. Je me promets de lui expliquer, mais écoute d’abord sa réponse. Elle a conclu de cet être prisonnier qu’il est trop longtemps resté seul, à désirer sa liberté. Elle évoque cependant son dernier acte, possible rédemption pour son âme noire : accepter la mort inévitable et sauver les aventuriers présents, leur permettant de fuir la citadelle. Je ne me surprends pas de l’existence sur Yuimen d’une telle cité sous-marine. Après tout, j’ai moi-même parcouru un monde uniquement fait de mers et d’océans. Je décide alors d’expliquer à Madoka ma phrase un peu mystérieuse, sur le ton de la confidence.
« Je... j'oublie que tu n'étais pas présente, dans les Plaines de Kochii. Même si l'histoire est plus ancienne. Tu vois, cette... île où tu es... morte ?... Hem. Eh bien on a fini par la faire percuter les côtes de l'omyrrhie. Là, Oaxaca en personne nous attendait, avec un choix à faire : Mourir sur place, tués par le dragon, ou porter sa marque et la servir à jamais. Je... C'est un choix que je n'ai pas pu faire, aussi lui ai-je proposé, plutôt qu'une soumission, une alliance secrète. J'œuvrais librement pour ses desseins, et je gardais vie et esprit critique. Elle me l'a accordé, et je suis devenu un... Seigneur de l'Ombre. Le Quatorzième de ses Seigneurs de Guerre. »
Je frissonne en prononçant ce titre, malgré l’agréable chaleur en provenance de Lysis et des flammes.
« C'est comme ça qu'elle m'a exposé au début de la bataille de cette ère, en tout cas. Même si lors de celle-ci, mon unique but ait été de sauver le plus de vies possibles, dans un camp comme dans l'autre. Je... ne suis pas mécontent de m'être débarrassé de ces liens. »
Je resserre nerveusement ma prise sur son épaule, serrant les mâchoires, me rappelant avec malaise de cette situation quasiment inextricable. Elle le perçoit et m’attrape la main, la lovant dans les siennes et la caressant doucement, me détendant.
« Un choix difficile ... mourir sur place signifiant aussi se soumettre à elle. Quand tu dis œuvrer pour ses desseins ... tout en gardant ton esprit critique, cela signifie que tu n'as jamais été soumis à ses ordres ? »
Fermant les yeux, je rétorque :
« Aucun ordre direct, non. Si ce n'est celui de me tenir à côté de Crean Lorener pendant cette parodie de pourparlers, avant la bataille. Pour m'afficher dans son camp. Mais j'ai fait des choses pour son empire, oui. Rien qui n'aille directement à l'opposé de mes propres valeurs. J'ai assis pacifiquement et secrètement son influence sur un monde extérieur lié à Tulorim, Saldana. Par exemple. Je l'ai fait pour sauver des vies, menacées de guerre totale, sur place. Parce qu'une reddition avantageuse valait mieux qu'un massacre. »
Elle craint que beaucoup me considèrent encore, désormais, comme le Seigneur de l’Ombre. Elle s’inquiète également d’un lien plus… ferme me reliant à Oaxaca.
« Aucune marque, aucun lien. C'était le marché. Pour le reste... je ne suis seigneur de rien, et je ne suis plus dans l'ombre de personne. Tout ce qui me reste de tout ça, c'est la conviction que certains des Treize ne sont pas si malfaisants que ça. Qu'ils ont beaucoup agi parce qu'ils étaient eux-mêmes enchainés. Tout ça les a... libérés, en quelque sorte. Quant à ce qu'on pense de moi, je n'en ai pas vraiment cure. Je n'agis pas pour le prestige.»
Plongeant dans mon regard, comme pour tenter d’y discerner une réponse, elle me répète sa question : qu'est-ce que ça fait d'être considéré comme un ennemi du bien ? Je souris à la formulation que j’ai moi-même utilisée.
