Lande Noire

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Cromax
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Re: Lande Noire

Message par Cromax » sam. 8 juil. 2023 15:40

Cauchemar en Aliaénon : Lande Noire (bis) VIII



Le combat se tassa, le calme revint sur la plaine. Les morts jonchaient le sol, en nombre. Le sang avait coulé à flots, nourrissant ces cendres et pierres noires et sèches. Les sorciers d’Elscar’Olth s’effondrèrent au sol de fatigue, d’épuisement. Ils avaient tenu bon jusqu’à votre retour inespéré. Ensemble, une fois de plus, vous aviez sauvé la cité. Ses ruines, du moins. Et l’espoir qu’elle se dresse un jour à nouveau. La dernière créature volante s’était lamentablement écrasée sur le sol, comme si elle n’acceptait pas la mort de ses pairs. L’âme de Mathis, déterminé, en fut libérée. Vers les hauteurs, derrière des monceaux de corps de bêtes, un roi-loup couronné attendait, nom gravé sur une roche.

Visselion prit la suite de JoruSilmeriakihito avec circonspection, lames de Katar pointues et acérées, d’argent noir, à la place des mains. Il semblait en nette meilleure forme que ses confrères. Le quatuor arriva aux ruines en même temps qu’Yliria et Maïssa, éprouvées par le combat elles aussi. Les ailes de la semi-shaakt s’étaient remises de leur peine, pour l’instant. Visselion se tourna vers elle pour questionner, désignant le golem et les deux humanoïdes bestiaux :

« Qui sont ces alliés que vous avez amenés ? »

La brume cernant la tête géante s’était amenuisée jusqu’à disparaître, laissant apparaître un Xël indemne au côté d’un homme à l’allure étrange. Légèrement courbé vers l’avant, crâne chauve et peau pâle. Et d’étranges stigmates sur le visage.



Image



Nulle trace de cette créature géante. Pas même l’ombre. Le calme était revenu, mais pour combien de temps ?


[HJ : Discussion générale ouverte pour la partie centrale des ruines où tous peuvent se retrouver. Mathis, viens me voir par MP pour me dire ce que tu fais. Xël, tu peux participer à la discussion générale ou rester à l’écart avec Tritri.]


[XP :
Mathis : 1 (combat mental), 2 (combat fraternel), 0,5 (suicide), 3 (situation)
Jorus : 3 (combat mental), 3 (combat bestial), 3 (situation)
Yliria : 2 (combat aérien), 3 (situation)
Xël : 0,5 (discussion), 3 (situation)
Silmeria : 0,5 (discussion), 1 (combat mental), 2 (combat bestial), 3 (situation)
Dracaena : 3 (combat mental), 2 (bataille rangée), 3 (situation)
Akihito : 3 (combat golemique), 0,5 (salvation), 3 (situation)]




[Bons :
Mathis : Le Ponctuel !
Jorus : Le Roi de l’action !
Dracaena : Le Créatif ! L’Emotif !
Akihito : Le Roi de l’action !]

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Jorus Kayne
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Re: Lande Noire

Message par Jorus Kayne » mer. 12 juil. 2023 21:59

Avec une telle blessure, je suis à la merci du golem qui regarde mon dessin sans aucune forme d’expression. Comprend-il la signification du message ou se demande-t-il si un homme-bête dont il a massacré les siens il y a quelques instants encore, dessiner à même le sol. Une véritable étrangeté culturelle s’il n’y avait cette possibilité pour les âmes défuntes de posséder des corps ! Que le message soit compris ou non, le golem m’emporte avec lui jusqu’au reste du groupe, sous la surveillance de Vissélion.

Je finis par me faire déposer au sol, incapable d’expliquer qui je suis dans ce corps et sous le coup d’une mort certaine sans soin. J’en connais une qui va me tuer si je meurs. Je ne suis pas en mesure de parler correctement, mais je pourrais prendre plus de temps pour écrire si je n’avais cette blessure à la gorge, plus handicapante qu’elle est déjà. Autour de moi, les uns et les autres s’agitent. Xël arrive avec un homme légèrement flippant avec sa tête chauve, toute pâle et ses nombreuses stries sur le visage. Notre maître des portails le présente sous le nom de Trifalgin.

(Trifalgin, l’intendant d’Orsan ?)

D’après les propos de l’intendant, les créatures auraient été attirées par la lumière du sceau. Je me rappelle de la conversation avec Thensoor à ce sujet, mais rapidement, je suis tiré de mes songes par la venue d’Ylira. Alors qu’elle use d’une potion pour soigner ma plaie à la gorge, je ne peux détacher mon regard d’elle, elle et ses grandes ailes dans le dos. Des images fusent dans ma tête. Trop rapides, trop nombreuses, une myriade de scènes m'harasse l’esprit au point que je ne parviens pas à en faire le tri. Sauf une, celle justement d’un être ailé, me prenant dans ses bras. L’image est floue, mais en voir Yliria ainsi devant moi me fait penser à une très forte ressemblance. En moi, je ressens un phénomène inexplicable, signe certainement que ce corps souffre plus qu’il ne devrait. Yliria s’envole après avoir porté ses soins. Elle y rejoint Akihito dans sa forme étrange, près d’une créature qui ne semble agressif ni avant, ni après leur présence. J’ignore si c’est l’effet de la possession de l’un de nous, un fruit issu de la magie qui nous anime ou une des compétences particulières d’un des sorciers de la Lande. Toujours est-il qu’il n’y a aucun danger. Je me détourne de la scène pour me rendre vers Vissélion. Je porte brièvement attention sur une écriture au sol d’un autre homme-bête réclamant son corps. Mais plus encore que l’inscription, l’animal en question me donne un malaise en le voyant, réveillant ma blessure à la gorge. Ce n’est qu’une fois arrivée devant le sorcier que je tape mon torse avant de pointer mon bras en direction des ruines de la cité que nous avons défendues.

Il remercie notre groupe si particulier pour son sauvetage au moment propice. S’il ignore si d’autres assauts sont à prévoir, il met l’accent sur l’intérêt d’ériger des fortifications. Puis il se tourne vers l’enchanteresse et lui fait part de la promesse, celle de garder les corps en sécurité. C’est ainsi que nous nous rendons tous vers les ruines. Nous prenons le passage menant à la fameuse intersection, prenant directement celle où se trouvent nos corps. Or, il y a bien plus important à présent que de retrouver mon corps. Laissant les autres prendre leur chemin, je préfère me rendre tout droit, direction la salle des blessés. Il y a là, une chose qui m’est plus précieuse que tout le reste, mais j’en oublie un léger détail. A mon arrivée, je ne laisse que des spectateurs terrifiés par ma présence monstrueuse, qu’il s’agisse d’Himeka ou même de Zacara qui se lève d’un bond. L’ouessien est également présent et je sens en lui une menace bien réelle contre mon âme. Fort heureusement pour eux et faisant mon infortune, il y a des êtres qui ne se laissent pas submergés pas la peur. Une lame vient lécher mon flanc, entaillant mon corps assez robuste pour qu’elle ne s’y enfonce pas plus. Teruki est là et se dresse arme en main pour protéger ceux qui sont ici présents. Décidément, lorsque je ne suis pas dans mon propre corps, je ne cesse d’être pris pour cible par le seigneur de Fan-Ming. S’en est presque risible si je n’étais dans une position délicate. Il me faut à présent que j’interrompe l’affrontement. Que je cesse les hostilités, me permettant de montrer que je ne suis pas menaçant. Un signe d’apaisement, une brève explication, un nom écrit quelque part, quitte à ce qu’il soit en encre de sang et je pourrais enfin retrouver, ma faéra, logée dans mon bijou. Elle y est coincée depuis mon arrivée dans ce monde et je suis la seule personne qui peut lui parler. Bon, il y a bien les autres faéras, mais j’ai un lien particulier avec elle. Nous sommes l’un et l’autre deux faces d’une même pièce. L’un ne pouvant exister sans la présence de l’autre. Elle s’est tue depuis que j’ai ouvert un portail rejoignant Elscar’Olth au lieu d’Esseroth et depuis, je n’ai eu l’occasion de lui parler, de sentir sa présence. Aussi espiègle qu’elle puisse être, sa présence a toujours été un réconfort pour moi et je suis sûr que la mienne l’est aussi pour elle. La savoir si proche de moi et pourtant si loin me rappelle cette sensation de solitude que j’éprouvais avant de m’unir à elle. Je ne peux attendre plus longtemps. Même si la communication entre nous sera compliquée, la savoir près de moi sera amplement suffisant pour apaiser mon âme.

Il reste encore un léger détail à régler. Il me faut interrompre le combat avant que quelqu’un ne soit blessé. Teruki va tout faire pour protéger les siens et face à une créature comme je le suis à présent, il va certainement m’attaquer. Devinant son intention, je n’ai qu’à opter pour une posture défensive, attendant son attaque pour l’arrêter avant d’être blessé. Même touché grièvement à la gorge, mon corps et plus agile et beaucoup plus fort que le mien ou même celui de Teruki. J’attrape le pommeau de son arme avant que sa lame ne me touche. Une poigne ferme, mais ce qu’il faut pour ne pas broyer sa main. Désormais incapable de m’arrêter, il n’y a personne en mesure de me stopper. Peut-être l’autre avec sa grosse paluche, mais il aurait déjà agi s’il pouvait extraire mon âme d’un simple rayon. Il ne me reste plus qu’à dérober le katana, libérer Teruki délicatement et donner un simple nom, en lettre de sang. Mais le destin est bien facétieux. Qui aurait cru qu’après avoir affronté la horde dehors, résisté à la lame d’un seigneur, craignant les pouvoirs d’un ouessien sur les âmes et éventuellement le lien qui uni Zacara à la magie de la Lande Noire, c’est Himeka qui aurait le dessus sur ce corps si résistant. Un voile sombre se dresse devant moi, obscurcissant ma vue, ma conscience et tombant lourdement au sol. Depuis quand apprend-on à une dame de sa stature à se battre de cette manière, pour être en mesure de terrasser un homme-bête par un simple pot en terre cuite ?

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Mathis
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Re: Lande Noire

Message par Mathis » jeu. 13 juil. 2023 02:43

Lorsque mon âme fut libérée du corps de ce monstre ailé, je pus constater l’ampleur du carnage. Des cadavres, entiers ou démembrés, par centaines gisaient sur le sol. La lande noire aurait pu porter le nom de lande rouge désormais tant le sang était présent sur la terre aride et les amas rocheux. Dans mon désarroi de ne pas posséder de corps, j’avais au moins la chance de ne pas sentir cette odeur fade et ferrique attribuable au liquide carmin et visqueux. C’était malheureusement une maigre compensation.

(Très maigre compensation... très très maigre compensation, trop maigre compensation.)

Mon désir de sensation était tel que j’en venais même à me demander si je n’aurais pas préféré ressentir des nausées.

Au loin, dans les hauteurs, derrière un tas de cadavres de bestioles se tenait une créature canine au port de tête altier. Près d'elle, un graffiti sanguinolent formé de quatre lettres : DRAC. Il n’y avait pas de doutes, il s’agissait bien de Dracaena. Grand bavard, il devait trouver difficile de ne pouvoir s’exprimer librement oralement. Mais LUI au moins, il avait trouvé un corps et aussi le moyen de s’identifier aux autres.

De mon côté, j’avais préféré tuer ce monstre volant. Aveugle, il m’aurait été trop difficile de communiquer avec les autres. Et puis, l’un d'eux m’aurait sans doute achevé.

Envieux, je me mis à observer plus intensément les environs à la recherche d’un nouveau corps à posséder. Même si à première vue, aucune bestiole n’avait survécu, je ne baissai pas les bras pour autant. Mu par un espoir fou et une certaine frénésie, je survolai les décombres à la recherche d’une survivante. Ne pouvant les déplacer, je m’en approchai de très près afin de constater leur mort véritable. Qu’elle soit affaiblie ou agonisante m’importait peu, je voulais à tout prix intégrer un corps afin de manifester moi aussi ma présence à mes compagnons.

Défait, la mine basse, après une exploration intense, je revins auprès des aventuriers. Les sorciers d’Elscar’Olth, exténués par le combat qu’ils avaient mené, étaient effondrés au sol. J’y vis Bellarian, Alossahr, mais aussi Bérel et Bragan.

(Les jumeaux ! Ils peuvent m’entendre eux ! )

Je m’approchai alors de Bragan, c’était avec ce dernier que nous avions discuté quelques jours plutôt. C’était lui qui nous avait prévenus que les bestioles étaient attirées par le faisceau lumineux. Son inquiétude s’était avérée juste. Je tentai donc d’entrer en conversation avec lui.

« Bonjour, c’est encore moi Mathis. Vous m’entendez ? »

Même si je ne possédais plus de corps, je me sentais fragile et le cœur gros.

Il ne répondit point, comme s’il ne m’avait pas entendu. Non découragé je répétai.

« Bonjour, je suis Mathis de Yuimen, je veux vous parler. »

Une fois de plus aucune réaction de sa part. Passablement énervé je m’approchai de son frère et je m’écriai.

« Vous m’entendez vous ? Je suis Mathis, de Yuimen. »

Et puis je vis Visselion arriver, suivi d’une horde de bestioles toujours en vie. Je me dis que c’était le temps d’en posséder une. Mais avant que je ne mette mon projet à exécution, Visselion demanda à Yliria si ces créatures étaient ses alliées. Elle répondit alors qu’Akihito était dans le corps du golem. Et que les deux hommes-bêtes étaient habités par des yuimeniens, sans savoir lesquels. Elle croyait que Jorus était dans la cité. Pour sa part, le golem Akihito avait tracé des symboles sur le sable. Trois lettres à côté d’un homme-bête : SIL.

(Sil, pour Silmeria )

Puis un point d’interrogation près de l’autre homme-bête.

(C’est Jorus… car moi je suis ICI, Invisible de tous ! )

« Le golem, les deux hommes-bêtes à l’agonie, le loup couronné… ça fait quatre !! 1, 2, 3, 4 ! »

Plus qu’énervé, je fis le tour d’Yliria, du golem et des créatures possédées et je poursuivis :

« Alors que Akihito, Jorus, Silmeria, Dracaena et MOI Mathis… ça fait 5 ! 1, 2, 3, 4 , 5 ! Mais vous ne savez pas compter ! Il en manque 1 et c’est moi Mathis ! »

Si j’avais eu un corps, on aurait pu voir mon visage interloqué, mes yeux exorbités, mes joues empourprées par la colère.

« Moi, Mathis ! Vous m’avez déjà oublié ? »

Je regardais les bêtes amochées, et malgré leur laideur et l’ampleur de leurs blessures, je les enviai. Le temps passé dans le corps de cette élégante créature insectoïde et aussi dans celui du serpent volant aveugle, même si cela avait duré moins d’une heure, m’avait fait réaliser le privilège d’en posséder un. Sentir l’environnement, ressentir le sol sous nos pieds, tenir les objets, entrer en relation avec les gens et le milieu. De retour à l’état d’âme pure, la possession d’un corps me manquait.

Même si je me doutais bien que les plus étroits d’esprit me reprocheraient d’avoir utilisé la magie, ne comprenant pas dans quel état d’urgence je me trouvais à ce moment-là, je voulais les retrouver. Prêt à subir leur courroux.

J’en étais là, à mes noires réflexions lorsque je vis Xël rejoindre les autres, accompagné d’un être à la posture courbée, au teint trop pâle et au visage marqué de profondes et nombreuses cicatrices. Je m’approchai de lui aussi.

« Xël ! C’est moi ! Mathis ! »

Même si je savais qu’il n’avait pas la capacité de m’entendre, je ne pouvais m’empêcher d’essayer d’entrer en communication avec eux. Xël présenta son invité qu’il nomma Trifalgin !

(Trifalgin ! Ce nom me dit quelque chose. )

En fouillant dans ma mémoire, de faibles souvenirs me vint. Mais la première image qui surgit fut son vêtement de travail, un tablier, un tablier souillé, garni d’outils. Puis, je revis ses mains ensanglantées. Ce ne fut qu’ensuite que je me remémorai ce visage, non attrayant, aux yeux perfides, aux pommettes trop prononcées, au nez rougi.Pendant ce temps Akihito était reparti. Curieux, et pensant qu’il avait vu quelque chose de particulier, comme une autre bestiole, je le suivis. Une fois à la hauteur du lupinDraceana, Akihito lui tendit la main. Yliria qui jugea son geste imprudent, s’avança, tira sa arme de son fourreau et assomma Dracaena du plat de sa lame.

(Mais elle est énervée plus que moi, celle-là !)

Ils revinrent ensuite rejoindre le groupe. Les suivre ne m’avait rien donné.

Les habitants d’Elscar’Olth regagnaient leur cité souterraine, pendant que Visselion examinait les autres un par un.
Puisque je n’avais pas trouvé de corps, je décidai d’entrer quand même dans la ville. Après tout, personne ne pouvait me voir et les jumeaux n’avaient pas pris leur forme éthérée, je pouvais tenter d’entrer dans la cité. Je me dirigeai donc vers une entrée, mais sitôt franchie une certaine limite, je ne pus avancer davantage. Je reculai alors d’un pas pour constater qu’une espèce de protection magique sous forme d’un film transparent m’y empêchait. Chose curieuse, il s’agissait bien de la seule chose que je ne pouvais traverser et qui me semblait tangible. Je tentai par une autre voie, mais je rencontrai le même obstacle. J’en essayai un troisième, mais en poussant dessus et la frappant cette fois.

« Bang, bang, bang. »

Puis un quatrième.
« Bang, bang, bang. »

Puis une autre.
« Bang, bang, bang »

Dès que je franchissais une certaine frontière invisible, je ne pouvais plus avancer.

« Rah... mais laissez-moi entrer, je ne suis pas une menace, je veux juste retrouver mon corps et les miens ! »

Je savais bien dans le fond que ce bouclier magique était primordial et avait fourni aux habitants de la cité une protection essentielle, mais je devais entrer et récupérer mon corps. Le temps m’était compté, bientôt tous les gens seraient à l’intérieur et Yuimen sait qu’elle protection supplémentaire, ils ajouteraient. Repartir dans la région d’Orsan pour me retrouver un nouveau corps pouvait se faire rapidement, mais revenir prendrait plusieurs journées. Ne me voyant pas revenir, ils concluraient peut-être à l'anéantissement de mon âme et détruiraient mon corps. Je ne pouvais prendre ce risque.

Je savais qu’il ne me restait qu’une solution, tenter de posséder un corps abritant déjà une âme. Je devais choisir une personne ouverte aux expériences nouvelles et qui serait assez puissante pour que mon esprit n’écrase pas son âme. Au pire, je préférais me défendre pour ne pas me faire écraser qu'en écraser un autre. Mes yeux se portèrent sur les hommes-bêtes, il y avait Silmeria et Jorus. J’éliminai immédiatement Silmeria. Même si je l’évaluais assez puissante pour me résister, elles étaient déjà deux dans le même corps et je me méfiais de Hrist. Je tournai mon regard vers Akihito. Ce guerrier est très généreux et prêt à aider les autres, au sacrifice même de sa vie. Il aurait été sûrement très surpris par cette manœuvre, mais il m’aurait accepté. Mais je ne pouvais prédire quel esprit l’emporterait sur l’autre et jamais je ne me serais pardonné d’écraser celui d’Akihito. Je fixai ensuite Jorus, après ce qu’il avait tenté de faire dans la pyramide, j’aurais moins de scrupule à tenter la possession de son corps, mais j’étais à peu près certain qu’il me repousserait sans scrupule. En ce qui concernait Xël et Yliria, j’avais plusieurs hésitations. Depuis nos retrouvailles, Xël m’avait semblé plutôt individualiste, moins porté au travail d’équipe. J’avais le sentiment qu’il m'éjecterait sans délai. Quant à Yliria, je n’avais pas eu beaucoup d’occasions d’interagir avec elle. Pas suffisamment pour déduire sa réaction. Elle avait un grand cœur, mais elle était assez impulsive et je craignais qu’elle se sente agressée par ma tentative d’investir son corps. En ce qui concernait les sorciers d’Elscar’Olth, mon regard se posa sur Visselion. Par son attitude face à la magie, il semblait ouvert à tenter les expériences. Il s’agissait également d’un sorcier très puissant, je ne risquais pas de l’écraser, le contraire n’était pas vrai, mais il s’agissait d’un risque que j’étais prêt à prendre.

Je tentai donc prudemment d'entrer dans son corps, sans prendre trop de place:

« Visselion, c'est moi, Mathis... m'accordez-vous une petite place dans votre corps afin que je puisse entrer dans la cité et rejoindre le mien à l'intérieur ? »

Sans surprise, je sentis la force de son esprit presser sur le mien. Lui par contre fut surpris de mon intrusion et s’en indigna d’abord et avec raison. Puis, rapidement, il trouva l’expérience intéressante.

(Je ne me suis pas trompé à son sujet.)

J’avais bien deviné sa réaction et aussi sa puissance, je sentais bien que je ne pourrais rester longtemps sans me faire écraser. Me considérant comme un invité dans sa demeure, je restai ultra poli. Il était ma dernière chance, je ne voulais pas la gâcher.

« Je vous demande pardon, mais c'était le seul moyen d'entrer dans la cité. Sans vous offenser, pourriez-vous me mener à mon corps sans délai, car je ne résisterai pas longtemps à votre force d'esprit. »

Sur un ton légèrement impatient, il me répondit que c’était justement ce qu’il était en train de faire. Ce que je pouvais en effet constater par l’intermédiaire de ses yeux. Je ne dis plus un mot, légèrement inquiet, mais conservant une bonne espérance et une confiance en ce sorcier, je me contentai de le laisser diriger. Nous traversâmes de longs couloirs pour arriver à une grande salle de belle couleur. Les seuls objets meublant cette salle furent cinq longs tubes verticaux remplis d'un liquide verdâtre luminescent. À l'intérieur de chaque tube se trouvaient nos corps. Visselion avait promis à Yliria de préserver nos corps et il avait tenu sa promesse. Me sentant à l'étroit aux côtés de l'esprit de Visselion, j'avais bien hâte de retrouver mon corps. Un sorcier cornu m'aida ou plutôt aida Visselion à activer les leviers afin de vider les tubes et de les ouvrir. Cette fois, je pus constater de mes yeux (ou plutôt à travers ceux de Visselion) que mon corps était en excellent état.

(Je dois vite sortir de là. Bien qu'il fait un effort évident pour me faire de la place, je me sens devenir lui.)

Ému, tout en regardant mon corps vide d'âme je demandai

« Que dois-je faire pour réintégrer mon corps ?»

Il n'en avait pas la moindre idée. Pour sortir des bestioles, il suffisait de les tuer. Option non envisageable cette fois, bien évidemment.

Je pris une profonde respiration, et lui dis de nouveau

« Merci de votre hospitalité ! »

Je tentai donc de sortir du corps de Visselion tout en visualisant le mien et tentant d'y pénétrer. Non seulement je ne réussis pas à réintégrer mon corps, mais je partageais toujours le corps de Visselion. Je réfléchis un court instant avant de lui demander poliment.

« Pourriez-vous me pousser délicatement à l'extérieur ? »

Il fit une tentative et me chassa de son corps. Mon esprit était de nouveau libre. J'avais réussi à entrer dans la cité et à rejoindre mon corps, il ne me restait plus qu'à l'intégrer. Tout comme je l'avais fait pour les bestioles et pour le sorcier d'Elscar'Olth, je tentai d'entrer dans mon corps. Mais cela ne fonctionnait pas. C'était comme si mon âme ne pouvait entrer dans une coquille vide.

Alors que le golem fouillait dans les affaires d'Akihito, l'homme bête s'était placé face au corps de Silmeria, le loup reniflait les ruines et l'autre homme-bête ne nous avait pas suivis. Yliria discutait avec Visselion, elle semblait vouloir utiliser de la magie pour nous ramener.C'était honorable de sa part, mais j'avais le sentiment que je pourrais y parvenir moi-même. Devant mon échec, et si près du but, je fis preuve de résilience. Toujours en face de mon corps, je changeai de stratégie. Si je ne pouvais me rendre à mon corps, c'est lui qui me rejoindrait. Donc je n'essayai pas de le pénétrer. Me concentrant, je l'appelai vers moi, je m'imaginai le possédant, me visualisant à l'intérieur, je me vis sortir du tube pour me rendre jusqu'à moi. J'attendis un petit moment, mais il ne se passa rien. Mon essai fut un échec. Je me déplaçai pour constater que tous les autres corps étaient aussi immobiles. Puis je retournai dans le corps de Visselion. Sans le savoir, je venais de commettre une des plus grandes erreurs de ma vie.

«C'est encore moi, Mathis, pardon de m'imposer encore.. J'ai pas réussi à réintégrer mon corps.. puis j'ai réfléchi. Toutes les personnes ou créatures que j'ai pu entrer dans leur corps. Ils avaient une âme. Les créatures de Vallel en avaient une très faible. C'est qu'il faut à nos corps, une petite étincelle de vie afin que l'on puisse y pénétrer. Trifalgin, ici présent était jadis sous les ordres de Vallel. Il sait peut-être comment faire. Bon, vous pouvez m'expulser de votre corps à présent. Mais s'il vous plait, faites part de mes idées aux autres.»

Dès que je pénétrai dans son corps, je sentis son esprit exercer une forte pression sur moi. Et dans un cri de terreur, il me reprocha ma présence, me révélant qu'il l'avait fait une première fois, mais qu'il ne parvenait plus à me chasser. Je réalisai un peu tard que je ne pouvais pas pénétrer un corps comme on entre et sort d'un moulin. Je sentis alors la panique m'envahir. Si sa voix était forte et imposante, je sentais la mienne très faible, et vu sa réaction j'avais l'impression qu'il ne m'avait même pas entendu.

(Mais qu'est-ce qui m'arrive ? Ces souvenirs ne sont pas les miens... Je ne suis pas de Elscar'Olth, mais de Kendra Kâr moi !... enfin, je crois ? )

Je vis alors la cité d'Elscar'Olth avant sa destruction. Des souvenirs d'hommes et de femmes me parvinrent aussi. Des gens que Mathis n'avait jamais vus.

(NON ! NON ! Je suis Mathis de Kendra Kâr sur Yuimen. Mon père était un honnête marchand, ma mère m'aurait tout donné, je suis un fils unique.)

Tentant de garder ma petite place auprès de cet esprit dominant, je dis d'un ton ferme et imposant, d'une hauteur près du cri.

«Visselion ! Vous en êtes capables, repoussez-moi !»

D'une voix si forte, que cela m'en faisait mal il me répondit qu'il ne pouvait pas, c'était pour lui comme s'il chassait son propre esprit. Bien malgré lui, il était en train de m'absorber.

(Je suis en train de disparaître... )

Ses souvenirs devenaient de plus en plus présents et les miens semblaient me quitter. J'éprouvais soudainement de la difficulté à me rappeler le visage de ma mère.. enfin, je ne pouvais dire s'il s'agissait de la mienne ou de celle de Visselion. Mes souvenirs m'échappaient, même mes plus chers... Mais contre toute attente, l'un d'eux s'imposa alors à moi.

(Mon premier baiser !)

Là, il n'y avait pas de doute, c'était bien moi Mathis de Kendra Kâr, tapi dans un coin en belle compagnie, embrassant une jeune fille de deux ans mon ainée. Je m'accrochai à ce souvenir, comme un naufragé s'accroche à sa bouée. Il s'agissait d'une jolie brunette aux yeux noirs comme du charbon. Ses lèvres minces, sa peau très blanche et très douce, je me souvenais aussi de sa petite tache de naissance tout près de l'une de ses jolies oreilles pointues.

Même si cela s'avérait difficile, je tentai une fois de plus de prendre la parole, d'une voix forte et ferme, tentant de prendre un peu plus de place.

« Non, nous sommes différents, je suis Mathis de Yuimen, je suis différent, je suis un blondinet sans pouvoir magique, je suis moi, tu es toi.. Je te quitte.» Dis-je en tentant de sortir de nouveau et en m'efforçant le plus possible de chasser les souvenirs de Visselion pour ne garder que les miens. Je ressentis alors une profonde douleur, celle de quitter un lieu et des souvenirs qui commençaient à devenir mien, mais je m'accrochais à ce souvenir d'Ernestine et de notre baiser échangé. Le premier en ce qui me concernait.

Cette fois fut la bonne ! Ensemble nous avions réussi: J'avais quitté ce corps et il m'en avait chassé. Je le regardai se secouer la tête, et je m'en voulais de lui avoir fait subir ça. J'avais été idiot de penser que je pouvais y retourner sans conséquence. Je le regardai intensément, bizarrement nostalgique, comme si je venais de quitter ma maison. Je demeurai immobile pendant un petit moment, comme dans le vague. Puis en me retournant, je revis MON corps.
Après la frousse que j'avais eue, je me sentais encore plus décidé à réintégrer l'enveloppe qui était mienne.. Je croyais toujours qu'une étincelle favorisait l'emprise du corps, mais qu'elle n'était pas essentielle. Je croyais désormais que ma volonté pourrait aussi en venir à bout.

Donc, je ne tentai pas d'entrer et traverser mon corps, ni de l'appeler à moi. Je me plaçai devant mon corps inerte, plongeant mon regard dans le sien. Puis je me concentrai sur moi, mon corps, mes souvenirs, ma vie, ce qui faisait que j'étais Mathis et pas un autre.

«Après t'avoir déserté, je reviens t'habiter.»
Je parlai avec conviction et confiance. Je ne tentai pas d'aller vers lui, je voulais tout simplement fusionner, et ne faire qu'un avec lui.

Mais comme les deux précédentes fois, je ne parvins pas à réintégrer mon corps. Je ne me décourageai pas pour autant. Avec ce que je venais de vivre, je savais que j'avais la force pour vaincre l'impossible. Je portai alors attention aux autres tubes. Tous les corps étaient encore là ! Ce qui signifiait que rien n'était perdu. Je n'étais pas seul. Les autres tenteraient l'impossible pour nous ramener à la vie. Et puis Visselion savait que j'étais dans les parages. Ma brève excursion dans son intimité me fit comprendre quel grand homme il était. Décidément, mes doutes à son sujet étaient infondés.

Du bruit à ma gauche attira alors mon attention. Je vis Sil-Bête griffonner sur le sol. Je ne fis pas le moindre mouvement pour voir ce dont il s'agissait. Si une bête pouvait écrire, cela signifiait qu'elle n'avait pas plus que moi réussi à reprendre possession de son corps.

Je restai donc là immobile à regarder mon corps en attendant le retour des autres.
Modifié en dernier par Mathis le lun. 14 août 2023 14:57, modifié 3 fois.

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Akihito
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Re: Lande Noire

Message par Akihito » jeu. 13 juil. 2023 17:59

Dans le chapitre précédent...

Evénement : Cauchemar en Aliaénon.

39 : Fuite en avant.

Le combat avait cessé ; les sorciers victorieux s’écroulaient au sol les uns après les autres, rompus de fatigue tandis que leur regard balayait la plaine d’un air ébahi, contemplant l’étendue du massacre. Contemplant aussi leurs sauveurs, ceux qui avaient fait de cette bataille une réussite : Akihito sous sa forme golemique, les deux hommes bêtes, Yliria ailée accompagnée de Maïssa, et… Xël, qui revint accompagné d’une silhouette jamais vue auparavant. Son teint cendré cachait à peine les profondes cicatrices qui quadrillaient son visage, véritable maillage sanglant et macabre. Un sorcier d’Escar’Olth ? L’enchanteur le supposa, et le front qu’il avait maintenu avait été particulièrement éprouvant pour qu’il finisse dans cet état.

Le pas lourd du golem chancela un bref instant, tandis qu’une vive douleur assaillait l’être de métal. L’âme en son sein gémit de douleur, muette et de tous.

(Mal… Ca fait si mal..!)

C’est à peine s’il entendit la question de Visselion, mais son air scrutateur sur les deux créatures qui l’accompagnait et ses lames toujours sorties étaient équivoques. Akihito accueillit cette opportunité avec un soulagement désespéré : occuper son esprit, occuper ses mains, son corps, pour oublier la douleur crucifiant son être.

La pointe de son épée creusa de nouveau des sillons dans la poussière et la terre devant lui qu’il avait dégagé d’un balayage du pied : pour Silmeria, il traça rapidement les premières lettres de son prénom : « Sil ». Pour l’autre individu, il déposa son corps au sol et traça un point d’interrogation comme son identité était encore inconnue, mais pointa tout de même sa gorge béante et dressa un pouce encourageant.

(Je ne sais pas qui c’est, mais il faut le soigner.)

Ce n’était pas suffisant, cependant. Sa santé mentale réclamait de l’action, du mouvement. Et ici, personne ne semblait se préoccuper de la disparition de l’imposant crâne squelettique de la brume, ni de celle de l’inquiétante incarnation lupine. Pointant rapidement leurs deux derniers emplacements connus et en joignant le dernier d’un geste de mâchoires se refermant pour être sûr d’être compris, l’enchanteur tourna prestement les talons pour se diriger vers le deuxième adversaire, le seul à sa taille. Et le trouver ne fut pas long, ni très compliqué : couché près d’un roc, se trouvait le loup noir humanoïde. Comme s’il prenait un repos après une dure bataille, à l’instar des sorciers. Mais le plus étonnant -plus encore que son signe de la patte mollement agité comme pour les accueillir-, ce fut ce qui était tracé sur le roc derrière lui : une flèche rouge sang le pointant, et quelques lettres. D, r, a et c. Drac. Dracaena. Akihito balaya l’espace autour de lui du regard, à la recherche de la moindre menace, du moindre indice de la présence d’une créature qui aurait pu écrire ce message à sa place, ou à l’origine de son état. Rien.

(Alors c’est là-dedans qu’il est, maintenant ? Non attend, il sait écrire ?)

Pour un être solitaire comme Dracaena, savoir qu’il était capable d’écrire était surprenant. Les Oudios avaient-ils besoin d’écrire, eux qui n’étaient pas très en lien avec les autres peuples de Yuimen ? Amy aurait été à ses côtés qu’elle lui aurait sans doute demandé « Et pourquoi pas ? ». A raison, aussi passa-t-il à autre chose et tendit une main à l’être beaucoup plus raisonnablement proportionné qu’était désormais son compagnon. Passer d’un corps titanesque et végétal parti en fumée à un autre corps fait de chair et de sang devait être perturbant pour l’Oudio, comme ça l’était pour lui. L’âme n’avait pas tardé à trouver un autre réceptacle, rendant encore plus crédible la présence de Silmeria dans celle de l’homme-bête.

Un léger bruissement d’ailes se fit entendre et il aperçut arriver à ses côtés Yliria, qui l’avait de nouveau suivi. Le trio se trouvait de nouveau réunit et… La semi-Shaakte avait son mot à dire.

« J'ai dit : "fais rien de stupide" ! J'ai dit "RIEN de stupide !" Et t'as rien trouvé de mieux que de te faire exploser ?! Mourir une fois t’a pas suffi ? Sérieusement ? Vous allez me rendre folle avec vos conneries ! »

Joignant le geste à la parole, sa rapière s’abattit du plat de la lame sur le museau de Dracaena, lui arrachant un jappement de surprise. Le coup avait été donné pour appuyer son propos mais sans aucune intention de le blesser : la mine encore encolérée, le chuintement de l’arme entrant de nouveau dans son fourreau d’Olath fut suivit du son mat de son poing frappant ce qui servait d’avant-bras à Akihito.

« Porte-le jusque-là-bas s'il ne peut pas se lever, s'il te plaît. Plus vite tout le monde sera rassemblé, plus vite je pourrai agir pour vous rendre vos corps. Et évertuez-vous à… »

Malgré toute l’affection qu’Akihito portait à son amie, il ne put entendre correctement la suite de sa phrase. Elle parlait de principes, ou quelque chose dans le genre. Lui n’avait retenu que la première partie de la phrase : retrouver son corps. Quitter cette douleur infâmante qui mettait au supplice son âme était tout ce qui importait. L’appréhension de retrouver de nouveau le poids de son corps, les sensations, la chaleur d’un feu de camp, tout ça ne valait pas tripette et passait en second plan. Dracaena levé, il n’eut qu’à peine besoin de le soutenir sur les quelques premiers pas pour que ce dernier arrive à se mouvoir sans aide.

L’enchanteur n’avait pas de sang, ni de cerveau, mais un mal de crâne faisait tambouriner ses tempes, comme lorsque son sang pulsait avec trop de vigueur dans sa tête. Le son commença à s’étouffer, les voix se firent plus lointaine. Sa perception du temps, de l’espace se flouta tout en restant très précise sur son objectif. Les ruines, les sorciers se dispersant, les échanges de ses compagnons, tout disparu. Seul ne restait que Visselion, Visselion et Yliria, le premier guidant le groupe dans un dédale de bâtiment effondré. Une rue, puis une autre. Une place aux échoppes effondrées. Un escalier s’enfonçant en colimaçon dans les profondeurs de la ville souterraine, puis des couloirs. Encore, et encore. Sans fatigue dans ses jambes, dans sa vision embuée par la « fièvre » de son mal, Akihito se trouva bien incapable de dire s’ils avaient passés cinq minutes ou trente à errer dans les couloirs : tout lui paraissait affreusement long. Cet éboulis, qui demanda à ce que les voyageurs passent les uns après les autres, fut une véritable épreuve de patience pour lui à regarder un à un les personnes passer. Combien de temps mirent-ils à passer ce simple obstacle ? Un quart d’heure ? Plus ? Et cet écho métallique pouvait-il arrêter de résonner dans sa tête, cadençant avec une précision machiavélique et impitoyable chacun de ses pas ? A croire qu’une cohorte de cymbales et de tambours militaires donnait le rythme de pas en le suivant lui, personnellement.

La fanfare se tut quand la petite troupe arriva finalement dans une large pièce circulaire, éclairée par plusieurs longs tubes verdâtres branchés par de longs appendices semblant alimenter les structures du liquide émeraude qui les composaient. Et baignant dans cet amas liquide, des corps. Leurs corps. SON corps. Akihito s’approcha et se mit à fixer l’enveloppe charnelle dans laquelle il avait grandi, de nouveau devant lui. La dérangeante impression de se voir, sans être face à un miroir. Au loin, il crut entendre un claquement métallique, le bruit d’engrenages qui s’entrechoquent ; le panneau vitré de la cuve contenant son corps s’ouvrit et déversa son contenu liquide au pied du golem. Des vêtements en lambeaux, le bras droit et une large partie du torse mis à nue par le feu qui avait ravagé son être avant de mourir. Une marque sur son bras droit fit tressauter le bras du golem. Quatre longs traits rougeâtres, décolorant sa peau. L’endroit où la poigne de Justice c’était refermé sur son biceps, maintenant sa prise infernale. Malgré les soins évident qui avaient restaurés son corps, qui avaient soignés son œil crevé par les fragments cristallins, tout n’avait pas disparus. Cette marque ardente allait sans doute rester jusqu’à la fin de ses jours et Valyus seul savait combien de temp à le hanter. Allait-il sentir une sensation de brûlure en permanence ? Les histoires de miraculés d’incendies en proie à cette douleur persistante là où le feu les avait marqués s’étaient longuement murmurés à la suite de la bataille d’Oranan, quand il était plus jeune.

Le liquide vert s’écoula près d’un coffre, posé au pied du tube. A côté, armes et bouclier de l’Ynorien étaient là, attendant le retour de leur propriétaire. Le golem posa un genou à terre et de la façon la plus délicate qu’il pouvait, ouvrit le coffre de ses longs doigts griffus métalliques et fébriles. C’était bien ses affaires. Et fouiller dedans allait s’avérer laborieux, dans ce corps. Et si à ça ce rajoutait la douleur lacérant et arrachant des pans toujours plus importants de son intégrité spirituelle…

(Allez… Allez… Putain… PUTAIN !)

La petite salle résonna du brouhaha causé par le coffre renversé dans son intégralité au sol. Ecartant fiévreusement ses affaires, Akihito passa deux longues minutes à se munir de ce dont il avait besoin : au loin derrière lui, il percevait la voix d’Yliria. Ses mots étaient flous, mais il se doutait bien qu’elle parlait de redonner les corps à ceux qui les avaient perdues. C’était Yliria. Elle était comme ça, elle ne pouvait pas les laisser ainsi. Elle ne pouvait pas le laisser souffrir l’enfer qui l’habitait. Elle savait, c’était sûr. Et elle aurait besoin d’aide, du cristal de magie condensé. Ça pourrait lui être utile, ils en avaient parlé la veille. Ou l’avant-veille ? Peu importait. Et Xël ! Oui !

(Xël se débrouille bien avec les runes de ce qu’il raconte, et j’ai une rune Magie ! Il va pouvoir l’utiliser et aider Yli à nous rendre nos corps !)

Il lui devait bien ça ! Il avait sauvé son corps mourant il n’y avait même pas une heure, il était certainement redevable ! Jetant un nouveau regard hanté à son corps, Akihito fut pris d’un doute. Et s’il n’était pas complètement rétablis ? Si l’intérieur de son corps était toujours brisé, percé des fragments de ses os qui avaient traversés en tous sens son corps ? Il devait prendre ça en compte, aussi ! Après avoir bataillé pour extraire la rune Tao de sa bourse -non sans en renverser plusieurs au passage-, il détacha sa gourde de potions de soin et la posa au pied de son corps, qu’il puisse la saisir dès son retour en cas de problème. Il y déposa aussi son sucre d’orge, trouvé alors qu’il retournait toutes ses affaires pour mettre la main sur le cristal de magie.

(On n’est jamais trop prudent, non ?! Allez, on peut com… Co…
…)


Xël. Xël n’était pas là. Avec eux dans la salle, dans une vision beaucoup trop claire, ne restait que Silmeria jappant avec mécontentement, le loup-Dracaena focalisé sur son corps végétal, Yliria, Visselion et Smarag’Din. Pas de trace du second homme-bête, pas de trace de Xël. Les mots de Visselion sonnèrent dès lors comme une sentence.

« Vous êtes sûre de vouloir faire ça ici, et maintenant ? Dans notre ville, et sans mon aide pour contenir votre magie ? Je suis bien trop fatigué pour ça. Et... Xël n'est pas là.

- Vous avez raison, répondit la semi-Shaakte dans un soupir. L'impatience ne nous mènera à rien. Je vais aller m'allonger quelque part. Je commence à être lasse de tout ça. »

L’hébétement fit frémir l’âme de l’Ynorien, fit trembler ses doigts qui lâchèrent rune et cristal. Evidemment, EVIDEMMENT qu’Yliria ne pouvait pas savoir ce que vivait Akihito. Elle n’avait jamais été à sa place, et lui n’avait pas de voix pour formuler le supplice qu’il vivait depuis son retour. Personne ne pouvait le savoir. Personne ! PERSONNE ! Et même s’ils le savaient, lui aussi savait que Visselion, LE Visselion, le sorcier capable des pires coups de folies pour la beauté du geste et l’expérience de la magie de Yuimen, LE Visselion qui agissait avant de réfléchir, LUI avait RAISON de se montrer PRUDENT !

(Avec lui trop crevé et Xël l’ingrat qui préfère faire je ne sais quoi plutôt que de nous aider alors que j’ai SAUVE SA PUTAIN DE VIE, Yliria peut rien tenté sans prendre de risques ! EVIDEMMENT !)

Le grincement de l’argent noir se fit entendre alors que le golem se dirigeait vers la sortie d’un pas hagard. Le son émit se rapprochait pour une fois vraiment de ce que l’enchanteur ressentait : une plainte. Une impuissance. Un appel à l’aide, qui résonna dans les couloirs alors que la fanfare qui s’était tut reprenait de nouveau son concert infernal. La cacophonie s’intensifia en même temps que le colosse de métal accélérait pour la fuir, comme mue par une malsaine envie de pousser la malheureuse âme au bord de la folie. La course effrénée ne fut qu’une succession de couloirs, de sorciers rentrant de nouveau précipitamment dans leurs boyaux traversants ou des pièces pour échapper au pas du golem qui ne se souciait plus de ce qui se trouvait devant lui. Roches, débris de pierre ou de bois, tout fut bousculé sans ménagement. L’assourdissante fanfare continuait malgré tout à harceler de ses métalliques accords et sonorités l’Ynorien et ne finit par le lâcher qu’une fois ce dernier à l’air libre. Tournant un regard craintif vers le tunnel duquel il sortait, Akihito ne vit aucun des invisibles musiciens qui l’avaient poursuivi. De même, les sons s’étaient tus. Dans un tintamarre métallique, le golem s’écrasa à genoux, la douleur terrassant ses forces.

Il n’avait pas d’yeux pour pleurer, pas de gorge pour sangloter, pas de voix pour se plaindre. Lui qui avait supplié dans Jesuir pour ressentir la moindre sensation, fusse-t-elle de la douleur, pouvait désormais tout donner pour que son calvaire prenne fin. Prostré au sol, Akihito le frappa du poing encore, et encore. Quand la seule chose qui nous habitait était souffrance, l’impression que chaque parcelle de soi était percé de milliers de coup d’aiguilles barbelés avant d’être poncé à la meule incandescente dans un cycle sans fin, était-ce raisonnable de penser… A la fin ? A tout en finir ? Se libérer de sa prison ? Et à l’instar de Dracaena, investir une nouvelle créature ? Mais laquelle ? Et comment mourir, dans un corps aussi résistant ? Pouvait-il seulement… Mourir ? Comment tuer quelque chose qui n’était pas à proprement parler vivant ?

Quelqu’un, quelque chose devait le réduire en miettes… Mais personne n’accepterait. Et aucune menace ne rôdait à proximité pour abréger ses souffrances. IL n’y avait que lui… Et son épée.
De longues minutes passèrent durant lesquelles le golem assaillit par la douleur hésita à se donner lui-même la mort, en tranchant les câbles unissant son corps. Mais il n’y parvint pas. Un profond instinct de survie l’empêchait chaque fois d’entailler suffisamment les câbles noirs pour les sectionner. L’enchanteur n’était même pas sûr qu’une telle manœuvre allait le tuer…

Rangeant son épée dans son dos, Akihito finit par se lever, lentement. Puis, tout aussi lentement, il se mit à courir. Courir de toutes ses forces. Courir à la limite de ce que son corps mécanique pouvait lui permettre, pour oublier. S’occuper. Ne plus être prisonnier du cercle vicieux des pensées noires qui, à terme, l’aurait peut-être mené à trouver une vraie façon de disparaitre. L’aurait mené à s’attaquer au Sans-Visage, à Visselion, à Alossarh. Une idée qui l’avait angoissé à la seconde où il y avait pensé, et qui l’avait poussé à se mettre debout. A courir, essayer d’expérimenter les limites de son endurance, et caresser le doux rêve de s’effondrer d’épuisement dans un sommeil salvateur. Ou tomber sur une créature qui menacerait la ville et la défaire… Ou être défait par elle. Mais après plusieurs tours réalisés, rien ne fut trouvé. Aucune bête, aucun monstre, pas le moindre être vivant. Et toujours cette affliction qui revint à cette réalisation, ce cauchemar injuste qui l’accablait alors qu’il ne faisait qu’être conscient. En désespoir de cause, il continua à courir, et à tester toutes les possibilités que son corps pouvait lui offrir. A quelle hauteur pouvait-il sauter, quel poids pouvait-il soulever, avait-il un contrôle sur ses câbles pour étirer ses membres, les réagencer… Tout était bon pour justifier d’une façon ou d’une autre son calvaire. Dans l’attente d’une délivrance, qui, probablement, ne viendrait…

(Allez, Aki, encore un tour. Pense... Pense à autre... chose...)


-----------

HRP : Teste les limites de son corps en terme de rapidité, force, hauteur de saut, capacité à utiliser indépendamment les câbles comme des membres pour remodeler le golem.
Modifié en dernier par Akihito le sam. 22 juil. 2023 02:47, modifié 1 fois.

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Yliria
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Re: Lande Noire

Message par Yliria » ven. 14 juil. 2023 16:54

Dire que notre groupe était d’hétéroclite à présent, voire complètement bizarre et incohérent, ça relevait presque de l’euphémisme. Difficile de savoir qui était qui, avec tous ces changements de corps. Rien n’avait trop de sens. La seule chose positive, c’était que, au vu des explications muette d’Akihito et de ce que je pus comprendre çà et là en fonction de chacun, c’était que Silmeria était dans le corps d’un de ces chiens étrange et Aki était dans son golem. Mathis et Dracaena manquaient à l’appel. Et Jorus étaient censé être dans un corps de Nagorin, dans la ville. Du moins pour le moment. Seul Xël était encore dans son corps d’origine et ramenait… le dragon dont la tête observait le champ de bataille quelques minutes plus tôt. Allié ? Ennemi ? opportuniste ? Serviteur de Vallel ? C’était pas un ennemi, lui ?

(Comme d’habitude, j’y comprends rien… Que Xël se démerde, de toute façon il se fiche pas mal des autres.)

Visselion me tira de mes pensées et je lui dis ce que je pensais être la vérité. On n’était jamais sûr de rien sur ce satané monde…

- Le golem est Akihito, les autres... Sans doute d'autre yuimeniens, mais je ne sais pas lesquels. Jorus devrait être dans la ville...

Visiblement je me trompai, parce que selon les indications d’Akihito, le corps blessé était Jorus… merveilleux. Je m’agenouillais près du corps que possédait Jorus et versai une potion sur sa blessure béante. Pas assez pour le guérir totalement, mais en utiliser plus serait inutile s’il retrouvait son corps. Et mes réserves n’allaient qu’en diminuant, je en pouvais pas me permettre d’en utiliser à tout va. Je m’assurai juste qu’il aille assez bien pour me jeter un regard suffisamment étrange pour que je le considère comme rétabli. Il devait avoir encore l’esprit embrumé et ailleurs, mais je ne pouvais pas risquer d’utiliser de magie pour le rétablir complètement. Je détestai cette situation, je me sentais impuissante. La magie parcourait mon corps depuis ma plus tendre enfance, et la considérer comme aussi dangereuse et si peu fiable c’était comme si on avait remplacé mes jambes avec des membres qui n’étaient pas les miens et que je ne contrôlai pas.

- Je vais m'assurer qu'il n'y a pas d'autres dangers immédiats. Allez vous mettre à l'abri.

Je ne savais pas quelle mouche avait piqué Akihito pour qu’il file à cette vitesse, mais ça pouvait être un des nôtres, alors autant tenter de voir où ça nous menait. Je courais à sa suite avant de m’envoler pour le rattraper, apercevant la raison de son soudain départ. Une espèce de loups géant bizarre, avec… D’accord, c’était Dracaena… Il avait le chic pour être repérable de loin, peu importe le corps qu’il avait. On pouvait pas lui retirer une certaine cohérence dans son comportement erratique. Restait que ce crétin avait fait la pire chose possible et qu’il était temps de lui remonter les bretelles. Et qu’il ose me dire que c’était pas justifié cette fois ! J’aterris aux côtés d’Akihito, tirai ma rapière et abattit le plat de la lame sur le museau du loup qui glapit. Plus de surprise que de douleur, mon but s’était surtout d’appuyer mes propos.

- J'ai dit : "fais rien de stupide" ! J'ai dit "RIEN de stupide !" Et t'as rien trouvé de mieux que de te faire exploser ?! Mourir une fois t'as pas suffit ? Sérieusement ? Vous allez me rendre folle avec vos conneries !"

Ça ne leur suffisait pas de mourir une fois ? Sous mes yeux ? nan, il fallait qu’ils meurent plusieurs fois ! il fallait que je les vois mourir encore et encore, juste sous prétexte que leurs âmes restaient dans les parages ! C’était quoi le but ? Me rendre cinglée ? Ils pensaient que je n’en avais rien à foutre ? S’ils savaient ce que j’ai fais pour conserver leurs corps… s’ils savaient ce que ça m’a coûté de les voir mourir et d’essayer encore et encore de les ramener. Mais non, ils savent pas. Ils s’en foutent. Je suis tellement fatiguée…

je tapotai sur le bras du golem pour attirer son attention, rangeant ma rapière avant de désigner le groupe que nous venions de quitter. Il était temps qu’ils rejoignent leurs corps. Tout le monde devait en avoir assez de cette situation. Et même s’il manquait Mathis, on aurait plus de chance de le retrouver si on pouvait tous se comprendre. Parce que les « fougnii » de Silmeria sous forme canine, c’était incompréhensible, au mieux.

- Porte-le jusque-là-bas s'il ne peut pas se lever, s'il te plaît. Plus vite tout le monde sera rassemblé, plus vite je pourrai agir pour vous rendre vos corps. Et évertuez-vous à pas les exploser, ceux-là... J'ai bafoué assez de mes principes pour vos miches ses dernières vingt-quatre heures, j'aimerais ne pas recommencer.

Le groupe fut bientôt presque au complet. Il était temps. Je suivis les sorciers jusqu’à une salle où s’alignaient d’étranges tubes de verre. J’en profitai pour me goinfrer, mon estmac criant famine depuis qu’on était revenu dans les parages. Un effet secondaire de notre transport ? Sans doute, mais peu importait sur le moment. Quand nous atteignîmes la salle et que j’observai les étrange tubes, je compris. A l’intérieur résidaient les corps des membres du groupe, protégés. Seul celui de Jorus n’était pas comme les autres… il avait dû tenter de le récupérer sans y arriver. Sans doute que sans magie, c’était impossible. Mais visselion avait tenu parol et tout espoir n’était pas perdu, loin de là.

- Merci d'avoir veillé sur eux.

il était temps de rectifier tout ça. Et j’irai enfin m’allonger. Il fallait que je m’isole un moment, j’en pouvais plus de tout ça.

- Bon j'ai aucune idée de si ça va marcher, si ce sera sans douleur ou même si c'est possible. Ça peut même vous détruire complètement vu que la magie ici est... aléatoire... Du coup, connaissant les risques que ça implique, il... me faut un volontaire. Avec Ssussun, et Xël s'il décide d'aider, on va essayer de combiner nos magies pour transférer les âmes dans leurs corps. Si vous avez une idée ou une suggestion, je prends.

Sans surprise, ce fut Akihito qui s’avança sans même hésiter. J’aurai préféré qu’ils s’abstienne, au vu des risques, mais de toute façon, tout coupa court très vite. Je n’avais pas remarqué, trop concentré sur ce qui allait arriver, mais Xël était encore parti de son côté sans se soucier de nous avertir ou même en avoir quelque chose à foutre. Et Jorus aussi avait déserté. Je soupirai longuement, me passant une main sur le visage, lasse. Visselion recommanda la prudence. Moi j’en avais juste marre d’être ici avec une bande d’abrutis égoïste pas foutus d’essayer de s’intéresser au sort de tout el monde.

- Vous avez raison. L'impatience ne nous mènera à rien. je vais aller m'allonger quelque part. Je commence à être lasse de tout ça.

Qu’ils aillent tous se faire foutre. Sans leur égoïsme, rien de tout ça ne serait arriver. Sans leur stupidité, personne ne serait mort et je n’aurai pas eu à bafouer tout ce en quoi je crois juste pour espérer les ramener un jour. S’ils en avaient quelque chose à foutre, ils seraient tous là, à travailler de concert pour qu’on règle ce problème et se mettent enfin à combattre la vraie menace qui pèse sur ce monde. Et au lieu de ça…

Sans un regard en arrière, je quittai la salle. Je n’avais même plus l’envie bouillonnante de leur hurler dessus. Ça ne servait à rien. Ils agissaient comme des gamins incapables de réfléchir plus loin que juste ce qu’ils avaient devant les yeux. Jorus avait dû voir un truc brillant et Xêl devait s’astiquer l’artichaud en déclamant à quel point il était génial et le héros dont Aliaénon avait besoin. Putain ça me faisait chier de bosser avec des types pas foutus de suivre le groupe deux minutes juste pour qu’on avance et règle les problèmes sans en créer de nouveau. Qu’ils se démerdent, cette fois.

(Et Aki ?)

(Je ne vais pas prendre le risque de tout faire exploser. Ils auraient dû tous être là ! Merde, c’est quand même pas compliqué à comprendre qu’on peut rien faire s’ils sont pas capables de communiquer avec nous ! Putain de merde !)

Je frappai dans un mur au hasard, mais la douleur qui électrifia mon bras ne changea rie au problème. J’inspirai et cherchai un coin tranquille, à l’écart des yeux et des oreilles de tous. J’installai mon couchage et m’installai aussi confortablement que possible, sous une arche de pierre encore debout, protégée du vent par un mur à moitié effondrée. Ça me rappelait mes premiers voyages sur Yuimen..

La maison me manquait…

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Xël
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Re: Lande Noire

Message par Xël » ven. 14 juil. 2023 22:15

« Si je peux me permettre un conseil. Ne cachez rien. Dites qui vous êtes, d’où vous venez, ce que vous avez fait, pourquoi vous êtes venu ici et ce que vous comptiez faire. On vous posera sans doute un tas de question, ce sera pénible mais au moins on ne pourra pas vous reprocher d’avoir menti… »

Un conseil avisé, je vois déjà les regards suspicieux et accusateurs de certains. Envers ce nouveau venu ou envers moi et ma témérité. Celle d’avoir utilisé la magie, encore, et celle de m’être avancé seul vers un dragon inconnu aux dimensions insondables. Moi aussi je suis passé par la phase « plus de magie. » pour plus de sécurité, éviter les catastrophes. Mais face à des créatures de la taille d’un titan ou d’un dragon noir, que peut faire une lame et quelques flèches ? La magie est indispensable malgré tous les risques que cela encourt. Ils finiront tous par s’en rendre compte. Un second conseil me vient en tête concernant ce monde et qui pourrait servir à ceux qui y mettent les pieds pour la première fois: il n’y a pas de demi-mesure. On aura beau faire preuve de prudence, le moindre sort peut causer une catastrophe, soit ça réussit, soit ça foire. Et j’ai conscience que j’ai eu de la chance pour l’instant.

Le serviteur d’Orsan répond d’un haussement d’épaule et nous rejoignons les autres: Visselion qui fait partie des seuls sorciers encore debout, Yliria, Maïssa, Akihito dans son nouveau corps ainsi, à priori, de Jorus et Silmeria dans d’autres corps eux aussi. Ainsi les âmes des Yuiméniens sont d’une certaine manière revenu à la vie. A l’exception de Mathis, le juge a peut être eu raison définitivement de son âme. Je présente Trifalgin après m’être assuré d’un regard que personne n’est au seuil de la mort et mise à part un homme bête que Yliria prend en charge après un regard suspicieux dans ma direction, comme je m’y attendais, tout le monde semble tenir sur ses jambes. Visselion me demande ce qu’il en est du dragon dans la brume tandis que le golem et Yliria se précipite plus loin.

« C’est lui le dragon. »

Répondis-je en désignant Trifalgin qui sourit d’une manière qui ne me plait pas. C’est sûr qu’il n’inspire pas la confiance mais si il avait voulu se débarrasser des sorciers il aurait pu le faire avec sa brume. Je crois en sa curiosité et de toute manière il est prévenu, si il tente quoi que ce soit sa forme de dragon ne l’aidera pas.

Tout le monde se rassemble finalement et Visselion propose de guider tout le monde vers les corps qui attendent. Pour ma part je m’inquiète d’une absence au sein de l’attroupement. Le Sans-Visage n’a toujours pas bougé, contemplant les ruines et le corps du Titan se tenant au dessus. Tenter de ramener les autres dans leurs corps sans l’aide du Sans-Visage me paraît délicat, surtout sans l’appui de Visselion qui peut canaliser notre magie et qui est de ses propres mots au point de rupture.

Je laisse donc les autres regagner les entrailles de la Lande pour rejoindre l’Unique. Je profite du court chemin pour avaler un morceau et boire pour hydrater ma gorge sèche. Une fois à côté de lui je l’observe un instant, me demandant ce qu’il peut ressentir devant le cadavre d’un Titan. J’ose finalement lui demander ce qu’il en pense mais il reste silencieux même quand je lui explique la raison de ma question. Il reste immobile comme si il ne m’entendait pas. Je fais alors ce que je fais d’habitude dans ce genre de situation et je pose une main se voulant réconfortante sur son épaule. Faute grave. Une onde de choc m’envoie au sol brutalement. Je me remets sur le ventre et me redresse doucement sur mes quatre pattes en crachant la poussière noire de la région. Je lève la tête vers le Sans-Visage et constate qu’au moins il semble avoir reprit conscience de ma présence. Il m’adresse même la parole, se désolant du spectacle que je le force à regarder. Je souffle et me remets debout:

« Je vous avais prévenu. Le Titan s’est emparé de votre âme, puis il a détruit la cité, puis c’est le dragon noir qui est venu tuer le Titan. »

Il observe alors la plaine et demande ce qui est arrivé aux créatures mortes. Il n’a donc rien vu ?

« Elles sont attirées par le sceau d’Elscarl’Oth. Nous avons dû défendre la cité. »

Dis-je surpris. Je suis tout autant étonné quand le roi des loups s’approche en trottinant pour s’asseoir face à nous. Le Sans-Visage s’adresse alors à lui en lui demandant pourquoi il ne parle pas avant de demander où est l’âme du Titan, précisant qu’il n’est pas mort. Je comprends que Dracanea se trouve dans le loup à la seconde où il se met à parler. Je l’observe avec un air curieux alors qu’il me remercie de l’avoir libéré du Dragon Noir.

« Grace à moi ? Non, je n’y suis pour rien. Je suis encore curieux de vraiment savoir ce qu’il s’est passé d’ailleurs. Quant à l’âme du Titan. »

Je me tourne vers la grotte des réfugiés.

« Nous avons réussi à atténuer son influence sur nous, grâce à votre âme d’ailleurs, que j’avais sur moi. »

L’Unique s’envole alors pour rejoindre le lieu que je lui désigne.

« Hey attendez ! Qu’est-ce que vous comptez faire ? »

Il s’arrête et répond qu’il doit lui rendre ce qui lui appartient, qu’il doit comprendre. Mon corps se dresse d’effroi alors qu’il reprend sa route. Drac le met en garde contre l’influence de l’âme mais ce n’est pas ça qui est dramatique. Si le Titan revient à la vie c’est le risque qu’il s’agite à nouveau et que les ruines s’effondrent avec tout ceux qui sont à l’intérieur. Sans plus attendre je génère un portail menant à l’âme du Titan.

« Vite ! »

Je m’élance à l’intérieur pour arrêter l’Unique.

« Attendez ! Si vous faites ça c’est le risque que tout s’effondre sur mes compagnons et les survivants d’Elscarl’Oth ! J’ai besoin de vous pour qu’ils retrouvent leurs corps pas pour qu’ils soient ensevelis pour toujours sous la cité en ruines ! Vous pouvez sans doute déplacer le Titan avant ou attendre que la cité soit évacué ! Maïssa y est aussi, vous l’avez appelé votre fille, vous n’allez pas risquer la vie d’un de vos fidèle alors que c’est évitable non ? Puis vous n’êtes pas à quelques heures prêts je pense ? »

Avec assurance j’ajoute en conclusion:

« Je vous demande d’entendre ce que je vous dis. Je ne me suis pas écarté à Orsan quand vous avez voulu prendre la vie de Simaya, je ne le ferai pas plus aujourd’hui alors que vous menacez de tuer tous ceux qui sont là dessous. Et je suis sûr que vous le savez. »

((Ouvre un portail pour rejoindre l’âme du Titan et convaincre le Sans-Visage de ne pas ressusciter le Titan tout de suite. Le portail est encore ouvert si Drac veut me rejoindre.))

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Dracaena Paletuv
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Re: Lande Noire

Message par Dracaena Paletuv » sam. 15 juil. 2023 03:43

La bataille c'était visiblement calmée. Je n'apercevais ou n'entendais plus de hurlement , d'explosion ou autre. Fallait supposer que les autres avaient réussi à bien gérer de leur coté aussi. Moi, j'étais toujours la, contre mon mur, à coté de l'inscription que j'avais tracé, à attendre que quelqu'un me remarque. C'était dur de se détendre: l'intensité du combat n'étant plus la, je réentendais de nouveau les organes de ce corps battre et le sang circuler. Mais, au moins cette fois ci j'arrivais à contrôler l'envie de vomir. C'était bien trop immonde comme sensation, et il était hors de question que je subisse ça de nouveau.

Définitivement, je ne me sentais pas bien du tout dans un corps de chair et de sang. Mais... c'était une expérience. Et maintenant que les choses étaient calmées, j'allais ptet en profiter pour en tirer un maximum, de ce corps. Tester tout un tas de truc, de sensation. Voir quelles étaient mes limites aussi. Et déjà, une nouvelle sensation se manifestait: une odeur. Une intense, insupportable odeur métallique, ainsi qu'une autre dur à décrire, concentrées au niveau de mon nez. Enfin, truffe pour les canins, qu'il me semblait. Mais oui, j'étais dans le corps d'un loup, et ces bestioles la avait un odorat bien plus balèze qu'un oudio. C'était... vraiment différent. Si j'avais du mal à comprendre comment on reniflait avec ce truc (sérieux, c'est tellement plus simple de respirer par les feuilles et le corps entier...), je réussi à comprendre de quelle direction venait l'odeur. En scrutant un peu ce coté la, j'aperçu au loin un golem qui m'était familier. Une femme volante le suivait de près.

J'essayai de leur faire un coucou de la patte, mais ça n'rendait pas aussi bien qu'avec ma vrai main, pour sur. Akihito, qui semblait sur ses gardes en approchant, s'immobilisa à la vue de ma fresque murale. Il se mit à scruter les environs, visiblement toujours pas sur que j'étais bien l'auteur du message. J'pensais que le coucou suffirait. Il finit par s'approcher de moi et me tendis une main: bon, il avait compris, tant mieux! Comme moi, si les gens peuvent se parler sans se comprendre, l'inverse était aussi possible.

J'devais avouer, par contre, que j'comprenais pas trop la raison de sa main tendue. Il voulait quoi? M'aider à me redresser? J'étais un quadrupède pour le moment, donc ça allait pas servir à grand chose. Ou ptet qu'il voulait que j'lui fasse un "top la"? Ou alors, il tentait un trait d'humour, et me mimait de lui donner la papatte. Un chouilla humiliant, mais au fond, l'idée était rigolote. Autant participer! Mais je n'eu pas le temps de lever la patte que je sentis un coup s'abattre sur ma tête.
Un jappement s'échappa de surprise: ça n'avait pas fait mal, mais j'm'y attendais absolument pas. C'était Yliria, ayant atterrit et me regardant d'un air particulièrement agacé... Non, à ce stade, c'était de l'énervement.


- J'ai dit : "fais rien de stupide" ! J'ai dit "RIEN de stupide !" Et t'as rien trouvé de mieux que de te faire exploser ?! Mourir une fois t'as pas suffit ? Sérieusement ? Vous allez me rendre folle avec vos conneries !"


Je la regardai fixement. J'avais tant de chose à lui dire. Tant de chose à lui répondre. Elle semblait, comme toujours, complètement persuadée de la bêtise de mes actions, elle ne voyait que le coté négatif. Elle ne s'était pas demandée pourquoi j'avais explosé, ou si ça avait servit à quelque chose: non, juste des accusations et des blâmes, parce que je n'avais pas suivit ses ordres. Sa vision. Ses règles.

Qu'importe que mon action avait pour but de tester quelque chose qui pouvait nous servir à tous. Qu'importe que j'ai éliminer un groupe de monstres qui faisait un carnage, et dont elle aurait pu être la prochaine victime. Qu'importe que j'ai réussi à me libérer de l'emprise de Brythagon avec cette action. Qu'importe le fait que la mort ne voulait plus dire grand chose sans la brume des âmes.

Non, comme d'habitude, elle ne se mettait pas à la place des autres. Elle n'essayait pas de vraiment comprendre, de voir plus loin que le bout de son impulsivité.

Mais je ne pouvais pas parler. A la limite, écrire, tracer dans le sol ma réponse, grâce à mes griffes, quitte à ce que ça prenne un moment.

Mais... Non. Pas (juste) parce que ça ne valait pas le coup. Pas parce que je préférais vraiment pouvoir parler de vive voix. Mais parce qu'en la regardant, la, presque à bout de souffle, les yeux plein de colère... je décelais aussi de la tristesse.

Et c'était... perturbant. Qu'essayait elle de me faire comprendre? Que ça... "l'attristait" que je sois mort (encore) sous ses yeux? Tandis que moi, j'avais baigné dans la jouissance de par cette action explosive, elle, avait été blessée? Je...n'y croyais absolument pas. Elle ne m'aimait pas. Cette nana ne me supportait pas. Me tolérait, tout au plus. ça, elle l'avait bien fait comprendre. On ne me f'rait pas croire le contraire...

Et pourtant... cette tristesse, elle, était bien la. Dans ses yeux, dans sa voix. J'avais beau être dans un gros loup, je savais encore comprendre les émotions des êtres de chair. Mais du coup, pourquoi? Pourquoi sembler choquée et lassée de mon second décès? Non, ça n'était pas "mon" décès". C'était parce que c'était "un" décès".
J'étais si occupé à m'agacer de son manque d'empathie que j'en avais presque oublié de l'être: elle avait un problème avec la mort. Elle avait un problème avec le fait de voir des gens mourir. Trop sensible? Traumatismes passé? Terrifiée par l'acceptation de la fin ?

J'pouvais pas dire. Mais, clairement, elle était à bout. Epuisé par de mauvaises expériences, de mauvais évènements. Mon explosion, c'était un jouissif climax pour moi, mais un couteau dans la plaie pour elle. A bien y réfléchir, Akihito avait dit qu'elle chercherait à nous ressusciter parce qu'elle n'abandonnait jamais. Et elle avait mentionné le fait que Brythagon ou pas, elle me ramènerait à la vie comme les autres. Mais.... le faisait elle pour nous, ou le faisait elle pour elle? Pour ne pas s'infliger cette horreur qu'était la perte de l'entourage?

C'était... triste. Mais quel que soit la raison derrière ses motivations: elle ne voulait pas abandonner. Peut être que son culot constant était une forme de défense? Moi, j'avais décidé d'embrasser mes trauma, peut être qu'elle voulait les contrer à tout prix.

Pour cette fois... Pour cette fois je ne dirais rien. Je ne ferais rien. Je garderais mon désaccord de coté, et je lui secouerais les bretelles le moment venu, mais en attendant, je la laisserais tranquille. Si elle avait décidée d'entrer en guerre contre un ennemi aussi imposant, alors son âme avait besoin de repos, son esprit avait besoin de repos.


- Porte-le jusque-là-bas s'il ne peut pas se lever, s'il te plaît. Plus vite tout le monde sera rassemblé, plus vite je pourrai agir pour vous rendre vos corps. Et évertuez-vous à pas les exploser, ceux-là... J'ai bafoué assez de mes principes pour vos miches ses dernières vingt-quatre heures, j'aimerais ne pas recommencer.


Mais ce repos, elle se l'interdisait elle même. Vouloir régler les problèmes trop vite et à tout prix lui avait déjà couté beaucoup, et continuerais de lui couter beaucoup. Ironique, pour quelqu'un qui me reproche d'avoir agis stupidement. Mais qu'importe, ça n'est pas comme si elle m'écouterait si j'essayais d'en parler. Autant la suivre et voir comment les choses se dérouleront. Je me mis debout sur mes quatre pattes (avec une petite poussée d'Akihito), avant de suivre les deux autres vers la ville. Plus on s'approchait de l'endroit, et plus je fus agresser par des odeurs en tout genre. Tandis que l'on nous dirigeais vers des souterrains, je me mis à renifler un peu partout, cherchant différencier tous les fumets qui flottaient dans l'air, regardant un peu partout pour voir qui était la ou non.

Et si le dragon des brumes semblait nous avoir rejoins sous une forme humaine (plein de question à poser à ce sujet, trop difficile à faire pour l'instant), je remarquai aussi que le Sans-Visage n'étais pas parmi nous. Je vis aussi Xël nous fausser compagnie, partant dans une certaine direction. Probablement qu'il allait retrouver le petit titan. Jorus avait visiblement trouvé un corps d'emprunt, et Silmeria, elle, était dans un des hommes bêtes croisé plus tôt. En la regardant d'ailleurs, un sentiment familier monta en moi. Elle avait... elle avait quelque chose... de différent des autres. Elle me faisait me sentir... grand. Dominant. Non: royal.

Mais je n'eu pas le temps de me pencher sur la question. On nous amena dans la salle où nos corps étaient conservé, et revoir le mien me fit presque passer en transe. Je n'savais pas depuis combien de temps j'étais mort, mais revoir mon enveloppe charnelle m'emplissait d'émotions chaotiques. Je m'étais déjà vu dans des miroirs, mais ça n'était pas pareil... Mon corps était la, flottant dans une espèce de cuve, des particule de cendre mélangée au liquide. Il était tout inerte, mon visage dépourvu de mes lueurs oculaires ressemblant juste à un masque sombre. Mes cicatrices et brulures, toujours la, au même endroit. Les revoir me faisait les sentir sur mon corps actuel. Ma seule consolation est que même dépourvu de vie, j'étais quand même incroyablement sexy. Mais même ça jouait contre moi, car plus j'observais ce corps brisé mais pourtant si parfait, plus le costume de chair et de peau que je portais m'étais insupportable.

Mais je devais tenir. Car même si ça n'étais pas moi, même si ça n'était pas de la sève ou du bois, c'était ce que c'était: juste un costume. Un emprunt. Une expérience. Je devais voir les choses de cette façon, profiter le plus possible des nouvelles sensations que ce corps immonde pouvait m'offrir. Tout était bon à prendre, tout était une découverte! Mon corps dévoré par des gerbes de feu, ou ce loup plein de poil et à la peau flasque, c'était une expérience, ni bonne, ni mauvaise. C'était à moi de m'assurer de la rendre bonne!

Et en parlant de bonne chose, tandis que j'étais perdu dans mes réflexions, une conclusion plutôt cohérente semblait avoir été atteinte: il manquait Xël, et Visselion et Yliria étaient tous les deux complètement épuisé, physiquement et mentalement, donc, il fallait remettre notre "résurrection" à plus tard. C'était dommage, certes, mais clairement préférable. Et si Yliria semblait las de tout ça, elle décida d'écouter les autres et d'aller se coucher. Je ne pouvais qu'approuver, et espérer qu'elle ne laisse s'emplisse pas de regret et de frustration pour cette décision.

Avant qu'elle ne s'en aille, je lui fis une courbette (pliant une patte avant et inclinant la tête) afin de lui montrer mon respect pour sa détermination. Et peut être qu'elle comprendrait aussi que je ne cherche pas juste à aller à l'encontre de tout ce qu'elle fait pour l'énerver. Je fis aussi une courbette à Akihito, ainsi qu'à Maïssa, parce qu'ils méritaient bien ma politesse. Il faudra d'ailleurs que je prenne le temps d'aller m'excuser auprès de l'archère pour tout le cirque dans l'autre temple. Pour l'avoir un peu utilisée pour justifier mes actions, aussi.

Mais, pour le moment, je voulais m'occuper de quelque chose d'autre. Quittant le groupe, je me dirigeai vers le chemin que Xël avait emprunté un peu plus tôt, et au loin, sans surprise, je l'aperçu en train de discuter avec le Sans-Visage. J'voulais faire d'une pierre deux coups: déjà, aller voir Xël pour m'excuser pour le "combat". Lui toucher écrire deux mots aussi sur le fait qu'on aura besoin de lui pour renvoyer nos âmes dans nos corps, et qu'il avait probablement besoin de repos, comme Yliria. Mais surtout: le Sans-Visage. J'avais un peu réfléchit à pourquoi il ne nous avait pas suivit, et je me suis souvenu qu'à peine arrivé près de la ville, il était juste resté à regarder le cadavre du titan ailé. Ces titans étaient des dieux, des saletés surpuissantes et se croyant meilleure que tout le monde.

Mais... Mais le Sans-Visage était surement, avec Xël, le responsable de notre téléportation. Il nous avait sauvé. Il m'avait sauvé. Eloigné de Brythagon, suffisamment pour que je puisse me défaire de mes chaines. C'était ptet un dieu, mais moi, j'étais pas un ingrat. Et même sans ça... Il avait beau pas avoir de face, y avait pas besoin d'être un médium pour comprendre la tristesse qu'il ressentait en voyant le cadavre d'un de ses "frères". Le minimum que j'pouvais faire, c'était le remercier, et lui présenter mes condoléances. Titan ou pas titan, c'était normal de lui d'mander si ça allait ou pas.

Et une fois ça vu avec eux, il allait aussi falloir parler organisation: parce que récupérer nos corps et tout ça, c'était bien beau, mais on avait toujours un aspirateur à âme géant qui se promenait dans la nature. Et qui devait m'en vouloir un tout petit chouilla aussi. Bref , une fois son deuil passé, qu'est ce qu'il comptait faire p'tit titan?

Je fini par arriver au niveau des deux hommes (?) en trottinant, ayant commencé à comprendre comment le déplacement à quatre pattes fonctionnait. Ils étaient visiblement en train de discuter de l'attaque que la ville avait subie. Une fois arrivé face à eux, je m'assis, près à dégainer une griffe pour écrire dans le sol, quand une idée me traversa l'esprit: c'était un dieu non? Et si j'savais bien un truc des dieux, c'est qu'c'était des gros sans gêne quand ils agissaient avec les mortels. Donc... y avait une chance qu'il soit capable de lire dans mes pensées.
Regardant le Sans-Visage droit dans le... trou qu'il avait à la place des yeux, je me mis à me concentrer bien fort, et à penser:


"(Sans-visage, vous pouvez m'entendre?)"

...
Ah, euh, et prenez pas mal le "Sans gêne", c'est pas contre vous.


«Je vous entends, chien-roi. Mais que ne parlez-vous pas ? »

...Parce que je suis un loup et que ça parle pas les loups?

«Ce titan n'est pas mort. Il n'était pas non plus dans la Dragonne. Où est son âme ? »

"C'est vrai ça, elle est dev'nu quoi l'â...."


