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Les paumes ouvertes, Morrigane fit apparaître deux boules de flammes dans sa main. Les yeux perdus sur ces objets, elle se demandait comment arriver à leur donner une vie propre. Elle essaya d’instiguer les fluides lentement à l’intérieur des boules mais elles devinrent bleues, preuve qu’elles étaient juste plus chaudes. Morrigane réessaya, plusieurs fois, pour le même résultat. Elle ne comprenait pas. Cependant ce problème accaparait tellement son attention qu’elle ne s’énerva pas une seule fois, cherchant plutôt à trouver des solutions. Au contraire, elle était terriblement stimulée et elle s’amusait. Lors de sa dernière tentative elle reprit l’opération avec une telle concentration, un tel contrôle du débit dans la libération de son fluide qu’elle réussit. Deux boules de feux jaillirent de ses mains et elles pu les laisser là, flotter quelques secondes devant elle. Ravie, un sourire se dessina sur son visage alors que Rodryk rentra au même moment. Lorsqu’elle le vit, elle se rappela pourquoi elle avait si vite voulu se plonger dans la magie pour ne pas céder à ses comportements anti-sociaux. D’un geste elle fit s’évaporer les boules enflammées.
Le visage sombre, l’homme lui raconta dans les moindres détails ce que le prisonnier lui avait révélé. Il faisait partie d’un groupe de mercenaire engagé pour kidnapper Faustin. La garde de l’homme était de mèche et c’était la raison pour laquelle cela s’était si bien passé lors de leur attaque sur l’exploitation viticole. Comme ils le savaient déjà ils eurent un souci de véhicule lorsque la roue de la carriole se brisa.
« Le début on connait. Vas à l’essentiel. »
L’histoire fut la suivante. Les deux frères bandits avaient suivis Morrigane et Rodryk jusqu’au village après qu’ils eurent été vu, fouinant près de la carriole, mais ils n’étaient pas seuls. Deux autres hommes les accompagnaient. Ne sachant pas ce qu’ils allaient trouver dans le village ils laissèrent les deux autres en retrait convenant que s’ils ne revenaient pas ils iraient chercher du renfort. Leur campement n’était pas très loin, à une demi-journée, alors « la cavalerie » devait probablement déjà être là, ou au moins à proximité.
« Je comprends maintenant pourquoi Randall a été retrouvé mort. Ils ne voulaient pas nous laisser l’occasion d’appeler du monde en renfort. »
« Oui… D’ailleurs Ezhaï n’est pas non plus rentrer de la chasse. »
La magicienne aceeuillit la nouvelle avec une certaine inquiétude. Elle se sentait en danger.
« Ils vont nous exterminer. Comme ils l’ont fait pour les travailleurs de Faustin…. »
« Je ne sais pas quoi faire. »
« On a pas le choix. On va réagir. »
« J’y ai pensé. Je ne doute pas que les gens du village voudront défendre leurs vies. Mais nous sommes petits. Combien seront en mesure de se battre ? Une quinzaine ? Avec des fourches et des coutelas émoussés ? Avec des gens qui, pour la plupart, ne se sont jamais battus de leur vie ? Même si on avait l’avantage du nombre je ne suis pas sûr qu’on réussira contre des bandits."
La magicienne plissa les yeux aux propos de Rodryk, désabusée et intriguée par le fait que ce soit cette solution qui lui soit venu en tête quand elle avait parlé de réaction.
« Je ne parlais pas de se battre. On leur donne Faustin, comme ça, ils n’auront plus aucune raison de s’en prendre à nous. »
« Quoi ? Je ne ferais jamais ça ! »
Morrigane eut envie d’étrangler son frère. Elle ne comprenait pas les gens normaux. Pour elle, il n’y avait absolument aucun sens à se mettre ne serait-ce que quelques secondes en danger pour quelqu’un d’autre et en plus de cela, gracieusement.
