Les égouts

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Marcy
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Re: Les égouts

Message par Marcy » sam. 13 déc. 2025 18:07

Douces paroles, dure réalité

La pièce où Marcy suit Yerek n’en est pas vraiment une. C’est un simple corridor qu’une torche illumine d’une lumière dansante. Yerek referme la porte derrière eux après avoir offert un signe de la main aux jeunes voleurs qui les observent. Lorsqu’il se tourne vers Marcy, il affiche toujours un sourire qui se veut bienveillant et qui commence à taper sur les nerfs de la rouquine. Adossée à un mur, les bras dans le dos, elle attend. Ce qu’elle n’a pas à faire longtemps. Yerek se place face à elle.

- Eleanore ne tarit pas d’éloge sur toi, Marcy. Selon elle, tu serais exceptionnelle.

Marcy ne peut empêcher son jeune égo de résonner chaleureusement à ces mots. Que quelqu’un reconnaisse son talent est une des rares choses qu’elle espère et attend. Elle se demande quand même ce qui peut tant impressionner Eleanore. Elle ne l’a littéralement rien vu faire, si ce n’est se débarrasser péniblement de leur agresseur. Et ce questionnement doit se lire sur son visage, car Yerek enchaîne.

- Cela fait quelques temps que mes jeunes amis t’ont remarqué. Tu es apparemment très douée de tes doigts.

- Je me débrouille.

Elle fait de son mieux pour ne pas se laisser embobiner par les paroles mielleuses, malgré la satisfaction qu’elle ressent. Le sourire de Derek ne diminue pas, bien au contraire.

- Modeste, avec ça.

- A trop l’ouvrir, on se crée des problèmes.

Elle n’est pas du genre fanfaron, même si elle sait parfaitement frimer quand le moment est opportun. Mais elle sait aussi que, dans ce monde, crier ses exploits, surtout illégaux, à qui veut l’entendre est le meilleur moyen de terminer en prison. Ou pire. Et, visiblement, cela plaît à Yerek qui pointe un doigt dans sa direction.

- Exactement. Tu es très lucide et observatrice. C’est rare. Et précieux.

Elle se demande comment il peut déduire tout ça après seulement quelques minutes depuis leur rencontre et encore moins de temps à parler avec elle. Il semble sincère, mais elle n’arrive pas à ne pas imaginer un stratagème. Elle n’a pas oublié le mensonge lâché aux enfants, un peu plus tôt.

- Tu pourrais grandement nous aider, si tu te joignais à nous.

Ah, enfin. Elle commençait à se dire qu’il n’allait jamais en venir là. Elle pourrait dire oui tout de suite, mais elle imagine que ce serait un peu suspect. Donc elle tente de jouer la difficile. Ce qui n’est pas très compliqué, étant donné le peu d’envie qu’elle a de vraiment les rejoindre.

- Je ne sais pas trop. Je ne comprends pas vraiment ce que j’ai à y gagner.

- Des alliés. Une famille et, quand nous aurons assez d’argent, un endroit où vivre, loin d’ici. En sécurité.

De belles promesses qui auraient sans doute pu la convaincre, si elle n’avait les informations provenant de Jean. Cet elfe ment. Et les autres gobent tout ce qu’il dit, guidés par l’espoir d’une vie meilleure. Elle comprend l’attrait. Ce qu’elle ne comprend pas, c’est ce que Yerek cherche à faire, réellement. Elle n’imagine pas qu’il emmènera vraiment la trentaine d’enfants en sécurité, mais il va bien finir par y avoir de l’impatience chez les voleurs. Qui sait depuis combien de temps dure son manège ? Elle doit en savoir plus.

- C’est… tentant.

- Je me doute. Tu peux m’aider. A éviter des tragédies inutiles. A protéger ces enfants.

- En leur faisant croire que tout va bien ?

Sa réplique, lancée d’une voix cinglante, lui échappe et elle pince les lèvres. Elle n’est vraiment pas faite pour jouer un jeu comme celui-là. Mais cela ne semble pas perturber Yerek qui continue sur le même ton calme et posé.

- S’ils paniquent, ils commettront des erreurs et les tragédies s’enchaineront. Je souhaite les protéger, pas les alarmer.

- Mais tu leur mens ! Alors qu’ils te font confiance.

