" Je ne suis plus une aldronne !!! " Fit Eyriella, passablement énervée par toutes les attentions hors-de-propos dont ses consoeurs aldrydiques faisait preuve envers elle... Certes, elle avait décidé de partir à l'aventure loin du cocon, dans le but officiel de développer sa magie et de découvrir le monde (même si cela n'était pas vraiment le cas, sans mentir, elle avait une autre priorité)... mais elle ne pouvait absolument pas partir chargée comme une mûle !
" Enfin, un peu de confiture de cerise n'a jamais tué personne, et es-tu sûre de ne vouloir que cette petite couverture toute fine pour tenir cet hiver.... ? " Fit la matriache akrilla qui, depuis un quart d'heure, tentait vaillamment de reporter le départ de sa petite protégée.
" Ca suffit ! " Cracha Eyriella en tapant du pied.
" J'y vais, un point c'est tout ! "
Elle ramassa son paquetage, moyennement lourd, et s'élança vers la grande porte d'entrée de Grottenbois.... pour s'arrêter net, se retourner et s'adresser à l'une des aldrydes :
" Vraiment, Chinrrah, tu ne me prêterais pas ta belette de voyage... ? " Dit elle, faisant la moue en une expression qu'elle espérait attendrissante...
" Pour que tu me la ramène toute abîmée ou pas du tout ??! Tu peux rêver Eyry ! Compte là-dessus et bois de l'eau ! " Rétorqua la dénommée Chinrrah.
" Très bien !" Dit Eyriella, fronçant les sourcils et ouvrant grande la porte d'entrée.
" Aventure, me voilà !!! "
Elle prit son envol et peina un moment avec la charge inhabituelle en bas de son dos, avant de remonter à nouveau vers la canopée histoire de faire bonne impression pour son Grand Départ (elle savait très bien que ses consœurs guettaient sa trajectoire). Elle étira ses bras dans un grand rayon de soleil digne d'Avoreen, ce qui lui rappella qu'elle comptait réessayer de se gorger de lumière pour approfondir ses compétences. Mais d'abord, la direction ! Elle s'orienta au sud-ouest grâce au soleil et partit dans cette direction d'un battement d'aile énergique, volant au-dessus des arbres pour aller plus vite. Ce qu'elle fit pendant les premières heures de ses pérégrinations jusqu'au moment où une ombre inquiétante se projetta sur elle : un faucon !
Par pur réflexe -et parce qu'elle avait été alertée-, la jeune aldryde esquiva l'attaque en piqué de la bestiole mortelle et elle-même piqua nous la canopée dans les fourrés, attendant que le faucon se lasse de la traquer. Ce qui lui prit le reste de la journée.
Enervée, Eyriella montait son petit campement de fortune quand elle entendit des bruissements inquiétants. Se tassant par réflexe, elle tâcha de se camoufler pour repérer l'origine du bruit, qu'elle ne tarda pas à découvrir.
(Une biche ! Ouf !)
Une idée émergea alors dans sa cervelle aldrydique...
(Pourrais-je en faire une monture ? Il me faudrait l'amadouer, mais si je ne me trompe pas, celle-là me connait déjà... oui, voilà, je reconnais cette vilaine cicatrice, je l'avais soignée il y a un printemps de cela, une vilaine griffure de loup... va t-elle me reconnaitre ?)
Soigneusement, Eyriella émergea de sa cachette et agita les bras à l'attention de la biche qui... ne la vit pas. Elle continuait de brouter l'herbe tendre du sous-bois, visiblement peu inquiète de son environnement. Alors, la jeune aldryde s'approcha en volant progressivement, jusqu'à ce que la biche relève la tête et la dévisage paisiblement.
" Bonjour ! N'ai pas peur ! Tu te souviens de moi ? De mes mains ? Est ce que tu veux bien que je t'approche, dis moi... ? "
Ayant pour seule réponse le mâchonnement rythmique de la biche, Eyriella décida qu'elle pouvait tenter un petit pouki-sur-le-nez... la biche n'en prit pas ombrage, et Eyriella continua à lui parler tout en la touchant et la caressant à divers endroits, tâchant d'habituer la biche peu farouche à sa présence. Ce qu'elle fit pendant une petite heure, jusqu'à ce qu'une idée germe dans son esprit.
(Pourrais je la dresser à l'aide de ma musique ? Voyons voir !)
Montée sur son dos, Eyriella entama un petit air de flûte de sa composition. La biche remua ses oreilles et tourna sa tête vers elle.