Je mis mes mains (enfin, pattes, z'aviez compris...) sur mon museau. Il... Il venait de se passer quoi la?! J'avais parlé. J'avais... parlé. C'était pas la avant. J'avais essayé, mais tout ce qui sortais de ma bouche c'était des "ouaf ouaf aouuuu grrrr". Pas des mots bien articulé. C'était... C'était quoi ce délire?!
Je me mis à dévisager (huhu) le Sans-visage.


"....Vous.... Juste comme ça..."


D'une simple pensée, par la force de sa volonté, il m'avait donné la parole. La, comme ça, sans raison. Gratuitement. C'était fascinant, pour sur, et ma curiosité en était tout émoustillée, mais avant de chercher à comprendre comment ça marchait, physiquement et magiquement, je me demandais juste: pourquoi?
Pourquoi me rendre ce service la? Alors, certes, c'était pas grand chose pour lui à tous les coups, mais quand même: pourquoi?
Puis, je repensais à tout ce qu'on m'avait du sur le Sans-Visage, d'Eaeria à l'archiviste, en passant par Ibn et les sans-manières: ce type voulait donner sa chance aux espèces plus faibles que les titans. Peut... peut être qu'il avait fait ça...juste... juste pour être.... sympa?

...Si quelqu'un m'avait dit qu'un jour, j'me serais senti redevable à un dieu à cause d'un acte désintéressé de ce dernier.... j'aurais probablement mis le feu à la dite personne.


"Z'avez mes remerciements, m'sieurs Sans-Visage. Et app'lez moi Dracaena, le roi loup c'est une...location.
...A bien y réfléchir, j'suppose que c'est grace à vous et m'sieur Xël qu'on a réussit à fuir mon ancien patron. Pour ça aussi j'vous r'mercie. J'vous en doit une, et pas une p'tite."


Je fis une courbette au Sans-Visage, puis une autre destinée à Xël.

"Mais où sont mes manières? V'la qu'j'vous interromps. Reprenez vot' discussion, j'dirais s'que j'ai à dire après. Faites comme ci j'étais pas la."

« Grace à moi ? Non, je n’y suis pour rien. Je suis encore curieux de vraiment savoir ce qu’il s’est passé d’ailleurs. »


Oh. Moi qui était persuadé que le p'tit titan avait juste augmenter l'efficacité des portails de Xël sur le moment. Bon, bah, encore merci m'sieur Sans-visage, hein. Xël et ce dernier reprirent leur discussion (le Sans-visage m'ayant d'ailleurs visiblement prit au mot, m'ignorant complètement), et l'humain indiqua où se trouvait l'âme du titan ailée. Celle qui, indirectement, avait provoquée la mort de tout le groupe. Mais je n'eu pas le temps de me remémorer la scène, ou les sensations que cette âme avait procurée, ou même essayer de mentionner ce qu'on avait essayer de lui faire: le ptit titan regarda dans la direction de la grotte concernée, presque hypnotisé, et s'envola vers cette dernière.

Il... Il allait quand même pas... Noooon. Non, surement pas.


« Hey attendez ! Qu’est-ce que vous comptez faire ? »

Non, il allait pas faire s'que je pense. Hum, non. Vraiment, peu de chance. Par contre, aucune idée de si le bonhomme à demi tête était immunisé à l'effet de rage que cette âme possédait. Après tout, le titan ailé avait bien été hypnotisé par l'âme de son petit frère, alors pourquoi ça marcherait pas dans l'sens inverse? Et franchement, j'avais pas envie de voir ce qu'un type capable de donner la parole à un animal en un claquement de doigt risquait de faire s'il s'énervait.

"J'sais pas si vous êtes immunisé mais faite gaffe: les gens qui s'approchent de cette âme deviennent enragé!"


« Je vais lui rendre ce qui lui appartient. Et je ne crains rien de mes semblables. Je dois comprendre. »


Oh bon sang de bonne sève, c'était bien ça: il voulait ressusciter le titan ailé! J'm'étais fait la réflexion, si on peut recoller nos âmes dans nos cadavres à nous, petit mortel, est ce que ça pouvait pas marcher pour le grand bonhomme à plume? Et, très franchement, j'avais pas envie qu'on fasse le test tout de suite.
Non pas que j'voulais pas avoir la réponse à la question hein, voir un titan revenir à la vie, c'était aussi fascinant que d'en voir un clamser, mais au vu de son comportement précédent, et surtout, au vu de sa taille et de tout le blabla que les habitants du coins nous avaient fait concernant les souterrains fragilisés de la ville, euh...

...

Pas pour faire le mec qui crache sur la main qui le nourrit, hein, mais deuil ou pas, ça sentait bien l'idée de merde. Et c'était pas ma truffe cette fois!


"On d'vrait ptet le suivre."


Dis-je à Xël, d'un ton un peu stressé. Mais, ce dernier avait réfléchit plus vite que moi: le temps que je me tourne vers lui, il avait créé un portail et sauta dedans, sans le refermer derrière lui. Par les fesses de Fearadhach, pour tous les reproches qu'on pouvait lui faire, il avait pas peur de sauter dans l'action le Xël.
Sans perdre de temps, je me mis à le suivre, traversant le portail à mon tour, me retrouvant soudainement dans la grotte où j'étais mort la première fois... et qui accessoirement contenait l'âme du titan ailé. (détail, détail...)


« Attendez ! Si vous faites ça c’est le risque que tout s’effondre sur mes compagnons et les survivants d’Elscarl’Oth ! J’ai besoin de vous pour qu’ils retrouvent leurs corps pas pour qu’ils soient ensevelis pour toujours sous la cité en ruines ! Vous pouvez sans doute déplacer le Titan avant ou attendre que la cité soit évacué ! Maïssa y est aussi, vous l’avez appelé votre fille, vous n’allez pas risquer la vie d’un de vos fidèle alors que c’est évitable non ? Puis vous n’êtes pas à quelques heures prêts je pense ? »


Xël était déjà en plein speech pour essayer de convaincre le Sans-Visage d'attendre un peu. Et pas bête de lui demander de nous aider à revenir dans nos corps d'origine: c'était surement accessible pour lui, et ça permettrait d'éviter un autre accident (et que le cerveau d'Yliria fonde).


« Je vous demande d’entendre ce que je vous dis. Je ne me suis pas écarté à Orsan quand vous avez voulu prendre la vie de Simaya, je ne le ferai pas plus aujourd’hui alors que vous menacez de tuer tous ceux qui sont là dessous. Et je suis sûr que vous le savez. »

...Comment ça prendre la vie de Simaya?! C'était quoi cette histoire encore?...A bien y réfléchir, je l'avais pas vu depuis ma mort, que ça soit en surface et dans les souterrains...
Kreee, bon, mettons ça d'coté pour l'instant, y avait plus urgent. Xël avait déjà dit le plus gros, et résumait assez bien ce que je pensais. Calmement, je me permis de rajouter:


"Je ne peux pas ressentir votre douleur comme vous la ressentez, mais je peux essayer de comprendre, tout comme Xël, et tout comme vous vous semblez prêt à comprendre la notre: s'il vous plait, patientez un peu avant de ramener votre frère. Laissez nous au moins le temps d'évacuer l'endroit. Et s'il le faut, je suis prêts à vous aider à lui trouver un corps de substitution en attendant! "

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Silmeria
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Re: Lande Noire

Message par Silmeria » sam. 15 juil. 2023 04:32

" Blaaargueubalaaaargue "

Pardon ? Me voilà franchement réduite à pousser ses cris gutturaux et idiots ? Ma voix n'était... Qu'un cri de bête, les cordes vocales de mon hôte n'étaient pas assez fines pour parler comme je l'aurai voulu, je saluais néanmoins le fameux Triphasé de la patte tandis que Xêl le présentait comme le servant d'Oranan et de Vallel qu'il était. Vaisselier aussi était là, il semblait inspecter les aventuriers et les sorciers restants, visiblement il semblait en meilleure condition que ses semblables.

De la patte, je griffais le sol gorgé de sang dans de grosses lettres facilement lisibles disant " Je veux mon corps " avant de tapoter sur l'épaule de Vaisselier en clamant : " Galaaaaabaaarg. Fougniiiiimataaa ! Blaaaaarg "


Oh, je sentais que ça allait devenir lourd à supporter, ces insupportables jappements. D'abord je perds mes cheveux avec l'horrible chose de Vallel, maintenant ma voix. Au moins j'ai des poils à coiffer, mais ils sont aussi doux qu'un ballot de paille oublié en pleine canicule. Et probablement aussi sales, j'ai l'impression d'avoir des puces et des poux qui forniquent allégrement dans mes plis de cou et derrière mes oreilles, je me gratterai bien mais j'ai peur d'y trouver plus de miel que dans une ruche en plein champ.

Vaisselier nous conduisit jusque dans la ville gardée plus tôt. Nous arrivons dans une salle sombre où se tenaient de grandes cuves remplies d'un liquide verdâtre. Par transparence on pouvait y distinguer des corps flottants dans cette substance que je ne connaissais pas. J'aurai bien aimé y jeter un oeil de plus près, si ça se trouve, c'était là quelque chose qui pourrait stabiliser une blessure en plein combat ou encore de conserver un corps blessé pour mieux l'extraire du champ de bataille, ou encore de pouvoir conserver un corps empoisonné pour trouver un remède. M'enfin si ça se trouve, c'était juste de l'eau croupie issue des bains de pieds de ces mages... Même si je préfère croire qu'il s'agit là d'un produit aux vertus curatives et pas un vulgaire vinaigre à cornichons.


" Galabaradol ! Fougni e' bogdanov ! " A mesure que le niveau de cette purée descendait, je voyais mon corps se dévoiler. Plus petite que mon enveloppe actuelle, je voyais ses longs cheveux blancs collés à son visage, ses frêles épaules, son joli cou de cygne, sa petite poitrine sur laquelle se collait la robe des Sylphes alourdies de cette substance singulière. Je la... me voyais. Je me trouvais si fragile... J'avais une véritable montée d'adrénaline, je voulais vite la.. me retrouver ! Sans plus de cérémonie, je voulais concentrer mon esprit comme je l'avais fait pour la bête de Vallel et ce vilain corps velu. Mais je n'y parvins pas. Je retentais, il n'y avait pas de raison et malgré cette persévérance... Rien. Mon corps m'était inaccessible. Je... J'échouais.


" Pourquoi ça ne fonctionne pas comme avec les autres " J'avais tracé ça grossièrement au sol avant de secouer l'épaule de Vaisselier, je clamais quelque chose comme si j'allais subitement me mettre à communiquer dans une langue qu'il comprendrait mais.. à part l'avoir bombardé de postillons ensanglantés, il ne se passa rien.

" Houllebecq ! Fougniiimata. Nifoumataaaa ''

"Quoi ne fonctionne pas comme avec qui ?"

D'un geste, je lui montrais mon corps échoué qui attendait dans sa cuve, d'un autre je lui montrais mon corps vivant, disgracieux, bestial, velu... Il avait le mérite d'être plus fort physiquement et peut être plus agile - quoique... J'aurai probablement pu arracher un bras à Silmeria de la seule force de mes mains mais... En un clignement, une fraction de seconde, elle m'aurait aussi tranché la gorge. Mon corps me manquait terriblement, et pourtant il était là, à portée de main, je pouvais le toucher mais pas en jouir.

" Semblerait que ce soit une affaire d'âme : on peut hanter quelqu'un de vivant, pas un corps mort."

Même si Vallel avait dit que sa présence était nécessaire pour regagner nos corps, j'avais espéré que la magie de ce monde, que la science de Vaisselier pourrait permettre un transfert d'âme, et tant pis si le vilain loup-chien-bête-sac-à-puces que j'occupais actuellement devenait fou à lier une fois privé d'âme pour le contenir, je voulais retrouver mon enveloppe... Je poussais un jappement plaintif comme pour râler, mais au simple ton que j'avais employé, Vaisselier comprenait.

" Tous les autres ont abandonné cette idée pour l'heure, il semble. Le danger est réel, sans mon soutien. Vous le savez."

Des paroles sages. Il ne fallait pas s'empresser, pas faire d'erreur, pas maintenant, si proche de notre objectif. On avait quitté Jésuir et Akiboule, détruit la pyramide et la dignité de Jorus, traversé la brume, traversé les marais et retrouvé Vallel, maintenant que le plus gros du chemin était fait et que j'étais devant mon corps, il ne fallait pas se précipiter, pas risquer de l'abîmer. Ne pas gâcher ma chance, mon unique chance.

" Fougniiii. "

Lasse de cette situation, je savais Vaisselier et les autres exténués par ce combat, il leur fallait du repos et à moi aussi, ce corps n'était pas aussi fin que celui d'un Elfe, il avait besoin de se reposer et par là, il n'était pas question d'une simple méditation de quelques heures, il fallait vraiment un gros sommeil, roulé en boule aux pieds de Silmeria, je glissais mon museau entre mes pattes avant après m'être enfin gratté l'oreille avec la patte arrière. Ouais ! Dégagez saloperies de puces !
La petite plume de la Mort.

Alors, j'ai établi ma couche dans les charniers,
Au milieu des cercueils,
Où la Mort Noire tient le registre des trophées qu'elle a conquis.


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Cromax
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Re: Lande Noire

Message par Cromax » sam. 15 juil. 2023 13:36

Cauchemar en Aliaénon : Lande Noire (bis) IX



Alors que dans la cité, Yliria, Silmeria et Jorus se reposaient d’un sommeil choisi ou forcé, que Mathis avait abandonné tout espoir d’action, patientant sans bouger, à la surface ça se remuait un peu plus. Akihito, douloureux de partout, mais surtout de l’âme, parvint à déterminer les capacités de son corps neuf d’argent noir. Il était bien plus puissant, niveau force brute, qu’un simple corps humain. Mais ça il le savait déjà. Plus résistant, aussi. À vrai dire, quasiment indestructible, si ce n’étaient ces câbles qui servaient la mobilité de ses membres métalliques, été uniquement ça. Pour la rapidité et la hauteur des sauts, c’était relativement proportionnel à ce qu’il aurait eu en tant qu’humain de cette taille. Plus haut et rapide qu’un humain lambda, donc, mais pas d’une vitesse hautement impressionnante.

Près de la grotte ayant servi d’abri temporaire aux survivants, Dracochien, Xël et le Sans-Visage étaient regroupés autour de l’âme rougeoyante du Titan Ailé. Ils purent instantanément sentir sa puissance nuisible s’emparer de leur patience, de leur agressivité latente : les enchantements sur elle n’avaient plus cours. Aux discours du mage et du Roi-Loup, il répondit posément :

« Vous aurez mon soutien pour les vôtres, je vous le dois bien. Mais vous ne pouvez pas me demander de voir un frère souffrir d’extinction, âme à nu et exposée à la destruction sans agir aussitôt. Il ne fera pas s’effondrer la ville qu’il a détruite : cette vision me hante déjà bien assez. Il s’en ira rejoindre les nôtres. »

Et sans que le duo puisse l’empêcher, il souleva magiquement l’âme rouge de terre et l’avança vers le corps du colosse dont le trou pectoral se rebouchait. Assez vite, un grognement sombre résonna dans toute la Lande, faisant vibrer le cœur et le corps de chacun. Le titan se mit en mouvement, regardant ses membres, défait et rempli d’incompréhension. Puis, regardant dans la direction de son sauveur, il écarta ses ailes gigantesques et prit son envol dans un tourbillon venteux qui força les vivants, même Akigolem, à s’agripper s’ils ne voulaient pas choir. Il disparut dans la masse nuageuse en direction du nord, ne laissant de lui que le souvenir destructeur de la cité d’Elscar’Olth. Le Sans-Visage regarda Xël et Dracaena.

« Allons voir les vôtres, maintenant. »


[HJ : Les trois "dormeurs" : libre à vous de vous laisser envahir des songes magiques liés à Elscar'Olth et à ce qui s'y est passé. Vous demeurez endormis jusqu'à ce qu'on vous réveille, pour cette màj. Les autres : aparté possible avec le SV pour rejoindre (ou non) les corps.]


[XP :
Jorus : 0,5 (Poc)
Mathis : 0,5 (discussion), 0,5 (tentatives)
Akihito : 0,5 (discussion), 0,5 (tentatives)
Yliria : 0,5 (discussion), 0,5 (actions)
Xël : 1 (discussions)
Dracaena : 0,5 (discussion), 0,5 (errances)
Silmeria : 0,5 (discussion)



[Bons :
Jorus : Le Ponctuel !
Mathis : Le Ponctuel ! L’émotif !
Akihito : Le Ponctuel ! L’émotif !]

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Jorus Kayne
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Re: Lande Noire

Message par Jorus Kayne » jeu. 20 juil. 2023 15:50

Les créatures…la lumière du sceau…


Mon sommeil est rude, mais pas aussi dure que ne l’est le sol sur lequel j’ai dormis. J’ouvre les yeux, incapable de savoir comment j’ai bien pu atterrir ici, dans cette plaine sans vie qu’est le paysage quotidien d’Elscar’Olth. La cité est non loin et sa triste destruction, toujours présente. Il en est de même pour le corps du Titan et son trou béant. Le voile obscur qui fait office de ciel pour la Lande Noire est toujours présent. Rien n’a changé depuis la destruction du Titan. Rien, si ce n’est un léger ronronnement dans la terre. Un détail sur lequel je m’attarde un peu et en me relevant, je constate que mon corps m’est revenu. Je n’ai plus ma forme d’homme-bête, ni cette lueur qui émanait de ma forme spectrale. Mais si j’ai réintégré mon corps, qu’en est-il des autres ?

Je regarde autour de moi. Rien et surtout personne. Pas un être vivant, ni un brin de vie à l’horizon et pourtant, je sens que quelque chose manque ici. Quelque chose qui devrait être présent, mais qui manque pourtant au tableau qui s’offre à moi. Comme un indice sur l’explication de ma présence ici, seul, se dérobant à mon regard. Si j’ignore si de mes yeux ou de ma tête est celui qui me fait le plus défaut, le ronronnement est devenu plus fort, bien plus fort. La terre vrombi dans son entièreté, comme si elle était sur le point de se réveiller elle aussi.

Je pose ma main au sol pour le ressentir cette vibration qui devient très intense et se propage dans tout mon corps. Le bruit de la terre se fait ressentir dans chaque parcelle de mon être et d’un coup…quelque chose de nouveau survient. Quelque chose de nouveau et de terrifiant. Une information qui ne vient pas de mes yeux, scrutant la terre qui se meut. Pas non plus au travers du contact entre ma main et la terre. Un bruit, sourd, lointain est désormais audible, mais aussi localisable. Venant à l’ouest de ma position, mes craintes me font tourner lentement mon regard vers la source. Un épais brouillard est présent. Il est épais, de la couleur du sol la Lande. Plus je me focalise sur lui et plus mes doutes s’installent. Ce n’est pas un brouillard, mais une fumée. La fumée de membres marchant sur le sol. Elle bouge et ce, plutôt rapidement. La distance qui nous sépare me fait craindre le pire quant à la hauteur et le nombre d’êtres capables de générer ce qui est au final, que de la poussière.

Et là, je comprends. Je comprends ce qui manquait à ce décor sans vie. Un maigre espoir se bat en moi pour perdurer, mais il meurt définitivement lorsque les premières créatures apparaissent, se ruant dans ma direction, ou plutôt celle du rayon de la Lande, au lieu d’être présente en masse aux abords des ruines de la cité. Le vrombissement de la terre n’est pas une réaction d’une entité aux dimensions irréelles, so on ignore l’existence des Titans de ce monde. Il s’agit simplement de piétinement. D’une masse grouillante de créatures, diverses et variées, déferlant sans cesse et presque dans un accord commun, sur le sol de ces terres. Ils sont bien plus nombreux que dans mon souvenir et pour cause, je me rappelle avoir entendu que les sorciers de la Lande ont bataillé durant trois jours avant notre retour. Savoir qu’ils ont diminué le nombre est une chose, l’appréhender personnellement et de ses propres yeux en est une autre. Le nombre de créatures paraît quasi-infini, s’étendant à perte de vue. Le sol n’est rapidement plus qu’un amas d’être se ruant dans la même direction et le ciel se teinte de créatures beaucoup plus nombreuses, voilant l’espace d’une vision de cauchemar. Plus encore que pour sauver les leurs et ce qu’il reste de leur cité, les sorciers ont fait face à un désespoir inouï, des jours durant.

Et moi, je suis au milieu de tout cela. Trop loin pour me réfugier, trop seul pour espérer survivre et même donner le moindre répit en faveur des défenseurs. Si mon effort de lutter est vain, tout est fini avant même d’avoir pu commencer. La horde me traverse, tel un vulgaire esprit. Comme si je mon existence n’avait pas lieu d’être ou pire, ma mort a été si rapide, que mon esprit n’a pas eu l’impression de mourir, extrait d’un corps qui n’est désormais plus qu’une masse de chair morcelée, voué à devenir la plus grande carpette de ce monde. Je vois derrière-moi que la défense s’organise. Les premiers effets magiques des sorciers sont là pour défendre tout ce qu’ils représentent. Thensooor m’a dit que son espoir s’était réduit à néant, sachant le peu d’êtres qui restaient sur place, néanmoins ceux qui restent démontre une ardeur sans pareil.

Je fixe les ruines de la cité, pensant aux survivants et à l’horreur qu’ils ont dû vivre durant trois jours. Rapidement, mes craintes se posent sur Teruki, simple homme sans pouvoir, qui a lutté de concert avec les sorciers. Je les ai laissés ici, pensant qu’avec la mort du Titan, ils n’avaient plus rien à craindre, que le dragon ne serait plus un danger pour eux. Mais il y a un être encore, plus important que tout à mes yeux, qui demeure ici, seul. Ma faéra est là, enfermée dans mon bijou, incapable d’interagir avec l’extérieur, ni de savoir la gravité de la situation qu’elle vit en ce moment.

Je me rapproche de la cité avec la simple envie de la retrouver. Comme à ma première fois, je fais face à cette protection empêchant les esprits de pénétrer dans l’enceinte de la ville. Je frappe, encore et encore sur cette maudite muraille. J’y mets toute ma rage et ma rancœur de n’être plus qu’un esprit éthéré, et cette fois-ci, je la traverse. J’ignore la raison, si c’est le fait de ma propre force ou la faiblesse de la cité, mais je passe et sans attendre, je me rue vers mon corps, ou plutôt ce qui s’y trouve en dessous. J’y retrouve la salle, je retrouve mon corps et je retrouve la boîte, sentant au fond de moi-même que le bijou y réside, de même que j’ai cette conviction que ma faéra n’y est plus. Une certitude aussi ferme que l’est mon effroi la sachant hors de son réceptacle. Jusque-là, la nature d’Aliaénon l’y avait toujours enfermée. Elle savait sans l’essayer, que ce monde la consumerait si elle tentait de sortir de mon bijou. Il en a été ainsi à ma première venue et la présence de cette magie en nous n’y a porté aucun changement.

Mais pourquoi avoir fait une telle chose ? Pourquoi être sortie au détriment de sa propre vie ? Notre séparation en est-elle la cause ? Suis-je le seul et unique responsable de sa disparition ? Le chagrin qui m’envahit est si fort qu’il me paraît plus tangible que ma propre personne. Que suis-je sans sa présence, que vais-je devenir sans elle ? Si nombreux sont ceux qui peuvent vivre sans faéra, ignorant tout de leur existence, vivre en ayant jouie d’un tel lien, une union si forte et continuer ainsi seul est ce qu’il y a de plus cruel. C’est comme une vie pleine de richesses émotionnelles et de s’apercevoir que ce n’était qu’un rêve qui aurait pu voir le jour si les choses s’étaient déroulées juste autrement.


Les créatures…la lumière du sceau…son pouvoir les attire...


Encore une fois cette phrase revient à moi, tel un refrain qui ne cesse d’apparaître tant que la chanson n’est pas finie. Mais pourquoi ? Est-ce ce n’est qu’un vain espoir qui me fait croire l’impossible, que ma faéra serait attirée par la magie de la Lande et liée à elle à présent ? Zacara y est bien alors pourquoi pas !

Je quitte la pièce par le haut. Traversant plafonds, parois et débris de la cité. Un avantage d’être un esprit éthéré, c’est qu’on peut se soustraire aux supplices d’un escalier sans fin. Me voilà, hors de la cité. Trouver le sceau principal est tout ce qu’il a de plus facile à présent. Plus qu’un phare dans la nuit, c’est une source de magie et de lumière détectable à des kilomètres à la ronde. Je le regarde brièvement, me demandant comment les choses se seraient déroulées s’il n’avait pas été activé trop tôt. Et je la remarque. Une lueur au loin, rouge et verte. Elle aurait pu passer inaperçu, avec cette maudite lumière qui prend tout l’espace. Ma joie revient par cette simple vision. Ysolde est là, virevoltant comme un papillon, goûtant au plaisir de voler de ses propres ailes, se dirigeant comme les autres créatures, jusqu’au pilier de lumière et de magie. Une magie, qui si elle lui a permis de sortir de son réceptacle, pourrait bien la consumer totalement si elle s’en rapproche de trop.

Alors je me précipite à elle. Usant de ma forme d’esprit pour me déplacer à ses côtés et l’empêcher d’aller plus loin. Pourtant, si j’ai parcouru des distances folles en un clignement d’œil, j’ai toutes les peines du monde à rejoindre ma faéra, comme si le rayon de magie entravait mon esprit. Un bourbier dans lequel plus j’avance et plus je m’enfonce. Mais je lutte, donnant tout ce que j’ai en volonté pour empêcher Ysolde de vivre un péril dont je suis certain. Bien que j’avance bien plus vite qu’elle, ma vitesse décroît rapidement. J’avance encore péniblement, atteignant presque ses petites ailes à présent. J’ai beau tout donner, je suis incapable d’aller plus loin. Elle est si proche et me paraît pourtant si loin.

"Ysolde non ! Reviens-moi !" Fais-je, poussé par une détresse et l'horreur de la perdre.

Mais alors que je pensais qu’elle ne m’entendrait pas, elle se retourne, stoppant son chemin pour me fixer. Elle est la même qu’à notre rencontre, toujours aussi belle et pétillante avec son sourire. Ses yeux en revanche, brillent d’une unique lueur sans vie, sans joie, semblable à celle du puissant rayon. Elle jette sur moi un regard inexpressif, comme si elle ne me reconnaissait pas et reprend sa route. Elle se retourne, sans même prononcer un mot, ni esquisser le moindre geste pour moi. Elle se dirige jusqu’au pilier de lumière sous mes suppliques qui restent sans réponse.

Et puis, comprenant qu’elle vient d’atteindre la magie d’Aliaénon, le lien qui nous unit se rétablit soudainement. Nous jouissons de la présence de l’autre un bref moment, avant qu’un cri déchirant ne retentisse en moi comme dans toute la Lande. Celui d’un esprit dont l’existence même se fait consumer jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien. Celui de ma précieuse faéra que je viens de perdre, de même qu'une partie de moi-même, à jamais perdue.


Les créatures…la lumière du sceau…son pouvoir les attire...et si rien n’est fait…il en sera ainsi…jusqu’à la fin de ce monde !



...


Une douleur m’atteint, aussi vive qu’éphémère. Je n’ai pas le temps de comprendre ce qui m’arrive que je sens une force me projeter. Je suis dans un espace nouveau, agréable et familier. Comme si mon âme avait trouvé l’espace parfait en tout point pour s’y reposer. Je ressens les mêmes impressions que lorsque je possédais les corps de l’ouessien et de l’homme-bête, à ceci près qu’il n’y a personne pour m’y déloger. C’est particulièrement agréable d’être comme chez soi finalement. Lentement, je prends possession de ce corps et ouvre les yeux. Autour de moi, de nombreuses personnes sont présentes, à commencer par une bonne partie des yuiméniens. Il ne manque dans le lot que Yliria, Xël, Akihito et Dracaéna. Non finalement on est qu’une minorité comprenant Mathis et SIlméria. Pas ma moitié du groupe préférée en somme. Il y a aussi Visselion, l’autre cornu, mon grand copain et sa main disproportionnée, ainsi qu’une énorme bête à la tête d’os.

(Tiens d’ailleurs, les corps de Mathis et Silméria sont vivants ?)

"Mais qu'est-ce qui se passe ?"

(Mais…mais c’est…c’est ma voix ! Enfin celle de mon corps !)

Cette découverte me pousse à examiner mon espace avec plus de minutie. Je suis dans une cuve, celles-là même où étaient entreposés nos corps. Corps dans lequel je suis.

(Ca veut dire que…)

Je tâte mon corps, touchant chaque zone de mon torse, mes bras et ma tête pour me confirmer que je ne rêve pas. Il me faudra un miroir pour en être entièrement sûr, mais entre la familiarité de ce corps, l’aisance dans laquelle je me trouve, cette symbiose parfaite entre mon âme et mon enveloppe de chair, il est difficile de penser autrement.

(Alors ça y est, je suis revenu. C’est merveill…)

Je m’arrête subitement lorsque par instinct, ma main vient se porter au niveau de mon cœur, là où se trouve d’habitude mon bijou et la demeure privilégiée de ma faéra, actuellement absents, l’un comme l’autre.

(Mais qu’est-ce que… ? Ha oui, je l’ai confié à…)

"Himeka, où... où est Himeka ?" Fais-je subitement en guettant avec plus d’attention les êtres qui m’entourent et pourraient être dissimulés par autrui.

J’entends la voix de Teruki et porte immédiatement mon attention sur lui. Il s’excuse de la méprise, celle de m'avoir attaqué, avant de déclarer que sa femme est à l’infirmerie, mais sans m’expliquant que je ne lui ai rien fait qui justifie sa présence là-bas.

(A l’infirmerie ? Elle est entre de bonnes mains et c’est tant mieux si je ne lui ai rien fait. Une minute ! C’est pas elle qui m’a assommé ? Sacré bout de femme dis donc ! J’ai bien fait de lui laisser Ysolde.)

Que ce soit à notre première rencontre, dans le corps du dragon, ou dans celui de l’homme-bête, ils n’ont de cesse de se méfier de moi, quand il ne tente pas carrément de me tuer. Mais à chaque fois, leurs actes sont légitimes. Comment pourrais-je leur en vouloir ? C’est d’ailleurs pour le rassurer que je lui réponds.

"Je ne vous en veux pas pour la méprise, j'aurais certainement agi de même, j'étais en quête de quelque chose que je considère plus précieux que ma propre vie."

Alors que d’un côté, j’ai la possibilité d’assister à une scène particulièrement atroce où Dracaena demande, afin de pouvoir réintégrer son corps, de mourir dans d’atroces souffrances, c’est bien sûr Silméria, toute heureuse de tuer avec patience, qui se propose d’agir et de concert avec Vissélion. Celui-ci use d’une arme sortant non pas d’une manche, mais de son propre corps. Akihito et Xël arrivent, alors que Dracaéna réintègre son corps après ce qu’il estime lui-même être…une expérience. Alors qu’il s’agit d’un golem des ouessiens, c’est le cornu qui grogne de le voir arriver avec un bras saccagé. Celui à la grosse paluche use de ses capacités pour extraire l’âme d’Akihito, dont le véritable corps reprend vie aussitôt. C’est tout aussi rapide qu’il reprend le contrôle de son être, lâchant un petit "Ah" avant de s’écrouler au sol.

Je regarde mon propre corps, guettant des signes qui devraient m’alarmer, mais rien ne se passe. Il en est de même pour Mathis et Silméria. J’en conclue donc que ce qui arrive à Akihito n’est en rien lié à sa réintégration, mais à un autre phénomène. Il faut le faire diagnostiquer par Zakara, mais je doute que le Sans-Visage l’ait fait revivre pour qu’il décède peu après. J’aimerais l’y emmener moi-même, profitant ainsi pour retrouver ma faéra, mais il s’avère que le Sans-Visage est impatient de constater les dégâts causés par celui qu’il nomme le dragon-dieu.

(Désolé Akihito et surtout, pardon à toi, ma petite et précieuse Ysolde, mais le Sans-Visage est un allié trop précieux pour ne pas profiter du peu de temps qu’il daigne de nous offrir.)

"Teruki, pourriez-vous l'emmener à l'infirmerie. Notre bienfaitrice n'aurait pas agi si cela nous avait mis en danger. D'ailleurs, pourriez-vous me rapporter un bijou que j'ai confié à Himeka ? J'aimerais échanger avec le Sans-Visage ou ce qu'il ou elle est à présent, le temps de sa présence."

Il répond qu’il envoie Himeka et s’occupe d’Akihito avec l’ouessien, tandis que je commence à sortir doucement de ma cuve. Mes gestes sont lents et tirent leurs sources de la crainte de subir les mêmes effets que mon camarade inconscient, avant de porter mon attention sur la divinité.

"Sans-Visage, si tel est bien votre appellation actuellement, ce combat qui nous oppose à ce dragon est également notre. Dans notre intérêt à tous, il est crucial que celui-ci ne soit plus une menace, et même si tous ne portent pas les Titans dans leurs cœurs, ils sont selon moi une part importante de ce monde et doivent être préservés !"

Je m'arrête un instant avant de reprendre. Au moins, je lui aurais déclaré ne pas lui en vouloir pour la destruction de la Tour d’Or. Je me demande ce que pourrait en penser Sibelle.

"Nous sommes alliés dans cette guerre qui nous oppose à lui et en ce sens, j'espère que vous avez un moyen pour que l'on vous contacte. Ne serait-ce que pour vous avertir d'un danger vous menaçant, comme celui que représentent les Sans-Bannière, proches de trouver une arme pour vous défaire d'après eux. Avant de nous quitter, dîtes moi, je vous ai vu seul face au Dragon. Que vous êtes-vous dit et pourquoi l'appelez-vous dragon-dieu ?"

La crainte des Sans-Bannière est également partagée par Xël, tandis que Dracaéna nous donne un bref exposé de son…expérience…visiblement enrichissante, enfin pour lui. La divinité ne souhaite pas révéler la teneur de l’échange entre eux. Qu’importe, si celui qui m’a permis de retrouver mon corps et ainsi, mon lien avec ma faéra, estime que nous n’avons pas à le savoir, je ne vais pas insister. D’autant plus qu’il nous soutient et a besoin de notre aide dans la lutte contre ce monstre. Il nous apprend cependant que les événements dans le corps du golem sont responsables de l’état d’Akihito et que dans notre combat, il nous offre un bien. Tendant la main devant lui, il forme un anneau unique en acier, possédant une étoile de quatre branches et dans laquelle, une leur jaune me donne l’impression d’un œil qui nous scrute. Alors qu’il me regardait, de même que Dracaéna, je suis soulagé de voir qu’il l’offre à ce dernier. Il explique que grâce à lui, il est possible de marquer quelqu’un sur la gorge, lui offrant la capacité de parler directement à la divinité, ou même au porteur. Il met cependant en garde sur son utilisation, l’annulant s’il juge que nous abusons de ce pouvoir.

Puis il me répond qu’il nomme notre ennemi le dragon-dieu, car il est autant d’essence divine que de mort. Une association que le Sans-Visage estime curieux. Puis il rétorque que les Sans-Bannière font fausse route en recherchant un moyen de le détruire. L’arme la plus puissante est ici avec nous. Il ponctue son argumentation en portant ses yeux pourtant absents de son visage, sur Maïssa.

(Bon sang, je savais qu’elle était puissante, mais à ce point ?)

Avant de disparaître dans une volute de fumée, il nous offre un dernier conseil.

"Les alliés s'entraident. J'espère que vous vous en souviendrez, si je requiers votre secours."

Voilà qui est dit ! Si nous voulons venir à bout du dragon, il faudra être tous unis et cela comprends bien entendu Mathis et Silméria. Le dragon-dieu a donc de beaux jours devant lui. Mes songes sont vite interrompus lorsque Himeka arrive, s’excusant sans le dire, de m’avoir assommé. Si je veux lui dire que je ne lui en veux pas, je n’ai que d’attention pour le bijou qu’elle me tend. La demeure de ma plus précieuse et fidèle amie. Non déclarer Ysolde d’amie est encore trop peu pour définir le lien entre nous. Elle est une partie de moi, une partie presque concrète de mon être, ne pouvant être un sans elle. Je tends une main tremblante jusqu’au bijou. Comment va-t-elle réagir ? Va-t-elle m’en vouloir de cette séparation ? Désirera-t-elle rester dans un mutisme permanent ou pire, déclarer vouloir me quitter dès que nous réintégrerons notre monde ? Il n’y a qu’un moyen de le savoir et j’empoigne mon précieux collier pour en être sûr.

(JORUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUS ! Comment as-tu osé m’abandonner aussi longtemps ? J’étais seule, perdue, sans pouvoir interagir avec qui que ce soit ! Je t’ai vu mourir sous mes yeux plusieurs fois sans même pouvoir te parler ! Je t’ai vu mourir pour de bon, sentant la perte de ce lien qui nous unit ! Je t’ai vu revenir avant de te perdre à nouveau, pour finalement apprendre que tu étais encore mort pour revenir à la vie ! MAIS BON SANG TU AS UNE IDEE DE CE QUE TU M’AS FAIT SUBIR ? Aucune faéra, ou n’importe quel être avec un minimum d’émotion ne devrait à subir ou même à infliger ça ! Tu es un monstre, un salaud, un égoïste, un gougnafier, un abruti, un sac de bouse, un tocard, une sous-espèce de con, un mange-merde, un…)

Elle débite un flot d’insultes ahurissant dont j’ignorais qu’elle était une telle érudite. Pourtant, derrière cela, je ressens sa peine, ainsi que sa joie dissimulée de me retrouver. Même si elle le cache derrière cette pseudo colère, je saisis que ses insultes sont vides de sens. Une amphore trouée, ayant portée les pires atrocités avant de n’être plus qu’un vulgaire réceptacle. Je le laisse dire, chérissant, m’abreuvant même de chaque mot, comme la caresse d’une douce main, dans un gant à la fausse allure de ronce. Enfin, je la retrouve. Enfin, ce lien qui me manquait est enfin revenu. J’apprécie trop de l’entendre enfin pour l’arrêter et ressens bien trop d’émotion pour ne pas retenir mes larmes, tenant fermement mon collier au plus près de mon cœur.

(…,une raclure, un jean-foutre, un…)

(Ysolde. Toi aussi tu m’as manqué !)

(…Bouhouhouhouhouhouhouhouhouhouhou…)

Je la laisse exulter ce maelström de tristesse et de joie d’être enfin uni. Le spectacle que j’affiche doit paraître bien étrange pour celui qui ne comprend pas ce que je vis. C’est certainement le cas d’Himeka. Je porte sur elle un regard de reconnaissance, sous un masque de larmes.

"Ne…ne vous excusez de rien Himeka. Vous avez veillé sur elle et pour cela, je vous en suis infiniment reconnaissant. Elle est plus que vous ne pouvez l’imaginer ! Merci !"

Nous allons devoir faire le point sur notre situation. Comprendre ce qui est arrivé et expliquer aux autres ce qui a été fait et défait. Yliria n’est pas là et au vu de la réaction de ceux qui l’ont suivi, j’en conclus qu’elle doit bien se porter, où qu’elle soit. Elle a certainement besoin d’un temps pour elle et c’est je pense, une chose à laquelle je devrais moi aussi songer. Prendre le temps de rester seul avec ma faéra, après tous de temps perdu. Mon cauchemar me revient et avec lui, la crainte de ce qu’est à présent le rayon du sceau principal. Je ne crains pas de perdre Ysolde, je sais que cela n’a aucun effet sur elle ou même sur moi, mais je ne peux m’empêcher d’éprouver des craintes. Ce n’est pas le cas de Zacara qui possède un lien unique avec lui, tirant ses précieux pouvoirs. Je devrais peut-être m’intéresser à ce sujet, méditer à la question et peut-être même, me poser tout simplement des questions, comme le fait si bien Zacara.

J’essuie les larmes sur mon visage, avant d’indiquer à Himeka mon intention. Si je m’y rends, il peut être bon que quelqu’un sache où je suis. Histoire de ne pas perdre de temps, pensant que je suis parti.

"Dame Himeka, je crois que nous avons tous besoin d’un peu de temps, de prendre du recul, du repos, d’être un peu seul ou même de savourer le retour de nos âmes dans nos corps. Il en est de même pour moi. Lutter contre la menace qui pèse sur nous tous affect autant nos corps que notre esprit et j’ai, très certainement comme d’autre, le besoin de faire le point sur tout cela. Il est ironique de chercher la solitude lorsqu’on sait ce que vit un esprit défunt, démuni de son corps et de la possibilité d’interagir avec les autres. J’aurais aimé prendre le temps de parler avec vous, mais vous-même, profitez de ce moment avec votre époux et si vous souhaitez l’un comme l’autre, de plus amples détails de ma rencontre avec l’âme de dame Honoka, vous me trouverez vers le sceau principal, là où la lumière pulse et semble attirer les créatures de la Lande Noire."

Je rassemble mes affaires et m’en équipe, me préparant à une petite excursion. Avant de partir, je reviens vers Himeka et prends sa main entre les miennes chaleureusement.

"Je suis rassuré de vous savoir en meilleure santé que le jour de mon trépas et…merci encore d’avoir veillé sur elle !" Dis-je en désignant mon collier.

Je m’incline respectueusement devant l’ancienne dame de Fan-Ming, avant de disparaître dans les ruines d’Elscar’Olth, en direction du faisceau du sceau principal, sans savoir par quel chemin m’y rendre, ni s’il me faudra faire un peu d’escalade pour y accéder.
Modifié en dernier par Jorus Kayne le ven. 28 juil. 2023 15:45, modifié 2 fois.

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Re: Lande Noire

Message par Mathis » ven. 21 juil. 2023 12:29

Bientôt, il ne resta plus que Visselion, le sorcier cornu, Silbête et moi dans la salle, les autres étant partie se reposer. Et puis la bestiole s'endormit. Pour ma part, n'ayant pas de corps, je n'éprouvais pas ce besoin de récupérer. Et il n'était pas question que je quitte cette salle, que je m'éloigne de mon corps.

Devant lui, à peine à un mètre, je le regardais. Je ne pouvais arracher ma vue de ce corps que je convoitais tant. J'étais comme un gamin qui pourrait passer des heures durant devant l'étal d'un marchand à admirer l'objet de sa convoitise, espérant un jour pouvoir l'acquérir. En ce qui me concernait, personne n'oserait prendre mon corps... Enfin, il pourrait être possible que Jorus soit tenté de prendre un corps plus efficace, athlétique et esthétique que le sien, mais si c'était le cas, je défendrais ma place bec et ongle pour réintégrer mon corps. Puisque je n'avais rien d'autre à faire, j'examinai ma silhouette sans l'aide de miroir cette fois. Malgré nos quelques péripéties, et l'immersion dans ce liquide vert protecteur, ma chevelure demeurait agréable à l’œil. Les traits de mon visage réguliers, mon corps bien proportionné et mis en valeurs dans mes habits.

Un bruit insolite attira mon attention, je me détournai alors la tête vers la source. Il s'agissait de Bêtehrist. Je ne connaissais pas les coutumes sur Aliaénon à ce sujet, mais dans ma région, il n'avait que dans le sommeil qu'on se laissait aller ainsi sans fausse pudeur. J'observai la bête quelques minutes, d'un sommeil agité, elle bougeait, émettait des grognements. Sûrement infesté de puces,elle se grattait là où les petits parasites avaient trouvé un endroit chaud pour se réfugier.

Témoin silencieux et invisible, j'écoutai attentivement les confidences que Trifalgin livraient à Visselion. J'avais déjà rencontré Trifalgin lors de ma première visite sur Aliaénon. Là, j'appris qu'il était originaire du Royaume pâle. Il s'était allié à Vallel et avait travaillé avec lui à la Tour d'Orsan. Il avait mené plusieurs expériences et avait fabriqué une machine lui permettant d'emmagasiner une âme pour ensuite l'intégrer dans un autre corps. Cette fameuse machine fut mise en pièce lors de l'effondrement de la Tour. Une fois mort Trifalgin erra dans la lande noire. Lorsqu'il rencontra le Marcheur de mort, il le supplia est obtint le corps de cet homme pouvant se changer en dragon.

Puisque le temps n'avait plus de réelle signification pour moi, je ne sus combien s'était écoulé. Puis je vis Dracloup, Xêl et un être muni seulement de la partie inférieure de visage nous rejoindre dans la salle. S'adressant aux deux autres, Draceana leur montra les tubes, désormais ouverts, contenant nos corps. Après avoir remarqué Silbête, toujours habitée par ses rêves, il annonça partir chercher Jorus et peut-être même réveiller Yliria. Ignorant ma présence parmi eux, il conseilla aux autres de crier mon nom afin de m'appeler. Son intention était louable, mais pas nécessaire. Visselion savait où j'étais.

Pour sa part, Xël questionna l'homme au visage incomplet quant à ses projets immédiats et ses intentions vis à vis le dragon noir. Ce dernier répondit qu'il voulait protéger les siens et tous les peuples de ce monde. Il ne savait pas encore comment il s'y prendrait. Il leur demanda s'il pouvait commencer tout de suite, les informant qu'il y avait l'esprit d'un homme de Yuimen parmi eux.

(Commencer tout de suite ? )

Un grand soulagement m'envahit. Celui de ne plus être complètement ignoré et invisible de tous. Ravi de savoir que quelqu'un percevait ma présence, je m'adressai au sans visage. Cependant, je ne compris ce que cette homme dépourvu d'yeux voulait commencer.

"Puisque vous percevez ma présence, je suppose que vous pouvez m'entendre. Je suis Mathis. Je suis entré dans la cité grâce à l'amabilité de Visselion qui m'a hébergé temporairement dans son corps. "

Je m’arrêtai un court moment avant de reprendre.

"Je suis tout juste devant le corps du kendran blondinet, mon corps en fait."

Bien qu'il avait annoncé son départ, l'homme-arbre devenu l'homme loup couronné était toujours parmi nous. Bavard comme pas un, Dracaena se plaisait à tout expliquer en détail. Chose qui m'arrangeait dans la circonstance. J'appris donc que cette homme au haut de visage manquant répondait au surnom de sans visage, mais fait plus important, il pouvait sans difficulté nous ramener dans nos corps. Dracaena supposa que l'esprit perçu ne pouvait être que moi, et dans sa grande générosité, il demanda à ce que je passe en premier, que je passe avant lui. Ce geste altruiste me toucha profondément.

Lorsque Xël répondit au sans-visage qu'il n'était pas opposé à ce qu'il commence, je comprenais cette fois de quoi il s'agissait. Malgré mon hâte de retrouver mon corps, je me sentais nerveux... après toutes ces tentatives ratées pour le réintégrer, je craignais de nouveau un échec. Le Sans-visage par contre semblait très confiant, ce qui me redonna espoir. Et puis, c'était lui qui avait trouvé un corps à Trifalgin, et c'était le seul à sentir ma présence, sans passer par l'éther comme l'un des deux frères. D'un calme éloquent, il confirma que j'étais bien dans la salle. Il rajouta que les âmes devaient être dans cette salle et surtout ne pas habiter de corps. Je semblais être le seul esprit libre pour le moment. En attendant l'arrivée des autres, il décida de commencer par moi.

(Je vais enfin retrouver mon corps)

Je venais à peine de formuler cette pensée que je sentis une forte magie m'envahir. Il ne s'agissait pas de la magie que je ressentais depuis mon arrivée, c'était plus puissant, mais surtout très contrôlée. Je ressentis une agréable et très forte attraction me propulser vers mon corps. Ce fut à la fois très violent et très puissant, mais o combien réjouissant.
Je n'observais désormais plus mon corps de l'extérieur, j'en faisais partie. Je levai mon regard vers mon sauveur et tout en sortant du tube, je lui dis:

"Je vous suis infiniment reconnaissant ! Merci ! "

Comme si je ne pouvais croire être de retour au bercail, je fixais mes mains, les tournai dans un sens et dans l'autre, je les ouvrais et les refermais. J'allai jusqu'à me pincer. C'était une joie de sentir des sensations... mais pas celles d'une bestioles... les miennes !
J'interrompis de nouveau mon observation et je répétai:

" Je vous remercie infiniment ! "


Le Sans-Visage nous pressa un peu, il avait autre chose à faire et ça se comprends, il voulait retrouver les siens pour leur venir en aide. Je compris alors le désarroi que mes compagnons vivraient si jamais ils manquaient cette chance de réintégrer leur corps.
Sans perdre une seconde , je fouillai dans le coffre en sortis ma plus grande lame, mon sabre dentelé et je m’élançai vers Silbete endormi et enfonçai ma lame dans son cœur.

"Retrouve ton corps. Je te devais bien ça " Cette phrase avait un double sens pour moi. Tout d'abord, elle s'adressait à Silmeria, la remerciant de son association dans la pyramide, nous n'étions pas trop de deux pour détruire cette pyramide. Ensuite, elle s'adressait à Hrist, comme un peu une vengeance pour m'avoir fait souffrir le martyre en me faisant vivre le pire des cauchemars.

Mon geste fait, j'essuyai ma lame sur le fourrure de la bête et je repartis vers le coffre afin de récupérer mon équipement, tout en prenant soin de ne pas approcher du tube ou gisait Silmeria. Il n'était pas question qu'elle m'effleure même du bout de ses doigts. Je compris enfin la signification de la maxime, chat échaudé craint l'eau froide.

Une fois mon équipement récupéré, je m'approchai de Visselion et je lui tendis la main:

"Je vous dois des excuses et je vous suis très reconnaissant "

Je n'avais pas besoin d'en dire plus, il comprenait le sens de mes paroles. En signe de réponse, il se contenta d'un signe rassurant à mon endroit. Je lui souris en retour.

Le Sans-Visage commençait, et avec raison, à s'impatienter. Il annonça que si les autres n'étaient pas pressé de récupérer leur corps, il allait repartir dans l'instant. Je retins alors mon souffle guettant le corridor, espérant que l'un d'eux arrive.

Puis je vis Dracaena déposer le corps d'un autre homme-bête devant le tube renfermant le corps de Jorus. Il n'y avait plus de temps à perdre. Je hochai la tête à la demande de Dracaena et reprit la même lame qui avait tué l'autre homme bête et m'en servi pour lui transpercer le cœur alors qu'il était endormi. Mon empressement pouvait être mal interprété, mais j'étais tout simplement conscient de l'importance de quitter le corps d'une bête pour récupérer le sien. Et puis, mon geste fut rapide afin d'éviter des souffrances de la bête endormie.

J'essuyai ensuite ma lame sur le pelage de la bête morte et je la rangeai. Sourire aux lèvres, yeux humides, j'étais heureux de voir les autres et d'être vu par eux.

"J'ai eu très peur de vous avoir perdu, puisque c'était en bonne partie de ma faute. Je suis très content de vous retrouver et d'avoir aider certains d'entre vous de récupérer vos corps. "

Silmeria et Jorus éveillée, il ne restait plus qu'à Draceana de retrouver son corps. Je laissai les autres le libérer de son corps de bête.

Avant de partir, le Sans-Visage nous dit que nous aurons besoin de son aide et qu'il viendra nous aider. Il commenta ensuite les propos de Xël. Les chevaliers sans bannières se trompaient en pensant trouver dans le désert de Messaliah, une arme qui pourrait le détruire. Son regard tourné vers Maïssa, il nous dit que nous avions déjà avec nous l'arme la plus puissante du désert. Cela dit, il disparut entre une volute de fumée.
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Akihito
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Re: Lande Noire

Message par Akihito » sam. 22 juil. 2023 02:46

Dans le chapitre précédent...

Evénement : Cauchemar en Aliaénon.

40 : La voie des lâches.

Mettre un pas devant l'autre, et ne jamais s'arrêter. Ne jamais s'arrêter car le corps qu'occupait Akihito était résistant, endurant. Parfaitement endurant. Trop résistant. Smarag'Din ne lui avait pas menti : l'argent noir était un métal à toute épreuve, surpassant sans doute le Gravilay yuiménien. Sa course chaotique l'avait fait percuté des gravats, des coins de murs, trébuché par moment. Mais pas une bosse, pas la moindre rayure ne venait déformer son corps. Indestructible, il ne l'était pas ; il avait bine vu plusieurs de ces golems se faire détruire dans leur ville natale. Mais suffisamment résistant pour que la voie des lâches ne lui soit pas permise.

En son fort intérieur, il eut un rire triste. "La voie des lâches". Le suicide. Le akihito d'il y a quelque jours aurait catégoriquement nier que ce genre de penser puisse le traverser un jour : après tout, il avait déjà vécu bien des horreurs entre le charnier et les différentes blessures qui avaient éprouvées sa résistance à la douleur. Mais qui pouvait savoir qu'il allait passer par tant d'épreuves ? La mort des mains de Justice, l'isolation sensorielle de son âme, la folie qui avait suivi, l'arrivée du Dragon Noir et sa sentence de dévorer son âme, puis des heures infinissables d'une souffrance indescriptible ? Le vrai lui savait que se donner la mort n'étais pas la solution, qu'il avait beaucoup à faire et qu'on comptait sur lui; mais le Akihito de l'instant présent voulait simplement que cela cesse. Il n'était pas fier d'avoir ce genre d'envie et se sentait profondément pathétique. Mais il comprit quelque par un peu mieux les regards hantés des malades, des blessés sur le champ de bataille; ceux implorant la douce délivrance de la mort. Qu'on mette fin à ses souffrances, qu'on achève ce cycle éreintant qui ne le laissait même pas la consolation de l'oubli par la fatigue, l'inconscience. Des états que son corps était incapable de ressentir.

Un corps taillé pour la guerre, pour la destruction. Sa force lui avait permit de faire s'écrouler des murs de pierres avec une facilité déconcertante. Elle lui permettait aussi de mouvoir sa carcasse métallique avec autant d'agilité et de rapidité que son corps originel débarrassé de toute armure et entrave, un exploit vu son gabarit. Et qui lui permit de camper solidement sur ses appuis quand le sol, les murs, le monde tout entier trembla tout autour. Déployant son immense corps, le Titan ailé se redressa, la cavité au centre de son torse refermée. Comment ? Pourquoi ? Qui avait fait ça ? C'était la questions qui émergèrent rapidement dans l'esprit de l'enchanteur, oubliant momentanément ses pensées noires pour se focaliser sur un événement qui occupa rapidement toute son attention. Le pas lourd du golem troubla le silence des ruines avant d'être couvert par le vent hurlant du puissant battement d'ailes, forçant même Akihito à s'accroupir pour ne pas être renversé. Au bout de longues secondes, le tumulte disparut, tout comme l'image de géant ailé au loin, vers ce qui devait être le nord ou l'ouest.

Les responsables de ça avaient sans aucun doute réussi par il ne savait quel miracle à remettre l'âme du Titan dans sa poitrine. Ils devaient donc se trouver non loin de la caverne, près de laquelle l'âme avait été laissée. Traverser la ville en ruines était assurément plus rapide, au seul mépris du problème que représentait l'absence de connaissance de cette dernière pour l'Ynorien tourmenté. Il aurait tôt fait de se perdre, raison pour laquelle il opta pour un contournement plus long mais moins "risqué". Il arriva tout juste à temps pour voir trois silhouettes s'enfoncer dans les ruines, et il se rua pour les rejoindre avant de les perdre à l'intérieur. De dos, il reconnu sans mal l'armure de Xël, l'échine poilue et la coiffe osseuse de Dracaena sous son apparence lupine et l'aura mystérieuse du Sans-Visage.

L'Oudio fait loup n'avait vraisemblablement pas accès à la magie; Xël pouvait avoir tenté de faire une telle opération magique et en avait la capacité, mais il voyait mal pourquoi l'aéromancien le ferait; ne restait que le Sans-Visage, qui avait des pouvoirs prodigieux et était apparemment issu du même peuple, donc avait une bonne raison de soigner son compatriote. Restait à savoir s'il était digne de confiance... L'était-il ?

(Sans... Sans doute...)

Un violent mal de crâne assaillit le Golem, qui tituba un instant, avant de reprendre sa route, mécaniquement. Il n'avait rien de mieux à faire que d'essayer de chercher des réponses et caresser l'espoir, fou, que le Sans-Visage transfert de nouveau son âme mais le ramène cette fois dans son corps. Il l'avait fait pour le mettre dans ce cercueil de douleur, cette vierge de fer le mettant au supplice. Il pouvait...

(Non, NON, IL DOIT ME LIBERER !)

Lui ! C'était lui qui était responsable de tant de souffrance ! Avec les si grands pouvoirs qu'il avait à sa disposition, lui donner un corps exempt de douleur était trop demandé ? Pour un être si puissant que lui ! Ou alors... Peut-être, peut-être qu'il ne l'avait pas fait en connaissance de cause ? Par ignorance, par erreur , par indifférence pour l'être sans valeur qu'il était à ses yeux... Ou bien par choix ? Par mépris, pour le punir, pour un simple plaisir sadique ? Qui pouvait se targuer de savoir ce que pensait un Dieu ? Certainement pas celui qui n'arrivait que péniblement à mettre de l'ordre dans ses idées...

De retour dans la salle des tubes, il esquiva soigneusement de poser ses yeux sur son corps sans vie et arriva aussi silencieux que possible. Autour de lui, des paroles fusaient, s'échangeaient, parfois l'interpellaient. Toutes étaient entendues, toutes sortaient de son esprit presque aussitôt. C'était à peine s'il hochait la tête quand il entendait son prénom... Jusqu'à ce que le Titan prenne la parole.

« J'ai besoin que les âmes de ceux qui doivent réintégrer ces corps soient présentes. Et hors de tout corps. »

Hors de son corps... Il devait mourir, une deuxième fois. Akihito aurait volontiers fait cet acte depuis longtemps s'il en avait eu l'occasion, mais le Golem était simplement trop résistant, lui empêchant de se donner la mort par lui même. Quelqu'un devait le faire à sa place. Et à sa connaissance, une seule personne s'était montrée capable de les détruire avec facilité : Maïssa. Il l'avait vu réduire en sable une grosse poignée de Golems, elle était donc capable de le tuer. D'autres l'étaient sans doute, comme Alossarh, ou.... D'autres. Mais était-ce sûr ? Etait-ce raisonnable ? Akihito n'en eut cure. D'une griffe métallique, il grava une nouvelle fois dans la roche le nom de sa potentielle sauveuse, avant de pointer Xël du doigt et de montrer sa bouche. Il allait avoir besoin d'une voix pour convoyer sa volonté. Sans perdre plus de temps, trop pressé de sortir de ce corps maudit, l'enchanteur tourna les talons et se dirigea vers l'extérieur. Maïssa ne devait pas être loin... Il lui suffisait de...

(Argh...)

La douleur cisailla de nouveau son esprit, son corps, son âme ? Qu'était-il au juste ? Pourquoi devait-il souffrir tant ? Ce calvaire devait s'arrêter... L'argent noir devait être détruit, dissout, pulvériser, peu importait le moyen. Cela allait demander beaucoup de puissance et d'énergie, il n'en doutait pas : et rester ici dans les tunnels était risqué, qui pouvait bien savoir ce qui allait se passer ? Jusqu'où son bourreau devrait aller pour le tuer ? Mieux valait sortir pour limiter les dégâts, ne blesser personne d'autres. Surtout pas les autres corps. Le plafond de pierre fut de nouveau remplacé par le plafond de nuages sombres, et après avoir constaté que personne d'autre n'était là, Akihito se mit à faire les cents pas, son épée plantée à même le sol. La sensation d'être transpercé par des milliers d'aiguilles s'accentua pour une raison inconnue, ravageant tout son corps avant de se focaliser sur son bras. Un bras qui lui était inutile, qui lui était douloureux. Un bras dont les câbles-articulations étaient autrement plus fragiles que ses plaques d'armure. Un bras qu'il pouvait déchiqueter, détruire, arracher... Tuer.

« Qu’est-ce que tu fais ? »

Consciencieusement, méticuleusement. Arracher un à un ces tuyaux vecteurs de son malheur, de sa souffrance.

« Qu’est-ce que tu fais ? »

Commencer le travail de la destruction de son corps, pour faciliter la fille du désert qui viendrait le délivrer de sa douleur.

« Qu’est-ce que tu fais ? »

Espérer qu'une telle mutilation apaiserait son âme souffrante. Et faire taire cette voix dans sa tête le questionnant...

« Qu’est-ce que tu fais ? »

Lorsque Akihito lâcha enfin les câbles de son bras droit, ces derniers étaient en morceaux et rendaient complètement inopérationnel son membre. Il tourna un regard flou vers celui qui l'avait interpelé, et dont la simple question avait mis du temps à faire son chemin dans l'esprit embrumé de l'Ynorien. Comment ça, qu'est ce qu'il faisait ? Qu'est ce que LUI faisait ! Où était Maïssa ? Pourquoi n'était-il pas parti la chercher comme il lui avait demandé ?! Pourquoi ? Pourquoi ?!

D'un doigt rageur, Akihito traça de nouveau sur les pavés brisés le nom de l'archère, avant de pointer le mage.

« Tu veux que je trouve Maïssa ? Tu veux qu’elle te transforme en sable ? Si c’est pour que ton âme soit à nouveau libre je peux le faire moi même vu que le temps presse. Si ça se trouve tu peux le faire tout seul. Et sens toi libre de répondre avec une phrase. Je suis capable de la lire. »

(Bien sûr que t'es capable de la lire sombre abruti ! Mais t'as vu la gueule de mes... de mes doigts ?! Tu crois que c'est simple d'écrire avec ?! De GRAVER la roche avec ?!)

Sa proposition enragea encore plus l'enchanteur. Même pas une heure auparavant, il avait traversé un champ de bataille pour sauver sa vie d'un contre-coup de sort qui avait faillit lui coûter la vie. Et lui voulait remettre le couvert ? A quoi bon cela servait-il de le sauver s'il mettait sa vie en danger juste après ?

(Tu veux du texte ? TU vas en avoir !)

Déblayant d'un geste rageur les gravats devant lui du pied, Akihito se pencha et se mit à graver furieusement. Mais bien vite, les tourments de son âme et la réalité qu'il avait lui même énoncé revint le frapper avec force : il était purement incapable d'écrire des phrases entières, la dextérité déjà peu évidente de son corps n'étant pas arrangée par les tremblements secouant par vagues son corps au rythme des élancements tortueux de son être. Il finit donc par écrire des mots sans liaison, espérant être le plus clair possible.

Magie yuimen danger.

(Utilise pas la magie de Yuimen, ça va nous mettre en danger.)

Chercher sorcier maissa n'importe.

(Va plutôt chercher un sorcier, Maïssa ou n'importe qui pouvant me détruire.)

Vite. Douleur.

(Dépêche-toi...)

« Je vois. Il n’y a personne dehors en tout cas. Rentrons, le Sans-Visage l’a dit, il ne va pas attendre éternellement. Nous trouverons quelqu’un pour te péter la gueule sur le chemin, au pire j’utiliserai un portail. »

Akihito fut pris de la désespérée envie de le saisir par les épaules et de le secouer dans tous les sens pour lui faire réaliser la stupidité de sa proposition. S'il était là, c'était justement pour permettre à ce qu'on puisse lui péter la gueule sans risque ! Et il doutait fortement que le portail puisse entamer son armure, quand il n'avait pas pu découper le cristal de Justice !

Mais déjà, l'aéromancien se retournait pour s'enfoncer dans la cité. L'enchanteur, lui, hésita longuement. Le suivre ? Rester ici ? Qu'est ce qui était le plus sage, le plus intelligent ? Non, plus important : qu'est ce qui était le moins douloureux ? Il tourna un regard emprunt de douleur vers la direction dans laquelle le titan s'était envolé. Lui aurait pu le délivrer si facilement... Akihito se décida finalement à suivre Xël, en désespoir de cause. Qu'avait-il de mieux à faire, après tout... Tout ce qu'il pouvait faire, c'était de marcher à la rencontre d'un potentiel bourreau pour en finir au plus vite.

Dans la salle des tuyaux, un spectacle inattendu s'offrit à lui : Jorus, Silmeria et Mathis étaient là, en chair et en os. Vivants, les yeux brillants de vie, pas comme les dernières poupées de sang qui avait le regard vitreux. A côté, les corps égorgés de deux hommes-bêtes reposaient là, confirmant que le second monstre avait bien été investis par le danseur d'opale.

(Mais alors, qui est ce type à la main méca-)

« Bon sang, étiez-vous vraiment obligé ? »

La réplique désapprobateuse du sorcier cornu d'Arthim'Olth eu à peine le temps de claquer dans l'air que l'Ynorien ne l'écoutait déjà plus : il sentait son âme être agrippée, tirée, extraite avec une facilitée déconcertante de son enveloppe d'argent noir, libérant l'enchanteur de son calvaire. Jamais il n'avait été aussi heureux, aussi soulagé de pouvoir échapper à une situation. Au bout d'un long filin bleuté partant de sa poitrine, la main mécanique de celui qui l'avait déjà aspiré dans la ville avant qu'il n'intègre un Golem. Allié, ennemi, peu importait; seul comptait la quiétude salvatrice d'être coupé de tout, de ne plus sentir sur son esprit le poids de toute cette douleur. Il se surprit à envisager de rester ainsi : la douleur des vivants n'avait rien d'enviable. Peut-être même que-

Froid.

Humidité.

Echo de paroles sur la pierre.

Emprise d'un pantalon détrempé sur ses jambes.

Toucher glacé, lisse, du métal et du verre sous ses doigts.

Effroyable lueur brûlant ses yeux ouverts en grands.

Terrible air corrosif entrant brusquement dans ses poumons alors qu'Akihito Yoïchi, de nouveau dans son corps, s'extirpait finalement de son tube. Le monde... Le monde ! Si VIVANT ! SI AGRESSIF ! SI PRÉSENT !

(Des... Des SONS ! DES ODEURS ! LE COURANT D'AIR SUR MA PEAU ! TOUTES CES LUMIERES ! CES SENSATIONS ! FROID MÉTAL SALÉ ÉPÉE VERT D'ÉMERAUDE FRISSON DOIGTS DOULEUR FAIM SOIF POIDS CONTRAINTES PRISON JAMBES, MES JAMBES ! MES...)

« Ah... »

L'esprit du jeune homme, déjà trop éprouvé par les expériences successives qu'il avait vécu, ne tint pas le brusque retour à la réalité et sa confrontation avec le monde des sens. Ses doigts se refermèrent instinctivement sur ses bras, enfoncant durement les ongles dans sa peau. Puis il se sentit tomber en avant. Des mains qui le retinrent, une douce sensation sur sa nuque.

Tout devint noir.

Il se laissa lâchement enveloppé dans le calme d'une inconscience salvatrice, le sortant de l'enfer sensoriel qu'était son monde.


-----------

HRP : Sombre dans une inconscience comateuse.
Modifié en dernier par Akihito le sam. 19 août 2023 16:11, modifié 4 fois.

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Silmeria
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Re: Lande Noire

Message par Silmeria » jeu. 27 juil. 2023 01:07

Bordel mais...

Qui fait du bruit comme ça ? Je me lève en me massant les épaules, j'ai quand même les ongles vachement longs. Derrière moi les tubes sont fermés par un cadre de bois, quelqu'un a manifestement dû nous sortir de cette connerie et ces petits enculés n'ont pas pris la peine de vouloir me réveiller, noooon surtout pas. Mais j'entendais des voix et je n'eu aucun mal à en trouver l'origine. Il y avait plus loin une table en bois couverte de détritus et Dracaena, Akihito et Xël buvaient. Jorus quant à lui était assoupi dans un coin, la main encore serrée sur un gobelet en étain.

Il y avait un cadavre de poulet, des assiettes luisantes de crasse, des épluchures partout, une paire de chaussette trouée à l'odeur suspecte, je ne sais pas pourquoi, mais je l'assimilais tout de suite à la collection de Xël. Pourquoi ils mettent leurs affaires sales là où ils mangent ces cons ? C'est vraiment immonde.

" Salut ma grande, ça va ? " Une tape sur le dos, je me tournais et vis Aigre-gor qui tenait sous le coude... Mathis ? En femme ?
" Je sais que ça surprend, mais je me sens mieux ainsi. "
" Heu... Tu as... Foutu quoi au juste ? "
" Visselion a fait le nécessaire. Et lui, il m'a appris ce que c'était l'amour. " Dit-iel avant d'embrasser langoureusement Aigre-gor qui passait sa main sous la chemise en lin de Mathis.

Vraiment ? Je viens de revenir à la vie et je suis témoin de ça ? Merci beaucoup, fallait pas. Et d'ailleurs Vaisselier, il est où ce con ?

'' Hey ! Si c'est pas Sissi le Ravioli intempestif ! ''

Akihito venait de lever les bras, envoyant une gerbe de ce que contenait son gobelet sur le dos de Jorus qui ne réagit en rien. Manquant de se renverser sur son tabouret, Akihito parvint tout de même à se lever et vint à moi, les joues rouges, les cheveux collés de sueur sur son visage, un oeil qui disait merde à l'autre et me dit quelque chose de surprenait :

" Heeulguu bayl'avec nouuuus. "
" Hein ? "
" Hey les gars ! Visez un peu la taille de cette taupe ! Je l'ai surprise à creuser un trou dans ma chambre ! " Résonnait la voix de Vaisselier dans mon dos. Il tenait entre ses mains une tête noire grimaçante qui pendait au bout d'une longue touffe de cheveux blancs ébouriffés en tâchés de terre et de sang.

" Hey ! Mais c'est ma femme !"
Xël frappa son verre sur la table en éclatant de rire. " Je t'avais dit qu'à force de creuser des trous on finirait par confondre. "

Akihito prit dans ses mains la tête de sa défunte amie avec beaucoup de tristesse. Il l'observa un temps, grimaçant lui aussi en contemplant son visage éteint et pleura.

" Aim'sussra plus jamaiiiiis. " Lâcha-t-il dans un long gémissent torturé. Fort heureusement Dracaena était là, il se leva fièrement faisant racler ses branches sur le plafond, je n'avais jamais réalisé à quel point il était grand ce con. Il tira un laïus qui dura approximativement dix minutes et enfin, criant à la bonne idée qu'il tenait grâce à son imagination aussi fertile que le terreau d'un cimetière, il prit la tête des mains d'Akihito et enfonça ses doigts dans la bouche du cadavre avant de lui arracher les dents de devant dans un bruit de craquement moite.

" Et voilà le travaille, met y ta branchouille et... ASSURE TOI DE FAIRE DU BON BOULEAU ! " Tout en envoyant une grande tape dans le dos d'Akihito qui lâcha sous le choc la tête qui roula sur la table. A son visage figé se colla une compresse sale et une fane de carotte, elle termina de rouler devant Xël qui enfonça une bouteille dans sa bouche, porta la tête au dessus de la sienne et renversa le contenu de la bouteille pour le boire à travers sa gorge. Jorus venait de se lever et tous deux crièrent " BOIS ! BOIS ! BOIS ! BOIS !" en frappant lourdement du poing sur la table. Derrière nous, Aigre-gore venait d'engager les choses sérieuses avec Mathissette et je préférais ne pas me retourner. D'instinct je sortais une lame mais... Il n'y avait qu'un long fémur dans lequel était enfoncé une petite lame, comme une lance miniature et nettement moins maniable.

Dracaena contre toute attendre porta Jorus et Xël sur ses épaules, cognant la tête des deux hommes contre le plafond et les faisant tomber tous les deux sur la table qui céda et s'éclata à terre, soulevant un grand nuage de fumée.

Lors que la poussière se dissipa, il n'y avait plus de grotte, plus de ville, nous étions revenus au champ de bataille des plaines d'Oranan, au charnier des âmes. Il y avait un immense tas de cadavre dans lequel grondait un contingent de mouches bleues. Je voyais à mes pieds le visage de Xël, emporté il y a de longues heures à en juger le teint bleuté de ses lèvres et son regard troublé. Au loin avançaient des chevaliers en armure, au milieu d'eux le Roi et Oaxaca avaient fait un pacte et s'éloignaient fêter ça en ville. Autour de nous des Sektegs jouaient aux cartes leur sort avec une compagnie de Garzok peu engageants.

Akihito vint vers moi, il portait la tenue des Samouraïs d'Oranan et Cromax le suivait de près. Sans trop comprendre pourquoi je faisais ça, je montais avec Akichou sur le dos de Cromax qui venait de se muer en Gragon noir. Aki se tenait derrière moi, passant ses mains autour de ma taille et les joignant sous ma poitrine pour se prévenir des mouvements du Gragon dans les airs.

" Tu sais, j'ai découvert quelque chose de très important avec toi. "
" Hm ? Qu'est-ce que tu racontes ? "
" J'ai découvert le pouvoir des pierres. Regarde cet oeil de tigre, je le laisse à la lumière pour bien recharger son énergie spirituelle et je le porte près de moi pour me prévenir du mal. "

J'ignorais la pierre qu'il me présenta sans aucune notion de l'espace personnel, je détournais le regard en me faisant la remarque qu'on était déjà à Tulorim et punaise, ce qu'on volait pas, on allait pas tarder à se prendre un carreau de baliste dans la face si ça continuait.

" Sinon ce cristal parfois, je l'ai trouvé sur une montagne ancienne, il a été béni parce que c'est le premier point illuminé par le soleil quand il se lève et son énergie est très spéciale, je l'ai payé deux cent pièces d'or. Je l'avale une fois de temps en temps pour que ses bienfaits passent en moi ensuite je le défêque, mais il est pur et ne m'en veut pas, il me l'a dit. En échange je le laisse se recharger en lumière et je recommence, mais il faut le respecter tu sais, il faut le comprendre, le tolérer et lui laisser le temps de régénérer sa puissance spirituelle. "
" Ecoute Akichou... J'en ai strictement rien à f...''
" Regarde ce fossile ! Tu ressens toute l'énergie tellurique de ce puissant animal !! "
" Putain mais c'est un escargot gravé sur une pierre ! "
'' Ne sois pas jalouse, je l'ai acheté dans un périple à Lebher, au départ je ne comptais pas m'arrêter devant cette petite échoppe mais j'ai vu que la petite fille qui jouait devant avec à sa cheville gauche une aigue-marine, c'est très important comme signe, c'est le membre opposé au coeur, et toute l'énergie vient parcourir son corps avant d'être redistribuée par le coeur ! Tu n'as pas idée d'à quel point c'est important dans la vie d'une petite fille, l'aigue-marine c'est du réconfort ! C'est de l'amour condensé par la force de la terre et de l'eau. "
'' Je me demande si Cromax arriverait à le sentir, si on perdait subitement un passager."
" Sinon cette racine d'arbre à paprika ! Très rare ! Une relique presque. "
" Un arbre à paprika ça n'existe pas. Tu veux pas regarder le soleil cinq minutes à travers ton cristal ? Tu m'en dira des nouvelles. "


Mais je sentais subitement qu'on me prenait le bras gauche comme pour le lever, une perturbation ? Aki qui faisait l'imbécile derrière ? Non, je sentais toujours ses mains sur mon ventre mais... Punaiiiiiiiiiiiiise, une grosse douleu...


Mes yeux étaient fermés mais je venais de comprendre... J'étais dans un corps léger, fin, agile, rapide et gorgé de magie néfaste et de corruption. Elle m'avait manqué, je sentais surtout...

Une petite concentration de foudre et d'ombre, une pelote de fluides magiques à la voix moqueuse...

" MA SISSI ! HRISTOUILLE ! "
" Ma puuuuuuuuuuuuuuuce ! "

Ensemble, nos esprits communièrent, je sentais comme une fusion, délicate, pétillante comme si j'étais frappée par des dizaines de petites étincelles qui électrisaient mes membres, je sentais monter en moi toute la joie, la colère d'avoir été séparée, notre attente avait été insupportable et enfin aujourd'hui nous étions réunie, ensemble, liée à jamais. Je sentais des larmes monter et de joie, ma bouche... Salivait ?

Oh... Trop plein d'émotion, ma tête tourna, je sentais un léger vertige et devant moi s'agitait les frelons blancs de l'évanouissement, d'un sursaut de poitrine, je rendait en vomissait lourdement une épaisse coulée de bile qui tomba, encore tiède et moussante sur le cadavre du corps que j'occupais plus tôt. Mes oreilles sifflaient et je reniflais un morceau de morve épais qui partait à grande vitesse se coller au fond de ma gorge, provoquant une quinte de toux et faisant couler des larmes noires le long de mes joues.

" J'ai gerboulé..." Avais-je répondu à Vaisselier qui me tendait la main pour me relever, annonçant que ma résurrection était le fruit de la magie du sans-visage, je m'appuyais sur sa poigne pour me relever et titubant jusqu'à la malle où Mathis récupérait son équipement. Visiblement c'était le premier à être revenu et avait entreprit de me tuer, visiblement pour libérer l'âme et l'infuser de nouveau dans mon corps. Je sentais mes muscles tendus et douloureux, mes jambes étaient faibles et j'étais prise de vilains vertiges. Je promis au Sans-Visage quelque chose de confus au sujet d'un retour sur cet investissement sans pour autant promettre de mettre ma lame à son service, mais s'il me demandait d'aller tuer quelqu'un, je serai bien forcée de le faire pour remercier cet acte.

Mais je m'étais concentrée sur la recherche d'Akihito et des autres, je glissais les bracelets de l'ombre sans prendre garde à la violence du choc de l'ombre noire sur ma personne. J'étais déjà bourrée de corruption jusqu'à la moelle, celle-ci semblait vibrer sous la magie des bracelets.