« Hmm. Pris dans mes propres paradoxes... J'aimerais n'en avoir rien à faire, mais le regard des autres est parfois empli de jugement. C'est le sentiment d'injustice qui est le plus dur à accepter. L'impression d'être pris pour qui l'on n'est pas. Nul ne voudrait faire le mal volontairement, n'est-ce pas ? A moins d'être un monstre... »
Le suis-je, en vérité ? J’ai déjà commis des actes barbares impardonnables, sacrifié des centaines d’innocents pour mes propres intérêts. Elle conclut le sujet en affirmant qu’il vaut mieux faire en assumant ses choix que ne rien faire du tout. Elle s’inquiète tout de même de savoir ce que je deviendrais si je n’avais vraiment plus aucun intérêt pour le regard qu’on porte sur moi. Aiderais-je encore les chercheurs de ce continent de glace ?
« Je ne suis pas ici pour aider les chercheurs. Je suis ici pour aller au-devant d'une menace qui pourrait menacer bien plus de monde. Mais je n'esquive pas ta question. J'ai longtemps été égoïste dans mes actes. Jamais cruel, mais toujours pour protéger ma vie, ma liberté. Maintenant que j'en suis là où j'en suis, c'est la liberté d'autrui qui m'intéresse. Car il n'existe aucune liberté individuelle si d'autres en sont privés. Et toi, Madoka ? Où te situes-tu par rapport à ces notions de bien et de mal ? Pourquoi es-tu venue 'aider' ces chercheurs, avec moi ? »
Elle sourit, dans un premier temps, mais le perd lorsque je lui pose la dernière question. Elle décrit le bien et le mal comme des notions arbitraires, ne parvenant pas à se situer en elles. SI elle est venue ici, c’est apparemment pour prouver des choses à quelqu’un. Devenir égoïste, sortir de son influence. Une sorte de libération, elle-même. Je souris.
« Et bien nul partenaire ne saurait mieux convenir à cela que moi ! Mon seul ordre : sois toi-même ! Après... même avec ce froid tu veux toujours être là ? »
Elle sourit à ma taquinerie, répondant sur le même ton qu’elle n’aimerait être nulle part ailleurs. Mon sourire se fait plus fort, et je la serre un peu plus contre moi. Je suis content d’être là, avec elle. Un bon moment que nous passons tous les deux. Nous restons quelques temps ainsi, muets de toute parole, jusqu’à ce qu’elle rompe le silence en évoquant les amants et me questionnant sur mon attachement à leurs valeurs. Elle parle d’une union symbolique dont elle pense avoir été tenue à l’écart. Surpris par les termes utilisés, je réponds néanmoins calmement, murmurant presque.
« Ah oui ? Qu'imagines-tu donc de cette union ? »
« Un lien sans frontières ni barrières, qui faisait fi de la morale de chacun, sans tabou ni jugement ... En tout cas, c'est ce que j'ai senti en rencontrant Pulinn, et ce qui a déteint de ta réaction à l'altercation dans le hall. Mais tout cela est très solennel. La vraie question est : A quel point le nom d'Amants est justifié ? »
Son ton est subitement provoquant, susurré avec tentation. Je rétorque sur le même ton :
« Ahah, oui, Pulinn et moi avons ça en commun. Mais attention, il est des questions qu'il ne faut pas poser si l'on ne veut en connaître la réponse. »
Je monte ma main libre vers le coin de sa mâchoire, attirant doucement son visage jusqu’au mien, jusqu’à poser mes lèvres contre les siennes dans un court baiser. Trop court, avant de reculer d’un centimètre à peine, laissant un souffle chaud caresser ses lèvres. Elle se redresse quant à elle, à présent à genoux devant moi, sa bouche proche de la mienne.
