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Deuxième Arc : L’art de faire parler la Foudre
Chapitre XXVII : Léviathan
La journée dans la Baie des grottes progressa tranquillement : Akihiko s’acharna sur son bout de peau tout en conversant avec la Faëra alors qu’Anthelia était partie chasser sous les indications d’un des membres de l’équipage qui continua à effectuer les réparations sur le navire. En milieu d’après-midi, l’enchanteur fit enfin une découverte qui donna des progrès fulgurants sur le pointage de tatoueur. Avant, lorsqu’il frappait avec le maillet, il actionnait tout son poignet pour donner l’impulsion et tenait fermement son outil en pensant que cela le rendrait plus précis. Mais c’était là une grave erreur : cela n’était pas assez précis dans le dosage de sa force, il lui fallait donner encore moins d’impulsion. Il changea donc sa façon de mouvoir le maillet : au lieu de le lever et l’abaisser à l’aide de son poignet, il calla la tête de l’outil au-dessus du chas de l’aiguille. En se servant de son index comme d’un axe autour duquel bougerait le manche, il contrôla le mouvement de balancier avec son pouce pour faire remonter la tête du maillet et le laisser chuter. L’impact fut alors moins fort que ses précédents essais, donnant un résultat qui lui convint tout de suite. En se calant sur la chute de la tête qui était toujours la même, il put obtenir un impact presque identique à chaque frappe. Quelques calibrages et essais lui permirent de modifier un peu la pression qu’exerçait son pouce pour faire remonter l’outil pour arriver à un pointage qu’il estima parfait. Ainsi, l’enchanteur progressa réellement pour la première fois depuis des jours de pratique. Il arriva à faire une ligne complète de points de la même taille, mais dont l’espacement était lui encore quelque peu irrégulier. Il s’attela donc à cette nouvelle étape, excité de voir enfin des progrès. Ne souhaitant pas perdre le momentum de son apprentissage, il interrompit sa discussion avec la Faëra, remisant à plus tard son apprentissage de sort qu’il trouvait très intéressant pour lui fournir une force de frappe dont il aurait rêvé contre le griffon qu’il avait affronté quelques semaines auparavant.
Le soleil entama sa lente chute vers l’horizon et en fin d’après-midi, Anthelia réapparut avec le fruit de sa chasse. Et quelle chasse ! Deux lapins, une poule d’eau et même une biche qu’elle n’avait pas pu ramener toute seule. Les marins poussèrent des cris de joie en pensant au délicieux repas qu’ils allaient pouvoir manger et l’Earion cuisinier se frotta les mains, heureux de pouvoir travailler sur des ingrédients frais et autres que des poissons. Il s’attela immédiatement à la tâche et après s’être un peu lavé à l’abri des regards, c’est une Anthelia aux cheveux mouillés qui vint le rejoindre.
"Tu m’avais caché ce talent pour la chasse toi ! l’accueillit Akihiko en levant son regard de son cuir.
- Je ne te l’ai pas caché, tu ne me l’a juste jamais demandé. Comment crois-tu que je faisais pour manger lorsque je rejoignais Kendra-Kâr à pied ?
- C’est pas faux.
- Bon, voyons voir ou tu en es avec ces… Euh ?! "
Un air choqué peint sur le visage, Anthelia arracha la peau entre les mains de Akihiko. Tour à tour, elle regarda les séries de points qu’il avait tracées et son visage, avant de le dévisager de ses yeux verts.
"Akihiko… Tu peux m’expliquer ?
- De quoi ?
- Comment tu as pu réaliser ça ? Quand je suis partie y a quelques heures, tu étais incapable de faire deux points identiques et là, tu m’en fais des dizaines et d’une taille presque acceptable. T’as triché hein ? Avoue. Tu savais déjà tatouer avant ?
- Hein ? Mais non ! J’ai juste réalisé que je tenais mal mon marteau. Regarde…" dit-il en joignant le geste à la parole. Il lui expliqua comment il s’était rendu compte de l’inconstance dans le dosage de sa force et comment il avait trouvé un moyen d’y remédier.
"Et voilà comment j’ai fait tout ça. Maintenant, j’essaye de faire des points avec des intervalles plus réguliers pour essayer de mieux placer l’aiguille, mais c’est pas évident.
- Sérieusement… Tu sais combien de temps j’ai mis à atteindre un niveau comme le tien ?
- Non ?