" Bordel... J'vais gerbouler encore. "

Cèles ne répondait plus, Hrist non plus. J'étais écrasée sous un mal de crâne qui me forçait à m'allonger, peut-être que l'ombre me soulagerait. Je lançais la mienne au loin pour trouver Akihito ou Dracaena, il y avait quelque chose de... Rassurant dans ce monde d'ombre, un vent terrifiant soufflait toujours, les gens semblaient être plus noirs que d'ordinaire, je voyais... Trouble. C'était plus singulier que dans mes souvenirs, peut-être était-ce à cause de mon malaise. Dracaena ne fut pas compliqué à trouver, pour cause, c'est même lui qui vint à notre rencontre. Il avait rejoint Vaisselier qui s'était déjà proposé de le libérer de son enveloppe charnelle, lui qui avait pu dompter une créature incroyablement singulière, un grand canidé à la gueule... Squelettique et auréolée d'un... Bref, c'était une bête singulière, il me semblait même l'avoir aperçue sur le champ de bataille, probablement un peu entre le moment où j'étais coincée dans ce gros plein de gelée et de me faire carboniser par le mage flammèche bleutée.

Dracaena émit une requête à Visselion, il lui demanda de prendre son temps pour le tuer, il voulait savoir ce que ressentait un être de chair. Je trouvais ça fascinant, après tout, si je devais devenir un Oudio, je chercherai peut-être à faire des expériences saines, comme tirer un peu les feuilles, ôter une écorce, planter mes racines dans un cadavre putréfié pour en absorber les fluides, tout ce que ferait un Oudio sain d'esprit en temps normal, j'imagine.

Visselion semblait être amateur d'expérience singulière, mais je clignais à côté d'eux, prétextant que c'était plutôt quelque chose que je devrai faire, je ne savais pas si c'était une excellente chose de demander ce genre de chose à un allié, c'était plutôt ma responsabilité que de gérer ce type de demande moralement discutable, elle ne m'affecterait pas, Visselion, je l'ignorais encore.

Sinon il y avait bien Mathis, celui qui pourfendait tout le monde de son épée et arborait un grand sourire. Si je n'avais pas eu mon malaise, je me serai bien plantée en face de lui pour lui faire comprendre que je n'ai pas l'habitude de laisser les gens s'en tirer à si bon compte. Cependant il semble s'être attaché à Silmeria et mépriser Hrist, peut-être est-ce là une façon de s'attirer ses bonnes graces, il y aura bien un moment où je pourrai lui faire comprendre que ma rancune peut être tenace et que même si la vengeance est un plat qui se déguste froid, je peux aussi l'apprécier à peine chaude avec beaucoup d'éclaboussures.

Vaisselier me rappela à ma tâche, après tout il était enjoué par cette curiosité, il me demanda de frapper au coeur lorsqu'il lui aura tranché la gorge. Je trouvais ça plaisant, Dracaena sous la forme de ce " Chien Roi " avait présenté l'emplacement de son coeur, Visselion frappa la gorge avec une lenteur déconcertante, comme s'il coupait avec soin un précieux tissu dans le but d'en faire une magnifique pièce. J'enfonçais à mon tour la Tueuse de Mage, bien plus fine et longue que la Rengaine, je bougeais la lame avec soin, remuant du poignet, la perforation de ce métal glacé fit un petit bruit de frottement contre son cuir, il ricanait, poussait des hurlements suivis par des éclats de rire que d'ordinaire, j'aurai attribué à un maniaque ayant été témoin de trop d'horreurs, mais cette vieille branche n'avait probablement pas toutes ses graines dans le même panier. Une légère résistance et le coeur perça, d'un mouvement de bras j'inclinais la lame à l'intérieur de sa cage thoracique pour fendre son organe, il tomba raide. Une expérience des plus plaisante. Akihito derrière nous venait de tomber, ce qui attira mon attention. Xël venait de le retenir, je clignais vers lui sans même avoir pris le temps de ranger mon arme. Fort heureusement je n'eu aucun réflexe malheureux.

Nous laissions Akihito se reposer la tête sur mes genoux pour un instant, mais il fut très vite conduit à l'infirmerie par un homme dont la main mécanique suffit à elle seule à le soulever comme un fétu de paille. Un nouveau vertige me prit en grippe, je posais la main sur le sol et l'autre arriva sans trop m'en rendre compte prendre appui vers la jambe de Xël, gênée, je la remontais légèrement et saisi son micropénis sa main pour m'aider à me relever.

" Il faut qu'on parle. " Avais-je laissé entendre en essuyant des larmes noires le long de mes yeux.
Modifié en dernier par Silmeria le ven. 28 juil. 2023 00:28, modifié 1 fois.
La petite plume de la Mort.

Alors, j'ai établi ma couche dans les charniers,
Au milieu des cercueils,
Où la Mort Noire tient le registre des trophées qu'elle a conquis.


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Yliria
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Re: Lande Noire

Message par Yliria » jeu. 27 juil. 2023 19:53

Assise sur un muret écroulé, je regardai le ciel, fixant un point sans réel but autre que vivre l’instant. Apaisement, calme. Juste respirer quelques instants. Une longue inspiration, fermer les yeux et tout semblait aller mieux. On sentait vaguement le vent, ou peut-être que ce n’était que mon imagination. Je devrais dormir. Je me suis éloignée des autres pour ça, après tout. Dormir. Ëtre seule et ne penser à rien juste pour un moment.

- Pas certaine que c’était la meilleure chose à faire à ce moment précis. Enfin, t’es plus à ça près niveau casserole.

Je tournai la tête vers l’importune. Une shaakte, clairement encore dans l’adolescence, dont je ne pouvais voir le visage caché par ses longs cheveux blancs qui ondulaient sous une brise que je ne ressentais déjà plus. Ou que je pensais avoir imaginer. Puis elle tourna la tête et je fixai la paire d’yeux bleus et le visage adolescent qui me fixai en retour.

Ah… Merveilleux.

- C’est quoi ? une illusion ? Je suis en train d’halluciner alors qu’en fait quelqu’un a fait flamber une plante toxique en pensant faire un repas au feu de bois ?

- Me pose pas la question, j’en sais autant que toi, puisque…

- Tu es moi, oui, j’ai compris…

Elle haussa les épaules... Je haussai les épaules ? C’était confusant, tout ça. Jeune moi était vêtue d’une robe que Père avait confectionnée. C’était un souvenir ? avant sa mort peut-être ? Ou bien après, mais je gardai l’image de la robe en tête pour une raison qui m’échappait. Confusant, comme je disais.

- J’aime bien le nouveau concept.

- Hein ?

Elle fit un geste m’englobant toute entière avec un sourire.

- Tu sais l’armure rouge sang, le corps d’adulte, la cicatrice sur le visage. C’est chouette tout ça ! Hâte d’y arriver.

Je levai les yeux au ciel.

- J’ai rien demandé, je m’en serai bien passée.

- Nonsense. Je passe tellement de temps à rêver de changer et de vivre autrement que je vois pas comment la moi du futur peut pensé que tout ça c’est pas la meilleure chose qui puisse arriver.

- Vu ce que j’en ai bavé pour en arriver là…

- Pire que le fouet, la peur et la faim constante ?

Je la fixai de nouveau. L’air grave, je n faisais plus vraiment si enfantine, c’était déroutant. Tout comme le fait qu’elle n’ait pas tort. Pas entièrement en tout cas. J’en avais chié avant même de vagabonder çà et là. Avec le temps... j’avais juste oublié ce que ça faisait.

- Elles ont disparu. Les cicatrices. Un mage elfe les a effacées

- Oh… Tant mieux.

- Tu le savais déjà.

- Je sais ce que tu sais.

- Logique…

Silence. Qu’est-ce qu’on pouvait bien raconter à sa propre version passée de soi-même, de toute façon ? La pluie et le beau temps. Limité sur la Lande Noire. Pourquoi était-elle là de toutes façons ?

- Peut-être parce que tu t’égares du chemin que tu voulais te tracer ? Qu'on voulait se tracer ?

- Tu lis dans mes pensées aussi ?

- Je suis…

- Moi, oui, j’ai compris…

- Je suis devenue cynique et aigrie… super.

- Pas du tout, je suis réaliste et…

- La limite est fine et tu l’as largement franchie. On l’a largement franchie, visiblement.

- J’ai mes raisons.

- Je ne dis pas le contraire, mais est-ce que c’est vraiment toi, celle que tu es depuis quelques temps ? Depuis cette bataille.

Un soupir m’échappa. Elle avait de ces questions… Comment en être sûre ? Etais-je vraiment si différente avant Kochii ? Spontanément, j’avais envie de dire oui. Mais pourquoi ? Peut-être que les rares lambeaux d’innocence et d’espoir avaient disparu en même temps que les âmes de centaines de milliers de victimes massacrés en une fraction de seconde. Une liste sans fin de visages anonymes, un champ de corps sans âmes, sans vies, sans futur. Une liste qui allonge celles des visages figés dans la mort qui me suivent depuis le tout premier…

- Ça fait toujours mal ?

- On… apprend à vivre avec. Je croyais que tu savais tout ce que je savais ?

- Oui… mais j’avais besoin de l’entendre… Tout ce qu’il y a traverser… savoir qu’on s’y fait, ça me terrifie autant que ça me réconforte.

Je tournai la tête vers elle, comprenant ce qu’elle voulait dire. Et puis je le vis. Ce regard… Un regard hanté que je me souviens d’avoir vu en me fixant dans un miroir quelques jours après la bataille. Est-ce que j’avais laissé un bout de mon âme là-bas ? Est-ce que je n’avais pas perdu plus que ce que je pensais ? Etais-je vraiment devenue si différente ? Peut-être que Dracaena avait raison. Et peut-être que je devais arrêter, tout simplement.

- Tu as été un peu odieuse.

- Tu es moi, je te rappelle.

- Techniquement tu es le futur, donc non. Pas encore.

- Et mon futur à moi ?

- Ça…

- Rassurant…

- Alyah dirait… « Les futurs sont changeants donc un futur ne peut pas apparaître puisqu’il y en a une infinité et aucun à la fois. »

Elle imita la voix d’Alyah avec une précision remarquable et je ne pus m’empêche de sourire. C’était tout à fait quelque chose qu’elle pouvait dire. Qu’elle avait peut-être même déjà dit.

- Quelle chieuse à tout savoir et à faire le miss j’ai toujours raison alors qu’elle fait des blagues vaseuses à tour de bras et agis comme une gamine dès qu’elle le peut.

- Je suis bien d’accord.

Elle se mit à rire et je la suivis. C’était idiot. Ça n’avait pas de sens. C’était réconfortant. Bienvenue. Elle faillit tomber du muret, et elle explosa e plus belle. Je ne me souvenais plus de ce rire. Quand était-ce, la dernière fois où j’avais pu rire ainsi sans me soucier de rien. Pourquoi se soucier de quoi que ce soit ? Je me laissai tomber en arrière en fermant les yeux. Pas de choc, juste l’obscurité et un sentiment d’apaisement.

- J’adore le nouveau concept.

Moi aussi…

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Xël
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Re: Lande Noire

Message par Xël » ven. 28 juil. 2023 22:50

Le Titan se reconstruit devant mes yeux jusqu’à reprendre vie, poussant un grognement sombre qui ne me met pas à l’aise. Puis l’instant d’après il s’envole d’un coup d’aile dont le souffle manque de me faire tomber. Je pousse un soupire de soulagement tandis que Drac propose de nous conduire aux corps conservés des Yuiméniens tout en soulignant que je suis sans doute fatigué.

« Etrangement je me sens en pleine forme … mais j’ai quand même besoin d’une petite pause. »

Voir un Titan revenir à la vie suffit pour une journée. Je me tourne vers le Sans-Visage qui a tenu sa parole pour le remercier et demander au passage si le Titan lui a communiquer quelque chose avant de partir. Il répond que non, les siens n’étant pas bavards et qu’il n’y a pas eu besoin de mots pour sentir sa reconnaissance. Il accepte ensuite la proposition du roi loup qui nous mène à Elscarl’Oth tout en s’excusant de ce qui s’est passé à Nagorin.

« Pour la porte, j’allais pas vraiment l’écraser sur vous, mais c’était bien joué le coup de la flotte. »

« La porte … j’avais l’intention de te la renvoyer à la gueule. On a eu de la chance que ça n’a pas fonctionné j’imagine. »

Curieux, je pose ensuite plusieurs question à l’Unique sur les risques et la façon dont il va réintégrer les âmes dans leur corps d’origine. Sa réponse n’est pas vraiment rassurante mais si ça a fonctionné pour le Titan il n’y a pas de raison qu’il échoue. Nous sommes menés par Drac dans une salle où les corps reposent en attendant de reprendre vie. Visselion, Trifalgin et Smaragdin sont présents et s’arrêtent de discuter quand nous arrivons, sans voix devant l’apparition du Sans-Visage et je peux le comprendre. Un homme bête est aussi là, couché devant le corps de la Régicide. J’en déduis qu’il s’agit d’un aventurier mais aucun signe des autres hormis Drac et Akihito qui nous a suivi. J’utilise ce moment de flottement pour interroger encore le Dieu sur son but. Il me répond que son désir est de protéger les peuples de ce monde et les siens. Il avoue en ignorer la manière et demande si il peut commencer.

« Je ne vois pas d’inconvénients à ce qu’on commence si les concernés sont d’accords et si vous n’avez pas besoin de tout le monde pour le faire. Est-ce que je peux vous aider d’une façon ou d’une autre ? »

Il a besoin que nous libérions les âmes, autrement dit de tuer les corps d’emprunts et nous invite à nous dépêcher. J’apprends que la créature assoupie n’est autre que Silmeria et que l’âme de Mathis est présente également et d’ailleurs son corps se met soudain à s’animer. Pendant ce temps le golem trace le nom de Maïssa sur le sol et m’invite à le suivre. Ça ne dure qu’un instant mais cela suffit au blondinet pour se remettre de son réveil et enfoncer sa lame dans le coeur de Silmeria sans l’ombre d’une hésitation. Je regarde la scène avec dépit et une pointe d’agacement avant de suivre Akihito jusqu’à l’extérieur qui se met à faire les cent pas en malmenant son bras.

« Qu’est-ce que tu fais ? »

Cela prends du temps avant qu’il ne m’accorde de l’attention mais il grave à nouveau le nom de Maïssa sur le sol. Ça le tuerait d’écrire quelques mots de plus pour être plus clair ?

« Tu veux que je trouve Maïssa ? Tu veux qu’elle te transforme en sable ? Si c’est pour que ton âme soit à nouveau libre je peux le faire moi même vu que le temps presse. Si ça se trouve tu peux le faire tout seul. Et sens toi libre de répondre avec une phrase. Je suis capable de la lire. »

Il écrit alors une série de mots, non sans difficultés. Peut être que c’est lui qui est un peu illettrés au final, je le pensais instruit. Mais je comprends qu’il a peur qu’on utilise la magie pour le tuer, préférant l’aide de Maïssa ou d’un sorcier. Le dernier mot qu’il trace m’indique qu’il souffre.

« Je vois. Il n’y a personne dehors en tout cas. Rentrons, le Sans-Visage l’a dit, il ne va pas attendre éternellement. Nous trouverons quelqu’un pour te péter la gueule sur le chemin, au pire j’utiliserai un portail. »

Il accepte et nous retournons auprès des autres et ça ne dure qu’un instant avant que le golem ne s’effondre et que son corps se remette à bouger pour finalement s’écrouler à nouveau. Je le rattrape de justesse et ponctue les déclarations de Jorus de retour dans son corps également.

« Je pense que vous devriez être mis au courant en effet. Les Sans Bannières marchent en nombre vers Messaliah dans l’espoir d’y trouver une arme antique capable de vous détruire. »

Je conclue ensuite.

« Merci de nous avoir aidé. »

Des dialogues s’échangent tandis que Silmeria vient m’aider avec l’Ynorien et j’entends qu’il n’y a pas d’armes antiques dans Messaliah, l’arme la plus puissante du désert étant déjà avec nous. Il confie un objet permettant de communiquer avec lui, demandant tout de même de ne pas en abuser puis de déclarer une dernière phrase avant de disparaître:

« Les alliés s’entraident. J’espère que vous vous en souviendrez, si je requiers votre secours. »

Je pose alors mes yeux vers la Régicide qui saisit ma main et déclare avoir besoin de me parler tout en essuyant des larmes noires de ses joues. Je l’aide à se relever pour l’emporter à l’écart de la pièce, prêt à la porter au besoin. Revenir à la vie ne doit pas être de tout repos et pour ma part j’ai besoin d’être au calme. Nous avons traversé beaucoup de choses en peu de temps.

((Xël emmène Sissi dans un coin tranquille, à l’écart pour … discuter.))

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Dracaena Paletuv
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Re: Lande Noire

Message par Dracaena Paletuv » sam. 29 juil. 2023 05:04

"Bon... Bah, c'est réglé je suppose?" disais-je en saluant de la patte le titan s'envolant.

J'me demandais bien où se titan avait bien pu s'rendre... A supposer qu'il y avait un "monde" pour les titans la haut dans l'ciel? Comme toujours tant de question à poser, mais ni l'temps, ni l'bon moment pour. Xël avait bien essayé de d'mander comment le titan plumé avait réagit ,mais son frangin avait pas l'air de vouloir s'étendre sur le sujet. Trop personnel, ptet? Bref, autant pas agacer not' potentiel sauveur. Si l'Sans-Visage s'proposait pour nous r'coller dans nos corps, valait mieux qu'on s'concentre sur ça pour l'instant. J'avais plein d'chose à tester encore dans s't'env'lope charnelle, mais traitez moi d'nostalgique, mais mon bois commençait à m'manquer. Me tournant vers le p'tit titan et son copain humain, j'décidai d'les mettre au courant d'la situation.


"Euh, donc, petit topo concernant nos corps: ils sont dans un souterrain, bien conservé. J'peux vous y conduire. Normalement, tout le monde à un corps d'emprunt sauf Mathis, aucune idée de où il est, si vous arrivez à le voir prévenez le. Et Yliria et Visselion sont parti se reposer un peu, ils étaient plutôt claqué, qu'ça soit leur corps ou leur esprit.

"Je vous suis. Menez-moi à eux. Il faudra que les âmes des morts soient elles aussi présentes."

Je m'interrompis quelques secondes, observant monsieur portail, avant de reprendre.

D'ailleurs, m'sieur Xël, après tout ça vous d'vriez prendre une pause vous aussi: m'avez pas l'air dans un super état non plus."

« Etrangement je me sens en pleine forme … mais j’ai quand même besoin d’une petite pause. »

En pleine forme? Plus endurant que j'le pensais le bougre. Ou c'était ptet un effet s'condaire de l'adrénaline?

"Bon, ben, allons y."


Et nous nous mîmes en route vers la ville et le tunnel contenant mon précieux corps (et celui des autres). Sur l'chemin, le silence reignat. Comme j'me doutais un peu, l'Sans-Visage était pas du genre grand bavard, probablement qu'il devait s'remettre d'ses émotions. Titan ou pas, y v'nait quand même de sauver un d'ses frères de la mort, ça d'vait s'couer quand même. Xël disait rien non plus, et j'savais déjà qu'c'était plus un homme d'action que d'parole, mais j'pouvais pas m'empêcher d'penser que c'était surtout pas'qu'y s'méfiait encore de moi. Après tout, pendant la "bataille" du temple, il semblait bien prêt à me démonter. Bon, y d'vait bien s'douter que j's'rais pas v'nu aider comme ça si j'étais pas d'son coté, et j'aurais préféré en parler en étant plus posé, mais bon, autant régler ça de suite.


"Ah, m'sieur Xël, j'voulais m'excuser pour tout le cirque dans l'aut' temple la. J'essayais d'jongler entre vous laisser filer et pas m'faire griller par les yeux bandés. Pour la porte, j'allais pas vraiment l'écraser sur vous, mais c'était bien joué l'coup de la flotte.

En tout cas bonne nouvelle, j'ai réussi à briser mon lien avec Bryt...euh, le Dragon. "


« La porte … j’avais l’intention de te la renvoyer à la gueule. On a eu de la chance que ça n’a pas fonctionné j’imagine. »


Ah.

....

C'était tout? Okaaaaay...
Pas d'réaction sur le coté "je bosse plus pour Brythagon", pas d'réaction sur "J'faisais semblant", juste un "J'comptais te défoncer et ça a raté."
Booooon, j'allais partir du principe qu'y m'faisait la gueule hein. Ou alors il avait vraiment la flemme de développer... Non, qu'il se méfie de moi ça avait plus de sens.
Pouvais j'lui en vouloir? ... Oui, complètement! Mais était-ce pertinent de lui en vouloir? Hmmmm, pas forcément. On avait papoté quelques fois, et on arrivait à être cordial l'un avec l'autre, mais on était pas pote non plus. Certes, j'étais le seul à avoir prit sa défense quand les autres pensaient qu'il était possédé, mais ça, il le savait pas. A tous les coups, pour lui j'étais juste un magouilleur de plus, et s't'histoire avec Brythagon devait pas aider.

C'était...Dommage. Fort dommage. Mais bon, s'genre de situation injuste et frustrante ça m'tombe toujours sur un coin d'la gueule quand j'fais tout pour survivre. J'avais l'habitude que les gens m'comprennent pas et m'jugent à tort...

J'avais l'habitude...

Bah, de toute façon personne dans s'groupe m'appréciait réellement, pourquoi prétendre qu'il y avait des exceptions. Quoi qu'ils pensent, mes actions parleraient plus que mes mots. Et en parlant d'action et de mot, le Sans-Visage expliqua à Xël que nos âmes allaient devoir être "libre", hors d'un corps pour retourner dans nos nous d'origine. Hmf, ça allait ptet compliquer la tache ça, vu que concrèt'ment ça voulait dire qu'on devrait s'tuer. Y avait plus qu'à espérer qu'Yliria pionce encore, vu les trauma qu'elle semblait porter ma ptite branche me disait qu'elle voudrait surement s'interposer...
Alors que l'on arrivait enfin au tunnel, un bruit métallique retentit dans notre dos: Akihito dans son corps golemesque nous avait rejoint.


"Ah, coucou m'sieur Akihito, vous tombez à pic! On va retrouver nos corps! Enfin, essayer, mais ça d'vrait marcher la!"

Moi qui m'attendais à son levé de pouce habituel, il m'ignora, visiblement plus intéressé par le Sans-Visage... Quand j'vous disais qu'personne m'appréciait réel'ment dans s'groupe... Bien que... à bien l'observer, il bougeait... différemment. Comme s'il manquait d'énergie. Son corps avait rouillé ptet? En tout cas, après quelques minutes nous finîmes par arriver devant nos corps...et aussi devant un homme-bête ronflant au pied d'ses derniers.

"Bon, voila les futurs ex-macchabés! Le plus sexy c'est moi bien évidemment. J'vois qu'm'dame Silmeria est déjà sur place, j'vais voir si je trouve m'sieur Jorus... J'irais ptet réveiller m'dame Yliria aussi? Bref, si vous voyez l'âme de Mathis, prev'nez la... Ou criez très fort son nom, ptet que ça le f'ra débarquer..."


A peine le temps de finir ma phrase que j'me rendis compte qu'il y avait trois zigotos dans la pièce: deux des sorciers locaux, et le dragon déguisé en humain que Xël nous avait présenté plus tôt. Qui était sensé servir Vallel si j'avais tout saisit, donc ça présence me surprenait et pas qu'un peu. J'comprenais toujours pas s'qu'il fichait vraiment la. Xël me f'sait ptet la gueule, mais faudrait quand même que j'l'attrape après ça pour qu'il s'explique. Comme pour l'autre, la...
En tout cas, pour le moment, j'interpelai le trio d'un salut de la patoune:


" Salut messieurs, j'espère que ça boom. Vous connaissez m'sieur Sans-visage? Il a réglé l'problème de l'âme du titan, et il a accepté d'régler notre problème de corps! M'sieur Sans-Visage, j'vous présente Visselion et... J'ai plus l'nom des deux autres, désolé!"

Pas'que bon, y c'était passé beaucoup d'chose, et j'avais pas eu l'occasion de tous les ret'nir pour l'instant, hein... Pendant ce temps, le Sans-visage mentionna la présence de l'esprit d'un Yuimenien.

"Et l'esprit avec nous, c'est surement Mathis le beau blond! Et si vous nous faite retourner dans nos corps un par un, commencez ptet avec lui, c'est l'seul sans env'loppe charnelle.
Et j'propose de rentrer dans les détails sur Brythagon après tout ça, ça s'ra probablement plus simple! Mettez moi en dernier sur la liste, j'vais d'abord chercher les autres."


"C'est bien celui que vous nommez Mathis.
"J'ai besoin que les âmes de ceux qui doivent réintégrer ces corps soient présentes. Et hors de tout corps."


Et m'adressant aux trois gaillards qui étaient déjà présent:

"Messieurs, vous savez où sont m'sieur Jorus et m'dame Yliria?"

J'avais beau me dire qu'ça s'rait mieux d'la laisser pioncer pour éviter qu'elle nous fasse une crise ou j'sais pas quoi, elle méritait aussi d'voir tout l'monde rev'nir à la vie. Elle avait vraiment essayé d'nous aider et d'nous ram'ner, donc, culot ou pas, j'pouvais au moins lui accorder ça.


"Celle-là qui dort près de son corps, c'est celle que vous nommez Silmeria. Mais je n'ai aucune idée des autres : Jorus n'est pas paru ici, et Yliria est partie... se reposer je ne sais où."

"Faites vite : chaque seconde qui passe est un nouveau risque que les peuples de ce monde souffrent. Je ne m'éterniserai pas."


Okaaaay, le temps c'était d'l'argent pour tout l'monde, les dieux aussi visiblement. La sympathie du Sans-Visage avait donc comme limite son emploi du temps visiblement très chargé. Bon, bah, à s'prix la, autant s'concentrer sur Jorus et espérer croiser Yliria en route. Même si... au final j'savais pas où s'trouvait l'un comme l'autre. Mmmh, comment faire comment faire... Ptet avec le fameux "flair" des canidés? Mon flair me semblait plutôt balèze avec mon museau tout squelettique. Enfin... a bien y réfléchir, j'avais l'air de surtout sentir s'qui se trouvait dans la même pièce que moi... Et s'pas comme si j'connaissais vraiment l'odeur de Jorus ou Yliria... Damned, j'm'étais fait enfumé par cette concentration olfactive sur la tête, ça m'servirait à rien ici.
Et la, d'un coup, une idée me vint en tête. J'observai l'homme-bête endormit, qui devait être Silmeria, et j'me souvins de la sensation qu'elle m'avait procuré, de cette impression de pouvoir la dominer.

...

Sérieusement? J'dis "dominer" et tout d'suite c'est à ça qu'vous pensez? Les humains, tous des obsédés, j'vous jure... Bref, j'pensais donc: si j'pouvais la dominer, comme avec les loups rouges, alors j'pouvais "ressentir" à travers elle. Et elle avait ptet de meilleurs sens que moi? Ca permettrait d'aller beaucoup plus vite! Oui, oui ce plan semblait pas mal du tout! Suffisait juste de la réveiller et Mathis est en train de la planter dans le coeur.

.............................

...Je...Hein...quoi... Euh....

Hpffffffffff, respire Drac, respire, refait toi toute la scène dans la tête: bon, Mathis venait visiblement d'être remit dans son corps par le Sans-Visage. Bon point: ça marche! Et son premier réflexe fut de...planter Silmeria. Ok. Ok ok ok ok ok. Et c'est ce genre d'énergumène à peau flasque qui me juge en temps normal. Non, mais très bien, pas de soucis, j'vais rien dire. De toute façon, il allait bien falloir la buter à un moment ou à un autre la Silméria, pour la sortir de son corps, mais sérieusement, c'était la PREMIERE action du blond. Le gars vient de rev'nir à la vie et il se dit "MMMMH J'AI UNE ENVIE DE MEUTRE MOI!". Non, même pas le temps de vérifier que tout fonctionnait bien chez lui, que l'un de ses organes cheloux d'humain fonctionnait bien, non, tout de suite le meurtre.
Pour la bonne cause hein mais le meurtre quand même.

Bon...Bon bon bon bon bon... Il venait de passer en tête de liste des gens dont j'devais me méfier dans ce groupe. J'étais pas un hypocrite hein, l'homicide ça fait parti de mes options sans aucun soucis: mais j'invite à diner avant au moins...
Bon, du coté des gens (supposément) moins sociopathe, Akihito avait écrit "Maïssa" sur le sol. Erk, ça m'faisait penser que j'devais m'excuser auprès d'elle aussi. Mais pourquoi est ce qu'il cherchait Maïssa...
Oh! Mais oui, bien sur!


"Ouais, aller chercher Maïssa, elle avait sablifier un paquet de golem pendant la bataille. Et faite vite, il m'a... pas l'air bien m'sieur Akihito la..."


Et sans plus attendre, je m'élançai dans les couloirs, usant de la méthode la plus rapide et efficace que j'avais pour retrouver facilement quelqu'un:


"M'SIEUR JORUS? M'SIEUR JORUUUUS? Z'ÊTES OU? ON A TROUVE UN MOYEN D'VOUS REMETTRE DANS VOT' CORPS! ON A PAS D'TEMPS A PERDRE!"


Ce stratagème, hautement complexe et scientifique, porta très vite ses fruits: ça attira l'attention de pas mal de curieux, dont cette très chère Maïssa, et un type que j'étais pas sur d'avoir vu avant qui s'empressa de me dire:

"Jorus ? Par Rana, il aurait pu s'annoncer ! Il est dans l'infirmerie, assommé. Venez."


Sans plus attendre, il s'engagea dans une direction et je le suivis à grand pas (de loup), l'archère du désert décidant de nous accompagner. Très vite nous arrivâmes à ce qui semblait être une infirmerie ,et deux choses me frappèrent en rentrant: la première, c'était l'homme bête endormit sur un lit qui semblait avoir un sommeil agité. Surement le Jorus.
La seconde, c'était "l'autre", comme j'l'avais précédemment appelé: le bouffon bandé avec un gros bras métallique. Il c'était levé dès que je m'étais approché, et m'observait, l'air curieux. Jorus avait visiblement habité son corps un moment, avant de s'en trouver un autre, mais du coup, ce type était toujours la. Le type faisant parti d'un peuple qui bossait pour Brythagon, ET qui pouvait transmettre les informations qu'ils recevaient entre eux...

Un espion. Un mauvais curieux. Un parasite. Bref: un problème.

Je n'savais pas s'qui c'était passé durant la bataille contre les monstres, mais si ce type était toujours la, sans que personne ne dise rien, et que, pire encore, on l'avait collé à l'infirmerie, supposément pour le soigner, c'est qu'il devait y avoir une bonne raison non? Un autre esprit avait prit possession de son corps, ou j'sais pas quoi, hein? Nan parce que... J'osais espérer que personne n'avait laisser se promener ici un gars aussi dangereux, hein? HEIN?

L'observant avec toute la méfiance du monde, je finis par porter mon attention sur Maïssa:


"Hey, Maïssa, désolé de de t'dmander ça à peine revenu, mais si t'as la force, tu pourrais... "sablifier" m'sieur Golemi... Akihito, derrière, s'il te plait? Qui est dans l'golem. Faut qu'son âme soit libre pour r'tourner dans son corps, et la cochonnerie est résistante."

Elle sembla approuver mais son regard était... plein de surprise je crois? Elle semblait perturbée... Erk, ça m'inquiétais un peu, mais la on avait pas l'temps, fallait mettre la priorité sur les futurs-ex-cadavres! M'approchant de l'homme bête endormit, je demandai:


"Il est la d'dans m'sieur Jorus? Si c'est l'cas, on l'embarque! On va l'ram'ner prêt de son corps, ça s'ra pour le mieux. "

Autant s'assurer qu'il soit à coté du Sans-Visage avant d'le zigouiller. Je posai ma patte sur son épaule, prêts à le soulever, quand je réalisai la petite erreur que je venais de faire...

"Euh... Vous...pouvez le porter pour moi ou l'mettre sur mon dos siouplé? J'ai... oublié qu'j'avais pas d'main..."

Les pouces opposables et la bipédie, c'était vraiment pas à sous-estimer. M'attendant à voir Maïssa ou l'autre gars m'ayant conduit ici attraper Jorus, ce fut, pour mon plus grand déplaisir, le type à la main métallique qui se manifesta. Il attrapa l'homme bête de sa grosse main et se tourna vers moi:

"Je vous suis."


Kerk... C'était quoi son plan à c'ui la? Jouer les gentils gaillards volontaires pour endormir la méfiance des gens? Par pitié, j'espérais de tout coeur que c'était pas pour ça que personne l'avait déjà éliminé... Bon, j'allais faire conf... ESSAYER de faire confiance au jugement des autres, en tout cas pour le moment...
Ouais...pour le moment...


"...Merci. C'est par la!"


Rebroussant chemin pour retourner auprès des tubes et de nos corps, je profitai du court moment de marche pour m'adresser à Maïssa.


"Content d'voir qu't'aies l'air en bon état. Alsaqr et toi z'avez pas été trop blessé pendant la bataille, ça va?
...Quand tout ça s'ra réglé, j'aurais un truc rapide à t'dire si t'es d'accord."



Elle opina de la tête pour me confirmer son accord, mais quelque chose semblait toujours la perturber... Ptet que j'avais un truc sur l'visage? Bah, j'verrais ça après de toute façon. Nous arrivâmes très vite à la salle des corps, et Akihito s'rait surement content de voir que miss "Transforme tout en sable" était avec moi...
Enfin...Il aurait été content s'il était la... J'avais beau regarder, je n'arrivais pas à l'apercevoir dans la pièce. Pourtant c'était pas discret son corps de golem...
Ou alors... Ou alors il s'était barré. Surement pour chercher aussi Maïssa...Alors qu'on avait pas beaucoup de temps et qu'il pouvait pas parler comme moi...
Pendant l'espace d'un instant, j'eu l'impression de comprendre un tout petit peu ce que ressentait Yliria durant ce genre de situation.


"Bah... Il est plus la m'sieur Aki? Faut aller l'chercher? J'ai trouvé Maïssa, elle pourrait le "sortir" du golem.

Bon, avant d'se pencher sur ce nouveau problème, autant régler celui qui était déjà à notre portée. Indiquant le corps de Jorus avec la patte, je dis:

Et déposez m'sieur Jorus près de son corps , Main D'airain. Y pionce toujours? Hm, y va ptet moins souffrir, comme ça...
Bon, qui s'y colle pour le "libérer"? "



Et la, d'un seul coup, Mathis s'avança vers le corps bestial de Jorus et... et le planta d'un seul coup, en plein dans le coeur...
Je...Je sais qu'c'étais moi qui avait demandé pour qu'on libère son âme de son corps, mais... il faisait ça avec un tantinet trop de nonchalance à mon gout! Bon, autre chose à noter dans un coin de ma tête: ne jamais dire à Mathis "Roooh, j'en ai marre bute moi" pour plaisanter...

Le bouffon bandé (soi-disant) serviable se remanifesta lui.

"Le sortir du golem ? Moi aussi j'en suis capable. Et sans abîmer ledit golem."

Mais bien sur, coooooomme c'était pratique...

"Vous pouvez faire ça? ...Quoi que, c'est logique en fait...

A bien y réfléchir, le gars venait de la ville où on avait trouvé ces fameux golems. Et il avait lui même un coté mécanique à son corps. J'avais beau être méfiant, c'était complètement logique que lui sache comment manipuler ce genre de golem. Par contre, le sorcier cornu qui était présent réagit de façon beaucoup moins volontaire et beaucoup plus désagréable...

"Vous comptiez vraiment détruire lee golem ? Vous vous rendez compte le coût de construction d'un tel objet ?"

"Et si péter l'golem était l'seul moyen d'libérer l'âme de mon pote, ouais, j'l'aurais cassé sans aucun r'gret! Maaaais, j'suis pas du genre à gacher. Si on peut l'conserver, conservont le.
J't'ai fait t'déplacer pour rien, d'solé Maïssa...
'Fin bon, on parle, on parle, mais il est où en fait le dit golem? Quelqu'un est d'ja parti l'chercher ou pas?"


"Ils sont partis avec vous, j'ignore où ils sont allés ensuite."


Erk, bien évidemment... Mais je n'eu pas le temps de m'agacer de cette information. Ou même de m'y pencher un petit peu. Car, Visselion s'approcha de moi...une lame sortant de son bras.


"Le Marcheur ne doit pas perdre de temps. Permettez que je fasse ça vite."


OH.

Oh...

Le temps était donc venu pour moi? Après tout, il ne manquait qu'Akihito à l'appel, et je n'avais pas besoin de rester dans ce corps pour le retrouver. D'ailleurs... a bien y réfléchir, Xël n'était pas dans la pièce non plus, il était probablement déjà en train de le chercher. Oui, je n'avais plus vraiment de raison d'attendre, surtout si le Sans-visage ne comptait pas attendre...


"M'sieur Sans-visage est pressé? Bon, bah autant passer à la cas'role dans s'cas.
Bien. Deux choses avant qu'on face ça: si des hordes de loups rouges attaquent de nouveau, chercher la bestiole qu'à ma gueule. Ce truc les contrôle à distance. S'grace à ça qu'j'ai pu leur commander d's'attaquer aux gros sangliers. Et j'crois bien qu'ça marche sur tous les canins, donc méfiez vous si vous avez des clebs!

Et deuxièment..."



...Silmeria et Jorus étaient endormit quand ils se sont fait "libérer". Akihito allait visiblement juste se faire extraire sans douleur du golem. Moi, j'étais la, bien vivant, plein d'énergie... Mais ça n'était pas ca qui me dérangeait. Non... au contraire, c'était plutôt une chance.
Non, ce qui me dérangeait, c'est que j'avais eu le temps de faire si peu de chose avec ce corps. Controler des bêtes par la pensée, c'était déjà incroyable, mais ce qui était encore plus incroyable c'était... c'était cette chair, ces os, ce sang!

Boum boum, boum boum...

Ce cœur...

Je respirais par le visage, je sentais avec le nez, je goutais avec la bouche. J'avais de la peau, molle, flasque, élastique. J'avais même vomi! J'étais un sac d'organe, comme j'en avais vu tant au cours de ma longue vie. Je visais ce que probablement aucun autre oudio n'avait vécu: je savais ce "qu'ils" ressentaient! Je savais ce que c'étais d'être un être de chair... Enfin, j'en savais un peu... Si peu... J'avais à peine effleuré les possibilités que ce corps, cette situation m'offrait. Oui, c'était une expérience dégoutante, mais c'était une expérience! J'avais une chance incroyable de pouvoir vivre ça, et très probablement que l'occasion ne se présenterait plus jamais...

C'était... frustrant. J'avais passé des années à perdre mon temps dans la forêt des Faeras, et alors que je vivais quelque chose de magistral, j'en manquais pour réellement profiter de l'occasion. Frustrant, si frustrant...

Mais... Mais il me restait une dernière option. Une qui ne compenserait clairement pas tout le reste, mais qui au moins pourrait satisfaire une partie de ma curiosité...
Oui... Une option très simple, et en accord avec la situation...
Mon regard se plongea droit dans les yeux de Visselion, tandis que je lui demandai:


"Si ça vous dérange pas, faite ça vite, mais pas trop. Plantez moi lent'ment, violemment, que je sente la lame atteindre le ventricule. Faite moi mal et faite ça bien! J'aurais voulu faire plus de test dans s'corps, mais bon, on a pas l'temps, alors... laissez moi profiter d'ma seule chance de savoir s'que les êtres de chair ressentent dans s'genre de situation. "


La douleur.

Je pouvais ressentir la douleur comme un être de chair la ressentait. Sans la résistance du bois, sans la protection de l'écorce. Je pouvais savoir ce que ça faisait que d'attaquer cette chair flasque et fragile. Mieux encore, plus que de la simple douleur, je pouvais faire l'expérience d'une souffrance telle qu'elle mène à la mort. Cette dernière, comme vous le savez, ne me faisait pas peur, encore moins quand je pouvais la transformer en quelque chose d'unique! Un tas d'organe emballé dans un enrobage de peau, s'ouvrant et se vidant jusqu'à ce que mort s'en suive... Je l'avais vu tant de fois par le passé, mais la, je pouvais le vivre!

Les gens allaient me juger. Les gens allaient me critiquer. Maïssa, Mathis, Silméria, Jorus, les sorciers, le dragon humanoïde... Tous allaient probablement me voir sous un autre oeil, celui d'un fou, d'un insensé, d'un masochiste... Mais les miens, d'yeux, étaient toujours plongé dans ceux de Visselion. Lui, de ce que j'avais compris, était curieux, était savant. Il comprenait ce genre de chose. Il comprendrait mon désir...

ET MÊME S'IL N'APPROUVAIT PAS? QU'IMPORTE! C'est qu'il avait moins de recul que ce que je n'aurais cru. Car franchement, une chance comme ça, ça ne pouvait pas se rater! Les gens fuyaient la douleur, craignaient la mort, mais la, je pouvais ressentir une douleur que je ne pourrais plus jamais ressentir de la même façon après. Les gens meurent une fois, moi, j'allais pouvoir vivre la mort pour la troisième fois! Je pouvais prendre tellement de recul que je m'en mettrait à la place d'une catégorie entière d'espèce.

Et tout ça pour quoi?

POUR QU'UN DIEU AVEC UNE DEMI TÊTE ME RECOLLE DANS MON CORPS D'ORIGINE!

COMMENT RATER UNE OCCASION PAREILLE?!


Fou? Non, je n'étais pas tant fou que le monde autour de moi était plein de gens trop craintif pour saisir ce genre d'opportunité. Trop fermé d'esprit pour réaliser leurs présences ou importances.

Je n'étais pas fou: j'étais visionnaire!

"Mais Drac, pourquoi t'infliger ça à toi même? T'es masochiste en fait?"
Non, non petite voix dans ma tête, ça n'était pas du masochisme. Je détestais souffrir au même titre que tout le monde. Mais s'il y avait bien une chose que j'aimais bien plus que tout ça, c'était me sentir vivant. C'était découvrir des choses. Satisfaire ma curiosité. Et il y a des sujets sur lesquels on ne peut être bien servit que par nous...

Tout ce que j'ai fais, ça a toujours été pour les autres, et c'est parce qu'au fond, ça a toujours été pour moi.
Et si c'est le cas, alors il n'y a rien de plus normal au fait que je sois en première ligne pour les expériences désagréables:

Car que ceux qui ont abandonné l'éthique et ses principes au nom de la science, la magie et la découverte craignent la force de celui qui n'a pas peur, car le plaisir de sa curiosité satisfaite dépasse tout entendement. Celui qui a saisit que le meilleur de tous les cobayes, c'est soi-même!



Je me concentrai pour l'entendre, le localiser: celui qui était la source de toute cette situation... et celui avec qui tout se finirait...

Boum boum, boum boum...

Boum boum, boum boum...

Boum boum, boum boum...


Plantant les griffes d'une de mes pattes dans la peau de mon torse, frémissant légèrement, j'étirai cette dernière avant d'ajouter:

"J'crois qu'le cœur est la! Allez y, offrez moi une expérience inoubliable! Pas la peine d'être doux, c'est pas ma première fois!"


" Oooh. Merde. J'vais gerber. Bon, Visselion, vous embêtez pas à faire ça, je pense que vous vouliez faire quelque chose de propre. Vous demander de le torturer serait un peu mal placé, je vais m'en charger. "

Oh? Ohohoh? Ohohohohohohoho?
Même si elle ne semblait pas la plus emballée, Silméria était peut être moins dans le jugement que ce que je pensais. J'avais vu un peu, juste un peu de ses capacités, et l'idée de mourir de sa main en particulier... Ooooooh, j'en frissonnais d'avance.
Qui? Qui était encore la pour se vanter d'avoir subit une mise à mort de Silméria et qui était encore en état de décrire ce que ça faisait?

Non, vraiment, ce final allait être des plus intéressant!


"Vous pensez vraiment qu'un autre de cette espèce existe ? Le Chien Couronné est une légende. Une légende qui mourra avec vous. Quant à votre demande..."

Suite à cette information un peu décevante, le sorcier de métal s'interrompit un moment, visiblement en pleine réflexion, son regard posé sur Silméria.

"J'approuve votre curiosité. Faisons-ça ensemble. Visez le coeur, quand je lui aurai tranché la gorge."

Oui!

Oui!

Oui oui oui oui oui oui oui!

OUI!!!


J'allais vivre une mise à mort de pas une, mais DEUX personnes! A DEUX endroit différent. Mon corps allait être noyé sous les sensations! Oh, oh, j'avais hâte. J'avais un peu peur, forcément, mais j'avais surtout hâte.
Et une fois que mes deux libérateurs se sentirent prêt... Ils se mirent au travail...

Boum boum, boum boum...

D'un bon, Visselion se projeta au niveau de mon coup ,plantant sa lame bras à la base de mon torse, et perçant la peau. La peau du loup. Ma peau.
Un éclair parcouru mon corps tout entier. Je sentais... comme de l'électricité traverser mon corps, suivit, en un point précis, d'une sensation froide et désagréable. Puis, brulant un peu, devenant piquante, de plus en plus intense. C'était... c'était douloureux... Incroyablement douloureux. Je m'attendais à réagir, par réflexe, mais mon énergie avait soudainement disparue. La sensation s'étala, remontant vers le haut, lentement, surement, douloureusement. Chaque petite parcelle de peau qui se faisait ouvrir, je pouvais la sentir. Je pouvais sentir ce corps étranger en moi.

Boumboumboumboum

Une vague de froid vint parcourir mon corps, remplaçant la sensation électrique. Puis, je sentis du liquide s'écouler... S'écouler de la où était la lame. Chaud, il glissait lentement le long de mon torse...

Du sang...

MON SANG!

Si chaud. Si chaud! SI CHAUD! J'avais déjà eu du sang sur le corps, mais jamais je ne l'avais senti aussi brulant. Il chatouillait presque, perlant de ça de la... Et d'un coup, son odeur envahit mes narines, et il ne sentait pas pareil... Il ne sentait pas du tout comme d'habitude. C'était acre, ferreux. C'était bizarre, tellement bizarre...
Mais la sensation de liquide ne s'arrêta pas à la... De mon dos, de ma nuque, je sentais quelque chose couler de partout.

Boumboumboumboumboumboumboumboum

Des sueurs froides. Etaient elles la conséquence du précédent frisson? C'était désagréable dans un autre genre. Pas douloureux, même si j'avais l'impression que ma peau de derrière se décollait. Puis, je sentis quelque chose couler le long de mon visage: des larmes...Et autre chose, plus épais, plus lourd, presque comme de la sève... Ca semblait sortir du nez, mais je n'arrivais pas à savoir ce que c'était.

Boumboumboumboumboumboumboumboum

J'entendis un léger bruit, et la douloureuse sensation de la lame dans ma chair disparue. Visselion avait visiblement finit de me trancher la gorge. Pendant un court instant, je me sentis presque soulagé... Mais très rapidement, les brulures revinrent, la douleur se remanifesta... Et je sentais ma peau, la peau de mon cou, ouverte, pendouiller, voleter au gré de l'air ambiant, mélangeant étrangement le froid du vent et la chaleur du sang. J'essayais de pousser un cri, mais à mi chemin, ce dernier fut littéralement noyé dans des bruits liquides.

Le sang était remonté dans ma bouche. Je le sentais avec ma langue, il l'enrobait, la recouvrait complètement. Il n'avait pas le même gout que quand j'avais marché sur des cadavres, il était si amère, si fort... Mais... étrangement, pas désagréable.

BOUMBOUMBOUMBOUMBOUMBOUM

Une nouvelle vague de douleur, l'épicentre étant cette fois ci plus bas, au niveau de mon torse. Un cri réussit à s'échapper de ma bouche ensanglantée, projetant du liquide un peu partout. Silmeria venait de commencer à me planter au niveau du coeur, et je pouvais sentir ce dernier s'emballer, accélérer, comme s'il savait qu'un prédateur s'approchait lentement. J'avais mal. J'avais tellement mal. Je...n'arrivais plus à bien me concentrer sur les sensations...

Mon sang... je l'entendais, il s'écoulait à toute vitesse, dedans, dehors....Je sentais ce dernier ruisseler sur moi, je sentais la lame de Silméria piquer mon intérieur, s'enfoncer, s'approcher...

BOUMBOUMBOUMBOUMBOUMBOUM

C'était horrible. C'était horrible. C'était horrible. C'était horrible. C'était horrible. C'était horrible. C'était horrible. C'était horrible. C'était horrible. C'était horrible. C'était horrible. C'était horrible. C'était horrible. C'était horrible. C'était horrible. C'était horrible. C'était horrible. C'était horrible. C'était horrible. C'était horrible. C'était horrible. C'était horrible. C'était horrible. C'était horrible. C'était horrible. C'était horrible. C'était horrible. C'était horrible. C'était horrible. C'était horrible.

BOUMBOUMBOUMBOUMBOUMBOUM

Je commençais à voir flou, à ne plus avoir la force de me tenir sur mes pattes. Mon sang... il partait... il me quittait...Si rapidement...Je brulais. Je brulais. ça brulais ça brulais ça brulais si intense si intense si intense tellement différent différent différent différent différent différent différentdifférentdifférentdifférentdifférentdifférentdifférentdifférentdifférentdifférentdifférentdifférentdifférentdifférentdifférent GAARGAAAAAAAHAHAHAHAHAHAAAAARGAAAAAAAAAALAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAARGH

BOUMBOUMBOUMBOUMBOUMBOUM CRAK BOUM BOUM...BOUM Boum... boum boum... boum boum...


Je...plus de force...Mon coeur... Silmeria... a pas percée...Quoi....Hein...Est ce que.... je mourir...par...stress....douleur....Arg....Aaaaaah...Je sens.....lame...perce....touche...Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah...

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Après avoir perdu connaissance, j'eu à peine le temps de comprendre ce qui se passait. Je sentis mon âme être attrapée puis manipulée, et d'un coup, je me réveillai. Dans du liquide qui n'étais pas du sang. Qui avait un gout bizarre. Je devais bouger, mais j'avais encore mal, je ressentais des spasmes dans tout le corps. J'essayai de faire un pas, mais je m'effondrai sur le sol immédiatement, dans un grand "TOC".

...."Toc"? Pas "Blam"? "Toc"?


"Haaaa....Haaaaa...La vache... C'était... C'était kekchoze....Me faudra...prendre...des notes... POUAH... Ce liquide...j'en ai dans tout le corps...erk...Le gout...bizarre...Mes racines...gonflées..."


J'avais... j'avais du mal à gérer mon énergie. Et j'avais ce gout horrible dans les racines les racineslesracineslesracines ATTENDEZ UNE PETITE MINUTE!
Je me redressai difficilement, tout en me touchant le torse... puis les bras, les jambes, le visage... et enfin... les branches. Oui, les branches... Avec des débuts de feuilles qui respiraient... Et mes doigts qui s'enroulaient dessus au lieu de se plier. Je sentais l'oxygène parcourir tout mon corps, je sentais le liquide passer à travers mon écorce.

"Oui...Oui...De l'écorce...l'air qui passe plus que par le nez...Le batt'ment...le silence...Cette texture...ce charbon...Oh....Oooooh...Ohohohoh..."

J'avais l'impression que ça f'sait une éternité que j'm'étais pas senti comme ça. Que j'm'étais pas senti... comme moi.
Mais la, plus de mal-être, plus de dérangeant, plus de bizarre, plus de douleur... Cette façon de se mouvoir, cette voix... Cette texture charbonneuse aux endroits habituels...


"Ouais...ça c'est mon corps!"


Enfin... Presque?
Je me mis à regarder mes mains, car je sentais que quelque chose était... bizarre... différent. A l'intérieur de moi, y avait un truc qui réagissait autrement... Peut être un des effets secondaires du transfert d'âme?

Dans tous les cas, Dracaena Paletuv était de retour, et il avait vécu ce qu'aucun autre oudio ne pourrait vivre! Me tournant vers mes deux libérateurs, je leur dit avec toute la sincérité dont je pouvais faire preuve:


"Merci pour votre aide, c'était très enrichissant."

Le sourire et le hochement de tête que me rendit Visselion réchauffa mon cœur de bois: il me fallait vraiment essayer de passer un peu de temps avec cet homme.


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Mais il y avait une autre personne envers qui je me sentais terriblement reconnaissant... Malgré toute ma haine des dieux et du divin... fallait bien reconnaitre que celui la avait des qualités que j'appréciais. Me tournant vers le titan sans faciès, je lui dis:


"Troisième fois....Troisième fois que vous m'aidez juste comme ça... M'sieur Sans-Visage... Merci. Sincèrement. Pour s'que ça vaut, z'avez la gratitude de ce bout d'bois brulé. Si z'avez besoin d'aide pour quoi qu'ce soit... Hésitez pas! J'vous dois bien ça, et plus encore!
J'vous f'rais bien un câlin, mais j'sais pas si c'est vot' truc.
J'crois qu'tout l'monde est d'retour... Z'allez pouvoir retournez voir vos frères et sœurs! Y a moyen...d'vous contacter la bas? Histoire de s'organiser pour affronter Brythag...Le...La... Dragon."


Et, tandis que j'essayais de me remettre de mes émotions, j'aperçu Akihito hors de sa cuve... et aussi les yeux fermés dans les bras de Xël...

"Euh...Il...Il va bien? Il est bien d'retour dans son corps?"


"Il a rejoint son corps, mais il est marqué des récents événements. Mon échange avec notre ennemi commun ne vous regarde en rien, mais vous aurez mon soutien pour en venir à bout. A ce titre, j'ai besoin de votre aide.

Vous pourrez marquer les personnes de ce signe en l'appliquant contre leur gorge. Ils auront alors la capacité de communiquer avec moi et avec le porteur de l'anneau. N'abusez pas de ce pouvoir, ou je l'annulerai."



Et il me tendit un anneau.

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Un peu prit par surprise, je récupérai ce dernier, entendant le Sans-visage ajouter.


"Je l'appelle Dragon-Dieu car il est d'essence divine. Et de mort. Un curieux mélange. Et ces Chevaliers se leurrent s'ils croient que Messaliah abrite une arme apte à me détruire. L'arme la plus puissante du désert, vous l'avez déjà avec vous."

Il se tourna vers Maïssa. Vu comment Bassem parlait d'elle, je n'étais guère surpris de cette "révélation". Mais, arme ou pas arme, je devais quand même m'excuser auprès d'elle. Qu'importe sa puissance, c'était avant tout quelqu'un qui m'avait sauvé la vie et que j'appréciais.


"Les alliés s'entraident. J'espère que vous vous en souviendrez, si je requiers votre secours."


Et sur ces mots, le petit titan disparu sous nos yeux dans un tourbillon de fumée. Il semblait... plus méfiant sur la fin, comme s'il ne nous faisait pas exactement confiance. Après tout, il nous avait beaucoup donné sans rien en retour, j'pouvais comprendre qu'il s'attende à s'qu'on lui la mette à l'envers. Mais tout comme je me moquais de la puissance de Maïssa, j'me moquais de savoir que l'Sans-visage était un dieu, un titan ou j'sais pas quoi: c'était un mec qui m'avait aidé trois fois. Le moment venu, je lui rendrais la pareille, un point c'est tout.

Je contemplai de nouveau l'anneau qu'il m'avait donné, décidant de l'enfiler à l'un de mes doigts. Je n'étais pas habitué à ce genre d'accessoire, mais la sensation n'était pas désagréable. Et, fallait bien l'reconnaitre, ça avait un certain style. Le ptit titan avait dit qu'il ne faudrait pas abuser de son pouvoir... curieux, ptet qu'il avait eu de mauvaises expériences avec ça dans le passé? En tout cas, on avait maintenant le moyen de le tenir au courant de l'avancé de nos recherches...

Restait à savoir où les diriger désormais, les dites recherches...

Maintenant qu'on était tous de retour dans nos corps... Il allait falloir s'organiser. Et beaucoup plus sérieusement cette fois. Espérer qu'ce fiasco aura servit d'leçon à tout le monde... Et qu'on arrive à faire fonctionner ce groupe efficacement. Pas dans la bonne entente, mais au moins efficacement.

Personnellement, j'avais désormais plus d'une raison d'être motivé pour cette aventure.

Mais avant tout ça... Peut être... Peut être souffler un peu. Prendre racine quelque part, avec de l'eau et de la terre. Laissez les autres se reposer aussi: on l'avait tous mérité cette pause. Main d'Arrain embarqua Akihito vers l'infirmerie, sous mon regard toujours méfiant... me faudrait m'assurer qu'il aille bien...Mais avant ça, il y avait une personne que je devais voir avant tout...


"Bon, maintenant qu'on est de retour, j'vous propose à tous qu'on s'accorde quelques heures pour manger, dormir, et se remettre sur pieds! On va devoir parler de BEAAAUCOUP de truc tous, mais accordons nous au moins ça. Maïssa? Est ce qu'avec Alsaqr, tu pourrais m'aider à retrouver m'dame Yliria? J'pense que ça lui f'ra l'plus grand bien d'savoir qu'on est tous "vivant". J'te dois autant d'service que tu veux en échange! Mais avant ça... quelqu'un sait où sont mes affaires? J'aim'rais m'assurer qu'on m'a rien piqué pendant qu'j'étais dans l'au d'la!
Ah, et... M'sieur Visselion?"


Je m'approchai de mon ancien corps, celui du roi loup, caressant son pelage ensanglanté.

"Si c'est pas indiscret, que comptez vous faire de cette majestueuse carcasse? Je voudrais en garder un ptit souv'nir. Un croc, une griffe, un os... Un ptit bout qui ne vous servira pas."


Techniquement parlant, j'étais celui qui, de façon très indirecte, avait vaincu cette créature de légende. J'méritais bien un ptit quelque chose pour ça!






[Après la réponse de Visselion (et quel que soit la réponse de Maïssa) Drac va vérifier ses affaires, puis partir à la recherche d'Yliria]

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Cromax
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Re: Lande Noire

Message par Cromax » sam. 29 juil. 2023 16:31

Cauchemar en Aliaénon : Lande Noire (bis) X




Tout le monde avait finalement réintégré son corps, et les cadavres s’accumulaient dans cette pièce bien ensanglantée. Peut-être se rendirent-ils compte… qu’ils étaient revenus à zéro. Que ces péripéties morbides avaient surtout été une énorme perte de temps, d’énergie, de moral. Oui, il y avait eu des conséquences positives : de la connaissance sur le processus de mort, sur le positionnement des Ouessiens et du Dragon Noir, sur l’effet du Rayon de magie sur la faune de la Lande Noire. La résurrection du Sans-Visage, par les deux survivants. La libération des âmes, le retour de Vallel, la résurrection du Titan Ailé. De nouvelles connaissances : Afedafax et les siens, Trifalgin et son nouveau corps. Mais avaient-ils vraiment avancé dans leur poursuite du Dragon Noir ? C’était, en âme et conscience, à eux de répondre à ces interrogations.

Toujours est-il qu’ils étaient là, dans les ruines souterraines d’Elscar’Olth. Bien en vie. Il fut décidé qu’ils prendraient un peu de temps pour eux, pour se reposer, se réunir, prévoir la suite des événements, questionner les nouveaux éléments. Plusieurs heures s’offraient à eux : la fin de la journée, la nuit, une partie de la matinée. À eux d’user de cela à bon escient.

Akihito fut mené à l’Infirmerie, où il se réveillerait en compagnie de blessés de la bataille, de Zacara le mage soigneur au masque et d’Himeka, la princesse de Fan-Ming. Xël et Silmeria allèrent s’isoler dans un coin pour deviser. Dracaena fit face à la réponse de Visselion :

« Prenez-en ce que vous voulez. Il serait bon que nous l’étudiions. Peut-être pourrions-nous en tirer des informations sur ce qu’il était. »

Maïssa, elle, se tint prête à aller retrouver Yliria avec l’homme-arbre. Jorus pensa pouvoir librement partir visiter la cité en ruine. Il fut bien vite arrêté par Bellarien, qui s’interposa avec virulence à son exploration.

« Où comptez-vous donc aller ? Vous croyez qu’on va vous laisser circuler librement dans les étages inférieurs ? Vous seriez bien capables de les faire s’effondrer. »

En tout cas, il leur fut offert de rejoindre la salle principale où avaient établi un campement temporaire les sorciers survivants. Une vaste salle plus confortable que la grotte où ils avaient précédemment élu domicile, mais marquée des stigmates de la destruction de la cité. Là, ils pourraient trouver repos et ressources, nourriture et boissons. Personnes à qui parler, car tout le monde finit par s’y rejoindre, à quelques exceptions. Visselion et Smarag’Din. Trifalgin et Afedafax. Les deux frères Bérel et Bragan. Alossarh et Teruki. Ibn Al’Sabbar. Mathis put y retrouver une vieille connaissance : Lamiria Géryick, la vieille au couteau, qui avait recueilli Praline et s’en occupait, caressant l’animal sur ses genoux fébriles.

Simaya et son double, elles, étaient toujours introuvables.

Image
Ambiance générale de la cité



[HJ : Phase libre. Les apartés entre vous et avec tous les PNJ sont disponibles (par MP). Aucune réunion globale au programme : gardez-la pour le lendemain. Toute autre tentative d’action devra être validée par MP via moi. Comme Jorus l’a constaté, vous n’êtes pas totalement libres de vos mouvements : certains vous surveillent.]


[XP :
Jorus : 0,5 (rêve), 0,5 (discussion), 3 (événement global)
Mathis : Noté quand complété
Akihito : 0,5 (discussion), 3 (événement global)
Silmeria : 0,5 (rêve), 3 (événement global)
Yliria : 0,5 (rêve), 2 (événement global)
Xël : 0,5 (discussion), 2 (événement global)
Dracaena : 0,5 (discussion), 3 (événement global)]


[Bons :
Akihito : L’émotif !
Silmeria : Le Créatif !
Yliria : Le Ponctuel !
Dracaena : Le Créatif ! L’Emotif !]

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Xël
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Re: Lande Noire

Message par Xël » ven. 18 août 2023 22:33

Je dépose délicatement la meurtrière alors qu’elle me confesse qu’elle pense bientôt mourir. C’est vrai que chialer des lames noires ne promet rien de bon mais ce n’est pas la première fois que je suis témoin de ce phénomène chez elle. Je préfère y répondre par une remarque banale lui rappelant qu’ici la mort n’est pas définitive. Je l’invite également à partager un repas, je ne sais pas pour elle mais moi je meurs de faim. Je lui tends un morceau de viande séchée tout en restant méfiant pour ne pas soudainement me prendre un coup de couteau. Elle refuse dans un premier temps avant de finalement accepter tout en m’annonçant qu’elle a ramené Vallel à la vie. Je lui rétorque que je suis déjà au courant tout en m’installant face à elle.

« C’est de ça que tu voulais parler ? C’est pour me narguer ? Me provoquer ? »

" Te tenir au courant, idiot. "

Rétorque t-elle en reposant sa tête sur le mur.

" On a tout intérêt à le garder de notre côté. Je connais votre passif, on sera amené à le croiser et je ne voudrais surtout pas que tu tentes quoique ce soit à son encontre tant que cette histoire de Gragon ne sera pas terminée."

Biensûr. Rien d’étonnant. Il n’aura pas fallu longtemps pour qu’il envoie ses émissaires. Cela dit je comprends et je le crois quand il avoue via la bouche de Silmeria que sa première préoccupation est le dragon et ce serait stupide pour moi de dire le contraire. Je le conçois donc alors que nous changeons de sujet et m’intéresse plus à son état tout en partageant ma gourde.

« C’est étrange mais je suis soulagé de te voir en vie. Comment on se sent quand on revient à la vie ? »

" On se sent mal. Je pensais que c'était assez évident. Je suis vraiment en train de crever je crois. La corruption gagne de plus en plus... "

Curieux je lui en demande la source et elle m’explique que la corruption vient de ses bracelets, qu’une ombre la dévore de l’intérieur. Je lui demande alors naïvement pourquoi elle ne s’en débarrasse pas et rétorque par un sarcasme que je lui rends.
Elle se redresse maladroitement.

" Je ne sais pas si j'en ai pour longtemps. J'ai ramené Vallel et peut-être qu'il pourra m'aider. Tu veux toujours débarrasser la ville de ses despotes ? "

Je l'observe et soupire.

"Tu tiens à peine debout, qu'est-ce que tu as l'intention de faire dans cette état. Tu ferais mieux de te reposer. Les Sans-Bannières ne trouveront à priori rien dans Messaliah et ils en ont pour des semaines de voyage. Ce n'est plus le plus urgent. Vallel, il est à la Tour d'Orsan ?"

" Bah... la dernière fois que les tiens m'ont sous estimé, ça vous a coûté un Roi. "

Elle reprend l'équilibre et se pince l'arrête du nez. Tout avait une allure théâtrale chez elle, presque provocante, autant dans les gestes que la parole.

« C’est ça qui est étrange. Normalement j’aurais dû me réjouir de ta mort et en ramener la preuve à Kendra Kâr. Au lieu de ça je partage un repas. J’ai partagé un bain. La prochaine étape c’est de s’échanger nos salives. »

" Je reprends mes esprits. Vallel est bien à la Tour d'Orsan. Veux-tu y aller avec moi ? "

« Je ne me jetterai pas dans la gueule du loup sans préparation. »

Répondis-je après une longue hésitation tandis qu’elle m’adresse un regard en biais en entendant ma remarque précédente:

" Tu n'as pas besoin de préparation, tu as besoin de moi. De toutes façons toute cette préparation te serait inutile. Si tu cherches à lui faire du mal, je serai là pour t'en empêcher. Je pense justement que vous avez besoin de parler, de vous entendre sur un pacte de non agression jusqu'à ce que le Gragon soit défait. "

« Rien ne m’assure que ce ne soit pas lui qui s’attaque à moi dès l’instant où nous nous verrons. »

" Si, moi. Je serai là pour l'en empêcher. De toutes façons il attend de moi de te convaincre de ne pas lui causer de tort. Ça marche dans les deux sens, s'il s'est joué de moi tu n'aura probablement pas le temps de tenter quoique ce soit à son encontre. "

« Et je suis censé te faire confiance ? »

" Ca serait idiot de ta part, mais ça serait un bon début, en effet. En tout cas je te fais modérément confiance, je pourrais même boire dans ta gourde. "

Dit-elle avant de prendre une nouvelle rasade au goulot de ma gourde justement.

« Boire dans une gourde et confier sa protection c’est assez proche au fond. »

" Bah oui. Tu voudrais boire dans la mienne ? "

Dit-elle avec un petit rire mesquin.

" Généralement je suis employée pour me charger des personnes protégées mais pour toi, je peux bien faire une petite exception. "

Je me lève pour récupérer mon bien et y boire également.

« J’avais dit qu’on s’échangerait nos salives. »

Cependant elle pourrait réussir à me convaincre. Tout comme je n’ai rien à gagner à tuer Vallel, lui non plus n’en tirerait aucun bénéfice si il veut se débarrasser du dragon noir. Silmeria insiste, confiant qu’elle aimerait m’y conduire pour être fixé. J’accepte et me concentre pour ouvrir un portail vers les ruines de la Tour d’Orsan.

L’endroit parait encore plus lugubre que dans mes souvenirs et je remarque un petit autel autour duquel des créatures s’amassent avec au centre une créature hideuse dénué de peau et qui semble être orné d’une couronne de chair. Je n’ai aucun doute sur son identité alors qu’il nous observe, muet, sur ses gardes.

Je m’avance de quelques pas et déclare:

"Vallel... Contre toute attente. Je ne viens pas pour me battre."

Silmeria avoue son allégeance en donnant du seigneur à l’ancien Treize tout en lui expliquant ce qui me mène ici, sur l’importance d’une entente mutuelle.

« Sur l’importance de ne pas nous battre entre nous en tout cas. »

Il opine du chef et sa voix retentit alors qu’aucune bouche ne s’ouvre.

"Oui. Un pacte de non-agression découlant sur une alliance de circonstance, voilà quelles étaient mes conditions. Vous semblez plus sage que je ne le croyais, mage."

Je rétorque que beaucoup de choses se sont déroulées depuis notre dernière rencontre avant que Silmeria joue à nouveau à son petit jeu et demande ce qu’il a prévu de faire. Vallel me récite d’abord amer mais pas belliqueux les hauts fait que j’ai effectué le concernant; sa mort, la destruction de ses recherches, de son matériel et de ses collaborateurs précieux, citant Oaxaca en exemple. Il répond ensuite à l’assassine qu’il prévoit de reprendre ses recherches jusqu’à ce qu’on ait besoin de lui et ses créatures. J’ignore le passage sur son corps retrouvé pour répondre à Vallel sur le même ton qu’il a employé:

« Vous m’aviez promis de mettre Kendra Kâr à feu et à sang et de faire de sa population vos sujets d’expérience. J’ai donc fait le nécessaire. D’ailleurs si votre promesse est toujours d’actualité alors nous serons forcé de discuter une fois le dragon vaincu. »

L’ancien Treize assure que Kendra Kâr n’a plus d’interêt pour lui et que ses paroles sont la conséquence de sa colère et je ne dois plus en tenir compte. Silmeria s’agite alors et annonce avoir un plan, ne voulant d’abord pas le dire devant son seigneur elle le fait tout de même lorsque celui-ci l’accuse à demi-mot de vouloir déjà lui cacher des choses. Mais son plan s’avère être une mauvaise idée et Vallel et moi semblons d’accord là-dessus.

Je me concentre pour ouvrir un nouveau portail pour retourner à Elscarl’Oth, laissant Vallel à ses recherches.

Silmeria me paraît ravie et satisfaite du dénouement, soulagée aussi sans doute qu’il n’y ait pas un déchainement de magie hostile sous son nez. Elle tapote mon épaule, guillerette, en me félicitant. Je saisis l’occasion pour lui saisir le bras. Mon geste est ferme mais il n’est pas brutal, c’est simplement pour m’assurer qu’elle ne prenne pas ça pour une plaisanterie alors que lui demande à ce qu’on garde ce qui vient de se passer pour nous. Que ce sera notre petit secret. Je ne veux pas prendre une autre leçon de morale, je ne le supporterais pas. Vallel n’est désormais plus un sujet préoccupant car je le crois quand il dit être plus préoccupé par le dragon que par le reste.

" Bien évidemment. C'est aussi ce que dirait un vendeur de ravioles à Esseroth. Qu'un Gragon en colère qui ravage des villes, c'est pas bon pour le commerce. Voyons les choses par étape, et par ordre de grandeur. Le Gragon d'abord, Vallel ensuite. Et qui sait, peut-être même que ça sera Vallel et moi. "

Elle se marre puis s'etrange alors q’une nouvelle larme noire coule de son oeil. Je souris à mon tour.

"Amusant. Ce grain de folie serait bienvenue si je n'avais pas conscience que tu pourrais me planter une dague dans le coeur la seconde d'après."

Mes mots son sincère, je la trouve sympathique au fond, je crois même que je l’aime bien même si une partie de moi me fait me sentir mal. Elle a quelque chose de spéciale cette elfe, quelque chose qui touche l’homme que j’étais avant, ce clodo rigolo pote avec tout le monde. Je regrette que notre relation soit entachée par notre passé de bataille. Serais-je aussi méfiant si elle n’avait pas tué Solennel et serait-elle la même si elle n’avait pas conscience que je pouvais me défendre ?

Je relâche son bras, m’inquiétant de comment elle va résoudre son problème de corruption.

" Je sais pas, éviter de mourir fievreuse et tremblotante dans une paillasse grouillante de vermine, ça serait un assez bon début. Ensuite je n'en sais rien. Je ne connais personne qui s'y connaisse en relique d'ombre. "

Elle m’explique également que même si elle se débarrassait des bracelets la corruption resterait, ayant contaminé son corps. Pour rendre la conversation moins grave et plus légère je poursuis avec un sujet plus grivois en lui demandant si elle avait vue le loup depuis l’Île des Dieux. Si nous échangeons quelques phrases là dessus elle en revient vite à la préoccupation principale, le Dragon Noir.

Après un soupire je commente en allant m’asseoir.

"Retenons juste que nous avons deux nouveaux alliés. Le Sans-Visage et Vallel. Peut être qu'on devrait en trouver d'autres."

" Peut-être qu'on devrait déjà se considérer comme des alliés. Tu veux que je te rappelle à quoi ressemblait notre dernière réunion ? D'ailleurs il est ou le blond, j'ai une claque à lui mettre au travers de la tronche. "

"Les alliés ne sont pas forcement des amis. Tu crois peut être que je vais boire des pintes avec Vallel si on s'en sort ? Je n'étais pas à cette réunion mais du peu que j'en ai entendu le sujet principal n'était pas le dragon. Tu devrais laisser le blond tranquille avant qu'une nouvelle catastrophe ne se produise..."

" Je devrais, en effet. Mais tu es bien ici avec moi. Pourtant j'ai tué ton Roi.. enfin LE Roi et Vallel non. Et on a pas de pinte donc la question ne se pose pas. Le sujet principal n'était pas le Gragon, mais même sur ça on aurait pas pu se mettre d'accord. "

"Nous ne pourrons jamais être d'accord sur la manière d'atteindre l'objectif que nous avons en commun. Nous sommes trop différent. Etrangement nous deux, nous arrivons visiblement à nous entendre."

Je soupire à nouveau avant de poursuivre:

"J'ai même du mal à le croire mais je crois que je t'apprécie. Au moins assez pour partager ma gourde."

" Évidemment. Tu n'es pas un fanatique, on a des objectifs, on sait faire avec. Même si personnellement j'ai plus l'habitude de travailler en solitaire, je pense qu'on ferait une assez bonne équipe. Comment convaincre nos amis ! Et surtout, qui convaincre en premier. Qui suffirait à donner un souffle à ce.. groupe que nous sommes. Et qui devrait en prendre le contrôle ? "

« Personne. Personne ne le peut. Nous sommes tous des solitaires. C’est pour ça que je pense que nous devons former plusieurs groupes pour atteindre des objectifs importants de la manière qui convient au groupe. Sinon chaque décision va durer des heures de discussions pénibles avant que nous nous mettions à agir. »

« Et malgré ça, on pourrait pas se faire confiance. Tu penses que la Shaakte aurait confiance de nous savoir tous deux ensemble à remplir des objectifs ? Même si j'ai une assez bonne synergie avec toi. »

Elle vient s’installer confortablement sur mes genoux et pose son coude sur mon épaule. Je l’observe un peu surpris d’une soudaine proximité mais celle-ci n’est pas désagréable. J’entoure sa taille de mon bras alors qu’elle propose en plaisantant de tuer tout le monde pour terminer la mission avec Vallel et elle ajoute qu’elle pourrait me trouver une place confortable chez les Murènes. Ce n’est pas la première fois qu’elle prononce ce nom.

« Peu importe si ils nous font confiance ou pas. Il y aura des kilomètres de distance entre nous et les actes de chacun n’auront pas de conséquences immédiates sur tout le monde. Mais pour pouvoir communiquer entre nous en cas de séparation nous avons besoin de pierres de vision et pour ça il faut activer celle qui se trouve à Messaliah, là où se dirigent les Sans-Bannières… »

" Ça nous ferait en effet un assez bon objectif. De plus notre Ficus Fou a reçu un joli présent de la part du Sans Visage. On pourrait aller à Messaliah avec cette capacité de parler à notre arbre fumant à distance si d'aventure certains préféreraient se pencher sur une autre mission. "

Je précise cependant que nous aurons besoin d’Ibn pour cette mission.

" Ce bon vieux Ibn. Où est-il déjà ? "

« Je ne sais pas. A l’infirmerie peut être, il avait besoin de reprendre des forces. De toute façon nous ne sommes pas pressés j’ai besoin de me reposer pour nous emmener là-bas. Qu’est-ce qu’on fait en attendant ? On se touche ou on mange un morceau ? Pour ma part j’ai pas très faim. »

Surprise, elle ouvre de grands yeux avant de se reprendre pour poser une main sur ma joue et feinter de venir m’embrasser avant d’utiliser sa magie pour disparaître et réapparaître plus loin en s’exclamant toute contente qu’elle m’a bien eu. Je souris et répond avec exagération que je ne m’y attendais pas du tout. Elle me propose alors un combat d’entraînement pour s’occuper. Une proposition que je refuse malgré son insistance, avouant que je ne pouvais pas la battre en combat singulier sans ma magie.

« A part te battre tu n’as pas d’autres passe temps ? »

Elle hausse les épaules.

" Rien qui nous serait utile. Je cuisine assez bien, j'aime les fleurs, les abeilles, je voulais me retirer d'Omyre pour vivre une nouvelle vie, ça va te faire rire mais je voulais une petite maison non loin d'un cours d'eau, des ruches et des champs de fleurs. Et toi ? A part créer des portails ? "

« J’aime bien cette idée, une vie sereine loin des combats. Moi je n’ai pas de compétences particulières. Je suis plutôt bon à rien. Sans ma magie je serais toujours un clodo lambda dans les rues de Kendra Kâr. »

" Et c'est ce à quoi tu aspires, une fois tout ça terminé ? Ou tu vas rester un soldat, toi que rien ne prédestinait à l'être. "

« Si Kendra Kâr est en paix un jour alors je m’occuperai de l’orphelinat. Mais… j’ai de plus en plus de mal à croire que je ne vais pas mourir avant. Plus le temps passe et plus les ennemis sont puissants et plus je frôle dangereusement les limites avec la mort. Mais bon toi tu l’as traversé et tu en es revenu. »

Elle répond timidement que ce n’est pas la première fois avant de me parler d’un dispensaire à Kendra Kâr géré par ces fameuses Murènes. Curieux je lui demande ce que ce nom représente.

"Les Murènes c'est... un groupement. Des amis ? Ma caste d'assassins. Implantée partout pour faciliter mes infiltrations. De base je devais tuer le Roi dans le palais avec Satinette, l'état-major, Bogast et d'autres. Finalement j'ai changé d'avis. "

Je lâche un ricanement cynique.