« Toi tu es émotif. Moi, je suis pragmatique. Ce type, on le connait à peine. On ne va pas risquer la vie de tout un village pour celle d’un riche bourgeois inconnu jusqu’à hier ? »
« Comme si tu en avais quelque chose à faire de la vie des villageois. » râla le frère Desembrumes.
« Mais je tiens à la mienne pas toi ?»
Un grand silence s’imposa dans la maison. Une ou deux minutes passèrent durant laquelle les deux personnages réfléchissaient.
« Désolé Morrigane, mais ce ne serait pas juste pour lui... On va se battre. »
Morrigane regarda Rodryk d’un air sévère mais ne dit rien. Elle était complètement en désaccord avec son frère. Cependant, elle le connaissait et savait qu’il serait inutile d’essayer de le convaincre. Elle le connaissait bien et quand il pensait faire la chose « juste » , personne ne pouvait l’arrêter. Morrigane trouvait cela complètement insensé. Dans son monde à elle, une telle posture ne présentait aucun intérêt.
« Je vais réunir ceux qui sont aptes. » Dit-il en commençant à s’éloigner. «
Ah et au fait, ça va ? »
Morrigane leva doucement les épaules, perplexe.
« Pourquoi ça n’irait pas ? »
« Tout à l’heure tu as faillis… te laisser emporter.»
« Pas besoin d’en parler. C’était rien. » mentit-elle. Elle n’avait pas envie de s’entendre faire la morale à cet instant. Il y avait des choses plus urgentes à régler.
L’homme resta un moment à l’observer avant de conclure.
« D’accord. »
Rodryk s’était déjà projeté dans le village pour réunir ceux qui étaient capable de tenir une fourche, un coutelas, un gourdin ou n’importe quoi leur permettant de se défendre. Dehors, le soleil se couchait, amenant avec son sommeil imminent des ombres de plus en plus pressantes. Probablement que les mots de Rodryk amèneraient cette même peur dans les entrailles des villageois. Morrigane avait profité que son frère soit occupé à réunir et prévenir les hommes pour jeter son corps dans les artères du petit village. La magicienne s’était invitée auprès de Faustin qui avait l’air préoccupé, à en juger par ses mouvements mal assurés et ses ongles rongés. Il était là où Morrigane l’avait laissé, mais cette fois, il était debout, faisant les quatre cent pas.
La brune, rusée, s’approcha de l’homme de son ton agréable soigneusement façonné. Elle savait que pour aborder un sujet difficile, il valait mieux l’amener avec douceur.
« Faustin ! Quel plaisir de vous croiser ! Comment vous sentez vous ? »
« Ca va… Je crois.»
Néanmoins, la magicienne ne tint pas longtemps sa posture. Il n’ y avait personne aux alentours, et elle ne comptait pas vivre avec ce Von Boeth alors, rien ne l’obligeait à lui paraître agréable. Elle abandonna donc son masque et les détours d’une conversation futile dans le but d’obtenir ce qu’elle voulait. La situation était de toute façon critique.
« Partez ou rendez-vous à vos ravisseurs ! »
Faustin ouvrit grand les paupières. Choqué et déstabilisé par les paroles et le soudain changement d'attitude de Morrigane.
« Quoi ? »
« Vous avez très bien entendu ! » Ici il y a des personnes qui ont une vie tranquille et qui n’ont rien cherché d’autre durant. Aujourd’hui, mon frère est prêt à les faire mourir pour vous. Ce n’est pas juste pour eux ! »
L’homme sembla vraiment touché par ces paroles. Il baissa la tête entre ses épaules devenues lourdes.
« Croyez-moi, je suis désolé, vraiment. Je n’ai pas voulus ça. Mais peux pas sciemment me livrer à ces criminels. Ils vont me tuer. »
« Ils veulent votre argent. Ils ne vous tueront pas. »
« Qu’est-ce que vous en savez ? » se rebiffa quelques peu le bourgeois.