- Un mois. Et encore, je travaillais sur des peaux bien plus épaisses que ça : là où j’étais, on avait que des peaux de sanglier plus épaisses que celles-là. Ca me fait mal de l’admettre, mais tu as l’air d’être plus doué que moi pour ça. Et je parle de talent brut, pas d’expérience. Quand tu auras tatoué autant que moi, tu seras sans doute plus compétent que moi.
- J’ai encore quelques années devant moi alors, rit le jeune homme, fier de lui en entendant les louanges de la tatoueuse magique.
- Mais ne te repose pas sur tes lauriers ; c’est que le début, on va passer à des peaux plus fines et on verra comment tu progresses. Quand tu seras capable de pointer sur une peau aussi fine que celle humaine, on passera à la suite. Un petit peu d’anatomie et beaucoup, beaucoup de dessin. Et à ce moment-là on réunira toutes ces étapes pour ton premier tatouage.
- Parfait, je sais où je vais maintenant ! On y retourne ! "
Meus par une détermination nouvelle, Akihiko voulu se replonger dans ses points mais la tatoueuse l’arrêta. Elle lui dit qu’il fallait qu’il se repose aussi pour reprendre des forces surtout après avoir été malade pendant plusieurs jours. Amy acquiesça pour lui avoir déjà tenu le même discours et son ventre renchérit en émettant un concert de gargouillement. L’enchanteur s’inclina devant tous ces arguments et suivit la jeune femme qui se dirigeait vers l’Earion cuisinier, Vulin. S’il n’avait aucune expérience du dépeçage, il prêta tout de même main forte à l’elfe en s’occupant des divers légumes qui allait servir pour le ragoût de chasse du soir. Il ne put s’empêcher de croquer dans un ou deux morceaux de pomme de terre avant de se faire gentiment rappeler à l’ordre par Anthelia qu’il amadoua avec un autre morceau. Les journées se rallongeant considérablement, c’est sous un soleil couchant que tout l’équipage et les invités se retrouvèrent autour d’un bol fumant, assit sur des rochers autour d’un feu timide qu’ils alimenteraient quand la lumière viendrait à manquer. Le repas se passa dans la convivialité et la bonne humeur générale monta d’un cran quand le capitaine Croane annonça que pour les récompenser d’avoir terminé les réparations le jour-même, ils profiteraient tous de la matinée du lendemain pour se reposer avant de reprendre la mer le lendemain en début d’après-midi. Akihiko se joignit à la liesse générale et après avoir lentement mâché ses premières bouchées pour réhabituer son estomac à de la nourriture solide, engloutit deux bols entiers sous les rires et les boutades des marins. Narem lui offrit même une lampée de sa flasque contenant un liquide rougeâtre. Lorsqu'il porta la boisson à ses lèvres, une douce saveur de bière aux accents sucrés de fruits rouges coula dans sa gorge. Trouvant le breuvage absolument divin, l'enchanteur dut se contenir pour ne pas vider l'intégralité de la flasque. Narem lui dit qu'il s'agissait d'une bière appelée la Rougette, très prisée par le peuple de Wiehl. Il se promit de se procurer une flasque du liquide dès que possible et remercia l'elfe pour le lui avoir fait découvrir. La soirée se poursuivit à la clarté de la demi-lune en petits groupes éclatés à travers la plage. Les deux compagnons restèrent autour du feu, partageant anecdotes et histoires. Le capitaine sortit une pipe et se montra être un conteur remarquable, crachant par à-coups des volutes de fumée bleutée. Anthelia se mit à somnoler et s'adossa sur l'épaule de Akihiko qui ne s'en soucia guère, plongé dans le récit de la rencontre entre le capitaine et une célèbre pirate du nom de Manantill.
La nuit aurait pu se poursuivre ainsi sans qu'aucun incident ne vienne troubler l'atmosphère détendue du bivouac. C'était sans compter le cri de terreur qui fendit la nuit et qui fit se lever toutes les personnes comme un seul homme. L'un des Kendrans demanda d'une voix tremblante.
"C'est... C'était Boris non ? Ça ressemblait à Boris."
