VII.10 Préparation avant la mission.
De l’autre côté de la porte, j’entends qu’on m’invite à entrer. Appuyée contre son bureau, la commandeure Lyann'tar Thelwë discute avec une autre Sindel, charmante d’ailleurs, avec un large sourire qui m’inquiète quelque peu. Lyann'tar Thelwë la présente comme l’arcaniste Siathiël, qui s’est proposée pour l’épreuve.
(Mes inquiétudes doivent venir de là je pense !)
Bien que cette magicienne me salut correctement, je ne peux m’empêcher de penser que l’amusement que je perçois sur son visage est en lien direct avec le test qui arrive. Immédiatement après les salutations, je suis les deux elfes grises à l’extérieur sur une vaste zone pavée. Le sol en pierres blanches possède d’étranges croix rouges, jaunes, vertes et bleues. Si le but est de comprendre l’énigme cachée derrière cela, je risque de vivre sur le Naora jusqu’à ma mort. Cet agencement n’a ni queue ni tête ! Au-delà de la zone, des curieux sont présents et dans le lot, je reconnais Saëthil Arwiëne qui sourie en me regardant.
(Mais qu’est-ce qui me pend au nez ?)
Un peu réticent, on m’invite à pénétrer dans l’espace en compagnie de l’arcaniste et de deux autres Sindeldi armés chacun de bâtons courts. Lyann'tar m’explique que chacun des commandeurs testent les aspirants selon leurs propres envies, mais actuellement, c’est mon adaptation à une situation aussi délicate que défavorable qui l’intéresse. Puis, elle me tend une petite boîte en bois, que je saisis de la main gauche et qui ne me permet pas de refermer le poing, même si elle est assez petite pour y tenir.
"Votre épreuve est simple. Vous devez défendre cette boîte face aux deux Danseurs qui sont ici pendant un temps imparti, sans l'ouvrir. Si la boite tombe au sol, vous échouez. Si vous êtes touchés cinq fois, vous échouez. Si vous tombez sans pouvoir vous relever, vous échouez. Si la boîte s'ouvre, vous échouez. Sathiël lancera également des sorts en fonction de l'endroit où vous vous situez. Rouge pour le feu, bleu pour la foudre, vert pour la terre. Elle visera la marque et non pas vous, soyez rassurés. Cependant, si un sort vous atteint, cela ne compte pas comme une touche, cela sert uniquement à vous perturber. Mais c'est une arcaniste puissante, je vous conseille de ne pas prendre cela à la légère. Les marques jaunes vous donneront un répit, mais unique, contrairement aux autres marques et elle lancera un sort pour vous aider. Veillez à faire attention où vous mettez les pieds. Vous avez plusieurs façons de remporter cette épreuve, mais je vous laisse le soin de réfléchir à cela par vous-même. Avez-vous des questions ?"
(Heu oui, je peux rentrer chez moi ?)
Je serre le poing en refoulant mes envies de faire demi-tour. Si ça c’est une situation défavorable, je suis curieux de savoir ce qu’elle juge catastrophique !
(Je sais pas, faire face à un dragon peut-être ?)
Ysole a raison. J’ai déjà affronté des contextes bien pires et si on me propose un tel défi, c’est que je suis en mesure de le réussir. Du moins, je donnerais tout pour y parvenir ! Je prends le temps d’inspirer longuement avant de répondre enfin, brisant le silence de l’attente.
"Oui, une question. Quand commence-t-on ?"
Lyann'tar esquisse un sourire et répond d’un ton ferme :
"Maintenant !"
Les deux Sindeldi se ruent sur moi avec une réactivité qui me prend de court. Celui de droite tente de mettre fin au test en cherchant à atteindre la boîte. Un bref mouvement de la main me permet d’échapper à une humiliation, mais en réalité ce n’est pas leur objectif. Usant de mon attention sur la boîte, le second Sindel vise mon torse. Je ne dois ma sauvegarde qu’à mon réflexe de dégainer ma dague directement dans la trajectoire. Les hors d'œuvres étant terminée, mes adversaires passent à la suite des festivités. Les coups s’enchaînent, fouettant l’air au lieu de mes membres, grâce aux acrobaties dont je fais preuve pour éviter les assauts et d’une posture de combat plus propice à l’esquive des coups. Ils semblent cependant s’habituer petit à petit à mes cabrioles car les coups me manquent rapidement de très peu, m’obligeant à parer de nouveau. Ma dague interrompt un coup d’estoc à droite tandis que ma main dévie du dos, un coup à la tête.
"Une touche !" Déclare la commandeure après que j’ai dévié le coup.
"Quoi ? Mais non c’est…" Fais-je alors qu’un bâton me touche entre les deux yeux et me fait perdre l’équilibre en roulant en arrière.