" Tu aimes ? Tu saurais la reconnaître, cette chanson ? "
Elle collecta quelques baies et glands pour elle-même ainsi que pour la biche, lui offrant directement ces victuailles pour l'habituer à sa présence, et décida qu'elle allait dormir avec elle cette nuit, histoire de faire grandir leur proximité et leur intimité.
D'ailleurs, c'est ce qu'elle fit pendant plusieurs jours, passant du temps avec "Bichette", comme elle l'avait surnommée, tâchant de l'habituer à l'appel de son prénom grâce à des récompenses de victuailles ou de caresses.
Au bout d'une semaine, lorsqu'elle disait "bichette", la biche relevait la tête et s'élançait vers elle. Eyriella fut fière de ce progrès, et continua à l'apprivoiser et se décida sur un système de sons afin de permettre à la biche de savoir à quelle allure aller. Pour la direction, Eyriella tâcha de l'habituer à un claquement de doigts près de son oreille. Cela lui prit plusieurs jours, habituant la biche à ce qu'elle reste sur l'avant de son dos, mettant au point son système sonore. Bichette se montrait docile, bizarrement, sûrement qu'elle lui était redevable pour sa blessure soignée et qu'elle le montrait ainsi ?
Dans tous les cas, il ne fallu pas moins de 3 semaines de semi-voyage monté, de
" Noooon, pas par là bicheeeeette, je t'ai dis à GAUCHE " et autres
" mais oui, mais ouiiiii, mais ouiiii mais oui mais c'est une belle bichette à sa mamaaaan ça, c'est qu'elle est intelligente la bichette, c'est qu'elle veut des mûres fraîches, hein oui, hein ouiii ? " de renforcement.
Elles n'avaient jusqu'ici rencontré que peu de créatures nuisibles, Eyriella laissant parfois libre cours aux instincts de Bichette pour leur permettre à toutes les deux de voyager en sûreté.
Un jour qu'elle se félicitait de l'efficacité de sa méthode de dressage, Bichette s'arrêta soudainement pour tendre l'oreille, visiblement inquiète. Il fallut plus de temps à Eyriella pour identifier la source de cette inquiétude : au loin, un long hululement de loup se faisait entendre, à peine un chuchotis. Le bruit venait du Nord-Est, du coeur de la forêt, aussi Eyriella ne perdit pas de temps, elle indiqua l'allure la plus rapide et orienta rapidement bichette vers le Sud-Ouest, lieu de sa destination : Mélisse et rats, le village humain le plus proche. Toutes les deux fendirent l'air à toute allure, bondissant de fourrés en fourrés, mettant le plus de distance possible entre la source des hurlements et elles.
Bientôt, les sous-bois se clairsemèrent et Eyriella se rendit compte qu'elles avançaient vers l'orée de la forêt. Elle devait ainsi prendre une décision : laisser Bichette ici, ou bien l'amener avec elle vers la première cité humaine ? Bichette s'était calmée, et, profitant de la halte, s'était mise à brouter paisiblement. Depuis sa rencontre avec Bichette, Eyriella et elle suivaient un petit cours d'eau qui serpentait plutôt vers le Sud-sud-ouest, et elles ne s'en étaient pas encore éloignées suffisamment pour manquer d'eau.
L'aldryde passa devant le nez de Bichette et s'adressa à elle :
" Veux tu m'accompagner chez les humains ? Suivre ma voie, cheminer avec moi pour le reste de ta vie ? Que la gaie Avoreen m'en soit témoin, je te le demande solennellement ! "
Pour toute réponse, bichette lui passa un bref coup de langue.
" Ahahahahahaa, je prends ça pour un oui ! D'accord, mais d'abord on va faire une dernière chose toi et moi ! "
Et pendant les jours suivants, Eyriella entraina Bichette à répondre à la courte mélodie qu'elle lui avait fait écouter un mois plus tôt : le signal, pour Bichette, de se diriger vers elle afin qu'elle la nourrisse et la papouille ! Cela fonctionna peu au début, puis, à force de patience et de cajoleries, Eyriella parvint à se faire entendre et attirer la biche à plusieurs lieues à la ronde. Ainsi, même si Eyriella laissait bichette à elle-même pendant un certain temps, elle pourrait parvenir à l'attirer de nouveau, en espérant qu'elle ne serait pas allée trop loin. Mais peut être que les humains pourraient prendre en charge sa monture, qui sait ?
Chargée de ses pensées naïves et montée sur Bichette, Eyriella parvint ainsi à l'orée de sa forêt natale et découvrit une plaine bientôt entrecoupées de cultures qui devaient appartenir aux environs de Mélisse et rats, si d'aventure elle ne s'était pas trompée de route.
[Direction -->
Mélicera ]