« … Finalement tu as changé d’avis… et pourquoi ? »

Elle répond qu’elle n’a rien contre Bogast ou Satina ni les gardes qui seraient sur son chemin. Il est vrai qu’elle m’avait raconté avoir une affaire personnelle avec Solennel en plus d’avoir des ordres d’un supérieur qui ne l’est plus. Nous échangeons encore quelques phrases sur le sujet, sur pourquoi elle me proposerait d’intégrer une guilde d’assassins alors que je ne crois pas avoir le profil. La discussion s’achève et le silence s’installe, marquant le moment pour nous de nous séparer. Elle s’éloigne pour chercher à manger tandis que je recherche un endroit plus confortable pour me reposer.

Alors que je déambule dans les couloirs en pensant à l’étrange relation que j’ai avec Silmeria se superposant inévitablement sur les images de son corps nue je suis interrompu par le fulguromancien revenu à la vie. Il semble différent depuis sa renaissance mais ça n’a rien d’étonnant, ce sont plutôt les autres qui s’en sont plus vite remis. Moi même j’ai frôlé la mort en défendant Elscarl’Oth et sans la magie de ses sorciers je serais dans un triste état. Il déclare qu’il me cherchait et je ne peux pas cacher ma surprise et mon inquiétude de le voir déjà debout alors qu’il s’était effondré en retrouvant son corps. Il répond que son corps est reposé mais que son mental n’est pas encore totalement remis et qu’il n’arrive pas à trouver le sommeil à moins de se faire assommer. Je lui adresse un sourire pour lui demander si c’est pour ça qu’il voulait me voir.

"Non, j'ai dis que j'allais monter la garde, des fois que d'autres bestioles se ramèneraient. Corne d'or, par exemple.
Non. Je voulais connaître ton avis sur ce qu'il nous restait à faire, désormais. Où tu penses qu'on devrait aller."


« Je pense qu’on devrait se rendre à Messaliah pour activer la pierre de vision. Ça nous permettra de communiquer entre nous si nous sommes séparer. »

Ma réponse le surprend, pensant que ma priorité serait de retrouver Simaya.

« Je ne l’ai pas oubliée mais si elles ont décidés de partir c’est qu’elles avaient une raison. Partir à sa recherche nous prendrait énormément de temps sans même être certain de retrouver des traces. Et même si on en retrouvait une, nous ne pourrions pas la faire changer d’avis. Nous aurons la possibilités d’envoyer plusieurs groupes à sa recherche une fois en possession des pierres. Enfin c’est mon avis. »

Visiblement il ne s’attendait pas à cette réponse de ma part mais il se reprend pour dire qu’il est de mon avis et explique sa surprise par le fait qu’il nous pensait très proches. Nous le sommes, plus que ça nous sommes liés l’un à l’autre d’une certaine façon et même si sa dernière disparition a manqué de finir de la pire des façons je sais qu’elle ne ferait rien de stupide. Je dois juste lui faire confiance, nous aurons les moyens de partir à sa recherche plus efficacement quand nous pourrons communiquer entre plusieurs groupes efficaces.

Akihito m’interroge sur la pierre pour savoir si elle aurait des capacités de divinations. Je lui réponds que je l’ignore mais que Ibn serait plus compétent pour lui répondre.

"D'accord. Si on est d'accord là dessus, ça va aller plus vite que prévu. Il y a juste une dernière chose que tu ignores peut-être : on a du "retard". Au moins quatre jours. Quand je suis parti d'Elscar'Olth en forme d'esprit pour vous rejoindre, il n'y avait pas de bêtes. Et les sorciers ont combattus pendant quatre jours le flot de bêtes. Le portail du Sans-Visage n'a pas été aussi instantanné que le tiens, il semblerait."

C’est bien ce que j’avais cru comprendre en discutant avec Drac. Que représente quatre jours ? Une cité détruite par le Dragon ? Deux ? Je pourrais m’inquiéter longtemps de voir un bateau coulé il finirait quand même sous l’eau… Il faut se concentrer sur ce que nous pouvons faire dès maintenant. Je demande à Akihito si il pense que nous devons attendre l’unanimité du groupe pour prendre une décision sur la suite.

« Notre groupe n'en est pas capable. »

Dit-il en secouant la tête.

« On est une équipe composée dans l'urgence, qui ne se connait pas vraiment voir qui se déteste franchement. Alors comme on doit prendre des décisions lourdes d'implication pour notre sécurité, tout le monde veut que son avis soit pleinement pris en compte. Dans ces conditions, l'unanimité est difficile à atteindre. L'idéal selon moi, ça serait d'avoir un chef qui décide après avoir écouté les membres qui se plieront ultimement à son choix. Mais j'ai pas trop d'espoir que ce soit accepté."

A mon tour je réponds que je suis de son avis, répétant mon désir de vouloir séparer le groupe. Il me demande de développer voulant être sûr qu’il comprenne où je veux en venir.

"Nous ne pouvons pas travailler efficacement tous ensembles pour les raisons que tu viens de dire. Mais nous pouvons sans doute former des groupes aux sensibilités et avis semblables capables d'avancer dans la même direction sans perdre du temps en débats stériles. Plusieurs groupes, sur plusieurs objectifs importants, capables de communiquer entre eux grâce aux pierres de vision. C'est pour ça que je veux les réactiver."

"C'est pas la solution idéale, mais c'est mieux que de s'écharper. Le problème, c'est que je vois quand même deux soucis. Le premier, c'est qu'il va quand même falloir un chef / coordinateur pour définir c'est quoi les objectifs importants, arbitrer, etc. Sinon, on peut avoir n'importe qui qui décide de partir seul dans son coin. J'aimerais dire qu'il y a pas de mal à ça, si on parlait pas d'enjeux aussi critiques. Le deuxième, c'est Silmeria. Sa place dans notre groupe est au mieux pas défini, au pire contestée. Il faut faire quelque chose à ce sujet."

"J'ose esperer que nous pouvons au moins pouvoir désigner quelques objectifs entre nous avec l'aide des peuples d'Aliaénon. Quant à Silmeria nous venons justement de passer un long moment à discuter."

Je pousse un long soupire dépité.

"Avouer ça ne me fait pas plaisir étant donné le rôle qu'elle a joué à Kôchii mais jusqu'ici nous avons tous les deux réussis à travailler ensemble de manière efficace et nous nous entendons sur plusieurs sujets. C'est un autre avantage de la séparation, tous ceux qui seront loin d'elle n'auront plus à s'en soucier."

"J'ai moi aussi longuement parlé avec elle, avant. Et comme j'ai dit à Mathis, si je ne suis pas sûr de la qualifier ou de vouloir l'avoir comme amie, j'ai au moins appris à voir plus loin que sa sinistre réputation. Si elle est là, c'est pour la même raison que nous, même si elle ne s'y prend pas de manière, disons, conventionnelles pour nous."

Il hésite, puis finit par continuer.

"Tu es au courant pour Vallel, j'imagine ?"

"C'est en grande partie de lui que nous avons discuté."

De Vallel et du loup pensais-je après avoir acquiescé. Il demande ce que je sais à son sujet et je réponds par les grandes lignes.

"Ce que tu ignores peut-être, c'est que SIlmeria a aussi prêté son allégeance à Vallel dans la Savane. Mais vu notre sitiuation particulière à ce moment là et le fait qu'elle soit encore là... J'y vois plus un moyen qu'elle a utilisé pour s'attirer ses faveurs et revenir à la vie. J'espère.
Et j'ai appris de Mathis qu'il est à Orsan, actuellement. Et qu'il a déclaré être prêt à nous venir en aide si besoin."


Je réponds calmement.

"Je suis au courant. Elle ne m'a rien caché."

Même si elle ne l’a pas clairement avouer elle n’a pas essayé de me le dissimuler en lui donnant du « maître ». Était-ce vraiment une allégeance d’ailleurs étant donné son comportement un poil irrespectueux ? Ma réponse parait soulagé l’Ynorien qui avoue qu’elle était inquiet qu’elle m’ait dissimulé quelque chose et il avoue que ça doit être bizarre.

Sa réaction me déclenche un rire sincère.

"Oui c'est un peu bizarre. Ne t'inquietes pas trop pour Silmeria. Je garde un oeil sur elle. Tu n'as pas une autre elfe dont tu devrais te préoccuper plutôt que de traîner dans les couloirs ?"

Demandais-je avec un sourire complice. Ça a l’air de lui faire comme un coup de massue au point qu’il me demande de qui je parle. Evidemment il avait compris que je parlais d’Yliria et de ce que je sous entendais mais il répond qu’ils n’ont pas ce genre de relations. Curieux, Yliria a pourtant eu une relation déchirante de celle qui perd l’être aimé. Est-ce que ça ne serait pas réciproque ? Ça n’empêche pas de passer un moment agréable. Pourtant c’est ce qu’il m’explique, qu’il n’est pas certain de ressentir la même chose qu’elle et qu’il ne veut pas aller plus loin.

Je m’approche et lui pose une main amicale sur l’épaule, lui souhaitant de trouver une réponse à ses questions sentimentales avant de mourir à nouveau sans pouvoir cette fois revenir. Il le prend mal et pense que je cherche à le blesser, pourtant mes mots sont sincères et même si je le lui explique il insiste pour que je retire ma main de son épaule. Je l’enlève donc, un peu surpris par son attitude mais je ne m’y attarde pas, sentant qu’il vaut mieux mettre fin à cette conversation. Il me demande de ne pas le prendre mal, expliquant qu’il est un peu sensible depuis son retour. J’incline la tête et répond avec sincérité que je le comprends. Il prend congé et je continue ma route à mon tour. J’ai bien conscience que plusieurs choses nous oppose et que notre relation n’est pas celle qui semblait se dessiner après notre mission dans le palais de la Roseraie. Je n’ai rien contre lui mais je ne m’attends pas à ce que nous soyons d’excellents amis.

Je ne fais que quelques pas avant que ce soit au tour de Drac de m’approcher avec son classique seau d’eau en main. Il m’interpelle avec son nom moins classique « M’sieur Xël. » qui tantôt m’agace, tantôt m’amuse. Je ne sais pas trop quoi en penser et pour l’heure je suis plutôt curieux de savoir ce qu’il veut me demander. Il s’inquiète de savoir ce qui est arrivé à Simaya et je lui explique brièvement qu’elle est partie enfin qu’elles sont parties ce qui lui fait poser d’autres questions. Mais il m’a l’air de vouloir les garder pour lui ou de ne pas me déranger avec ça pour l’instant, voulant plutôt savoir si il ne faut pas plutôt partir à la recherche de l’Esserothéenne. Ca me rassure de les voir s’inquiéter pour elle et je lui explique ce que j’ai raconté à Akihito un peu plus tôt. Il me remercie pour les infos et poursuit:

« Une dernière question et j'vous laisse tranquille après: vous avez déjà eu la sensation qu'vos fluide sont devenu... plus puissant? Plus intense? De les ressentir plus? »

« Sur Aliaénon tu veux dire ? Oui et ça n’a rien d’étonnant. »

"Oh...Oh, si vous le dites... La sensation me semblait différente pourtant... Comme si...je brulais de l'intérieur...
ça faisait pas ça avant qu'je retourne dans mon corps."


« Eh bien… plusieurs choses pourraient l’expliquer. Si ton précédent corps n’était pas habitué à la magie, le fait de reprendre un corps qui en est pour abondamment parcouru pourrait te donner l’impression d’un barrage qui explose à cause de la différence entre les deux. Puis la magie est présente un peu partout ici et nous sommes dans une région où elle est puissante, sans oublier la présence du sceau magique à proximité… Ça aussi ça peut te donner ce sentiment de magie bouillonnante en toi. J’avais ressenti la même chose à côté de l’âme du Sans-Visage. »

"Peut être ça... peut être ça... C'est vrai qu'il y a beaucoup de facteur non "naturel" à ma situation...
J'y réfléchirais, merci bien m'sieur Xël..."


« Je t’en prie. »

Un curieux personnage ce séquoia. Mais au moins il a le mérite de dire ce qu’il pense sans détour. Je poursuis ma route sans vraiment trouver un endroit tranquille où m’installer et retourne donc là où j’ai discuté avec Silmeria. Je m’allonge et trouve assez rapidement le sommeil.

C’est Yliria qui vient me réveiller doucement alors que je dors à point fermé, débarrassé de mon armure pour ne pas entendre le tintement des plaques. Elle n’est pas seule, derrière elle se tiennent Silmeria et Maïssa qui m’observent avec un sourire radieux tandis que je remarque enfin que les trois femmes ont le torse dénudé. Elles viennent s’allonger à côté de moi, frôlant ma peau de leurs corps nues où seul leurs intimité est dissimulé par un tissu de soie. Leurs doigts se promènent sur moi alors que leurs lèvres s’approchent de mon visage, Maïssa ayant prit une position plus entreprenante en se mettant au dessus de moi, serrant ses cuisses ayant la même douceur qu’un sable fin et chaud d’une plage d’été de part et d’autre de ma taille.

Quelque chose cloche.

Le sol sur lequel nous étions allongé se transforme en lit somptueux dans une chambre de palace. Je comprends que tout ceci n’est qu’un rêve, un rêve fort agréable où je ressens l’excitation, le désir et le plaisir comme si c’était réel. Je ne manque pas d’en profiter mais tout devient bien moins agréable quand la porte de la chambre s’ouvre pour laisser entrer un Dracanea à la bûche raidit et au torse couvert d’une toison de mousse verte.

Je me réveille pour de bon avant que ça n’aille trop loin, retrouvant la vieille alcôve tranquille éclairé de cette étrange lueur fongique. Je ramasse mes affaires et me met en quête d’un endroit où me débarbouiller, j’apprends au passage qu’une nouvelle réunion se prépare. Je sais maintenant où me rendre dès que je serai propre et réveillé.
Modifié en dernier par Xël le lun. 28 août 2023 09:34, modifié 2 fois.

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Jorus Kayne
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Re: Lande Noire

Message par Jorus Kayne » sam. 19 août 2023 00:58

Quittant le reste du groupe pour me rendre seul jusqu’au sceau principal, j’arpente les ruines de la cité avec sérénité, calme et un invité dans mon excursion. Sans que je me rende compte de sa présence, mon très agréable ami Bellarien s’interpose sur mon chemin. M’empêchant d’aller plus loin, il me demande où je compte me rendre dans les étages inférieurs, comme si je disposais d’une libre circulation et prétextant que je pourrais les faire s’effondrer. Je n’avais aucune mauvaise intention en venant ici, juste poussé par une simple curiosité. C’est donc tout naïvement que je lui réponds.

(Non mais quel touret celui-là, à se mettre son ton chemin de la sorte !)

(Touret ? Tu veux pas dire toupet ?)

(Hein, quoi ? Si c’est ce que j’ai dit !)

(Ba non !)

(Mais si !)

Je laisse couler la mésentente entre ma faéra et moi pour m’intéresser au sorcier.

"Veuillez m'excuser, je ne pensais pas à mal en agissant ainsi. Je voulais me rendre au sceau principal, le voir. Le lien qui l'uni à Zacara, l'attirance des créatures de la Lande Noire et son pouvoir qui corrompt la région, il m'intrigue."

Il rétorque que c’est justement de sceau qu’il veut m’empêcher d’atteindre. L’analyse du sceau et de son état actuel m’hérite d’être analysé avant de prendre le risque de causer plus de dommage. Quant à Zacara, il puise, tout comme les autres sorciers, dans les pouvoirs de la Lande et ne possède aucun lien privilégié. Pourtant, si je perçois sans mal sa méfiance à mon égard, j’ai l’intuition qu’il ne me dit pas tout.

(Oui je suis d’accord, il y a anguille sous le porche !)

(On dit anguille sous…roche non ?)

(De ? Ba bien sûr pourquoi ?)

(…non rien désolé.)

"Votre usage de la magie est différent de Zacara. Comme il le dit, il ne crée pas à partir de rien. Il use des pouvoirs de la Lande dans un parfait équilibre, mais je ne vous apprends rien."

Je regarde Bellarien dans les yeux. Sa méfiance vient d’ailleurs et me laissant guider par mon instinct, je lâche ce qui me paraît être la véritable raison de son obstruction.

"Mais vous n'êtes pas inquiet de ce qui pourrait m'arriver, mais de ce que je pourrais faire n'est-ce pas ? N'ayez crainte, je ne suis pas comme Xël ou Silmeria, à user à tort et à travers cette magie qui nous anime. J'ai été le premier à les mettre en garde contre son utilisation. Croyez bien que je ne ferais pas usage d'une magie si incontrôlable dans un lieu si puissant, quand bien même Thensoor craint l'état actuel du sceau !"

Mon instinct ne m’a pas trompé, Bellarien a bien peur de ce que je pourrais faire contre le sceau principal et à aucun moment il ne me croit sur parole. Pourtant, s’il n’y avait pas eu Vissélion, un des sorcier d’Elscar’Olth, il en aurait été autrement. De même concernant Zacara, s’il admet l’échange qu’il y a lieu entre le sorcier et la magie de Lande Noire, il estime que les sorciers ne créent rien, car c’est la magie de ce lieu qui leur permet ces pouvoirs.

"Vous n'avez pas non plus une grande estime de Visselion, malgré tout, vous le suivez comme les autres non ? Vous nous craignez toujours malgré le risque que nous avons pris pour vous ?"

Il consent effectivement qu’il est reconnaissant pour avoir aidé à protéger la cité, il ne nous accorde cependant pas une confiance aveugle. Pas assez visiblement pour me laisser gambader vers le sceau magique. De plus, il connaît Vissélion depuis toujours et s’il le suit, c’est davantage parce qu’il le faut que par envie.

(Ha ba c’est du jolie ça ! Tu risques ta vie et il te bloque l’accès au lieu de te devoir une fière chanterelle !)

(On dit chandelle, devoir une fière chandelle ! Mais il t’arrive quoi bon sang ?)

(Mais je sais pas moi ! Ca arrive de faucher de la langue non ?)

(« Faucher » de la langue hein ! Même lorsqu’on parle par télépathie ? J’ai déjà du mal à parlementer avec lui alors je préfère ne pas avoir à subir tes interventions.)

"Donc vous avez plus confiance en Visselion qui a poussé à l'action durant une simple mission de reconnaissance qu'à moi ? Qui d'autre a vu le sceau depuis qu'il s'est réactivé ? Qui sait si des créatures ne sont pas parvenues à l'atteindre par la voie des airs, en creusant le sol, comme l'ont fait les créatures de Vallel qui se sont extirpées des ruines d'Orsan ou par des capacités que j'ignore ? Je vous rappelle que Simaya est toujours portée disparue et je ne tirerais rien de bon à agir sans le consentement des miens ou des vôtres. Si je le fais et que je réussisse, mon acte sera vu comme une trahison, même si cela porte ses fruits. Si je venais à perdre le contrôle, je n'ose imaginer les conséquences possibles. Soyez sûr d'une chose, je ne veux en aucun cas mourir une nouvelle fois, ou risquer la vie des miens. Ne pas être dans mon corps me coûte plus que vous ne le croyez."

Je m'arrête brièvement avant de reprendre.

"Visselion se félicite de l'état du sceau, Thensoor le déplore. Je souhaite le voir et me faire moi-même un avis, même si je ne suis pas un sorcier comme vous. Je n'insisterai pas si vous vous y opposez, mais je n'ai aucune objection à ce que vous veniez avec moi, bien au contraire ! L'avis d'un autre sorcier que Visselion m'intéresse beaucoup."

Cette tête de mule ne cesse de prétendre que Xël et de Silméria sont les seuls responsables à blâmer. Vissélion n’étant qu’un outil pour canaliser leur magie. Il me confirme donc avoir plus confiance en lui qu’en nous et si le sceau représente un danger. Il m’affirme qu’ils n’ont pas besoin de notre présence pour le découvrir, avant de me demander quelle expertise en sceau magique d’Aliaénon je possède qui nécessite ma présence là-bas. Que pourrais-je découvrir qui ne l’a pas déjà été ?

"Je n'ai pas l'expertise dans votre domaine bien entendu, mais contrairement aux sorciers j'ai voyagé, beaucoup voyagé. Je pourrais avoir déjà vu des signes que vous pourriez ignorer, sur lesquels vous pourriez vous méprendre. Cela pourrait même m'aider à la création d'un sort contre ce maudit Dragon ! Vous souhaitez d'autres raisons pour nous y rendre ?"

La mention de la création d’un sort l’étonne, ou plutôt l’inquiète. Au point qu’il refuse totalement ma présence en ce lieu.

(Est-il stupide, borné, ou juste pénible au possible ?)

"Vous vous méprenez, j'évoquais la compréhension du sceau qui réduit la corruption de la Lande Noire qui pourrait aider à la réalisation d'un sort face au Dragon, comme nous l'avons déjà réalisé. C'est purement théorique et en aucune manière, je ne compte utiliser de magie là-bas. D'ailleurs, la présence d'un sorcier pour le comprendre est nécessaire."

Il me lance que je n’aurais qu’à convaincre un sorcier de m’accompagner avant de déclarer ne jamais me laisser y aller, même avec lui.

(Bon faut savoir, je peux y aller avec un sorcier ou tu veux m’empêcher d’y aller ? Bon tant pis.)

"Soit, je vous ai dit que je ne vous forcerais pas si vous étiez contre. Visselion a-t-il dit quelque chose au sujet du fluide spatial de la salle du trône ?" Fais-je en commençant à rebrousser chemin pour revenir vers les autres.

Il répond simplement que non, avant de me demander la même chose concernant les miens.

"Je crois qu'ils ignoraient son existence, du moins, Xël n'en a pas fait mention. Et hormis Visselion, qu'en pensent les autres sorciers qui ont vu le sceau ?"

Perdant patience, il s’insurge qu’ils n’ont pas eu le temps de s’intéresser à la question. Ils avaient bien trop à faire entre survivre dans leur cité en ruine et lutter contre les créatures qui en voulaient au sceau. Cette réponse et surtout sa signification m’arrête immédiatement.

"Je comprends votre urgence quant à vos priorités et surtout en raison de l'attaque, mais lorsque Simaya a disparu, j'ai cru comprendre que tout avait été fouillé. Personne n'a donc été voir si elle était vers le sceau ? Elle et son double ?"

Il me confirme que nul n’est descendu, du moins pas qu’il le sache, puis il précise que Simaya a disparu lorsqu’ils étaient encore dans la grotte.

"Ha je vois. Désolé d'avoir mal interprété les choses !" Fais-je calmement, reprenant ma route. "J'ai évoqué la situation du sceau à Thensoor. Il pense que la réduction de la corruption n'est pas une bonne chose. La magie de ce monde est en péril si elle venait à être purifiée. Qu'en pensez-vous ?"

Lui-même pense également que le sceau est dangereux, autant pour Elscar’Olth que pour Aliaénon tout enter, avant de se plaindre que tout ça ne serait pas arrivé si le plan avait été suivi. Et il ose me mettre dans le lot. Une attitude qui m’agace beaucoup. Je sens la rage monter en moi, mais je tente de ma calmer, prenant de grandes inspirations. C’est clairement une provocation et je commence à me lasser de cela. Ne cédant pas à ses propos, je réplique avec la lassitude qui me gagne.

"C'est à moi que vous faites ce reproche ? Moi qui ai découvert l'activation du sceau après tout le monde, revenant de Fan-Ming conformément au plan ? Cessez de minimiser l'implication de Visselion sur ce sujet, cessez de stigmatiser les yuiméniens pour un acte que nous avons nous-même blâmé et surtout, cessez de croire que nous sommes responsables de la mort de votre frère. Xël a tué son corps, mais il n'est pas responsable de ce qui est arrivé à son âme !"

Eh bien non, c’est bien à nous, c’est-à-dire à tous les yuiméniens qu’il fait se reproche, par la magie qui nous anime. Il ne minimise pas non plus la folie et l’imprudence qui caractérise Vissélion et bien entendu, il se met en colère à la mention de son frère, m’interdisant même à songer à lui. C’est soupirant qu’il termine en m’encourageant à rejoindre les autres pour ne plus l’importuner.

(Oulà ! Donc les yuiméniens sont les seuls responsables des carnages de ce monde ?)

Cette simple remarque me fait rire intérieur, tant elle est scandaleusement fausse et c’est en ricanant que je lui réponds.

"Ha oui ? Seuls les yuiméniens peuvent causer des désastres ? Vous voulez qu'on parle de Vallel ? Un être qui a causé un carnage sans nom, qui a tué jusqu'à l'âme de votre frère et c'est nous les plaies ? Il a sale réputation dans mon monde, pourtant, je ne fais aucune généralité contrairement à vous !" Je marque un bref temps avant de reprendre plus calmement, voulant éviter de trop attiser ses émotions. "Vous pourriez faire tellement plus si vous parveniez à vous libérer de cette colère !"

Il me fait part de ses propres ressentiments envers Vallel, mais il met l’accent sur le concours de guerrier de Yuimen pour asservir de monde, au nom d’Oaxaca. Cependant, il précise qu’il faisait mention de notre magie et de ses capacités à semer le chaos, et non uniquement parce qu’il nous voit comme les responsables de la mort de son frère. Malgré ses critiques et ses soupirs, il est plus calme et surtout plus détendu qu’à notre première venue. Je mime son attitude, les soupirs en moins.

"Et moi, je n’approuve nullement ce qu’on fait les yuiméniens au nom de leur déesse. Déesse, soit dit en passant, que nous avons combattu sur notre monde et qui s’est faite enfermer par les dieux. Nos opinons convergent au sujet de cette magie, même s’il me faut accepter que ce qu’elle réalise permet également beaucoup. Et je suis désolé, sincèrement désolé pour votre frère. J’aurais voulu vous porter de meilleurs nouvelles, comme je l’ai fait à Teruki, mais après avoir été dans deux corps, je sais que ma tentative de le voir, là où se rendent les âmes, était irréalisable !"

Cette question pique sa curiosité, à moins que cela concerne directement son frère en soit la raison.

(Ha, fait chier ! Va falloir que je lui explique du coup !)

"Deux âmes ne peuvent vivre dans le même corps. La plus forte reste, quant à la plus faible, elle est soit expulsée du corps, détruite ou absorbée et Vallel lui-même m’a affirmé avoir absorbé l’âme de votre frère, tout comme l’a fait Xël avec le dénommé Finarfin Seuillée. A Jesuir, j’ai eu la possibilité de faire appel à plusieurs âmes. Honoka de Fan-Ming, le regretté Thensoor Val'Crooh ainsi que votre frère. Il est le seul à ne pas avoir répondu à mon appel. Non pas qu’il ne désirait pas, son…son âme n’est simplement plus présente en ce monde, confirmant ce qui s’est produit avec Vallel."

Il serre les poings comprenant l’acte de Vallel. Mais j’ignore si c’est parce qu’il espère trouver un espoir ou parce qu’il veut tuer le véritable meurtrier, maintenant qu’il comprend mieux.

"En effet, mais ne l’ayant pas vécu, je ne peux cependant expliquer concrètement ce que cela signifie. Le seul qui peut répondre à cette question…c’est Xël ! Si cette démarche est trop dure pour vous, il faudra le lui demander indirectement. Je peux le faire si vous le souhaitez."

Comme attendu, il n’a aucune intention de parler à Xël et encore moins à Vallel. Cependant, si je viens à aborder le sujet, il n’est pas contre le fait d’apprendre avec autant de précision que possible, son ressenti vis-à-vis de Finarfin. Une demande à moitié formulée, mais c’est déjà un grand pas en avant avec Bellarien, me faisant tirer un mince sourire.

"Je le ferais ! Je sais que ce n’était pas votre intention, surtout avec le ressenti à mon égard, mais merci d’avoir échangé quelques mots avec moi."

Il opine du chef, me laissant retourner vers les autres et surtout, me voyant m’éloigner du sceau. J’accélère le pas, non pas pour le fuir, mais plus pour les laisser de l’espace. Il vient d’apprendre que l’âme même de son frère a été assimilée par un autre, ce ne doit pas être facile à digérer.

(Je dois dire que tu m’as surprise !)

(Ha oui ? En bien j’espère !)

(Tu es un peu plus diplomate et tu as fait preuve de retenue à plusieurs reprises.)

(Qui sait, je vais peut-être devenir un grand orateur !)

(Tu es sur le bon chemin en tout cas. Dommage que les humains ne vivent pas plus de dix mille ans pour que tu rattrapes ton retard !)

(Ouh espèce de sale petite… Ho punaise, pas lui !)

(Qui ?)

(Le blondinet qui est super-trop-beau-gosse !)

(Tu parles bien de ce décérébré qui vous a tous tué avec sa magie ?)

(Hooo ! Quel changement d’attitude !)

(Je te rappelle que ça fait plusieurs jours que je suis enfermé dans ce bijou…et oui bordel, il t’a tué ! T’es pas fâché contre lui ?)

(Disons que c’est pas le sentiment qui prédomine. Il a l’air de vouloir me parler. Accroche-toi à ton froc parce que je vais t'apprendre deux ou trois nouvelles choses !)

Le fameux blondinet arrive à mon niveau et me demande si j’ai bien vécu le retour dans mon corps. Il a essayé de me tuer le plus rapidement possible pour que cela ne soit ni douloureux, ni brutal et déclare que ce n’est pas facile pour lui de tuer, même s’il s’agit d’un ennemi.

(Peuh, la bonne blague !)

(Non mais c’est à moi qu’il parle là ?)

Je regarde autour de moi pour voir s’il n’y a pas quelqu’un que j’aurais loupé, mais non, c’est bien à moi qu’il s’adresse.

"Mmm oui. Disons que retrouver ce que j’avais perdu m’a fait beaucoup de bien. Quant à ma mort, elle a effectivement été rapide, au point où je n’ai pas souffert. Au moins, je peux te remercier pour cela !"

Nul besoin de le remercier dit-il. Ayant appris la disparition de Simaya, il est en quête de Xël pour la retrouver, prétextant qu’il possède un lien particulier avec elle et qu’il saura la retrouver.

(Un lien ? Mais de quoi il parle celui-là ?)

Les réflexions du blondinet me perdre et c’est froidement, comme avec un inconnu qui ne m’inspirerait rien de bon, que je lui réponds.

"Xël n’a pas plus de lien avec Simaya que j’en ai avec ma dernière paire de soulier. La retrouver est effectivement notre priorité à tous avant de s'occuper du dragon, mais j’ai bien peur que pour ce faire, nous aurons certainement recours à notre magie."

Ma réponse, ainsi que ma manière de la lui apporter le surprend, pourtant, il ne se sépare pas de son ton aimable lorsqu’il reprend son histoire de lien avec l’amoureux de Simaya. Selon lui, cela permettrait de la retrouver.

(D’accord, donc Xël pourrait le retrouver…grâce au pouvoir de l’amour ? Mais il est…)

(Complètement tigré !)

"Je dis pas que c'est impossible, mais j'en...doute...fort...Ca...ça va ?" Fais-je un peu incrédule face à un changement d'état du blondinet.

Les yeux baissés presque larmoyant, il blêmit, au point ou moi, ça m’inquiète. Il m’apprend que la magie d’Aliaénon est la raison de son état émotionnel actuel, le rendant au bord des larmes. Il refuse de s’en servir à présent.

(Hooo pauvre bichon ! C’est pas comme si on t’avait prévenu espèce d’épi de blé mal fauché !)

(J’aime quand tu es de mon côté Ysolde. Mais de quoi il parle, il n’était pas comme cela la dernière fois qu’il s’en est servi à la pyramide.)

(J’suis sûr qu’il se jouet de toi ! C’est un fourbe à tous les coups. Te fie pas à cette langue de gruyère !)

(Vipère, une langue de vipère ! Mais je suis de ton avis, c’est louche cette affaire.)

"Ha oui ? Trop dangereux ?" Dis-je en croisant les bras. "Tu avais l'air d'aller plutôt bien près de la pyramide. Les choses se seraient mal passées avec Vallel ?"

Il m’explique qu’il voulait tout faire pour réparer l’erreur de nous avoir tué, quitte à faire confiance à Vallel pour cela. Il enchaîne sur ma transformation en boule de chair, et m’assure qu’il n’en est en rien responsable.

(Il a quoi ?)

(Ecoute.)

"Ma transformation était un contrecoup de ma magie. C'est précisément le sort que je voulais vous imposer. Pour vous empêcher de détruire la pyramide, c'était entraver vos mouvements ou vous tuer ! Je l'ai d'ailleurs dit haut et fort à ce moment et la jumelle de Silmeria l'a bien compris puisqu'elle s'en est prise à moi ensuite !"

(On a retrouvé Vallel dans le royaume des morts. C’est lui qui nous a offert le moyen libérer nos âmes. J’étais contre l’idée, mais je les ai suivis jusqu’à une étrange pyramide. Vallel nous y a fait rentrer et une fois à l’intérieur, on est devenu plus…vivant. La magie nous est revenue et Mathis et Silméria s’en sont servi pour la détruire, selon le plan de Vallel. Moi j’ai tenté de les en empêcher, mais ma magie s’est retournée contre moi. D’où la transformation qu’il évoque.)

(Tu n’as pas voulu revivre ? Tu n’as pas voulu revenir…vers moi ?)

(Si ! Bien sûr que si ! Mais ça voulait dire libérer toutes les âmes sur Aliaénon ainsi que Vallel ! Je pouvais pas permettre une telle chose sans réagir. J’espérais trouver une autre solution, mais je n’ai pas eu le temps. Mais je te jure que je n’ai eu de cesse de reprendre mon corps pour te retrouver !)

(Oui, oui…je te crois.)

Quand bien-même elle me dit ces mots, je sens au travers de notre lien que cela l’affecte beaucoup. Je ne peux que la comprendre. Enfermée dans mon bijou et me croyant mort devait être une expérience terrible. Pour l’heure, le blondinet est toujours devant moi à attendre une réponse.

Il réplique que la destruction de la pyramide était le seul moyen de revivre, avant de me dire qu’il me comprend, les catastrophes pouvant venir même avec de la bonne volonté.

(Sauf que je regrette uniquement mon échec et que ma magie se soit retournée contre moi, rien de plus.)

Derrière son étrange déclaration, je garde en tête notre seule chance, selon lui, de revenir à la vie. C’est les yeux plissés d’une curiosité mêlée à de la méfiance que je réponds.

"Et donc, selon toi, libérer toutes les âmes, permettre à qui le peut de posséder et déposséder le corps d'un individu totalement innocent, d'assimiler une âme ou de la détruire à jamais était une bonne chose ?"

Il me confie avoir eu des remords à investir un autre corps que le sien, qu’il n’est pas facile de déposséder un corps et qu’il a agie uniquement sur les créatures qui ont attaqué Elscar’Olth, comme je l’ai fait avec l’homme-bête.

"En effet, toi comme moi avons agi pour défendre autrui. Mais tu crois que parmi toute les âmes à présent libres, aucune n'osera agir contre des esprits faibles, comme des enfants ?"

Pour lui, sa priorité était de ramener ses compagnons. Il m’explique que l’âme des enfants est aussi pure que forte, empêchant quiconque de prendre possession de leur être. Prétextant que la Savane n’est que récente, il laisse sous-entendre qu’il y aurait eu des précédent, avant de terminer sur l’autre problème que représente le faisceau qui attire les créatures.

(Les nourrissons, protégés par leur esprit pur et fort ? Soit il en sait plus sur les âmes de ce monde, Soit il se fait ses propres théories. J’ai ma petite idée sur la question.)

Toujours les bras fermés, mes yeux se lèvent d'une fausse surprise et mon ton sarcastique.

"Ho ! J'ignorais que nous avions, au sein de notre groupe, un membre avec de telles connaissances, surtout sur un sujet aussi flou que les âmes et les âmes infantiles. Et pourquoi ai-je l'impression que tu te portes en libérateur de toutes ces âmes dans tes propos ?"

D’un ton calme, il ne me répond pas et me pousse plutôt à me faire déverser la rancune que j’ai en moi, afin de poursuivre ensemble à chercher des solutions ?

(Mais il est sérieux lui ? C’est maintenant qu’il veut chercher des solutions en commun ?)

"Tu te méprends sur un point. Je n'ai pas de rancune, je n'ai juste aucune confiance. Comment le pourrais-je ? Tu as suivi presque aveuglément les instructions de Vallel, un type si je ne me trompe que tu as combattu sur ce monde non ? Tu prétends avoir agi parce que tu te sentais coupable, mais en détruisant la pyramide, sans même avoir ne serait-ce qu'essayer de trouver une autre issue, tu as provoqué bien pire ! En as-tu au moins conscience ?"

Il doute de moi, prétextant que j’en voudrais également à Silméria. De plus, et ça, ça me fait mal à entendre, il prétend qu’il n’a pas suivi Vallel et qu’il a cherché d’autres solutions.

(Ha oui, donc il est complètement à côté de ses souliers.)

"Je suis curieux de savoir quelles solutions tu as envisagé, mais plus encore, que penses-tu de mon opinion de la régicide ?" Fais-je les yeux plissés de curiosité.

Il pense que je n’ai rien contre l’hinnïone, si ce n’est le sort que j’ai utilisé dans la pyramide. Il explique également qu’il a tenté de trouver d’autres solutions auprès du seigneur Akouba, mais que ce dernier était catégorique : il était impossible pour nous de revivre. Puis il me narre son excursion vers la salle du trône et le garde qui l’a immobilisé, omettant un léger détail. Je serre des poings lorsqu’il fait mention de la régicide, pensant à tort que je n’ai rien contre elle.

"Tu fais erreur, et pour résumé mon opinion, disons que si elle nous poignarde dans le dos, je n'en serais pas surpris. Mais je pense que nous aurons la possibilité d'en parler plus tard." J'inspire profondément avant de desserrer les poings avec un sourire moqueur en coins. "Oui, je me souviens de ce passage. Tu avais posé tes fesses sur le trône d'Akouba et ils n'ont vraiment pas apprécié. Mais dire qu'il s'agissait d'une prison, c'est un peu excessif et ce n'est pas l'impression que j'ai eu en rencontrant l'archi-sorcier Thensoor et Honoka de Fan-Ming, bien au contraire. Néanmoins, tu me confirmes que tu as agi en libérateur face à cette odieuse prison, sans pour autant échanger avec les prisonniers en question. Mais admettons !" Je lève les bras en l'air avec de grands gestes et le ton sarcastique. "Admettons que tes intentions n'étaient que pureté, tu n'as pas attendu longtemps pour obéir...pardon, suivre les instructions de Vallel, une fois dans la pyramide !"

Il prétend qu’il pensait que notre temps était compté, ne sachant pas que nos corps avaient été gardés intactes. Il n’a agi que pour réparer son erreur, son sort ayant mené à notre mort.

(Oui et si cela n’avait affecté que nous, qu’en serait-il pour Akihito et Dracaéna resté à Jesuir ?)

"Non je te parle pas de ça, même si on peut se poser la question de ce qui se serait passé pour Akihito et Dracaena resté à Jesuir. Mais pourquoi ne pas avoir cherché une solution en utilisant la magie autrement qu'en suivant les consignes de Vallel ?"

Il clame qu’il a fait tout son possible pour trouver des solutions, en vain.

"En même temps vu le temps qu'on a eu pour réfléchir, ça limite les possibilités !" Fais-je sarcastiquement.

D’un ton aimable ignorant le sarcasme ou me provoquant sans que je m’en aperçoive, il me demande quel était mon plan à moi.

"Un plan ? Sachant que je voulais garder la pyramide intacte et empêcher Vallel de revivre, ça nécessitait une réflexion plus importante que l'impatience que l'un de nous nous a permis."

Visiblement, il ne souhaite plus m’écouter si je n’ai rien d’autre à lui reprocher. Il préfère partir à la recherche de Xël pour retrouver Simaya.

(Je suis curieux de savoir comment il va être accueillit par Xël s’il ne l’a pas déjà vu. Une minute…)

"Tu as eu l'occasion d'échanger avec mes autres depuis notre retour ?"

Me répondant que oui, il ne dresse que les noms de Visselion du Sans-Visage, d’Allossar et de la vieille dame. La réponse promet quant à la première entrevue avec l’un de nous.

"Aucun des yuiméniens donc. Alors bon courage si tu les croises. Je ne peux t'en vouloir d'avoir usé de la magie, j'aurais fait de même je pense dans ta situation, mais je ne peux affirmer que les autres aient la même opinion que moi."

Il m’explique qu’il a agi en nous voyant tous morts et qu’il ne souhaitait que le jugement de Silméria. Il ignore pourquoi nous sommes morts, alors que nous étions dans les cristaux.

"C'est ce que j'avais compris oui. Paraît-il que c'est une malédiction liée à ses affaires personnelles ! Et quant à notre mort dans les cristaux, je n'en ai pas la moindre..."

(Mais tu n’es pas mort dans le cristal Jorus, tu en es sorti !)

La réponse de ma faéra me laisse sans voix. Je suis content qu’elle m’adresse à nouveau la parole mais, pas qu’elle me sorte un truc pareil et comme ça !

"Je suis sorti du cristal ? Mais comm..."

Des images me reviennent, les mêmes que celles qui n’ont eu de cesse de me harceler depuis ma mort. Les mains sur la tête comme en proie à une migraine démentielle, les images s’accélèrent dans ma tête à une vitesse folle. Ce ne sont pas des images, mais des souvenirs. Des souvenirs de ce qui s’est déroulé dans le cristal.

(Hey mon grand, ça va ? Tu…tu restes avec moi hein ?)

Petit à petit, les images reprennent leur place dans mon esprit, me permettant de revoir la scène telle qu’elle s’est déroulée.

"Je...je me souviens le...le cristal...mon double. Je l'ai affronté et j'ai ...j'ai..." Je saisis ma lame de dragon en main et effectue une très légère frappe dans le vide tout en parlant. "Je l'ai frappé...en plein coeur et..."

Plus rien. Mon corps ne bouge plus de lui-même car je n’ai plus d’emprise sur lui. Mon esprit est focalisé sur la lame plantée dans le cœur de mon double et sa sensation de mort profonde qui m’a atteint. Je suis mort dans le cristal et la seconde fois, n’avait rien de comparable. Cette lame n’a pas atteint que mon corps. J’ai senti une douleur mortelle au plus profond de moi-même. Comme si la lame avait atteint mon moi profond, au travers du rempart indestructible que représente mon corps. Une blessure effrayante, touchant ce qu’il y a de plus précieux en nous. Mon corps a sombré, et mon âme meurtrie a subi une mort atroce. Encore une fois, je la ressens. Pas de froid, pas de peur, d’angoisse ou même le déroulement de toute ma vie défilant qui m’entoure, me glaçant de remord sur toutes mes erreurs commises. Non, rien de tout cela. A la place, la sensation d’un vide profond, sans nom. Nulle température n’y est présente, nulle émotion ne vous atteint. L’évoquer est abstrait, l’imaginer est étrange, mais le vivre, vivre le néant le plus absolu est terrible. Il n’y a rien, juste soi, sa propre âme sans aucune enveloppe, qui sent les derniers moments de son existence venir. Une longue agonie sans un bruit, sans une larme, sans une main à tenir pour les derniers instants, sans une oreille pour entendre et accompagner le dernier souffle. Mon corps, ou du moins ce qui s’en rapproche le plus, me paraît lourd, si lourd. Je suis incapable de bouger le moindre doigt, de même que mes yeux qui fixent inlassablement le vide face à moi. Se consumant elle-même, mon âme s’effrite. Tel un arbre qui brûle au milieu d’une forêt déjà dévastée, ne pouvant jouir du crépitement de son corps, un signe d’une vie pouvant être encore sauvé en éteignant ce feu. Cette supplique dure jusqu’à ce que l’impensable vienne. Je n’ai de souvenir, qu’un être ailé me prenant dans ses bras. Ma vue m’a fait défaut, mais pas ce que j’ai ressenti. Dans ses bras, je sentais un tel réconfort après cet événement si effroyable. C’était si apaisant, une oasis de pureté au milieu du pire tourment que j’ai jamais vécu.

J’ignore combien de temps je vis de nouveau cet instant. A ce moment, j’étais seul, sans personne pour me soutenir et me faire tenir le coup. C’est différent à présent. Venant me chercher de loin, très loin, la voix de ma faéra traverse mon subconscient pour m’atteindre.

(Jorus…Jorus…Jorus…)

(…)

(Jorus tu m’entends ? Aller je t’en supplie réponds-moi ! J’ai passé trop de temps seule, trop de temps sans toi, s’il t’arrivait quelque chose je…je ne pourrais plus l’endurer ! Je t’en prie réponds-moi, reviens-moi !)

Les suppliques de ma faéra me ramènent à la réalité. Elle a toujours été ainsi. Un phare dans une mer brumeuse, me guidant jusqu’au rivage sans encombre. Encore une fois, elle me tire de ce bourbier sordide dans lequel mon esprit s’est engouffré. Une transe qui sépare mon corps de mon esprit, me détachant complètement de la réalité. Reprenant conscience petit à petit, je finis par poser une main sur mon collier pour me rassurer que je ne rêve pas et que ma faéra est toujours là.

"C'est bon je suis là !" Fais-je, avant de remarquer, d’un mouvement de tête et les yeux s’ouvrant difficilement où je suis et que je ne suis pas seul.

Zacara est présent, de même que Mathis. En voyant que je vais mieux, le premier me délaisse et s’en va s’occuper de patient nécessitant sa présence. Ne reste prêt de moi que le blondinet, qui si je ne me trompe, m’a porté jusqu’ici. Je me sens mieux, pas dans ma forme la plus optimale, mais au moins, je suis conscient de la réalité et c’est déjà beaucoup. L’une de mes inquiétudes est aussi de savoir si je peux me mouvoir. Même si je me sens encore un peu faible, je me relève, du moins j’essaie. Mathis voit ma peine et vient me porter assistance pour me mettre droit, m’encourageant à prendre mon temps.

"Bon sang, je...j'arrive pas à croire ce...ce qu'il s'est passé !" Fais-je coupé par une respiration saccadée.

Il m’incite à parler de ce que j’ai vécu, me permettant d’évacuer ce qui m’est arrivé. Or, nous sommes à l’infirmerie et voir d’autres personnes présentes m’inquiète. Il reste encore des blessés, malgré les potions que j’ai offertes.

"Je...je crois que marcher me fera du bien. Mais, comment se portent les personnes ici ?" Dis-je encore un peu hagard.

Il me rassure que ces derniers sont stables et que Zacara est auprès d’eux. Cette simple déclaration me rassure quant à leur rétablissement à venir.

"Tant mieux ! Mieux vaut ne pas rester alors, au risque de les déranger."

Joignant le geste à la parole, je me lève timidement de ma place, Mathis m’offrant son bras pour m’aider à marcher. Je ne sais pas si j’ai toutes mes forces et si je suis en mesure de les déployer, alors dans le doute, j’accepte l’aide du blondinet pour faire quelques pas. Nous marchons quelque peu en dehors de l’infirmerie, silencieux, me laissant le loisir de remettre mes idées en places et de reprendre le temps de les exprimer. Un temps que j’use pour parler avec ma faéra, se tenant fermement à notre lien comme une femme tient son mari de marin, avant le départ, ne voulant le laisser partir.

(Ca va toi ?)

(Non ! J’en ai marre de faire le yo-yo émotionnel ! Tu vas, tu viens, tu meurs, tu revis et là tu es vivant et l’instant d’après c’est comme si je t’avais perdu à nouveau. Je veux tellement que ça s’arrête !)

(Je comprends. Enfin, sauf pour le yo-yo, c’est quoi ?)

(Avec ta cervelle de moineau tu ferais mieux de pas te prendre la tête avec ça !)

(Ha ! Le retour tant attendu de ma faéra taquine. Cela aura pris du temps pour que ses bonnes vieilles habitudes remontent à la surface.)

(Jorus comment…qu’est-ce qui t’es arrivé ? Tu étais là mais…en même temps si loin de moi !)

(Comment…comment pourrais-je résumer ce qui m’est arrivé ?)

(Et l’autre là qui reste silencieux à attendre, te tenant le bras comme une midinette.)

Il est vrai que Mathis est présent et qu’il s’assure que je ne tombe pas à nouveau, attendant patiemment que je lui explique ce qui m’est arrivé et calmer ses craintes.

"Dans le cristal j'ai vu...j'ai vu la mort...j'ai vu la fin !" Fais-je tout simplement.

(La mort ? La fin ? Tu veux dire quoi par là ?)

Lui-même me raconte qu’il a affronté son double et que lorsqu’il le frappait, c’est lui qui était blessé, avant de me demander plus concrètement ce que j'ai vu.

"La même chose, enfin pas exactement, il était moi mais... différent. Moi aussi je me suis battue contre lui et j'en suis mort. Mais...mais...la deuxième fois j'ai réussi à le tuer !"

Mathis me demande ensuite comment je suis parvenu à tuer mon double, sans me tuer moi-même.

"Je n'y suis pas parvenue. Mon corps est mort, mais plus encore que mon enveloppe physique, c'est mon âme que j'ai atteint."

(C’est la dague, celle avec la dent de dragon. Akihito avait déclaré qu’elle avait le pouvoir de détruire les âmes. Tu as frappé de nombreux ennemis avec et toi-même tu en as fait les frais, mais une seule fois elle a visiblement fait effet.)

Le blondinet me demande comment mon âme a été en mesure de survivre à cela.

(Il est expert en âme il devrait le savoir non ? Qu’on le sache ou non, ce n’est qu’un fragment de dent, une infime partie de son être. Quel pouvoir terrifiant il détient en ce moment, s’il ne cesse d’être de plus en plus fort.)

"Ca, j'en ai pas la moindre idée ! Cependant, je suis sûr d'une chose à présent : quoiqu'il se passe, on ne peut laisser le Dragon faire ce qui lui chante. Il est l'exact opposé à la vie !"

Ne comprenant pas comment j’en suis arrivé à cette conclusion, à ce lien entre mon âme meurtrie et le dragon, Mathis m’en demande l’explication.

(Pas fûté pour un poux !)

Sur le chemin je m'arrête, prenant ma lame de dragon dans les mains pour la lui montrer.

"Ceci, est une lame forgée avec un fragment d'une dent de dragon. Elle a le pouvoir d'atteindre les âmes. J'ai frappé mon double plusieurs fois, mais cela n'a pas fait effet immédiatement."

Mathis semble comprends le lien, mais un tel événement ne mérite pas qu’une simple réflexion.

(J’ignore comment il peut posséder de tels pouvoirs, mais s’il se déchaîne, il va ravager ce monde comme il ne l’a jamais fait auparavant. Aliaénon sera réduit à l’état d’un monde sans vie, avant de passer au suivant.)

(Tu es sûr de toi ? Qu’il peut aller d’un monde à l’autre comme cela ? Vous avez eu ces pouvoirs en arrivant dans ce monde, vous les perdrez peut-être en le quittant !)

(On ne sait pas ce qui en est la cause. Une perturbation sur Aliaénon ? La mort du Titan de la magie ? Si c’est cette dernière, le dragon possède une puissance colossale en lui. Aller d’un monde à l’autre ne lui sera pas difficile.)

"On ne peut se permettre qu'il fasse subir un tel sort à tout le monde. J'ignore comment j'y ai réchappé, mais je doute avoir la même chance une seconde fois."

S’il est d’accord avec mes propos, Mathis me confie sa peur de n’être qu’un esprit, errant sur ce monde.

(Mais il comprend pas que s’il est touché par le dragon, il n’aura même plus d’esprit pour errer ce nigaud ?)

(Pour ma part, je préfère ne rien dire. Il est déjà affecté par notre mort à tous et je n’ai pas envie de retourner le couteau dans la plaie. J’en ai surtout pas la force en ce moment.)

Nous déambulons tous deux, arrivant jusqu’à la salle commune. De nombreuses personnes sont présentes, plusieurs avec qui j’aimerais discuter, avec de quoi se mettre sous la dent. Une arrivée opportune puisque la faim commence à se faire ressentir assez fortement. Mathis finit par me lâcher le bras et me demande si je me porte mieux, laissant sous-entendre le besoin qu’il reste auprès de moi. Je ne me sens pas hyper bien, mes gestes me sont encore un peu difficiles, mais je ne souhaite pas montrer ma faiblesse. Non pas par pudeur ou pour ne pas paraître faible, mais nul besoin de le montrer lorsqu’un simple repos, un peu de temps pour digérer ce que j’ai vécu me suffira. Du moins, je l’espère.

"Oui…merci." Fais-je finalement, laissant ma faéra grincer des dents.

D’un simple sourire, il me laisse ici et reprend sa route. Je le regarde, me demandant qu’elle est l’opinion des autres à son égard.

(Ha ! Ce n’est pas un mauvais bougre dans le fond.)

(Toi non plus tu n’aurais pas agi de la sorte à sa place ! C’est le moins qu’il puisse faire après t’avoir tué !)

(Tu sais que j’aurais agi de même à sa place. Il a vu les autres morts si je me souviens bien. J’aurais peut-être même fait pire et le résultat aurait pu être bien plus désastreux.)

(Sauf que ce n’est pas le cas !)

(Tu oublies que j’ai moi-même mal agis et ce intentionnellement !)

(Sauf que tu n’as tué personne et je crois que tu t’es suffisamment blâmé pour ça !)

(…)

(Allez va manger, ça te fera peut-être passer ton état actuel.)

Ma faéra n’a pas tort, cela ne peut me faire que du bien. Cela pourrait même faire passer la nausée que je ressens encore et encore. Un retour aux bases de la vie tangible, avec de quoi sustenter sa faim, boire un coup pour calmer sa soif et parler pour évacuer des tensions. Je me sers de ce qu’il y a à disposition, avant de me diriger vers une tête connue pour m’avoir davantage vu avec des visages différents qu’avec ma tête habituelle.

"Je peux ?"

Ne montrant aucune objection, je m’assois à ses côtés et s’il remarque mon état, qu’il juge de mauvaise mine, il me demande si je suis actuellement un mort-vivant. Portant un morceau à ma bouche, je m'arrête subitement pour le regarder, prêt à rire, mais me ravise lorsque je vois son sérieux. Je ne réponds rien, le regard de côté.

(Oui, il n’a pas tort. Dans un sens, je suis mort et me voilà vivant !)

(Oui ba qu’il oublie pas qu’il te doit la vie. Deux fois !)

(Je sais pas si la seconde fois compte techniquement.)

(Si tu n’étais pas intervenu avec tes potions, il y aurait pu avoir plus de mort à l’infirmerie. Si vous n’aviez pas participé au combat, peu s’en seraient sortis !)

Je reviens finalement à lui.

"Je...je ne saurais le dire en vérité. Je ne suis pas un cadavre soumis aux ordres et à la magie d'un nécromancien, mais techniquement je suis bel et bien mort et maintenant, je vis à nouveau. Ou plutôt que revit. Voilà, je ne suis pas un mort qui vit, mais un mort qui revit !"

Je ne sais pas comment il perçoit ma réponse ou même s’il ne me craint pas, juste ou tout petit peu, à présent. Mais il persiste dans mon état affaibli. Il est vrai que je ne suis pas dans ma meilleure forme et pour le moment, chaque gestes me coûte. Cependant, je préfère ne pas le montrer, si déjà visuellement je fais presque peur. Se pose-t-il la question de mon être après ma résurrection ou me prend-il pour un mort-vivant avec ce simple teint que j’affiche ?

"Non effectivement. J'ai...je me suis souvenu de ce qui s'est déroulé dans les cristaux et...je ne souhaite à personne ce que j'y ai vécu."

Il acquiesce d’un air grave, sans pour autant commenter. Il ne souhaite peut-être pas me forcer à révéler ce que je n’aurais pas envie. Nous avons tous des blessures et lui a vu son peuple se faire décimer par le dragon il y a peu. Plus récemment encore, il s’est battu loin de ce qu’il appelait son foyer autrefois, pour protéger ceux qu’il n’avait jamais vu, à l’autre bout du monde et ce, par ma faute.

"Je voulais m'excuser Teruki. Moi qui voulais vous mettre en sécurité, je vous ai conduit dans une zone de carnage et vous avez encore fini grièvement blessé. Heureusement que je suis arrivé à temps pour donner des potions. Vous semblez même en meilleure forme qu'à notre arrivée à Elscar'Olth. Zacara fait des merveilles sur le corps et l'esprit n'est-ce pas ?"

S’il son corps s’est effectivement remis grâce aux soins du sorcier, en revanche, la menace que représente le dragon lui pèse beaucoup, au point de me demander quand nous repartirons l’affronter, alors que je reviens à peine de retrouver mon corps.

"Nous venons de retrouver nos corps et l'épreuve de notre mort nous a tous affectés, plus ou moins fort. Akihito est actuellement à l'infirmerie pour se reposer. Je pense que dès que tout le monde sera remis de ce retour, nous repartirons. Cependant, je crois que notre priorité ira vers Simaya qui a disparu. Elle a été décisive lors de notre conflit face à Oaxaca, on ne peut se permettre de la laisser tomber. Vous en savez davantage sur sa disparition ?"

Je me prends d’espérer qu’elle a usé de pouvoir lui permettant de disparaître à son gré, car nul, pas même Teruki ne sait ce qui a bien pu arriver. En même temps, je pose cette question alors que lui et sa femme n’étaient pas dans une grande forme.

"C'est dommage. Tout indice sur ce qui a mené à sa disparition peut nous aider. Sans quoi, nous allons avoir recours à notre magie pour parvenir à nos fins et tous ne sont pas prêts à cela après notre mort."

Alors qu’il hausse les épaules, donnant l’impression qu’il est désolé, je m'arrête un bref instant pour enchaîner avec la raison de ma venue vers Teruki. Les formalités passées, il est temps pour moi d’attaquer le sujet principal de ma venue. Je reviens du royaume des morts, porteur d’un message. Si j’ai confié le message à Himeka, je dois m’assurer qu’il a bien été transmis.

"Lorsque je suis revenu pour la première fois, j'ai confié un message pour vous à votre épouse. Un message... provenant de votre sœur Honoka. A-t-elle eu l'occasion de vous le révéler ?"

Me le confirmant, il admet avoir eu des difficultés à croire ce qu’il a entendu. Mais il ne retient de cela qu’un profond regret de sa mort. Or, je ne peux le laisser s’enliser dans ces tourments, encore moins dans cette situation. C’est donc en le fixant dans les yeux que je lui réponds :

"Je regrette sa mort tout comme vous. Mais ce message, son message est la pure vérité. Elle avait trouvé la paix dans ses derniers instants. Elle n'a pas changé, toujours aussi belle de corps et de cœur. Même dans la mort, ses pensées allaient vers vous et votre peuple. J'ignore ce que vous comptez faire, mais dans l'éventualité où vous comptez suivre sa dernière volonté, sachez que je compte faire en sorte que la menace qui a décimé les vôtres n'existe plus sur ce monde et sur tous les autres ! Je vous en fais le serment !"

Je ne parviens pas à savoir s’il reprend du poil de la bête, mais il semble déterminé à faire payer au dragon les préjudices subis, avec les intérêts. Une tirade qui me fait cependant tirer un sourire franc. Mais un voile d’inquiétude apparaît brièvement sur mon visage. L’unité de notre groupe face au dragon et la dernière réunion que nous avons eue, qui s’est terminée ensuite par la mort d’une bonne majorité.

(On ne peut se permettre de recommencer.)

"Je suis heureux de l'apprendre. Cependant, le dragon est terriblement puissant je ne vous l'apprends pas. Notre salut viendra sûrement de cette magie qui nous anime. Hélas, nos opinions divergentes sur la situation actuelle sont un frein permanent, comme ce qui s'est passé dans la Savane Tanathéenne. Nous nous réunirons certainement et la présence d'une personne hors de notre groupe pourrait nous aider à y voir plus clair, à calmer des tensions. Une personne ayant la capacité de gérer plusieurs fortes personnalités, une personne qui a eu la charge d'une cité comme Fan-Ming par exemple." Fais-je en appuyant mon regard sur lui.

Il accepte de porter ce rôle et tâchera de diriger les débats pour éviter de déborder sur des sujets futiles.

"J'ai foi en vous et j'espère que vous ne me ménagerez pas non plus. De plus, s'il y a besoin d'employer la force, nous pourrons toujours faire appel à Himeka. Son dévouement pour son époux n'a d'égal que sa capacité à assommer un homme-bête, pourtant très résistant, avec un pot en terre cuite !" Fais-je en lâchant un petit rire. "C'est une sacrée femme qui se tient à vos côtés Teruki !"

Il me confirme son caractère particulier, même s’il semble se souvenir de moment douloureux, pourtant, il affirme qu’elle lui a apporté beaucoup de sérénité. J’en suis heureux pour lui. Cependant, en tournant le visage, ne voulant pas faire resurgir ces moments qu’il tait, mon attention se porte sur l’ouessien.

"Comment se sont passées les choses avec l'ouessien après que nos âmes se soient séparées ?"

Me demandant s’il s’agit de l’individu avec son bras étrange, il affirme que c’est un homme charmant qui a donné de sa personne à l’infirmerie sans que nul n’ait demandé son aide.

"A oui ? Vous permettez que j'aille le voir ?"

Il acquiesce et me laisse rejoindre ce bon samaritain. D’un pas incertain, je m’approche de lui et m’assois tout près, sans qu’il réagisse à mon approche.

"On a pas eu le loisir de se présenter correctement, même si on a été très proches tous les deux. Moi c'est Jorus Kayne. Et toi ?"

L’ouessien se présente comme étant Afedafax de Nagorin, loin de chez lui, avant de me demander si c’est bien moi qui ai partagé son enveloppe charnelle.

(Tout juste l’arbuste !)

"Tout juste... tout juste."

(Arrête avec tes pitreries !)

(Mais je fais pas exprès !)

"Paraît-il que vous avez été très impliqué à l'infirmerie. Alors merci à vous !"

Il estime qu’il est inhumain de laisser des mourants périr, si on peut l’éviter. S’il prétend que son peuple à une morale implacable, chacun peut ressentir de la compassion.

"Justement, je ne connais rien des vôtres. Pouvez-vous me parler de vous et de cette étonnante "vue", si je puis la nommer ainsi ?"

J’apprends ainsi que s’ils perdent la vue en devenant ce qu’ils nomment un "Illuminé", ils perçoivent davantage comme la nature magique des choses. Hélas, il refuse de m’en révéler davantage sous couvert du secret des siens.

"Je ne vous obligerais pas à bafouer un tabou. Que pouvez-vous me dire des vôtres ? Du moins ce qu'il vous est autorisé à révéler."

Il prend le temps de réfléchir à ma question avant de répondre qu’ils sont les protecteurs des secrets d’Aliaénon. Il titre les siens de garants du savoir, de gardiens des légendes et témoins des cataclysmes. Ils veillent sur les peuples, leurs histoires et font et défont les Grands de ces terres. Ca en fait beaucoup et ça sent un peu l’exagération. Pas sûr que les Titans fassent partie des Grands.

(Donc ils conservent le savoir et le protège. C’est une très bonne chose en soit. Ils doivent être de bon orateur du passé alors !)

"C'est un peu flou comme description, mais si vous ne pouvez m'en dire plus, soit. Vous parlez de secrets, mais ce savoir que vous possédez, ces connaissances, vous les partagez au reste du monde ?"

Ben non. Ils pourraient passer au premier plan, être des conseillers presque sans faille sur ce qui a déjà été fait et ce qui est possible, mais non. Comme il le dit si bien, les secrets ne seraient plus s’ils sont révélés et ils ne sont en rien des enseignants, mais des veilleurs. Une grimace se fait sur mon visage au souvenir du dragon rouge.

"Mmmm, j'ai connu un veilleur, pas ma meilleure rencontre cela dit."

(Des gardiens, soit ! Mais à partir de quand les gardiens prennent les armes ?)

"Donc vous veillez sur le monde et son histoire. Cependant, à quel moment le conflit avec les miens s'est avéré nécessaire à Nagorin ?"

Il rétorque qu’il n’y a aucun conflit avec nous, venant certainement du fait que nous sommes une quantité négligeable ici. Une pique que je retiens par une grande respiration.

(Pas de conflit hein ?)

"Très bien, je vais être plus précis. Lorsque je suis arrivée, mes camarades étaient en train de se défendre de vous. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi ils se sont sentis menacés ? J'aimerais avoir votre opinion sur cet événement."

Il explique que ceux que je nomme comme menacés, ont en réalité envahi leur lieu le plus saint et le plus protégé : le Temple de l’Unique. Ils l’ont d’ailleurs ramené à la vie pour des raisons qu’il juge égoïste, sans envisager aux répercussions sur le monde. Le temple de l’unique, son retour à la vie. Je ne comprends pas la colère de ce qui me semble être une bonne chose, que lorsqu’il précise que le vénérant autrefois, les siens ont vu clair dans ses réelles intentions. Il poursuit la bouche pincée que les miens n’ont eu aucun respect en bafouant tout ce en quoi ils vouent leurs vies. Xël avait pleinement conscience de son acte, passant ainsi d’allié de Nagorin à ennemi.

(Oui enfin, c’est surtout vous qui avez changé d’opinion sur le Sans-Visage, pas lui et c’est pas moi qui fais lui jeter la pierre. Mais si c’est bien un lieu sacré, comment Xël a pu y pénétrer sans problème ? Il doit pourtant voir un lieu avant de s’y rendre avec sa magie. Donc soit il y est allé autrement que par ses portails, soit il manque un détail. De plus, il y avait aussi Yliria dans le lot et elle n’est pas du genre à sortir sa lame sans raisons.)

"La connaissant, Yliria a certainement cherché la diplomatie et Xël a dû être méfiant vous connaissant déjà. Si comme vous le dites le Sans-Visage est un poison, vous avez refusé d'accéder à leurs demandes et eux ont refusé de ne pouvoir faire revivre le Sans-Visage, sachant qu'il est certainement le seul être pouvant nous rendre nos corps. Oui j'imagine assez bien la scène à présent !"

(Les Sans-Bannières, maintenant les ouessiens, mais pourquoi une telle haine de la divinité ?)

"Vous qui l'avez vénéré, pourquoi pensez-vous que le Sans-Visage soit un poison ? C'est un changement assez radical !"

Concernant les miens qui ont pénétré les lieux, ils ont enfreint délibérément une interdiction clairement formulée et Xêl a de son plein gré bafouer ce lieu sacré par son acte et son entêtement. Quand bien-même ses mots sont durs, il garde un calme impressionnant en évoquant ce blasphème. Puis il explique la trahison de l’Unique, en endormant durant des millénaires les véritables divinités de ce monde. Ce qui lui a permis de façonner le monde à sa guise. Cependant, il va certainement vouloir se lever et nous dresser contre un pouvoir supérieur à tout. Nous le servirons ainsi, manipulés par ses propres intérêts. Une déclaration qui me fait sortir les yeux des orbites.

(Donc les divinités se sont les Titans qui nous prennent pour de vulgaires fourmis, mais la puissance supérieure c’est tout de même pas…)

"Vous êtes en train de parler de l'énorme dragon qui volait au-dessus de tout le monde ?"

Il me confirme mes craintes. Les ouessiens semblent bien être de son côté, prétextant que nous ne savons de lui que ses actes sur notre monde, ne le connaissant ni lui, ni ses intentions. Il y a de quoi rester coi. Le Dragon Noir aurait des fidèles et surtout, il a des intentions que les ouessiens acceptent ?

"Alors dites m'en plus, vous qui semblez mieux le connaître que moi. Qu'est-ce que j'ignore ou en quoi je me trompe à son sujet ?"

Il ne me répond pas, pas plus que ne le feront les siens car ce n’est pas à eux de révéler ses desseins. Cependant, il m’assure que nous faisons fausse route en s’imaginant qu’il n’est que destruction et mort. Face à Afedafax, je suis de plus en plus sur le cul. Heureusement que je suis déjà assis.

(Donc je devrais te croire sur parole, sans en connaître que le peu que tu daignes révéler ? C’est une blague là ! Et il n’y a pas que ça d’étrange dans l’histoire.)

"Il va m'être dure de changer d'opinion sur votre simple parole ! Mais un autre point me perturbe. Vous en voulez au Sans-Visage pour avoir endormi les Titans, pourtant vous semblez être du côté d'un être qui les a éliminés. N'est-ce pas, en quelque sorte contradictoire ?"

Absolument pas selon lui, même s’il consent qu’une vision à court terme se fasse leurrer. Selon lui, ce n’est qu’une question de puissante théorique et réelle, ainsi que d’un champ des possibles. Il termine qu’il ne fait que répondre à mes questions et non me pousser à réflexion pour un changement d’opinion.

(Alors ça, j’en doute !)

"J'ai cru comprendre un désir de me faire changer d'avis lorsque vous avez évoqué la manipulation du Sans-Visage. J'ai dû me tromper !" Je dégaine ma pourfendent et la dépose sur la table. "Savez-vous ce que c'est et ce qu'elle peut faire ?"

Il précise qu’il ne répondait qu’à ma question sur les raisons qui font de l’Unique un poison, avant de porter son intérêt sur la dague. S’il sent le lien entre la dague et le dragon, il cherche à m’atteindre en prétextant que je suis désespéré au point d’user du même pouvoir que je prétends pourchasser. Il n’a pas tort en un sens.

"Jusqu'à il y a peu, je n'avais pas connaissance du terrible pouvoir qu'elle renfermait. Du peu que je suis à même de certifier, la seule victime de cette lame n'est autre que moi-même. Elle ne tue pas seulement le corps, elle élimine tout de la personne. Tout comme son propriétaire, elle est l'opposé même de la vie. Et sans vie, que vaut le savoir ? Sans vie, les légendes ne sont que le murmure d'un vieil écho déjà oublié. Sans vie, il n'y a rien à protéger." Je ramasse la dague pour la ranger. "Ne vous méprenez pas. Je ne vous dis pas ça pour vous influencer ou vous manipuler, je pense que c'est une entreprise vaine. Je voulais simplement vous expliquer que je ne suis pas manipulé par le Sans-Visage. C'est ma raison d'éliminer cette créature, que je définis comme une menace absolue pour les êtres de ce monde et des autres."

Encore une fois, il use de cette dague contre moi, justifiant que ce n’est pas parce qu’on le peut qu’on utilise un tel pouvoir et si je ne souhaite là que conserver ce pouvoir pour moi seul, ce qui me fait sourire. La bonne blague ! Surtout que je suis peut-être le seul être, sur tous les mondes confondus, à connaître l’effet subit. Il termine que je n’ai pas à craindre pour son peuple, celui-ci sachant comment se maintenir, contrairement aux autres cités et ce qu’il nomme "leurs choix bancals".

"Qu'entendez-vous par "choix bancals" ?"

Il évoque leur morale étriquée qui serait contraire à leur propre survie. Qu’ils se débâteraient contre un destin immuable en refusant de voir la vérité. De nombreuses choses me viennent en tête et si cette histoire de vérité m’interpelle, il y a un point qui m’amuse un tout petit peu.

"D'accord donc vous ployer devant un "pouvoir supérieur" pour espérer rester en vie. Avant, c'était le Sans-Visage, maintenant le grand dragon. Du coup, si on viendrait à le défaire, vous feriez de même avec nous ?" Fais-je en résumant ma pensée actuelle.

Je fais visiblement fausse route. D’une part nous ne sommes rien pour eux individuellement, d’autre part nous ne faisons rien pour nous élever au-dessus de la masse afin de prétendre à de grandes choses. Ainsi, aucun ouessien ne prendra parti pour l’un d’entre nous. Mais ce qui m’amuse, au point de porter ma main au visage en souriant, c’est qu’il affirme que l’on juge sans comprendre. Or, c’est précisément eux qui nous forcent à l’ignorance, en détenant un savoir qu’ils se refusent à transmettre. Préférant ne pas aller sur ce terrain-là parce que cette discussion, si elle m’amusait au début, commence à être longue comme un jour sans pain, je reviens au sujet précédent.

"Si vous le dites ! Vous avez évoqué il y quelques instants le refus des peuples à voir la vérité. Laquelle au juste ?"

Quelle vérité donc ? Simplement toute et cela concerne tous les peuples de ce monde et selon lui, les autres mondes. Et si souffles ne sont pas assez clair sur son impatience actuelle, clamant que je ne prends pas au sérieux cette conversation et que je n’en comprends pas la portée, il m’invite à le laisser tranquille.

"Ce n'est pas que je ne prends pas notre conversation au sérieux, mais vous prenez les peuples de ce monde de haut avec votre grand savoir, tout en le condamnant à l'obscurantisme. De plus, beaucoup de questions restent sans réponse par refus." Je me lève, accédant à la proposition de l'ouessien avant de poser une dernière question. "J'ai une petite devinette pour vous. Qu'est-ce qu'un puits de science qui ne divulgue aucun savoir ?"

Répondant sans vraiment attendre "un survivant", à vouloir garder les secrets, je me dis que j’en apprends autant sur cette simple question que sur toute notre conversation.

"Un puits est un puits, qu'il soit de science ou d'eau et s'il ne remplit pas sa fonction de donner ce qu'il a, ce n'est qu'un trou dans le sol !"

M’offrant un sourire sardonique alors que je le quitte, je me dis que ce genre de devinette pourrait m’en apprendre plus sur les autres qu’ils ne le veulent le laisser entendre.

(Donc les ouessiens sont prêt à ployer le genou devant le Dragon Noir. Le problème, en plus qu’ils ne divulguent les secrets que nous pourrions avoir besoin à notre ennemi, c’est qu’ils pourraient faire bien plus avec leur armée. Et avec tout ça, le Dragon est plus fort à chaque fois qu’il tue un Titan. Si seulement on pouvait inverser la tendance et l’affaiblir. Je me demande si mon idée de sort, similaire à ce qui réduit la corruption de la Lande Noire pourrait fonctionner sur lui. A ce sujet, je ne connais qu’un homme qui pourrait me renseigner !)

C’est donc en quittant l’ouessien, que je m’en vais déranger cette fois Vissélion, espérant que l’échange soit plus instructif que le précédent.

"Pardonnez-moi, vous auriez un moment à m'accorder ?"

Trouvant une place assise prêt du sorcier, je lui explique la raison de la venue à lui, à sa demande.

"Je m'inquiète du gain de puissance du dragon et de notre chance de l'atteindre s'il devient trop fort, même en unissant notre magie. Plus concrètement, je m'interroge sur le sceau principal et sa capacité à réduire la corruption de la Lande. Pensez-vous qu'une magie, inspirée de cette absorption, serait envisageable pour drainer ses forces ?"

Réfléchissant sérieusement à la possibilité, il estime que mon idée n’est pas stupide, mais qu’il faudra trouver un lien entre la corruption de la Lande et l’énergie du Dragon. De même, il faudra trouver comment créer un tel pouvoir et surtout comment le gérer.

(Ca y est je suis perdu ! Je ne me suis peut-être pas fait bien comprendre. Ca m’a plus l’air d’une utilisation du pouvoir du sceau pour drainer la force du Dragon. Pas ce que j’avais en tête.)

"Plutôt que le lien entre le dragon et la corruption je suis curieux de...comment dire...du mécanisme qui pousse le sceau à absorber la corruption. Vous ne l'avez peut-être pas vu longtemps, mais vous devez avoir une idée d'un tel phénomène non ?"

Cela lui semble au contraire aussi simple que logique. Les sceaux ont été créés pour contenir la progression de la corruption naturelle. L’action de Xël et Silméria l’a sublimé au point qu’il est désormais en mesure de l’absorber à présent, la renvoyant dans le cœur de monde.

(Oui, quelle grande action !)

"Le cœur du monde ? Selon vous, que va-t-il se produire lorsque toute la corruption sera renvoyée dans le cœur ?"

Lui-même l’ignore avec certitude et m’offre quelques possibilités réalistes comme un monde dénué de toute corruption, ou une explosion détruisant la planète, ou plus simplement la disparition immédiate de toute forme de magie. Une partie de moi est choquée par la gravité des possibilités et l’autre partie est surprise que cela ne semble pas l’inquiéter.

(Ha…ha oui ? Que de réjouissance !)

"C'est...grave comme conséquences et pourtant, cela n'a pas l'air de vous inquiéter !"

A quoi bon s’inquiéter clame-t-il. Les choses sont faites et la priorité n’est pas à agir sur les sceaux. La possibilité que rien ne survienne est également possible, donc nulle raison de manquer de sang-froid.

(Oui, enfin j’ai cru comprendre que l’activation du sceau était une super idée et maintenant ça peut détruire le monde ! Surtout que maintenant ça attire du danger inutile.)

"Plutôt que de laisser le sceau ainsi, ne faudrait-il pas mieux agir, évitant les désagréments que vous envisagez et accessoirement, éviter que d'autres créatures ne viennent s'en prendre à vous ?"

Une proposition qui le pousse à la question de comment faire.

(Non, mais il se moque de moi là ? Il a poussé à provoquer l’état actuel du sceau, avec Xêl et l’autre dégénéré de régicide et il me demande comment ?)

"En agissant sur le sceau de la même manière que durant votre entreprise avec Xël et la rég...avec Silmeria."

Ensuite vient la question de quoi faire de la magie, que lui dicter pour parvenir à nos fins.

(Ha…c’est peut-être là qu’il voulait en venir !)

"Tâcher de réduire sa puissance, la faire revenir à son état d'avant la venue du titan. A moins que cela ne soit possible avec uniquement la présence des sorciers ? Car du coup, il faudrait réactiver les autres, comme il était convenu à l'origine en somme."

Il rétorque que ça paraît simple dans ma bouche, oubliant visiblement qu’il a proposé un plan similaire avec du gros orteil du Titan comme menace. Cependant, il précise que maintenant, le sceau est animé par notre magie et ne pourra se défaire que par elle.

"Dans ce cas j'en parlerai avec les autres. Merci d'avoir répondu à mes questions." Je me lève et quitte la salle commune, j’ai besoin de prendre l’air.

(Ysolde ?)

(Oui ?)

(Ca va ? Tu ne dis rien !)

(Ba tu m’as dit de plus parler alors…)

(Fais pas ta boudeuse s’il te plaît. Pas toi !)

(D’accord, d’accord. Dis, tu voudrais pas m’expliquer ce qui t’es arrivé quand tu es mort ? On partage tout et moi je sais pas ce qu’il t’es arrivé !)

