VIII 18 Information de tablée
VIII 19 Le pouvoir de Tulorim
J’arrive haletant aux portes de la milice. Contrairement aux cités comme Oranan ou Kendra Kâr, on ne me fixe pas à mon arrivée. D’autres shaakts sont d’ailleurs présents, ainsi que des garzocks. Je cherche du regard la personne qui pourrait éventuellement me renseigner concernant les personnes mises en détention. Un homme, derrière un comptoir semble faire cet office. Une armure de bonne facture à l’effigie de la milice de Tulorim, les cheveux bruns à peu près coiffés, sa barbe est taillée tandis que la moustache semble particulièrement touffue. D'une corpulence plutôt bonne, il est cependant difficile de déterminer s’il est plus gras que musclé. Occupé à rédiger un parchemin, je tape de petits coups sur le bureau à mon arrivée, pour capter son attention.
"C’est pour quoi ?" Me demande-t-il simplement.
"Une femme aurait été enfermée il y a peu. Elle devrait se nommer Sylve. Est-ce qu’elle se trouve ici à tout hasard ?" Fais en allant au vif du sujet.
"Ca se pourrait ! En quoi ça vous regarde ?" Réplique-t-il.
"Si s’agit de la personne que j’ai en tête, je souhaiterais savoir comment je peux la faire sortir d’ici." Lui dis-je.
"La faire sortir vous dites ?" Reprend-il, alors que je discerne dans ses yeux une lueur qui ne me plaît pas.
"Dans ce qui il vous faudra payer ses réparations et amendes à sa place ! Votre nom ?"
"Nhaundar Zanakfein. Et cela monte à combien ?" Fais-je inquiet.
"Voyons…" Il sort de son tiroir une liste que je ne suis pas en mesure de lire.
"Destruction de bien publics et privés…refus d’obtempérer…agressions du personnel des quais et gardes agréés par la milice…engendrant une mise à pied de plusieurs jours et…préjudice moral." Alors qu’il semble compter, j’ai bien vu que quelque chose cloche à la lecture. Comme s’il était en train d’inventer au fur et à mesure.
"A cela il faut aussi rajou…" Déclare-t-il avant que je ne l’arrête.
"Un instant. Avant que je n’accepte de payer, il vous faudra me présenter la personne. Je ne compte pas débourser quoi que ce soit pour une inconnue."
"Désole, mais seuls les gradés de la milice y ont accès !" Refuse-t-il.
"Et si on s’arrangeait tout les deux ? Si ce n’est pas elle, je vous file un dédommagement."
Dans ses yeux je perçois de l’hésitation. Si la proposition semble l’intéresser, quelque chose l’empêche d’accepter l’offre. Le gain est facile, mais il doit y avoir une conséquence l’empêche d’y accéder. L’homme est-il intègre ? Si c’était le cas, il ne serait pas en plein doute. Un petit coup de pouce pourrait l’aider à pencher en ma faveur. D’un geste discret, je porte ma main à ma bourse de yus pour n’en sortir qu’une unique pièce, mais en argent. Cent yus porté à son regard et offerte gracieusement. C’est ce qu’il pense en portant sa main pour l’attraper, mais un geste de retrait l’en empêche.
"Amenez-moi à elle je vous prie et elle sera à vous !" Dis-je dans un murmure audible uniquement pour lui.
Cette fois-ci, l’appât du gain est plus fort et ordonnant à un milicien de prendre sa place un bref instant, il m’invite à le suivre. Je crains un instant qu’il ne s’agisse que d’un guet append, dans le seul but de subtiliser le reste de mes yus. Non, à défaut d’avoir l’intégrité d’un milicien honnête et droit, il a au moins le sens d’un accord verbal. Je débouche dans le quartier des cellules, au vu des nombreux barreaux présents et de l’attitude mauvaise des résidents à la présence du milicien. Nous nous arrêtons dans une pièce où une femme y est assise, prostrée contre elle-même, cachant son visage derrière ses jambes. Des cheveux blonds longs et un physique proche de celle que j’espère retrouver me font battre mon cœur.