« Ce soir, j'ai pour ambition d'avoir réponse à celle-là. »
Et elle m’embrasse sans retenue. Les mots nous quittent, aucunement nécessaires à la suite. Je réponds à son baiser, doucement d’abord, puis avec passion. Avec fougue, finalement. Mes mains se perdent dans le creux de ses reins pour attirer son corps contre le mien, glissant mon visage dans son cou, lèvres contre peau. La nuit qui suit est dédiée au plaisir, à la chair, à la luxure, à un plaisir partagé et commun, à la complicité. Elle finit par s’endormir contre moi. Je nous couvre et reste lové contre elle, l’observant en souriant. Au matin, avant de partir, elle s’étire tout contre moi, réveillant des envies d’encore. Des envies qui resteront là pour le moment, car il est temps de reprendre la route…
__________________________
Le lendemain, je suis d’humeur guillerette. Surprenant, hein ? Je me sens bien, frais, libéré, satisfait. Si bien que je n’ai cette fois pas envie d’attendre le soir pour converser plus longuement avec mes pairs. Et qui de mieux pour partager cette charmante humeur que ce bon vieux Faëlis. Sur le camp, lors d’une pause repas, je le cherche du regard avec intérêt. Je le trouve après un instant, un peu isolé, un peu perdu dans ses pensées. Voilà qui ne lui ressemble guère. Je ne me démonte pas pour autant, et l’aborde avec un air affable.
« Faëlis, mon Faëlis, comment vas-tu ce jour ? Je t'ai connu plus rayonnant ! »
Rien de tel qu’un peu d’humour sur sa brillance naturelle pour le remettre d’applomb. Il hausse un sourcil, et c’est avec sympathie qu’il rétorque, taquin :
« Quel piètre demi-dieu de la liberté, qui prétend me tenir en sa possession... »
« Aucunement, aucunement, mais tu ne peux nier que nous sommes attachés. Par aucun lien contraignant, bien entendu, mais par nos valeurs et nos histoires communes ! Je... note que tu n'as pas répondu à ma question, vieux bougeoir ! »
Il rétorque aussitôt, apparemment de meilleure humeur que je l’aurais cru :
« Un vieux bourgeois ? Je suis de la noblesse, je te rappelle. Et je te rappelle aussi que c'est toi qui a fui mes cours d’éducation de vie à la cour ! »
Haussant les épaules, je rétorque nonchalamment :
« La cour, la cour. Ces cul-serrés n'ont de noble que le nom. A part se sentir les fesses l'un l'autre dans le luxe, que font-ils de réellement important, par rapport à des êtres comme nous ? »
Je lui octroie une tape amicale dans le dos. J’ai l’impression de lui avoir partagé ma bonne humeur.
« Ça me fait plaisir de te voir ici. Toujours sur les bons coups hein ? Qu'est-ce qui t'a amené à répondre à l'annonce d'Ertiart ? »
Il est de ceux qui ont accepté l’invitation des Dieux sur Nyr’tel Ermansi. Il s’y est découvert une nouvelle passion pour la magie de glace, mettant sur le coup du hasard toute la suite. Un hasard dont il finit par douter, entouré par de nombreuses connaissances.
« Ah mais c'est justement parce que ces têtes sont aventureuses que nous les connaissons, répondant toujours aux appels de détresse ! La magie de glace, hein ? Des infidélités à la pure lumière ? Cela ne te ressemble pas ! »
Je reste taquin dans mon ton.
« Par contre, effectivement, s'il y a quelque chose à apprendre sur la glace, c'est bien ici. Et pas avec n'importe qui en plus : deux mages de l'académie ! Bientôt un Maître Magicien ! Une opportunité énorme pour débuter. »
Il s’étonne à son tour de ma présence ici, arguant que la bataille de Kochii aurait pu suffire à mes ambitions, m’arrachant un ricanement.
« Faëlis, ou 'comment détourner les questions sans y répondre'. Je suis sûr que ça serait un succès énorme auprès des cours de ce monde. Pourquoi ces évitements, mon ami ? »
Il me félicite de ma connaissance des arcanes de la politique, avouant à demi-mot que j’ai déjoué son petit jeu. Il avoue être un peu secoué par ses rencontres divines, ayant du mal à s’en remettre. Il lui apparaît un nouveau sens à sa vie. Un sens qui lui reste pour l’instant caché. Riant, il minimise cette recherche en arguant que ce doit être risible pour quelqu’un comme moi, mais pas pour lui. Son amour de la beauté le fait désormais voir celle-ci sous un nouvel angle, jamais abordé jusqu’ici dans ses songes. Voilà qui est intéressant. La passion, l’intérêt, la conquête de nouvelles raisons de vivre.