- Je leur dis ce qu’ils ont besoin d’entendre.

Cela fait hausser un sourcil à la rouquine. Elle s’attendait à une certaine animosité, maintenant qu’elle a montré une partie de ses cartes, mais il n’en est rien. Comme s’il savait déjà qu’elle était au courant.

- Je ne te demande pas d’apprécier, simplement de comprendre. C’est pour ça que je voulais te parler. Tu es lucide, tu connais les risques. Tu peux les aider.

- Comment ? En faisant le sale boulot ?

- Non. Je ne te demanderai ni loyauté, ni obéissance. Ça ne semble pas être quelque chose que tu apprécies.

Elle n’aime pas la manière qu’il a de lire en elle comme dans un livre ouvert. Il en sait beaucoup trop sur elle. Peut-être qu’il ne fait qu’émettre des hypothèses, mais le voir faire mouche systématiquement commence à tendre Marcy.

- Fais le bon choix, c’est tout ce que je peux te dire, Marcy. Tous ces enfants dépendent de toi, d’une manière ou d’une autre. Nous gagnerions beaucoup à t’avoir parmi nous. Mais cela doit venir de toi.

- Je… vais y réfléchir.

- Je n’en demande pas plus. Merci, Marcy

Elle ne sait plus trop quoi penser, à vrai dire. Elle n’était déjà pas vraiment certaine de ses options, et cet endroit, ainsi que cette conversation, ne l’aide pas à voir plus clair sur ce qu’elle doit réellement faire. Yerek, toujours souriant, la raccompagne dans la pièce principale, une fois la conversation terminée. Il est rapidement happé par des enfants et Marcy observe l’interaction avec un air partagé. Il a l’air de vraiment vouloir le bien de tout ce groupe. Mais elle ne peut ôter ce sentiment qui s’est installé dans sa poitrine. Quelque chose la gêne. Profondément. Comme si un élément lui manquait. Peut-être qu’elle devrait le suivre. Juste pour être sûre…

Eleanore et son petit groupe s’attroupent rapidement autour de la rouquine prise au dépourvu. Les questions pleuvent et elle s’efforce de ne rien laisser filtrer de sa gêne. Eleanore, persuadée que Marcy va les rejoindre, est tout excitée et ne cesse de babiller. Tant et si bien que Marcy perd Yerek de vue. Elle peut alors oublier son idée de filature. Elle soupire sans pouvoir s’en empêcher. Eleanore, qui vient de bailler, pense que Marcy est fatiguée, elle aussi et se propose de la raccompagner à l’extérieur, elle qui doit rentrer chez elle. Marcy accepte, appréciant l’idée de ne pas se balader seule dans les couloirs sombre qui s‘étendent au-delà de la cachette des voleurs. En sortant, elle croise le regard d’Edouard fixé sur elle. Un regard qui ne lui dit rien qui vaille.

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Marcy
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Re: Les égouts

Message par Marcy » sam. 13 déc. 2025 23:22

La troisième voie

- De quoi as-tu parlé avec Yerek ?

Marcy lève les yeux au ciel, mais un léger sourire étire ses lèvres. Elle se doutait un peu qu’Eleanore ne pourrait contenir sa curiosité bien longtemps. Elles ont à peine quitté la planque qu’elle pose la question. La petite voleuse ne va évidemment pas révéler le vrai contenu de la conversation, cela ruinerait sans doute sa relation avec Eleanore. Avouer qu’elle émet de sérieux doutes concernant les motivations et objectifs de Yerek n’est sans doute pas le plus malin. Pas plus que d’avouer qu’il ment. Elle se sent coincée par ce que lui a dit l’elfe. Pas uniquement à cause d’Eleanore, mais aussi parce qu’elle n’a aucune idée des limites de l’influence de l’elfe sur le groupe. Si elle parvient à faire douter Eleanore, elle craint un peu que ça retombe sur la petite blonde. Elle est trop naïve pour ne pas se faire avoir, c’est évident.

- Du groupe, de vos objectifs, ce genre de choses.

- Tu nous rejoins alors ?

- Je lui ai dit que j’y réfléchirai sérieusement.

Elle note le gonflement boudeur d’Eleanore et ricane doucement. La petite mage semble vraiment tenir à ce qu’elle fasse partie du groupe.

