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Je passai les jours suivants à continuer d’éplucher divers ouvrages en espérant trouver quelque chose, la moindre information utile ou la plus petite allusion à ce que l’île pouvait nous réserver, mais hélas, je n’appris rien de plus. Le chef de l’expédition, Théodore Joraquin, nous fit parvenir une liste des informations que lui et ses hommes étaient parvenus à regrouper et nous ajoutâmes les nôtres. L’île, essentiellement inhabitée selon ces mêmes informations, abritait néanmoins de dangereuses créatures et même les eaux l’entourant n’étaient pas sûres. Pour pallier ce dernier point, il fut décidé que nous voyagerions vers le sud pour rejoindre un passeur qui nous attendait sur la côte, afin de réduire le temps de trajet en barge au strict minimum. Dans l’île en elle-même, plantes vénéneuses, monstres mangeurs de chair humaine – ou elfique - et tribus de Woran agressifs semblaient monnaie courante et plus je lisais les informations, plus je me félicitais d’avoir accepté cette expédition, y aller à deux aurait été tout bonnement un aller simple pour les Enfers.
Nous attendions donc le départ pour retrouver le passeur au Sud des plaines, le matin du troisième jour. Autour de nous, divers chariots et une petite foule qui s’agitait afin de tout vérifier et préparer au départ. Beaucoup d’Hafiz, mais également quelques Humains, principalement des mercenaires, et des Sindeldi qui me regardèrent d’un mauvais œil, sans pour autant faire de commentaires. Nyllyn et moi avions déjà reçu nos instructions et nous patientions donc sur un chariot, les pieds pendus dans le vide, admirant le lever de soleil au-dessus de la mer qui se mit à briller. Le voyage allait prendre quelques jours et, selon les dires d’Izartho, la probabilité d’avoir à dégainer était très faible, pour ne pas dire quasi nulle, la zone étant relativement sûre, exceptés les divers cours d’eau regorgeant de bêtes aquatiques affamées dont il valait mieux se méfier.
Notre rôle était simple, assurer la sécurité du convoi et le défendre en cas d’attaque, ce qui était très clair. Nous avions été rapidement présentées à la demi-douzaine de mercenaires humains qui constituaient l’essentiel de la défense du convoi, les trois autres protecteurs étant Izar’tho et ses hommes. A peine une douzaine de gardes pour le double de non-combattants, je n’étais pas certaine que ce soit très équilibré, mais je n’avais pas mon mot à dire. Et parmi les non-combattants, il y avait tout de même deux mages, un de glace et un de terre, tous les deux des Hafiz dans la vingtaine et qui semblait surexcités à l’idée de participer à cette aventure. Lors des présentations, le fait d’être présentée en tant que mage de feu attira leurs regards curieux et j’étais persuadée qu’ils allaient rapidement venir me voir pour discuter entre « collègues ».
Lorsqu’enfin le convoi se mit en branle, je vis nettement le large sourire affiché par Nyllyn qui semblait ravie de la tournure des événements. Elle qui avait toujours rêvé d’aventures, la voilà qui partait pour une expédition sur une île déserte, elle devait être véritablement excitée. Les premières heures du trajet furent calmes. Les mercenaires patrouillaient à cheval autour du convoi tandis qu’Izar’tho veillait au bon fonctionnement de la troupe. Une sorte de préparation pour la véritable expédition. Nyllyn et moi ne possédions pas de monture, donc nous étions reléguées à la protection rapprochée des chariots, ce qui, pour le moment, était parfaitement inutile. Les heures passèrent ainsi, monotones. Pour tromper l’ennui, je lisais le journal que le bibliothécaire avait gentiment accepté de me donner, disant qu’il serait de toute façon plus utile entre mes mains qu’entre les siennes, ce dont je lui étais reconnaissante.
Ce qui devait arriver arriva et, lors du déjeuner, les deux mages vinrent s’installer près de Nyllyn et moi et engagèrent la conversation, curieux de voir une mage de feu porter une épée et une armure. Le mage de terre se prénommait Harion et celui de glace, Béarid. Tous deux semblaient avides de connaissances et expliquèrent qu’ils venaient pour découvrir un lieu inexploré, pour la gloire la richesse et, qui sait, peut-être trouver un objet magique ou des parchemins renfermant d’anciens savoirs. La discussion dériva rapidement sur la magie, dont il connaissait bien plus de choses que moi. Je n’étais jamais allée dans une académie magique, ayant surtout appris sur le tas ou à l’aide de mages qui enseignaient davantage le côté pratique que théorique de la magie, la survie étant bien plus assurée avec la premier point que le deuxième. Béarid, fervent défenseur de la théorie, s’évertua à me faire comprendre que les enseignements des livres étaient tout aussi important pour comprendre les mystères magiques et les subtilités de cet art réservé à certains. Nyllyn fronça les sourcils en entendant cela, comprenant tout comme moi que le jeune homme se sentait supérieur à ceux qui ne possédaient pas de fluides en eux.