« Une toute nouvelle expérience à traverser, donc ! Cela devrait t'exciter, plutôt que te rendre dubitatif. Profite-donc de ce nouveau regard, cherche cette nouvelle compréhension. Et puis bon... divins, divins... Ne le suis-je pas assez pour t'avoir entraîné à les croiser ? »
Il fait, en un clin d’œil, une petite référence à mon apparence kendrane lors des événements de la Bataille d’Ynorie, et me questionne sur les changements de formes. Il souhaite apparemment s’y plier également, pour diversifier ses expériences. C’est sûr que ça ouvre tout un champ des possibles. Je ne suis hélas qu’un piètre professeur concernant tout ça.
« Changer de forme ? Ma foi, ça me surprend de toi, qui vénère tant la tienne. Quant à ce qui est d'advenir de tes pouvoirs passés et futurs, je n'en sais rien du tout. J'ai déjà parfois du mal à comprendre d'où me viennent les miens... »
Il s’en désole un peu, précisant qu’il cherchera ailleurs, conscient désormais que la perfection ne peut pas être statique.
« Hmmm, je suis plutôt d'accord avec toi. La perfection ne peut être que multiple. Je te souhaite de trouver ce que tu cherches. C'est un plaisir que de t'avoir dans le groupe, en tout cas. »
Il confirme ma pensée, et nous nous laissons là-dessus, alors que j’observe au loin une petite colonie d’un animal que je ne reconnais que trop bien, malgré son étrange couleur écarlate ici : des bouloums. Qu’est-ce que ces petites fouines malhabiles viennent faire en ces froides contrées ? Et qu’est-ce qui leur a pris d’arborer un pelage aussi voyant ? Fidèles à eux-mêmes, en quelque sorte… Très vite, le trajet reprend.
________________________
Le soir, content de mes dernières interactions fort positives, je décide de me laisser porter par cette humeur généreuse pour aller aborder Ezak. Revenir sur l’histoire de l’Académie pour la laisser derrière nous, nous expliquer sur nos réactions. Prudent, j’approche de lui et, désignant une place à côté de lui sur un tronc couché, je demande :
« Je peux ? »
Il m’y invite, impassible, me vouvoyant. Un début assez froid : il n’a pas tellement l’air de vouloir ma présence. Je ne me démonte cependant pas. Je m’assieds, restant quelques secondes silencieux, cherchant les bons mots pour déballer tout ce que j’ai sur le cœur sans le froisser. Je le sais désormais susceptible et sur la défensive. Je finis par me lancer.
« Je ne suis pas sûr que poursuivre cette expédition en nous boudant l'un l'autre soit la meilleure solution pour que tout se passe bien. Et je n'aime pas laisser des non-dits envenimer les choses. Pouvons-nous parler franchement, Ezak d'Arkasse ? »
Un pas vers lui, en somme. Je n’aime pas les non-dits et les tensions, d’autant qu’il n’y a pour moi aucune raison concrète pour qu’il y en ait. Ma question est pourtant accueillie d’un soupir las et long. Super. Ça commence bien. Il dit qu’il ne comprend pas ma volonté de vouloir l’entente entre nous, argumentant en disant que dans les armées, les corps d’armes ne s’entendent pas forcément entre eux, ce qui ne leur empêche pas d’être efficaces. Il reporte même la faute d’une mésentente sur mes trop nombreuses interventions auprès de tout un chacun. Quel culot, quand même. Et je ne suis clairement pas d’accord avec lui. Nous ne sommes en rien un corps d’armée, mus par une discipline de fer et des objectifs irrémédiablement communs. Dans un groupe d’aventuriers, ça se passe autrement, et les désaccords prennent parfois des proportions énormes, comme l’a encore attesté le témoignage de Madoka hier. Le ton d’Ezak est déjà légèrement nerveux, mais il conclut plus posément en disant qu’il est néanmoins d’accord pour converser librement entre nous. Bon, on va dire qu’il aura fait son pas vers moi aussi.