- Pourquoi c’est si important pour toi que je vous rejoigne ? Tu as déjà plein d’amis dans le groupe.

- Je sais, mais… y’en a aucun qui est comme toi. T’as battu un adulte toute seule. Et tu m’as sauvée ! Je suis sûre qu’on aurait déjà pu rassembler tout l’argent si tu avais été là dès le début !

Cela tire un souffle amusé à la voleuse qui lance une œillade vers Eleanore.

- Edouard n’est pas aussi doué ?

- Oh, non ! Il est fort, mais pas discret. Il vole pas, lui. Et il fait un peu peur.

La rouquine hoche la tête. Chacun à ses propres atouts, semblerait. Elle laisse Eleanore continuer à dénigrer ses amis en les comparant un à un. Elle pourrait en apprendre beaucoup sur le groupe, mais elle trouve ça un peu gênant qu’Eleanore s’imagine qu’elle soit si forte que ça. Ce qui n’est pas le cas. L’idée qu’on la trouve incroyable lui plaît, mais peut-être pas à ce point. Elle lui pose une main sur l’épaule pour l’interrompre.

- Eleanore, écoute, je ne…

Elle se fige et tourne la tête vers le couloir obscur qui s’étend derrière elles. Elle a cru entendre quelque chose. La lumière d’Eleanore les illumine, mais s’arrête à quelques mètres, rendant toute observation du couloir impossible tant il est sombre. Eleanore s’est tue et l’observe avec une inquiétude grandissante.

- Marcy, tu…

La rouquine plaque une main sur la bouche de la petite blonde qui écarquille les yeux en la voyant dégainer sa dague. Le silence devient pesant, lourd, mais Marcy se fie à son instinct. Et elle sent que quelque chose, ou quelqu’un, est là, tapi dans l’ombre. Elle entend la respiration d’Eleanore, s’accélérer et décide de ne pas tenter quoi que ce soit ici. L’endroit est trop étriqué et Eleanore est sans défense. Elle se penche vers elle et lui murmure de courir jusqu’à la sortie aussi vite que possible, sans discuter. La petite blonde obéit sans demander son reste et se carapate à toute vitesse, Marcy sur ses talons. La course semble durer une éternité et les poumons de Marcy commencent à la brûler lorsqu’elle aperçoit enfin l’échelle. Elle laisse Eleanore grimper avant elle et la suite de près. Elle jette néanmoins un coup d’œil derrière elle, juste au cas où. Rien. Elle se demande si elle a rêvé, mais préfère jouer la prudence. Elle grimpe l’échelle en quatrième vitesse et rejoint Eleanore qui peine à grimper après avoir couru aussi longtemps.

- Allez, El’, tu y es presque.

A nouveau, elle jette un œil vers le bas de l’échelle. Là, une silhouette se tient pendant une brève fraction de seconde. Elle n’avait donc pas rêvé. Elle se hisse enfin en haut et rejoint Eleanore qui déverrouille la porte. Elle l’aide à l’ouvrir avant de la prendre par le bras et de murmure.

- Rentre chez toi sans te retourner. Je viendrai te voir demain, d’accord ?

- Mais…

- D’accord ?

La petite hoche la tête et file après une brève hésitation. Marcy, elle profite de l’obscurité de la cave pour se tapir dans un coin en laissant la porte de la cave ouverte pour faire croire à leur fuite. Elle range sa dague et tire deux de ses kunai. Elle se met alors à attendre. Son cœur bat la chamade, mais elle veut savoir qui les a suivis. Et surtout, pourquoi. Quand, enfin, la silhouette émerge par l’échelle, Marcy se tient prête. Malgré l’obscurité à peine percée par la lumière de la lune passant par l’ouverture de la porte, la personne qui les a suivis n’a aucun problème à bouger. Même dans les tunnels, elle n’avait pas de problème à les suivre. Cela inquiète un peu Marcy qui imagine quelque magie permettant de voir dans le noir. Elle inspire longuement, mais elle semble bien cachée car elle n’est pas repérée.

L’inconnu passe à quelques centimètres de sa cachette et se dirige vers la sortie. Marcy saisit l’opportunité qu’elle n’aura sans doute jamais de nouveau. Elle se redresse et lance son premier kunai dans le dos de celui qui les suit. Le tir n’est pas difficile, même avec une lumière très diffuse. La lame file et se plante dans la cuisse de la cible qui crie de douleur. Marcy grimace au son de la douleur, mais resserre sa main sur son second kunai. L’inconnu se retourne alors que le kunai tombe au sol, et Marcy reconnait immédiatement le visage déformé par une grimace. Edouard.

