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Deuxième Arc : L’art de faire parler la Foudre
Chapitre XVIII.1 : Fugitifs
C'est malgré lui que Akihiko finit par s'adapter à la douloureuse odeur des égouts. Avançant dans ce dédale de tunnels de pierre, la petite troupe se dirigeait, il l'espérait, vers le nord. Il n'avait pas revu Anthelia depuis plusieurs semaines mais il espérait que cette dernière ne l'avait pas oublié. Se cacher chez la jeune femme au coeur de la ville alors qu'il était sensé être emmené vers Omyre était une bonne cachette et option pour Ryo. Du moins, c'est ce que Akihiko pensait. Par moment, un torrent de déchets tombait à quelques mètres devant eux et trop peu souvent alimentaire. Non, la plupart du temps, c'était plutôt leurs propres déchets que les oranais déversaient. L'ayant déjà fait lui même durant toute son enfance, l'enchanteur grimaça. Il avait souvent entendu des rumeurs sur des personnes passant par les égouts ou même y vivant, mais il n'y avait jamais fait attention et avait continué à déverser tout ce qui devait l'être dans la grille à quelques dizaines de mètres de chez lui. Qui savait combien de personnes Akihiko avait-il arrosé de ses excréments, ne prêtant que rarement attention à ce qui pouvait se trouver sous la grille ?
(Si tu veux mon avis, pas grand monde. Regarde comment ce gamin se débrouille.) dit la Faëra en interrompant son compagnon dans ses pensées.
Akihiko devait bien admettre que le garçon ouvrant la voie se débrouillait remarquablement bien pour les guider dans les sous-sols de la ville. Guettant tout les sons qui pouvaient venir de la surface à chaque grille, il semblait mût par un sixième sens et s'arrêtait à chaque fois que quelqu'un allait vider ses déchets. Ainsi, l'enchanteur avait cessé de compter les courts arrêts qui avait parsemé leur voyage souterrain, s'arrêtant à quelques pas d'un puits de lumière. Le garçon attendait que le flot de déchets fraîchement odorants ai été déversé avant de rapidement reprendre la marche. C'est ainsi qu'au bout d'une dizaine de minutes, la petite troupe arriva près d'un renfoncement dans les tunnels : étonnamment, ce dernier n'était par jonché des immondices et disposait même d'un petit barrage sommaire pour arrêter les marées de la mer charriant et extirpant les ordures. Derrière ce petit barrage, la jeune fille en robe bleue qui était également sur le toit la veille était entrain d'allumer une bougie, éclairant l'endroit.
Ici et là, plusieurs tas d'affaires étaient entreposés, chacun agencé à coté d'une espèce de couchette faite en planche de bois brisées. Au fond, un autre tas composé de birc et de broc était entreposé. Enfin, "laissé en vrac" était plus approprié, mais l'enchanteur ne s'en soucia pas. Levant les yeux, il distingua un conduit semblable aux autres menant aux grilles, mais ce dernier n'émettait aucune lumière. le voyant lever le nez vers cette curiosité, l'un des enfants expliqua que l'accès menant à la surface au dessus de leur "dortoir" avait été bouché, une construction ayant été effectué à son emplacement. Akihiko trouvait absurde de priver un quartier entier d'un accès aux égouts, mais il n'était pas là pour ça. D'ailleurs, que faisait-il ici de toute façon ?!
"Les enfants, qu'est-ce que vous faites ? On ne doit pas traîner !
- Vohl nous as dit de l'attendre ici, commença la petite fille avant de se plaquer la main sur la bouche.
- Qui ça ?
- Kage, Kage nous a demandé de l'attendre ici.
- Alors qui est ce Vohl ? demanda Akihiko en fronçant les sourcils.
- C'est un... Un ami, un garçon des égouts comme nous. j'ai confondu avec Kage ahah, suis-je bête !
- Mmmh... malgré le fait que Akihiko voyait bien que la petite fille mentait sur l'identité de ce Volh, il n'alla pas plus loin. Il n'avait aucun intérêt à en chercher plus sur cette personne pour le moment et s'assit sur le petit barrage branlant de bois.
Quoi qu'il en soit, on ne s'arrête pas plus de quelques minutes. On a pas le luxe de laisser la garde de la ville nous tomber dessus.
- Dites Akihiko, ce Kage, c'est bien un homme habillé tout en noir comme vous ? demanda Ryo en s'approchant du fulguromancien en train de masser sa cheville endolorie.