« J'aimerais que tout le monde puisse s'entendre, oui. Mais je ne suis pas naïf : je sais pertinemment que c'est rarement faisable. Malgré tout j'essaie. Et tout à fait personnellement, je déteste les conflits sous cape. Si quelque chose ne va pas, il faut qu'il soit réglé. Par les mots ou les armes. »
Mes mots s’échappent un peu trop rapidement de ma bouche, et j’en prends conscience. Inutile d’amener le sujet d’une dispute ouverte sur le tapis.
« Je comprends que tu ais pu mal prendre ce que tu as pris pour une invitation trop directe à me sauter dessus. L'idée était certes dans mon esprit, mais guère une obligation pour toi d'y répondre par l'affirmative. Alors j'aimerais comprendre pourquoi ton ego a été si blessé d'une simple proposition. »
Il répond d’un air trop sérieux, trop préoccupé. Je sens qu’il essaie de maintenir son calme, mais sa colère transparait dans ses mots. Il affirme, vexé, n’avoir aucune envie de se répéter. Ce que je ne lui ai d’ailleurs pas demandé. Il mélange déjà tout. Il réitère trouver étrange ma façon de me changer en d’autres. Il poursuit en affirmant que ma proposition était vulgaire ne fut-ce que par les habits dont je me suis paré. Je secoue la tête d’un air incrédule. Jamais je n’ai entendu de remarques de ce type concernant Pulinn, dont les habits sont encore plus diaphanes. Serait-il en train de justifier une attirance coupable qui l’aurait pris et qu’il n’assumerait pas ? Il pense que ce choix d’habits légers était une insulte à son encontre, une conclusion sur des goûts de peu de vertu de sa part. Alors qu’en fait, pas du tout. J’ai tenté d’être séduisante. Belle selon les standards les plus répandus. Belle selon ma propre définition. Et sexuellement attirante. Quel est le mal à ça, en vérité ? Il s’insurge que je me mette en colère alors qu’il serait mieux placé pour ça. Le sang me monte à la gorge. Il est culotté, quand même. Il juge et conclut des choses sur moi alors même qu’il m’accuse de le faire. Je sens le besoin de me justifier, et je déteste ça. Je tente de rester toutefois diplomate dans ma réponse, allant de nouveau vers lui. Essayant, du moins.
« J'ai bien compris ton refus, et ne m'en offusque en rien. Mais cela valait-il vraiment la peine de faire entre la colère dans le débat ? Tu ne sais pas qui je suis, et tu te permets de juger de mes intentions à partir d'une simple apparence ? Oui, c'était une proposition, mais elle n'avait rien d'insultant. Il existe des personnes, nombreuses, qui auraient été ravies de la recevoir. Et je ne la joue moi-même pas à tout un chacun. Et ma nature, elle n'a en rien changé, quoique tu puisses en penser. Homme, femme, je suis les deux et quand je le souhaite, je m'abandonne à l'une de ces formes. Humain, elfe, bête. Si je m'étais changé en vieux gobelin véreux vêtu de merde, là j'aurais été insultant. »
Malgré moi, mon ton et mes mots s’emballent. L’énervement qui point m’enserre l’esprit. Il nique tout mon mojo, ce con au balais dans le cul, ce pudibond puritain aux valeurs misogynes, à l’avis réfractaire à toute liberté sexuelle.