(Si bien sûr, avec plaisir !)

Je commence à lui expliquer notre venue dans la Savane Tanathéenne par le biais de cristaux, puis la venue d’un homme nous expliquant où nous étions. Je détaille Jesuir la cité des morts, son plafond, de même que la présence de Vallel qui souhaitait nous voir. J’évoque mon entrevue avec lui, ses terribles pouvoirs sur moi, j’en oublie presque de lui parler de l’état d’Akihito à ce moment-là. La fidélité de Silméria à Vallel, aux treize, sa suite après le départ de son mentor d’Omyre. Mon entrevue avec Thensoor et Honoka. Enfin mon départ, suivant Silméria et Mathis dans le projet insensé de Vallel. Enfin, le conflit dans la pyramide et mon échec à le protéger. Sachant comment elle penserait ce dernier acte, m’empêchant ainsi de la retrouver, je n’ai eu de cesse de ponctuer mon récit en évoquant mon désir de tout faire, ou presque pour revenir à la vie et retrouver les autres.

(Retrouver les autres hein ?)

(Eh bien oui pourquoi ?)

Je sens au travers de notre lien que quelque chose ne va pas, sans mettre le doigt dessus.

(Tu t’en es rendu compte au moins ?)

(Mais de quoi tu parles ?)

(Tu n’as eu de cesse de nous retrouver, mais à chaque fois c’était elle que tu citais en premier !)

(Quoi, mais qui ?)

(Fallait s’y attendre depuis le temps ! Je te voyais bien sortir tes grands airs, te la jouer quand elle était là !)

(Mais qui ça ?)

(Et puis cette façon que tu avais de la regarder, de l’admirer, c’était qu’une question de temps !)

(MAIS QUI REPOND !)

(D’Yliria tête de boeuf ! T’es amoureux d’Yliria !)

(De…de quoi ? Mais…mais non enfin, qu’est-ce que tu vas chercher là ?)

(T’as aucun sentiment pour elle ?)

(Je t’assure que non !)

(Tu serais prêt à lui dire en face ?)

(Mais quand tu veux !)

(Ba ça tombe bien parce que je sens la présence de sa faéra juste derrière toi !)

(Que…quoi ?)

Mon cœur s’emballe, m’a respiration s’accélère, mes pensées deviennent floues et mes mains sont tellement moites que je dois être magiquement relié à un courant d’eau. Pourtant, c’est mon désarroi le plus total qui m’étreint lorsqu’en me retournant, je ne vois personne. Pas un seul être à l’horizon, pire encore, l’absence d’Yliria est presque une déception.

(Alors tu vois, j’avais raison !)

(…je…)

Je fais face à un sentiment étrange. Celui d’un homme qui vient de se rendre compte que quelque chose était là, sous son nez depuis tellement longtemps, qu’il ne sait pas comment il a fait pour pas le voir tant l’évidence est criante.

(Oui je sais, ça arrive quand on s’y attend pas, souvent au mauvais moment aussi !)

Il est désagréable lorsque quelqu'un arrive à savoir ce qur vous penser. Il est d'autant plus agaçant lorsque quelqu'un sait précisément ce que vous ressentez et ce, bien mieux que vous. Je pourrais lui dire que non, qu'elle invente tout, mais elle me connaît si bien qu'elle n'a nul besoin de notre lien pour savoir ce que je ressens. Affirmer le contraire serait nier l'évidence.

(…je crois que…je crois que tu as raison. Ha putain, qu’est-ce que je vais faire ?)

Je passe la main dans mes cheveux, serrant fort au point d’espérer que cette idée farfelue s’extirpe de cette maudite tête. Mais il s’agit d’amour et en plus d’être une émotion puissante, elle naît et vie dans le cœur, cœur qui est encore meurtri par la lame du dragon et se laisse porter avec allégresse à ces effluves d’amour, sans se douter du risque encouru.

(Tu veux vraiment connaître mon avis ?)

Je prends quelques longues inspirations avant de répondre.

(Aller, envoie !)

(Va lui dire !)

(Et merde !)

(Ba tu t’attendais à quoi sérieusement ? J’ai eu beaucoup de vie avec de nombreux êtres qui se sont liés à moi. A chaque fois c’est pareil. Les remords de n’avoir jamais déclaré sa fane ont fait plus de mal que la vérité et parfois, lorsque le courage s’est enfin rassemblé, il était trop tard ! Tu vois où je veux en venir ?)

(Oui. Que je suis mort déjà plusieurs fois et que la prochaine pourrait être la dernière. Tu sais ce qui m’énerve le plus ?)

(Non quoi ?)

(Quand tu as raison !)

(Allez va mon grand et sache que peu importe ce qu’elle va faire ou répondre, sache que je serais toujours là pour toi !)

(Merci.)

(Je t’en prie.)

(En revanche…)

(Dis-moi.)

(Heu…on est où là ?)

Précisément, on est complètement paumé. Il faut dire que j’ai déambulé en parlant avec ma faéra sans vraiment but, me laissant davantage porter la conversation que par un réel intérêt touristique. Bon déjà, si j’étais là où je ne devais pas être, il y a certainement un sorcier qui m’aurait empêché d’y aller, donc je devrais pas être loin non plus. Cependant, cela ne me dit toujours pas où je me trouve.

(Attends, je crois que je sais !)

Suivant les indications de ma féra, je continue de déambuler dans les ruines de la cité, mais entre son esprit faillible actuellement et les accès qui se finissent un cul-de-sac à cause d’un éboulement, on se perd plus qu’autre chose. Le ton monte entre moi et Ysolde, se critiquant l’un l’autre de notre incapacité mutuelle à trouver la bonne voie. Finalement, on arrive peut-être par miracle, à trouver le chemin de la salle commune. De là, on va pouvoir reprendre nos recherches. Hélas, une intervention extérieure va mettre son grain de sel. J’entends mon nom et me tournant dans la direction, je vois qu’il s’agit d’Akihito.

(Ho non pas lui !)

(Tu sais que lui et Yliria…)

(Oui. J’ai bien vu qu’il y avait plus qu’une camaraderie entre eux, sans être capable de dire quoi précisément.)

(C’est le pire moment possible, fait chier ! Bon écoute, on fait semblant de l’écouter et on repart chercher Yliria illico, avant que tu ne perdes le courage d’aller la voir.)

(Je…non. C’est une bonne chose qu’on se voit. Je…je dois m’excuser de certaines choses dont je ne suis pas fier !)

Je lève une main timide à son attention, avant d’aller jusqu’à lui. Une fois à son niveau, il remarque mon état particulier et me demande comment je me sens. N’ayant pas vraiment envie de parler de cela après avoir pris tant de temps pour m’en remettre, je préfère aller au plus simple.

"C'est que... Lorsqu'on était à Jesuir, j'avais pas tous les souvenirs de ce qui s'est déroulés dans le cristal. Et ils me sont revenus il y a peu. Et toi, ça va mieux ?"

Sans me répondre à ma question visant à changer de sujet, il me propose que je lui en parle. C’est lui qui m’a révélé le pouvoir de la dent de dragon, plutôt que de l’expliquer, j’oriente ma réponse par ma curiosité sur les conditions de l’effet. D’une main fébrile, je porte ma pourfen’dent à son attention.

"Tu as dit qu'elle avait le pouvoir d'affecter les âmes non ? Il y a ..il y a une condition ou une façon de s'en servir pour que cela agisse ?"

Il me confirme que l’effet dévastateur n’agit que lorsque la lame atteint le cœur. Pourtant l’interrogation des philosophes sur le siège de l’âme se trouvant soit dans la tête soit dans le cœur, nous en avons désormais la preuve. Cette déclaration me ramène à mon combat contre moi-même et son expression lorsque je l’ai atteint en plein cœur.

"Le cœur hein ? Je comprends mieux ce qui m'est arrivé alors !" Fais-je assez bas, me parlant à moi-même.

Puis il me question sur les événements survenus dans les cristaux.

(Mais il va arrêter oui ? Pourquoi remuer le couteau dans la raie ?)

(Remuer le couteau dans la plaie et laisse, ce n’est rien.)

Le souvenir de cette prison est pesant, oppressant même. Revoir ces images me rappelle encore ce que j’ai vécu, ressenti, au point où je préfère m’adosser à la paroi, le regard dans la vide.

"Nous étions face à nous-mêmes...en quelque sorte, et notre double avait clairement l'intention de nous tuer. Mathis m'a confirmé avoir subi le même sort. Nos doubles étaient aussi forts que nous et possédant les mêmes maîtrises au combat, à ceci près que les coups que nous portions nous étaient infligés. Une fois mort, on revenait à la vie pour mourir de nouveau."

Il résume ainsi la volonté de l’être de justice qui nous a enfermé, afin de faire face à nos crimes et nos pêchés et conclue en une vision tordue de la chose. Puis il termine en comprenant mieux pourquoi il y a eu deux Simaya.

"Oui j'en ai entendu parler. Mais ça n'explique pas sa disparition."

S’il prétend que sa présence aurait été un atout, il précise que le temps nous manque pour la chercher dans la Lande Noire, insinuant que sa recherche et son sauvetage restent secondaire. En cela, il appuie et m’apprends à en être choqué, que quatre jours se sont écoulés entre le moment où nous avons quitté Nagorin et notre retour à Elscar’Olth. Un temps pendant lequel le Dragon Noir et même les Sans-Bannière ont pu agir !"

"Quatre jours ? Bon sang. Il n'y a malheureusement pas que le dragon et Vallel qui nous posent problème. Le sceau principal de la Lande Noire également. J'ai pu discuter avec Thensoor à Jesuir, un ancien archisorsier d'Elscar'Olth, la plus haute fonction. Lorsque je lui ai parlé du sceau et du retrait de la corruption, il a craint le pire. Même Visselion, évoque la possibilité d'une rupture avec la magie de ce monde ou même d'Aliaenon tout entier, si l'absorption persiste après le retrait total de la corruption." Je m'arrête un instant avant de donner mon avis concernant notre situation. "Je ne sais pas comment tu vois la magie après notre mort, mais on va devoir l'utiliser, non seulement sur le sceau, mais également pour retrouver Simaya. Je me refuse à l'abandonner !"

Il a déjà informé Vissélion notre souhait de partir et donc le court laps de temps durant lequel il pouvait user de notre magie.

(User de notre magie ? Mais pour quoi, ses petites expériences ?)

(Je t’avais dit, il a un grain dans la blette. Un grain de riz, mais un grain quand-même !)

Puis il évoque mon escapade pour se rendre à la salle du trône, là où se trouve le sceau principal, avant de déclarer que je n’avais aucune raison valable d’y être, perdant un peu son calme. Je ne suis ni un mage et encore moins un sorcier de la Lande pour comprendre le sceau. Il élimine les possibilités, contenant pourtant la vérité, pour m’accuser d’avoir voulu agir sur le sceau comme l’ont fait Xël et Silméria. Un léger rictus déforme mon visage et trahi mon agacement.

(…)

(Ha le con ! Vas-y Jorus, arrondis-lui les yeux à ce bridé !)

(Je vais le laisser finir ! Mais dans le doute je vais ranger ma lame. Mieux vaut qu’elle ne traîne pas dans ma main dans les prochaines secondes.)

J’écoute atterré, la suite de son mini monologue qui confirme ce que je craignais. Il m’accuse d’avoir voulu me rendre au sceau principal pour l’altérer, risquant ainsi un nouveau cataclysme. Il clame qu’il faut arrêter les initiatives personnelles en ce qui concerne la magie, Yliria ayant raison, celle-ci étant plus stable à plusieurs. Et là, là où il termine d’achever le peu de self-control que j’avais et fou un grand coup de pied dans la fourmilière, il me rend presque responsable de la libération des âmes, en ayant été incapable de gérer le coup de folie de nos charmants camarades. Rebelote, il se moque même de pourquoi les choses sont devenues ainsi, pourquoi j’ai été incapable de l’empêcher. Sérieusement ? Nous étions des âmes intangibles et il n‘était même pas là pour voir que tout a été trop vite, quand bien-même j’ai voulu les arrêter. Et moi qui pensais qu’il n’était pas possible d’ajouter encore de quoi me lâcher les brides, il ose affirmer que si nous pouvons prendre le temps de régler le problème du sceau principal, il est hors de question qu’on perde plus de temps pour sauver Simaya. Le temps de son sauvetage pouvant laisser au Dragon Noir le temps de raser une autre cité. Les mains jointes au visage, je fais au mieux pour garder mon calme.

"Déjà je tiens à m'excuser. Je ne me suis pas occupé de toi à Jesuir alors que tu n'allais pas bien, j'ai été dépassé par les événements autour de Vallel. De même, j'ai laissé les autres s'occuper de toi parce que je voulais profiter du peu de temps que nous accordait le Sans-Visage. Encore une fois, je te présente mes excuses les plus sincères !"

Je m’arrête un instant pour reprendre une bonne grande respiration et un agacement contenu, mais non moins perceptible.

(Lâchez les chevreaux !)

"Bien, maintenant que les politesses d'usage et les excuses que je voulais te faire sont passées, un rappel s'impose. Si JE suis la première personne à vous avoir demandé de ne pas utiliser la magie dès notre arrivée sur Aliaenon, c'est pas pour l'utiliser près d'une des plus puissantes sources de magie de ce monde, quand tout le monde à le dos tourné. Je ne suis peut-être pas un mage, mais je ne suis pas non plus crétin à ce point !" Déjà poussé par mes émotions, mon agacement se fait plus important. "Deuxièmement. Je te prierais de ne pas m'ajouter à la liste des personnes responsables de la libération des âmes. Si j'ai suivi Vallel, Mathis, Silmeria et son double, sa sœur ou je ne sais qui, c'est uniquement pour mettre à mal leur plan. Malheureusement, même si ma magie a foiré à ce moment-là, il était trop tard. ILS avaient déjà drainé la source du pouvoir."

Je m’arrête pour arrêter cette monter de colère qui vient, montrant cependant une main ouverte pour me laisser finir.

(Calme-toi ! Calme-toi ! Calme-toi !)

(Mais non, fais-en du sushi !)

"Pour finir, n'oublie pas ce qu'on doit à Simaya durant la bataille de kochii, ni sa protection contre notre propre magie ici. Et avant de lâcher une bombe comme ça à son sujet, la prochaine fois qu'on fera un tour de table, réfléchis bien aux mots que tu vas employer. Oublie pas la division de notre groupe la dernière fois. Parce que si tu parles comme tu viens de le faire avec moi, y a des chaises qui vont voler, mais ça viendra pas de moi !"

Secouant légèrement la tête, il cherche à me rassurer que ne m’en veut pas de ne pas s’être occupé de lui à Jesuir. Moi-même avait subi le terrible sort de la mort. De même, il ne m’en tient pas rigueur pour la destruction de la pyramide et à personne d’autre d’ailleurs.

(Ho l’autre hey ! Akimytho ! Il t’a déclaré les yeux dans les gueux qu’il te pensait capable de gérer la situation !)

Puis il évoque Simaya, justifiant que la meilleure façon de rembourser la dette que nous lui devons, c’est encore de tout faire pour sauver son monde, même s’il faut pour cela la laisser au second plan. S’il faut contenter tout le monde, notre groupe ne parviendra jamais à atteindre son but, à savoir défendre Aliaénon et Yuimen. Encore une fois, il insiste sur les quatre jours qui se sont déjà écoulés.

(Regarde il baisse la tête ! Prends le dessus et montre qui c’est le patron, qui mérite Yliria !)

(Non…il cherche à calmer une tension naissante.)

Voyant la réaction d'Akihito de rester calme, je vais l'imiter, plutôt que de me laisser influencer par ma faéra. Et si vraiment je dois me faire bien voir, se sera autrement qu’en me faisant remarquer de la sorte.

"Tu as raison, c'est bien ce que Simaya dirait, mais pas ce que vont penser Xël et peut-être encore moins Mathis. Cependant si la sauver fait partie de mes priorités, je compte suivre la majorité réfléchie !"

Il pense qu’il n’est pas possible d’avoir une telle majorité, avec Xël qui ne compte agir qu’avec ceux qui sont d’accord avec lui, Mathis qui provoque de terribles catastrophes avec la magie et enfin, Silméria qui agit à l’instinct. Pour ma part, j’aurais plutôt utilisé le terme de folie soudaine. Puis il évoque les résultats de sa dernière volonté de fédérer le groupe, avant de parler de Vissélion qui doit trouver une façon de gérer la puissance du sceau, moi qui dois trouver un moyen de trouver Simaya, via la magie certainement, vu que je n’ai pas de gris-gris chamanique avec moi. Il termine en déclarant que demain on fera le point et que Simaya ne sera pas notre priorité cependant.

(C’est moi ou ce bouffeur de nems vient de te dire de chercher une solution, avant de déclarer que ça servira à rien parce que c’est pas prioritaire ?)

(Résumé comme ça..oui c’est…)

"Vissélion a besoin de notre magie pour atténuer son pouvoir et faire ce qui était convenu depuis le début. Pour ce qui est de Simaya, personne ne l’a vue et à part utiliser une magie de vision comme l’a fait Xël avec le Titan de la magie, ou moi à Fan-Ming, je ne vois pas quoi faire. Si Yliria ne se trompe pas sur l’utilisation de la magie, cela ne devrait pas prendre trop de temps pour comprendre ce qu’il s’est passé."

Je me passe une main sur la nuque avant de répondre.

"Tâche de ne pas trop en vouloir à Mathis. Il s’en veut déjà suffisamment de notre mort et pour avoir été aux premières loges, je suis pas sûr que j’aurais agis autrement à sa place. Silméria…" Je souffle lourdement à l’évocation de son nom. "Cette femme est un véritable danger à elle seule ! Elle a juré allégeance à Vallel, comme elle l’a fait aux treize, sans savoir à ce moment qu’il connaissait un moyen de nous faire revivre !" Je m’arrête un instant. "D’ailleurs tu étais là non, lorsqu’elle a déclaré être la remplaçante de Xenair ? Je ne comprends même pas comment elle a pu finir avec nous ! Et ce qui me fais chier plus que tout, c’est qu’on va avoir besoin d’elle pour venir à bout de cette merde volante !" Je m’arrête à nouveau pour souffler de lassitude. "Quant à Xël, j’ai beaucoup d’estime pour lui et je n’ai pas eu l’occasion d’échanger avec lui depuis cette histoire d’orbe qui l’influencerait, mais si effectivement il n’en fait qu’à sa tête, alors qu’il aille se faire voir ! Je tâcherais de lui parler seul à seul, mais pour l’heure, il faut que je parle à Yliria !"

"Tu ne parleras pas à Yli !" Déclare-t-il soudainement, à la limite de l’agression verbale, me faisant crisper les yeux en réaction.

Il ne sait pas ce que je ressens pour elle, il ignore que ce que je m’apprête à lui dire et il n’a pas connaissance que moi j’ai bien vu qu’il y avait quelque chose entre eux. Alors ça, cette déclaration soudaine, de sa part, à ce moment-là et de cette façon, c’est juste la pire chose possible. S’il voulait me faire péter un plomb, il ne s'y serait pas pris autrement. Néanmoins, il explique qu’elle a lutté avec son propre corps et qu’il lui faut du repos, mais qu’il ne me faudra pas attendre longtemps avant de pouvoir lui parler. Il prend le temps de s’expliquer, une façon de calmer une tension qui revient, avant de remettre un coup de tison. Pour les visions, il parle des Cadi Yangin, amplement suffisant pour cela et sûrement notre prochaine destination.

(Donc du coup, il a déjà défini le prochain objectif voté par la majorité d'une réunion qui n’a pas eu lieu. Bel exemple de rassemblement ! Alors on se rassemble tous pour que je vous dise ce qu'on va faire !)

Ensuite, il évoque brièvement Mathis qui use de la magie à sa guise sans penser aux conséquences. Etrangement, l’envie de jeter une fiole de fluide par curiosité me titille. Mais là où il met…comment dire…le doigt sur le furoncle purulent et très douloureux, c’est en parlant de Silméria. Plongeant ses yeux dans les miens dans ce qu’il me semble être un défi, il critique mon inaction à lui parler, contrairement à sa seigneurie bridée et ce plusieurs fois. D’après lui, elle ne demande qu’à ce que les choses se passent bien et que nul autre que sa sainteté du nem n’a réalisé cet acte d’une noblesse divine.

"Alors oui, c'est la Régicide. Oui, elle était dans le camp d'Omyre. Oui, elle peut être insupportable. Mais tu t'es demandé pourquoi elle était là alors qu'elle sait qu'on sait tout ça ?"

(Parce qu’elle est folle ?)


"Pourquoi elle a fait partie de ceux qui ont tourné le dos à Oaxaca lors du dernier affrontement ?"

(Parce que c’est une girouette ou qu’elle a senti que le vent changeait de sens ? Ou qu'elle est cintrée ?)

"Alors oui, c'est pas simple de lui parler, faut de la patience. Faut de la diplomatie, ce dont beaucoup -elle comprise- manque dans ce groupe. Tout ça pour dire qu'au lieu d'essayer d'aller voir Xël qui doit être crevé et que tu connais déjà, va plutôt voir Silmeria. N'y va pas pour devenir son ami, mais pour apprendre à la connaître. Comprendre pourquoi elle a juré allégeance à Vallel. T'y gagneras plus qu'à lui opposer d'emblée une hostilité qui est certes partiellement fondée, mais qui nous fous plus de bâtons dans les roues qu'elle nous aide."

L’enchaînement entre son interdiction concernant Yliria, puis sa remarque de la régicide commence à faire beaucoup en si peu de temps. Je me retiens de lui sauter à la gorge, non pas que la perte d’un bridé serait une perte tragique pour la culture du riz oranais, non pas que cela mettrait notre groupe dans une situation délicate, mais bien parce qu’Yliria m’en voudra énormément. Alors je me retiens physiquement, du moins pour le moment, mais pas oralement.

"Parler à Silméria ? Pourquoi faire, l’entendre mentir à nouveau ? Elle a prétendu pouvoir se déplacer d’un claquement de doigts quand je lui ai demandé comment elle avait atteint Akouba avant moi, ensuite son double ou je ne sais quoi s’est ramené prétextant que nous avions tous des doubles ! Tant mieux si tu es capable de lui parler, mais excuses-moi si non seulement je suis un peu réticent à aller voir le fidèle exécutant de mes derniers ennemis, j’ai franchement pas envie d’aller taper la causette avec elle, sachant qu’elle aurait pu me tuer définitivement dans la pyramide !"

Il me répond tout simplement qu’elle pourrait me tuer sans aucun souci et met l’accent sur son inaction en me demandant pourquoi. Je pourrais lui dire que notre groupe, déjà pas foutu d’être soudé, serait mal partie dans sa quête, mais je pense simplement que me concernant, ça ne l’a pas encore grattée. Néanmoins, son acharnement la concernant pique ma curiosité, autant qu’elle m’agace.

"Alors je trouve ton admiration pour ses prouesses physiques très fascinante, de même que ton entêtement pour qu'on fasse une ronde de l'amitié main dans la main, mais clairement s'est voué à l'échec. Si elle veut me tuer qu'elle vienne. J'ai fait fermer son bec à un dragon, bravé la peur du Dragon Noir à kochii, combattu une déesse, j'ai aucune raison d'avoir peur d'elle !"

Il prend ses grands airs en déclarant qu’il a précisément mis de côté son inimitié avec Silméria, sa fierté de côté, pour pouvoir œuvrer à ses côtés et vaincre le dragon, non pour devenir les meilleurs amis du monde. Je devrais être en mesure de faire de même si je suis aussi courageux que je le prétends. Mais avant de commencer son sermon, il pointe du doigt mon manque de diplomatie. Je crois qu’il devrait peut-être savoir.

"Et c'est exactement ce que je fais ! En me retenant d'utiliser cette magie qui m'anime contre elle, parce que je sais que la priorité c'est de s'occuper du Dragon. Si j'ai admis qu'on avait besoin d'elle c'est parce que je le pensais. De même, je te dis clairement mon opinion d'elle à toi et non pendant nos rares rassemblements, c'est parce que je sais que ça va nuire au groupe et surtout à notre objectif ! Je suis mort trop de fois simplement parce qu'elle a voulu tester une idée en solo et qu'il a fallu intervenir. Je reviens de retrouver mon corps et toi tu me demandes de prendre le temps de la connaître ? T'as pas l'impression d'aller un peu loin là ?"

Sauf que visiblement c’est rien comparé à ce que lui à vécu dans le golem. L’argent noir qui aspire l’énergie vitale et laisse sous-entendre une douleur inimaginable. Je lui balancerais bien que moi je sais ce que ça fait de perdre son âme, mais je n’ai clairement pas envie de jouer à qui à eu la plus grosse. Il poursuit par son souhait de fédérer un groupe, mais que moi comme les autres, nous entravons cette chance en mettant à l’écart Silméria. Il me pousse d’aller la voir pour parler, se comprendre mutuellement pour ne plus avoir cette menace de dague dans le dos et lui permettant d’asseoir une sorte d’influence sur elle, de l’empêcher à faire n’importe quoi.

(Ha donc grâce à lui on a évité le pire ?)

"Se retourner contre nous ? Faisons le point." Je compte sur mes doigts. "Elle a activé le sceau sans notre accord avec Xël et Vissélion. Après s’être moqué de nos actions individuelles elle a précisément fait de même en voulant mettre l’orbe dans la dent de dragon seule et résultat des courses, on est mort. Elle a participé à la destruction d’un édifice qui séparait le monde des vivants et celui des morts, libérant accessoirement Vallel et peut-être même une bonne tripotée de connards, prêt à s’attaquer aux âmes les plus faibles. Elle a juré allégeance aux treize qu'on a combattus il y a peu, mais visiblement tu t'en fou. Et ça, c’est uniquement ce dont j’ai connaissance ! Et après ça, je devrais pas être méfiant ?"

Je commence à m’éloigner, agacé par cet échange qui n’a pas de sens avant de me retourner.

"Tu sais quoi j’irais la voir si tu y tiens tant. Cependant, je n’ai pas ta patience, pas ton sens de la diplomatie, ni ton art de brosser dans le sens du poil et j’ai certainement pas envie de courber l’échine, alors toi qui la connais, tu crois qu’il va se passer quoi si on est tous les deux réunis dans une même pièce ? Faudra pas s’étonner si on se fait gober par le grand avatar crapaud la prochaine fois !"

De nouveau, il minimise l’action de Silméria, préférant rejeter la faute sur Xël, mage ayant passé de longs mois ici. Il présente même Mathis comme seul responsable de notre mort et comme je n’ai pas fait mention de lui, alors qu’il était avec nous à la pyramide, il déduit rapidement qu’il a participé à la destruction de l’édifice. Bien qu’elle a fait cette erreur, Silméria a raison en pointant nos actions individuelles.

(Mais bordel il s’entend parler ? Il lui donne raison alors qu’elle a fait exactement ce qu’elle nous a reproché !)

Il poursuit en laissant sous-entendre que son allégeance n’avait rien de fondé, pointant ses actions pour sauver la ville. Si vraiment elle voulait notre mort, elle aurait eu cent occasions de le faire. Puis il s’incline devant moi, me remerciant de l’effort que je concède. Comme s’il pensait que sa courbette avait un quelconque effet sur moi. Il termine en précisant que tout dépendra de comment je l’aborde et se propose de jouer les médiateurs pour faciliter les choses, à défaut de les rendre sincères.

(Médiateur ? Non mais il a pas fini lui de se prendre de haut ? Bon sang je sais pas ce qu’il a, à la défendre comme si sa vie en dépendait ! Yliria ne lui suffit donc pas ? J’en peux plus de voir sa tronche et ses manières de pseudo chef ! C’est décidé j’me barre !)

"C’est marrant ça ! Autant Xël je suis d’accord avec toi, que Mathis tu fais exactement ce que tu me reproches, tu juges sans savoir ! Commence par lui parler, moi je l’ai fait. Je suis curieux de savoir comment tu aurais réagi à sa place. Tien en parlant de médiateur, j’ai demandé à Teruki d’assister à notre prochaine réunion, si on ne s’est pas tué entre-temps. J’ai pensé qu’un point de vue extérieur pour recentrer les débats était une bonne idée. Et pour te répondre, il y a bien un truc que je préfère !" Je fais demi-tour pour partir sans m’arrêter, mais non sans m’expliquer, la main en l'air en signe de raz-le-bol. "Foutre le camp loin de toi ! J’avais besoin qu’on vienne me briser les chouquettes, particulièrement après toutes ces épreuves et maintenant que j’en suis rassasié, que j’en ai plein le cul, je vais aller voir ailleurs ! Merci !"

Je me barre sans demander mon reste, fulminant par cette conversation et son attitude hautaine. Je ne sais pas où je vais et je m’en moque. J’ai besoin de marcher pour évacuer cette tension qui déborde.

(Et Yliria ?)

La question, me rappelant non seulement ce que je faisais avant de rencontrer l’autre énergumène, me fout une douche froide. J’avais oublié que je voulais révéler mes sentiments à Yliria. D’un coup d’un seul, penser à elle fait disparaître toute ma tension, comme un anti-venin agissant sur le poison qui s’est inséminé dans mon esprit tout de long de cette conversation. Petit à petit, le doute et l’angoisse reprennent le pas sur moi.

(Ha non, non, non ! Je vois bien que tu commences à douter ! Bas le fer tant qu’il est beau ! Garde cette gnaque pour aller parler à Yliria.)

(Mais je…)

(Si ça se trouve il s’est entiché de Silméria et se moque s’il brise le cœur d’Yliria !)

Ma faéra me connaît mieux que moi-même et sait comment et quels mots utiliser pour parvenir à ses fins. C’est finalement d’un pas décidé que je finis par de nouveau chercher la trace d’Yliria. Il me faut un petit moment, pour enfin la retrouver. Moment durant lequel je ne cesse de me faire en pensée, nos possibles échanges. Comment l’aborder, comment aborder doucement le sujet, comment agir pour finalement lui dire. Mais la voir simplement, allongée sur le sol, me procure un bien fou. C’est plus fort que moi, je ne peux m’empêcher de dire son prénom d’une voix hésitante. Surprise de me voir, elle se relève pour finalement venir à moi et me regardant des pieds à la tête, me demande comment je vais.

"Ca va mieux à présent !" Fais-je en la regardant dans les yeux, avant de reporter son regard sur sa couche. "Et toi tu dormais, pa…pardon, il avait raison je…j’aurais pas dû venir !" Fais-je en m’affolant un peu.

(Ha non hein ! Tu es là, elle est là, on est là ! Maintenant il est temps de porter ses chouquettes mon bonhomme !)

Elle tâche de me rassurer, que ce n’est rien et qu’elle est contente que j’aille bien, avant de me demander la raison de ma venue.

(Ha ha ! Tu vois ! Le lardon mort la ligne ! il est temps de foiré !)

(Lardon ? Foiré ?)

Ma faéra qui étais un soutien sans faille, enfin presque, se retrouve à me mettre des bâtons dans les roues en mélangeant les expressions et l’hésitation gage du terrain.

"Si...non ! Enfin oui, mais...c'est peut être pas le meilleur moment...je crois ! Mais... j'aurais peut-être pas la force de revenir t'en parler !"

Loin de paraître sûr de moi, je ne fais que tout gâcher. Alors que je souhaitais m’ouvrir, voilà que je ne fais que l’inquiéter. En la regardant dans les yeux, je contemple son regard. Avais-je déjà remarqué que ses yeux bleus avaient la même lueur que celle de l’océan ? Pailletés d’or, j’ai l’impression d’admirer un ciel nocturne en pleine mer calme, sereine. Bercé par sa voix qui cherche à calmer cette nervosité en moi je tente de parler.

"Écoute Yliria je...je...je vais m'asseoir !"

(Je vais pas y arriver ! Je vais pas y arriver !)

Je cherche de quoi poser les fesses, ma respiration devient plus forte, comme si j'étais en plein effort physique.

"Bon sang, pourquoi j'ai l'impression que combattre Oaxaca ou son dragon est plus simple ?"

Je vois bien par son air inquiet que ça se présente mal, très très mal ! Mais dans les pires moments, je sais que je peux compter sur Ysolde.

(Le premier pas est le plus dur ! Commence et laisse-toi guider par tes émotions !)

Je cherche à regarder Yliria, mais immédiatement, mes yeux se posent ailleurs, pour ensuite reprendre ce balai oculaire. Une faille dans le mur, un motif étrange ressemblant à…à j’en sais rien pour finalement revenir sur la semi-shaakt. Mes mains ne cessent de jouer entre elles, cherchant à extérioriser la nervosité en moi.

(Pas après pas !)

"Ecoute je…j’ai toujours eu beaucoup d’estime pour toi et…surtout énormément de respect. Que ce soit pour ton courage, les valeurs que tu défends, tes idéaux et j’admire ton ardeur à les défendre. Parfois même ton entêtement sans limite !" Un petit sourire s’affiche sur son visage pour regarder Yliria dans les yeux, avant de rapidement mourir et reprendre le va-et-vient de son regard. "De même que ta capacité à…à pardonner l’impardonnable. Ce…ce que j’essaye de te dire, avec l’aisance et…l’habileté verbale qui me caractérisent si bien, c’est que…j’ai toujours eu de bons sentiments à ton égard. Des sentiments qui ont changé, qui…qui ont grandi, qui…me dépassent même et…et à présent…j’éprouve pour toi…plus que de la simple camaraderie."

Je commence à baisser les yeux, mais ma faéra m’ordonne de voir sa réaction, me permettant d’agir en conséquence. Les yeux de la belle enchanteresse s’arrondissent comme deux magnifiques billes. Hésitante, elle cherche à savoir précisément ce que je ressens, me forçant à dire haut et clair ce que je suis venu lui dire, ce pourquoi j’ai tant eu envie de transformer Akihito en sashimi, ce qui me fait de nouveau douter et la nature profonde de la peur qui réside au creux de mon ventre.

(Elle a raison, dis-le. Il est trop tard désormais pour faire marche à bière.)

"Tu es loin d’être aussi sotte…tu as très bien compris." Je me force à fixer ses yeux avant de franchir le pas le plus difficile de ma vie.

"Je…je t’aime Yli !"

Il est clair qu’elle ne s’attendait pas à ce en me voyant arriver ici. Soupirant, elle répond qu’elle ignore quoi me dire, qu’elle ne m’a jamais vu ainsi. Pourtant de mon côté, même si ce n’est pas la réaction que j’aurais voulu, c’est celle qui était la plus probable. Je ne suis pas du tout surpris. Mais alors pourquoi ça fait mal ? Au moins, j’arrive plus à fixer ses yeux que précédemment.

"Je ne t'en demande pas tant, je te rassure. Je veux pas non plus... m'immiscer entre toi et Akihito. Je sais qu'il y a quelque chose sans pouvoir définir quoi, mais ça me regarde pas. Je...je voulais juste..."

Je baisse la tête soupirant longuement de cette situation. Je n’arrive pas à savoir si je suis content de lui avoir révélé, ou triste de savoir que pour une fois j’avais totalement raison. Je regarde le sol à présent. Il me paraît si beau que j’en ai du mal à regarder ailleurs. J’entends son soupir qui précède chacune de ses réponses à présent.

" Tu es important pour moi aussi. On a défié la mort ensemble, plusieurs fois et je t'ai vu mourir et je... Je tiens à toi, Jorus, vraiment."

Sa main vient prendre mon menton pour me forcer à relever le visage. Je pourrais continuer à observer ce sol. Les myriades d’éclat qui le compose. Cette structure si particulière qui transforme mon regard en une admiration illusoire. Je pourrais rester ainsi des heures, mais je ne peux me dérober à l’emprise qu’elle a sur moi et me laisse finalement faire.

"Je ne te laisserai pas mourir, tu m'entends ? Je peux pas te promette quoi que ce soit concernant... le reste. Je ne sais même pas où j'en suis moi-même... et je peux pas m'empêcher de me dire que si mon corps n'avait pas changé, les choses n'auraient pas évolué ainsi. C'est... compliqué, pour moi, tu comprends ?"

(Ho non, s’il te plaît Yli ! Pas de pitié !)

Me reprenant en main, j’affiche un sourire lorsque je lui réponds.

"Pourquoi agis-tu comme si j'étais mourant ? J'ai juste un béguin pour toi, bon d'accord un gros béguin." Fais-je en levant les bras. "Mais ça va passer avec le temps. Ce n'est pas ma première fois et me connaissant, pas ma dernière. C'est juste que...j'ai connu d'autres personnes et...et je n'ai jamais ouvert mon cœur. Tu es là première !" Fais-je presque en riant, avant de m'arrêter rapidement. "Mais du coup, j'ai des regrets qui refont surface, beaucoup de regrets. Je ne te demande pas de m'aimer en retour, ni même de songer à un potentiel nous deux futur. Tu m'as écouté et c'est déjà beaucoup. Surtout que j'imaginais plusieurs scénarios qui se sont soldés par ton poing au visage !" Fais-je à nouveau en riant.

(Mais…mais à quoi tu joues ?)

Encore une fois, elle répète ne pas savoir comment réagir et ne souhaite pas me faire de mal inutilement, avant de me demander si ces sentiments ont un lien avec son changement physique.

Je regarde un peu ailleurs en répondant.

"Pour moi aussi c'est compliqué, s'ouvrir comme ça c'est... l'inconnu pour moi." Dis-je en regardant un peu ailleurs. "Et t'inquiète pas pour moi, tu pourrais me jeter à coup de pied que ça changerait pas grand-chose. Tu as vu la pire chose que j'ai jamais faite et pourtant tu m'as aidé à me relever, tu m'as pardonné, ce que j'ai encore du mal à faire moi-même !" Puis je la regarde à nouveau pour préciser. "Ce que je veux dire c'est que ton apparence n'est qu'une enveloppe, même si elle n'est pas dégueue," fais-je avec un léger rire "ce n'est pas ce qui te définit ici," je touche mon front de la phalange de mon pouce, "et là !" Puis me touche au niveau du cœur. "Bien au contraire, malgré ce changement tu as su rester là même !"

(Ha voilà qui est mieux !)

Je prends une grande inspiration avant de poursuivre sur une autre possibilité.

"Si ça se trouve, je ne fais que chercher des raisons sur ce qui pourrait être au final, qu'un simple hasard. Je...je me suis rappelé ce qu'il s'est produit dans le cristal, je m'en suis rappelé tout à l'heure et...et depuis...tout s'enchaîne et se mélange, j'en suis moi-même perdu. J'étais brisé en sortant du cristal et...ce que j'ai senti peu après c'était...un sentiment de bien-être tellement agréable. C'était toi n'est-ce pas ? Toi qui étais là quand j'en avais le plus besoin, encore ! C'est peut-être ça, l'élément déclencheur finalement !"

(Mais…mais arrête de te saborder enfin !)

J'affiche mon petit sourire malicieux en poursuivant.

"T'imagines, si s'avait été Akihito à ce moment-là ?"

(Ha non, là tu dépasses les cornes ! Pourquoi fallait-il que tu parles du bouffeur de riz ?)

"Je t'en foutrais du pas dégueue..." Déclare-t-elle en me frappant légèrement du poing sur l’épaule. Je me laisse faire, préférant la voir agir avec le sourire que par pitié. Elle semble plus détendue lorsqu’elle continue sur le fait que j’ai tort de m’en vouloir, que nul n’est parfait.

(Dis-lui qu’a tes yeux elle est parfaite !)

De nouveau un soupir, mais elle vient cependant s’installer à côté de moi.

"Quand t'es sorti du cristal, je suis allé te voir, mais tu étais... j'ai essayé.. j'ai cru que je pouvais te sauver, mais tu es parti et j'ai... ne meurs pas à nouveau, d'accord ? Je veux pas revivre cette scène à nouveau."

Elle répond à mon sourire par un autre, triste et fragile. Pas mes préférés. Igorant comment je sais pour elle et Akihito, elle m’invite à ne pas prendre ce chemin et ne souhaite pas en parler. Elle déclare qu’elle-même ignore si elle sera un jour capable d’avoir de telles relations. Et puis, elle ajoute avec un sourire qui me fait chavirer, que je n’aurais pas tenu une semaine avec celui dont on ne doit prononcer le nom.

"Une semaine ? Tu es bien généreuse ! J'ai pas tenu quoi, cinq minutes avant d'avoir eu une irrépressible envie de le tuer !"

(Merde ! Faut pas qu’elle apprenne qu’on a failli se mettre sur a tronche. Pas là, maintenant du moins !)

Regrettant d'avoir parlé de ça, j'enchaîne rapidement avec un autre sujet.

"Ne te blâme pas, je sais que tu as tout fait pour nous faire revenir, c'est d'ailleurs pour ça que vous avez été à Nagorin non ?"

Elle hoche la tête en souriant. Un sourire qui s’éteint malheureusement rapidement. Elle n’a pas réussi à nous faire revenir. C’est Xël qui a eu l’idée d’avoir recours au Sans-Visage. La suite lui donnant raison, elle craint que son égo ne prenne trop de place dans ses souliers.

(Oui, un peu comme l’autre s’il arrive à tous nous rassembler !)

"Ne te blâme pas pour ça !"

Je profite qu'elle soit assise à côté de moi pour lui donner un petit coup épaule contre épaule

"Tu as fait tout ce qui était yliriament possible, c'est à dire plus que beaucoup ! Moi aussi je savais que seul le Sans-Visage pouvait accomplir une telle chose. Restait à savoir comment le ramener. J'ai eu de l'espoir avec l'ouessien, en vain. Mais il n'est pas le seul à accomplir une telle chose malheureusement, Vallel aussi. En plus d'être maître de la chaire, il s'est rendu maître des esprits grâce à un objet provenant du Sans-Visage ! Il a dit qu'il passerait dire bonjour à Xël. Les retrouvailles risquent d'être charmantes ! Espérons qu'il se concentre sur ses propres recherches."

Loin de se blâmer, elle est simplement frustrée de voir que les choses se sont résolues si vite, si facilement, là où elle a mis tant d’effort en vain. Qu’importe, nous sommes là à présent et c’est ce qui compte pour elle. Son objectif est d’éliminer le dragon. Si Vallel se met en travers de notre chemin, il va prendre sévère. Elle espère cependant qu’il soit moins idiot que Gadory.

(Aussi étrange que cela puisse paraître, je pense qu’il ne m’a pas menti dans la Savane Thanatéenne.)

"Vallel ? Non, je pense qu'il ne sera pas une entrave. Il est semblable aux sorciers de la Lande, voué à la perfection de ses recherches et il a déclaré que le Dragon Noir était autant une menace pour lui que pour nous et j'ai tendance à le croire." J'hésite un peu avant de poser une question. "Tu...tu avais mentionné ton changement d'apparence et que ça semblait te bouleverser. Tu... veux en parler ?"

Elle pose un voile sombre sur mon cœur en refusant d’en parler. Sans aucune méchanceté, cela m’a cependant ajouté une petite peine sur le cœur. Moi qui ai exposé mes sentiments et elle qui refuse de franchir un pas similaire. Je ne peux lui en vouloir, cela reste sa décision après tout. Cependant, elle explique que n’a pas eu le choix que de subir ce changement physique. Elle a fini par s’y habituer avec le temps. Cette petite révélation est une maigre consolation, un demi pas pour s’ouvrir.

"D’accord." Fais-je simplement en retour. Voyant qu’elle ne souhaite pas s’épancher davantage, je me dis que j’ai déjà assez abusé d’elle, enfin de son temps. Je me lève et rajoute. "Je suis désolé, tu dois être terriblement fatiguée par cette journée, par tout ce qui s'est passé et moi j'en rajoute une couche. Je...je vais te laisser te reposer !"

Sans bouger, ni même essayer de me retenir ce qui est dommage, elle me dit en souriant de ne pas m’en faire, que parler avec moi a été agréable et qu’elle est heureuse que j’aille bien. Des ailes me poussent soudainement, m’offrant un sentiment de légèreté. Puis hésitante, elle termine qu’elle est là si j’en ai besoin. Je la regarde un instant, j'observe son sourire comme on admire un coucher de soleil et le lui rend.

"Et j'en est de même pour toi, il en a toujours été ainsi. Avant ou...ou maintenant. Je suis là si tu as besoin de parler..." Je commence à partir avant de finir, "...ou si tu as besoin de taper sur quelqu'un pour passer tes nerfs !"

(Non la laisse pas comme ça, faut que tu partes sur quelque chose de…fait lui un compliment !)

Reprenant son sourire à ma remarque, je sais ce qu’il me reste à faire.

"Bien sûr qu'on se revoit. Surtout si j'ai droit à ce si joli sourire !" Fais-je avec un petit clin d'œil et un sourire taquin.

Je n’ai droit qu’à un grommellement inaudible, un murmure que seules les oreilles le plus fines entendront, en guise de réponse avant que mes pas ne m’arrachent à ma contemplation d’elle. Je m’en vais avec le sourire, qui rapidement, laisse place à une profonde amertume.

(Tu veux en parler ?)

(Non je…Pourquoi si on s’attend à quelque chose et que cette chose se produise, on est quand même déçu ?)

(Peut-être parce qu’inconsciemment tu espérais autre chose !)

(Peut-être…qui sait ?)

(Tu sais tu devr…)

(Non ! J’ai…besoin d’être seul pour le moment. Seul avec mes pensées !)

(...Très bien !)

Je sais que j’ai fait du mal à ma faéra, mais clairement, j’ai besoin juste de souffler, me poser quelque part. Je finis par déambuler je ne sais où, atteignant une pièce où ce qu’il en reste. Je pose mes affaires et soupire longuement. Je ne suis de retour que depuis peu et pourtant la fatigue m’atteint déjà. Mon cœur fait des va-et-vient avec les différentes personnes avec qui j’ai discuté. Je crois que le pire reste l’enchaînement Akihito et Yliria. Je crois avoir fait trois fois le tour du cadran émotionnel avec ces deux-là. Ressassant ma dernière conversation, me demandant s’il y aurait pu une issue différente et comment il aurait fallu que j’agisse, je finis par fermer mes yeux. Une médiation que j'ai l'habitude de faire quand je perds pieds. Cependant, au bout d'un moment j'ai comme l'impression de sentir quelque chose, comme une pulsation qui vient de... de partout à la fois. C'est si puissant que je ne vois qu'une seule source capable d'un tel effet : le sceau principal. J'ai l'impression de le ressentir d'où je suis, j'ai l'impression de l'entendre, jai l'impression qu'il m'appelle et étrangement je me sens partir, comme une fatigue qui me tombe dessus après un gros effort. J'ignore quelle heure il est, ni si j'ai le temps de dormir. Quoique juste un peu, pas longtemps. Le temps d’une petite sieste. Oui c’est ça. Rien qu’une minuscule toute petite…

Je vois le sceau, sa lumière jaillir aussi puissante que l’astre solaire. Elle pulse, elle vibre, comme si elle était l’incarnation même de la vie. Puis soudain, un grondement sourd et puissant retenti, faisant trembler l’édifice qu’il entour et protège le sceau. Les pulsations deviennent plus intenses, de sorte que tout mon être entier vrombi en un puissant écho. Rugissant de plus en plus fort, la lumière fait de même et accroît sa puissance, ses pulsations et sa lumière, au point où déjà puissante, elle finit par complètement m’éblouir assez rapidement. Les mains devant les yeux et les paupières fermées ne suffisent pas à bloquer cette lumière.

Puis plus rien, bien moins fort en tout cas. Si la lumière décroît au fur et à mesure que mes yeux s’habituent à la nouvelle clarté, la pulsation cesse complètement. Lorsque je tente de me relever, un étrange toucher me fait brusquement relever la main : de l’herbe. Peu de temps plus tard, je contemple ce qui m’entoure. Une plaine, une vaste plaine légèrement boisée s’offre à moi. Je ne suis plus adossé à un morceau de roche, mais à un arbre, à l’orée d’une forêt. Il est grand, très grand, pour un arbre. Une légère brise vient me caresser la peau et le chant des oiseaux me chatouille les oreilles. Cet endroit est tout ce qu’il y a de plus agréable, à ceci près que je ne sais pas où je suis ni comment je suis arrivé là. Pourtant, la tranquillité du lieu prend le pas sur mes inquiétudes. J’ai tant souffert de ma mort, de mes morts, que je profite amplement de ce moment. Il sera toujours temps de réfléchir plus tard. Je me laisse aller, d’autant plus que je sens toujours la présence de ma faéra.

Mon regard se pose ici et là, admirant la beauté du paysage. Moi qui d’ordinaire ne jure que par le mysticisme qui se dégage de la mer, c’est assez ironique. J’ignore combien de temps cela dure, mais je suis interrompu par la présence d’un petit lapin blanc. Un petit être tout mignon qui ne semble pas se soucier de ma présence. Je pense en réalité qu’ il ne me craint pas, vu qu’il vient se nicher vers moi, montant sur mes jambes pour me regarder et regarder ailleurs, comme si je n’étais qu’un autre élément du paysage. Je profite de sa position pour délicatement le caresser sur sa petite tête toute mignonne, alors qu’il se laisse faire. Peut-être apprécie-t-il la chose. Puis il cherche, se laissant guider par les sens de son museau, certainement en quête de quoi manger. Il quitte mes jambes pour gambader un peu ici et là, lorsqu’un bruissement de feuille suspect réveille mon instinct. Avec raison, une grosse touffe rousse s’extrait avec vivacité d’un petit bosquet derrière-moi, attrapant le lapin après une brève course. La proie s’est laissée à l’oisiveté par ma faute, et je n’ai pas eu le temps d’esquisser moi-même le moindre geste pour empêcher la capture. Je regarde ainsi le renard et surtout le lapin dans sa gueule, le sang dégoulinant de sa fourrure blanche et pourtant, l’étincelle de vie présente.

Aussi perceptible qu’une montagne dans une plaine, de petites boules de lumières sont présentes au sein même du corps du lapin. J’ignore comment je suis capable de le distinguer, mais j’ai la certitude qu’il s’agit de la vitalité de l’animal et que tant qu’elles seront présentes, la vie sera encore sienne. J’ai donc encore le temps d’agir. Malheureusement, ce n’est pas au goût du renard qui me fuit. S’enfonçant dans la forêt qui se trouvait dans mon dos, je le prends en chasse, guettant les étincelles de vie qui décroissent fatalement. Je me précipite à sa suite, prenant le chemin le plus court en longeant les arbres, laissant les branches me fouetter le visage pour ne pas perdre trop de temps. Je saute par-dessus les rochers présents plutôt que de les contourner. De même, je ne prends pas le temps d’ajuster mes nombreuses réceptions, me fiant à mon instinct et à ma chance. C’est un gros risque que je prends, mais un risque calculé, car celui que je tente d’atteindre est terriblement rapide, au point où il disparaît de ma vue.

(Eh merde !)

Je l’ai perdu ! Incapable de pister sa trace, je tente néanmoins de voir s’il n’aurait pas laissé des marques que je pourrais percevoir, mais c’est à l’oreille que je l’entends. Du moins, un bruit étrange m’interpelle. Je m’approche lentement, sans bruit et contournant un buisson à pas de loup, j’aperçois le renard, mais il n’est pas seul. Tenant dans sa gueule le lapin, il le dépose aux bords d’un terrier dont plusieurs têtes sortent pour venir s’en repaître. Le renard était non pas un, mais une, chassant pour nourrir ses petits. Je vois ce que je prenais pour l’essence de vie quitter le corps du lapin et se diriger vers les êtres qui le dévorent. Le lapin mange, les renardeaux le mangent à leur tour, puis se sera un autre carnivore et au final, les carcasses finiront par nourrir les insectes, générant tout un écosystème qui se répercute aux végétaux pour enfin revenir aux herbivores. Un cycle de vie à lieu sous mes yeux et moi, dans mon profond égoïsme, influencé par l’apparence du lapin, j’ai eu l’audace de me croire supérieur. D'estimer qui à le droit de vivre ou de mourir selon mes propres standards. Au final, je ne suis qu’un être parmi tant d’autres, une individualité qui n’a aucune influence sur le monde qui m’entoure. Vivre à contre-courant serait comme nager en remontant le lit d’un fleuve trop fort. Au lieu de chercher à dominer les éléments, il faut se laisser guider par eux, vivre en ne faisant qu’un avec la nature, le tout dans une harmonie parfaite et surtout naturelle.

Au final, mon existence dans ce monde, au milieu de toute cette multitude de créatures, n’est rien de plus qu’un grain de sable dans le désert. Du haut de mon statut d’homme, je ne suis au final, rien de plus qu’un insecte.

Soudain, le sol tremble et un vent violent surgit. Provenant du ciel, une masse monstrueuse brise un ciel soudain nuageux. Un dragon ! Mais pas n’importe lequel. Des écailles rouges, un ventre pâle, de monstrueuses griffes et un souffle nasale chaud, en plus d’être olfactivement répugnant. Voilà mon grand poto, le Veilleur.

"Il est temps de payer pour ton insolence misérable insecte !" Déclare le dragon.

"La dernière fois ne t’as donc pas suffi ? Tu es revenu te faire humilier ?"

"Tu n'es rien dans ce monde, pas même dans le tien et je suis sûr que nul n'a remarqué que tu avais disparu pour venir ici ! Tu te prends pour un héros, mais tu n'es rien d'autre que l'ombre d'un autre ! Si je n'avais pas eu envie de me salir avec ton sang répugnant, j'aurais pu te tuer cent fois !"

Je ne sais pas si c'est la réplique d'Akihito, ou l'insinuation fait que je ne sois jamais plus que l'ombre du bridé qui me met le plus dans une rage folle, me poussant à l'affronter. J’use de ma volonté pour modeler ma magie à ma guise, mais celle-ci me fait défaut. Comme si elle ne faisait pas partie de moi. Comme si elle n'en avait jamais fait partie.

"Tu mourras comme tu as vécu. En misérable et arrogant humain ! Toi qui aime les énigmes j'en ai une pour toi ! Sais-tu ce qu'est un homme qui joue avec le feu en restant lié à ses convictions au lieu de mettre son égo de côté, au lieu d'écouter le monde ?"

"Un homme qui reste intègre et fidèle à lui-même !"

"Un tas de cendre !" Déclare-t-il avec un sourire plein de malveillance.

La gueule ouverte, je vois une lumière ardente apparaître au fond. Pas une flamme n’est présente et pourtant, je sens déjà la brûlure de son souffle sur ma peau. Comme une ruée sauvage de chevaux de feu, ses flammes jaillissent de sa gueule pour carboniser tout ce qui se trouve sur son passage.

J’ignore comment, mais je suis indemne et autour de moi, il ne reste rien, absolument rien. De la luxuriante forêt, des braises ardentes, un sol chargé de cendre et une fumée si épaisse qu’on ne voit pas à plus de quelques mètres. Plus un oiseau ne chante, le silence n’est que brisé par le son de plus en plus fort, d’une marche qui progresse jusqu’à moi. Une silhouette se distingue au travers de l’épaisse fumée dans une démarche masculine. Les traits se forment petit à petit sur le visage qui me rappelle quelqu’un. Moi ! Mais, mon moi affublé d’un rictus de plaisir mauvais, de celui qui prend son pied à faire souffrir les autres. Et malheureusement, les autres c’est moi.

"Comme on se retrouve !" Lâche-t-il.

"Mais, je t’avais pas déjà tué toi ?" Fais-je en cherchant à le pousser à la faute.

"Si tu vis, moi aussi ! Tu ne l’avais pas compris ? Je suis toi et tu es moi !"

"Ha non ! Désolé, mais non ! Là tes machins qui te sortent des mains c’est pas moi, très clairement !" Dis-je en croisant les bras. "Y a erreur sur la personne !"

"Tu parles de ceci ?" Les mains tendues vers le sol, ces mêmes fouets que j’ai vus dans le cristal sont là, ignobles et menaçant. "Ca te rappelle des souvenirs hein !"

D’un coup rapide, il m’envoie un de ses fouets au visage. Ma tête part sur le côté en réaction au choc et une main ensanglantée confirme la naissance d’une plaie sur la joue.

"On y prend vite goût n’est-pas ?"

Résigné, je ne dégaine pas mes armes.

"Je ne te combattrais pas ! Je sais pertinemment que cela ne me mènera nulle part !"

"Quoi ? Nooon ! Tu gâches tout le plaisir ! Bon je devrais peut-être trouver de quoi te motiver alors ?"

Un fouet disparaît derrière-lui dans la fumée et un cri de douleur retenti. Une voix féminine que je reconnais qui me glace le sang. Tirant pour la traîner à ses pieds, Yliria fait irruption sur la scène. Son armure est brisée, presque inexistante et un morceau de sa propre rapière lui transperce le flanc. D’apparence, elle semble avoir bien morflé et n’a de force que pour rester consciente. Le sang séché, a ruisselé sur ce qui reste de vêtements qui préservent encore sa pudeur. Elle halète, elle tremble et des sillons d’eau effacent légèrement les marques de son visage, prenant naissance dans ses yeux bleus. Tirant sur le fouet qui entoure son coup. Mon double l’apporte à lui, à hauteur de sa tête.

"Alors t’as toujours pas envie de venir jouer ? Et si je fais ça ?"

Il se tourne vers son visage et ma langue, sa langue, vient lui lécher le long de son cou. Il ne m’en faut pas plus. Je parcours le peu de distance entre lui et moi, frappant de toutes mes forces. Qu’importe si je me brise moi-même les dents ainsi, je refuse qu’il agisse de la sorte avec Yliria. Mon poing vient se ficher dans sa gueule et je l’envoie quelques pas plus loin. Je porte ma main au visage, mais rien. Pas la moindre blessure. Mon double accuse le coup, la gueule ensanglantée quant à Yliria, elle n’est plus là, tel un fantôme qui se disperse dans la brume de cendres.

"Alors je sais pas pourquoi, ni comment, mais je vais profiter de cet instant tant que ça dure !" Je me rapproche rapidement de lui et recommence à le frapper, encore, encore et encore. "Je t’ai pourtant bien dit que je ne suis pas toi !"

Le rugissement de ses fouets vient me repousser en arrière, me laissant le plaisir de jouir de son visage effaré par la situation.

"Non ! C’est impossible ! Tu es moi ! Je suis toi ! Nous ne sommes qu’un ! Et…et nous ne ferons qu’un !"

Ses fouets claquent au sol avant de se faire projeter jusqu’à moi. Ils ne me frappent pas au visage. Non, il n’y a aucune cruauté à cela. A la place, ils se plantent dans mes mains, exactement là où naissent les siens, s’enfonçant encore et encore dans mes avant-bras, générant une douleur atroce, au-delà de l’imaginable. Pourtant, je refuse de le laisser agir à sa guise. Pas maintenant que je peux l’atteindre physiquement. Attrapant ses fouets dans chaque main, je pose un pied sur son torse et ses yeux s’arrondissent lorsqu’il comprend mes intentions. Je pousse de toutes mes forces et de toute mon âme, tirant dans le même temps ces maudits fouets. J'extrais dans une gerbe de sang, rythmé par ses hurlements à m’en faire perdre la tête, ces choses dont il semblait si fier.

Il tombe au sol, contemple ses bras ravagés, ne laissant de preuves de ses armes ignoble qu’une croix dans le creux de ses mains. Moi, je suis face à lui, toujours avec ses fouets qui dépassent de mes propres mains.

"Achève-moi !" Déclare-t-il dans un murmure à peine audible.

Le voir ainsi, me fait perdre mes moyens. J’ai tellement eu envie de me tuer, de le tuer. Je sais ce que ne plus exister signifie à présent et grâce ou à cause de lui. Personne ne devrait subir un tel sort.

"Non !" Fais-je simplement. "J'en ai assez fait. Je refuse de te donner cette satisfaction de te tuer, de t'obéir. J'ai déjà trop de sang sur mes mains pour devoir rajouter le mien ! J’en ai fini avec toi !"

Je me détourne de lui pour partir. Je n’ai ni envie de me tuer, ni envie de voir cette image de moi-même.

"Tu n’en auras jamais fini avec moi !" Fait-il, alors sa voix s'estompe au fur et à mesure que je m'éloigne de lui. "Je serais toujours en toi ! Toujours !"
Modifié en dernier par Jorus Kayne le sam. 19 août 2023 14:34, modifié 3 fois.

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Mathis
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Re: Lande Noire

Message par Mathis » sam. 19 août 2023 01:00

Leurs corps retrouvés, mes compagnons de Yuimen quittèrent la salle. Contrairement à eux, je restais là parmi les cadavres. J’avais besoin moi aussi de repos, mais avant de me retirer, je tenais à éclairer Visselion sur certains faits. Je m’approchai donc du sorcier. Sur un ton prudent, je l'informai.

“Lorsque je n'étais qu'esprit, j'ai rencontré Vallel. Il était reconnaissant et prêt à nous aider. Il est présentement à Orsan, il viendra apporter son aide à notre demande."

Il fut d’abord surpris de ce que je venais de dévoiler. En toute transparence, il m’avoua qu’il ne savait pas si c’était une bonne chose ou pas. Même s’il avait toujours admiré Vallel pour ses pratiques expérimentales et pour sa curiosité intellectuelle, il ne pouvait ignorer tous les torts que Vallel avait causés à Elscar’Olth. Ouvert d’esprit, il conclut que l’aide proposée même par Vallel ne pouvait être que positive.

Depuis mon arrivée sur Elscar’Olth, je m’étais méfié de Visselion, je l’avais jugé opportuniste et inconscient des risques. Par contre, depuis ma petite excursion dans son corps, mon avis sur cet homme avait changé, je le comprenais mieux et je lui faisais davantage confiance.
Je tentai de le rassurer en lui donnant des informations supplémentaires.

"Oui, il était prisonnier des savanes tanathennes comme moi, Silmeria, Akihito, Jorus et Dracaena. Il dit ne plus vouloir se venger. Ce serait désormais de l'histoire ancienne. Il veut demeurer à Orsan, mais est disposé à nous aider si besoin. "

Lucide, il me fit remarquer que les gens ne font pas toujours ce qu’ils disent. Tout en demeurant prudent, il ne craignait pas le retour de Vallel, l’avenir dévoilerait bien assez tôt le rôle qu’il aurait à jouer.

" Vous avez raison. Il faut demeurer prudent. Mais son aide n'est pas à négliger. Comme vous dites, nous verrons."

À présent que je lui avais raconté ma brève discussion avec Vallel, je me sentais plus léger. Depuis, ma brève cohabitation avec Visselion, je me sentais incapable de lui cacher ce que je savais. Cela dit, je regardai les cadavres au sol

“J'irai bien me nettoyer, mais avant je vais vous aider à disposer des corps de ces bêtes mortes "


Visselion accepta mon offre sans hésiter. Je pensais que nous allions transporter ces cadavres à l’extérieur de la cité, dans une espèce de fosses communes avant de les incinérer, mais à ma grande surprise, il suffisait de les mettre dans les tubes qui nous avaient maintenus en vie. Tout en transportant les corps, curieux de nature je demandai :

"Qu'arrivera-t-il à ces corps une fois dans les tubes ? "

Visselion me répondit que les corps seraient conservés afin de lui permettre de les étudier plus en profondeur.

Satisfait de la réponse, je hochai la tête tout en rajoutant:

"Si vous n'avez plus besoin de moi, j'aimerais qu'on m'indique le chemin afin que je fasse une toilette."

Je fus alors accompagné jusqu’à une grande salle principale. La cité étant principalement en ruine, un campement temporaire avait été installé. Cette salle était plus imposante et mieux aménagée que la grotte, mais elle portait les nombreuses traces de sa destruction. À ma demande, on me conduisit à un endroit me permettant de faire ma toilette. J’avais hâte de me débarrasser de ce liquide collant et visqueux qui s’était avéré très utile pour la conservation de mon corps le temps de mon séjour dans le tube.
J’entrai dans une pièce sobre, sans artifice, mais muni du nécessaire pour faire ma toilette. Je remplis la cuve de pierre de l’eau mise à ma disposition lui rajoutant de l’eau plus chaude provenant d’un contenant disposé au-dessus d’un feu.

Sans me presser, je me dévêtis et disposai mes vêtements dans un tas sur le sol. J’entrai dans l’eau tiède, je m’y assis, m’adossant contre la pierre. Les yeux fermés, je m’octroyai un moment de relaxation. Puis usant de l’éponge et du savon mis à ma disposition, je débarrassai ma peau et mes cheveux de toute la saleté. Cela fait, je sortis du bain, me séchai rapidement et enfilai des vêtements propres disponibles dans mon sac.

Je pris alors mes vêtements sales, les fit tremper dans la cuve, je les frottai avec du savon, les rinçai, les essorai, puis les étendis sur une corde. Cette opération prit un certain temps, et même si j’avais auparavant utilisé la magie d’Aliaénon pour me nettoyer, j’évitais à présent de l’utiliser sans bonne raison. Je ne réalisai qu’à présent le risque que j’avais pris à ce moment-là.

N’attendant pas que mes vêtements sèchent, je ramassai le reste de mon équipement et me dirigeai vers la salle commune avec l’intention de me sustenter.

Un miaulement provenant du fond de la salle attira mon intention. Au fond de la salle, Praline était couchée sur les genoux de la vieille Géryick. Celle-là même qui avait, quelques jours plus tôt, souhaité éventrer ma chatte afin d’en faire son goûter. Précipitamment, je me dirigeai vers eux dans l’intention de récupérer mon animal de compagnie. Dès que je fus suffisamment porche, je constatai que Praline semblait apprécier la vieille dame qui lui caressait le pelage. Le miaulement entendu n’était donc pas un cri de détresse, mais une requête de Praline afin que les caresses ne cessent.

Soulagé, je m’approchai de la vieille et je lui souris:

« Je vous remercie de vous être occupée de ma chatte Praline pendant mon absence, elle semble bien vous apprécier. »

Surprise du nom de ma chatte, elle répondit que celle-ci semblait très appétissante, tout en rajoutant qu’il n’existait pas ce type de félin sur Aliaénon, elle me questionna sur l’origine de son prénom qu’elle semblait plutôt associer à la race de l’animal. Ma gorge se serra aussitôt, et je devins légèrement nerveux. Ma première impression avait été la bonne, elle ne voyait en Pralin qu’un futur repas. Si cette dernière était encore vivante, elle le devait à sa maigreur apparente. Prudent, tout en demeurant aimable avec la vieille femme je répondis:

"J’ai choisi son nom en fonction de la couleur de son pelage."

Je tendis les bras vers Praline, qui à mon grand soulagement, sauta dans mes bras. Bien que je la savais très attachée à moi, les chats étaient de nature très indépendante et leur attitude et leur comportement n’étaient pas toujours prévisibles. Ma chatte à présent en sécurité dans mes bras, je pris place à côté de la dame et je poursuivis la conversation.


"On m'a dit que vous êtes une des doyennes de cette cité. Faites-vous partie de ceux qui ont mis en place le premier seau de protection ? "


Elle me dit ne plus posséder la vision de jadis. Fait que j’avais remarqué, la considérant presque aveugle. Elle me confirma ensuite avoir participé à la mise en place des seaux de protection.

Toujours aussi aimable, je poursuivis:

« Souvent lorsqu' un sens nous fait défaut, un autre prend le relai. En fut-il de même pour vous ? »

Sa réponse fut négative, justifiée par son âge avancé. Je poursuivis:

« Mais votre savoir et expérience valent leur pesant d ‘or. Cela dit je vous remercie d’avoir pris soin de ma chatte Praline pendant mon absence »

En plus d’être aveugle, elle semblait un peu confuse. Je compris vite que la conversation deviendrait rapidement stérile à ses côtés.

Sur un ton aimable, je terminai la conversation:

"Merci et au revoir"

Elle me rendit mon sourire et sembla se déconnecter de la réalité.

Sans tarder, je me dirigeai vers Allosarh, que je venais de remarquer non loin de là.

"Je cherche Simaya, pouvez-vous me dire ou elle est dans la cité ? "

Je me sentais très coupable auprès de Simaya et je voulais m’excuser personnellement auprès d’elle.
Il fut vraisemblablement surpris de ma présence en leur cité. Ignorant ma participation au combat, ce qui était tout à fait normal, puisque je l’avais fait sous une apparence qui n’était pas la mienne.

"Oui, j’ai participé d’abord sous la forme d’une femme insectoide. Puis j’ai emprunté le corps d’une bestiole volante géante et tué ainsi ses congénères pour ensuite la faire se suicider. J'ai pu entrer dans la ville grâce à la générosité de Visselion qui m'a hébergé temporairement dans son corps."

Puis il m’expliqua que Simaya avait disparu, la nuit suivant notre mort. Xël avait réussi à l’extirper du cristal rouge, mais elle en était sortie avec son double.

Je blêmis lorsqu'il parla du sort de Simaya.

"Je devrais partir à sa recherche, je suis responsable de son état"

Dis-je d'une voix penaude

"Vous n'avez aucune idée où elle pourrait se trouver ? "

Pour sa part, c’était la portion de mes explications concernant Visselion qui le taraudait. Éberlué, il ne comprenait pas en quoi Visselion m’avait hébergé. Comprenant aisément que mon récit n’était pas facile à comprendre et à croire, je tentai de lui expliquer de mon mieux.

"Mon esprit était errant sans corps, je ne pouvais pas entrer dans votre cité. Heureusement d' ailleurs, cette protection est nécessaire. Je suis donc entré dans son corps, son esprit m'a fait une petite place. Nous étions deux dans le même corps le temps que j'entre dans la cité. "

En ce qui concernait Simaya, il m’assura que s’ils avaient le moindre indice de l’endroit où elle se trouvait, ils seraient déjà partis à sa recherche.

Je réfléchis un instant...

"Elle est peut être retournée voir un sorcier qui pouvait l'aider..."

Allosarh, l’ai confus, avoua ne pas trop comprendre ce qui s’était passé entre moi et Visselion, malgré mes explications. En ce qui concernait mon hypothèse de recherche de sorcier, il expliqua qu’il y en avait que dans la cité Elscar’Olth, en ce qui concernait les landes noires.

Je hochai la tête d'un côté et de l'autre.

"Je dois la retrouver, sinon je m'en voudrais toute ma vie."

Il me suggéra alors de faire appel à Xël ou Yliria, croyant qu’ils pourraient peut-être trouver réponse à ma question.

"J'y vais de ce pas. Merci"

Après un bref signe de tête, je le quittai. En faisant le tour de la salle commune à la recherche de Xel, je vis Jorus. Je partis donc dans sa direction.Une fois à proximité, je m’arrêtai pour lui parler de mon air aimable habituel.

"J'espère que le retour dans ton corps s'est bien passé. J'ai tenté de tuer la bête d'un coup afin de ne pas la faire souffrir. Le fait qu'elle dorme a facilité les choses. Il m'est toujours difficile de tuer, même les ennemis."

Jorus ne me répondit pas immédiatement, il regarda autour de lui avant, comme s’il voulait confirmer que c’était bien à lui que je m’adressai. Cet étrange comportement me rendit perplexe et un peu méfiant, mais je n’en fis rien paraître.

Sur un ton plutôt aimable, il me répondit que retrouver son corps lui avait procuré un grand bien et n’avait aucunement souffert puisque la mort fut rapide. Puis il rajouta qu’il pouvait au moins me remercier pour ça.

(Au moins pour ça ?... )

Je me doutais bien qu’il me reprochait l’appel à la magie suite au cauchemar, j’ignorai donc cette remarque, puisqu’il ne m’en parlait pas directement. Je me contentai de répondre:


"Pas besoin de me remercier, c'est naturel. J'ai appris que Simaya a disparu. Je veux partir à sa recherche. C'est pourquoi je cherchais Xël, il a un lien tout particulier avec elle. Il sait peut-être comment la retrouver."

Ce fut cette fois d’un ton froid qu’il m’affirma que Xël ne partageait aucun lien particulier avec Simaya. Un peu surpris de sa réponse, je lui expliquai tout de même d’un ton aimable le pourquoi de mon affirmation au sujet de Xël et Simaya.

"Xel a un lien fort avec l'amoureux de Simaya. C'est pourquoi je pensais qu'il pourrait peut-être trouver un moyen de la localiser."

Il avait lui-même priorité de retrouver Simaya, mettant en second plan, la neutralisation du dragon. Il termina en affirmant que nous devrions avoir recours à notre magie. À l’évocation de cette magie, je me sentis blêmir, et les larmes montèrent à mes yeux. J’orientai mon regard vers le sol, tentant de retenir mes larmes. Je ne fis aucun autre commentaire éprouvant de la difficulté à déglutir.

Il nuança finalement son opinion en changeant l’impossibilité par un sérieux doute. Mon attitude ne passa pas inaperçue, et il me demanda comment j’allais. Je tâchai de cacher mon malaise face à la magie.

"C'est la... magie...d'Aliéanon."

Je réussis, non sans peine, à retenir mes larmes,

"Je ne veux plus m'en servir... c'est trop dangereux." Dis-je avec émotion.

Cette fois, le ton de Jorus se fit moqueur frisant l’hostilité. Ce fut les bras croisés qu’il me rappela que je n’avais pas hésité à utiliser la magie dans la pyramide, il me nargua également au sujet de ma relation avec Vallel. Il ne semblait pas du tout comprendre l’urgence de la situation. Contrarié par son attitude et surpris de son agressivité soudaine, je répliquai:

" Mon but à ce moment-là, c'était de réparer mon erreur, de ramener mes compagnons à la vie. Donc pour cela j'étais prêt à faire confiance...même à Vallel. Je ne comprends pas pourquoi tu t'es transformé en boule de chair, mais je t'assure que ce n’est pas de mon fait.Je n'aurais jamais souhaité un tel sort à un de mes compagnons."


Ce fut à ce moment qu’il m’avoua sans remords qu’il était responsable de sa transformation. Ce sort était réservé à moi, Silmeria et Hrist afin de nous empêcher de détruire la pyramide. Et comble de malheur pour lui, et heureusement pour nous, ce fut lui qui le prit de plein fouet.

Ce que je ne comprenais pas, c’est la rancune qu’il vouait à mon égard alors que je n’avais que tenté de nous sortir de là, tandis que lui avait tenté de nous tuer carrément.

Sans animosité, toujours sur le même ton calme, je lui expliquai ma situation d’alors.

"Détruire la pyramide était la seule façon de libérer nos esprits pour rejoindre nos corps...Nos esprits étaient prisonniers et notre énergie était canalisée par le maître des lieux. Je ne t'en veux pas d' avoir voulu nous transformer...je suis bien placé pour comprendre que même si animé de plein de bonne volonté , on peut créer des catastrophes."

Je faisais bien entendu ici référence à mon utilisation de la magie afin de faire juger Silmeria.
Jorus ne partageait décidément pas mon avis, pire encore il semblait fermer à toute nuance et à l’adaptation de nos actes selon les circonstances. Il me reprocha donc la libération des âmes et m’énonça le risque que ceux-ci s’en prennent à des innocents.

Sans me départir de mon calme, je tentai de nouveau de lui faire valoir mon point de vue.

" J' avoue avoir eu beaucoup de scrupules à investir un autre corps que le mien. Je ne l'ai fait que pour les bestioles qui attaquaient la cité. Comme tu l'as fait pour la bête-loup… Et il n'est pas si facile de déposséder un corps."

Enfin, il sembla comprendre et avoue avoir agi de même dans le but d’aider. Cependant, il semblait craindre que d’autres âmes libres puissent avoir moins de scrupules et s’en prendre à des êtres plus faibles, tels les enfants.

Je commentai à mon tour.

"Ma priorité était de ramener nos compagnons...Et puis, l'âme des enfants est pure et plus forte...Et il ne faut pas oublier que cette savane renfermant les esprits était artificielle et récente. Cela n'existait pas à l'origine... Pour le moment c'est le faisceau qui attire les bestioles...un autre problème à régler "

Jorus utilisa cette fois le sarcasme pour faire valoir son point de vue, il tenta de me ridiculiser en se moquant de mes dernières paroles doutant sans doute de mes réelles intentions.

Je regardai Jorus dans les yeux , sans aucune provocation, quelques instants. Je voyais bien que je ne pouvais avoir une conversation constructive avec lui, il en avait trop sur le cœur. Ce fut donc d’un ton calme que je tentai de crever l’abcès.

"Toute cette rancune que tu gardes contre moi. Déversez-la une bonne fois pour toutes. Je vais t'écouter. Ensuite nous pourrons aller de l’avant et trouver des solutions. "

Il répliqua qu’il n’avait aucune rancune à mon égard, mais ne me faisait aucunement confiance. Il m’accusa d’avoir suivi aveuglément les consignes de Vallel. Ce dernier étant de prime abord un ennemi. Il me reprocha ensuite d’avoir détruit sans avoir tenté de trouver la moindre alternative.

Le chat était enfin sorti du sac. Connaissant ses reproches à mon égard, je pouvais enfin m’expliquer. Ce que je fis.

"J'ai l'impression que c'est plus que ça. Sinon tu en voudrais aussi à Silmeria. Et je n'ai pas suivi Vallel aveuglément et j'ai cherché d'autres solutions."

Les yeux plissés, sur un ton neutre et sans animosité cette fois, il me demanda de lui dire ce que j’avais tenté d’autre. Puis en utilisant le surnom de Régicide pour parler de Silmeria, il m’indiqua clairement que je me trompais et qu’il ne la portait pas davantage dans son cœur.

Je répondis bien volontiers à ses questions, je n’avais rien à cacher.

"J'ai interrogé Akouba assez intensivement cherchant un moyen de retrouver nos corps. Il était catégorique nous étions là pour l'éternité...J'ai ensuite exploré la salle du trône seul. Et je me suis fait prendre par un gardien...qui m'a immobilisé... Nous étions dans une prison. "

J’enchaînai ensuite sur Silmeria.