- Exact, pourquoi ?
- Parce que je crois que c'est lui qui approche." dit le soldat en pointant du doigt un tunnel perpendiculaire à celui qu'ils avaient empruntés. De la venait en effet l'Ynorien tout vêtu de noir, respirant à grande peine. Étirant deux doigts, le fulguromancien fit vibrer un peu de sa foudre et créa un arc crépitant, éclairant la petite troupe. Les enfants poussèrent des exclamations mi-émerveillées mi-apeurées, mais profitèrent de la nouvelle clarté pour vaquer rapidement à leurs occupations. Kage, lui, eu un léger mouvement de recul, mais se ressaisit rapidement avant de les rejoindre. La petite fille se précipita vers lui et lui rapporta qu'elle avait bien remplit sa tâche, ce que Kage accueillit avec un soupir de soulagement. Il échangea quelque mots avec elle -Akihiko se souvint alors qu'elle s'appelait Yuzu en entendant Kage l'appeler ainsi- et les autres enfants, son ton devant de plus en plus inquiet, avant de rejoindre l'enchanteur. Celui-ci n'a guère aimé ce qu'il a entendu : une histoire de remède, d'antidote, qu'une certaine Hatsu devait boire. Akihiko était presque sûr que c'était bien le nom de la mariée, la femme à l'arc. Un coup d’œil en biais vers Ryo lui apprit que ce dernier semblait lui aussi agité en entendant la discussion. Il n'en laissa rien transparaître néanmoins que Kage se dirigea vers eux.
"Ryo, sache que cette mise en scène était nécessaire pour éloigner définitivement le risque que Talabre ne réitère ses manœuvres douteuses, et n'oblige ta soeur à se marier.
- Vous connaissez mon nom, mais j'ignore encore le votre. Akihiko m'a expliqué que cet enlèvement était un jeu de dupe. Mais je ne comprends pas : pourquoi m'avoir enlevé ? Et comment espérez vous que je ne vous trahisse pas ? Comptez-vous m'acheter ?"
Akihiko ne se souvenait pas lui avoir clairement expliqué que tout ceci était une mise en scène, mais le soldat avait l'air plus perspicace qu'il ne le laissait entendre. Il se mit en revanche à faire des sous entendus à propos d'une trahison de sa part, ce qui fit hausser un sourcil étonné de la part de Akihiko.
"Je n'ai pas le temps à consacrer à ces enfantillages : seul le bien être de votre sœur m'importe. Et vous ne me ferez pas croire, si la moitié de ce qu'elle m'a dit sur vous est vrai, que vous accordez la moindre valeur à l'argent de ce capitaine véreux qui est le votre. Je veux m'assurer de son état. Nous discuterons de ton prix après."
La réponse de Kage surprit encore plus le jeune homme : elle commençait par une réplique dédaigneuse comme s'il se fichait de la trahison potentielle, avant de lui dire qu'ils discuteraient de son prix plus tard. Et au milieu, une pointe d'angoisse laissa comprendre que le sort de la fameuse Hatsu l'inquiétait beaucoup trop pour qu'elle soit en simple inconnue. Cette opération avait donc un double but : à la fois une vengeance, mais également un sauvetage ? Le ton amusé dans la voix de Ryo lors de sa réponse lui confirma que Kage ne lui avait pas tout dit sur la jeune mariée.
"Ainsi vous connaissez bien ma sœur ? Elle ne m'a pourtant jamais parlé de vous... Vous seriez donc un contact assez peu... officiel ? Et... Pourquoi donc vous inquiéter de la sorte ? Et quel est ce remède dont vous parliez plus tôt ?
- Talabre a empoisonné la coupe de votre soeur lors de la libation célébrant le futur mariage...un poison rare, dont il avait prévu une fiole d'antidote. Un antidote pour lui, évidemment, au cas où un imprévu aurait inversé les verres... Il connait aussi votre soeur... Elle aurait pu être assez maligne pour lui imposer d'échanger leurs verres, en signe de confiance, directement devant les invités. S'il n'avait pas l'air de souffrir, c'est que son plan a marché..."
Le tout ne prenait pas un tour que Akihiko appréciait. Yuzu arriva sur cet entrefaite.
"Elle... C'est elle n'avait pas l'air d'aller bien, Kage.
- Alors cela a fonctionné... Elle doit prendre le remède. Et vite ! Il ne lui reste que peu de temps !