« Et oui, j'ai mal pris ta réaction de bourgeois coincé derrière des valeurs nobles éculées. Se cacher derrière un titre... devant moi ? Je n'ai de respect pour aucun titre, en particulier de la part de ceux qui s'en servent pour rabaisser les autres. Mes valeurs n'ont en rien été malmenées par mon attitude. Je te présente mes excuses, pour n'avoir pas vu en toi un cador sans intérêt pour les notions de plaisir et de spontanéité. L'on ne m'y reprendra plus. »
Je souffle, dents serrées. Il m’a littéralement cassé les couilles. Je tente de me raisonner :
« Bon. Les choses étant dites, pouvons-nous poursuivre cette aventure sans plus s'attarder sur ce qui semble être un malentendu malheureux ? »
Il annonce que pour lui, c’était déjà le cas. Une réponse bien égoïste : moi, ça m’a fait un peu de bien de vider mon sac, de défendre mon point de vue. C’est sa réaction de merde qui m’a énervé, son refus de réellement comprendre mes pensées, restant campé sur ses positions comme un vieux réac. Je romps là la discussion : avec un âne têtu comme ça, impossible de mettre les choses à plat. Il a raison, finalement : autant laisser couler la merde, le concernant, même si dans ma tête, c’est quand même plus utile de la nettoyer avant qu’elle n’entache tout. Lâchant un dernier soupir, je lâche :
« Hé bien. Au moins de mon côté les choses sont dites. Bonne nuit Ezak. »
Il me répond, mais je m’écarte déjà, nerveux. Cette nuit est rongée de mauvaises pensées. Revanchardes envers lui, qui a brisé ma merveilleuse humeur de la nuit dernière et de la journée. Décidément, les kendrans et moi, c’est pas la joie.
____________________
Frustré de la veille, je n’approche plus personne pendant toute la journée du lendemain, prostré dans mon coin. Je tente de rester proche de Madoka et Faëlis, sans leur parler pour autant. Être mieux entouré, pour sortir d’un marasme subit. Le soir, je parviens à retrouver un peu d’élan. Il est temps d’aborder le maître de cette expédition, Hereld Ertiart. Je m’en approche, l’apostrophant poliment :
« Bonsoir, ser Ertiart. Vous auriez un moment à m'accorder ? »
Perdu dans ses pensées, il met une seconde avant de me répondre par la positive. J’enchaine sans demander mon reste :
« J'avais quelques questions... enfin vous devez être habitué au charabia des autres aventuriers. Dites-moi, vous ne connaissez pas grand monde dans vos recrues, je me trompe ? Vous nous faites confiance ? »
Il annonce qu’il apprécie les nouveaux contacts, et que cette discussion se passera sous les meilleurs auspices. Tant mieux, j’en ai soupé des tensions. Il assure savoir qui nous sommes, tous. Ou presque tous. Madoka et Arkalan lui sont inconnus, mais il a déjà entendu parler de tous les autres. Une réputation nous précédant de nos précédents faits d’armes. Nous connaître, sous ces termes, c’est un peu vite dit. Au-delà de la confiance, il précise qu’en conclusion de ces renommées, il n’a aucune raison de se méfier de nous. C’est pas faux. Je nuance néanmoins, non sans autodérision :
« Oh à votre place, j'aurais toutes les raisons du monde de douter de moi ! On me dit d'aucun camp, d'aucune fiabilité, mais d'une efficacité notoire pour m'attirer des ennuis. Et les résoudre par la force, la plupart du temps. Et je le confirme, d'ailleurs, sauf votre respect : si je suis ici, ce n'est pas pour obéir à vos ordres, mais bien pour découvrir ce danger que vous avez fait connaître. Cela vous convient-il de la sorte ? »
Sa réponse est nette :
« Nul besoin de camp, je ne cherche pas à plaire à d'autres. Quelque chose doit être fait pour contrer cette menace, c'est tout ce qui m'importe. »
Il poursuit en affirmant ne pas vouloir nous chaperonner, et se fier à nous pour nos propres forces, se contentant des siennes pour sa part. Un esprit d’équipe et de coopération qui n’est pas sans me déplaire. Il est déjà loin l’académicien un peu trop sérieux que nous avons rencontré alors. Il semble… plus ouvert désormais. Une bonne chose.
« Alors nous allons pouvoir nous entendre. Me permettez-vous d'en apprendre un peu plus sur vous ? Vous êtes un professeur cryomancien de l'académie, ça c'est ce que je sais. Mais pour le reste ? Quel est votre parcours ? »
Ma curiosité est parfois malvenue, mais je m’intéresse aux gens qui m’entourent, à leur passé, à ce qu’ils sont aujourd’hui et à ce qui les a amenés là. Comme avec Sibelle, comme avec Arkalan. Il dévoile alors un passé qu’il avoue n’être pas très intéressant. Élève tout jeune à l’académie, il y a fait ses classes avant de voyager librement sur trois continents à la recherche de savoir, se défiant de la rigueur trop cruelle des siens. Tant des shaakts que des autres chercheurs magiques. Il conclut humblement en disant que sa propre histoire est de fort moindre intérêt par rapport à la mienne, et que si la moitié de ce qu’il a appris sur moi est vrai, ma légende mérite d’être contée. Je ris à cette mention et réponds de nouvelle fois avec humour.
