Ce bâtiment a été construit en vingt ans par ordre des responsables d’Oranan, après le début de la grande campagne punitive contre les Garzoks, sur suggestion d’un des premiers héros de cette ancienne guerre. Bien que son but originel fût de contenir l’ensemble des données et des ouvrages militaires pouvant servir dans un conflit, l’ouverture d’esprit des Ynoriens a rapidement conduit à l’ouverture de ce lieu sur d’autres sujets. D’autre part, l’importance des fluides dans la guerre a su marquer les grands pontes de la bibliothèque. Il est donc possible d’y trouver des livres traitant des arts occultes et d’une quantité astronomique d’autres domaines !
La bibliothèque d’Oranan a rapidement connu un grand succès auprès des hautes classes de la société Ynorienne. Ces derniers ont mis à disposition des fonds non négligeables pour acquérir des ouvrages intéressants: la bibliothèque s’est rapidement remplie. Les archivistes, peu nombreux, ont réservé une partie des fonds à la construction d’annexes, sous formes de petites pièces attenantes à la bibliothèque. Celles-ci permettent d’emmagasiner des ouvrages en attendant que les archivistes décident si l’œuvre a sa place sur les rayonnages, ou si le sujet dont elle traite nécessite une gestion prudente de l’information. Dans ce dernier cas, elle est alors entreposée dans une petite annexe spéciale du côté est du bâtiment, baptisée « Bibliothèque Rouge ».
Directement accessible depuis la rue, le monument semble faire l’apologie du bois et de toutes les formes d’arts qui lui sont liées. Après une courte volée de marches taillées dans des blocs de roche grise, surveillée par d’inertes chiens tout droit sortis des enfers : trogne renfrognée, crocs découverts, sourcils froncés…tout en eux indique la politique de la maison ! En ce lieu, pas de plaisantins ! Les marches conduisent devant une porte de bois massif, encadrée par deux colonnades savamment sculptées et recouvertes d’une feuille d’or. L’abondance des motifs, la richesse de l’architecture…jusqu’à la complexité de la toiture octogonale… Le bâtiment tout entier semble avoir été construit pour refléter la puissance d’Oranan. En y mettant les moyens. L’entrée dans ce temple du savoir se fait par une porte de mesure contraire à la débauche de moyens dépensés. Une porte modeste – par rapport au reste du bâtiment – s’ouvre sur une vaste pièce. En regardant droit devant soi, on fait face à une œuvre dorée de cinq mètres de haut qui représente un homme en armure traditionnelle de l’époque, brandissant dans sa main gauche une épée règlementaire et tenant sous son bras droit un volumineux parchemin enroulé. Comme l’explicite la gravure sur son socle d’un mètre de hauteur, il s’agit de Suyn Wa’Stral, l’un des premiers généraux qui combattirent contre les Garzoks lors de la campagne séculaire dite « des Orques du Nord ». La seconde phrase de la gravure « La victoire par le savoir » illustre la fonction première de la bibliothèque. Pendant que le visage impassible de la statue semble juger les individus qui franchissent le pas de la porte, sa présence intangible impose le silence et le respect de ce lieu.
Le socle de la statue est encerclé par une table ronde, en bois sculpté également. Un homme se tient derrière cette table, le plus souvent absorbé dans des ouvrages, que ce soit pour recopier ceux abimés, restaurer ceux qui peuvent l’être, ou pour chercher la place à attribuer sur les rayonnages aux nouveaux arrivants. C’est le gardien des lieux. Si le bâtiment a pendant longtemps été destiné aux seuls militaires de carrière, il a récemment ouvert son usage au public: sur présentation d’une lettre portant le seau militaire, tout le monde peut désormais pénétrer dans ce saint lieu de la culture. Une fois que cette incorruptible sentinelle a accordé le droit de passage, on entre dans un monde d’encre, de rouleaux de parchemins, de livres reliés et de rayonnages. La salle qui constitue le premier étage, s’étendant sur une quinzaine de mètres, présente des rangées d’étagères soigneusement alignées. Sur ces rayonnages, parchemin, ouvrages reliés et feuillets se disputent le droit de propriété sous l’œil vigilant des organisateurs du lieu. Dans le coin droit de la salle, caché par les rayonnages, se trouve un escalier qui mène au deuxième étage, dont la rampe finement sculptée montre alternativement des scènes d’apprentissage et des actions héroïques sur les champs de batailles.
De l’étage, organisé en promenade derrière une rambarde dans la continuité de la rampe d’escalier, on peut voir le rez-de-chaussée. Le mur, à cet étage, est quasiment invisible, tantôt derrière les rayonnages, tantôt absent au niveau des ouvertures, laissant entrer la lumière à travers le croisillon des fines baguettes de bois. La tête dorée de la statue brille de mille feux les jours de beau temps.