« J’ai un cerveau, je réfléchis, et la chose me paraît évidente. Vous seriez mort comme vos employés si ça devait être le cas. »
Il y eu un grand silence dans lequel il semblait que Faustin se mit à réfléchir. Morrigane le fixait sans ciller en attendant qu’il dise quelque chose. Prête à réattaquer.
« Vous avez raison, je ne peux pas laisser des gens mourir pour moi. Je me battrais à leur côté. Mais je vous en supplie ne me demandez pas de me rendre. »
Morrigane leva le menton pour observer l’homme de biais. Rien qu’en observant son visage, elle comprit que jamais il ne se rendrait. Ses yeux suintaient de peur. Alors, sachant la cause perdue, la magicienne tourna sur ses talons et s’éloigna, sans aucun mot de plus, sans aucune forme de politesse. Elle n’aimait pas perdre son temps…
Le soir venu, quelques hommes s’étaient rassemblés, armés de leurs outils quotidiens. La petite quinzaine de braves était plutôt hétéroclite, allant des très jeunes aux hommes grisonnants, qui avaient encore assez de hargne pour s’imaginer faire jeu égal avec des bandits rompus à l’art du meurtre. Faustin était aussi parmi eux, comme il l’avait promis. Morrigane aussi, malgré les protestations de la majorité des hommes qui prétendaient que cela n’était pas là. Ils attendaient, certains tremblants, face à leur destinés armés de fourche, de faux, de coutelas, de gourdins, ce qu’ils avaient pu trouver sous la main. Rapidement, alors que la nuit commençait à poindre. C’est le moment que choisirent les bandits pour s’approcher. D’une colline proche, il purent voir les flambeaux scintillant descendre dans leur direction. Ils formaient eux aussi un groupe, d’une petite dizaine de combattants. À le différence qu’eux, étaient armés d’armes faites pour tuer. Epée, masse, hache. L’un d’eux, qui semblait être leur leader, montait un cheval en tête de fil. Les deux groupes armées firent jonction et alors, l’homme sur le cheval prit la parole, après les avoir tous jaugé.
« Bon. J’vais pas passer par quatre chemin ! Vous avez un mec qui nous intéresse. Livrez le et on épargne votre village. »
La voix de Rodryk s’éleva.
« Non. Vous avez tué l’un de nos fils, vous paierez pour ça. »
Le bandit secoua la tête dépit.
« Et vous vous avez pris la vie des jumeaux, deux de mes meilleurs gars, qui avaient leurs réputation… Croyez-moi, c’est plus qu’une fleur que je vous fait. Le petit Von Boeth va nous rapporter plus de fric que piller votre village miteux. Nous on gagne du temps et vous aussi… sur votre vie. »
« Nous sommes des hommes braves, comme nos ancêtres avant nous. Nous ne reculerons pas devant la mort. »
C’est le moment que choisis Morrigane pour intervenir.
« On vous le donne ! »
Une vague de stupeur envahi le petit groupe.
« Tu dis ? » répondit le chef bandit en mimant exagérément qu’il tendait une oreille.
« Faustin Von Boeth. On vous le donne, si vous nous épargnez ! »
« Mais… Quoi ? Non ! » s’exclama Rodryk le visage ahuri.
« Si ! C’est ce que nous allons faire ! » reprît la magicienne d’un ton dur.
« Je refuse de céder. »
« Ce n’est pas à toi de décider ! »
Le chef des bandits l’air passablement épuisé par la petite querelle fit de nouveau entendre sa voix puissante.
« Bon alors ! Vous allez vous mettre d’accord ? On n’a pas que ça à faire nous. On doit vous buter ou pas ?»
«
Demandons à ceux qui sont présent leur avis sur la question. » Reprit Morrigane en jetant à Rodryk un regard de défi.
Et aussitôt dit, elle se tourna vers le groupe.
«
Choisissez ! Leur livrer Von Boeth pour vos familles où risquer votre vie pour cet inconnu. »
Une poignée de seconde n’eut pas le temps de s’écouler que des bras se saisirent de Faustin qui, depuis le début, tentait de se dissimuler au milieu des hommes.