« Oh, bien plus que la moitié, je le crains. Et pas toujours à mon avantage. Mais avant ce parcours de chercheur honorifique et bien chargé, qui êtes-vous, Ertiart ? Vos origines, vos erreurs... Y a-t-il des bris sous cette coquille d'assurance et de savoir ? »
Il répond sans hésiter. Son origine, Gwadh. Sa motivation, la magie. Un passé laissé derrière lui. Je rebondis quand même sur ces maigres informations, me servant de ce que l’autre shaakt du groupe m’a révélé de ses hypothèses.
« Gwadh, hein ? Je ne connais que peu Nosveris, et encore moins ses cités. Juste que celle-ci serait dans une lutte constante entre les pro-oaxiens et ses détracteurs. C'est aussi une vie sous la terrible férule des matriarches, là-bas ? Non pas que je juge votre culture, mais j'ai déjà quelque fois croisé de vos semblables d'autres continents, et c'était quelque chose qui revenait souvent, cette... tyrannie. J'imagine bien qu'on veuille quitter ces cités, après ça... »
Je laisse un silence passer, insistant ainsi sur ma dernière allusion. Puis je poursuis :
« Vous ne semblez pas en garder un bon souvenir en tout cas. Et dites-moi, voyager de la sorte a dû forger chez vous pas mal de choses. Vous vous débrouillez, face à des ennemis ? Toute cette magie, elle doit bien servir à quelque chose, n'est-ce pas ? »
De quelle puissance est ce meneur ? Il avoue n’être pas un faible et pouvoir se débrouiller. De l’humilité ? Je gage qu’il sait davantage « se débrouiller » qu’il ne le dit.
« Oh, mais je ne sous-estime pas vos pouvoirs, mage. Et cet autre acolyte, Andreï... Pentovski, vous le connaissez depuis longtemps ? Qu'est-ce qui a créé votre association ? »
Andreï aurait été l’un de ses élèves, par le passé, avant de vieillir et devenir chercheur, abandonnant au passage une chance d’être maître magicien, comme ce Dan que nous cherchons. L’apostrophe me rappelle ô combien une vie humaine peut être fugace face à celle d’un elfe.
« Hmmm. Et que dire de ses compétences, alors ? Sont-elles semblables aux vôtres, ou plutôt complémentaires ? C'est vrai que ça n'a pas l'air d'être un rigolo, si je peux me permettre. »
Il décrit la magie de l’humain comme plus agressive, instinctive et manquant de finesse. J’ai un peu de mal à décliner ce vieillard sous ces appellations, mais s’il le dit… Il avoue que son confrère n’était pas pour appeler aux volontaires pour cette mission, finalement contraint contre sa volonté de le faire, à cause de l’immobilisme de ses pairs.
« Un bourrin, hein ? On aura au moins un terrain d'entente, lui et moi. On va tâcher de vous donner raison alors. Et concernant notre mission, du coup : où se rend-on là exactement ? A petite et moyenne échelle. »
Un hameau où retrouver un guide est notre destination prioritaire. Il nous mènera alors vers l’origine des lumières, possiblement connue par Ertiart. Il préfère cependant l’habitude d’un local pour nous guider jusque là.
« Hmm. Un beau programme exempt de tout risque, narré de la sorte. Vous parliez de dangers. Outre la montagne elle-même et ses risques inhérents, vous savez sur quoi on pourrait tomber ? »
Il avoue que les risques sont grands. Des monstres terribles habitent ces terres glacées, et parmi elles, l’une des pires : un givralion. Je m’en surprends : jamais je n’ai entendu parler d’eux.