- Sale petite… je vais te détruire.

Lisant la fureur dans le regard du jeune homme et, effrayée -à raison – Marcy lance son second kunai par réflexe. Moins bien lancé, celui-ci ne fait qu’effleurer le jeune homme qui fonce sur Marcy. Même s’il est sans arme, il compte visiblement se débarrasser d’elle. La rouquine, bien que surprise, réagit au quart de tour. Elle se carapate hors de portée tout en tirant une autre lame de sa sacoche. Lame qui, cette fois, a le mérite de faire ralentir Edouard lorsqu’il l’aperçoit. Blessé, il semble que la prudence l’emporte face à une Marcy visiblement bien mieux équipée que lui. Cette dernière garde une distance prudente avec lui. Elle veut des réponses. C’est la seule raison pour laquelle elle n’a pas filé avec Eleanore.

- C’est Yerek qui t’envoie, pas vrai ?

- Tu te crois plus maligne que tout le monde, pas vrai ?

- Plus que toi, en tout cas.

- Tsk. Il a juste émis des doutes. J’ai décidé seul de m’occuper de toi. Il m’en sera reconnaissant.

Une façon, pour Marcy, d’avouer. Même si Yerek n’a pas vraiment donné l’ordre, il a planté la graine dans l’esprit d’Edouard. Un aveu qui ne fait que confirmer un sentiment qu’elle avait déjà. Cet elfe est louche et dangereux. Elle continue de rester à distance d’Edouard qui, elle le remarque, boite quand même à cause de son lancer de kunai. Sauf que son effet de surprise est passé et qu’elle n’est pas vraiment dans une position très avantageuse. Parce qu’elle n’a pas envie d’être obligée d’aller trop loin. Sauf que le jeune homme finit par perdre patience. Il se rue sur elle. De nouveau, elle lance un kunai. La lame, mieux ajustée que le tir précédent, va se loger sous la clavicule du jeune homme. Il pousse un cri de douleur et s’effondre. Imaginant el combat terminé, Marcy contourne alors le jeune homme au sol pour récupérer ses autres kunai précédemment lancés.

Lorsqu’elle entend le sanglot douloureux d’Edouard, elle ferme les yeux et inspire. Ce n'est pas ce qu'elle voulait. ça ne l'a jamais été. Elle hésite, puis décide que, tant pis, elle fera selon ses propres convictions, sans jouer le jeu de Jean ou de Yerek. Selon ses règles. Selon sa façon de faire; et pas selon les idées d'un autre. Elle s’approche d’Edouard et s’agenouille près de l’adolescent recroquevillé.

- Je suis désolée… Tu… tu m’as fait peur. Je voulais pas te faire du mal.

- Va te faire foutre, putain… Je vais crever par ta faute !

- Mais non ! Viens, je sais où on peut te soigner.

- Pourquoi je te ferai confiance ? hein ?

- Parce que j’aurai eu dix occasions de te trancher la gorge. Et que je l’ai pas fait. Et que j’essayais de vous aider, moi, à la base !

Le visage baigné de larmes, Edouard fixe Marcy, comme s’il tentait de comprendre ce qu’il a en face de lui. Et malgré toute la méfiance qui s’est installée entre eux, il finit par acquiescer. Rien ne se passe comme Marcy l’avait espéré. Elle s’est crue plus forte avec quelques kunai, mais elle est loin d’avoir la force d’ôter une vie. Et elle refuse qu’Edouard soit le premier. Alors, en attendant de rejoindre Eleanore et ses doigts de fée, elle retire délicatement le kunai de l’épaule d’Edouard, le bande comme elle peut avec un peu du tissu de la cape du jeune homme, découpée à l’aide de sa dague Puis elle l’aide à se relever et à marcher vers la sortie de la cave.

- T’es vraiment bizarre. En plus d’être une emmerdeuse. Tu le sais ?

- La ferme, sinon je te laisse crever dans cette cave.

Une menace en l’air. Elle le sait. Et elle a l’intime conviction qu’Edouard le sait aussi, maintenant.

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