Boris était un autre Kendran parti avec un troisième armé de torches exploré une des grottes. On racontait qu'un réseau de tunnels à moitié immergés parcourait toute la baie et que des trésors fabuleux s'y trouvait. Les deux hommes étaient donc partis explorer pour le plaisir une des grottes avec l'espoir que sur un monstrueux coup de chance, ils allaient tomber sur un de ces trésors. Mais malheureusement si le coup de chance fut effectivement monstrueux, ce n'était pas dans le bon sens : un rugissement terrifiant fini de complètement réveiller ceux qui dormaient précédemment. Une silhouette seule émergea une cinquantaine de mètres de là, une torche à la main. Boris. Son autre bras pendait le long de son bras et Akihiko aurait juré qu'il était en sang. L'homme courut désespérément et hurla deux mots avant qu'une imposante silhouette ne se détache faiblement dans la lueur de la nuit.
"UN DRAKARN !"
Akihiko sentit tous les marins autour de lui se tendre à ce nom et à la vu du monstre. Dans un geste désespéré, Boris envoya sa torche à la face du Drakarn, ce qui permit au fulguromancien de se figurer ce qui pouvait bien apeurer autant les marins. Un monstre recouvert d'écailles bleues sur le dessus et blanche sur le ventre. Quatre pattes massives et pourvues de griffes longues comme des dagues. Une longue queue serpentine pouvait se voir avec la lueur de la torche, balayant le sol. Un cou tout aussi serpentin se terminait par une mâchoire impressionnante garnie de crocs et surmontée de deux cornes qui terminaient la longue ligne d'écailles pointues qui hérissaient de la tête à la queue le monstre imposant.
D'une patte, il broya la torche et se fondit presque dans l'obscurité. Il poussa un rugissement terrifiant et fonça à la suite de Boris qui se dirigeait vers eux. Le capitaine Croane hurla
"AUX ARMES !" , dégaina son sabre et ordonna à deux de ses hommes d'aller chercher les harpons dans la cale du navire. Les deux hommes s'exécutèrent alors que les cris de Boris se turent dans la nuit, son ombre ayant disparu sous celle du Drakarn. Akihiko porta la main à sa ceinture et dégaina la Kizoku qui ne la quittait jamais. Il tendit la main et projeta un globe de foudre vers le monstre. L'impact fit mouche et une gerbe d'étincelles éclaira la mâchoire dégoulinante d'un liquide carmin de la bête. La munition n'avait probablement fait aucun dommage au léviathan qui se contenta de tourner un regard rougeoyant vers lui, ce qui lui fit se glacer le sang. Un regard vers la mer lui fit prendre conscience que les marins allaient mettre du temps à récupérer les fameux harpons.
(Je dois leur faire gagner du temps.)
"Anthelia ! Couvre-moi avec tes projectiles !
- Ca marche !
- Enfoiré de lézard ! Tu vas l'payer pour avoir boulotté mes hommes !"
Lame à la main, capitaine et voyageur s'élancèrent vers le monstre qui poussa un hurlement et chargea lui aussi. Deux shurikens de fluides fendirent l'espace entre les deux hommes, l'un fait d'eau et l'autre fait de flammes condensées. Les deux éclatèrent sans faire le moindre mal sur le béhémoth, mais le deuxième eut l'intérêt d'éclairer un peu le monstre ce qui permit au capitaine d'esquiver le puissant coup de patte qui manqua d'arracher sa tête. Il répondit par un coup qui ne fit que riper sur ses écailles et Akihiko, malgré sa lame nimbée d'éclairs, n'eut pas beaucoup plus d'effets.
"Bien tentée petite ! Mais cette foutue bestiole ne craint ni les flammes ni l'eau !
- Continue de nous éclairer !"
Le Drakarn porta cette fois son attention vers Akihiko en essaya de le percuter de son imposante tête. Le mouvement lourd lui permit d'esquiver facilement mais le souffle du vent qui la suivit lui donna de nouveau des sueurs froides. Le moindre impact direct lui briserait sans doute les os. Sa lame n'étant de toute évidence pas adaptée pour affronter un tel monstre, Akihiko roula hors de portée du léviathan et après avoir lancé un autre orbe de foudre à la gueule du léviathan qui n'eut presque pas d'effet, il courut aussi vite que ses jambes lui permettaient dans le sable. Il se dirigea vers la petite alcôve rocheuse dans laquelle il avait dormi et là où se trouvait son marteau. Malheureusement pour lui, le Drakarn était sur ses talons et une respiration rugueuse ne tarda pas à se rapprocher dangereusement de son dos.
(Amy, dis-moi quand...)