"En ce qui concerne Silmeria ou de Hrist... j'ai rien senti de négatif à son égard de ta part...à part le sort que tu as lancé dans la pyramide "

Il m’assura que je me trompais, il se méfiait de Silmeria et s’attendait à ce qu’elle nous poignarde dans le dos à un moment ou à un autre. Puis avec un sourire moqueur, il dit se souvenir de mon épisode sur le trône d’Akouba. Il ne partageait pas mon opinion au sujet de Jésuir, il avait eu l’impression que l’archisorcier et Honoka s’y trouvaient très bien. Il me reprocha de ne pas avoir discuté avec les dits prisonniers afin d’avoir leur opinion.

Toujours sur un ton railleur, il me demanda alors pourquoi j’avais agi si rapidement aux ordres de Vallel, si mes intentions étaient aussi pures que je l’affirmais.

Je n’eus pas besoin de réfléchir pour répondre à cette question.

"En effet, j’ignorais que nos corps avaient été conservés. Donc pour moi le temps était compté. Et je tenais à réparer mon erreur et vous permettre de récupérer vos corps en premier et le mien par la suite.”

Une fois de plus, j’étais sincère, mais je commençais à penser que je ne réussirais jamais à le convaincre de ma bonne volonté.

Il voulait plutôt savoir pourquoi dans la pyramide, je n’avais pas utilisé la magie pour trouver une autre solution que celle de détruire la pyramide.

Ce fut avec transparence que je répondis promptement.:

"J'ai fait mon possible... j'ai pas trouvé d'autres solutions "

Rien à faire, il tentait encore de me provoquer avec ses sarcasmes, mais je ne mordis pas à l’hameçon. J’étais conscient des actes que j’avais faits, j’étais prêt à admettre mes erreurs, mais je considérais que détruire la pyramide n’en était pas une. Cette fois, je décidai d’ignorer son sarcasme me contentant de l’observer un moment.

Puis je lui demandai toujours sur un ton aimable.

" Et toi, quel était ton plan ? "

Puisqu’il avait été si habile pour critiquer mes actes peut-être que lui avait trouvé de meilleures idées.
Il m’avoua que son plan consistait essentiellement à garder la pyramide intacte et empêcher Vallel de survivre.
Constatant que nous tournions en rond, je lui dis:

"Si vous n'avez plus rien à me reprocher, je repars à la recherche de Xel, afin de trouver un moyen de retrouver Simaya "

Alors que je m’apprêtais à prendre congé de lui, il me demanda si j’avais eu l’occasion d’échanger avec les autres depuis mon retour.

Je répondis simplement:

"Avec Visselion, le sans visage, Allossar et la vieille dame seulement. "

Son ton redevint aimable, il me souhaita bon courage pour la suite. Il dit ne pas m’en vouloir d’avoir utilisé la magie, qu’il aurait fait de même dans ma situation. Mais il pensait qu’il en était autrement pour les autres.

Même si curieusement, il ne m’en voulait pas d’avoir utilisé la magie, je ressentais le besoin de m’expliquer.

"Cela peut paraître un prétexte... mais je vous ai tous vus mourir...et j'ai seulement souhaité le jugement de Silmeria et non pas sa mort...je ne pouvais pas deviner qu'il s'agissait d'un cauchemar ... Je ne comprends pas pourquoi nous sommes morts...nous étions dans des cristaux "

Témoin de la scène, il savait que mon appel à la magie était lié au cauchemar que Silmeria m’avait infligé. Il dit que le cauchemar était apparemment une malédiction liée aux choses personnelles de Silmeria. En ce qui concernait la mort dans les cristaux, il n'en avait pas la moindre idée. Puis, il sembla être ailleurs, à moitié. Il prit sa tête entre sa main droite et la secoua.
Le voyant pris d’un malaise, redoutant qu’il s’évanouisse, je m’approchai de Jorus, prêt à le ramasser.

Je lui demandai inquiet:

"Ça va ? "


La tête entre ses mains, il était victime de violents coups secs de la tête d’un côté et de l’autre. Il balbutia des bouts de phrases incomplètes. Il se souvenait du cristal, de son double de leur affrontement. Et puis, comme s’il y était, il s’empara de la lame du dragon et transperça le cœur d’un ennemi invisible. Il se tut ensuite, la peau livide et les yeux hagards. Il laissa tomber sa lame au sol, puis je vis ses genoux fléchir, sa tête s'alourdir. Je me précipitai agilement sur lui et je le rattrapai avant qu’il ne s’écroule sur le sol.

"Je vous emmène à l'infirmerie, vous avez besoin de repos. "

Prestement, de ma main libre, je ramassai la lame de Jorus et la remis dans son fourreau. Puis le soutenant, je le reconduis à l'infirmerie demandant mon chemin en passant pendant que ce dernier ne cessait de répéter de façon sporadique: Yli

Ayant reçu des consignes claires d’une jolie femme aux yeux noisette, je me rendis à l’infirmerie rapidement. Une fois là, je regardai les personnes présentes et demandai.

« Quelqu’un peut l’aider ? Il délire ! »

Sur un lit, je pus voir Akihito, profondément endormi. Ce fut le sorcier Zacara qui vint à notre rencontre. Il m’indiqua un lit où je pouvais déposer Jorus. Une fois Jorus étendu sur le dos. Zacara apposa ses mains sur Jorus puis m’expliqua ce qu’il en était. Jorus allait bien, l’âme et sa chair se réapprivoisaient. Zacara attira l’attention de Jorus sur lui et tout en le regardant fixement, il lui dit:

"Jorus, fixez-vous sur mon regard. Fixez-vous sur la réalité. Vous êtes en vie."

Bien que Jorus regardait Zacara, il ne semblait pas le voir et continuait à demander Yli.

Je me tournai vers Zacara et je lui demandai :

« Pensez-vous que ça pourrait l'aider si j'allais chercher Yliria ...? Puisqu’'il semble l’appeler, ça rejoindrait le rêve et la réalité ? »

Zacara n’approuva pas mon idée. Au contraire, il craignait que ça augmente sa confusion. Il suggéra plutôt d’attendre qu’il se réveille. Je pris donc une chaise disponible et je pris place au chevet de Jorus attendant son réveil. Praline qui m’avait suivi, sauta dans mes bras et je caressai son pelage tout en réfléchissant à la situation présente et au fait que la nature humaine était bizarrement faite. Depuis le début de la conversation, Jorus cherchait à me prendre en défaut, à me narguer, et voilà que moi au lieu de partir et le laisser à son propre sort, je reste là, à le veiller. Quoi que les autres puissent dire, notre groupe bien hétéroclite commence à se rapprocher. Il n’y a pas de doute, les disputes se poursuivront, mais lorsque l’un de nous sera en détresse, il y aura quelqu’un pour veiller sur lui.

Je demeurai silencieux sur ma chaise un bon bout de temps. Zacara était affairé et je ne voulais pas le déranger. Alors que je l’observai lui et ses assistants, j’entendis Jorus pousser une longue respiration plutôt bruyante. Zacara vient aussitôt vers nous et m’annonça que Jorus avait enfin émergé parmi nous. Il serait complètement rétabli après un peu de repos.

Je lui souris.

"Merci, je vais le veiller jusqu'à ce qu'il soit mieux.”

Ce qui ne tarda pas. Dans les minutes qui suivirent, Jorus sembla reprendre ses repères. La main appuyée sur son collier, il annonça qu’il était là. Zacara était retourné au chevet de ses autres patients.

Pour ma part, je restai assis, Praline ronronnant sur mes genoux.

Lorsque Jorus tenta de s’asseoir dans son lit, je m’empressai de lui venir en aide.

« Prends ton temps, vas-y doucement »

Il n’arrivait pas à croire ce qui venait de se passer, et moi je ne saisissais pas un mot de ce qu’il voulait dire. Désireux d’en savoir plus, je lui demandai.:

"Peut-être en parler te ferait du bien ? "
Pour toute réponse, il manifesta son désir de marcher tout en questionnant sur l’état des autres patients. "Ils sont stables, Zacara s'occupe bien d'eux "

Timidement, il tenta de se mettre debout. Je m’approchai de lui et lui proposa mon bras pour le soutenir. Il accepta mon offre et nous sortîmes de l’infirmerie. Je demeurai silencieux, veillant à ce qu’il ne perde pas l’équilibre. J’attendis qu’il prenne la parole, j’avais posé une question, la réponse ne saurait tarder.

Puis, il brisa le silence, me dévoilant que dans le cristal, il avait vu la mort... sa fin.

Perplexe, je le questionnai

"Moi je n'ai vu que mon double. Et quand je le frappais, c'est moi qui étais blessé... Qu' as-tu vu précisément ?"

Il avait vu presque la même chose que moi. Sauf que le combat l’aurait tué. Je ne comprenais pas comment ça avait pu lui arriver. Pour ma part, je ne savais pas comment je suis mort, mais j’avais la certitude que le combat contre mon double n’en était pas la cause. Je demeurai donc muet l'invitant à poursuivre du regard.

Il me dit qu’au deuxième essai, il avait tué son double. Interloqué je demandai:

"Comment as-tu fait sans te tuer toi-même ?

En fait, il était mort au même moment qu’il avait tué son double. Mais il expliqua qu’il n’avait non seulement perdu son enveloppe charnelle, mais son âme également.

Surpris, mais intéressé, je le questionnai:

«Et comment ton âme a pu survivre ?

Il n’en avait pas la moindre idée. Il affirma pourtant qu’il savait désormais que le dragon noir personnifiait la mort et non la vie.
Captivé, mais incertain de comprendre je demandai

"Et comment as-tu fait pour atteindre ton âme et pourquoi fais-tu le lien entre la mort de ton âme et le dragon ? "

Il s’arrêta alors et reprit la même arme qu’il avait sortie avant son malaise. Il m’expliqua que sa lame avait été forgée avec un éclat de l’une des dents du dragon noir. Elle avait le pouvoir de blesser les âmes. Il s’en était servi pour frapper son jumeau diabolique à plusieurs reprises, mais l’effet n’avait pas été immédiat. Cette fois, je comprenais pourquoi il avait été ainsi perturbé.

"Je comprends mieux le lien entre ta mort et le dragon. "

Je pensais comme lui, nous ne pouvions permettre que le dragon fasse subir un tel sort à tous les habitants d’Aliaénon d’abord et des autres mondes ensuite. Il ignorait comment il avait échappé à la mort, mais il était conscient de sa chance.

"Tu as bien raison...pour ma part, une de mes peurs fut de demeurer un esprit errant... "

Ma remarque tomba à plat sans aucun commentaire de sa part.

Une fois à la salle commune , je relâchai le bras de Jorus et je lui demandai

" Ça va aller ? "

Il me répondit par la positive et me remercia. Je lui souris puis je le laissai rejoindre d'autres gens.

De mon côté, je me dirigeai vers le fond de la salle où la nourriture était servie. Je me pris un plat et le garnis des divers aliments présentés et y rajouter un gros morceau de pain. Je ne pouvais discerner de quoi il s’agissait précisément, mais je choisis de ne rien demander, et de me contenter de goûter. Je me choisis une place un peu isolée, mais pas trop m’assurant de pouvoir les gens entrer et sortir de la salle, comme ça, je m’assurerais de ne pas manquer l’arrivée de Xël.

Je ne sais pas si c’était parce que je n’avais pas mangé depuis quelques jours ou bien parce que j’appréciais le retour dans mon corps ainsi que toutes les sensations gustatives que ça implique, mais le fait est que je mangeais de bon cœur avec appétit.

Tout en mangeant, j’observais les gens dans la grande salle. Je vis alors Akihito discuter avec Jorus. Ce dernier avait haussé le ton et semblait assez agressif. Lorsqu’il partit, je regardai Akihito et lorsque son regard se posa dans ma direction, je lui fis signe de se joindre à moi. Jorus m’avait fait remarquer que mes compagnons de Yuimen ne manqueraient pas de reprocher l'utilisation de la magie. Je savais que ce ne serait pas de tout repos, mais je devais rétablir le lien avec tous mes compagnons de Yuimen, quitte à subir un sermon à chaque fois.

Tergeist répondit à mon signe de la main, l’air épuisé, il prit place en face de moi.

Il prit la parole le premier, d’un ton calme et aimable, expliquant qu’il avait justement à me parler. Puis, il enchaîna en constatant que le retour dans mon corps semblait s’être bien passé. Je fronçai légèrement les sourcils, m’apprêtant à recevoir des blâmes, mais je m’y étais préparé. Je terminai ma bouchée de pain et je lui répondis:

" Oui, grâce au sans-visage, j'ai retrouvé mon corps sans peine... j'ai sans doute été plus chanceux que vous. "

Je m'arrêtai un moment, le regardai dans les yeux, intrigué.

"Vous vouliez me parler à quel sujet ? "

Je m’en doutais quand même un peu, mais je préférais qu’il déballe son sac le premier.
Il fit à tort la constatation que j’avais décidé de ne pas intégrer un corps. Bien que le corps du golem fut pratique, il ne voudrait plus jamais s’y retrouver.

Affamé, il pointa la nourriture devant moi. Avec un sourire, je poussai vers lui l'assiette contenant le pain.

Légèrement vexé qu’on puisse croire que je n’avais que fait le spectateur, je lui expliquai ce qui en était vraiment, d’un ton calme.

"Détrompez-vous, j'ai bel et bien pris possession de corps et j'ai pris part au combat. Tout d'abord sous la forme d'une femme insectoïde dotée d'une souplesse époustouflante. J'ai pu ainsi combattre plusieurs ennemis. Puis à la mort de celle-ci. J'ai intégré le corps d'une espèce de poisson volant aveugle, mais muni de plusieurs rangées de dents.... Grâce à son ouïe développée, j'ai pu tuer deux de ses semblables, avant de me "suicider" par la suite.... mais je n'avais pas calculé que toutes les bestioles seraient exterminées... sans corps je ne pouvais plus entrer dans la cité. "

Je pris une gorgée d'eau puis je le questionnai à mon tour.

"En quoi, vous n'avez pas apprécié votre expérience dans le corps du golem ? "

Il avait remarqué ce monstre volant et comprenait enfin pourquoi il s’était lui-même enlevé la vie.
"Oui... Mais avant de le faire, j'en ai tué d'autres."
Bien malgré moi, j'affichai un air légèrement contrarié, tout en demeurant calme, sans hausser le ton.

"Jamais je ne serais resté là à vous regarder combattre... J'ai participé à ce combat comme vous tous...Je ne comprends pas, pourquoi vous avez pensé ça de moi."

Fixant le pain devant lui, Akihito m’expliqua que le golem était fait d’argent noir. Ce minéral particulier avait la propriété d’absorber l’énergie vitale de son utilisateur. Il n’avait plus besoin d’en dire plus, il était facile de comprendre que le corps du golem l’avait épuisé, ce qui justifiait son long moment de repos à l’infirmerie.

Je hochai de la tête à sa réponse.

"C'est ce qui explique votre besoin de récupérer à l'infirmerie."

Tout en mâchant son pain, il m’expliqua qu’il n’avait pas eu de nouvelles de moi depuis les événements de Jesuir, il ne pouvait donc pas savoir ce qui s’était passé avec moi. Son explication me satisfit.

"D'accord, je comprends mieux. J'ai cru un instant que vous m'aviez pris pour un lâche."


Je l'observai un moment mâcher son pain. Puis sur le ton de la conversation.

"Vous ne semblez pas complètement rétabli. Quand vous le serez, j'aurais quelques questions à vous poser.... mais avant, vous ne m'avez toujours pas dit, de quoi vous vouliez me parler. "

Sans aucune animosité, il m’expliqua vouloir comprendre l’apparition de Justice, ce qui s’était passé dans la pyramide et avec Vallel et aussi pourquoi nous étions encore ici. Contrairement à Jorus, il ne voulait que comprendre d’abord sans tenter de me juger.

"En fait, nos questions se rejoignent. Pour ce qui est de Justice, je croyais vous avoir tout expliqué lorsque vous êtes arrivés. Silmeria m'a effleuré et j'ai été victime d'un affreux cauchemar. Dans ce dernier, elle vous avait tous tués, j'étais moi-même à l'agonie. Alors j'ai utilisé la magie réclamant que justice soit faite et qu'elle soit condamnée pour ses actes... Voilà donc la raison de l'apparition de Justice... Avec le recul, je remercie le ciel de ne pas avoir souhaité sa mort. Je n'ose imaginer les conséquences.... Mais revenons à Justice. Lorsqu'Il est apparu, il m'a condamné moi également. Je me suis donc retrouvé dans un cristal avec mon double. Ce dernier me défiait en combat et tous les coups que je lui donnais, c'est moi qui en prenais les blessures. Après quelques échanges, j'ai plutôt décidé d'éviter ses coups et de ne plus l'attaquer... cherchant une façon de m'en sortir... et puis... je me suis retrouvé mort dans la savanne tanathéenne... sans en connaître la raison... pouvez-vous m'expliquer ce qui s'est passé à l'extérieur des rubis ? "

À l’énoncé du cauchemar, la compréhension illumina ses yeux, il semblait très bien connaître les cauchemars de Silmeria. Par la moue de dépit, qu’il fit ensuite, j’en déduisis qu’il les avait peut-être expérimentés lui aussi. Il consentit volontiers à répondre à mes questions. Les sorciers l'avaient rejoint et ils comprirent assez vite qu’il ne pourrait négocier avec Justice. Ce dernier étant fermé à tout compromis. Ils décidèrent donc que le seul moyen de rompre la magie de Justice, s’était de le tuer. Visselion fut extrait des cristaux par les jumeaux. Un portail fut exercé dans le cristal de Simaya pour qu’elle en sorte. Et puis, Justice est bien mort, mais emportant avec lui Akihito ainsi que ceux habitant les cristaux. Ses explications me permirent de comprendre la présence de deux Simaya.

Tout comme lui, je ne pus réprimer un frisson. Ayant répondu à ma question, c’était à mon tour de répondre à la sienne.

"Je me sens vraiment coupable de votre mort et de celle de vous tous. Bien que je pense aussi que Silmeria a une grande part de responsabilité. Donc à notre mort, j'ai tenté de trouver un moyen de nous ramener tous à la vie. C'est l'ultime but que je me suis fixé. J’ai questionné Akouba. Mais il m'a confirmé qu’il nous était impossible de revenir à la vie, nous étions là pour l'éternité... Non satisfait de cette réponse, j'ai exploré les lieux seuls, et je me suis assis sur son trône... dans le but de voir si je pouvais m'asseoir sans traverser le siège.. et là un gardien m'a surpris et m'a immobilisé... C'est à ce moment que j'ai compris que nous étions dans une prison... et selon mon hypothèse puisque je n’ai aucune preuve, il se servait de l’énergie de nos âmes... Bref, je suis allé vers Vallel comme vous tous et lui, il avait une solution pour nous ramener à la vie. Jorus me reproche d'avoir fait appel à Vallel. Mais il ne comprend pas que je voulais absolument réparer ma faute et vous ramener à la vie. Donc Vallel, nous a expliqué que c'était la pyramide qui était à l'origine de la brume et c'était elle qui tenait les âmes prisonnières...Il faut dire que la pyramide n'a pas toujours existé, il s'agissait là, d'un phénomène relativement récent. "

Je m'arrêtai le temps de prendre une gorgée d'eau et je repris:

"Vallel nous a donné la possibilité d'entrer dans la pyramide... une fois dedans, c'était comme si la pyramide était notre corps et nous avons donc eu accès à la magie d'Aliaénon. Pour détruire la pyramide, il fallait en détruire le cœur, une sorte de cube. Nous avons failli échouer, car Jorus, ne comprenant pas nos gestes, et ne voulant absolument pas suivre le plan de Vallel a tout faire pour saboter nos efforts.. Bref, je ne lui en veux pas…donc nous avons réussi à détruire la pyramide et nos âmes furent libérées... je crois que vous connaissez la suite... sauf que j'ai revu Vallel, il va demeurer à Orsan, sauf si on a besoin de lui... .moi je m'inquiète de la disparition de Simaya... je m'en sens responsable," terminai-je les yeux humides"

Akihito écouta attentivement sans m’interrompre et contrairement à Jorus il ne me reprocha pas d’avoir eu recours à Vallel. Ça ne veut pas forcément dire qu’il était d’accord, mais il ne m’en fait pas le reproche.

Lorsqu’il reprit la parole, ce fut pour me demander ce que je pensais que nous devions faire pour la suite. J’haussai alors les épaules en geste d'impuissance :

« J'avoue ne pas savoir. D'un côté, je voudrais retrouver Simaya...enfin les deux Simaya...et d'un autre côté, il faut se préparer à neutraliser le dragon noir...Je pense que nous allons avoir besoin de tous...on ne peut se permettre de refuser aucune aide. Et vous, quel est votre avis ? »

Il reconnaissait que nous étions redevables envers Simaya, mais il considérait qu’il était plus prioritaire de combattre le dragon. Il me fit remarquer que plusieurs jours s’étaient écoulés et que le dragon avait pris une sérieuse avance sur nous.

"Vous avez sans doute raison...Je n'avais pas tenu le compte des jours...le temps ne s'écoule plus de la même façon lorsque nous sommes esprit... Mais j'avoue que si une expédition s'organisait pour partir à sa recherche, j'en serais.... Je suis plus que redevable envers Simaya... je suis responsable de sa disparition..."

Je pris le temps de prendre une bouchée de pain avant de reprendre.

"Avez-vous un plan en tête pour combattre le dragon ? "

Il comprenait ce que je ressentais. Il considérait que l’on pouvait aussi payer notre dette envers Simaya en sauvant son monde. Sans la connaître intimement, il était persuadé qu’elle préfèrerait qu’on priorise la mort du dragon plutôt que sa recherche. En ce qui concernait le dragon, il n’avait aucune idée de comment le terrasser. Mais il craignait que l’arme cachée dans le désert soit entre les mains des Sans-bannières.

J'acquiesçai d'un signe de tête aux paroles de Akihito.

"Vous avez raison une fois de plus.... Et si cette arme est dans le désert, je partirai avec vous pour la retrouver "

Il me remercia tout en me faisant remarquer que Jorus n’avait pas été aussi compréhensif, ce qui ne m’étonna guère. En ce qui concernait Xël, il n’avait pas eu le temps de lui parler. Mais tout comme moi, il avait observé la proximité qu’il y avait entre lui et Simaya.

"Ce n'est pas moi qui pourrai convaincre Jorus... il m'en veut à mort.... même s'il semble moins agressif à mon égard depuis son repos à l'infirmerie."

Je réfléchis un instant.

"En fait, avant de m'arrêter ici pour manger, je voulais retrouver Xël. Si quelqu'un pouvait retrouver Simaya, c'est bien lui. "

Je secouai la tête d'un côté et de l'autre avant de reprendre.

" Je ne suis pas une girouette... mais j'avoue être fébrile... Je désire bien vous accompagner dans le désert... mais si avant, une expédition s'organise pour retrouver Simaya, je serai torturé... et j'irai probablement avec eux...par culpabilité... Bref, je verrai bien en temps voulu."

Au dire d’Akihito Jorus semblait plus en colère envers lui qu’envers moi. Je ne pus m’empêcher de penser qu’il le serait probablement plus avec son prochain interlocuteur. En fait, Jorus semblait en vouloir à Akihito de lui avoir demandé d’aller converser avec Silmeria. Il me demanda ensuite si moi je l’avais fait. Je lui fis un signe négatif de la tête.

"Non, la dernière fois que je lui ai parlé, ce fut dans la pyramide... J'avoue avoir une certaine rancune envers Hrist...Mais la raison pour laquelle je ne lui ai pas parlé, c'est seulement parce que je ne l'ai pas vu."

Les sourcils légèrement froncés par la curiosité, je lui demandai:

"Mais pourquoi vouliez-vous que Jorus parle à Silmeria ? Pourquoi ça lui est impossible ? Et lui avez-vous parlé, vous à Silmeria ? "

Son désir était de faire baisser la tension entre eux, pour que Jorus apprenne à la connaître au-delà de la somme réputation qui la précède. Il lui avait parlé à quelques reprises et croyait qu’elle n’était pas aussi impitoyable et sadique qu’elle ne le paraissait. il trouvait important que j’aille discuter avec elle.

"Ma rancune envers Hrist ne nuira pas à notre double mission. J'ai travaillé de concert avec Silmeria dans la pyramide et je serai capable de le faire encore une fois sans souci. Je ne ressens pas le besoin d'aller à sa rencontre et de lui parler. Mais si elle vient vers moi, je ne la repousserai pas et je serai capable de lui parler sans animosité. Par contre, vous comprendrez que je vais garder une certaine distance physique avec elle."

Il me conseilla de discuter avec elle du sujet de ma rancune, le fameux cauchemar. Cependant, il me croyait davantage qu’il n’avait cru Jorus lorsque je dis ne pas en sentir le besoin pour le moment. Il souhaita que je prenne en considération ce qu’il m’avait dit à propos de Silmeria. Il semblait terriblement déçu du manque de complicité à l’intérieur de notre groupe. Je le rassurai du mieux que je le pus tout en demeurant honnête et transparent.

"Pour Silmeria, il me faudra du temps pour oublier cet incident... Cependant, soyez rassuré, vos paroles ne furent pas vaines à son sujet. Elles vont me permettre de mieux la comprendre et voire même de l'accepter. Mais d'ici là, je ne ferai aucun geste de vengeance envers elle... Je vous l'ai déjà dit, j'ai travaillé de concert avec elle dans la pyramide. Je suis juste méfiant pour le moment.. .et avouez que c'est légitime de ma part. "

Ce qu’il fit sans hésiter. Il avait lui aussi dû faire un tel effort pour passer outre les actions de Silmeria lors de la grande guerre qui eut lieu dans sa patrie.

Tout en me remerciant, il plaça son sac sur son épaule, m’informant qu’il allait monter la garde près de l’ancienne caverne d’Elscal’Olth.

« Merci à vous. Et pourquoi montez-vous la garde ? D' autres bestioles ? »


Il avoua souffrir d’insomnie pour le moment. Et l’arrivée d’autres créatures était en effet une possibilité à ne pas négliger.

« Lorsque le sommeil vous prendra, venez me chercher, je prendrai la relève.”


Cela dit, je terminai mon repas en silence. Une fois bien rassasié, j’allai porter mon assiette et j’en profiter pour donner un coup de main à ceux qui étaient de corvée de vaisselle, de nettoyage des tables. Je passai ainsi la fin de la journée à aider les habitants dans leur corvée quotidienne.
La nuit venue, je me rendis dans un endroit aménagé pour dormir. Je me trouvai un lit plus à l’écart, non loin d’un mur, me recouvrant d’une chaude couverture de laine qui m’avait été fournie avec le lit.

********


Enfin, je n’étais plus une âme errante, je possédais de nouveau un corps bien en chair. Je pouvais sentir les muscles de mes membres se raidir et prendre du volume. Cela faisait du bien de me sentir là. Je ne sus pour quelle raison, mais je me sentais incapable de me lever et ma vision n’était pas rétablie. J’imaginai que c’était normal et qu’il fallait que je me repose un peu avant de retrouver toutes mes facultés. Raison pour laquelle, sans doute, que j’étais étendu et ficelé au lit comme un saucisson… Ce n’est pas que j’étais superficiel, mais le lit me semblait un peu trop dur et de fait inconfortable.

En revanche mon odorat était bien développé puisque parvint à mon bulbe olfactif la délicieuse odeur d’un bon plat rôti au four assaisonné d’herbes fraîches.

Puis j’entendis des bruits de pas des gens entraient dans la pièce où j’étais. C’était un bon présage, mes sens semblaient me revenir un à un.

Je reconnus d’abord la voix de Jorus qui se plaignait. Il refusait de manger le plat que la vieille Lamiria Géryick avait préparé. Un chat rôti dénommé Praline.

« Praline, ma chatte, mais qu’avez-vous fait ? »

Malgré mes protestations, ils m’ignoraient comme s’ils ne m’entendaient pas.

« Praline ? Oh, ça a l'air gouteux. Il n'y a pas de créature comme elle, ici. Non. Pas de créature comme elle. Comment l'appelez vous ? Chatte-praline ? Est-ce parce qu'elle est fondante en bouche ? Un peu maigre, encore... »

Ce n’était pas tant le plat choisi qui déplaisait à Jorus, mais plutôt parce qu’il ne faisait aucunement confiance au talent culinaire du chef Vallel.

"Tu te méprends sur un point. » Dit-il à la vieille dame.

« Je n'ai pas de rancune, je n'ai juste aucune confiance. Comment le pourrais-je ? Tu as suivi presque aveuglément les instructions de Vallel. »

Pour sa part, Trifalgin consentit à goûter le premier le plat Praliné afin de faire diminuer la tension créée par Jorus.

"Merci. Si Jorus pouvait être aussi raisonnable..." Dit Akihito non conscient qu’il risquait de faire enflammer de nouveau l’humain originaire de Wiehl.

Dans le but de changer les idées de ses invités, Visselion attira leur attention sur l’autre plat posé sur la table, un plat bien plus imposant. Il expliqua que cette viande rouge bien grasse pouvait se manger cru. Afin qu’elle ne se détériore pas, il n’avait pas encore tué ledit poisson volant. Après quelques expériences bien menées, il avait appris à apprêté ce met de choix. Un demi-citron vert coupé dans sa main droite, il expliqua qu’un peu d’acide ajoutait de la saveur et garantissait la salubrité du produit.
En bon hôte, il s’apprêtait à découper le premier morceau lorsque Sillmeria s’interposa.

« Bon, Visselion, vous embêtez pas à faire ça, je pense que vous vouliez faire quelque chose de propre. Vous demander de le torturer serait un peu mal placé, je vais m'en charger. »

Visselion jeta alors un oeil à Silmeria et poursuivit. « J'approuve votre curiosité. Faisons-ça ensemble. Visez le coeur, quand je lui aurai tranché la gorge. »

Dracaena un peu jaloux, signifia qu’il aimerait aussi être le plat de résistance, il ajouta que ça pourrait être une belle expérience. Il expliqua même, comment il voulait être apprêté :

« Si ça vous dérange pas, faite ça vite, mais pas trop. Plantez moi lent'ment, violemment, que je sente la lame atteindre le ventricule. Faite moi mal et faite ça bien! J'aurais voulu faire plus de test dans s'corps, mais bon, on a pas l'temps, alors... laissez-moi profiter d'ma seule chance de savoir s'que les êtres de chair ressentent dans s'genre de situation. »


Visselion le rassura en lui disant que son tour viendrait assez vite. Cela dit, d’un commun accord, lui et Silmeria s’exécutèrent.

« GROOOOAAAAAR !!!! » Hurlai-je de douleur.

Ce ne fut qu'au moment de mon trépas que je réalisai que mon suicide n’avait pas réussi. Mon âme se retrouvait toujours emprisonnée dans le corps du poisson volant et ils s’apprêtaient tous à me manger



********


Ce fut le voisin qui me réveilla bien malgré lui. Il s’était emmêlé les pieds dans ses propres bottes et avait fait une vilaine chute au sol, lâchant un cri de douleur lorsque son nez percuta le sol de pierre.

Je mis un petit moment à sortir de mon sommeil. Je me sentis reposé. J’avais profité d’un sommeil réparateur sans rêve et surtout sans cauchemar. Sourire aux lèvres, je ramassai mes affaires et je me dirigeai à la salle commune afin de prendre un bon petit-déjeuner.

((( En ce qui concerne le rêve de Mathis. Les paroles des personnages ainsi que celles des pnj sont véridiques et nullement altérées. Seules le contexte et la situation ont été changées. )
Modifié en dernier par Mathis le ven. 25 août 2023 14:25, modifié 3 fois.

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Yliria
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Re: Lande Noire

Message par Yliria » sam. 19 août 2023 01:42

Quand j’ouvris les yeux, je sentis aussitôt la dureté du sol, l’absence totale de soleil et l’envie profonde de retourner dormir. Mais une voix m’appelait, encore et encore. Et on me secouait. J’eus envie d’envoyer paître l’ennuyant spécimen qui venait troubler mon repas que je pensais pourtant avoir mérité.

(Ouais.. évite les boules de feu, on est toujours sur Aliaenon, je voudrais pas que tu te transforme en zèbre ou autre truc bizarre.)

Ah oui.. Aliaénon… Ah merde Aliaénon ! J’ouvris les yeux et me redressai, m’attendant à une nouvelle catastrophe, à un nouveau dragon ou un coup foireux d’à peu près n’importe qui. Au lieu de ça, je fis face à une grosse buche cramée. Je clignai des yeux, essayant de toruver du sens dans ce que je voyais. Maïssa était à côté et sur la buche… un visage… Dracaena ? Je l’observai pendant un instant, incrédule. Depuis quand ? Il était vivant d’un coup ? Ou alors je rêvais encore ?

- Dracaena ? Depuis quand ..? C'est encore une illusion c'est ça ?

- Non, non pas une illusion. J'suis bien là. Touchez pour voir.

Il tendit la main et je n’hésitai pas vraiment avant de la prendre, le faisant étrangement sursauter. Lui non plus ne devait pas avoir l’habitude... Je n’avais jamais eu l’occasions de le toucher, avant, mais sa main avait la consistance… d’un bois qu’on aurait laissé trop longtemps dans une cheminée, la cendre, la poussière et les échardes en moins. C’était étrange… et probablement trop réel pour être une pure invention de mon sommeil un peu bizarre. Je lâchai un soupir, un peu soulagée. J’avais ma dose de mauvaise surprise. Une bonne, de temps à autre, c’était bien aussi.

- Je préfère ça... Et arrête de m'appeler M'dame.

Je l’avais entendu m’appeler comme ça bien trop de fois. Je n’aimais pas ça, ça ne me convenait pas vraiment. Je ne l’appelais pas M’sieur Dracaena alors pourquoi il s’emmerdait avec ce mot inutile ? Je lâchai sa main et le fixai, pleine de question. J’avais dormi combien de temps pour qu’il ait l’air vivant et frais comme un gardon ?

- Contente que tu sois... toi. Dans ton corps. Comment tu te sens ? Que s'est-il passé ?

Malgré son bégaiement et son habitude de parler beaucoup trop pour dire ua final quelque chose qui n’aurait pris qu’une phrase, il n’annonça que des bonnes nouvelles. Presque. Tout le monde était en vie, tout le monde avait réintégré son corps grâce au Sans-Visage. Comme quoi, Xêl avait eu raison le concernant. Je ne pus m’empêcher de sourire et de me sentir soulagée. Je me levai

- C'est une sacrée bonne nouvelle ! Tu sais où sont les autres ?

Je retins surtout qu’Akihito était à l’infirmerie, les activités des autres étant moins… précises.Tout le monde allait bien, à un détail près. Je n’aimais pas qu’il pense que je me fichais de ce qu’il ressentait. Ce n’était pas simplement pour protéger l’équipe, c’était aussi parce que chacun des membres était important, à sa manière. Et qu’il admette que quelque chose le dérangeait, ça valait le coup de s’y intéresser. Ne serait-ce que pour être sûr que tout aille vraiment bien. On n’était jamais trop prudent.

- Et raconte quand même ce que tu sens comme truc bizarre. On a eu assez de surprises pour ne pas au moins s'assurer que tout est bien rentré dans l'ordre.

- Ce truc bizarre est compliqué à expliquer. Pas eu l'impression que les autres aient eu ce problème, juste moi...Je sens quelque chose de...différent dans mon corps. De plus...chaud. Intense. Comme...toutes les fois...où je... brulais..."

Il ricana tristement et je fronçai les sourcils en m’asseyant face à lui.

- Qui sait ? J'vais ptet encore exploser ? ça s'rait... Ironique. Karmique. Et pour certain, cathartique...

- Tu es un pyromancien, comme moi je l'étais. Si je devais émettre une hypothèse, ce que tu sens ce sont tes pouvoirs qui s'intensifient. J'ai déjà ressenti ça, à différents degrés, particulièrement quand mes pouvoir solaires se sont manifestés ou quand j'avalais des fluides de feu en trop grande quantité. Nous ne sommes pas sur Yuimen, donc c'est à prendre avec des pincettes, mais je ne pense pas que tu vas exploser. Si ça empire, parles-en, on verra avec un des sorciers locaux.

C’était ce qui me venait spontanément à l’esprit. Je n’étais pas une érudite, je ne faisais que relater ce que j’avais vécu parce que c’était ce que je pensais être le plus proche de ce qu’il ressentait. Mais je ne pouvais être sûre de rien. Je haussai les épaules à sa question. Que ce soit lié aux fluides n’était qu’une possibilité. Il y en avait d’autres, moins réjouissantes. Ça collait, mais ça pouvait aussi être un effet secondaire de notre présence en ce monde. Comment savoir ?

- Possiblement. Je ne suis pas une érudite, ne prends pas ce que je dis pour argent comptant. Tu voulais me parler de quelque chose d'autre en particulier ?

Des choses dont j'veux vous parler? Y en a plein. Mais, la, j'ai pas envie d'gâcher votre joie, donc ça attendra...Ah, et avant qu'j'oublie.
Il se redressa et écarta les bras. Je n’aimais pas trop qu’il doive me parler de certaines choses qui devaient « attendre ». Ça sonnait un peu comme s’il attendait un moment plus propice pour me balancer des horreurs à la figure. En attendant, je l’observai avec un œil interrogateur.

- Z'aviez dit qu'vous vouliez m'botter l'tronc quand j'serais ressuscité non ? Allez-y, réglons ça maint'nant !

Ah… il faudrait que je lui apprenne que tout ce que je ne dis n’est pas à prendre au sens strict du terme. C’était une simple façon de parler, pas une menace pour un pétage de face en bonne et due forme. Néanmoins, je me levai, fit craquer mes doigts et m’approchai de lui, frappant sans force son torse avec le dos de ma main. S’il avait vraiment cru que je voulais le frapper, il allait être déçu. Ou heureux. C’était selon.

- Là, heureux ? Crache le morceau maintenant, sauf si tu veux le faire devant le groupe quand on règlera tous nos comptes après le fiasco qui a eu lieu. Sinon, je vais allez voir Akihito. A toi de voir.

Il finit par le cracher, son morceau. Un simple « pourquoi ? » aurait suffit, mais c’était Dracaena et ça devint une longue tirade avec bien trop de détails, de tours et de détours. Même lui semble épuisé par sa tirade alors que je l’observe en essayant de rester neutre. Autant que possible, du moins. Ai-je vraiment besoin de me justifier ? D’expliquer pourquoi j’ai tant tenu à ramener tout el mone à la vie alors que Xël s’en foutait royalement au point de me dire que ça ne servait à rien. Quel genre e personne pensait-ils que j’étais exactement ? Et pourtant, même face à ses interrogations, mettre des mots sur ce que je ressens, ce n’est pas si facile. Ce n’est pas évident de revivre tout ce qui me pousse à agir comme je le fais. J’inspire longuement, comme pour me donner un peu de courage. Qu’il comprenne ou non…. Je ne changerai pas cette façon de penser.

- Mon père est mort pour me protéger. Ma meilleure amie s'est vidée de son sang sans que je ne puisse rien faire. J'ai vu des gens mourir embrochés, dévorés, tranchés en deux ou écrasés par une créature. J'ai vu un seul être en faucher des milliers d'un simple claquement de doigts. Et j'ai tué aussi, trop de fois pour que je compte... Je suis juste... fatiguée de voir des gens mourir. Je suis fatiguée de ne pas être capable de sauver quelqu'un alors que j’aurais pu si on m'avait laissé la chance d'essayer. Quand vous êtes morts j'ai... je devais faire quelque chose. Seule, puisque personne d'autre ne semblait pouvoir faire quoi que ce soit. Ni le vouloir.

Je soupirai, déjà un peu lasse. Mais il fallait continuer. Qu’il comprenne pour de bon, si tant est que j’étais compréhensible.

- J'ai conscience que j'ai été odieuse et que j'ai eu des œillères depuis le début de tout ça. Mes raisons n'excusent rien, mais j'en ai conscience. Sur le moment j'ai simplement... C'était mon seul objectif. Ramener tout le monde, buter ce foutu dragon et rentrer chez moi pour m'assurer que je ne vais pas découvrir une liste de noms longue comme le bras de ceux qui sont morts à mon retour. Et j'en ai oublié le Sans Visage. C'était stupide et j'en ai pris conscience. Pour preuve, vous êtes en vie et je n'étais pas là, n'ai servi à rien.

Une part de moi en était frustrée, une autre en était soulagée. Je me demandais quand même pourquoi j’avais fourni tant d’effort alors qu’un claquement de doigts d’un être divin pouvait tout résoudre

- Tu voulais savoir, voilà. J'ai pas d'autre raisons à te donner. Est-ce que j'apprécie chaque membre de ce groupe ? Bordel, non. Je ne peux pas blairer Silmeria, Mathis me semble être une girouette qui va où le vent tourne, toi t'es parfois -souvent- incompréhensible, Xël pète plus haut que son cul et se fout royalement de l'avis des autres, Jorus est... Jorus... et Akihito a toujours ce même comportement que je lui reproche depuis le début. Est-ce que j'ai pour autant envie de vous voir mourir ? Non. Est-ce que je vous déteste ? Non plus. Qu'on le veuille ou non, on est compagnons dans cette aventure et j'hésiterai pas à mettre ma vie en jeu vous sauver les vôtres. C'est comme ça que ça marche pour moi. Et c'est une raison suffisante de faire ce que j'ai fait.

Et je le referai, peu importe le nombre de fois qu’il le faudra ou le temps que ça nécessitera. Je ne leur demandais même pas la même chose en retour. Je me fichait de ce qu’ils pensaient à ce sujet. La réaction de Dracaena, en revanche, me laissa… perplexe ? Je n’arrivais pas à définir ce que je ressentais quand il s’exclama finalement.

- Du pragmatisme couplé à un désir sincère d'aider! Mélange explosif mais redoutable! Vot' volonté est louable, et vot' prise de conscience respectable. Agissez en conséquence, et j'vous souhaite de réussir à vaincre ces viles œillères! Ah, et saluez m'sieur Akihito d'ma part.

Et il s’effondra. Je n’eus même pas vraiment el temps de réfléchir à ses paroles et me portai rapidement à son chevet avant de le soulever avec l’aide de Maïssa et de l’emmener à l’infirmerie. La jeune femme avait assisté à tout l’échange en silence, mais je ne savais pas trop quoi lui dire. Le trajet se fit en silence, et non sans difficultés, mais Je n’eus pas à voir Dracaena dépérir pour de bon. Je me demandais ce qu’il lui arrivait. Il semblait aller bien et l’instant d’après il s’effondrait. Peut-être une conséquence de son repos éternel forcé puis annulé. Ça devait certainement jouer sur ses forces, physiques ou mentales.

la pièce n’était qu’un endroit aménagé un peu à la va vite. Il y avait des lits, dont la plupart étaient occupés. Je saluai les deux qui s’occupaient des blessés et leur expliquai rapidement la situation avant d’allonger Dracaena sur le lit. Il ne semblait pas être blessé, aussi je laissai les spécialistes voir ce qui n’allait pas pour lui. Je balayai la pièce du regard pour finalement tomber sur Akihito, allongé et semblait dormir. Je déglutis, le souffle retenu dans ma gorge, ne reprenant une respiration que lorsque je fus sûre que son torse bougeait au rythme d’une respiration. Il était vivant, lui aussi. J’approchai et m’installai près de son lit, prenant place sur une chaise qui trainait non loin.

(Il a meilleure mine)

(Il était mort, il ne peut qu’avoir meilleure mine… Oh, d’ailleurs…)

Je me penchai et retirai le collier d’Akihito où Amy résidait. Délicatement, je le lui accrochai autour du cou, réunissant finalement les deux après une séparation qui avait dû être difficile, autant pour Amy que pour Akihito.

(Je pense qu’elle est soulagée.)

(Je l’espère..)

Je l’étais, en tout cas. Je pensais ne jamais le revoir vivant et il était là, en train de respirer paisiblement. C’était réconfortant. Même si Dracaena l’avait dit, le voir en vrai éclipsait toute incertitude. Je jetai un œil vers ce dernier, qui avait apparemment besoin de se nourrir, tout simplement. Une bonne chose et je pus souffler un peu. Un tout petit peu, avant qu’Akihito ne s’agite soudainement et ne commence à se débattre en tirant sur sa tunique. Je tendis la main et la posais sur la sienne en espérant le calmer.

- Aki... tout va bien. Tu es en sécurité, tout va bien.

Cela ne sembla nullement el calmer et je récupérai ma main après qu’il l’ait repoussé, inquiète. Celle qui s’occupait des patients offrit son aide, mais sans grand succès. La chemise qu’il portait vola et il crispait sa main sur une cicatrice. Je tentai de nouveau, posant ma main sur la sienne en l’appelant doucement.

- Aki... Aki regarde-moi.

Il le fit, lentement et son regard me serra le cœur. Je ne me dérobai pas, gardait ma main sur la sienne même si seuls el bout de nos doigts se touchaient encore. Je le fixai autant qu’il me fixait, parlant d’une voix aussi douce que possible. Je ne savais pas trop pourquoi, mais par instinct, ma main se porta sur sa tête et

- C'est fini ? D'accord ? Tu es en sécurité, je te le promets.

J’entendis Dracaena se lever derrière nous et sortir après avoir offert quelques mots à Akihito. Je me contentai d’un regard dans sa direction, espérant que son état allait s’améliorer. J’avais bien une solution si ce n’était pas le cas. La Lande Noire n’était pas le seul endroit où nous pouvions nous rendre, après tout.

Je reportai mon attention sur Akihito, lui caressant doucement les cheveux. Il me surprit, d’un coup et je me raidis lorsqu’il se pencha vers moi et posa son front contre mon épaule. J’allais lui demander ce qu’il se passait avant de voir ses épaules tressauter. Je fermai la bouche et repris mes caresses, le laissant s’épancher en silence contre moi. C’était une sensation étrange. Pas désagréable ou inconfortable, juste… je ne savais pas trop quoi faire, quoi dire. Je me retrouvai dans la même situation que lui avait dû être, des mois auparavant, quand j’avais agis de la même façon. IL m’avait laissé pleurer, alors je fis pareil. Mais je doutais qu’il ait cette crispation dans la poitrine et qu’il ressentait avec une telle précision chaque souffle et la chaleur qu’il diffusait. Je fermai les yeux une seconde, ignorant le sentiment qui tentai de supplanter le reste. Ce n’était pas le lieu, le moment… ni une bonne idée.

- Désolé, c'est... c'est...

il se redressai, visiblement gêné et je secouai la tête, essayant de lui sourire doucement. Comme si cela était grave…

- C'est rien. Pas besoin de t'excuser, Aki. Prends le temps qu'il te faut.

Je le laissai souffler un peu, reprendre contenance. Je ne savais pas trop ce qu’il avait pu vivre. Dracaena ne s’était pas vraiment étaler concernant le passage dans les limbes de ce monde. Mais la façon dont Akihito était mort… et le reste… J’inspirai lentement.

- ... Ah... tu... tu peux me trouver mon... mon manteau ? J'ai besoin de... de quelque chose d'ample.

Je clignai des yeux, un peu surprise, mais au vu de son air, je ne discutai pas et regardai autour de nous sans trouver trace dudit manteau. Je me levai, pensant savoir où il était.

- Il doit être resté avec tes affaires, je vais le chercher.

Je sortis de la pièce et m’adossai un instant à une paroi pour souffler un coup. Je ne m’attendais pas à ça…

(Il a beaucoup souffert…)

(Je sais… Je ne lui en veux pas, j’ai juste été… surprise. Après tout ça, j’ai le sentiment que chaque geste veut dire quelque chose, mais je sais que c’est juste mon stupide cerveau qui s’invente des histoires.)

(Tu as cru l’avoir perdu, je pense que tu as le droit de ressentir quelque chose quand il se pose contre toi.)

(Je pense que ne pas ressentir ça, ce serait préférable…)

(Yli…)

(Tu sais ce que je veux dire, Alyah. J’ai assez de problèmes pour pas me rajouter ça sur le dos… et je ne sais même pas si je suis capable de… de juste… je ne sais pas, ça me paraît tellement improbable. Tout a démarré sur un coup de tête et maintenant je me sens juste stupide.)

(Ça ne veut pas dire que ça l’est.)

(Je préfère quand même laisser ça de côté.)

(A voir si on te laisse cette possibilité.)

Sur cette phrase énigmatique, je retournai dans la salle en essayant de ne pas trop me focaliser sur ce que ma poitrine émettait. En entrant dans la salle et en voyant les tubes vides, un long souffle m’échappa. Tout le monde était en vie… je récupérai les affaires éparpillées et le manteau d’Aki et retournai dans l’infirmerie de fortune, lui tendant le vêtement qu’il enfila sans mettre les manches. C’était étrange, cette façon qu’il avait eu de détruire sa chemise et maintenant de porter son manteau ainsi… Je me gardai bien de poser la question, il avait l’air d’en avoir assez dans la tête, pas la peine de peut-être empirer les choses. Je marchai sur des œufs et je n’aimais pas beaucoup ça…

- Dis, toi... comment tu vas ?

Je haussai un sourcil en le voyant commencer à descendre de la table. Il ne pouvait pas juste… se reposer ? Il ne comprenait pas ? Ça se voyait qu’il était mal, autant physiquement que mentalement. Pourquoi devait-il se lever alors qu’il aurait pu simplement rester allongé quelques heures de plus, le temps d’aller mieux. Je soupirai en sachant que je ne le ferai pas vraiment changer d’avis. J’essayai tout de même.

- Tu devrais rester allongé. Et ne t'inquiète pas pour les autres, occupe-toi de toi avant tout, d'accord ?

- Je vais bien... physiquement, du moins. C'est juste qu'avoir de nouveau accès à tous mes sens c'est... éprouvant... Et tu sais bien que tu peux pas me demander de mettre les autres après moi, hein ? Surtout toi, alors que t'as dû en baver...

S’il pensait que son petit sourire triste allait me convaincre, il se mettait le doigt dans l’œil. Mais en même temps… je soupirai, sachant pertinemment que ça ne servait à rien d’essayer de l’en dissuader. Pour une fois, j’aurai aimé qu’il écoute et s’occupe de lui. Le monde continuait de tourner même s’il se reposait, il pouvait bien prendre quelques heures non ? ça lui coûtait quoi de juste… s’assurer que tout aller bien ?

- Je vais bien... mieux. Et pour une fois, s'il te plaît, pense à toi. Tu viens de... vivre un truc éprouvant, repose-toi.

- Tu veux bien m'assommer, dans ce cas ?

Je ne pus m’empêcher de sourire. J’avais bien compris el message, Aki…

- Ne me tente pas. N'en fais pas trop.

- Toi non plus. Tu es fatiguée, ça se voit.

Encore une fois…

- Oui, mais je compte bien retourner dormir une fois que je serais assurée que tout est rentré dans l'ordre. Au moins autant que possible…

- Vu notre groupe, t'es pas couchée avant longtemps.

J’eus envie de lui rire au nez. Avait-il al moindre idée d’à quel point j’avais tout tenter pour essayer de ramener ce groupe en espérant qu’on puisse enfin avancer ? j’espérais sincèrement que mourir allait leur mettre un peu de gravilay dans l’aile, parce que là… Je soupirai et ouvris la bouche mais il me prit de court. Il m’attira à lui et m’enlaça délicatement. Je me raidis d’instinct et lui tapotai maladroitement el dos. Le faisait-il exprès ? Avait-il conscience de la vitesse à laquelle mon cœur venait de s’emballer ?

- Merci. Ça n’a pas dû être facile, mais merci. Je sais que t'as essayé de faire ce que tu as pu.

Comment pouvait-il savoir ? J’inspirai longuement et fermais les yeux, espérant qu’il n’entendrait pas le trémolo de ma voix. Le sentir comme ça… Le savoir en vie et si proche…

- Me fais plus jamais ça... plus jamais...

- Mourir une fois, ça me suffit, crois-moi...

C’était une fois de trop, dans tous les cas.

- J'espère... je veux pas te... vous revoir tous comme ça...

Je me laissai aller dans son étreinte, mais je sentis qu’il se raidissait. Et je ne comprenais pas. C’est lui qui m’avait attiré à lui alors pourquoi ? Je soupirai et m’écartai.

- Tu vas te reposer, alors ?

- Quand je disais que tu devais m'assommer, je plaisantais à moitié. Je pense pas être capable de me rendormir.

- Force-toi ? Prend au moins le temps de te nourrir. Je vais trouver un endroit où dormir, pour ma part. Dormir devrait être plus aisé maintenant.

Maintenant oui… maintenant qu’ils étaient en vie, maintenant que je n’avais plus à craindre de le perdre. Maintenant qu’on pouvait avancer. Maintenant que je n’avais plus cette incertitude qui planait au-dessus de moi comme un nuage d’orage. Je pris congé après un hochement de tête et filai au hasard dans les couloirs avant de trouver un coin où m’allonger. Je fixai le plafond pendant un moment avant de soupirer t d’essayer mes yeux encore larmoyants. J’étais soulagée. Mais ça ne suffisait pas à faire disparaître tout le reste. Et je détestai profondément ces sentiments.

Malgré mon envie de dormir et le besoin évident de le faire, mon esprit restait absolument imperméable à toute tentative. Je me tournai et me retournai dans ma couche, fixai le plafond, recommençai, sans parvenir à fermer l’œil. La frustration montait doucement et je finis par me redresser, boire un peu et réessayer, sans plus de succès.

(Foutu Lande Noire… Si on était dans un endroit normal, je n’aurais pas ce problème.)

(Et le manque de soleil est mauvais pour le teint.)

(Ma peau est noire, alors le teint…)

(Bah, à force d’en manquer tu pourrais devenir… grise…)

(Et ressembler à une Sindel ? j’ai assez de problèmes avec eux…)

Je soupirai avant d’entendre des bruits de pas. Je dressai l’oreille, constatant qu’ils se rapprochaient. Je fermai les yeux en soupirant de nouveau. Faites que ce ne soit pas une soudaine mauvaise nouvelle…

- Y…Yliria ?

- Jorus ?

Je me redressai en entendant sa voix et le fixai. Pendant un instant, je le revis, allongé sur le sol, sans vie et moi incapable de l’aider. Et il était là, lui aussi. Vivant. Je me levai et me portai à sa hauteur, le détaillant de la tête aux pieds. Il avait l’air… bien, même si un peu pâle. Rien d’étonnant…

- Comment tu vas ?

- Ça va mieux à présent ! Et toi tu dormais, pa…pardon, il avait raison je…j’aurais pas dû venir !

Il ? Je clignai des yeux en me demandant quoi il parlait, mais finis par secouer la tête. Je ne dormais pas vraiment, après tout. Au mieux je ruminais en essayant de trouver le sommeil.

- Nan c'est rien, t'en fais pas. Je suis contente que tu ailles bien. Tu voulais me parler de quelque chose ?

- Si...non ! Enfin oui, mais...c'est peut être pas le meilleur moment...je crois ! Mais... j'aurais peut-être pas la force de revenir t'en parler !

- Jorus ! Jorus, calme toi... je comprends rien. Que se passe-t-il ?

Il ne me rassurait pas vraiment avec son hésitation et cette espèce de fébrilité. Que se passait-il, pas tous les dieux ?

- Écoute Yliria je...je...je vais m'asseoir !

Je l’observai, inquiète. Devait il annoncer un truc grave ou quelque chose qui allait sérieusement m’emmerder, pour qu’il soit dans cet état. Peut-être les deux ? ça ne m’aidait pas me rassurer et j’imaginais déjà le pire alors qu’il s’asseyait à même le sol, sur des pierres tombées là.

- Bon sang, pourquoi j'ai l'impression que combattre Oaxaca ou son dragon est plus simple ?

- Jorus... il se passe quoi ? Tu m'inquiètes.

- Ecoute je…j’ai toujours eu beaucoup d’estime pour toi et…surtout énormément de respect. Que ce soit pour ton courage, les valeurs que tu défends, tes idéaux et j’admire ton ardeur à les défendre. Parfois même ton entêtement sans limite ! De même que ta capacité à…à pardonner l’impardonnable. Ce…ce que j’essaye de te dire, avec l’aisance et…l’habileté verbale qui me caractérise si bien, c’est que…j’ai toujours eu de bons sentiments à ton égard. Des sentiments qui ont changé, qui…qui ont grandi, qui…me dépassent même et…et à présent…j’éprouve pour toi…plus que de la simple camaraderie.

(Hein ?)

(Hein ?!)

Je le fixai en essayant de faire abstraction de l’espèce de brouhaha qu’Alyah créait dans mon esprit, histoire d’essayer de rassembler les pièces du puzzle. Autant dire que ça devint rapidement impossible avec ma chère Faëra devenant littéralement dingue. Il n’était quand même pas en train de dire…

(Mais SSSSIIIIIIIII !!!)

(Ah Alyah, chut !)

- Euhm.. Jorus je... je suis pas certaine de bien comprendre. Calme toi et parle distinctement, d'accord ? Tu...

Non, ce n’est pas vraiment ça, hein ? ça ne va pas être ce que je pense ?

- Tu es loin d’être aussi sotte…tu as très bien compris.

Oh non, j’étais stupide, incroyablement sotte et absolument pas douée avec tout ça.. Il n’allait pas me dire que...

- Je…je t’aime Yli !

Ses mots semblèrent résonner tout autour et m’être martelé dans le crâne. J’avais envie de lui demander s’il plaisantait, mais je savais que ce n’était pas le cas. Ça se lisait sur son visage, dans sa gestuelle et sa voix hésitante. Je déglutis, ne sachant pas trop quoi dire.. Jorus… J’appréciai Jorus, mais ça n’allait pas plus loin que ça, pour moi. C’était un frère d’armes, un ami, mais pas… ça, quoi que ce soit. Et ça m’emmerdait de le lui dire. Je ne voulais pas lui faire du mal.

(Et lui mentir vous fera du mal à tous les deux…)

Fais chier… Fais vraiment chier. Pourquoi tout devenait de plus en plus compliqué ?

- Jorus, je... Je sais pas quoi te dire, je ... ne t'ai jamais vu de cette manière...

Il… ne réagit pas. Enfin pas de la manière à laquelle je m’attendais. Il n’a pas l’air triste, surpris ou en colère, juste… résigné, comme s’il savait que je répondrai ainsi. Alors pourquoi .. ?

- Je ne t'en demande pas tant, je te rassure. Je veux pas non plus... m'immiscer entre toi et Akihito. Je sais qu'il y a quelque chose sans pouvoir définir quoi, mais ça me regarde pas. Je...je voulais juste...

Il fixa le sol et je voulus tendre la main, me retenant de justesse je serrai le poing en le cachant derrière mon dos, incapable de réagir face à lui. Je ne savais pas quoi lui dire, pas quoi faire. Je ne comprenais pas…

- C'est une phrase que je ne m'attendais pas à dire un jour, mais je suis mort trop de fois, bien trop de fois. Je...je voulais juste que tu saches que...que pour moi tu es plus importante que tu ne le crois avant que... avant que la prochaine fois que je tombe ne soit la dernière !

- Jorus, je…

Je quoi ? je ne savais même pas. Je n’aimais pas l’entendre dire ça, l’entendre dire qu’il pouvait disparaître et que me parler de… ça, était vital avant que le pire n’arrive. Je me focalisais là-dessus plutôt que sur ses sentiments. Et les miens. C’était quelque chose que je ne savais pas gérer… et il venait de fracasser le peu de cohérence que j’avais réussir à y trouver.

- Tu es important pour moi aussi. On a défié la mort ensemble, plusieurs fois et je t'ai vu mourir et je... Je tiens à toi, Jorus, vraiment.

C’était la vérité. Je tenais à lui, mais pas de la manière qu’il l’espérait. Je ne devais pas lui mentir à ce sujet, mais ça ne m’empêchait pas de vouloir son bien et sa survie. Je pris mon courage à deux mains et m’approchai, me portai à sa hauteur et relevai son menton pour le fixer dans les yeux.

- Je ne te laisserai pas mourir, tu m'entends ? Je peux pas te promette quoi que ce soit concernant... le reste. Je ne sais même pas où j'en suis moi-même... et je peux pas m'empêcher de me dire que si mon corps n'avait pas changé, les choses n'auraient pas évolué ainsi. C'est... compliqué, pour moi, tu comprends ?

- Pourquoi agis-tu comme si j'étais mourant ? J'ai juste un béguin pour toi, bon d'accord un gros béguin. Mais ça va passer avec le temps. Ce n'est pas ma première fois et me connaissant, pas ma dernière. C'est juste que...j'ai connu d'autres personnes et...et je n'ai jamais ouvert mon cœur. Tu es là première ! Mais du coup, j'ai des regrets qui refont surface, beaucoup de regrets. Je ne te demande pas de m'aimer en retour, ni même de songer à un potentiel nous deux futur. Tu m'as écouté et c'est déjà beaucoup. Surtout que j'imaginais plusieurs scénarios qui se sont soldés par ton poing au visage !

Son rire sonnait faux, son expression semblait être cachée derrière un masque. Et j’étais trop lâche pour avoir envie de creuser. Je n’avais pas envie de fouiller, pas envie de ressentir ça à nouveau… je savais que c’est idiot, mais après tout ça… J’inspirai et me frottai le visage. Je n’avais pas besoin de ça… j’aurai préféré qu’il ne dise rien… ou que je ressente quelque chose. J’aurai aimé que ce soit simple… pour une fois.

- Désolée je.. je sais pas trop comment réagir. Je... suis pas douée avec ça... Et je veux pas te faire de mal inutilement. Je voulais juste savoir... C'est parce que j'ai.. changé, que tu ressens ça ? Physiquement, j'entends.

C’était forcément ça, non ? Je en voyais pas d’autres raisons valables, malgré tout ce qu’il pouvait dire. Je n’essayais pas de plaire, je me fichai pas mal de ça, alors pourquoi… ça n’avait pas de sens en dehors d’une attirance purement physique.

- Pour moi aussi c'est compliqué, s'ouvrir comme ça c'est... l'inconnu pour moi. Et t'inquiète pas pour moi, tu pourrais me jeter à coup de pieds que ça changerait pas grand chose. Tu as vu la pire chose que j'ai jamais faite et pourtant tu m'as aidé à me relever, tu m'as pardonné, ce que j'ai encore du mal à faire moi-même !

Encore cette culpabilité pour une erreur qui n’avait finalement pas porté à conséquence… Un jour il allait falloir qu’on discute de ça… et sérieusement.

- Ce que je veux dire c'est que ton apparence n'est qu'une enveloppe, même si elle n'est pas dégueu.

- Je t’en foutrais du pas dégueu… mais tu as tort de t'en vouloir. Tu as voulu bien faire, même si tu as agi comme... toi... Mais personne n'est parfait.

Il se payait un peu ma tête avec son sourire malicieux, mais je me sentis un peu mieux malgré tout. Il restait Jorus et c’était un type bien. Enfin sauf quand il essayait d’être plus malin qu’il ne l’était réellement.

- Si ça se trouve, je ne fais que chercher des raisons sur ce qui pourrait être au final, qu'un simple hazar. Je...je me suis rappelé ce qu'il s'est produit dans le cristal, je m'en suis rappelé tout à l'heure et...et depuis...tout s'enchaîne et se mélange, j'en suis moi-même perdu. J'étais brisé en sortant du cristal et...ce que j'ai senti peu après c'était...un sentiment de bien être tellement agréable. C'était toi n'est-ce pas ? Toi qui était là quand j'en avais le plus besoin, encore ! C'est peut être ça, l'élément déclencheur finalement !

- Quand t'es sorti du cristal, je suis allée te voir, mais tu étais... j'ai essayé.. j'ai cru que je pouvais te sauver, mais tu es parti et j'ai... ne meurs pas à nouveau, d'accord ? Je veux pas revivre cette scène à nouveau.

Je m’asseyais à côté de lui, pas vraiment heureuse de revivre cette scène. Il essaya de changer de sujet en envoyant une boutade sur Akihito. Savait-il ? je voyais difficilement comment, mais je ne pouvais pas en être sûre, après tout. Je n’avais rien vu venir, peut-être que lui était plus observateur que moi.

- Ne pars pas dans cette direction... Je ne sais même pas comment tu es au courant de ça... enfin, inutile d'en discuter, je ne sais pas si je serai capable un jour d'avoir ce genre de relation avec qui que ce soit. Et tu n'aurais pas tenu une semaine, de toute façon.

Mon sourire mutin se mime sur son visage et il répond au tac au tac, même si j’ai quand même l’impression qu’il a compris les choses à l’envers. Mais si lui et Akihito commencent à se chamailler, je devrais rapidement mettre un terme à tout ça. on n’avait vraiment pas besoin de problèmes puérils et relationnels en plus, on avait déjà assez à faire avec ce qu’on avait…

- Ne te blâme pas, je sais que tu as tout fait pour nous faire revenir, c'est d'ailleurs pour ça que vous avez été à Nagorin non ?

- C'était l'idée, oui. Je n'arrivais à rien ici et Xël pensait que le Sans-Visage pouvait aider. S'avère qu'il a eu raison, son égo va encore gonfler...

- Ne te blâme pas pour ça !

Il me donna un petit coup d’épaule et je soupirai mais levai les yeux vers lui.

- Tu as fait tout ce qui était yliriament possible, c'est à dire plus que beaucoup ! Moi aussi je savais que seul le Sans-Visage pouvait accomplir une telle chose. Restait à savoir comment le ramener. J'ai eu de l'espoir avec l'ouessien, en vain. Mais il n'est pas le seul à accomplir une telle chose malheureusement, Vallel aussi. En plus d'être maître de la chaire, il s'est rendu maître des esprits grâce à un objet provenant du Sans-Visage ! Il a dit qu'il passerait dire bonjour à Xël. Les retrouvailles risquent d'être charmantes ! Espérons qu'il se concentre sur ses propres recherches.

- Je ne me blâme pas... j'étais juste... c'est frustrant de voir les choses se résoudre d'un claquement de doigts après avoir vu tous mes eforts être fait en vain... mais ce n'est pas grave, l'essentiel c'est que vous êtes là. Mon seul objectif est de détruire le dragon noir. Si Vallel se met en travers de notre route, nous l'éliminerons, c'est aussi simple que ça. Espérons qu'il ne soit pas aussi idiot que Gadory...

- Vallel ? Non, je pense qu'il ne sera pas une entrave. Il est semblable aux sorciers de la Lande, voué à la perfection de ses recherches et il a déclaré que le Dragon Noir était autant une menace pour lui que pour nous et j'ai tendance à le croire.

Je n’étais pas vraiment convaincue, mais je laissais couler. Ce n’était pas le moment pour ça, de toute façon, je ne pouvais pas vraiment savoir ce que ce Vallel pouvait avoir en tête. Après tout, même les plus fervents généraux d’Oaxaca se sont retournés contre elle, au moment clé, alors s’il se contente de rester dans son coin sans nous chercher des noises, ce sera pour le mieux. Même si je me demandais bien quelles recherches il menait…

- Tu...tu avais mentionné ton changement d'apparence et que ça semblait te bouleverser. Tu... veux en parler ?

Ah… merde… je secouai la tête. Je n’avais pas spécialement envie d’en parler, autant être honnête. Et je ne pouvais pas être sûre qu’il comprenne, de toute façon. Je ne voyais pas qui pourrait, dans les circonstances actuelles.

- Pas vraiment... J'ai simplement pas eu le choix et... m'habituer à ce corps n'a pas été facile. Je n'avais plus l'impression d'être moi, mais j'ai fini par m'habituer. Je m'en sors pas si mal.

Il n’insista pas et je lui en étais infiniment reconnaissante. Il se leva finalement et je le rassurais concernant sa présence alors qu’il me pensait fatiguée. Je l’étais, mais pas physiquement et je n’étais pas sûre qu’un éloignement volontaire de toute relation sociale soit la solution. Je lui offris un sourire reconnaissant, un qui vint naturellement, sans que j’aie à me forcer.

- T'en fais pas Jorus, ça m'a fait plaisir de discuter avec toi. Je suis heureuse que tu ailles bien. Je suis là si... tu as besoin.

- Et j'en ai de même pour toi, il en a toujours été ainsi. Avant ou...ou maintenant. Je suis là si tu as besoin de parler... ou si tu as besoin de taper sur quelqu'un pour passer tes nerfs !

Mon sourire s’élargit, amusé cette fois. Cette andouille…

- Je m'en souviendrai. Merci Jorus... on se voit plus tard ?

- Bien sûr qu'on se revoit. Surtout si j'ai droit à ce si joli sourire !

Je l’observai, prise de court et marmonnai alors qu’il s’éloignai.

- Tu m’aides pas, crétin…

Lorsqu’il eut finalement disparu, je me rallongei sur ma couche en plaquai mes mains sur mon visage en poussant un cri de frustration alors qu’Alyah ricanait dans mon esprit. Les choses venaient de sérieusement partir dans tous les sens. : il me prenait tellement de court… et je n’étais pas sûr qu’il n’allait pas insister…

(Ah, c’est merveilleux tout ça. Un triangle amoureux. On se croirait dans un roman à l’eau de rose. Il ne manque que la belle-mère acariâtre adepte de poison et le méchant empereur qui veut conquérir le royaume.. Ou alors le dragon, du coup celui-là on l’a. Manque que la marâtre.)

(Par les cuissardes de Gaïa, de quoi tu parles ?)

(Pas important pour ta petite tête enfumée par les feux de l’amour. Alors, tu préfères Jorus ou Akihito ? franchement les deux sont pas mal, quelle veinarde.)

(Alyah…)

(Franchement les deux ont pas l’air très dégourdis avec les femmes, mais Akihito a au moins de l’expérience, ça donne un avantage. Mais Jorus est moins prise de tête. Et plus marrant. Hmmm… il a mentionné des femmes, ça se trouve il a encore plus d'expérience qu'Akihito)

(Nan mais c’est pas un concours !)

(Ah bah si ! Et le prix c’est toi ma chère Yli. Toi et ton petit cul de…)

(ALYAH !)

Elle se contenta de ricaner alors que j’avais el visage en feu et plus aucune envie de parler de ça, de près ou de loin. Comment c’était possible une situation pareille, sérieusement ? Ce n’était pas les petite piques des gars de la commanderie qui étaient plus de l’humour qu’autre choise. Là c’était sérieux et je n’étais juste pas préparée à ça. Pas du tout. Ce n’était pas le genre de choses que je pouvais apprendre en lisant un bouquin ou en faisant une partie de régicide avec Sorinion… Sûrement que Nyllyn en saurait davantage, et encore… J’aurais aimé en parler avec elle ou au moins avec une amie qui comprendrait, mais là, la seule présence féminine était Silmeria… Autant me fracasser le tronche sur un rocher à répétition, ça sera plus utile et efficace.

(La technique de la tête dans le sable, alors ?)

(Sauf si t’as une meilleure idée… Quoi que je fasse, je vais en blesser au moins un, voire les deux…)

(Choisis les deux ?)

(T’as pas fini de dire n’importe quoi ?)

(Noooooon !)

Je soupirai longuement et décidai que la meilleure façon de procéder était de passer outre et de préparer la suite. Tout le monde était vivant et il é tant qu’on avance dans toute cette histoire. Et quelqu’un devait répondre de ses actes. Je remballai mes affaires et me mit en quête de tout le monde avec les paroles de dracaena en tête. J’allais mettre de l’eau dans mon vin, mais certains allaient quand même devoir s’expliquer. Et sérieusement.

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Re: Lande Noire

Message par Akihito » sam. 19 août 2023 04:36

Dans le chapitre précédent...

Evénement : Cauchemar en Aliaénon.

41 : Et maintenant ?

Gémissements.
Sons étouffés.
Contact dur sous lui.
L’insupportable poids de ses habits.

Dans une brusque respiration qui incendia ses poumons, Akihito ouvrit les yeux et se releva précipitamment. Sa vue floue capta des mouvements, des lueurs ; son nez senti l’odeur âpre et métallique du sang, tout comme celle plus rance du pue. Et une odeur plus indéchiffrable proche, trop proche de lui. Tout aussi proche que le tissu de cette tunique qui lui collait à la peau, oppressant son être. Il ne VOULAIT pas de ce contact. Plus jamais, plus jamais il ne voulait avoir la sensation d’être enfermé, serré dans quelque chose. Impossible. Inconcevable. Inacceptable. Il devait se débarrasser de cette nuisance maintenant, ou sinon il était perdu. A tâtons ses mains cherchèrent le bord inférieur de la tunique humide qui le recouvrait et la fit passer par-dessus sa tête. Le contact déplaisant de la laine humide et odorante s’écrasant sur son visage le fit haleter avec force, augmentant brutalement son rythme cardiaque. Il DEVAIT se débarrasser de ce truc maudit.

« Aki... en sécurité… bien.

- Ce ne sont… z’en faites pas. »

Deux voix se firent entendre. Il les savait proches, tant elles étaient audibles. Mais il n’avait tout simplement pas le temps d’y prêter attention, ce foutu habit devait disparaitre ! La lumière jusque-là atténuée par le filtre de textile pénétra de nouveau sa rétine et sa main droite jeta au sol la tunique sans ménagement. Un simple contact étranger sur sa main le fit brusquement reculer, repoussant sans ménagement ce qui avait osé le toucher. Quoi que ce fusse, cela n’était pas bon pour lui. Aucun contact ne l’était. Il pouvait… Il pouvait encore sentir la prise ardente de Justice qui enserrait son bras droit, pour le maintenir en Enfer avec lui. Son corps trempé de sueur lui rappelait constamment la peur, la fournaise que le brasier générait autour de lui et… Sous ses doigts… Juste là… La chaleur était presque encore présente, tapie sous son épiderme…

(Aki…)

« Aki... Aki regarde-moi. »

Un nouveau contact le fit tressaillir.

(Non ! Non, lâche-moi !)

Qui lui voulait du mal ? Qui voulait le faire souffrir, le replonger dans l’enfer de cette pression, constante, qu’était le toucher ? Qui était aussi cruel ?! QUI…
Une main de jaspe noire était posée sur la sienne. Ses yeux fous voyait la réaction épidermique qu’était le retrait de sa main mourir en temps réel, puis se stopper tandis que ses yeux remontaient lentement. Au bout de cette main, il y avait un bras.

(Aki… Rappelle toi.)

Au bout de son bras, il y avait une personne.

(Souviens toi.)

Cette personne était une amie.

(Je suis là pour toi.)

Plus qu’une amie, c’était-

(Yliria est là pour toi.)

Deux grands yeux saphir l’observaient, emplis de peur et de soulagement. Il la voyait. Elle était là, à garder le bout de ses doigts ayant cessés de fuir sous une étreinte doucement angoissante. Peur appréhension soulagement crainte joie peine quiétude, un maëlstrom d’émotion étreignit son cœur, faisant trembler tout son être. Ce simple contact était insupportable… Mais vitale. Il était vivant…Terriblement vivant.

(Ca… Ca va aller… Aki…)

Le souffle court, paniqué de l’enchanteur devint plus erratique tout en perdant en intensité. Devait-il céder à la panique qui brûlait son ventre ? A la boule qui grandissait au fond de sa gorge ? Peut-être un peu des deux. La douce voix qui résonnait dans sa tête et qui lui avait manqué revint. L’apaisa. Sa main lâcha la cicatrice et se referma autour du médaillon de Faerunne qui était de retour autour de son coup.

(Amy…)

(Je suis là…)

(C’était… C’était…)

(Chhhhh. Je sais, m-moi aussi…)

« C'est fini ? D'accord ? Tu es en sécurité, je te le promets. »

Un souvenir lui revint, douloureux et réconfortant. La sensation intimiste et agréable de doigts se mêlant dans ses cheveux, effleurant son cuir chevelu. Des doigts se glissant à l’arrière de sa tête, invitant à l’abandon d’une étreinte salvatrice. Une étreinte qui le retiendrait, qui le piègerait… Mais dont il avait besoin. Hitomi, Anthelia, et maintenant… Yliria.

Akihito se laissa aller à l’invitation, laissant sa tête se reposer contre l’épaule offerte de la semi-Shaakte. La chaleur de la jeune femme était perceptible à travers le tissu un peu rêche de sa tunique contre son front. L’odeur musqué de l’elfe était mêlée à celle de la fumée, du sang, Sa main caressa sa tête et le tremblement qui parcourait tout son corps finit par éclater. Les sanglots devinrent des pleurs silencieux, humidifiant le devant de la tenue d’Yliria au rythme des tressautements secouant ses épaules.
Il était revenu.

Il était EN VIE.

Le temps se dilua si bien que lorsqu’Akihito releva la tête et essuya du dos de sa main libre les larmes perlant aux coins de ses yeux rougies, il ne pouvait dire s’il avait pleuré dans les bras d’Yliria cinq ou vingt minutes.

« Désolé, c'est... c'est...

- C'est rien, répondit-elle avec un doux sourire. Pas besoin de t'excuser, Aki. Prends le temps qu'il te faut. »

Un léger hochement de tête fut sa seule réponse, alors qu’il serrait les yeux pour retenir les dernières larmes qui cherchait à couler. Il resta une longue minute ainsi, à s’abreuver du contact réconfortant et des paroles murmurées de sa Faëra. Rien… Peu de choses seraient comme avant, maintenant qu’il était passé de l’autre côté du miroir. Mais il n’était pas seul…

« Merci... finit-il par dire d’une voix chevrotante, mal assurée, avant que son regard ne tombe sur son torse nu. Ah... tu... tu peux me trouver mon... mon manteau ? J'ai besoin de... de quelque chose d'ample.

- Il doit être resté avec tes affaires, je vais le chercher. »

L’Ynorien regarda la jeune femme s’éloigner presque mécaniquement, sentant une pointe d’angoisse à l’idée de voir sa nouvelle ancre dans ce monde quitter son champ de vision. Cela fit porter son regard plus loin que le monde qu’avait été la jeune femme : il était dans une infirmerie, au milieu d’autres blessés. Atteints à des degrés différents, delà pouvait aller du malade se tenant la poitrine comme prit d’un mal inconnu à la silhouette lourdement bandée sur toute la partie droite du visage et au bras droit manquant. Lui-même avait été allongé sur une table, à côté de laquelle trônait sa tunique poisseuse.