- Posséder des fluides ne te rend pas meilleur que les autres. Il suffit de voir ceux qui l’utilisent à mauvais escient ou ceux qui se font exploser à cause d’une erreur.
Il haussa les épaules d’un air méprisant qui plissa un peu plus le front de Nyllyn. Je n’allais pas m’évertuer à lui faire comprendre qu’un mage était parfois inutile dans certaines situations et bien trop dépendant de ses fluides, raison pour laquelle j’avais moi-même choisie une voie mixte. Ça et mon don d’enchanteresse. A l’occasion de l’arrêt pour la nuit, les deux compères vinrent me trouver pour un petit jeu magique où le gagnant remporterait une rune. Si la récompense était étonnante, l’idée était plaisante et je demandai quel était donc le jeu en question.
- C’est très simple ! Tu lances un sort et tu dois le maintenir le plus longtemps possible tandis que les deux autres essayent de te déconcentrer. Le dernier avec un sort encore actif remporte la rune. Je propose que ton amie soit le juge, si elle accepte d’être totalement neutre dans l’affaire.
Visiblement contente d’être impliquée, Nyllyn accepta et assura qu’elle ne me ferait aucun cadeau, me tirant un sourire. Après avoir averti Izar’tho qui trouva l’idée ridicule mais amusante, nous nous éloignâmes quelque peu du convoi, quelques-uns des mercenaires et des membres du convoi se joignant à nous, étant curieux de voir ce que nous préparions. Nous plaçant en triangle à quelques mètres les uns des autres, chacun se prépara. Les règles étaient simples, tous les coups, sauf mortels et vicieux étaient permis et le dernier avec son sort actif remportait la victoire. Je tirai donc ma lame, attirant le regard inquiet d’Harion et celui, moqueur de Béarid.
- Crois-tu vraiment qu’une simple lame fera la différence ?
Je lui offris un sourire condescendant pour toute réponse et chacun de nous lança un sort lorsque que Nyllyn lança le concours. Harion se retrouva couvert d’une gangue de pierre qui ressemblait à une armure trop lourde et Béarid fit apparaître un mur de glace derrière lui. De mon côté, je m’entourai d’une aura de feu, ayant bien précisé que ce serait ce sort qui comptait, tout en enflammant mon épée sous les regards ébahis des deux autres mages. Puis la zone devint un chaos sans nom lorsqu’Harion frappa le sol de son pied, de grands pics jaillissant alors pour foncer dans la direction de Béarid qui m’envoya un pic de glace tandis qu’une boule de feu fonça de ma main en direction d’Harion. Le pic me frôla de peu tandis que je l’esquivai d’une roulade, remarquant que la boule de feu avait heurté sa cible de plein fouet sans faire le moindre dégât et que les pics de terre s’étaient brisés sur la barrière de glace derrière laquelle son créateur s’était réfugié. Je lui fonçai dessus tandis qu’un énorme bras de terre s’élevait soudainement, provoquant des cris de stupeur parmi les spectateurs, dont Nyllyn. L’onde de choc lorsque la masse rocheuse s’écrasa me fit décoller du sol et me projeta contre la paroi de glace. Je me relevai en vitesse, le corps endolori, mais intact. Il y allait un peu fort pour un simple jeu ! Béarid choisit ce moment pour sortir de derrière sa barrière, projetant un pic de glace dans ma direction que je déviai d’un coup de lame. Lame qui s’encastra dans la barrière de glace, la faisant exploser dans un ensemble scintillant sous le regard éberlué du mage. Nyllyn indiqua son élimination et restait donc uniquement Harion qui semblait haleter. Probablement qu’il avait utilisé trop de sa puissance magique dans son dernier sort.
Fonçant sur lui, je lançai une boule de feu qu’il se prit de plein fouet, manifestement trop lourd pour esquiver convenablement. Je frappai la gangue rocheuse qui, contrairement à la barrière de glace, ne sembla pas être affectée. Reculant d’un bond pour esquiver une molle tentative de coup de poing, je lançai une nouvelle boule de feu qui n’eut, une fois de plus, aucun autre effet que celui de s’écraser sur la gangue de pierre. Quel sort pénible ! Mais visiblement le jeune mage était fatigué et il ne tarda pas à annuler le sort de lui-même avant de tituber. J’annulai en vitesse mon aura de feu et ma lame enflammée avant de me précipiter vers lui. Je parvins de justesse à le rattraper avant qu’il ne s’écrase sur la roche qu’il avait lui-même créé, recevant un sourire reconnaissant quoique fatigué. Il y eut des applaudissements et quelques sifflets qui me firent foncer les sourcils et amusèrent Nillim qui m’aida à soutenir Harion. Il était bien trop lourd pour moi ! Béarid finit par nous rejoindre et prit le relais pour le ramener au convoi. Je suivis le petit cortège avec Nillim qui avait trouvé le tout très intéressant. Et elle n’était apparemment pas la seule…
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