"Deux touches !" Lance à nouveau la Sindel.
(Et merde !)
(Cesse tes idioties et concentre-toi davantage !)
(Tu crois que c’est…)
Les deux elfes reprennent leurs assauts et je m’extrais de leurs influences d’un large bond sur le côté, suivis d’une roulade.
(…un jeu peut-être ?)
J’atterris malheureusement sur une marque verte et un projectile de pierre se précipite sur moi et m’atteint dans le dos. J’ai l’impression de recevoir une énorme claque à m’en faire sortir les glaires !
(Bon sang j’avais oublié ça !)
(Tu as du mal à tenir face à eux, mais sont-ils pourtant plus fort que Sibelle ?)
Ysolde a raison. Ils sont fort parce qu’ils se battent ensemble ! Ils ne sont pas au même niveau que Sibelle et si je parviens à les séparer, je prendrais le dessus. Et pour ça, il faut passer à l’offensive !
Mes deux adversaires frappent à deux endroits stratégiques. L’un en bas et l’autre en haut. Je saute pour éviter la frappe aux jambes et stoppe le bâton à l’aide de ma dague. Puis je montre ce qui en coûte de me prendre de haut. Forçant sur mon arme, je dirige l’arme de bois sur la tête de son confrère qui ne s’y attendait pas. Le Sindel encore indemne rapporte son arme à lui, mais je l’empêche de s’en servir en la plaquant contre son torse. Pour son homologue, j’offre un puissant coup de pied au niveau de la poitrine pour l’envoyer rouler plus loin. Sans faire attention, mon pied touche une marque au sol. Un voile lumineux se dresse autour de moi et ma faéra m’explique ce qu’il en est, sans que j’aie à lui demander.
(C’est la protection solaire. Mais ça ne protège que des attaques d’ombres !)
(Pratique dans ma situation !)
Désormais en duel, mon adversaire incapable de s’extraire de la pression que j’exerce à l’aide de mes deux mains, me frappe d’un coup de front dans le nez. Bien que me sens saigner, aucune touche n’est comptée. D’un coin de l’œil, je perçois que nous allons être interrompus dans notre danse. Ne pouvant me permettre de frapper à la gorge, je le repousse en arrière non sans enfoncer ma lame à son bras principal et offrant également mon pied pour bloquer son mouvement de recul en supplément. Alors qu’il choit au sol, je mobilise mon énergie dans mes jambes pour bondir de gauche à droite, afin de déstabiliser le second elfe et passer derrière-lui juste avant sa frappe. Je le touche à la cuisse et saute en avant pour éviter un retour de bâton malencontreux.
Les deux elfes gris en ont pris pour leur grade. J’esquisse un sourire de satisfaction qui s’atténue rapidement avec l’apparition d’un cercle magique autour de moi. Les deux elfes gris, profitent de ce moment pour attaquer à nouveau, m’obligeant à sortir du cercle pour ne pas être touché. Il s’avère qu’il s’agissait là d’un sort qui touche toute personne en contact avec le cercle. C’est la fulgurante décharge électrique qui me le fait comprendre. Je serre des dents pour résister à l’envie de hurler et prendre le dessus sur mon corps, qui a soudainement une folle envie de décamper. Cependant, derrière-moi se trouve une elfe à qui j’ai envie de montrer ce que je vaux. Mon orgueil est pour une fois, un moteur bénéfique pour cette épreuve.
J’évite l’attaque d’un bond en arrière, prenant difficilement appui par mes mains, un peu prises avec la dague et la boîte. D’un rien, j’évite une marque rouge au sol. Jugeant de la position de l’arcaniste dans le dos de mes adversaires, j’attends le dernier moment pour faire de grands mouvements avec les bras et pose discrètement le pied sur la marque rouge. Intrigués par l’étrange mouvement de mes membres supérieurs, ils ne comprennent que trop tard la raison, lorsque l’elfe gris touché à l’épaule reçoit une boule de feu à la jambe qui m’était destiné. Il tombe au sol, me laissant l’opportunité de frapper son confrère qui tente de me frapper au torse. L’effet de ma dague se fait enfin ressentir. La blessure à la cuisse s’étant aggravée au point où il ne peut plus l’ignorer, son coup manque de précision. J’évite la frappe d’un bond sur sa gauche, avant de lui offrir dans une rotation, pied gauche au sol, un magnifique coup de talon droit dans le menton.
Je m’éloigne d’eux, assez fier de moi. S’ils peinent à se relever à cause de leurs blessures, cela ne dure pas. Celui qui a reçu la boule de feu tend sa main vers son camarade et un halo blanc semble guérir la blessure à la cuisse. Pui il fait de même pour sa jambe brulée et résorbe la plaie à son épaule, l’empêchant de s’aggraver davantage.