(Amy, t’imagine pas comme je suis heureux de t’entendre à nouveau…)

(Oh si j’imagine bien, je vis la même chose…) répondit la Faëra la voix pleine d’une émotion qu’il n’entendait presque jamais chez elle, le soulagement. (Quand j’ai senti notre lien se rompre, j’ai… J’ai cru que j’allais devenir folle de chagrin. Alyah a pu dire à Yli de récupérer le médaillon et je n’ai pas été toute seule, en fin de compte. Mais ça a été… Ça a été dur. Si Alyah n’avait pas été là, encore quelques jours et j’aurais perdu la raison pour un temps… Incertain.)

(Je suis pas passé loin moi aussi. Jesuir, la cité des morts… Elle offrait le sommeil éternel à ceux qui le voulait… J’aurais pu-)

(Chhhht, pas un mot de plus. Et ne dit pas ça à Yliria non plus. Ta m… Disparition l’a aussi beaucoup affecté…)

L’enchanteur acquiesça lentement, pas pressé de connaitre les détails. Il ferma les yeux pour calmer sa respiration toujours peu calme et attendit patiemment le retour d’Yliria, qui finit par revenir, son manteau à la main. Il le récupéra et le regarda un instant avec appréhension. Le tailleur Lilo n’avait eu aucun mal à lui trouver un manteau épousant parfaitement sa carrure, mais désormais cette attention au détail le dérangeait presque. Il aurait préféré quelque chose de plus lâche, de moins près du corps… Mais il ne pouvait pas rester torse nu devant Yliria. Dans une grimace, il passa le vêtement par-dessus ses épaules. Le simple poids de son manteau favori fit parcourir un tremblement dans toute sa colonne vertébrale. Il serra les dents et balança ses jambes sur le côté pour descendre de la table de pierre. Il ignorait combien de temps il allait passer avant de pouvoir porter le moindre vêtement un peu serré, mais il ne pouvait pas rester comme ça. Il allait avoir besoin de son armure, de ses armes… Et du poids qu’elles allaient peser sur ses épaules…

« Dis, toi... comment tu vas ? »

Comme il avait pu le faire à Jesuir et dans le corps du Golem : focaliser son attention sur autre chose pour ne plus faire attention à ce qui le préoccupait.

« Tu devrais rester allongé . Et ne t'inquiète pas pour les autres, occupe-toi de toi avant tout, d'accord ?

- Je vais bien... physiquement, du moins. C'est juste qu'avoir de nouveau accès à tous mes sens c'est... éprouvant... »

Il disait vrai. Quoi qu’avait été le liquide emplissant les cuves dans lesquelles ils avaient baignés, son corps était en pleine forme et totalement opérationnel. Dire qu’il avait été réduit à l’état de pulpe sanglante quelques jours-

(Aki !)

(…)

« Et tu sais bien que tu peux pas me demander de mettre les autres après moi, hein ? continua-t-il avec un sourire triste. Surtout toi, alors que t'as dû en baver...

- Je vais bien... Mieux. Et pour une fois, s'il te plaît, pense à toi. Tu viens de... vivre un truc éprouvant, repose-toi.

- Tu veux bien m'assommer, dans ce cas ? »

Le sourire qui étira ses lèvres, bien que maigre, lui fit beaucoup de bien. La Yli qu’il avait toujours connu était toujours là, malgré ce qu’elle avait traversé. Est-ce qu’il pouvait en dire autant de lui… ?

« Ne me tente pas, plaisante-t-elle avant de rajouter : N'en fais pas trop.

- Toi non plus. Tu es fatiguée, ça se voit.

- Oui, mais je compte bien retourner dormir une fois que je serais assurée que tout est rentré dans l'ordre. Au moins autant que possible...

- Vu notre groupe, t'es pas couchée avant longtemps. »

Akihito était incapable d’expliquer son geste. Un besoin de réconfort après ce qu’il avait vécu ? De la gratitude et de l’empathie pour ce qu’elle avait traversé ? Quelque chose de plus… Personnel ? Toujours est-il que l’enchanteur, debout face à la jeune femme, tendit lentement une main vers elle. La glissa dans son dos. Puis l’attira faiblement à lui, l’enlaçant faiblement. Murmurant à voix basse.

« Merci. Ca a pas dû être facile, mais merci. Je sais que t'as essayé de faire ce que tu as pu.

- Me fais plus jamais ça... plus jamais... »

D’abord surprise, la voix étouffée de la semi-Shaakte avait résonnée contre lui, alors que sa main tapotait maladroitement son dos. Chaque petit choc, même étouffé par le tissu épais de son manteau, se réverbérait sur sa peau comme autant d’électrochocs.

« Mou… Disparaitre une fois, ça me suffit, crois-moi...

- J'espère... je veux pas te... vous revoir tous comme ça... »

Un long soupir se fit entendre et le poids de la jeune femme s’accentua sur son torse, faisant se raidir Akihito. La sensation qu’il avait ressentie quand elle avait glissé la main dans ses cheveux revenait au galop, avec une ampleur bien plus grande. Une douceur irritante, un malaise réconfortant. L’air lentement expiré d’Yliria glissait sur sa peau telle une plume aux fibres aiguisées et enflammait ses nerfs. Il ressentait tout plus fort. Trop fort. Sans doute sentit-elle sa gêne, car elle finit par s’écarter de lui à son déplaisant soulagement. L’entendre lui demander s’il comptait dormir lui permit de penser à autre chose.

« Quand je disais que tu devais m'assommer, je plaisantais à moitié. Je pense pas être capable de me rendormir.

- Force toi ? »

(Si c’était aussi simple, Yli… Si c’était aussi simple.)

« Prend au moins le temps de te nourrir. Je vais trouver un endroit où dormir, pour ma part. Dormir devrait être plus aisé maintenant, continua la semi-Shaakte, ce qui fit hocher la tête au jeune homme.

- Je vais essayer de voir si certaines de mes rations sont encore en état... Et comprendre ce qui s'est passé pendant mon absence. On se voit plus tard. »

Dans un léger signe de la main, son amie le quitta et il la regarda disparaitre. De nouveau seul, son regard tomba inexorablement sur ses mains laissées ballantes le long de son corps, encore tremblantes. Il effleura du bout du pouce la cicatrice s’ajoutant à la collection bien trop longue des marques qui attestaient de sa vie mouvementée. Jusqu’alors, il avait toujours considéré ses cicatrices comme des trophées ou des rappels de ses erreurs, de ce qu’il ne devait pas recommencer. Pour la première fois, il souhaita voir disparaitre un de ces témoins de sa vie. La peau rougie à vie pouvait émettre sa propre chaleur qu’il n’aurait pas été surpris tant il pouvait presque la sentir. Sentir ces doigts ardents empoignant son bras dans un étau infernal. Creuser sa chair fondant petit à petit et…

(Aki, tu m’expliques ?)

La voix d’Amy raisonna fortement dans son esprit. Inquisitrice, impériale. Indécise.

(T’expliquer… Quoi ?)

(Yli. Tu l’as prise dans tes bras, non ? Je croyais que tu voulais faire attention.)

(Je… J’en avais…)

Le souvenir proche de la présence de la semi-Shaakte était encore vif dans son esprit et éclipsa la douleur fantôme de son bras, disparaissant comme un mirage. Pourquoi avait-il fait ça ? Il n’avait pas vraiment réfléchi. Il avait simplement agi naturellement, mue par une envie.

(J’en… avais envie. C’est tout.)

(Envie, hein ?) répondit la voix avec des accents amusés.

(Amy, pas maintenant.)

(Pardon…)

(C’est pas grave.)

Sa Faëra n’avait pas besoin de partager ses pensées pour voir à travers le masque qu’essayait d’arborer l’enchanteur. La fragilité qui l’animait pouvait le sans doute le refaire chuter dans le même état de panique qui l’avait secoué à son réveil.

(Agir, m’occuper, allez de l’avant… Ne pas stagner.)

Rester là les yeux dans le vague ne pouvait pas lui faire du bien. Le sommeil n’allait pas le trouver tant qu’il n’aurait pas écrasé son front contre la paroi du bâtiment infirmerie avec suffisamment de force pour l’emmener dans le pays des songes. L’action, la stimulation, voilà ce qui l’aiderait se réhabituer à son environnement. Survivre en bougeant.

Une silhouette passa dans sa vision. Celle d’une femme qu’il avait vu revenir avec Jorus, lorsqu’il était parti à la recherche des dragons. Il ne se souvenait pas l’avoir entendu parler une fois, et son nom dansait sur le bout de sa langue sans qu’il ne parvienne à le saisir. Deux certitudes restaient présentes, cependant. Elle était clairement Ynorienne, et la douceur qu’elle mettait à s’occuper des blessés gémissants autour d’elle ne pouvait pas être feinte. Maintenant qu’il l’observait et l’entendait murmurer, la sonorité de sa voix lui rappela celle lointaine qui avait accueilli son réveil, en même temps que celle d’Yliria. Tout comme pour les autres, elle avait veillé sur son sommeil. Réajustant d’une main fébrile le manteau sur ses épaules pour garder un minimum de tenue, il attendit qu’elle se tourne vers lui entre deux souffrants pour la remercier, ce qui ne tarda pas.

« Pardonnez-moi si je vous ai inquiété avec mon... réveil un peu brusque, et merci d'avoir veillé sur moi.

- De rien : vous et les vôtres êtes les plus grandes chances que ce monde a de se débarrasser de ce nouveau fléau, répondit-elle d’une voix éreintée, mais bienveillante.

- C'est ce que j'espère aussi. »

Il resta silencieux un temps, avant d'ajouter.

« Pardonnez ma question un peu cavalière, mais je ne peux m'empêcher de remarquer que vous avez les traits de mon peuple. Vous êtes originaire d'Ynorie, n'est-ce pas ?

- Oui. Fan-Ming est... était une colonie ynorienne en ce monde. Vous l'ignoriez ? »

Fan-Ming. La colonie Ynorienne. Une à une, des brides d’informations émergèrent dans son esprit encore groggy par les épreuves passées.

« Maintenant que vous le dites... Non je ne l'ignorais pas, mais c'est un sujet qui a peu été évoqué depuis notre arrivé, et j'ai l'esprit encore un peu embrouillé... C'est... Jorus qui vous a ramené avec lui, je crois. Et vous êtes... Hikemi...? Non, c'est pas ça...

- Himeka de Fan-Ming, épouse du Gouverneur Teruki. Même si... il n'y a plus guère à gouverner.

- Himeka, oui. Cela va paraître bien creux vu la situation et mon état, mais si je peux faire quoi que ce soit pour vous aider ou vous faire revenir à Oranan... »

C’était le moins qu’il puisse faire, mais elle déclina. Aliaénon était son monde, et le Dragon le menaçait. Tout ce qu’elle désirait, c’était qu’ils se débarrassent de lui.

« Je ne sais pas si Jorus vous en a informé, mais la guerre avec Oaxaca est terminée en Nirtim. Le Dragon Noir était de la partie, et il a été banni de Yuimen par la déesse Brytha... Sur Aliaénon, lâcha-t-il non sans une once de culpabilité. On pense désormais que Dragon et déesse ont fusionné, d'une manière ou d'une autre. Là où je veux en venir, c'est qu'après m'être entretenu brièvement avec cette entité, il me semble peu probable que la destruction de Fan-Ming soit le fruit d'une simple volonté de vengeance ou par pur caprice. Vous auriez une idée de la raison qui l'aurait poussé à commettre un tel acte ?

- Il a parlé de la guerre, de la chute d'Oaxaca et du Dragon Noir. J'ignore tout en revanche de celle que vous nommez Brytha. Et j'ignore ce qui a poussé cet être à détruire Fan Ming. Mais je sais une chose : il n'y a que la haine pure qui puisse expliquer ses actes.

- Je connais peu de choses sur la déesse, mais le fait est qu'elle ne fait maintenant plus qu'un avec le dragon. Et ça me coûte de le dire, mais je ne pense pas que son acte soit justifié par la haine seulement. Depuis son arrivée ici, il semble traquer les grandes sources de puissance comme les Titans pour absorber leur âme, leur force. Fan-Ming recelait peut être un vestige, une trace de ce qu'il traque ? L'histoire de votre ville ne contient rien de la sorte ?

- Fan Ming était une simple cité, un poste militaire pour assurer les transports de marchandises venues du Royaume Pâle vers le fluide menant à Oranan, expliqua la gouverneure avant de réfuter les hypothèses de l’enchanteur. Mais le fluide a été déplacé à la Tour d'Or suite à la Grande Guerre. Je ne vois pas ce qu'il pouvait chercher d'autre que nos vies.

- Peut-être est-ce la présence du fluide qui a laissé une marque qu'il a senti et à chercher à trouver ? Ou cherchait-il un moyen de retourner sur Yuimen ? »

Amy s’apprêta à intervenir, il le sentit, mais elle n’eut pas besoin de le faire. Dans son empressement d’occuper son esprit, il avait peur de s’être montré trop rude.

« Désolé si je fais remonter des souvenirs douloureux, j'essaye de comprendre ce qui a pu motiver le Dragon...

- Je l'ignore. Je ne suis pas versée dans l'art magique. Nous autre, Ynoriens natifs d'Aliaénon, n'y sommes pas sensibles. Et le Dragon n'a aucunement fait mention de ses intentions.

- Vous êtes née ici ? »

Akihito ignorait quand Oranan avait commencé à exploiter le fluide d’Aliaénon, mais il lui semblait que ce n’était pas depuis suffisamment longtemps pour qu’une femme de l’âge apparent d’Himeka puisse naître et grandir. Le temps s’écoulait-il différemment ici que sur Yuimen ?

« Oui. Comme Teruki. Les deux derniers ynoriens d'Aliaénon. »

Fatalité, noblesse, fierté, peine, les mots solennels et amers d’Himeka étaient lourds de sens. L’Ynorien ne put s’empêcher de répondre à ces paroles.

« Fan-Ming continuera de vivre tant que vous serez en vie, et je m'assurerai que vous ayez tout le temps nécessaire pour la faire perdurer, assura-t-il du mieux qu’il put en s’inclinant, les jambes légèrement tremblantes.

- Je n'ai que peu de compétence sur un champ de bataille, mais Teruki a promis de se battre à vos côtés. Vous me rendriez service si... si vous preniez soin de lui.

- J'ai toujours mis un point d'honneur à protéger mes compagnons, même si ça ne m'a pas toujours... réussi. Vous pouvez compter sur moi, dame Himeka. »

La femme avait beau être issue de ce monde, la noblesse ynorienne était restée inchangée. Un rappel puissant des origines de l’enchanteur, qui sentait en lui des souvenirs entrer comme en résonnance avec cette âme pure si proche de ses racines. Emergeant un à un des volutes encore embrumées de son esprit. Réintégrant la place qui était la leur dans sa mémoire. Rappelant lentement mais surement à l’enchanteur qui il était, malgré son passage dans les Enfers et à travers un corps qui n’était pas le sien. Il ne serait plus jamais le même, mais cela ne changeait en rien qui il avait été.

(Merci, Himeka.) salua-t-il silencieusement, salut qu’elle lui rendit avant de s’en retourner à sa tâche, rappelée par le gémissement étouffé d’un blessé.

Akihito sorti du bâtiment et fut accueilli par le vent mordant et sec de l’extérieur. Lui qui n’avait jamais été très frileux frissonna sous la brise aussi abrasive que la meule des Himatori. Serrant les dents, il trottina d’un pas mal assuré à travers les rues plus ou moins déblayées de leurs gravats. Sa priorité était de retrouver son paquetage contenant toutes ses affaires, ce qui lui restait de provisions notamment. Et surtout, toutes les reliques qu’il ne voulait perdre pour rien au monde. La Kizoku comme le marteau avaient tellement accompagné ses pas qu’ils faisaient partie intégrante de son identité.

(Les transporter ne va pas être une partie de plaisir,) pensa amèrement l’enchanteur en errant dans les ruines. Son équipement allait peser un poids considérable qu’il n’avait jamais eu de mal à déplacer, mais il n’avait jamais craint la sensation de poids sur son épaule non plus. La simple évocation de sa sacoche le fit frissonner et le força à se concentrer sur ce qui l’entourait, à la recherche de repères qu’il reconnaitrait et qui le mènerait vers la salle des tubes. Il finit au bout d’une dizaine de minutes par reconnaître une bâtisse miraculeusement préservée au milieu du champ de décombres, ce qui l’avait marqué lors de ses précédents passages. S’y dirigeant, il se mit à chercher dans les alentours et trouva finalement l’arche qu’il cherchait.

(Dire que je suis passé deux fois devant sans la reconnaître.)

(Tu faisais un bon mètre de haut de plus, quand tu étais sous ta forme de golem. Ta perception de ton environnement était différente.)

Akihito acquiesça mentalement, avant de descendre la volée de marches et franchir le dédale de couloirs menant aux cuves qui avaient gardés à l’abri leurs corps. A l’exception de ses affaires qui avait été jetée dans un coin, il n’y avait plus rien, plus personne. Seules les dalles rougies attestaient des mises à mort qui avaient été nécessaires pour renvoyer les Yuiméniens prisonniers dans des corps de chair dans leur propre enveloppe. Du golem d’argent noir, il ne restait pas une trace.

Arranger ses affaires pour toutes les faire tenir dans sa sacoche, à l’exception de ses armes, fut long et fastidieux. Et s’il pouvait tolérer d’avoir la Kizoku à la ceinture, l’appréhension qu’il ressentit à la vue de son baudrier qui l’aidait habituellement à transporter son bouclier et son marteau le fit vite abandonner l’idée de l’enfiler. Il était bien trop tôt pour qu’il accepte de se sangler quoi que ce soit au corps. L’enchanteur bricola donc un peu les sangles pour les faire passer dans celle de sa sacoche et réunir le tout en un ensemble peu pratique, mais transportable. Puis vinrent de longues minutes à contempler son paquetage, commencer à le soulever puis le relâcher, terrifié qu’il était à l’idée de sentir son épaule fléchir sous le poids de l’attirail. Il dût se faire violence c’est un Akihito grimaçant qui finit par sortir de nouveau à l’air libre, pour tomber sur un visage connu mais qui n’était visiblement pas très enchanté de le voir.

« Que faites-vous là ? Ne vous a-t-on pas indiqué la salle du campement ? demanda Bellarien.

- Pas vraiment, mon passage du golem à mon vrai corps n'a pas été très... Délicat. »

Dans un bruit sonore, il lâcha au sol sa besace et la grimace disparue finalement de son visage. La concentration qui lui était

« Estimez-vous déjà heureux d'avoir pu revenir à la vie. C'est pas donné à tout le monde, une seconde chance.

- Je ne compte pas la gâcher. Et ça commence déjà par vous remercier, Bellarien d'Assamoth. Même si j'ai fini par périr, vous avez tout de même tenté de m'aider avec votre sorcellerie dans mon combat contre Justice. »

Il n’avait pas oublié la pellicule de magie protectrice qui l’avait recouvert au début de l’affrontement qui avait vu sa mort, et il s’inclina à son encontre.

« Je ne suis pas inhumain : bien sûr que j'allais vous soutenir contre cet ennemi commun. Comme je le ferai contre le Dragon Noir. J'ai beau ne pas apprécier la présence de Yuiméniens, je sais que vous voulez bien faire, malgré tout.

- Peut-être, mais vous auriez pu protéger d'autres que moi. Et je sais que votre magie m'a protégé d'au moins deux attaques, alors je tenais quand même à vous remercier.

- Vous êtes l'un des seuls auxquels j'ai confiance, parmi votre groupe. Si je dois en sauver un, ça sera vous.

- Euh, eh bien... Merci ? »

S’il avait réalisé l’estime que lui portait le sorcier, Akihito ne s’attendait pas à ce qu’il le verbalise aussi franchement. Surtout qu’à le voir aussi épuisé, il avait sans doute des préoccupations plus importantes lui occupant l’esprit. Son état lui rappela alors un point qui l’avait dérangé pendant la bataille.

« Mais vous pouvez me dire ce qui s'est passé ici, pendant notre... Départ ? parce que j'ai l'impression que vous n'avez pas passé que quelques heures à vous battre, et c'est le ressenti que j'ai du temps passé entre mon départ d'Elscar'Olth sous ma forme d'esprit et mon retour en Golem.

- Il s'est passé presque quatre jours depuis votre départ, expliqua le sorcier. Le soir de celui-ci, les premières créatures ont commencé à arriver aux alentours. Prudentes, dans un premier temps, observatrices et curieuses. Mais très vite, l'agressivité a augmenté, et cette frénésie d'attaque. Nous avons combattu de bien trop nombreuses heures, et avons perdu à nouveau de valeureux sorciers dans la bataille.

- … Quatre jours… ? »

Choqué, l’enchanteur écouta le sorcier noir mettre cette attaque sur le compte du rayon de magie principalement, mais pas forcément plus aidé par l’âme du Titan.

(Quatre jours…)

(Je me disais bien qu’il y avait eu quelque chose de bizarre, quand on a franchi le portail du Sans-Visage…)

(Tu le savais ?)

(J’avais le pressentiment que quelque chose clochait. Mais je n’ai pas mis le doigt dessus, et j’avais d’autres choses à gérer à ce moment-là… Ton retour, pour ne citer que lui...)

« Pour ce qu'il vaut, sachez que vous avez tout mon soutien... déclara lentement l’enchanteur. Il y a quoi que ce soit que je puisse faire pour vous aider...? Je suis physiquement en pleine forme et trop agité mentalement pour me reposer.

- Ouais : ramenez à la vie mon peuple, remettez sur pied ma cité. Visselion dit que votre magie peut tout faire... railla-t-il de son sarcasme habituel, avant de donner une réponse plus sérieuse : guetter l’arrivée d’autres créatures.

- Monter la garde... c'est aussi à ça que je pensais. »

Saisissant la lanière de sa besace avec une hésitation manifeste, il continua.

« Vous pouvez me dire où est le campement, avant ? Où je peux me déplacer dans la ville, et où trouver un point en hauteur pour surveiller. Vous n’aviez pas l'air ravi de me voir errer tout seul, y a deux minutes.

- Au bout de ce couloir, vous trouverez tout ce dont vous auriez besoin. C'est là que nous avons établi le camp. Quant à la ville, n'allez sous aucun prétexte dans les étages inférieurs à celui-ci. Et si vous pouviez faire passer le message à votre... équipe, je vous en saurais gré. Quant à un point en hauteur... depuis que la tour externe a été détruite, les ruines de la surface sont le point le plus élevé de la ville. A moins d'aller vers les hauteurs, vers la grotte où nous nous étions abrités. Mais c'est plus loin, pour prévenir d'une approche offensive.

- Me retrouver enfermé est la dernière chose qui me fait envie actuellement… »

Alors l’idée de se balader dans les souterrains de la ville était une perspective qui ne l’enchantait guère. Les ruines n’offraient pas de point de repère satisfaisant, aussi décida-t-il qu’il irait se poster en haut de la colline. S’il se trouvait loin, il pouvait toujours compenser la distance grâce à ses bottes.

« Vous devriez en profiter pour vous reposer un peu vous aussi, Bellarien.

- Si vous vous portez garants des vôtres, répliqua le sorcier, j'irai. Ce Jorus a déjà tenté d'accéder à la Salle du Trône pour jouer avec le Sceau.

- Bon dieu, Jorus... je peux rien vous garantir, juste que j'essayerai.

- Je vous en remercie. »

La conversation s’arrêta là, bien que les deux hommes empruntèrent le même chemin ; Akihito jugulait tant bien que mal l’angoisse que le transport de son paquetage lui procurait, et Bellarien paraissait de toute manière absorbé par des pensées qui ne regardaient que lui.

Le campement en question ressemblait de bien des manières à celui de la grotte précédente : les mêmes tentes de fortune, la même activité discrète qui l’animait. Les colonnes avaient cependant remplacé les stalactites, les gravats les aspérités de la caverne, et une fraicheur bienvenue pour le transpirant Akihito était plus agréable que la tiédeur du précédent abri. Bellarien ne tarda pas à partir de son côté, le saluant brièvement. L’Ynorien progressa de son côté à la recherche des siens, attirant les regards de ceux qu’il croisait. Des regards de toutes sortes : anxieux, admiratifs, hargneux, suppliants. Parmi eux, celui curieux du chef de cette communauté, assis sur une chaise près d’une caisse pleine de parchemins.

« Vous allez mieux ? »

Visselion, qu’il avait vu combattre à ses côtés avec une lame d’argent noir sortant de son bras. Il n’en avait évidemment pas eu conscience avant car il portait sa longue robe de sorcier, mais une large partie de son corps était composée de ce métal corrupteur.

(Si mon corps était aussi résistant et me procurait autant de douleur constamment, peut être que moi aussi je serais aussi imprudent que lui.)

« Si on veut, répondit Akihito en laissant une nouvelle fois tomber son paquetage avec le même soulagement manifeste. Ce n'est pas comme si je pouvais espérer revenir d'entre les morts comme si de rien n'était. Surtout pas en passant à travers un golem fait d'argent noir...

- Vous exagérez... Il ne vous manquait que la parole !

- Pour hurler ma douleur la plupart du temps ? Vous auriez vite regretté. »

Son regard ne put s’empêcher de dériver sur le corps de Visselion, dont les reflets métalliques étaient apercevables à travers l’ouverture de sa robe.

« L'enchanteur Smarag'Din avait bien dit que ce métal affectait la force vitale, mais je n'imaginais pas que ce serait aussi violent. Et après vous avoir vu combattre, j'ignore si je dois éprouver du respect ou de l'effroi sachant que vous vivez constamment avec ce métal.

- La douleur, oui. C'est ce sur quoi Smarag'Din et moi travaillons. Trouver comment y palier via l'injection de drogues calmantes.

- La drogue me semble plus être un bandage qu'un vrai remède...

- Remède ? Il n'y a remède que s'il y a maladie. Tout ce que je vis est un choix volontaire. J'assume la douleur, même si comme vous le savez désormais, l'apaiser pourrait faciliter les choses. Le jeu en vaut la chandelle : si je parviens à stabiliser tout ça, nous serions à l'aulne de créer une nouvelle race de surhommes, puissants, endurants, immortels. »

Il vit son regard s’allumer d’une nouvelle flamme. Une flamme qu’il avait déjà vu dans les yeux d’une autre personne, à travers les barreaux de la cage briseuse de magie qui avait accueilli l’enchanteur durant une sombre nuit. Pouvait-il vraiment faire confiance à un homme si déterminé qu’il expérimentait sur son propre corps ?

(Ça prouve sa détermination, mais pas son allégeance.)

(Il a quand même beaucoup agi dans votre sens, Akihito.)

(Je sais bien. Mais j’arrive pas à me défaire de tous mes soupçons.)

« Vous vous entendriez magnifiquement bien avec une ancienne compagnon de Vallel. Elle aussi cherche à modifier son corps pour s'ouvrir l'huis de l'immortalité. Et si débattre de l'immortalité et son impact sur notre condition de mortel est intéressant, on a mieux à faire en attendant, dit-il avant de changer de sujet. Le rayon de magie se voit à des dizaines de kilomètres à la ronde. Vous avez survécu en partie grâce à nous à l'assaut des derniers jours, et rien n'indique que ce sera le dernier. Vous comptez faire quoi, à ce sujet ?

- Je n'œuvre pas pour moi mais pour mes pairs. Je ne suis que le cobaye de cette expérience, le prototype imparfait. Mais de fait, la protection de la ville est prioritaire. Que puis-je faire, selon vous ? Construire des protections, rebâtir la cité. Dans l'histoire de notre cité, les attaques recensées sont nombreuses. Elles n'ont pris fin que par la lassitude des bêtes de se briser sur les défenses.

- Je pensais surtout à quelque chose comme juguler le rayon et le rendre moins flagrant. Si on s'y met tous ensemble avec vous pour nous canaliser, ça devrait être possible. Et ça évitera d'attirer d'autres créatures indésirables. »

Tout en acquiesçant, l’archisorcier pointa du doigt qu’un tel sortilège était d’une complexité rare et que l’altérer n’était pas une tâche facile.

« Mmmh... »

C’aurait été sur Yuimen qu’il aurait été confiant d’être utile dans une certaine mesure. Mais sur un monde où la magie lui était complètement étrangère…

« Je suis un enchanteur sur mon monde, donc j'ai une compréhension instinctive de certains artefacts magiques. Je doute pouvoir tirer quoi que ce soit du rayon, mais... Ici, notre magie est un peu la personnification du dicton "vouloir, c'est pouvoir". Mathis voulait avoir justice pour un tort de Silmeria ; il a eu littéralement son incarnation. Alors si nous décidons, je ne sais pas, de changer la couleur du rayon pour le rendre noir et donc bien moins visible dans la Lande, qu'est ce qui nous en empêcherait ? Je suis plus partisan d'une solution pérenne et stable, mais on manque de temps et une simple altération visuelle me parait moins risqué.

- Vous croyez vraiment que c'est la couleur du rayon qui pose souci ? demanda le sorcier en pouffant. Son côté visuel ? C'est la concentration de magie qui appelle les bêtes avec tant de hargne, ça ne fait aucun doute.

- Désolé de pas avoir été pendant quatre jours pour avoir ce genre d'idées. »

Son ton s’était durci, comme son regard. Voir le sorcier se moquer de lui comme s’il était évident que les bêtes sauvages réagissaient à l’influence magique d’un rayon magique l’agaçait. Il se maitrisa tandis qu’il écoutait le sorcier affirmait que s’ils pouvaient agir sur le rayon, ils ne savaient pas comment.

« On sait comment, avec notre magie. Mais on ne sait pas ce qui sera le plus efficace. C'est vous l'expert ici, alors c'est vous qui êtes le plus à même de trouver une solution.

- L'expert ? J'ignorais qu'une telle activation du sceau était envisageable ! Nous souhaitions seulement prendre de l'avance sur le plan initialement prévu. Le flux mêlé de vos deux alliés était... si puissant. Il faudra une magie au moins aussi puissante pour ne fut-ce que songer affecter le rai. Non, je ne suis pas un expert dans ces choses-là. Elles m'échappent totalement. Mais je suis peut-être le seul ici qui osera s'y mêler pour tenter de faire quelque chose.

- Eh bah allez consulter Lamiria Géryick également, si c'est nécessaire. Mais je vais être franc avec vous, Visselion : on a plus le luxe de rester ici très longtemps. Et qu'on le veuille ou non, vous êtes le sorcier qui a le plus de chance de trouver une solution viable pour ce rayon : alors si vous voulez profitez de notre magie et de notre puissance, dépêchez-vous de profiter qu'on soit encore là. »

Il ne voulait pas quitter la cité en la laissant aussi exposée au risque, et les autres Yuiméniens pensaient sans doute la même chose. Le problème, c’était que le Shinigami n’allait pas patiemment attendre qu’ils aient finis ici pour poursuivre ses sombres desseins, quels qu’ils étaient. Visselion sembla le comprendre ou du moins, le prendre en considération, car il se leva et annonça qu’il lui fallait tout de même un peu de repos pour prendre une décision correctement.

« Vous n'avez pas été là pendant quatre jours, mais moi si. A combattre.

- Bien sûr, et nous aussi on en a besoin. Sachez juste que votre temps de réflexion est limité.

- Hm. Nous nous verrons demain, je vous exposerai mes conclusions. »

Akihito acquiesça, puis ajouta alors que le chef des rescapés commençait à disparaître derrière le pan de tente qui était dans son dos.

« Merci d'avoir gardé nos corps. Et soigné le mien.

- Remerciez Zacara, pour ce dernier point. Quant à moi, je l'ai promis à votre amie. Et je suis homme à tenir mes promesses. »

Akihito s’éloigna, méditant sur ses dernières paroles. Tenir ses promesses. C’était le genre de discours auquel il était sensible, d’habitude. Mais avec Visselion, il n’arrivait toujours pas à se défaire de sa méfiance initiale. Il chercha à trouver une raison rationnelle mais fini par abandonner. Parfois, il n’y avait pas d’explication.

En revanche, il savait pourquoi sa fidèle besace encombrée lui faisait désormais peur. Rien que l’idée de devoir la transporter jusqu’à l’autre bout de la ville pour rejoindre les collines lui faisait couler de lourdes gouttes de sueur dans le dos. Son épaule droite lui lança au même moment, muette protestation qui lui fit regretter de ne pas avoir pris de sac de voyage muni de deux bretelles pour répartir la charge sur ses deux épaules. C’aurait été plus que bienvenu…

« Allez, Aki… Courage… »

Une main tremblante se referma sur la bretelle et dans un cliquetis, il souleva le tout, fit passer la bandoulière sur son épaule et la laissa tout doucement reposer dessus. Ses bras tremblèrent sous l’effort d’accommoder sa peau à une sensation qui le révulsait. Mais à un moment, c’en fut trop il rejeta précipitamment le paquetage, le jetant presque au sol. Un frisson de dégout parcouru sa colonne vertébrale, se répercutant jusqu’à ses mains tremblantes.

« Bordel… Bordel de bordel de bordel… »

L’enchanteur perdit ainsi plusieurs nouvelles minutes à enfin parvenir à reprendre son chemin. La salle souterraine était vaste et trop occupée qu’il était à serrer les dents, il avait du mal à s’orienter. Jusqu’à ce qu’au détour d’une colonne encore debout il aperçoive Jours débouler d’un tunnel adjacent. L’homme de Wiehl avait l’air hagard, aussi perdu que lui.

« Jorus ! »

Entendant son nom, le guerrier se tourna vers lui et leva d’un air peu assuré la main, marchant dans sa direction. A nouveau, l’enchanteur lâcha sa besace dans un râle de soulagement : L’amour propre de l’enchanteur l’empêchait d’admettre qu’il avait interpellé son compagnon avant tout pour avoir une raison de se défaire de son poids, même s’il était aussi sincèrement concerné par son état.

« Ça n'a pas l'air d'être la grande forme. Tout va bien ?

- C'est que... Lorsqu'on était à Jesuir, j'avais pas tous les souvenirs de ce qui s'est déroulé dans le cristal. Et ils me sont revenus il y a peu. Et toi, ça va mieux ?

- Merde. Tu veux en parler ? » demanda l’enchanteur, évitant soigneusement la question à laquelle il n’avait pas de réponse arrêtée.

Le jeune homme hésita, puis fini par sortir une arme que l’Ynorien reconnu : la courte lame qui avait été taillée dans le croc du Dragon Noir. Il lui demanda alors plus d’informations sur ce qu’il avait dit à son sujet, et comment utiliser son effet destructeur. Touchant son bouclier dans lequel était aussi enchâsser un des crocs, il lui répondit d’une voix lente et calme.

« Une fois plantée dans le cœur d'un être vivant, son âme est annihilée. Certains se demandaient si le siège de l'âme était le cœur ou la tête... Je pense que la réponse est claire désormais.

- Le cœur hein ? Je comprends mieux ce qui m'est arrivé alors ! Dit-il assez bas.

- ... Qu'est-ce qu'il s'est passé dans ces cristaux, au juste.

- Nous étions face à nous-mêmes...en quelque sorte, et notre double avait clairement l'intention de nous tuer. Mathis m'a confirmé avoir subi le même sort. Nos doubles étaient aussi forts que nous et possédant les mêmes maîtrises au combat, à ceci près que les coups que nous portions nous étaient infligés. Une fois mort, on revenait à la vie pour mourir de nouveau. »

(La fameuse justice de Justice… C’est pour ça qu’il voulait pas que d’autres personnes assisent aux ‘’procès’’. On est jamais mieux jugé que par soi-même.)

(C’est pas ça l’expression, Amy. Mais je vois où tu veux en venir.)

« Pour faire face à vos crimes et vos pêchés, donc. Justice avait décidément une vision bien tordue de son domaine... Et ça explique pourquoi on a eu deux Simaya qui sont sorties.

- Oui j'en ai entendu parler. Mais ça n'explique pas sa disparition. »

Interloqué, Akihito mit quelques secondes avant de se rappeler que Jorus connaissait la jeune femme depuis une précédente expédition. Il n’allait sans doute pas aimé ce qu’il allait dire…

« Si j'aurais bien aimé l'avoir avec nous, on manque de temps pour ratisser toute la Lande Noire à sa recherche, où Valyus sait où elle a pu aller. Tu l'ignores peut-être, mais entre le moment où on est passé dans ce portail dans la ville avec les aveugles et le moment où on est arrivé ici pendant la bataille, il s'est passé au moins quatre jours. Quatre jours pendant lesquels Vallel, le Dragon noir et tout ce qui est à peu près susceptible de foutre le bordel comme les Sans-Bannières ont eu le temps de faire leurs petites magouilles.

- Quatre jours ? répéta Jorus. Bon sang. Il n'y a malheureusement pas que le dragon et Vallel qui nous posent problème. Le sceau principal de la Lande Noire également. J'ai pu discuter avec Thensoor à Jesuir, un ancien archisorcier d'Elscar'Olth, la plus haute fonction. Lorsque je lui ai parlé du sceau et du retrait de la corruption, il a craint le pire. Même Visselion, évoque la possibilité d'une rupture avec la magie de ce monde ou même d'Aliaénon tout entier, si l'absorption persiste après le retrait total de la corruption. Je ne sais pas comment tu vois la magie après notre mort, mais on va devoir l'utiliser, non seulement sur le sceau, mais également pour retrouver Simaya. Je me refuse à l'abandonner !

(Comme prévu…) soupira l’enchanteur intérieurement.

- Pour le Sceau, j'ai mis informé Visselion que s'il voulait avoir la toute-puissance de notre magie à disposition, il fallait qu'il se dépêche. Et concernant le Sceau. T'as voulu aller dans la salle du trône, non ? Pour y faire quoi, analyser le Sceau ? Tu n'es pas un mage, encore moins un sorcier d'Aliaénon. Interférer pour régler le problème ? Encore une fois, tu n'y connais presque rien en magie, et c'est déjà un miracle qu'avec seulement Silmeria et Xël, le Sceau nous ai pas pété à la gueule. »

Son ton était monté tout seul, à mesure qu’il imaginait le pire scénario. Il calma alors un peu sa voix sentant qu'il montait en pression. Il n’avait pas besoin que Jorus ce mette à lui en vouloir, c’était déjà assez fastidieux de rassembler tout le monde.

« Ce que j'essaye de dire, Jorus, c'est qu'on va devoir arrêter les initiatives personnelles quand ça touche à la magie. Mon géant, le Sceau, Justice, et pas plus tard qu'il y a deux heures, Dracaena qui explose dans une colonne de flammes et Xël qui survit uniquement parce que je l'ai amené se faire soigner après que sa magie ait laissé son corps en miettes. Notre magie. Est. Dangereuse. Et Yliria a raison : tant qu'on l'utilise ensemble, on a l'air de limiter les risques. Et on empêche les autres de faire des coups de folies, comme avec la libération des âmes de Jesuir. Je pensais que je pouvais te laisser gérer sur le moment, mais force est de constater que ça a foiré. Et le "pourquoi" importe peu, en réalité. C'est fait, on fait avec.
Alors utiliser notre magie pour juguler d'une quelconque manière le Sceau, je suis d'accord. L'utiliser pour retrouver Simaya ? Beaucoup moins. Pourquoi est-elle partie ? Est-elle morte ? A-t-elle été enlevée ? Est-ce qu'on a le temps de se soucier de ça ? Comprends-moi bien, l'idée de laisser des gens derrière moi me révulse. Mais si aller sauver Simaya maintenant condamne une autre ville à se faire raser par le Dragon parce qu'on a pas su se concentrer sur ce qui était important, alors mon choix est déjà fait. Même si ça me coûte. »


Il avait partagé son point de vue d’une façon plus crue qu’il ne l’aurait voulu, malgré l’apaisement qu’il avait tenté de s’imposer. Le rictus agacé qui déforma la bouche de l’homme de Wiehl le confirma, tout comme ses mots. Car s’il ‘’s’excusa’’ plus pour la forme qu’autre chose de son échec à pouvoir retenir Vallel de détruire la pyramide, son discours ce fit plus vindicatif ensuite.

« Bien, maintenant que les politesses d'usage et les excuses que je voulais te faire sont passées, un rappel s'impose. Si JE suis la première personne à vous avoir demandé de ne pas utiliser la magie dès notre arrivée sur Aliaénon, c'est pas pour l'utiliser près d'une des plus puissantes sources de magie de ce monde, quand tout le monde à le dos tourné. Je ne suis peut-être pas un mage, mais je ne suis pas non plus crétin à ce point !
Deuxièmement. Je te prierais de ne pas m'ajouter à la liste des personnes responsables de la libération des âmes. Si j'ai suivi Vallel, Mathis, Silmeria et son double, sa sœur ou je ne sais qui, c'est uniquement pour mettre à mal leur plan. Malheureusement, même si ma magie a foiré à ce moment-là, il était trop tard. ILS avaient déjà drainé la source du pouvoir. »


Il aurait bien répondu à la première partie qu’un mage aussi expérimenté que Xël n’avait justement pas hésité à avoir ce genre d’initiative, mais il se retint de le dire. D’une part car il n’avait pas tout à fait faux, d’autre part car il sentait que ça mènerait à un débat stérile. Il le laissa donc continuer, surtout lorsqu’il leva une main pour garder la parole après avoir repris son souffle.

« Pour finir, n'oublie pas ce qu'on doit à Simaya durant la bataille de Kôchii, ni sa protection contre notre propre magie ici. Et avant de lâcher une bombe comme ça à son sujet, la prochaine fois qu'on fera un tour de table, réfléchis bien aux mots que tu vas employer. Oublie pas la division de notre groupe la dernière fois. Parce que si tu parles comme tu viens de le faire avec moi, y a des chaises qui vont voler, mais ça viendra pas de moi !

- Tu m'as mal compris, Jorus, répondit Akihito en secouant doucement la tête. Je t'en veux pas pour ce qui s'est passé à Jesuir. De un, tu venais de mourir donc te reprocher de pas t'être occupé de moi serait ridicule, t'avais tes propres problèmes. Et qu'importe si j'étais -je suis- dans un état pitoyable. Pareil pour la pyramide. Dans notre situation, personne peut tenir rigueur à qui que ce soit. Quant à Simaya, je la connais sans doute pas autant que toi, mais je pense qu'elle comprendrait qu'on ne se lance pas à sa recherche pour sauver son monde. Je pense même qu'elle nous dirait de ne pas nous occuper d'elle pour sauver les siens. Et si Xël veut me lancer des chaises, qu'il le fasse. J'estime que je rembourserai ma dette à Simaya en sauvant son monde comme elle a sauvé le nôtre.
Notre groupe arrivera jamais à fonctionner si on continue comme on a fait, à vouloir contenter tout le monde. On est ici pour une seule chose : sauver Aliaénon, et Yuimen par la même occasion. Et on a déjà 4 jours de retard.


- Tu as raison, c'est bien ce que Simaya dirait, mais pas ce que vont penser Xël et peut-être encore moins Mathis. Cependant si la sauver fait partie de mes priorités, je compte suivre la majorité réfléchie !

- La majorité réfléchie ? »

Après avoir assisté à leur réunion juste avant l’incident de Justice, il pensait encore que c’était possible sans travailler sur le fond ?

« Tu crois qu'on peut l'avoir, avec Xël qui nous a ouvertement dit qu'il en ferait qu'à sa tête si on n’allait pas dans son sens, Mathis qui déclenche des apocalypses et Silmeria qui réagit de manière instinctive ? C'est pas faute d'avoir essayé de l'avoir, cette majorité réfléchie. On voit ce qu'a donné ma réunion. »

Dans un geste réflexe l’Ynorien va croiser les bras, pour les décroiser aussitôt avec un tic de la lèvre. Une posture aussi commune lui était inconfortable, et ça le rendait aigre. Un peu de cette aigreur transparue dans ses paroles suivantes, plus directives qu’il ne l’aurait voulu.

« Visselion doit réfléchir à un moyen de juguler le sceau ; réfléchis toi à un moyen de retrouver Simaya. On verra demain si ça vaut le coup, mais on peut pas faire de sa recherche notre priorité.

- Visselion a besoin de notre magie pour atténuer son pouvoir et faire ce qui était convenu depuis le début. Pour ce qui est de Simaya, personne ne l’a vue et à part utiliser une magie de vision comme l’a fait Xël avec le Titan de la magie, ou moi à Fan-Ming, je ne vois pas quoi faire. Si Yliria ne se trompe pas sur l’utilisation de la magie, cela ne devrait pas prendre trop de temps pour comprendre ce qu’il s’est passé. »

Pour rebondir sur l’état du groupe, Jorus commença d’abord à lui dire qu’il ne devait pas trop en vouloir à Mathis, car il s’en voulait déjà suffisamment pour ce qui s’était passé. En revanche, il avait l’air d’avoir une rancune beaucoup plus tenace à l’égard de Silmeria, en revanche. Il cracha son fiel et sa haine, le prenant à témoin sur son allégeance à Vallel, étant même révolté de devoir agir avec elle pour contrecarrer le Dragon Noir. Le voir détester aussi ouvertement l’Hinïonne le surprit : qu’il ne l’aime pas, c’était compréhensible. Mais à ce point ?

(Elle n’a quand même pas assassiné ses parents ou un truc du genre, si... ?)

(Et il ne lui aurait pas sauté à la gorge dès le début ?) pointa Amy.

(Vrai, mais je vois pas pourquoi il lui en voudrait autant, sinon.)

(Son caractère, Aki. C’est peut-être juste dans sa nature.)

« Quant à Xël, j’ai beaucoup d’estime pour lui et je n’ai pas eu l’occasion d’échanger avec lui depuis cette histoire d’orbe qui l’influencerait, mais si effectivement il n’en fait qu’à sa tête, alors qu’il aille se faire voir ! Je tâcherais de lui parler seul à seul, mais pour l’heure, il faut que je parle à Yliria !

- Tu ne parleras pas à Yli, dit-il avant de se reprendre en constatant ses paroles un peu agressives. Je veux dire, elle se repose pour l'instant, elle a combattu avec son vrai corps, contrairement à nous. Mais elle est assez matutinal, donc t'auras pas à attendre longtemps. Pour le reste...
Tu veux des visions ? On a les mages du désert pour ça. C'est vraisemblablement notre prochaine destination, à cause des Sans-Bannières. Eux pourront sans doute nous aider plus facilement que nous si on essaye d'y aller au bonheur de la chance. Quant à notre groupe... Mathis a eu tendance à utiliser des forces qui le dépassent juste parce qu'il en avait la possibilité, en faisant fi des risques. J'espère que ça lui aura servi de leçon. Et Silmeria... Tu lui as déjà parlé, personnellement ? »


Plongeant ses yeux dans ceux du Danseur d’Opale, il essaya de sonder son regard. Essayer de comprendre ce qui l’animait.

« Parce que moi, oui. Plusieurs fois. Longuement. Et crois le ou non, mais elle ne demande qu'à ce que les choses se passent bien. Sauf qu'à ma connaissance, personne à part moi n'a pris la peine de lui parler. Alors oui, c'est la Régicide. Oui, elle était dans le camp d'Omyre. Oui, elle peut être insupportable. Mais tu t'es demandé pourquoi elle était là alors qu'elle sait qu'on sait tout ça ? Pourquoi elle a fait partie de ceux qui ont tourné le dos à Oaxaca lors du dernier affrontement ? Alors oui, c'est pas simple de lui parler, faut de la patience. Faut de la diplomatie, ce dont beaucoup -elle comprise- manque dans ce groupe. Tout ça pour dire qu'au lieu d'essayer d'aller voir Xël qui doit être crevé et que tu connais déjà, va plutôt voir Silmeria. N'y va pas pour devenir son ami, mais pour apprendre à la connaitre. Comprendre pourquoi elle a juré allégeance à Vallel. T'y gagneras plus qu'à lui opposer d'emblée une hostilité qui est certes partiellement fondée, mais qui nous fous plus de bâtons dans les roues qu'elle nous aide.

- Parler à Silmeria ? Pourquoi faire, l’entendre mentir à nouveau ? Elle a prétendu pouvoir se déplacer d’un claquement de doigt quand je lui ai demandé comment elle avait atteint Akouba avant moi, ensuite son double ou je ne sais quoi s’est ramené prétextant que nous avions tous des doubles ! Tant mieux si tu es capable de lui parler, mais excuses-moi si non seulement je suis un peu réticent à aller voir le fidèle exécutant de mes derniers ennemis, j’ai franchement pas envie d’aller taper la causette avec elle, sachant qu’elle aurait pu me tuer définitivement dans la pyramide !

- Et qu'elle peut te tuer sans le moindre problème maintenant aussi. Pourtant, elle le fait pas. Pourquoi ? »

Lui aussi avait eu ses doutes avec Silmeria. Il se souvenait parfaitement de la vigilance qui l’avait habité quand elle l’avait rejoint pour voyager sur Falafel. Pourquoi une agente d’Omyre les aidaient-ils ? Et la Régicide, par-dessus le marché ? Au court de ce voyage, il avait appris à voir au-delà de l’aura sinistre que sa réputation lui donnait. Mais visiblement, c’était une démarche que Jorus n’était pas prête à accomplir.

« Alors je trouve ton admiration pour ses prouesses physiques très fascinante, de même que ton entêtement pour qu'on fasse une ronde de l'amitié main dans la main, mais clairement s'est voué à l'échec. Si elle veut me tuer qu'elle vienne. J'ai fait fermer son bec à un dragon, bravé la peur du Dragon Noir à Kôchii, combattu une déesse, j'ai aucune raison d'avoir peur d'elle !

- Quand je parlais de manque de diplomatie, c'est exactement à ça que je faisais référence. »

(Une ‘’ronde de l’amitié’’… Bordel.)

(Il se rend compte que t’as fait les mêmes exploits qu’il vante ? Sauf pour le clouage de bec, mais bon toi tu as tenu tête au Dragon noir, alors…)

Akihito soupira et secoua la tête. Pourtant, il s’efforça à garder un ton calme : hausser la voix avec Jorus n’allait rien lui apporter, il en était certain.

« J'ai mis de côté mon inimitié avec Silmeria pour pouvoir travailler avec elle et empêcher mon monde d'être détruit, pas pour lui payer des coups. Parce que ma fierté pèse pas grand-chose comparé à ce qu'il y a en jeu. Si tu es si courageux que tu aimes le dire, tu peux en faire de même.

- Et c'est exactement ce que je fais ! En me retenant d'utiliser cette magie qui m'anime contre elle, parce que je sais que la priorité c'est de s'occuper du Dragon. Si j'ai admis qu'on avait besoin d'elle c'est parce que je le pensais. De même, je te dis clairement mon opinion d'elle à toi et non pendant nos rares rassemblements, parce que je sais que ça va nuire au groupe et surtout à notre objectif ! Je suis mort trop de fois simplement parce qu'elle a voulu tester une idée en solo et qu'il a fallu intervenir. Je reviens de retrouver mon corps et toi tu me demandes de prendre le temps de la connaître ? T'as pas l'impression d'aller un peu loin là ?

- Et qu'est-ce que tu crois que j'ai vécu, au juste ? Tu te souviens de ce qu'a dit Smarag'Din, à propos de l'argent noir ? Que ça aspire ton énergie vitale ? Est-ce que tu ne peux qu'imaginer l'enfer que ça a été d'être dans ce golem ? »

Le souvenir de son âme mise au supplice déclencha une vague de légers tremblements traversant tout son corps. Jouer les victimes n’était pas dans son genre : mais Akihito ne pouvait pas accepter qu’il se cache derrière ce qu’il avait vécu quand Akihito en avait vécu autant, si ce n’était pire.

« J'essaye de fédérer ce groupe pour le bien de tous. Sauf que toi comme les autres persistez à tenir Silmeria à l'écart par votre méfiance ou votre animosité et que tôt ou tard, j'arriverai plus à la temporiser et au mieux elle partira de son côté, au pire elle se retournera contre nous. Alors permets-moi d'insister une dernière fois : juste une fois, essaye de lui parler. Pas ce soir si tu te sens pas en état de la faire, et c'est sans doute le cas. Tu la détesteras sans doute toujours autant après, mais elle comme toi aurez peut-être moins l'impression que l'autre peut lui planter une dague dans le dos à tout moment.

- Se retourner contre nous ? Faisons le point, cracha-t-il en comptant sur ses doigts. Elle a activé le sceau sans notre accord avec Xël et Visselion. Après s’être moqué de nos actions individuelles elle a précisément fait de même en voulant mettre l’orbe dans la dent de dragon seule et résultat des courses, on est mort. Elle a participé à la destruction d’un édifice qui séparait le monde des vivants et celui des morts, libérant accessoirement Vallel et peut-être même une bonne tripoté de connards, prêt à s’attaquer aux âmes les plus faibles. Elle a juré allégeance aux treize qu'on a combattu il y a peu, mais visiblement tu t'en fou. Et ça, c’est uniquement ce dont j’ai connaissance ! Et après ça, je devrais pas être méfiant ?

- Xël était aussi responsable pour le Sceau -Plus, même, vu qu'il est un mage et a passé de long mois sur Aliaénon. Même si elle a fait la même erreur, elle a eu raison sur nos actions individuelles. Mathis est au final celui qui a précipité notre mort. Et comme tu le mentionne pas, j'imagine qu'il a aussi participé à la destruction de la pyramide ou ne l'a pas empêché. Pour une allégeance, elle a quand même pris le soin d'aider la ville à survivre. Honnêtement, elle voudrait notre mort qu'elle aurait cent fois l'occasion de nous tuer. »

(C’était pas la meilleure idée, de le reprendre point par point, Aki… Et le passage sur « elle peut tous nous tuer » va l’énerver.)

(J’essaye juste de le convaincre que tout n’est pas tout blanc ou tout noir…)

(Je sais. Mais regarde comme il est en colère, à s’éloigner en te reprochant de juger Mathis sans lui avoir parlé, toi aussi.)

(Mais j’ai supposé, pas affirmé comme lui !) protesta l’Ynorien.

(Tu crois qu’il est en état de faire la différence ?)

« Tu sais quoi j’irais la voir si tu y tiens tant. Cependant je n’ai pas ta patience, pas ton sens de la diplomatie, ni ton art de brosser dans le sens du poil et j’ai certainement pas envie de courber l’échine, alors toi qui la connais tu crois qu’il va se passer quoi si on est tous les deux réunis dans une même pièce ? Faudra pas s’étonner si on se fait gober par le grand avatar crapaud la prochaine fois ! »

Sentant la discussion arriver à son terme, Akihito essaya de terminer ultimement sur une note positive, et s’inclina à l’encontre du jeune homme.

« Merci de faire cet effort. Tout dépendra de comment tu l'abordes, pour sa réaction. Si tu le souhaites je peux assister comme médiateur, mais ça peut rendre ton geste moins sincère. A toi de voir ce que tu préfères.

- Tient en parlant de médiateur, j’ai demandé à Teruki d’assister à notre prochaine réunion, si on ne s’est pas tué entre-temps. J’ai pensé qu’un point de vue extérieur pour recentrer les débats était une bonne idée. Et pour te répondre, il y a bien un truc que je préfère : foutre le camp loin de toi ! J’avais particulièrement besoin qu’on vienne me briser les chouquettes, particulièrement après toutes ces épreuves et maintenant que j’en suis rassasié, que j’en ai plein le cul, je vais aller voir ailleurs ! Merci ! »

Il regarda l’humain de Wiehl partir sous le coup d’une colère évidente, le cœur emplis de sentiments contraires. Son choix de mots avait été discutable par moment, et le moment n’était pas idéal. Mais il ne se sentais pas en tort non plus ; s’il n’avait pas dorloté l’ego de Jorus, il ne l’avait ni fait pas plaisir, ni ne s’était montré irrespectueux.

« J’espère que s’il va vraiment voir Silmeria, il va pas la pousser à lui balancer un cauchemar dans les dents… »

Une démangeaison lui picota la nuque et il eut l’impression d’être observé. Se retournant et cherchant du regard, il vit le blond Kendran Mathis l’observer, assit à une table de fortune une bonne trentaine de mètres plus loin. Pas suffisamment proche pour entendre leur conversation sans des sens particulièrement aiguisés, mais assez pour avoir perçu les éclats de voix de Jorus et donc se faire une idée sur l’ambiance qui avait régné entre eux. L’enchanteur se passa une main sur le visage, puis souleva sa besace et se dirigea vers Mathis, qui le regarda arriver et s’asseoir sur un tabouret branlant en face de lui sans dire un mot.

« Mathis. Vous tombez bien, j'avais à vous parler. Votre retour dans votre corps à l'air de bien se passer. »

L’homme avait l’air bien partant, pas déprimé ou traumatisé par quoi que ce soit, et mangeait avec appétit ce qui avait été empilé dans son assiette. Akihito fut une nouvelle fois partagé entre plusieurs états : son corps n’avait pas faim ; son esprit voulait retrouver le plaisir de la nourriture ; sa raison lui soufflait que ce n’était pas une si bonne idée que ça.

« Oui, répondit Mathis après avoir fini sa bouchée de pain, grâce au Sans-Visage, j'ai retrouvé mon corps sans peine... j'ai sans doute été plus chanceux que vous. Vous vouliez me parler à quel sujet ?

- Vous avez fait le choix de ne pas prendre de corps, je crois. Même s'il a été pratique, pour rien au monde je retourne dans ce foutu golem. »

Un rire sans joie avait accompagné sa réponse dont il pensait chaque mot. Il préférait mourir que de se retrouver de nouveau à l’intérieur d’un golem d’argent noir, et l’expression « préférer mourir plutôt que » lui apparaissait beaucoup plus réaliste.

(L’absence de sens que la souffrance éternelle, sans hésiter.) pensa en son for intérieur le jeune homme avant de céder à la tentation et pointer du doigt un quignon de pain posé entre eux.

« Je peux ?

- Détrompez-vous, dit Mathis en poussant avec un sourire le morceau de pain dans sa direction, j'ai bel et bien pris possession de corps et j'ai pris part au combat. Tout d'abord sous la forme d'une femme insectoïde dotée d'une souplesse époustouflante. J'ai pu ainsi combattre plusieurs ennemis. Puis à la mort de celle-ci. J'ai intégré le corps d’une espèce de poisson volant aveugle, mais munis de plusieurs rangées de dents.... Grâce à son ouïe développé, j'ai pu tuer deux de ses semblables, avant de me "suicider" par la suite.... mais je n'avais pas calculé que toutes les bestioles seraient exterminées... sans corps je ne pouvais plus entrer dans la cité.

- Ah, c'était donc vous le monstre suicidaire. Ca explique.

- Oui... mais avant de le faire, j'en ai tué d'autres. »

La remarque sembla le vexé, étonnamment. Akihito l’avait vu très conscient de son image et de ce que les autres pouvaient penser de lui, mais cela allait plus loin : l’idée qu’on ne reconnaisse pas sa participation à la bataille et qu’on pense qu’il n’y ai pas participé le blessait. Tout en faisant rouler son morceau de pain entre les doigts, Akihito clarifia la situation.

« Je n'avais pas de nouvelle de vous depuis les événements de Jesuir, vous auriez pu être n'importe où. A combattre avec nous, prisonnier dans un corps quelque part, ou même mort. Sans savoir ce qui s'est passé dans la pyramide, difficile de connaitre votre situation.

- D'accord, je comprends mieux. J'ai cru un instant que vous m'aviez pris pour un lâche. En quoi, vous n'avez pas apprécié votre expérience dans le corps du golem ? »

Il se souvenait avoir vu un des monstres volants qu’Yliria avait affronté s’écraser au sol sans raison apparente. Il n’avait pas suivi tout le combat et avait simplement jugé qu’il n’avait juste pas vu la semi-Shaakte l’abattre. La raison était toute autre.

« Smarag’Din nous avait dit que l'argent noir pompe l'énergie vital de ceux qui l'utilisent, et... Le golem en est intégralement fait. Je vous laisse deviner la suite.

- C'est ce qui explique votre besoin de récupérer à l'infirmerie.

- On peut dire ça comme ça. »

il mordit dans le morceau de pain et le mâcha difficilement. La croûte dure et sèche résista sous ses molaires et la mastication laborieuse le mit plus mal à l’aise qu’elle ne lui apporta de joie.

« Vous ne semblez pas complètement rétabli. Quand vous le serez, j'aurais quelques questions à vous poser.... mais avant, vous ne m'avez toujours pas dit, de quoi vous vouliez me parler.

- Justement de ce que je ne sais pas, répondit l’Ynorien las en posant son quignon à moitié mangé. L'apparition de Justice, la pyramide et Vallel. Pourquoi sommes-nous encore ici, Mathis ? Qu'est ce qui s'est passé ?

- En fait, nos questions se rejoignent. Pour ce qui est de Justice, je vous ai tout expliqué lorsque vous êtes arrivés. Silmeria m'a effleuré et j'ai été victime d'un affreux cauchemar. Dans ce dernier, elle vous avait tous tué, j'étais moi-même à l'agonie. Alors j'ai utilisé la magie réclamant que justice soit fait et qu'elle soit condamné pour ses actes... Voilà donc la raison de l'apparition de Justice... Avec le recul, je remercie le ciel de ne pas avoir souhaité sa mort. Je n'ose imaginer les conséquences.... Mais revenons à Justice. Lorsqu'Il est apparu, il m'a condamné moi également. Je me suis donc retrouvé dans un cristal avec mon double. Ce dernier me défiait en combat et tous les coups que je lui donnais, c'est moi qui en prenais les blessures. Après quelques échanges, j'ai plutôt décidé d'éviter ses coups et de ne plus l'attaquer... Cherchant une façon de m'en sortir... et puis... Je me suis retrouvé mort dans la Savane Thanathéenne... Sans en connaître la raison... Pouvez-vous m'expliquer ce qui s'est passé à l'extérieur des rubis ?

- Ah, c'est donc ça. un cauchemar de Silmeria. »

La responsabilité de Silmeria s’alourdissait. Secouant la tête de dépit, il répondit à la question de manière succincte : les souvenirs étaient encore frais, et très douloureux pour lui.

« En très résumé, les sorciers nous ont rejoint et quand nous avons compris que nous n'arriverions pas à vous libérer, on a essayé de tuer Justice pour rompre sa magie. Les jumeaux sorciers sont parvenus à extraire Visselion et un portail dans le cristal de Simaya l'a fait sortir avec son double. Après, tout ce que je sais c'est que Justice est mort a... Avec moi. »

Un frisson parcouru son corps alors que sa brûlure au bras jusque-là indolore commençait à se réveiller discrètement, comme un coup de soleil se mettant à chauffer au milieu de la nuit. Et il se força à sauter d'un passage déplaisant à un autre.

« Et pour la pyramide ? Vallel ?

- Je me sens vraiment coupable de votre mort et de celle de vous tous. Quoi que je pense que Silmeria a une grande part de responsabilité. ... Donc à notre mort, j'ai tenté de trouvé un moyen de nous ramener tous à la vie. C'est l'ultime but que je m'étais fixé. j'ai questionné Akouba. Mais il m'a confirmé qu’il nous était impossible de revenir à la vie, nous étions là pour l'éternité... Non satisfait de cette réponse, j'ai exploré les lieux seul, et je me suis assis sur son trône... dans le but de voir si je pouvais m'assoir sans traverser le siège... et là un gardien m'a surpris et m'a immobilisé... C'est à ce moment que j'ai compris que nous étions dans une prison... et selon mon hypothèse, sans aucune preuve, il se servait de notre énergie de nos âmes... Bref, je suis allée vers Vallel comme vous tous et lui, il avait une solution pour nous ramener à la vie. Jorus me reproche d'avoir fait appel à Vallel. Mais il ne comprends pas que je voulais absolument réparer ma faute et vous ramener à la vie. ... Donc Vallel, nous a expliquer que c'était la pyramide qui était à l'origine de la brume et c'était elle qui tenait les âmes prisonnières...Il faut dire que la pyramide n'a pas toujours existé, il s'agissait là, d’un phénomène relativement récent, précisa le Kendran entre deux gorgées d’eau avant de reprendre. Vallel nous a donné la possibilité d'entrer dans la pyramide... une fois dedans, c'était comme si la pyramide était notre corps... et nous avons donc eu accès à la magie d'Aliaénon. Pour détruire la pyramide, il fallait en détruire le cœur, une sorte de cube. Nous avons failli rater car Jorus, ne comprenant pas nos gestes, et ne voulant absolument pas poursuivre le plan de Vallel a tout faire pour saboter nos efforts... Bref, je ne lui en veux pas. »

La fin, il la devina sans qu’il ait besoin d’écouter Mathis : la pyramide détruite et son âme libérée, Mathis prit possession de son corps et rejoignit Elscar’Olth, mais non sans rencontrer Vallel. Ce dernier avait l’air de vouloir rester neutre dans son fief d’Orsan, n’intervenant que si les Yuiméniens le demandaient. Vallel était voilé de mystères pour l’Ynorien, mais il avait déjà un avis sur le personnage grâce à la discussion que les deux hommes avaient eue.

(C’est le genre de type qui va vraiment rester neutre, tant que personne le dérange. Par contre, je doute qu’il vienne si facilement nous donner un coup de main.)

(C’est quel genre de personne ?)

(Du genre de Khynt, aussi bien dans la posture que le but ultime.)

(Oh.)

Lorsqu’il eut terminé son récit en mentionnant la disparition de Simaya dont il s’estimait coupable, le Kendran avait les yeux humides. L’homme était beaucoup plus émotif et sensible que la première impression voulait bien laisser croire. Akihito posa alors la question qui était le vrai but de la rencontre :

« Et qu'est-ce qu'il convient de faire pour la suite de notre mission, selon vous ? »

Les grandes discussions avec leur groupe tournaient rapidement au pugilat ou au capharnaüm où les gens s’écoutaient que peu. En parler en tête-à-tête allait lui permettre de jauger les aspirations de chacun et ainsi savoir sur qui il allait pouvoir compter, qui allait devoir être convaincu…
Sans surprise, Mathis voulait se mettre à la recherche de la disparue.

« J 'avoue ne pas savoir. D'un côté, je voudrais retrouver Simaya...enf8n les deux Simaya...et d'un autre côté, il faut se préparer à neutraliser le dragon noir...je pense que nous allons avoir besoin de tous...on ne peut se permettre de refuser aucune aide...Et vous, quel est votre avis ?

- Que tout redevable que nous sommes de Simaya, on a plus le temps de nous mettre à sa recherche. Vous l’ignorez peut-être, mais on est mort il y a cinq, peut être six jours. Et quand nous avons quitté la ville des aveugles -Nagorin, je crois- c'était il y a au moins quatre jours. Donc autant de retard sur le Dragon Noir, les Sans Bannières ou tout autre type qui veut mettre le boxon en Aliaénon.

- Vous avez sans doute raison...Je n'avais pas tenu le compte des jours...le temps ne s'écoule plus de la même façon lorsque nous sommes esprit... Mais j'avoue que si une expédition s'organisait pour partir à sa recherche, j'en serais... Je suis plus que redevable envers Simaya... je suis responsable de sa disparition...

- Je comprends que vous vous sentiez responsable, répondit doucement l’enchanteur. Je pense pour ma part que je rembourserai ma dette à son encontre en sauvant son monde. Je ne la connais pas vraiment, mais je pense qu'elle serait le genre à préférer qu'on se focalise sur le sauvetage d'Aliaénon que sur sa recherche. Je ne parle évidemment pas de l'abandonner à son sort, mais ça ne devrait pas être notre priorité. »

Mathis acquiesça silencieusement.

(Même s’il se sent coupable, il a la tête sur les épaules.) apprécia Akihito avant de répondre à sa nouvelle question, qui concernait un plan pour vaincre le Shinigami.

« Pour le Dragon, j'en ai aucune idée. Mais s’il y a une arme qui est bien enfermée dans le désert, je la préfère entre nos mains pour affronter le Dragon que dans celles des Sans-bannières. C'est là-bas que j'irais.

- Vous avez raison une fois de plus.... Et si cette arme est dans le désert, je partirai avec vous pour la retrouver.

- Merci. Si Jorus pouvait être aussi raisonnable... commença Akihito avant de se corriger. S'il pouvait être d'accord avec nous, ça serait plus simple. Mais il tient à sauver Simaya. Et je n'ai pas eu le temps de parler avec Xël, mais je pense que lui aussi refusera de partir sans la chercher. Les deux ont l'air vraiment proches.

- Ce n'est pas moi qui pourrai convaincre Jorus... il m'en veut à mort.... même s'il semble moins agressif à mon égard depuis son repos à l'infirmerie. En fait, avant de m'arrêter ici pour manger, je voulais retrouver Xël. Si quelqu'un pouvait retrouver Simaya, c'est bien lui. »

L’entendre ensuite avouer qu’il était tiraillé entre son envie de racheter ses fautes auprès de la mage d’Esseroth et ce qu’il estimait être la bonne chose à faire pour la mission améliora l’estime qu’avait l’Ynorien pour lui. Il avait pour lui une certaine droiture, quoi qu’on pût en dire.

« Il n'avait pas l'air de vous en vouloir beaucoup, quand je lui ai parlé. Maintenant, c'est moi qui suis le focus de sa colère, parce que je lui ai demandé d'aller parler à Silmeria et que ça lui est impossible. Vous lui avez parler, depuis ? A Silmeria, je veux dire.

- Non, la dernière fois que je lui ai parlé, ce fut dans la pyramide... J'avoue avoir une certaine rancune avec Hrist...Mais la raison pour laquelle je ne lui ai pas parlé, c'est seulement parce que je ne l'ai pas vu, dénia-t-il avant de s’interroger sur la raison qui l’avait poussé à lui demander de parler à Silmeria.

« Parce qu'il admet qu'on a besoin d'elle, mais la déteste profondément. Je pensais qu'aller lui parler allait un peu apaiser les tensions, qu'il la connaisse au-delà de la sinistre réputation qui la précède. Je lui ai parlé seul à seul à plusieurs reprises et si je ne peux pas la qualifier d'amie ni être sûr de vouloir faire, elle n'est pas la tueuse impitoyable et sadique. Elle n'est pas foncièrement mauvaise. Mais comme elle ne trouve pas sa place dans notre groupe... Elle réagit défensivement. Comme elle a toujours fait à Omyre. Alors que Jorus ou vous alliez lui parler, ça serait bénéfique pour tout le monde. Du moins, je le crois.

- Ma rancune envers Hrist ne nuira pas à notre double mission. J'ai travaillé de concert avec Silmeria dans la pyramide et je serai capable de le faire encore une fois sans souci. Je ne ressens pas le besoin d'aller à sa rencontre et de lui parler. Mais si elle vient vers moi, je ne la repousserai pas et je serai capable de lui parler sans animosité. Par contre, vous comprendrez que je vais garder une certaine distance physique avec elle.

- Ca me paraitrait plus sain que vous mettiez à plat l'incident autour du cauchemar, approuva Akihito. Mais bon, je vous trouve plus crédible que Jorus quand vous dites que vous n'en ressentez pas le besoin. »

Estimant qu’il en avait dit suffisamment, l’enchanteur se leva et conclut, non sans une légère touche d’amertume.

« Si au moins vous prenez en considération ce que je vous ai dit au sujet de Silmeria, ça me suffit. J'ai bien compris que ce groupe allait difficilement fonctionner aussi bien que je l'avais espéré. Mais c'est comme ça.

- Pour Silmeria, il me faudra du temps pour oublier cet incident... Cependant soyez rassuré, vos paroles ne furent pas vaines à son sujet. Elles vont me permettre de mieux la comprendre et voire même l'accepter. Mais d'ici là, je ne ferai aucun geste de vengeance envers elle... Je vous l'ai déjà dit, j'ai travaillé de concert avec elle dans la pyramide. Je suis juste méfiant pour le moment... .et avouez que c'est légitime de ma part.

- Tout à fait légitime. Tout comme elle était il y a peu dans l'armée qui a failli raser ma patrie. Mais j'ai fait l'effort de passer outre, pour le bien de la mission. J'aurais aimé que Jorus en soit capable.
Merci de votre temps, Mathis. Sachez que si on me cherche, je monte la garde près de l'ancienne caverne d'Elscar'Olth.


- Merci à vous. Et pourquoi montez-vous la garde ? D’autres bestioles ?

- Je ne me sens pas capable de dormir. Et oui, qui sait si d'autres créatures vont pas rappliquer pendant la nuit. »

Mathis proposa de prendre la relève s’il sentait la fatigue le gagner. Tout en replaçant la sacoche sur son épaule avec un grimace qui mit un temps à détendre les traits de son visage, il opina de la tête.

(Je pense pas que j’irai vous chercher Mathis, mais c’est l’intention qui compte. Merci.)

L’Ynorien reprit alors son exploration de la caverne, à la recherche des autres Yuiméniens qu’il n’avait pas encore croisé : Silmeria, Xël et Dracaena. Arpenter la grande salle n’aurait pas été un problème s’il n’avait pas à se trimballer tout son bardas… Il jura alors.

« Je suis un sombre con, ma parole. »

Une demi-heure qu’il trainait sa peine à transporter son paquetage d’un bout à l’autre de l’endroit où justement, il devait le laisser ! Pourquoi n’y avait-il pas pensé plus tôt ? Sa bêtise le rendit honteux, et il s’empressa de demander au premier sorcier croisé l’endroit où ses compagnons avait pu dresser un campement. On lui indiqua la cinquième colonne plus loin sur sa droite et il aperçut Xël dans un coin, non loin de ladite structure de pierre. Il laissa tomber son sac avec un soulagement évident et ne conserva que son baudrier avec ses armes attachées dessus, qu’il jeta par-dessus son épaule. Le poids avait sensiblement diminué et s’il était toujours hors de question de se le sangler avec, la charge sur son épaule ne lui provoquait plus qu’un lourd malaise.

« Xël, je te cherchais. Ça va mieux ? »

Le faiseur de portails se tourna vers lui, une expression de surprise peinte sur le visage. Il avait les traits un peu creusés, mais rien n’indiquait qu’il avait été le corps brisé qu’Akihito avait emmené se faire soigner quelques heures auparavant.

« Akihito ? Je suis étonné de te voir déjà sur pieds, tu ne devrais pas encore te reposer ?

- Mon corps est en pleine forme, puisqu'il a eu le temps de se reposer. Mon mental, par contre... J'aurais bien aimé dormir un peu plus, oui, sauf que je sens que j'y arriverai pas. Sauf si tu te sens capable de m'assommer proprement. »

A l’instar d’Yliria, sa boutade teintée de sérieux fit sourire le mage, qui lui demanda en plaisantant s’il le cherchait pour ça.

« Non, j'ai dit que j'allais monter la garde, des fois que d'autres bestioles se ramèneraient. Corne d'or, par exemple.
Je voulais connaître ton avis sur ce qu'il nous restait à faire, désormais. Où tu penses qu'on devrait aller.


- Je pense qu’on devrait se rendre à Messaliah pour activer la pierre de vision. Ça nous permettra de communiquer entre nous si nous sommes séparés.

- Ah ? Je pensais que tu ferais partie de ceux qui veulent se mettre à la recherche de Simaya.

- Je ne l’ai pas oubliée mais si elles ont décidé de partir c’est qu’elles avaient une raison. Partir à sa recherche nous prendrait énormément de temps sans même être certain de retrouver des traces. Et même si on en retrouvait une, nous ne pourrions pas la faire changer d’avis. Nous aurons la possibilité d’envoyer plusieurs groupes à sa recherche une fois en possession des pierres. Enfin c’est mon avis. »

(Alors celle-là, je l’ai pas vu venir.)

En se dirigeant vers l’aéromancien, Akihito avait retravaillé les arguments qu’il avait opposé à Jorus pour les rendre moins susceptible de braquer Xël au sujet de Simaya. Mais au final, il n’avait pas eu besoin d’en utiliser un seul. Se remettant de sa surprise, il approuva.

« Je suis complètement de ton avis. Comme toi et elle avez l'air très proches, je pensais que comme Jorus, tu allais vouloir te lancer à sa recherche. D'ailleurs, la pierre de vision ne pourrait pas avoir des capacités de "divination" pour retrouver sa trace ?

- Pas à ma connaissance. Mais Ibn pourrait sans doute répondre à cette question.

- D'accord. Si on est d'accord là-dessus, ça va aller plus vite que prévu. Il y a juste une dernière chose que tu ignores peut-être : on a du "retard". Au moins quatre jours. Quand je suis parti d'Elscar'Olth en forme d'esprit pour vous rejoindre, il n'y avait pas de bêtes. Et les sorciers ont combattus pendant quatre jours le flot de bêtes. Le portail du Sans-Visage n'a pas été aussi instantané que le tiens, il semblerait. »

Xël était apparemment au courant de cela aussi et ne sembla pas surpris par son annonce, contrairement aux autres. Il s’était sans doute renseigné, comme l’avait fait Akihito. Puis ce fut à son tour de poser une question qui semblait cacher un sous-entendu qu’il ne saisit pas.

« Tu penses qu’il faut attendre l’unanimité pour prendre une décision ?

- Notre groupe n'en est pas capable, dit-il en secouant la tête. On est une équipe composée dans l'urgence, qui ne se connait pas vraiment voir qui se déteste franchement. Alors comme on doit prendre des décisions lourdes d'implication pour notre sécurité, tout le monde veut que son avis soit pleinement pris en compte. Dans ces conditions, l'unanimité est difficile à atteindre.
L'idéal selon moi, ça serait d'avoir un chef qui décide après avoir écouté les membres qui se plieront ultimement à son choix. Mais j'ai pas trop d'espoir que ce soit accepté.


- Je suis d'accord. C'est pour ça que je pense que nous devons nous séparer.

- Je... Crois voir où tu veux en venir, répondit un Akihito perplexe, mais tu peux développer ?

- Nous ne pouvons pas travailler efficacement tous ensembles pour les raisons que tu viens de dire. Mais nous pouvons sans doute former des groupes aux sensibilités et avis semblables capables d'avancer dans la même direction sans perdre du temps en débats stériles. Plusieurs groupes, sur plusieurs objectifs importants, capables de communiquer entre eux grâce aux pierres de vision. C'est pour ça que je veux les réactiver.