"Hey la blondasse ! Y’a quelqu’un pour toi !" Déclare le milicien.
"Allez tous vous faire foutre !" Lâche-t-elle dans une attitude complètement résignée, mais dont la voix familière et confirme l’identité.
"Quel accueil ! J’ai connu mieux de ta part !" Fais-je amusé de la voir dans une telle situation, mais bien décidé à l’en faire sortir.
A ma voix, la semi-elfe lève la tête dans ma direction et ses yeux rougis par les larmes prennent la forme d’un profond soulagement. Elle se lève précipitamment et se rue sur moi, enfin sur les barreaux qui nous séparent.
"Nhaundar ! Tu es en vie !" Sourie-t-elle proche de moi.
Je perçois son souffle sur ma peau et son odeur enivre rapidement mes sens. Trouver un moyen de la libérer devient une rapide nécessitée. De son côté, le milicien s’inquiète de notre accord.
"Dis, t’as pas oublié quelque chose ? Pas la peine de chercher à la libérer, je n’ai pris aucune clef avec moi !" Cependant, il est rapidement interpelé par les autres prisonniers. Autour de nous, ceux-ci s’en donnent à cœur joie pour mettre une ambiance malsaine en nous voyant moi et Sylve près l’un de l’autre, ce qui agace fortement le milicien qui m’a accompagné.
"Taisez-vous sales rats !" Hurle-t-il en frappant les mains tenant les barreaux d’un bon coup de pied maîtrisé par l’expérience du geste.
"Nhaundar, ils ne comptent pas me faire sortir, je…je veux rentrer chez moi !" Me chuchote-t-elle les yeux implorants.
La libérer ?Bien que c'est précisément ce que je compte faire, on ne sort pas des cellules d’une milice comme ça. Mais l’impossibilité pour elle de sortir des emmerdes où elle se trouve prouve qu’il faut improviser au fur et à mesure. User des droits dans une ville comme Tulorim est une perte de temps et surtout d’argent. Mon esprit réfléchit à toute vitesse et si j’ai peut-être une idée de comment ouvrir sa prison de fer, il me faut de quoi détourner l’attention du gardien. L’idée me vient, ou du moins, j’ai un accord à respecter. Prenant ma bourse, je laisse sortir une pièce d’argent et l’envoie au milicien, le remerciant. Hélas, mon geste est étrangement malhabile et la pièce se retrouve près d’un des barreau d’une cellule. Les mains vives de plusieurs résidents se précipitent sur le disque d’argent. Le milicien fait de même et rapidement une lutte se fait entre les deux côtés des barreaux. De mon côté, j’interpelle la semi-elfe. Je porte mes bras entourant le verrou, mais je change d’avis en prévision de la suite.
"Met tes mains ainsi !" Dis-je en imposant à la captive mes directives.
Celle-ci m’obéit et canalisant mes fluides dont ceux de terre pour générer mon sort, le corps de ma camarade se pare d’une enveloppe de pierre, de même que ses bras qui, dotés de cette protection lourde, brise le verrou qui la retient. Une bonne chose de faite. L’espoir renaît dans ses yeux et lorsque je lui désigne le milicien sur le point de perdre sa lutte, désavantagé par le nombre, une fureur vient prendre place dans son regard. D’un coup sec, elle libère ses bras des barreaux fragilisés et s’en vient remercier le milicien pour son séjour par un revers de droite renforcée par la pierre. Frappé à la tête, l’homme tombe au sol sous les hourras des prisonniers.
"Ne perdons pas de temps !" Lui dis-je.
Nous reprenons la route, l’esprit tournant à une allure folle. De l’autre côté de cette porte, de nombreux miliciens sont présents. J’arrête l’elfe et plonge mon regard dans le sien.