- Vous êtes surs de ce que vous avancez ? Le capitaine ne plaisait pas à ma soeur, c'est évident, mais je le crois droit, et juste ! C'est un atout pour l'armée d'Ynorie !
- Voilà la preuve que non, Ryo... Il l'a empoisonné. Et il projetait de vous tuer : vous étiez sa monnaie d'échange pour obliger votre soeur à l'épouser malgré sa répulsion. Vous connaissez Hatsu : elle se serait enfuie mille fois déjà si quelque chose ne l'avait pas enchaînée à ce mariage. Quelque chose, auquel elle tenait plus que tout. Vous."
Ryo se tut un instant, le temps pour lui d'assimiler la nouvelle de sa valeur dans l'odieux procédé qu'avait mis en place Talabre pour parvenir à ses fins. Kage lui tapota l'épaule, comme pour le consoler. Akihiko lui avait la désagréable impression que toute cette histoire cachait quelque chose. Il avait vu Kage glisser une curieuse bouteille dans la poche intérieure de Talabre peu après qu'il lui ai subtilisé sa bourse et son trousseau de clé. Cette bouteille, s'il avait bien tout compris, devait être le fameux antidote. Mais alors pourquoi Talabre aurait-il empoisonné deux coupes s'il n'avait pas l'antidote à ce moment là ?
(Cet empoisonnement serait-il l'oeuvre de Kage ? Non difficilement croyable... Mais je ne vois pas d'autre solution.)
"Remettez-vous... je vais veiller sur votre soeur. Vous, vous devez sortir d'Oranan. Mais avant : prenez ceci. Akihiko, remettez aussi votre insigne à Ryo, s'il vous plait, ainsi que les manchettes du Tonnerre d'Omyre, maudit soit-il. Elles sont authentiques. Nous n'aurons plus besoin de ceci."
Toujours en proie au doute, Akihiko remit néanmoins les bijoux au soldat : moins il portait de l'équipement affilié à la Déesse noire, mieux il se porterait. C'est dans un sourire sans joie que Kage poursuivit, prenant Ryo par les épaules.
"Félicitation, Ryo. Vous venez de venir à bout de l'élite omyrienne. Vous avez terrassé deux membres prestigieux du Tonnerre d'Omyre. Il faudra vous comporter comme tel : la fierté que vous pourrez afficher sera votre fardeau... j'espère que ce ne sera pas trop lourd à porter.
Une fois que votre sœur sera saine et sauve, je pourrai vous conduire à la sortie des égouts sur l'océan. Vous devrez ensuite attendre quelques jours avant de vous présenter aux portes. Et tâchez d'être prêt à être traité en héros. Et maintenant... pardonnez-moi... je dois veiller sur quelqu'un qui m'est cher... et je prie tous les cieux de Rana qu'elle ai trouvé le moyen de confondre Talabre.
Kage, attendez, l'interpella Akihiko, prenant enfin la parole depuis son arrivée.
Je ne suis pas certain que sortir soit la meilleure des solutions. Les gardes de la ville sont déjà sûrement en train de se mobiliser pour arpenter les alentours de la ville à notre recherche : sortir par la mer et essayer de se cacher au petit bonheur de la chance, ce n'est pas un plan pour moi. Se cacher ici non plus : passer par les égouts ou s'y cacher, nos poursuivants vont aussi y penser : et je doute que nous puissions nous y cacher bien longtemps. Non, pour moi, il faut se cacher dans la ville. Devant le regard interdit de Kage et Ryo, Akihiko poursuivit :
Réfléchissez : quel est le dernier endroit où chercher un un agent d'Oaxaca et la personne qu'il a enlever ? Dans la ville même ! Normalement, nous ne sommes pas bien loin de la sortie du quartier Nord, non ? Yuzu acquiesca.
Alors voilà mon plan. J'ai une connaissance dans ce quartier. Anthelia, une tatoueuse magique. Néanmoins, elle a dû fermer il y a peu son commerce car elle n'arrive plus à se fournir en encre magique pour une raison que j'ignore. Je vais y mener Ryo et attendre avec lui que la nuit se calme. Si Anthelia accepte de le cacher quelques jours, ça serait pour le mieux : sinon, je l’emmènerai chez moi durant la nuit, en essayant d'éviter les patrouilles.
- Mais monsieur Akihiko, les gardes vont pas vous reconnaître comme ça ?