« Un givralion ? Ca sonne bien pourtant. Qu'est-ce que ça a de si dangereux ? »
Sans doute imaginé-je trop bien un félin tout doux avec quelques stalactites de glace pendues au menton. Il me dément directement en me décrivant la bête. Un tueur sans pitié.
« Ah. Oui ça a l'air pas mal dangereux. Bon, bien, espérons ne pas en croiser, de fait. »
Hésitant sur le prochain sujet, je cherche mes mots pour qu’ils ne soient pas mal pris.
« Ca... vous arrive souvent de traiter avec des marchands gobelins ? »
Surprenamment, il les décrit comme efficaces et fiables. Il est vrai qu’ils l’ont été jusqu’ici… Il annonce l’ouverture d’esprit de l’académie face aux différentes races. Mais je garde toujours un doute sur ce genre de créatures.
« Non mais, je comprends tous ces idéaux hein. Je les partage moi-même avec exergue. Mais. J'sais pas, les gobelins ça a toujours été pas bien plus que des animaux habillés, pour moi. Enfin rien de méchant hein, mais par expérience, ils n'ont jamais été bien malins ou bien intentionnés. Enfin vous allez me dire, je ne pensais pas bien mieux des orques, avant. Puis j'ai appris. Mais là, les gobelins... Enfin j'en ai massacré par centaines sans jamais me poser la question quoi. »
Réflexif, je poursuis.
« R'marquez, il me serait pas venu à l'idée d'en manger. Ça doit être ça la différence. Hem. Pardon. En tout cas, ces grosses bestioles, c'est un plus ! Efficace ! Héhé. Bon, ben, je vais vous laisser. J'ai... heu... une nuit à surveiller, moi. Merci de la discussion ! »
Il décrit alors les gobelins comme malins. Ça, je n’en ai aucun doute. Des fureteurs aiguisés, des fanatiques de l’attaque en traître. Ce n’est pas pour me rassurer. Hereld me souhaite la bonne nuit, m’éloignant, je conclus l’entrevue d’une remarque qui se veut humoristique :
« Ah, je dois avoir laissé les plus malins en vie, ça doit être ça. »
Et la nuit se poursuit. Et le voyage aussi.
___________________________
Au cœur du septième jour de marche, nous arrivons enfin à destination. Les sektegs nous abandonnent, emportant leurs précieux traineaux. Les efforts vont être de mise, désormais. Nous approchons de petites masures formant le village décrit quelques jours plus tôt par Hereld. Progressant dans une neige épaisse, au-dessus de laquelle je me laisse planer sans m’y enfoncer, certains sont en difficulté. Ezak et Sibelle semblent quant à eux avoir prévu le coup. Puis, subitement, le meneur du groupe s’arrête, inquiet. Effectivement, la vie semble avoir quitté le hameau. Nous nous avançons pour constater avec horreur que c’est plus vrai que nous aurions pu le penser : des cadavres jonchent le sol, la fumée est absente des maisons. Il s’est passé un drame ici, et nous arrivons bien trop tard pour déterminer de quoi il s’agit.
Les deux elfes blancs s’attardent sur un hululement prétendument entendu non loin. Ils ont des bonnes oreilles. Je rétorque néanmoins :
« Un hululement ? Vous êtes allergiques aux hiboux ? Nous sommes au milieu de la nature, gardez donc votre sang froid... Et vos sens à l'affût de bruits plus menaçant qu'un cri d'animal. »
Habitué aux situations dangereuses, Faëlis nous lie à lui de sa magie de lumière. J’ai plusieurs fois été sous ce charme, ignorant ses effets réels cependant. Il annonce ensuite vouloir aller dans le bâtiment principal. De mon côté, j’annonce :
« Faites ça, je m'occupe du second bâtiment. »
Et laissant chacun s’occuper comme il le désire, je ‘m’approche seul du second plus grand bâtiment du hameau. Je tente d’ouvrir la porte, de gré ou de force, pour en découvrir les secrets…
[HJ : Entrée (de force ou non) dans la bâtisse n°2 pour voir ce qui s'y passe]