(MAINTENANT !) hurla télépathiquement la Faëra en le coupant, prédisant ce que son maître allait lui demander. Sans attendre, Akihiko plongea sur sa droite et entendit une demie-seconde plus tard le bruit de mâchoire se refermant dans le vide. Grâce à la surveillance d'Amy, Akihiko avait sans doute pu s'épargner le désagrément de deux puissantes mâchoires broyant une partie de son corps. Le jeune homme se releva en titubant dans le sable et se remit en position contre le monstre qui lui barrait désormais le chemin de son précieux marteau.
(Bordel.) jura-t-il intérieurement.
Une boule de feu frappa sans faire de dégâts le poitrail du lézard et éclaira de nouveau la scène tandis que le capitaine le rejoignait, accompagné de deux de ses hommes armés de torches et de sabres. Ils éclairaient ainsi le Drakarn qui les scruta prudemment en voyant Anthelia les rejoindre, jaugeant la menace que pouvait causer cinq de ses proies. En surnombre, un plan s'échafauda en un éclair dans l'esprit du fulguromancien qui fit passer sa lame dans sa main droite et amassa des fluides foudroyants dans son autre main qui crépita.
"Anthelia, j'ai besoin de mon marteau qui est dans la grotte pour affronter ce truc. Je vais le distraire et toi tu... ATTENTION !"
Le monstrueux léviathan de huit mètres n'eut pas la gentillesse de lui laisser finir d'expliquer son plan : dans un rugissement, il chargea un des marins porteurs de torches qui s'était trop rapproché. Ce dernier paniqua et fit des moulinets désespérés pour tenter de repousser la bête. En vain. La charge envoya valser le malheureux et l'enchanteur jura avoir entendu un son de craquement. Le corps désarticulé vola sur plusieurs mètres et s'écrasa dans le sable où il ne bougea plus, mort ou inconscient. Le capitaine hurla sa rage de perdre un autre subordonné pendant que Akihiko courrait vers le monstre qui lui présentait son côté en attaquant le marin. Les fluides sortirent de sa main gauche telles des filaments et s'enroulèrent rapidement autour les uns des autres, formant une lance vibrante d'énergie magique. S'il voulait avoir la moindre chance de distraire suffisamment le monstre, il allait devoir frapper vite et fort. C'est pourquoi il activa la Furie de Rana contenue dans la Kizoku qu'il rengaina ensuite pour être plus libre de ses mouvements. Des fluides d'air ambiant se regroupèrent autour de lui pour lui prêter un instant leur célérité. Arrivant près du flanc du monstre, il envoya la pointe de lance en foudre pure s'enfoncer dans sa carapace écailleuse. La lance ne rencontra aucune résistance et plongea dans la chair, faisant pousser un le premier vrai cri de douleur au Drakarn. Avant que ce dernier n'ait le temps de réaliser qui l'avait frappé, le fulguromancien lui avait enfoncé l'arme une deuxième fois. Si l'arme ne faisait que roussir les écailles en apparence, il pouvait bien sentir que le monstre en souffrait. Ce dernier tenta de lui porter un coup de griffe, en se retournant mais Akihiko fut plus rapide et bondit sur le dos de la bête en s'aggripant à une des épines dorsales. Sur son improbable monture, il lui enfonça par deux reprises la lance dans le dos avant que cette dernière ne se désagrège dans une pluie d'étincelles. Le Drakarn rugit de douleur et de fureur et roula sur le dos pour tenter d'écraser le cavalier indésirable. Le fulguromancien abandonna son projet de décharger à bout portant deux de ses orbes et sauta de son dos, non sans qu'une des écailles ne trace une longue estafilade sanglante sur sa cuisse. L'enchanteur atterrit dans le dos de la créature et après une réception peu habile et gracieuse mais néanmoins efficace, il refit face au léviathan et chercha du regard ses compagnons de combats. Anthelia et le capitaine étaient introuvables, le marin restant toujours en vie vu que la lumière de sa torche dessinait toujours l'ombre du lézard gigantesque.
(On recommence !) S'encouragea Akihiko en appelant une nouvelle fois ses fluides.