"Hey ! C’est d’la triche ça !" Fais-je stupéfait, mais aucune règles ne les en empêche.
(Utilise les marques jaunes pour t’aider !)
Alors qu’ils se dirigent au pas de course vers moi, je pose le pied sur la première marque jaune que je trouve. Rien ne semble affecter mes blessures ou me rendre plus fort. Il faut croire que la magie de lumière c’est vraiment de l’esbroufe ! Pourtant, j’ai soudainement une plus grande aisance pour éviter les attaques qui me tombent dessus, visant la boîte pour l’un et mon corps pour l’autre.
(Cela ne dure qu’un temps, les sorts ne sont pas éternels. Passe vite à l’action !)
Suivant les conseils de ma faéra, je profite de cet étrange avantage pour contre-attaquer. Je viens parer le bâton à ma droite avec la dague et le place pour bloquer le coup venant de ma gauche, visant ma tête. Je saisis la poigne tenant fermement l’arme de bois à ma gauche, pour l’empêcher d’agir et le fais tomber d’un bon coup de pied dans le genou. Alors que je ne tiens qu’à une jambe après mon coup, celui de droite me repousse en arrière au sol. Il lui suffit de m’empêcher de bouger pour me vaincre. Je me laisse tomber, mais l’entraîne avec moi en ramenant une jambe entre nous, avant de le repousser derrière moi, emporté par l’élan et me relève rapidement.
"Trois touche !" Fait de nouveau une voix qui devient désagréable avec ses mauvaises nouvelles.
Je n’ai même pas senti ce coup ! Je m’éloigne pour reprendre mon souffle, mais c’est chose difficile lorsqu’on affronte deux adversaires à la fois. Lorsque je mets un elfe au tapis, l’autre se relève et m’empêche d’avoir un moment de répit.
"Si vous voulez utiliser la magie, pas de problème !"
Je place ma dague en retrait, mimant un puissant coup de poing qui se prépare et lorsque l’elfe arrive à mon niveau j’hurle à nouveau en me concentrant sur son visage.
"Boule de feu !"
Surpris, l’elfe place ses bras devant son visage par réflexe. Je fais une première rotation devant lui pour prendre de l’élan, puis continue mon mouvement en sautant et frappe violemment sa tête.
(Après un coup pareil, il ne va pas revenir de si tôt !)
Mon adversaire tombe au sol, à moitié inconscient, tandis que le Sindel que j’ai envoyé roulé au loin vient pour un nouveau service. Je crois l’avoir touché dans son égo, vu la grimace colérique qu’il affiche. Je lance ma dague négligemment vers lui pour le désarçonner. Profitant de son inattention, je traverse sa garde, passe mon bras de son aisselle droite à son cou, l’emporte deux pas plus loin pour marcher sur une marque verte et un pilier se dirigeant vers moi, j’y envoie le Sindel bouffer de la terre !
Cette fois-ci j’ai le luxe de reprendre enfin mon souffle, enfin jusqu’à ce que les deux elfes se relèvent ensembles. Entre les deux, je suis une proie de choix pour une attaque coordonnée.
(Cette fois-ci, je vais avoir du mal à ne pas être touché !)
(Les marques bleues, marche dessus lorsqu’ils seront sur toi !)
(Quoi ? Mais t’es folle ça fait hyper mal !)
(Et ils la sentiront aussi passer, fais moi confiance !)
Je guette une marque bleue au sol et m’en rapproche lentement, tandis que les deux Sindeldi se mettent d’accord. Parfaitement synchronisés, ils frappent, l’un devant moi, l’autre derrière. Je pare l’attaque de devant avec ma dague et reçois l’autre encore une fois dans mon dos déjà meurtri.
"Quatre touches !" Fait de nouveau la voix.
Je me lance et fais preuve d’une foi aveugle en ma faéra. Je pose le pied sur la marque sans la regarder et un arc électrique nous foudroie tous les trois. La puissance est telle que les deux elfes tombent au sol, ironiquement avec le même synchronisme dont ils ont fait preuve jusqu’alors. Pour ma part, je tiens un peu plus longtemps qu’eux sur mes jambes, avant de finalement pencher dangereusement au sol, ma conscience plongeant dans le noir.
(Si tu tombes sans pouvoir te relever c’est fini ! Tiens bon mon Jorus !)
La présence de ma faéra est un phare dans ce voile obscure qui occultait mon esprit. Il me faut cependant toute ma volonté pour poser une jambe devant moi et rester debout. Même au bord de l’épuisement tant physique que mental, ma poigne ne cesse de serrer cette boîte qui m’en blanchit les phalanges.
VII.12 Intégrer une nouvelle famille.