"Il y a un ennemi dehors, particulièrement dangereux : la justice de Tulorim ! Face à un ennemi aussi dangereux, il faut un calme à toute épreuve et l’esprit vif, comme tu le ferais pour remporter tes duels à l’épée. Garde en tête que tu es libre à présent. Le milicien t’a lavé de tout soupçon donc tu n’as aucune raison d’être inquiétés par les miliciens présents." Vive d’esprit, elle comprend rapidement que je l’oriente pour forcer son esprit à être aussi calme que face au danger du combat. "Une dernière chose…fait toi la plus belle possible pour détourner l’attention des hommes !"
D’un sourire en coin sur son visage en me regardant, elle défait les liens d’un de ses brassards en me suivant. J’inspire fortement pour chasser la tension qui m’habite et ouvre la porte pour arriver là où j’ai interpellé le milicien la première fois. Bien entendu, les regards se portent sur nous, étrange couple dénué du milicien qui m’accompagnait. Rapidement, je vois l’homme qui a remplacé son confrère actuellement dans le royaume des songes et des maux de tête. Celui-ci paraît inquiet en nous voyant et je préfère devancer une potentielle réaction de sa part, pouvant appeler les gardes pour nous appréhender. Je prends un air et un ton soulagé en le voyant.
"Ha vous êtes encore là, parfait ! Tenez, votre collègue m’a parlé des frais de gestion pour la sortie de mon amie !" Dis-je en prenant ma bourse de yus dans la main.
"Des frais de gestion ?" Dit-il un peu incrédule.
"On m’aurait menti, ce n’est pas à vous que je dois donner ceci ?" Fais-je en sortant une autre pièce d’argent.
La couleur du cercle d’argent attise de nouveau la curiosité du milicien, mais pas autant que Sylve. Marchant dans la pièce, elle avance avec une sensualité que je ne lui connaissais pas. Du lacet qu’elle a dérobé à son brassard, elle attache ses cheveux en queue de cheval, laissant entrevoir sa douce nuque et surtout, elle adpote ainsi une posture épousant avec délice les courbes de son corps, sa poitrine bombée en avant et les fesses légèrement en arrière, j’ai moi-même un moment d’arrêt devant le spectacle qu’elle offre.
(Ressaisis-toi, il faut vite partir !)
"Du coup, je vous laisse vous charger des formalités !" Dis-je en laissant la pièce dans sa main avant de rejoindre le centre d’attention pour nous diriger vers la sortie.
"Ho, attendez vous…" Commence-t-il a dire avant que je ne l’interrompt, sans que je ne m’arrête.
"Oui je sais, aucun port d’arme dans l’enceinte de la cité, je m’en suis déjà porté garant ! Et merci encore !" Fais-je en pressant un peu le pas pour sortir.
Une fois dehors, nous retrouvons ma monture et la réaction de recule de Sylve est impressionnante lorsque Mange-botte présente son énorme visage de Corgy géant.
"Mais c’est quoi ce truc ?" Panique-t-elle.
Ne désirant pas perdre de temps et voulant crâner un peu devant elle, je monte sur Mange-botte.
"Tu le vois bien ! C’est un chien géant ! Allez monte vite ! Je t’explique en chemin." Fais-je en lui tendant la main, la pressant un peu du geste.
Son hésitation se rompt rapidement devant notre situation périlleuse. A tout moment, les miliciens peuvent se rendre compte de la supercherie et nous poursuivre. Elle accepte ma main tendue et se pose derrière-moi. Nous prenons le chemin le plus court pour sortir de la ville. Prendre un bateau nécessite trop de temps, temps durant lequel les gardes auront tout le loisir de nous retrouver. Les vaisseaux volants des Sindeldi seront une meilleure option, puisqu’ils n’ont pas de lien avec la milice locale et s’ils n’y a pas de départ, au moins nous seront hors de l’enceinte de la cité. En tout cas, notre sortie ne passe pas inaperçue avec le Corgy géant.