« Non ! Arrêtez ! Pitié ! »
Sans ménagement, l’homme fut jeté au pied des bandits par deux solides gaillards du village qui n’avaient manifestement pas envie de perdre la vie pour cet homme. Il tenta de se relever pour s’engouffrer au sein du petit groupe mais les hommes le repoussèrent violement en l’insultant.
« Mais casses toi ! »
« On ne veut pas de tes problèmes ! »
« Allez vas ! Vas ! Dépendeur d’andouille ! »
Deux bandits vinrent alors le maîtriser. Faustin se débâtit, hurlant de désespoir, les larmes aux yeux.
« Pitié ! Je vous en supplie ! Ne les laissez pas me prendre ! »
Un sérieux coup de poing dans le ventre vînt le plier en deux et étouffer ses jérémiades sous des gémissement plaintifs. Alors qu'il se faisait bâillonner et que ses mains étaient attachées à une longue corde que trainerait le cavalier, ce dernier s’adressa au villageois.
« Sage décision ! Remerciez cette femme. C’est grâce à sa jugeote que vous évitez une nuit d’horreur. »
Puis il fit pivoter sa monture.
« Allez ! On y va. »
La colonne s’éloigna alors aussi lentement qu’elle était arrivée, avec, cette fois, un prisonnier qui la suivait au son de ses plaintes désespérées. Morrigane regarda un instant Rodryk. L’homme était choqué, figé, et regarda s’éloigner la troupe l’air ému. La magicienne fit une moue dépréciative et se tourna vers les villageois. Ils avaient l’air soulagés pour la plupart. Le père de Tobias, tué par ces mêmes hommes, regardait les bandits s’en aller avec une certaine émotion. Lorsqu’il se détourna, son regard vint croiser celui de la magicienne. Elle devina sa pensée.
« L’un d’entre eux est encore prisonnier, faîtes ce que vous voulez de lui si cela peut apaiser votre peine. »
Ainsi, celle qui venait d’affirmer,son statut de chef de la communauté avait parlé. Elle tourna les talons et s’en alla, lassée de jouer le rôle d’une « Mère » bienveillante. Elle rentra vers son refuge, sans qu’aucun villageois n’ose venir lui parler sur le chemin au regard de la mine dure qu’elle arborait. Elle alla rapidement se cacher chez elle où, personne ne vînt la déranger. Pas même Rodryk qui, elle l’imaginait, devait calmer loin la colère qu’il avait pour elle. Son attitude avait profondément déçu Morrigane. Elle le trouvait irrationnel et cela la mettait profondément en danger.
Comme prise d’une nouvelle obsession, elle laissa ces réflexions à plus tard pour aller ouvrir de nouveau son grimoire de magie. Après une énième relecture de la page consacrée aux sorts et des conseils du rédacteur qu’elle contenait elle se remit à la pratique. Elle se concentra revenant à l’étape qu’elle maitrisait déjà. Deux énormes boules de feux apparurent dans chacune de ces paumes tendues. Elle essaya de se détacher de sa magie et elle recula, laissant les boules flotter devant elle. Mais elles ne bougèrent pas, flottant, immobile. Alors Morrigane essaya de se reconcentrer sur magie en essayant de ne faire qu’un avec ses fluides. Alors deux boules se mirent à s’animer suivant le regard de magicienne. Elle monta les yeux, les baissa, tourna sur elle-même, et les boules de flammes suivaient chacun de ses moindres mouvements. Alors à nouveau, elle tenta de se détacher de sa magie, et les boules s’arrêtèrent, flottant à mi-distance. La jeune femme réfléchissait un instant. Elle ne voyait pas comment faire pour insuffler un comportement autonome à sa magie. Prise de fatigue, la tête encore lancinante de l’enorme coup sur la tête reçu la veille elle préféra aller se coucher.
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