(Futée la petite.) complimenta Amy.
- Habillé ainsi, c'est le cas. Mais si on retire quelques petites choses..."
Akihiko se dévêtit alors de sa tenue sombre, révélant alors sa tenue plus habituelle et sa cotte de Faerunne. Utilisant un peu de l'eau contenue dans sa gourde et le tissu rêche de la tenue sombre, il se nettoya rapidement le visage et décrassa le marteau de Valyus. Il enleva ensuite le fourreau de tissu de la Kizoku, dévoilant ainsi l'arme connue de la grande majorité des Ynoriens. Cette dernière n'échappa pas au soldat dont le regard brilla en découvrant la fameuse lame qui avait dû bercer les contes de son enfance.
"Je suis maintenant Akihiko Yoichi, et je n'ai rien qui pourrait me rapprocher de près ou de loin au Tonnerre d'Omyre. Dans cette tenue, à moins de tomber sur un garde de la milice de Talabre qui ai vu le marteau et le reconnaisse maintenant qu'il est nettoyé et à moitié caché par ma cape, personne ne pourra faire le lien.
- Oui, mais et moi ? demanda Ryo.
- On va changer un peu ton apparence. La tenue d'apparat de ta famille, c'est vrai que ce n'est pas très discret... Très bien. Enlève ton pantalon et ta veste, dit Akihiko en commençant à enlevant ses bottes pour retirer son propre pantalon, d'un tissu brun.
- Quoi ?!
- Exécute toi, c'est tout !" grommela l'enchanteur. Une fois l'échange terminé, Akihiko portait désormais un pantalon noir finement brodé d'or sous sa cotte de maille et ses jambières elfiques alors que Ryo était vêtu d'un pantalon brun et une fois dévêtu de sa veste or et noir au couleurs de sa maison, ne portait plus qu'une tunique grise de bonne facture.
(C'est que c'est vraiment confortable les braies dans un tissu noble !) ne put s'empêcher de remarquer Akihiko à sa Faëra qui répondit par un soupir mi-dépité, mi-amusé.
"Et voilà : tu ne ressemble plus qu'à un jeune homme comme un autre, tant que personne qui ne t'ai vu ne fasse trop attention à toi. Mais ta description va sûrement se résumer à ta tenue et à la mienne, donc à moins d'un monstrueux manque de chance, on ne nous reconnaîtra pas dans la rue.
- C'est vrai que mon apparence à bien changé...
- Certes. Kage, que penses-tu de ma solution ? Anthelia ne saura évidemment pas les vraies raisons de la présence. Je lui dirait qu'il a fuit de ses parents temporairement, ou une quelconque raison obscure. Si elle refuse, je le guiderai chez moi. Cela me semble toujours une meilleure solution que se risquer dehors... se tournant vers le soldat, l'enchanteur lui fit signe de l'attendre.
Dans tout les cas tiens-toi à partir, je m'entretiens quelques instants avec Kage."
Le jeune homme acquiesça et les deux homme s'éloignèrent un peu du groupe. Kage le suivit, sans savoir de quoi son complice allait bien pouvoir lui parler.
"Je ne te cache pas que cette histoire de poison et d'antidote ne me plait pas du tout. je t'ai vu mettre cette bouteille dans la poche de Talabre. C'est sensé être l'antidote n'est-ce pas ? J'espère que tu sais à quoi tu joues Kage. Je ne suis pas voyant ou médium, mais je sens bien qu'il y a de nombreuses choses dont tu ne me parles pas. Comme ta relation avec cette Hatsu par exemple... laissant quelques instants flotter le temps de chercher ses mots, Akihiko releva son regard bicolore vers le jeune homme. Il voulait faire peser tout le sérieux de la situation pour lui dans ses mots.
Je serai au Sablier du Temps ce soir, après avoir mit à l'abri Ryo. Si je suis obligé de fuir avec Ryo ou si pour une quelconque raison je suis incapable de rejoindre le sablier, reviens le lendemain et les soirs suivant. Tu auras des nouvelles de ma part soit de cette manière, soit en même temps que les autres à l'annonce de notre capture. Là-bas, on fera le point sur la situation et j'espère que tu seras un peu moins avare en informations."
Akihiko testa sa cheville et vit qu'elle répondait déjà un peu mieux, aussi se tourna-t-il vers l'instigateur de toute cette histoire, prêt à entendre sa réponse.