Sortant des ombres, la longue queue fouetta l'espace et cueillit le mage en pleine poitrine, vidant instantanément ses poumons d'air. L'impact le souleva de plusieurs dizaines de centimètres et l'envoya rouler contre la falaise. La paroi de pierre cogna brutalement sa tête et il sentit un filet de sang chaud couler sur son visage. Akihiko vit flou pendant une poignée de secondes, avant que finalement la vue ne lui revienne, face vers le ciel. Juste à temps pour voir un massif orbe de flammes chuter avec violence sur la plage, à un emplacement qui devait être celui du Drakarn. Se relevant difficilement en respirant difficilement, il vit le léviathan noyé dans un champ de flammes provoqué par le sort qui lui était tombé dessus et malgré sa résistance naturelle au feu, cette dernière attaque ne l’avait pas laissé indemne.
"Akihiko ! "
La voix d’Anthelia raisonna dans l’obscurité mais Akihiko ne put lui répondre, sa bouche aspirant avec grande difficulté les goulées d’air nécessaires au fonctionnement de son cerveau. Dans la pénombre, Akihiko voyait la jeune femme le chercher avec son marteau mais lui, allongé dans la semi-pénombre, ne pouvait espérer être vu aussi aisément. Il généra alors un arc entre deux de ses doigts et créa un flash lumineux qui attira la tatoueuse. La relique dans les mains, elle se précipita vers le jeune homme à terre qui parvint dans la souffrance à murmurer "Gourde…". Anthelia l’entendit et porta immédiatement la gourde du jeune homme à ses lèvres. Une des potions de soin présente, suffisante pour ressouder ses cotes fendues qui le faisaient souffrir, se déversa dans sa bouche. Rapidement, l’esprit et la vision de Akihiko s’éclaircirent et il recommença à respirer normalement malgré une douleur persistante amoindrie, ce qui lui permit de se relever en essuyant le sang coulant sur son front.
"Akihiko comment tu comptes affronter ce monstre ? On n’est pas de taille !
- On n'a pas le choix. Il faut tenir jusqu’à ce que les autres arrivent avec les harpons. La comète de feu, c’était toi ? Tu peux en lancer une deuxième ?
- Non, mes réserves de fluides de feu sont presque à sec, à part une petite boule de feu je ne peux rien lancer… Et encore, je n’ai jamais lancé rien de tel, mais la magie a envahi mon corps en tenant ce marteau et…
- Anthelia, c’est pas le moment ! coupa Akihiko en se relevant péniblement.
Là tout de suite, le capitaine Croane est seul, je vais l’aider sinon on y passera tous ! "
Sans prêter plus d’attention à la tatoueuse, l’enchanteur récupéra le marteau qu’elle lui tendait et s’appuya dessus le temps de voir la situation, peu glorieuse. Le Drakarn se remettait lentement de l’impact de flammes et acculait désormais un marin contre la falaise, à une dizaine de mètres de lui. Le capitaine se relevait lui difficilement à l’autre bout du champ de feu, visiblement encore prêt à en découdre. Et loin derrière, près du navire, des lumières commençaient à apparaître. La cavalerie était presque là... Plus qu'une vingtaine de secondes..!
"EH !! " hurla Akihiko pour attirer l’attention du monstre qui se retourna vers lui pour voir le choc de Valyus le frapper en plein visage, laissant une sévère brûlure sous son œil. Il se retourna vers lui en rugissant et après un coup de queue dédaigneux qui assomma le marin coincé, le léviathan chargea Akihiko à travers les flammes magiques qui commençaient à s'estomper. L’enchanteur envoya un autre Choc frapper le poitrail de la bête qui rugit de douleur quand les trois arcs électriques le frappèrent de plein fouet, mais ça n’interrompit pas sa course pour autant. Il se doutait bien que se faire coincer contre la paroi de pierre ou son poids était la mort assurée. Il ne pouvait pas non plus espérer faire un duel de force avec, ce serait du suicide. Aussi préféra-t-il l’esquiver et roula sur le côté au moment de l’impact. Mal lui en prit : par malchance ou parce qu’il était désormais habitué à ce type de manœuvre, le béhémoth donna un coup de patte griffu balayant la zone vers laquelle il plongeait. Deux griffes se prirent dans la maille de Faerunne, la percèrent et labourèrent le dos de Akihiko avant de le projeter à terre juste devant lui. Le jeune homme hurla en sentant les deux traînées de feu brûler son dos, et il se tordit de douleur sous la violence du coup. Seul le martèlement mental d’Amy lui permit de rester lucide. Ce n’était qu’une question de temps avant que gueule de la bête juste au-dessus de lui ne descende pour l’achever. Son marteau était trop lourd à manier allongé, mais les armes faites de foudre avaient l’avantage de ne peser rien et à cette distance, louper sa cible relèverait du miracle. Une seconde lance de foudre s’agrégea dans sa main libre et dans une frappe de la dernière chance, Akihiko envoya la lance se ficher dans la gueule du Drakarn qui tournait déjà son regard vers sa "pitance". La pointe de foudre traversa de part en part la mâchoire et peut être toucha le cerveau, car le Drakarn n’apprécia pas du tout ce coup qui le fit reculer de plusieurs pas, laissant la possibilité à Akihiko de se relever. La lance fichée dans le corps du léviathan se dissipa rapidement et il darda un regard furieux de douleur vers le fulguromancien. Enfin, autant qu’il était capable de déceler de la colère et de la douleur dans le regard rouge sang d’un animal extrêmement agressif.
Il se remit en position face au monstre qui était de nouveau près à lui rentrer dedans quand un cri de guerre suivi du hurlement de douleur du monstre le fit se retourner. Sa queue fut éclairée par les lueurs des dernières flammes mourantes de la comète et Akihiko aperçut le sabre du capitaine Croane profondément enfoncée dedans. L'enchanteur profita de cette distraction pour s’élancer vers le Drakarn. Ses prises sur le sable étaient loin d’être stables, aussi prit-il bien le soin d’enfoncer largement son pied gauche dans le sable pour ancrer sa position devant la patte avant droite du monstre. La tête du marteau décrivit alors un arc laissant une traînée de foudre, propulsé par la torsion du bassin, du buste et des épaules de Akihiko. Sachant pertinemment que frapper les écailles ne servirait à rien, l’enchanteur cibla l’articulation arrière de la patte, dont l’os saillait sous la peau plus fine à cet endroit-là. L’impact se répercuta dans ses bras à travers le marteau mais lui ne retint que le craquement satisfaisant de la jointure, annonçant qu’un coup enfin décisif venait de lui être porté. Le Drakarn ne savait plus sur lequel de ses adversaires se tourner, aussi décida-t-il de se focaliser sur celui lui causant tant de souffrance et qui était de fait le plus dangereux : Akihiko. Un balancement de son long coup envoya les deux cornes filer droit vers sa poitrine. Akihiko eut le temps de placer le manche de son marteau à l’horizontale pour atténuer l’impact, mais la force du coup le fit assez reculer pour que la queue prenne le relai et fouette l’arrière des jambes de Akihiko. Il tomba au sol, exténué. La pénombre était retombée sur la plage et seuls les grondements de douleurs du Drakarn et sa silhouette indiquait sa position. Ne pouvant se tourner à cause de sa patte blessée, le léviathan tenta d’abattre sa queue sur l’enchanteur au sol, qui esquiva en roulant sur le côté. Il vit alors derrière le monstre dont le corps ne lui cachait plus la vue la lueur des torches annonçant son salut.
La délivrance arriva enfin. Dans un cri de bataille, une boule de feu s’écrasa sur le flanc de la bête, marquant sa position. Aussitôt, plusieurs harpons se fichèrent avec force dans son flanc et ses pattes, pénétrant l’épaisse carapace. Ce nouvel assaut était perpétré par les marins venus en renfort, menés par Anthelia qui leur avait montré la voie en contournant le monstre luttant avec son ami. Plusieurs torches brûlaient, montrant les hommes armés d’au moins deux harpons chacun quand il ne portait pas de torche. Même la jeune femme se joignit à l’attaque, lançant le projectile acéré à une vitesse dont l’enchanteur n’aurait pas cru la tatoueuse capable. La mise à mort commença tandis que le monstre, sous les impacts répétés, s’était couché sur le flanc en se tordant de douleur. Refusant de mourir écrasé par la ruade du léviathan, Akihiko se retourna sur le dos et rampa hors de sa portée, bien que la queue frappât une fois de plus son dos, élargissant ses plaies. Anthelia l’entendit hurler sa douleur et courut le tirer à l’écart. Dans une semi-inconscience, il assista à la fin du Drakarn qui rendit son souffle dans un râle d’agonie, un harpon plus sombre que les autres enfoncé dans sa poitrine. Alors seulement le jeune homme lâcha son marteau et se laissa aller contre la tatoueuse, dont les cris inquiets ne lui parvinrent pas.