- C'est pas la solution idéale, mais c'est mieux que de s'écharper. Le problème, c'est que je vois quand même deux soucis. Le premier, c'est qu'il va quand même falloir un chef / coordinateur pour définir c'est quoi les objectifs importants, arbitrer, etc. Sinon, on peut avoir n'importe qui qui décide de partir seul dans son coin. J'aimerais dire qu'il y a pas de mal à ça, si on parlait pas d'enjeux aussi critiques. Le deuxième, c'est Silmeria. Sa place dans notre groupe est au mieux pas défini, au pire contestée. Il faut faire quelque chose à ce sujet. »

Xël espérait qu’ils seraient capables de résoudre le premier souci sans avoir de personne pour arbitrer. C’était un vœu pieux qu’Akihito partageait sans trop se faire d’illusion, même s’il trouvait le Xël en face de lui bien plus raisonnable et sensé que celui qu’il avait été auparavant.

(Est-ce que l’âme du Sans-Visage altérait à ce point son comportement ?)

« Quant à Silmeria nous venons justement de passer un long moment à discuter, continua le mage en soupirant. Avouer ça ne me fait pas plaisir étant donné le rôle qu'elle a joué à Kôchii mais jusqu'ici nous avons tous les deux réussis à travailler ensemble de manière efficace et nous nous entendons sur plusieurs sujets. C'est un autre avantage de la séparation, tous ceux qui seront loin d'elle n'auront plus à s'en soucier.

- J'ai moi aussi longuement parlé avec elle, avant. Et comme j'ai dit à Mathis, si je ne suis pas sûr de la qualifier ou de vouloir l'avoir comme amie, j'ai au moins appris à voir plus loin que sa sinistre réputation. Si elle est là, c'est pour la même raison que nous, même si elle ne s'y prend pas de manière, disons, conventionnelles pour nous. »

Connaissant peu mais suffisamment le passif entre lui et l’ancien membre des Treize, Akihito hésita à aborder le sujet mais fini par se laisser convaincre par l’attitude engageante de Xël.

« Tu es au courant pour Vallel, j'imagine ?

- C'est en grande partie de lui que nous avons discuté.

- Que sais-tu à son sujet ? De ce qui s'est passé pendant notre... Disparition, je veux dire.

- Je sais qu'il vous a aidé à revenir à la vie. Et je sais qu'il est en vie lui aussi, à nouveau.

(Le basique du basique, en somme.)

- Ce que tu ignores peut-être, c'est que Silmeria a aussi prêté son allégeance à Vallel dans la Savane. Mais vu notre situation particulière à ce moment-là et le fait qu'elle soit encore ici... J'y vois plus un moyen qu'elle a utilisé pour s'attirer ses faveurs et revenir à la vie. J'espère.
Et j'ai appris de Mathis qu'il est à Orsan, actuellement. Et qu'il a déclaré être prêt à nous venir en aide si besoin. »


Une nouvelle fois, il acquiesça calmement, affirmant qu’elle ne lui avait rien caché. Une ombre de soulagement passa sur le visage de l’Ynorien.

« Ouf. Ça peut paraitre bizarre de dire ça comme ça, mais je suis soulagé qu'elle n'ait rien cachée, déclara-t-il, ce qui déclencha le rire du mage.

- Oui c'est un peu bizarre. Ne t’inquiète pas trop pour Silmeria. Je garde un œil sur elle. Tu n'as pas une autre elfe dont tu devrais te préoccuper plutôt que de traîner dans les couloirs ?

- HEIN ?! Que... Quoi ? Qu'est-ce que tu racontes ?

- Je parle d'Yliria.

- Merci, J'avais compris. Il n'y a pas beaucoup d'elfes en dehors de Silmeria dans le coin. Mais qu'est-ce que tu sous-entends ?

- Je sous entends qu'elle était dévastée à ta mort. »

Ça, il voulait bien le croire. Mais pourquoi Xël lui faisait-il ce genre de remarque ? Passant difficilement outre son incrédulité, Akihito continua plus doucement, après un silence convenu.

« Elle doit dormir en ce moment. Elle a plus besoin de s'inquiéter pour moi, maintenant.

- Oh s'inquiéter non mais je m'en voudrais à votre place de rater l'occasion de fêter vos retrouvailles. »

(Mais… De quoi il se mêle ?)

(Il vient de perdre pas mal de points de sympathie, là.)

« On a pas ce genre de relation Xël.

- Oh bah je pense que c'est le moment de changer de relation alors.

- ... Silmeria, commença lentement Akihito, vous m'avez caché que vous pouviez changer d'apparence, pour me faire une face de ce genre ?

- Silmeria ? Non, elle a jamais vu le loup c'est pas avec elle que tu aurais ce genre de blague. Moi je te donne juste mon avis. J'pense qu'elle apprécierait que tu te glisses à côté d'elle pour au moins la prendre dans tes bras. Dans un premier temps.

- Euh... Ecoute Xël. Je suis au courant qu'elle apprécierait. Sauf que moi je suis pas sûr de savoir si j'apprécierai. Enfin, j'apprécierai, mais pas à sa juste valeur... Bref. Si je ne l'aime pas au bout du compte, je vais juste lui donner de faux espoirs. Et lui faire du mal. Et c'est pas quelque chose que je veux faire autant parce que j'ai du respect pour elle que parce que je tiens à mon intégrité physique. »

(Il te faudrait trouver un autre fluide spatial pour échapper à sa colère, je pense.)

(Ce serait le mini’ AH PUTAIN.)

Akihito tressaillit quand la main de Xël se posa sur son épaule. Tout amical qu’étais le geste, c’était quelque chose dont l’enchanteur n’avait vraiment pas envie à ce moment-là.

« J'espère que tu sauras avant de mourir une seconde fois. »

Surtout pas avec ce genre de paroles.

« ... Autant le reste, c'était de bonne guerre, dit sur un ton plus bas et plus dur l’enchanteur. Mais ne plaisante pas sur ce sujet avec moi.

- Oh mais ce n'est pas le cas. Tu ne crois pas que tu devrais mettre tout ça à plat par crainte que tu n'en ai pas le temps ?

- C'est déjà le cas. Le reste, ça ne concerne que moi.
... Tu peux... retirer ta main, s'il te plait ? »


Le mage s’exécuta et pour dissiper tout malentendu, Akihito préféra s’expliquer.

« Merci. Le prend pas mal, je suis juste un peu... Sensible, depuis mon retour.

- C’est normal, je comprends.

- Je vais te laisser, alors. On se revoit demain. »

Les deux hommes se séparèrent ainsi, dans une ambiance quelque peu étrange mais avec un retour globalement positif pour l’enchanteur. Lui qui pensait que l’entrevue avec Xël allait être la plus compliqué, il se trouvait qu’elle avait été la plus simple, en plus de le libérer de la nécessité de trouver Silmeria. Il n’allait pas connaitre l’avis de l’assassin sur la suite des événements, mais il n’avait pas à lui transmettre d’informations pour qu’elle fasse son choix : Xël semblait autant au courant que lui.

(Rien ne te dit qu’ils ont parlé des quatre jours « manquants ».)

Akihito ne réagit pas à sa remarque, conscient que la deuxième raison pour laquelle il n’allait pas voir l’Hinïonne était qu’il ne se sentait pas de gérer son caractère si particulier dans son état. Sa Faëra dû le deviner et n’insista pas, l’observant demander de nouveau à un sorcier s’il n’avait pas vu passer son compagnon l’arbre brûlé vivant. Une requête des plus étranges qui lui prit un large quart d’heure pour trouver une personne en mesure de lui indiquer une direction, entre celles qui ne savaient pas et celles qui passaient leur chemin en l’évitant clairement. Dans un angoissant boyau qui remontait à la surface, il trouva un Oudio hagard, un seau d’eau à la main. Le retour

« C'est pas la grande forme pour toi non plus, Dracaena.

- Aaaaah, m'sieur Akihito, vous avez l'air... Vivant ! s’exclama d’une voix qui n’était que l’ombre d’elle-même l’être végétal en plongeant son pied racine dans le seau, avant de s’enquérir de son état.

- Vivant... ouais, quelque chose comme ça...

- Moi, je suis un peu….

- Le mot que tu cherches, c'est déboussolé peut être ? dit Akihito après un petit moment de flottement, en posant son baudrier avec un soulagement évident.

- Non! Plus.. Perturbé. Bizarre... Pas normal... Je suis moi mais... c'est différent. Y a un truc différent. ça...vous fait ça vous ? »

Interloqué, l'Ynorien prit quelques secondes pour s'introspecter, puis secoua la tête. Si ce n’était son hypersensibilité et sa claustrophobie nouvellement acquise, il ne se sentait pas différent.

« Non. A part avoir les nerfs à vif, je suis "moi". Mais on a pas eu le même passage à Jesuir, toi et moi. Je serais pas étonné que ça ait une influence.

- Non...non c'est sur... On m'a dit pour le métal...du golem... J'espère que ça va...mieux.

- J'espère aussi que ça ira mieux… Je te cherchais pour te parler de quelque chose, mais j'ai l'impression que mieux vaut que je te laisse reprendre pieds. Ou racines. »

Dans une veine tentative, l’Oudio chercha à retrouver son ton enjoué qui le caractérisait tant, mais le masque tomba aussi vite qu’il était apparu.

« Non... j'vais pas prétendre... surtout pas avec vous... J'suis.... lessivé.... Epuisé... Et j'ai ce truc bizarre... en moi... Mais j'peux discuter.... J'préfèrerais discuter en fait... J'ai aussi...un ptit truc... à vous dire... Et puis... Si j'peux éviter d'aller dormir...

- Dormir est pas trop dans mes plans non plus. J'allais monter la garde en haut de la colline, faute de mieux. Accompagne-moi si tu veux, proposa Akihito en constatant le malaise manifeste de l’Oudio, ce qu’il accepta.

- J'vous suis.... Un peu d'air me f'ra ptet du bien... »

Le duo marcha dans un silence parfait, ce qui allait bien à l’enchanteur focalisé sur sa marche ardue tout en l’inquiétant.

(Je pensais que rien ne pouvait entamer l’enthousiasme de Dracaena,) avoua sa Faëra au bout d’un moment.

(Mmmh. Il est faillible, comme tout le monde.)

Un silence mental s’en suivit, de nouveau perturbé par la Faëra.

(Tu sais, Aki… Je suis désolée.)

(Désolée ? A propos de quoi ?)

(Quand Yliria est montée sur ton épaule, et que notre lien s’est rétabli, j’étais… Folle de joie. Hystérique, même. J’ai fait que te hurler dans les oreilles alors que tu étais dans ce golem. Je ne t’ai pas vraiment aidée…)

(… J’aurais aimé que ça se passe autrement, moi aussi.)

(Désolée…)

(Mais je t’en veux pas. La mort… La mort, ça change beaucoup de choses. On peut pas s’en vouloir « normalement » alors que tu pensais que j’étais parti à jamais. C’est pas une simple dispute, un simple désaccord. Comme je peux pas en vouloir aux autres d’avoir détruit la pyramide… Même si je le voudrais. Si j’avais été dans cette pyramide, qu’est-ce que j’aurais fait… ?)

Il était simple de parler après la bataille, de dire « moi si j’avais été à sa place… ». C’était une autre histoire de voir le paysage à travers son corps fantomatique et de savoir qu’il ne nous restait que l’éternité à attendre… Attendre le rien. Attendre sans but.
Lui n’avait pas atteint la pyramide car le Dragon Noir était apparu et leur avait barré la route. Et s’il n’avait pas été là… ?

Comprenant la pente dangereuse sur laquelle il s’engageait, Akihito secoua la tête et repris sa marche. Bientôt ils arrivèrent en haut de la colline surplombant la grandiose cité en ruines, offrant une vue imprenable sur les alentours… Et sur les monceaux de corps, vestiges des restes de la bataille.

« Alors. De quoi tu voulais me parler ? demanda l’enchanteur en déposant bouclier et marteau à côté d’un gros rocher qui allait probablement lui servir de siège pendant sa garde.

- Ah! Euh... Je commence donc? Kmh....C'est pas grand-chose... Juste... Vous savez, tout s'que j'ai dit quand on était mort c'était...sincère. J'veux vraiment...continuer à vous aider. Et encore désolé pour... Tout.

- J'ai bien vu que t'étais sincère, Dracaena. Je l'étais aussi. Et si tu veux t'excuser pour ton pacte avec le Dragon Noir... J'ai beau pouvoir me parer de ma vertu en affirmant que moi, j'ai fait le choix de ne pas m'associer au Dragon ni décider de détruire la pyramide, j'ai été tenté de le faire quand même. Et je peux pas vous en vouloir. La mort, ça... ça change beaucoup de choses.

- Ouais...Ouais... Merci. »

L’Oudio n’était pas plus convaincu par ses paroles qu’il était convaincant. Pourtant, il essaya de faire bonne figure en reprenant un ton dynamique et en lui retournant la question, voulant savoir ce qu’il voulait lui demander. Respectant son choix, Akihito changea de sujet.

« Rien de très spécial. Juste ton avis sur ce qu'il va nous falloir faire dans les jours à venir, commença-t-il avant de se rappeler qu’il devait préciser un point. Ah, j'ai oublié une information. Entre notre visite à Nagorin, la cité des aveugles, et notre retour ici, il s'est passé au moins 4 jours. Le portail du Sans-Visage n'a pas été... Instantané, comme ceux de Xël.

- Quatre... jours? Oh. C'est...particulier. Ca explique certains trucs... Et qui sait s'qu'y a pu se passer pendant quatre jours avec Brythagon et le reste... »

Akihito acquiesça : c’était précisément le point qui était gênant.

« Quant à ce qu'il faut faire... On est un peu à court de piste. L'arme de Messaliah n'est pas ce que l'on croyait, et m'sieur Sans-Visage c'est barré pour discuter avec sa famille de la situation... Il a pas voulu parler d'sa discussion avec... J'dois beaucoup au monsieur, mais j'me méfie un peu de ça... Faut visiblement des pouvoirs...divins pour atteindre efficacement...Brythagon... Le temps que l'Sans-visage revienne, faudrait... trouver un autre titan prêt à nous aider, ou alors... trouver comment assez canaliser notre magie pour être une arme vraiment efficace... Enfin, là c'est s'qui me vient à l'esprit sur le moment...
Et c'est vrai qu'j'sais toujours pas où est passée Simaya dans l'histoire....
ajouta l’Oudio dans un murmure.

- Comment ça, l'arme de Messaliah n'est pas celle qu'on croyait ?

- Ah, oui, z'étiez évanoui... En gros, le Sans-visage a dit qu'les Sans-Manières trouveraient pas d'arme capable de l'atteindre à Messaliah... Et que l'arme la plus puissante du déserte était déjà avec nous… Maïssa... "L'arme" c'est Maïssa… révéla Dracaena avec un dégoût manifeste pour le qualificatif.

- Ah. Donc la fameuse arme n'existe pas, et Maïssa est l'entité la plus puissante du désert... Ça ne m'étonne pas, vu ses capacités. Mais je doute que ça soit suffisant pour s'opposer au Dragon noir. »

Le regard d’Akihito se perdit dans le vide de l’horizon. Désagréger le presque indestructible argent noir et assujettir par sa simple voix tous ceux qui l’entouraient…C’était des pouvoirs terriblement forts, mais qui n’allait pas être d’une grande utilité contre le Shinigami, et Dracaena partageait son avis.

« Bon, c'est déjà ça de moins à se préoccuper.

- Ca veut aussi dire que les Sans-manières sont en train d'assiéger Messaliah inutilement... Sauf si Xël se trompe depuis le début sur leurs objectifs. Après tout, ils m'ont bien dit que leur but était de réduire le nombre de gens vénérant un dieu pour "l'étouffer"... Kheeeee... Où que j'aille y a toujours ce genre de malade... Bref, on a tout de même perdu une potentielle piste anti Brythagon... Et vous m'sieur Akihito, z'avez appris des choses intéressantes depuis ?

- Simaya est toujours introuvable, et Jorus veut se mettre à sa recherche. Xël est plus d'avis d'aller à Messaliah pour réactiver la pierre de Vision, pour nous permettre de communiquer entre nous sur de longues distances. On pourra alors se séparer pour remplir plusieurs objectifs importants simultanément, résuma grossièrement l’enchanteur en poussant un soupir résigné sur la dernière partie. C'est la preuve flagrante de l'échec de notre cohésion en tant que groupe, si tu veux mon avis. Mais mieux vaut ça que se forcer à agir sur les mêmes objectifs avec des tensions dans tous les sens. On a vu ce que ça a donné... »

Un fiasco presque complet. L’arrivée de Justice n’avait pas aidé, mais il n’était pas sûr que sans lui, leur groupe aurait été beaucoup plus unis.

« Et maintenant qu'on a la confirmation que Brytha et le Dragon ont... Fusionné, je pense aller chercher l'endroit où ils sont apparus. Remonter à la source de tout ce bordel pourrait nous apprendre des choses. Enfin, ça c'est faute de mieux après avoir récupéré les cailloux de Xël. Et avoir jugulé ce foutu rayon vert.

- Khé...héhé... Ironiquement... je pense que cet échec...n'est qu'un tremplin... vers quelque chose de meilleur. On va pouvoir essayer de bosser ensemble...mais pas de la même façon. Je reste optimiste... J'ai quand même quelques feuilles...kerm, oreilles à tirer. Mais ça sera pour demain...

- Ca ouvre d'autres possibilités, c'est sûr. j'aurais juste préféré que ça ne soit pas une nécessité parce qu'on arrive pas à se coordonner nous-même.

- Les gens sont tous des grands enfants qui ont parfois b'soin qu'on leur tienne la main, quel que soit leur âge ou vécu. J'ai vu des Oudios tricentenaires être plus borné que nos compagnons mais réussir à s'unir sous une même bannière, alors pas d'raison qu'on puisse pas s'en sortir.
S'qui nous manque s'pas un objectif ou un ennemi commun, s'qui nous manque, c'est une solution commune. Et ça, ça va, ça vient. On est toujours en train de s'agiter, s'égosiller, avoir le beurre et l'argent du beurre, mais une fois que nous saurons clairement comment nous débarrasser d'la grosse bête, ça ira mieux.
Quant à Brythagon, continua l’Oudio, ils sont apparus ou pour la première fois? Aux plaines d'or vous voulez dire? Pour ce qui est du rayon vert, c'est sûr que c'est un phare à emmerde, si vous m'passez l'expression. Mais j'me demande si ça peut pas servir...


- Je pense pas, c'est là que le Titan de magie était et sa mort est récente. Ils ont dû arriver autre part. Où ? J'en sais foutre rien. Et tu veux te servir du rayon de magie pour quoi ? »

A cette question, Dracaena toujours le pied dans son seau haussa les épaules en arguant que sans connaitre son fonctionnement, il était compliqué de savoir quoi en faire. Mais que l’utiliser comme une sorte de catalyseur surdimensionné pouvait être une idée. Se grattant sa barbe naissante, Akihito finit par avouer qu’il n’en savait pas plus.

« Un canaliseur, tu dis. Mmmh. peut-être. Mais ça étudier un truc pareil me semble assez complexe, et les sorciers d'Elscar'Olth auront sans doute mieux à faire une fois qu'il ne sera plus une menace. Ça risque de prendre du temps.

- ...Tant qu'j'y suis, m'sieur Akihito, ptite question, vu qu'vous êtes un sorcier de Yuimen vous aussi: ça vous est déjà arrivé de ressentir une... sorte de grosse énergie en vous? Qui semble venir de vos fluides? Depuis qu'j'suis de retour dans mon corps, j'ai l'impression que je brûle de l'intérieur (et croyez-moi, je SAIS quelle sensation ça fait de bruler), et selon m'da....Kerm, Yliria, ça viendrait ptet de mes fluides, vu qu'ils sont de feu... Une idée de s'que ça peut être? »

à la question de Drac, il pencha la tête sur le côté, un peu intrigué par le côté vague de sa question. Amy, de son côté releva un autre détail.

(Yliria a pas l’air d’apprécier qu’on lui donne du madame.)

(C’est tellement elle.)

(Et toi, tu aimes te faire mousser avec « M’sieur Akihito » ?)

(Je suis presque sûr de lui avoir dit qu’il n’en avait pas besoin, à un moment ou à un autre. S’il continue de l’utiliser, ça m’est égale. Bon, ses fluides maintenant…)

« Une grosse énergie ? Ça m'est arrivé quelque fois, oui, mais ce que tu me racontes est un peu vague, va falloir être plus précis. Déjà, tu es sûr que ça ne vient pas de la magie d'Aliaénon ? J'arrive pour ma part à les différencier plutôt clairement, mais je ne sais pas si c'est ton cas. Comment tu perçois ta magie, en fait.

- Aucune idée de si ça vient d'Aliaénon plus qu'autre chose. La piste des fluide s't'Yliria qui m'l'a donné, et des informations qu'j'ai glané à droite à gauche ça semble la solution la plus probable. Quand à être plus précis, c'est... difficile, commença l'Oudio incertain. Je comprends pas très bien moi-même ce que je ressens.... Enfin, sauf la partie sur la sensation de brûler, ça, c'est plus que clair… J'ai toujours eu...cette...petite chaleur en moi depuis que j'ai ce po... que j'ai conscience de ce pouvoir. Mais là, c'est tellement plus...intense... Avant, c'était comme une...petite boule d'énergie en moi, dans laquelle je puisais quand nécessaire. Elle était... chaleureuse, réconfortante, mais elle faisait aussi un peu... mal. Là… là c'est...grand, tellement plus grand... Etouffant presque... Mais bizarrement... Je me sens être consumé mais j'arrive pas à savoir si c'est... douloureux ou pas.... »

Il regarda une brulure sur sa main, comme hypnotisé.

« ...Ptet que revenir dans ce corps à "réveiller" l'incompatibilité du feu et de mon bois?

- Non, je ne vois pas pourquoi ton corps se mettrait subitement à rejeter tes fluides. En revanche, ce que tu me dst sur la boule qui grandit... ca me parle plus . Ca me rappelle deux événements, dont le plus récent est ce qu'on appelle l'Ordalie. C'est un rituel mené par les Dieux de Yuimen qui permet à un mortel d'emmagasiner plus de fluides dans son corps. Même si tu as été en contact avec le Sans-Visage qu'on peut considérer comme l'égal d'un Dieu, ça me semble improbable : l'Ordalie ne peut être qu'orchestré par le Dieu qui incarne littéralement le fluide du mortel, et notre magie est complètement inconnue du Sans-Visage.
Pour le deuxième événement, en revanche... Est-ce que tu as la sensation de ne faire plus qu'un avec tes fluides ? Comme si tu atteignais une sorte d'harmonie, de symbiose avec eux ?


- J'connais le principe de l'Ordalie, ça aurait aucun sens effectiv'ment... Mais de l'harmonie? De l'harmonie... »

(Il connait l’Ordalie ?) tiqua l’enchanteur, surpris. (C’est pourtant pas une connaissance à la portée du premier venu. Mais bon, passons…)

« ...Oui...Oui, y a un peu de ça... Comme si je brulais...mais que j'étais à la fois le combustible et la flamme... Ça voudrait dire quoi ?

- Ça voudrait dire si mon hypothèse est correcte, que tu as une affinité avec les fluides de feu, Drac. Bien plus prononcée que la majorité des pyromanciens. »

L’impression d’être enveloppé par ses fluides, de ne faire qu’un avec eux. De les ressentir à travers tous les pores de son être. C’était le genre de sensation qui l’avait submergé alors qu’il entrait en force dans la maison des Talabre à Oranan, pour enlever le jeune Ryo Ôkami et ainsi interrompre le mariage de sa sœur. Un instant de grâce au beau milieu d’un combat, qui avait fait s’épanouir un autre de ses talents.

« Moi par exemple, je suis mage de foudre. Et au-delà des fluides que j'ai pu ingérer comme le ferait Mathis ou Silmeria, je n'ai pas besoin de puiser dans mes réserves pour projeter de la foudre. Je peux le faire autant de fois que je le souhaite sans me fatiguer. Et toi aussi, peut-être. Enfin ça, c'est si on était sur Yuimen. Mais là pour lancer des sorts, il faut... il faut... »

Il fallait des fluides. Il fallait piocher dans cette réserve fondamentale pour tous les mages afin de lancer quantité de sorts. Mais à l’instar de ses munitions élémentaires, il existait un autre de ses dons qui ne demandait pas la moindre utilisation de fluides. Détachant fébrilement son marteau, il posa l’extrémité de son manche sur le sol et fixa la tête du heurtoir, qui se nimba rapidement de flammes. Le revêtement élémentaire qui couvrait n’importe laquelle de ses armes de foudre était une des choses qui faisait de lui un enchanteur. C’était un don qu’il avait utilisé à de multiples reprises sur Aliaénon. Mettant en ordre ses pensées à voix haute aussi bien pour lui que pour Dracaena, le fulguromancien poursuivit son raisonnement.

« Ça, c'est ma capacité d'enchanteur. Recouvrir mes armes de mon élément. Comme Yli. Et ça ne puise pas non plus dans nos fluides. Et pourtant, ni elle ni moi n'avons jamais échoué à le faire sur Aliaénon... c'est pas de la magie à proprement parlé. C'est... un don. Un talent inné chez nous...? »

Prenant enfin conscience de la chaleur qui léchait ses mains, il rompit l’enchantement et faillit jeter son arme au loin dans un pur mouvement de panique. Mais il se contint et après avoir repris tant bien que mal son calme, il continua.
« Comme pour mes marques de foudre. Je n'ai pas besoin de faire appel à mes fluides pour les utiliser. Des fluides qui sont bloqués ici. Et remplacés par la magie d'Aliaénon. Mais alors... »

Du regard, il avisa un petit tas de cailloux à une vingtaine de mètre de lui.

« Je vais tenter quelque chose en lien avec la magie, Drac. Reste là, des fois que je me trompe. »

Akihito s'écarta d'une quinzaine de mètres tout en restant à bonne distance du tas, le fixant toujours du regard.

(Aki, t’es sûr de ce que tu fais… ?)

(Presque. Même si la magie ici est chaotique, elle est tout de même régie par des règles. Et tant que je n’essaye pas de l’utiliser, ça devrait fonctionner. Normalement.)

(Normalement. Bien sûr.)

Un index finit par être tendu vers sa cible et malgré son assurance auprès de sa Faëra, le mage hésita. Pesa le pour et le contre. Renonça. Puis se fit violence, et convoqua sa magie. Sa propre magie, celle qui lui était propre. Les fluides qui parcouraient son corps, le résidu de magie qui l’entourait et qu’il pouvait utiliser pour des projections de magie pure, brut, sans forme. Un trait lumineux parti du doigt et fila jusqu'aux cailloux, puis disparut comme il était apparu. Surprit, il regarda son doigt, un peu circonspect, puis recommença à marmonner.

« C'est vrai que mes revêtements élémentaires n'ont jamais été de foudre et ont changés à chaque fois. Presque aléatoire. Aliaénon a quand même une influence... mais ça ne devrait pas...? »

de son doigt et toujours vers la même cible, plusieurs manifestations élémentaires se succédèrent : un arc de foudre, une petite gerbe de flammes, une boule d'obscurité, des flammes encore, un orbe d'eau, un souffle gelé faisant givrer l'eau, avant d'être de nouveau recouvert d'eau. Sans sourciller, avec une facilité déconcertante, l’Ynorien venait de lancer une petite dizaine d’attaques magiques sans qu’aucune ne rate, ou ne lui explose au visage. Sur Aliaénon, qu’elles étaient les chances qu’un Yuimenien puisse faire un tel exploit ?

(Très, Très minces.)

Et pour un poissard comme lui ?

(… Il me faudrait un miracle.)

Et pourtant, il avait réussi. Baissant la main, il se tourna vers l’Oudio l’observant toujours avec de grands yeux, le coin des lèvres légèrement relevé.

« ...ça marche. Putain Drac ! Ça marche. Soit j'ai une chance indécente, soit ma théorie est vérifiée. Et si j'ai raison te concernant... »

Si Dracaena avait le même talent que lui...

« Alors toi aussi t'en es capable.

- .......M'sieur Sabbar... m'avait conseillé... de me..."décharger" quelque part....
Et ça serait si...ironique...
Peut-être que....
Peut-être que..............
Reculez...
termina Dracaena après avoir jeté un long regard à ses mains, sous le regard paniqué du Fulguromancien.

- Attend, Drac...! »

De la main de Dracaena, un arc électrique semblable à celui qu’avait projeté l’enchanteur fusa à travers l’air et percuta le même tas cible. Les étincelles crépitèrent, moururent, et disparurent en laissant un Dracaena intact. Soulagé mais tout de même agacé, l’Ynorien rejoignit l’Oudio et lui envoya une bourrade dans l’avant-bras, la partie du bras la plus accessible pour lui. Le choc à la fois mat et porteur de discrets craquement se fit entendre.

« Arrête d'être aussi pressé, par les dieux. Je t'ai même pas dit comment faire.

- ...gné? eut pour toute réponse le pyromancien lanceur d’éclair.

- C'est ce que j'expliquais plus tôt, Dracaena. Ici, la magie n'est pas basée sur des forces élémentaires. Alors si nous pouvons manifester ce don que j'ai -et que tu sembles avoir, il va falloir vérifier que ce n'est pas juste un sort un peu raté- nous n'avons pas le contrôle total sur ce qui va sortir.

- …C'est....ce....Je...vous....n'imaginez pas.... ce que cette découverte.... signifie pour moi…. Kha....haha....haha... »

Le regard qu’il tourna rapidement vers l’Ynorien était étrangement calme et tranchait nettement avec son attitude depuis le début de leur conversation. Tout comme sa diction, désormais parfaitement.

« Je suis trop fatigué pour le faire, mais considérez que je viens d'éclater d'un gigantesque rire et que j'me suis mis à danser. Le style de votre choix, tant que vous imaginez qu'ça vous en met plein la vue. »

Et tout comme le Dracaena lucide était arrivé, il partit aussitôt.

« Vous... vous...avez raison... faut pas crier victoire trop vite... Vous...pensiez à quoi en lançant...ça?

- La magie, c'est très personnel. Ce sera à toi de voir comment tu la perçois et comment tu es le plus à l'aise pour l'utiliser. Par contre je peux te donner mon point de vue, et tu en tires tes propres conclusions. »

Il pointa du doigt son plexus solaire, au centre de la poitrine. Oubliant temporairement la mort, le feu, le Dragon Noir, l’enchanteur s’immergea dans l’explication de ce qui faisait partie de lui depuis sa naissance et l’avait toujours passionné.

« Je visualisais mes fluides comme toi, sous la forme d'une boule d'énergie dans laquelle je puisais pour lancer mes sorts. Ils parcouraient alors mon corps généralement jusqu'à ma main, je leur donnais la forme que je souhaitais et le sort se manifestais. Avec plus ou moins de réussite, évidemment. Mais depuis que j'ai eu cette... prise de conscience, je n'ai plus de "réservoir" de fluide. C'est devenu une partie intégrante de mon corps et mes fluides circulent en permanence dans mon corps, comme si c'était du sang. Ça ne change pas ma façon de lancer mes sorts, mais j'ai senti que ce circuit continu avec ouvert une porte, comme une sorte de propriété auto génératrice. Comment expliquer ça... Ah, tu vois comme lorsque tes fluides se régénère d'eux même avec le temps, après une nuit de repos ? Eh bien là, c'est pareil, mais en continu. Les sorts complexes ou puissants me demandent toujours de piocher dans ma magie, mais si c'est une simple projection élémentaire pure sans forme ou but distinct... Ça ne me demande que peu de magie. Et ce peu de magie, mon corps est capable de le générer de lui-même. C'est comme ça que j'arrive à utiliser cette capacité autant que je le souhaite.

- Comme générer l'énergie qui fait bouger notre corps... J'avais lu des choses à ce sujet, mais je ne pensais pas que ça se manifesterait... comme ça. Sur moi surtout... Je me... demande pourquoi maintenant?

- Le hasard ? Une réalisation soudaine ? Le transfert de corps ? Je suis d'avis que lorsqu'on parle de magie, on est pas tous égaux. Certains naissent avec un don, d'autres non. Ca ne s'invente pas, c'est comme ça : tu avais cette capacité en toi depuis ta naissance mais tu l'ignorais. Comme Yli qui peut invoquer Ssussun quand j'en suis incapable, et je crois bien qu'elle ne l'a pas appris auprès d'un autre invocateur. Evidemment ça ne s'applique sûrement pas à tout ce que les mages de Yuimen sont capable de faire. »

(Un avis sur le sujet, Amy ?)

(Eh bien… De ce que je sais, la plupart des dons vraiment hors du communs sont plus le fruit de l’inné que de l’acquis. Même si j’ai souvenir d’un précédent Porteur qui avait rencontré un Invocateur de glace et qui arguait être un des rares à avoir su éveiller artificiellement ce pouvoir à l’Académie de Pohélis.)

« Ca.... va m'demander plus de recherche... Plus de réflexion... Beaucoup plus... Mais... Là, j'ai une piste déjà plus...concrète! Merci pour ça m'sieur Akihito! J'vais... éviter de faire n'importe quoi avec cette découverte pour le moment, mais si ça continue de fonctionner ça nous offrira plus d'options. Faudra prévenir les autres de ça...

- On les préviendra bien sûr. Il y a juste un truc qui me dérange. »

D'un claquement de doigt, il lança une nouvelle munition élémentaire qui prit cette fois la forme d’un jet d'air dirigé vers le ciel, traversant la couche de nuage en un minuscule trou laissant brièvement apparaitre les rayons lunaires. Puis il regarda avec circonspection sa main.

« C'est presque trop simple. Sur Yuimen, c'est pas aussi ridiculement rapide, et il me semble que c'était plus puissant aussi. Et je suis pas sûr que troquer la force contre la rapidité soit vraiment avantageux dans ce cas-là. Il faudra que je vérifie la prochaine fois que j'aurais à toucher une cible vivante...

- Sur Yuimen, ça avait toujours le même niveau de puissance? Demanda l’Oudio, ce qu’Akihito démentit.

- Non, comme n'importe quel sort. Mais c'avait plus d'impact dans mes souvenirs. Je me trompe peut-être. »

L’Oudio semblait dans tous les cas excité par la découverte. Il poursuivait un but qui était inconnu au fulguromancien, mais il se réjouissait que cette avancée, même bancale, puisse l’aider.

« Je pousserais tout ça après...un peu de repos je pense. Je ressens... la fatigue qui revient.... Keeeeerf.... ça fait beaucoup d'émotions et d'informations pour... un moment.

- Tant que tu ne fais pas tes tests tout seul dans ton coin. Mais oui va te reposer. Profites-en si la fatigue te rattrape.

- Ouais...dans mon coin... J'ai l'habitude pour ça... Mais content d'voir...vot' volonté...curiosité...rev'nir! conclut l’Oudio en ramassant le seau à moitié vide dans lequel ses racines avaient baigné. Et vous? Vous...comptez faire... quoi?

- Monter la garde, comme prévu.

- Keh.... Bonne chance à vous... Pensez à vous...reposer un peu aussi... Ah, et...encore merci. »

D’une courbette maladroite, l’Oudio salua l’enchanteur qui lui rendit son salut d’une courbette similaire, quoique moins gauche. Puis il regarda l’être végétal sentient s’en retourner à la ville, jetant de longs regards à ses paumes ouvertes. Une telle candeur fit sourire Akihito.

(j’ai un peu l’impression de voir mon élève partir et rentrer chez lui, après un cours que je lui aurais donné.)

(Ne t’emballe pas non plus, Akihito.)

(A la prochaine leçon, je lui expliquerai comment absorber les fluides de son environnement. Avec un peu de chance, il en sera capable aussi.)

(Et pourquoi t’essayerais pas toi-même, pour commencer ?)

Akihito s’apprêta à répliquer qu’il n’y avait pas d’orage à proximité, mais se retint. Et réfléchit.

« Sur Aliaénon, les fluides élémentaires n’existent pas. C’est juste de la magie, un genre de fluide universel. Et si je peux l’utiliser pour générer autre chose que de la foudre, vu que le fluide de foudre n’existe pas… Est-ce que je peux recharger mes réserves en puisant dans mon environnement ? »

L’idée n’était pas stupide, maintenant qu’il y pensait. Sur Yuimen, il devait bien exister des personnes capables des mêmes prouesses que lui, mais à partir d’éléments différents. Si Dracaena s’avérait être un mage comme lui mais de feu, il n’y avait pas de raison qu’il n’en pas existe d’autre.

« Pour un aéromancien comme Xël, ce genre de don serait aberrant… »

Lui devait attendre l’arrivée d’un orage pour en extraire la puissance fluidique. Un mage d’air était entouré en permanence de son élément. Akihito avait bien trouvé une parade en nimbant son arme de fluide de foudre, mais…

Glace. Eau. Eau. Air. Glace. Feu. Lumière. Lumière. Terre. Glace.

Par dix fois, il avait essayé de revêtir la foudre sur son arme. Par dix fois, il avait échoué, et avait dû s’arrêter quand il avait senti la magie bouillonner à l’intérieur de lui et presque lui échapper alors que la Marteau de Valyus se couvrait pour la troisième fois d’une fine pellicule de givre mordant. Il s’arrêta là, jugeant que pousser l’expérience plus loin pourrait se retourner contre lui. A l’exception du revêtement de flammes qui annula dès son apparition, Akihito avait profité de l’occasion pour tester les différents revêtements qu’il appliquait sur son arme. Si en plein combat il se retrouvait de nouveau avec ce halo lumineux autour de son arme, il voulait savoir comment l’utiliser.

Loin des regards, Akihito n’avait plus aucune raison de garder son manteau sur les épaules. Il s’en défit et torse nu, enchaina les mouvements martiaux avec son marteau, jaugeant le potentiel de chaque élément qui venait recouvrir son arme. Sans surprise, lorsque la tête du marteau s’alourdit d’une belle couche de roche cristalline, il ne put qu’apprécier l’énergie cinétique nouvellement déployée. De même lorsque ce fut le vent qui entoura son marteau : sa vitesse s’en retrouva accrut, et le Porteur de la Kizoku Rana se demanda quelle célérité sa lame atteindrait si en plus de la furie de Rana, un tel enchantement était appliqué.

Haletant, l’Ynorien mit finalement fin à l’ultime enchantement de givre qui avait recouvert son marteau. Un revêtement qui l’avait déçu car il n’en avait pas trouvé l’utilité. Rejoignant sa pierre, Akihito observa les alentours ; rien ne bougeait, tout était calme. La ville d’Elscar’Olth dormait enfin d’un sommeil paisible, et Akihito s’assurerait que si quoi que ce soit venait perturber le repos de ses habitants, il s’arrangerait pour qu’il soit dûment reçu. Levant le nez, le fulguromancien sonda le ciel. La couverture de nuage ne laissait paraître aucun orage, pas plus qu’elle permettait d’apercevoir la lune pour savoir quel était l’avancement de la nuit. Faute d’éclair et d’avoir pu recouvrir son arme de foudre, Akihito essaya la dernière chose à laquelle il avait pensé.

Prenant une grande inspiration, il chercha à s’ouvrir au monde. Comme lorsqu’il puisait dans la force naturelle d’un orage, il chercha à entre en contact avec la terre, l’air autour de lui. Tenter de percevoir leur puissance, la magie d’Aliaénon qui flottait tout autour d’eux, puis essayer de se l’approprier. L’assimiler. Car bien qu’il ne l’ai jamais ressenti, Xël comme Yliria s’étaient déjà plaints de coups de fatigue suivant une utilisation excessive de la magie. S’il pouvait pallier à ça, il n’aurait alors plus à se soucier de l’épuisement magique. Et après de longues minutes, il y parvint. C’était assez difficile à discerner, mais il ressentit la magie tout autour de lui intense, puissante, indomptable. Seule ombre au tableau, il se trouvait incapable de l’extraire. Etais-ce parce qu’il était malgré tout un fulguromancien ? Ca ne collait pas. L’enchanteur en vint à l’hypothèse la plus probable selon lui : il ne savait pas comment faire avec d’autres phénomènes naturels que ceux liés à la foudre.

(Arrête-toi pour l’instant, Aki. Tu as déjà bien progressé.)

(Mmmh.)

(Et tu dois économiser tes forces pour demain. Quoi qu’il se passe, la journée sera longue.)

(Tu as raison.)

Un a un, les membres de son corps se détendirent. Fini la magie, il devait désormais monter la garde. Il aurait aimé avoir encore une peau de cochon intacte pour s’entrainer au tatouage, comme à son habitude lorsqu’il était de garde. Mentalement, il se fit cette note de penser à trouver un moyen de se procurer une peau de cochon, ou quelque chose de similaire. Une note qui vint en rejoindre d’autres. « L’argent noir ». « Les cristaux de magie ». « Amy ». « Contrecarrer le Dragon ». « Aliaénon ». « Yliria ». « Survivre ».

Deux heures après le départ de Dracaena, c’était un Akihito aux yeux rougies, la main sur la cicatrice de Justice, qui observait l’horizon. Il avait repoussé tant qu’il l’avait pu l’inéluctable, en abreuvant son esprit et ses discussions mentales avec Amy de tout ce qui aurait pu le distraire, en épuisant tous les sujets. Mais fatalement, cela avait fini par arriver.
« La mort. »
« SA mort. »

Silencieusement, deux nouveaux sillons de larmes se mirent à couler.


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Modifié en dernier par Akihito le sam. 2 sept. 2023 00:48, modifié 7 fois.

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Re: Lande Noire

Message par Silmeria » sam. 19 août 2023 05:40

" Je crois que je suis en train de mourir. Pour de bon. "

C'est vrai, j'avais cette horrible sensation de me sentir vide, fatiguée, comme si un mal de ventre emportait toute mon énergie dans mes tripes, le long de mes jambes et que la terre assoiffée ne se charge du reste. Xël venait de me lâcher, je ne sais pas trop pourquoi je m'étais rapprochée de lui, mais une chose était sûre, il était à l'écoute et n'avait pas cette réserve timide que me portait les autres.

« Tu es bien placé pour savoir qu’ici la mort n’a rien de définitif. »

Je m'adossais au mur, plus pour me laisser glisser au sol sans me casser réellement la gueule. Je voulais pas me vomir dessus et je relevais la tête pour respirer l'air frais, fermant les yeux pour me concentrer sur le fait de ne pas crever ici dans l'heure. J'ouvris légèrement les lèvres pour lui murmurer :

" J'ai ramené un de tes vieux amis à la vie. Indice : ça commence par un Val et ça termine par un Lel. "

« Je suis au courant. » Dit-il tout simplement.

« C’est de ça que tu voulais parler ? C’est pour me narguer ? Me provoquer ? »

Je ne comprenais pas vraiment pourquoi il pensait ça de moi. Était-il devenu idiot ? Me voyait-il comme une vilaine cruche provoquante ? Lui qui avait entendu mes secrets les plus intimes ? Cet ennemi devenu neutre et pour qui je ne nourrissais aucune animosité ? Avait-il vraiment envie de gâcher tout ça ?

" Te tenir au courant, idiot. "

J'avais craché ces mots avec une certaine irritation mais la douleur me rappela à la dure réalité, il fallait rester calme, ne pas s'énerver. La colère c'était Hrist et la corruption l'aime plus que tout, elle s'en nourrit et je ne dois pas perdre mon énergie.

" On a tout intérêt à le garder de notre côté. Je connais votre passif, on sera amené à le croiser et je ne voudrais surtout pas que tu tentes quoique ce soit à son encontre tant que cette histoire de Gragon ne sera pas terminée. "

« Tu parles mais c’est lui que j’entends. »

Evidemment, c'est lui que tu entends parce qu'il s'agit là d'une pensée non bornée et peut-être vaguement sensée ?

« Mais c’est vrai que quelqu’un comme lui serait utile pour arrêter ce dragon. »

" C'est peut-être qu'il faut te remettre en question. Quand plusieurs personnes te disent la même chose, c'est peut-être vrai. Donne moi de l'eau, je te prie. "

« C’est étrange mais je suis soulagé de te voir en vie. Comment on se sent quand on revient à la vie ? »

" On se sent mal. Je pensais que c'était assez évident. Je suis vraiment en train de crever je crois. La corruption gagne de plus en plus... "

"Quelle corruption ?"

" Ma magie... c'est issu de l'Ombre Noire et elle me corrompt. Un peu comme sur les collines oniriques. Les Garzoks disent que c'est que je ne suis pas assez forte ou que je ne suis pas digne de les porter. C'est très convoité des assassins mais.. je sens l'ombre me dévorer de l'intérieur. Depuis des années. " Avais-je dit en regardant mes bracelets de l'ombre, ils semblaient... Lourd. Pourtant leur matière était légère et ne faisait aucun bruit lorsqu'ils s'entrechoquaient, j'avais l'impression d'avoir des chaînes de forçat au bout de mon bras tant ils pesaient sur mon esprit.

"Pourquoi ne pas t'en débarrasser ?"

" Mais c'est vrai ça. Tu viendrais pas de me sauver la vie ? Comment n'y ai-je pas pensé. " Avais-je craché, pourquoi est-ce qu'il me posait une question aussi sotte ? Il était idiot, je le détestais d'être aussi bête, pourquoi je n'y aurai pas pensé avant, sinistre crétin ?!

"De rien."

Mais mon animosité fut vite écrasée par son sarcasme. J'avais levé les yeux sur lui légèrement surprise. Il me ressemblait un peu, moqueur, à l'écoute... Il avait quelque chose de neutre dans son regard mais derrière ce voile impassible brûlait une flamme étincelante dont l'éclat m'était jusqu'à présent inconnu.

" Je ne sais pas si j'en ai pour longtemps. J'ai ramené Vallel et peut-être qu'il pourra m'aider. Tu veux toujours débarrasser la ville de ses despotes ? " Disais-je en me relevant maladroitement, prenant appui sur le mur sur lequel je m'étais adossée. J'avais mal au crâne et mon envie de vomir vivait tranquillement dans mon estomac sans payer de loyer.

"Tu tiens à peine debout, qu'est-ce que tu as l'intention de faire dans cette état. Tu ferais mieux de te reposer. Les Sans-Bannières ne trouveront à priori rien dans Messaliah et ils en ont pour des semaines de voyage. Ce n'est plus le plus urgent. Vallel, il est à la Tour d'Orsan ?"

" Bah... la dernière fois que les tiens m'ont sous estimé, ça vous a coûté un Roi. " Petite morsure de murène pour qui oubliait ça, c'était d'ailleurs une redoutable stratégie qui avait plusieurs fois payé. Se faire passer pour une servante un peu maladroite ou fatiguée, passer devant des gardes en baillant ou en ayant l'air fatiguée ou malade m'avait souvent permis de me faire sous estimer. Comme cet assassin venu tuer la Reine d'Elysian qui m'avait prise pour une servante... Ah, ce qu'on a rigolé ce jour là.


" Je reprends mes esprits. Vallel est bien à la Tour d'Orsan. Veux-tu y aller avec moi ? " Disais-je en recoiffant mes cheveux en arrière, ils étaient encore collés à cause de l'humidité et commençaient à onduler.

« C’est ça qui est étrange. Normalement j’aurais dû me réjouir de ta mort et en ramener la preuve à Kendra Kâr. Au lieu de ça je partage un repas. J’ai partagé un bain. La prochaine étape c’est de s’échanger nos salives. »

Oh, j'avais oublié ce détail, cet homme que j'admirais recommençais à être grivois. Il m'avait bien questionné sur mon intimité sans aucun détour ni réserve lors de notre bain sur Nyr.

« Je ne me jetterai pas dans la gueule du loup sans préparation. »

" Tu n'as pas besoin de préparation, tu as besoin de moi. De toutes façons toute cette préparation te serait inutile. Si tu cherches à lui faire du mal, je serai là pour t'en empêcher. Je pense justement que vous avez besoin de parler, de vous entendre sur un pacte de non agression jusqu'à ce que le Gragon soit défait. "

« Rien ne m’assure que ce ne soit pas lui qui s’attaque à moi dès l’instant où nous nous verrons. »

" Si, moi. Je serai là pour l'en empêcher. De toutes façons il attend de moi de te convaincre de ne pas lui causer de tort. Ça marche dans les deux sens, s'il s'est joué de moi tu n'aura probablement pas le temps de tenter quoique ce soit à son encontre. "

« Et je suis censé te faire confiance ? »

" Ca serait idiot de ta part, mais ça serait un bon début, en effet. En tout cas je te fais modérément confiance, je pourrais même boire dans ta gourde. "

« Boire dans une gourde et confier sa protection c’est assez proche au fond. »

" Bah oui. Tu voudrais boire dans la mienne ? " Avais-je demandé d'une petite voix moqueuse, je recommençais à trouver de l'énergie, cette conversation pleine de provocation m'avait réveillée et je me sentais mieux, j'étais contente de sentir cette bonne influence de sa part, je commençais à bien apprécier Xël.

" Généralement je suis employée pour me charger des personnes protégées mais pour toi, je peux bien faire une petite exception. "

Je portais mes lèvres à sa gourde pour y boire. L'eau eut un effet très agréable, je ne m'étais pas rendue compte à quel point mon ventre était vide, malgré ça, je ne ressentais pas la faim.

"J'avais dit qu'on s'échangerait nos salives."

" Hm. J'aimerai bien te conduire à Vallel. Je veux être fixée. "

"Très bien. Faisons le alors."

C'était presque une petite surprise. Il avait accepté sans broncher, enfin, sans trop s'y opposer. J'aurai très bien pu penser qu'il avait peur, mais quelque part, c'était lui qui avait tué Vallel par deux fois, c'était plus Vallel qui devrait se méfier de lui. J'avais voulu le dissuader de faire quelque chose envers lui mais je n'aurai pas eu le temps de retenir sa magie s'il avait décidé de l'employer contre le Seigneur Vallel. Au même titre, Vallel n'aurait probablement pas eu à lever le doigt sur Xël, il aurait envoyé simultanément les centaines de monstres qui grouillaient dans les environs, entre ceux qui roulent, qui volent, qui rampent, qui pètent, il y en aurait bien eu un d'assez habile pour parvenir à tuer Xël avant qu'il ne puisse tornader le tout en fuir dans un portail en ricanant et en faisant des gestes obscènes à l'encontre du seigneur des treize. Ca aussi ça aurait été compliqué pour moi de l'empêcher, il fallait admettre, je ne pouvais pas trop protéger Xël si ça tournait mal. Le portail crée dans la grotte nous conduisit immédiatement vers l'Autel où se trouvait Vallel lors de ma dernière venue. Il se tenait là sur sa queue de serpent et nous toisait tous deux. Fort heureusement, aucun monstre ne décida de nous tomber sur le râble

"Vallel... Contre toute attente. Je ne viens pas pour me battre."

" Seigneur Vallel... "

"Et pourquoi donc, alors ?"

" J'ai brièvement discuté avec Xël et nous nous sommes entendus sur l'importance de votre entente mutuelle tant que le Gragon vivra, Seigneur Vallel. Allez, dis-lui. "

« Sur l’importance de ne pas nous battre entre nous en tout cas. »

"Oui. Un pacte de non-agression découlant sur une alliance de circonstance, voilà quelles étaient mes conditions. Vous semblez plus sage que je ne le croyais, mage."

« Beaucoup de choses se sont passés depuis notre dernière rencontre. »

" Pssst, z'avez vu Seigneur ? J'ai retrouvé mon corps ! Qu'est ce que vous prévoyez maintenant ? Est-ce qu'on peut faire quelque chose pour vous ? "

"Oui. Ma mort, la destruction d'une vie de recherche et de travaux, de matériel inestimable et de collaborateurs précieux. Par exemple. Puis cette histoire avec Oaxaca, m'a-t-on dit. Pas une mauvaise chose, en soi."

Ca c'est parce qu'il n'était pas là pour rigoler avec nous, avec Kuklux on se serait quand même bien fendu la poire de pouvoir massacrer des soldats entourés de morts vivants.

"Je prévois la reconstruction, la poursuite de mes recherches. Jusqu'à ce que vous ayez besoin de mon soutien et de celui de mes créatures, en tout cas. Tu sais comment m'aider : assurer la défaite de ce dragon destructeur."

Tiens, c'est quand même amusant, il prévoit une reconstruction mais... Avec ses monstres bizarre, il va construire quoi ? Je me demande surtout s'il n'est pas en train de rassembler ses forces pour aller justement envahir la ville d'Esclapolte pour y conduire ses recherches, après tout il y a du matériel, des vivres, des défenses, des cachettes et de la place pour ses petits amis suspects, toujours plus confortable qu'un marais où il ne pousse que de la fange aussi malodorante qu'un Kurgoth dans une cage, sous une tente en pleine chaleur.

"Je préférais ton précédent. Mais bon, nul n'est éternel."

" M'enfin... Il est très bien ce corps ! " Et il a des cheveux, pas deux trois vestiges de touffe aux pointes fourchues et cassants.

" Quant au Gragon, on trouvera une solu... "

Je me tournais vers Xël, de grands yeux rieurs ouverts droit sur les siens " J'ai une idée. "

« Vous m’aviez promis de mettre Kendra Kâr à feu et à sang et de faire de sa population vos sujets d’expérience. J’ai donc fait le nécessaire. D’ailleurs si votre promesse est toujours d’actualité alors nous serons forcé de discuter une fois le dragon vaincu. »

« J’écoute. »

" Pas ici ! On retourne à Escalope ! Eslcarcope. Bref on y retourne ! Bisous Seigneur Vallel ! "

"Vous savez autant que moi les effets de la colère sur les paroles et les actes. Je n'ai plus aucun intérêt pour Kendra Kâr, ni pour votre monde. Plus aucun lien."

Il se tourna vers moi et tonna de sa voix d'outre tombe :

"Une idée que vous devez me cacher, déjà ?"

" Simplement parce que vous allez sûrement m'en dissuader, Seigneur Vallel. Vous connaissez le trône d'Eslcarlope ? Et la légende au sujet de qui posera son fessou dessus ? "

« C’est une mauvaise idée. » sentaca Xël sans attendre.

"Evidemment que je vous en dissuade : un sort pire que la mort attend quiconque s'y assied et n'est pas digne. Voilà des siècles qu'Elscar'Olth n'a pas eu de Roi, et vous pensez en être digne ? Vous ne seriez pas plus maligne que ces orques qui ont tenté, trop fiers. Et tout cela pour quoi ?"

" C'est là que vous vous trompez, Vallivalou. Je ne parlais pas de moi, je vis dans l'ombre, pas la lumière. Je pensais à une archere muette à la bouille renfrognée qui est vue par le sans-visage comme l'arme la plus forte du désert. "

« C’est une mauvaise idée. Ce n’est pas à nous de proposer un roi pour Elscarl’Oth. Ce sont leurs affaires. Allez. Allons nous en. »

"Un peu de respect, elfe. Je ne vois toujours pas l'intérêt d'avoir une reine à Elscar'Olth, mais soit, faites donc comme bon vous semble."

" Ahaha, du respect j'en ai, croyez moi, sinon vous auriez payé votre insulte à mon égard. De plus, j'ai convaincu notre ami Xël de tenir avec vous ce pacte de non agression, je suis sûre que vous survivrez à mes petites offenses, un prix bien dérisoire pour mes services. "

Je mimais une révérence forcée et exagérée à Vallel, comme celle que j'avais lancé à Karsichien quand je lui avait conseillé de s'en tenir à dresser son affreuse chienne, Sarl de son petit nom. Après tout, il m'avait bien manqué de respect alors que j'étais désarmée, maintenant que mon corps et de nouveau mien, je refuse qu'on m'insulte. Il poussa un long soupir et de son côté, Xël ouvrit un autre portail qui nous conduisit à l'endroit précis que nous avions quitté quelques secondes plus tôt.

" Je suis fière de toi, Xëloupatux " Je tapotais l'épaule toute heureuse d'avoir pu prouver à Vallel que non seulement j'étais fidèle mais qu'en plus, il n'avait pas sur moi cette autorité qu'il fustigeait à notre rencontre. Je venais d'apparaître dans la caverne, le coeur léger de savoir que je n'avais pas créée de litige entre l'un et l'autre.

« Gardons ce qui s’est passé pour nous. Ce sera notre petit secret. » Dit-il en saisissant mon bras. Je regardais tour à tour ses yeux et sa main m'entravant sans pour autant chercher à m'en soustraire, il n'avait pas de mauvaise intention car si ça avait été le cas, il n'aurait pas voulu me garder aussi proche de lui.

" Ça finira bien par se savoir. Tu as honte d'avoir fricoté avec un des Treize, mon chou ? "

« Ce que je veux éviter c’est une autre leçon de morale. Je le crois quand il dit que la présence du Dragon menace ses objectifs. »

" Bien évidemment. C'est aussi ce que dirait un vendeur de ravioles à Esseroth. Qu'un Gragon en colère qui ravage des villes, c'est pas bon pour le commerce. Voyons les choses par étape, et par ordre de grandeur. Le Gragon d'abord, Vallel ensuite. Et qui sait, peut-être même que ça sera Vallel et moi. "

Je ricane puis 'étrangle et une larme noire coule de mon oeil. " Oh merdouille. "

"Amusant. Ce grain de folie serait bienvenue si je n'avais pas conscience que tu pourrais me planter une dague dans le coeur la seconde d'après."

"Tu comptes faire quoi pour ton problème ?"

" Je sais pas, éviter de mourir fiévreuse et tremblotante dans une paillasse grouillante de vermine, ça serait un assez bon début. Ensuite je n'en sais rien. Je ne connais personne qui s'y connaisse en relique d'ombre. "

"Pourquoi tu ne peux pas te débarrasser de tes reliques au juste ?"

" Parce que sans elle je n'ai aucun pouvoir. Et que même si je les retire, j'ai toujours les séquelles. La corruption est en moi. "

"A défaut d'autre chose. Toujours pas vu le loup depuis notre bain ?"

" Non pas vraiment, et toi ? "

"Il me semble avoir vu une paire de seins depuis."

" Et combien de Gragon ? "

"Un seul. Mais une paire de fois."

" Et donc. Maïzena est sensée être l'arme la plus puissante du désert, j'ai cependant l'impression qu'on est encore plus perdus qu'au départ "

"Retenons juste que nous avons deux nouveaux alliés. Le Sans-Visage et Vallel."


"Peut être qu'on devrait en trouver d'autres."

" Peut-être qu'on devrait déjà se considérer comme des alliés. Tu veux que je te rappelle à quoi ressemblait notre dernière réunion ? D'ailleurs il est ou le blond, j'ai une claque à lui mettre au travers de la tronche. "

"Les alliés ne sont pas forcement des amis. Tu crois peut être que je vais boire des pintes avec Vallel si on s'en sort ? Je n'étais pas à cette réunion mais du peu que j'en ai entendu le sujet principal n'était pas le dragon. Tu devrais laisser le blond tranquille avant qu'une nouvelle catastrophe ne se produise..."

" Je devrais, en effet. Mais tu es bien ici avec moi. Pourtant j'ai tué ton Roi.. enfin LE Roi et Vallel non. Et on a pas de pinte donc la question ne se pose pas. Le sujet principal n'était pas le Gragon, mais même sur ça on aurait pas pu se mettre d'accord. "

"Nous ne pourrons jamais être d'accord sur la manière d'atteindre l'objectif que nous avons en commun. Nous sommes trop différent. Etrangement nous deux, nous arrivons visiblement à nous entendre."

"J'ai même du mal à le croire mais je crois que je t'apprécie. Au moins assez pour partager ma gourde."

" Évidemment. Tu n'es pas un fanatique, on a des objectifs, on sait faire avec. Même si personnellement j'ai plus l'habitude de travailler en solitaire, je pense qu'on ferait une assez bonne équipe. "

" Comment convaincre nos amis ! Et surtout, qui convaincre en premier. Qui suffirait à donner un souffle à ce.. groupe que nous sommes. Et qui devrait en prendre le contrôle ? "


« Personne. Personne ne le peut. Nous sommes tous des solitaires. C’est pour ça que je pense que nous devons former plusieurs groupes pour atteindre des objectifs importants de la manière qui convient au groupe. Sinon chaque décision va durer des heures de discussions pénibles avant que nous nous mettions à agir. »

' Et malgré ça, on pourrait pas se faire confiance. Tu penses que la Shaakte aurait confiance de nous savoir tous deux ensemble à remplir des objectifs ? Même si j'ai une assez bonne synergie avec toi. "

" Sinon je peux les tuer et on termine la mission avec Vallel ? Je pourrais même te trouver une place assez confortable chez les Murènes. "


Je m'assayais alors sur les genoux de Xël qui s'était assis. Il glissa son bras sur mes hanches pour mes stabiliser, je posais mon coude sur son épaule et commença à réfléchir.

« Peu importe si ils nous font confiance ou pas. Il y aura des kilomètres de distance entre nous et les actes de chacun n’auront pas de conséquences immédiates sur tout le monde. Mais pour pouvoir communiquer entre nous en cas de séparation nous avons besoin de pierres de vision et pour ça il faut activer celle qui se trouve à Messaliah, là où se dirigent les Sans-Bannières… »

" Ça nous ferait en effet un assez bon objectif. De plus notre Ficus Fou a reçu un joli présent de la part du Sans Visage. On pourrait aller à Messaliah avec cette capacité de parler à notre arbre fumant à distance si d'aventure certains préféreraient se pencher sur une autre mission. "

« Nous aurons besoin d’Ibn pour activer le cristal. »

" Ce bon vieux Ibn. Où est-il déjà ? "

« Je ne sais pas. A l’infirmerie peut être, il avait besoin de reprendre des forces. De toute façon nous ne sommes pas pressés j’ai besoin de me reposer pour nous emmener là-bas. Qu’est-ce qu’on fait en attendant ? On se touche ou on mange un morceau ? Pour ma part j’ai pas très faim. »

Plongeant mon regard dans le sien, je glissais ma main sur sa joue et approcha ma bouche de la sienne jusqu'à ce que nos souffles s'effleurent. Puis, laissant l'ombre faire le reste, je disparu pour apparaître à deux mètres de lui, hilare.

" Je t'ai eu ! "

« Oh oui vraiment. Je ne m’y attendais pas du tout. »

" Allez Xeloupatux ! Si tu veux te derouiller un peu, on se fait une petite passe d'arme amicale ! "

« Ça voudrait dire que je dois utiliser ma magie et ça comporte quelques risques. »

" Rhooo. Tu n'as jamais appris à te défendre au corps à corps ? "

« Si à l’armée. Mais ça ne veut pas dire que je suis capable de rivaliser avec toi. »

" Bah, il y a bien une recrue mal entraînée qui pourrait bien parvenir à tuer un soldat d'élite dans le feu de l'action. "

« Dans le feu de l’action peut être mais en combat singulier il y a peu de chances. A part te battre tu n’as pas d’autres passe temps ? »

" Rien qui nous serait utile. Je cuisine assez bien, j'aime les fleurs, les abeilles, je voulais me retirer d'Omyre pour vivre une nouvelle vie, ça va te faire rire mais je voulais une petite maison non loin d'un cours d'eau, des ruches et des champs de fleurs. Et toi ? A part créer des portails ? "

« J’aime bien cette idée, une vie sereine loin des combats. Moi je n’ai pas de compétences particulières. Je suis plutôt bon à rien. Sans ma magie je serais toujours un clodo lambda dans les rues de Kendra Kâr. »

" Et c'est ce à quoi tu aspires, une fois tout ça terminé ? Ou tu vas rester un soldat, toi que rien ne prédestinait à l'être. "

« Si Kendra Kâr est en paix un jour alors je m’occuperai de l’orphelinat. Mais… j’ai de plus en plus de mal à croire que je ne vais pas mourir avant. Plus le temps passe et plus les ennemis sont puissants et plus je frôle dangereusement les limites avec la mort. Mais bon toi tu l’as traversé et tu en es revenu. »

" Moui. " dit elle timidement. " C'est ma cinquième fois, je crois. "

" Tu te souviens que j'ai un dispensaire à Kendra Kar ? Les Murènes prennent soin des parias et des orphelins rejetés à Kendra Kar. Même depuis que le Roi est... "

« Le dispensaire… celui des docks ? Oui je connais. C’est la deuxième fois que tu me parles de Murènes. C’est quoi au juste ? »

" Oui celui-là même. Les Murènes c'est... un groupement. Des amis ? "

" Ma caste d'assassins. Implantée partout pour faciliter mes infiltrations. De base je devais tuer le Roi dans le palais avec Satinette, l'état-major, Bogast et d'autres. Finalement j'ai changé d'avis. "

« … Finalement tu as changé d’avis… et pourquoi ? »

" Beh j'en ai pas tellement après Satinette. Ni Bogast. Ni machin ou truc qui était de garde ce jour là. ''

« Et si tu survis à cette aventure. Tu va te construire une chaumière au bord de l’eau ? »

" Construire ? Non je pense que les propriétaires d'une jolie maison vont disparaître et qu'elle sera acquise par les Murènes de façon anonyme et légale. Je ferai une sorte de retraite en quelque sorte. "

« Et pourquoi m’en parler ? J’ai le profil d’un espion ou d’un assassin ? »

" Non, je ne pense pas. Tuer des gens ne fait pas de quelqu'un un assassin. "

« Alors pourquoi ? »

" Beh, on a quoi de mieux à faire ? Je n'ai pas de raison de te cacher quelque chose, tu m'as posé la question "

"Mais... C'est toi qui en a parlé la première. Enfin bref. Tu n'es pas épuisée par ton retour à la vie ?"

" Épuisée non. J'ai un peu faim je crois. "

« Eh bien il faut manger. »

" Mais j'y arrive paaaaas ''

« Et bien il faut te forcer. »

Quelle drôle de manière, il se comportait comme un inconnu et comme un ami à la fois. Je le trouvais fascinant, je venais même à regretter de ne pas avoir croisé sa route du temps où il était clochard, peut-être que nos vies auraient été différentes, je ne cherchais pas à faire les Murènes à l'époque de mes pérégrinations à Kendra Kâr mais je me demande à quoi il ressemblait quand il n'avait pas affronté tout ce qui pèse aujourd'hui sur son âme comme une chape de plomb.

" Curieux garçon, non ? " Demandait Cèles.
" Je l'aime bien, il n'est pas esclave de sa morale ou de ses sentiments, je pense qu'il est... libre. "

" Et toi ? "

Je regardais les bracelets de l'ombre. Ils étaient lourd. Si lourds.

Je marchais, un peu sans trop savoir où j'allais. Mes pas me conduisirent jusqu'à un petit point d'eau aménagé pour une toilette sommaire. Personne ne semblait être autour alors je m'installais à côté de l'eau. Mon reflet me cracha littéralement à la face, ma mine était affreuse, j'étais fatiguée, affaiblie, j'avais perdu du poids déjà que de base je n'étais pas particulièrement bien en chair. Je distinguais dans les plis de ma tenue les os rouler sous ma peau et pendus au bout de mon bras, l'ombre noire. J'enfonçais mon bras dans l'eau froide, le choc me fit un bien fou mais...

J'avais ce vertige. Cet horrible vertige. Cet appel du vide. Etais-je en train de plonger mon regard dans un abysse insondable ? Est-ce que la corruption avait gagné ? Avait-elle passé le point de non retour, celui qui ferait que... J'allais mourir empoisonnée ? Je passais de l'eau froide sur ma nuque, observant le vide pendant un long moment. L'eau avait coulé le long de mon dos et avait trempé ma robe, mais je répétais ce geste machinalement, peu à peu, les gouttes gagnaient ma peau brûlante et faisaient taire la chaleur qui me dévorait de l'intérieur. Des larmes noires coulaient le long de mes joues.

" Hrist... Est-ce que je vais mourir ? "

Mais elle ne me répondit pas. A dire vrai, je ne ressentais pas vraiment sa présence, comme si la corruption de plus en plus hostile et persistante avait eu raison d'elle.

" Je vais te le dire, Hrist est.. Fatiguée. La corruption a consumé beaucoup de notre force mais... Je crois que Hrist a fait quelque chose... Elle s'y est mêlée. Je crois. Enfin, je ne suis pas tout à fait sûre. Disons que c'est comme si... Comme si nous étions toutes les trois au bord d'une plage et que Hrist s'était allongée face aux vagues pour les empêcher de te mouiller les pieds. Je sais, c'est pas la meilleure façon de décrire la chose mais... Tu te souviens quand tu es morte ? "

" Cèles... Je ne comprends pas ce que tu me racontes. Où est Hrist ? " A mes larmes d'ombre se mêlaient de véritables larmes. Je serrais la mâchoire.

" Tu sais, quand tu es morte, on était toutes sur une plage. Le sable était noir, le ciel était gris, il y avait Lys aussi. Nous étions réunies et ça nous avait consolé dans la mort. Mais là... C'est pareil sauf qu'il n'y a que nous deux. "

" Mais c'est idiot, c'est Hrist qui t'a nommée, si elle n'était plus là tu ne serai plus non plus. " L'eau coulait de mes vêtements, je répétais le mouvement, je me mouillais encore et encore, l'eau froide rendait mes doigts gourds et j'en foutais plus par terre que sur ma nuque, la morsure du froid devenait agressive et à ma chair de poule se mêlait des frissons désagréables.

" Ma Sissi... C'est plus compliqué que ça ces histoires de nom, de pas nommer ou autre. C'est toi aussi qui m'a donné un nom... Hrist... C'est un peu toi aussi. Elle s'est allongée... Et a voulu arrêter les vagues. Pour toi. Pendant que vous êtiez mortes. Elle n'aurait pas pu le faire si vos âmes n'avaient pas fusionné après la destruction de la pyramide. "

Je serrais les dents. J'avais cette horrible impression que Cèles, ma plus fidèle amie tournait autour du pot et n'osait pas m'annoncer quelque chose parce qu'elle savait que je ne pourrai pas accuser le coup. Alors ça serait ça ? Cette corruption aurait dévoré Hrist ? Elle aurait pris ce qui m'était le plus cher avant de s'en prendre à moi ? Et est-ce que c'était ça, le prix de mes pêchés ? Voir la femme que j'aime mourir, ma moitié, mon alter-égo ? Au moins je pourrai me consoler en me disant que je n'ai pas eu à subir des cris de tristesse ou de douleur résonner dans mon crâne, que je n'ai pas eu à subir la vue de mon amie, mon âme, souffrir et mourir de souffrance.

Je détestais, comme je les détestais. Ces bracelets, ce collier n'était-il pas sensé me protéger ? Il devait me rendre insensible aux poisons ! Et voilà que je crève d'un poison ! Menteurs ! Ces orques, ces vermines qui avaient enchanté le collier ! Des menteurs ! Des vermines ! Et j'allais crever ici ! Je voulais revenir sur Yuimen avec mes dernières forces pour traquer tout le monde, tous ceux qui m'avaient trahis !

" Silmeria... Ta colère. La corruption va se nourrir de ta colère... Calme toi, je t'en supplie. "

" Me calmer ? Mais... Cèles. J'ai... Une putain de vie de merde ! Je suis misérable, j'ai été élevée par une pute dans un bordel, je la voyais rentrer complètement tuméfiée et cette... Conn... Femme. Elle me regardait avec son sourire de... pute. Et sa raideur Oranaise, quand elle me voyait gribouiller des conneries sur des papiers, elle avait estimé que j'aimais la caligraphie et que pour elle c'était une discipline Reine avec un grand R, et qu'elle avait mis de côté pour m'offrir un pinceau et du vrai parchemin, elle m'avait tendu ça avec son sourire de... pute. Que ma passion pour l'art ait survécu à son rictus relève du miracle ! Et quand j'ai... Vendue comme une putain de tueuse. Et mes soeurs ! Mortes. Morte. Mortes. Je déteste les gens. Je les déteste, ils me font du mal ! Et tu sais quoi ? "
" Calme toi, je t'en supplie... La colère t'égare. "

Je jetais mes armes dans l'eau. Eclaboussant les alentours.

" Je les hais ! Ils se moquent de moi ! Quand je tourne le dos ! Il me méprisent et ils ont peur et quand je suis en face ils se moquent encore plus mais cachent qu'ils ont peur, ils me font du mal ! Je leur en veux terriblement de me faire du mal ! Leur putain de moquerie, leur pitié insupportable. Oh Sissi, pov' petite Sissi, bah non elle a pas toute sa putain de tête la petite Sissi, oh mais elle a de mauvaise fréquentation la pov' Sissi ? Oh de toutes façons elle est pour Omyre, alors qu'elle crève cette pov Sissi, de toutes façons nous on est gentil, on est i... ALLEZ CREVER ! "

Je prenais ma tête entre mes mains. La douleur me rendait folle. Mon épaule me faisait mal, je souffrais, j'avais le coeur qui battait dans mes tempes, j'avais mal. Je voulais en finir, je voulais que la corruption cesse. J'arrachais mon collier, peut-être qu'il allait amorcer la descente et m'entrainerait dans l'abysse.


" On dit que si on regarde assez longtemps dans l'abysse, celui-ci finit par regarder en vous."
A défaut d'abysse, j'ai une putain de mare d'eau froide.

" Hrist... Hrist... Aide moi, reviens moi. Ca ne sert à rien, les vagues c'est pas grave... Tant qu'on est à deux. Qu'on s'aime.. De toutes façons on a connu pire. On a connu la mort. La corruption c'est... " Je faisais glisser les bracelets un à un le long de mon bras, éparpillant mes affaires, il restait à mon bras gauche le serpent enroulé prêt à être dégainé.

" Pourquoi... Pourquoi... Elle n'est plus là, c'est pour ça que j'ai des idées noires. Elles me viennent parce que Hrist prenait tout sur elle... Elle n'est plus là ? C'est ça Cèles ? Elle est partie, emportée par les vagues le long d'une grève qu'on ne voit que quand on meurt... Maintenant... Je bois jusqu'à la lie la colère et la rancoeur. Bordel comme je les déteste ! Je déteste Mathis ! Je déteste Jorus ! Je déteste Xël ! Je déteste Akihito ! Je déteste Dracaena ! Je déteste Yliria ! Ils ont voulu se moquer de moi, me mépriser parce qu'ils crèvent de peur ! Je voudrais... Je ..."

Ne pouvant retenir mes larmes, je m'écroulais au sol, les deux mains essuyant mes joues. Les bracelets retirés avec peine, comme si ils m'arrachaient la peau à chaque mouvement étaient devant moi, trésor d'apparence inoffensif au pouvoir insupportable. Comme une magnifique fleur de Datura, ou les jolies baies noires de la Belladonne semblables à de jolies cerises.

J'étais là, meurtrie en mon âme d'être une échouée, une paria, meurtrie en mon être d'être dévorée à petit feu d'une flamme qui ne saurait se voir.

" Xenair m'a abandonnée... Je le déteste aussi, je voudrais tous les tuer ! Je les méprise tellement ! Je meurs de colère ! Et si la corruption veut se nourrir de ça et bien qu'elle ne se prive pas ! Je lui ferai un putain de festin, qu'elle se gave et qu'elle crève d'indigestion cette salope, peut-être qu'elle aura ma peau mais j'aurai craché tant de fiel sur vous tous qu'à jamais vous serez souillés. Bordel... Punaise... Vous avez de la chance, de la chance que je ne sois pas capable de me relever, j'aurai traqué vos misérables carcasses partout. Partout ! J'aurai traqué jusqu'au dernier de ces aventuriers qui se disent là pour accomplir une mission mais qui en sont totalement incapables ! "

Dans mon regard complètement brouillé, je cru voir dans l'eau une murène rouler sur elle même. Ce magnifique animal des fonds marins, vivant en silence dans les rocs, imperturbable, attendant le parfait moment pour saisir ses proies et les tuer sans pitié... J'ai toujours été fascinée par ces animaux, ces animaux mal aimés. Les araignées, les chauve-souris, les rats... J'étais finalement comme eux. Une ombre dans la nuit. Un mouvement sous l'onde opaline. Un murmure quelque part.

C'était ironique que je sois là, à déverser ma rage sur au final... Mon propre reflet. J'étais condamnée à rester dans le sordide. Une enfant de pute qui tue un roi et qui rêve de faire face à un Gragon.

Comme si après le Roi vient le Dieu.

Cèles ne me répondait plus. Je crois qu'elle est triste. Je ne sais pas si elle ressent de la douleur, mais ça doit lui faire mal au coeur de me voir ainsi, je bouillonne de rage, de colère, de rancoeur et ma petite boule de fluide est au premier rang, elle me voit crever de colère et de corruption alors que toute ma vie, j'avais été heureuse et guillerette... Comme si la plus gentille personne du monde venait de mourir dans un meurtre abominable. Est-ce que la vie châtie ainsi tous ceux qui jouent avec ? Pourquoi est-ce que je suis là... Où est ma maison... Mes abeilles. Mes cloportes. Mon linge étendu au vent. Ma cheminée où craquent les bûches dans l'âtre ?

Pourquoi est-ce que j'ai refusé d'être douce avec moi-même... Pourquoi ne me suis-je pas accordé cette retraite, j'aurai peut-être pu survivre, la corruption n'aurait peut-être pas complètement entaché mon âme.

Je fermais les yeux. Je voulais ne pas me réveiller.

" Dors bien Cèles... Si tu m'entends... Pardonne-moi. J'ai mal du mal qu'on me fait. Ca ne veut peut-être rien dire mais... Hrist a toujours été un rempart à la méchanceté des autres... Et je ne suis pas comme elle. Je suis désolée de te faire de la peine. Je suis désolée d'être... Bête peut-être. J'ai toujours aimé ta présence. Je suis triste d'être ici, je suis triste d'être mal entourée, je suis triste de savoir que la première chose qu'ils se diront en voyant mon corps c'est que ma lame a un manche en argent et qu'il doit bien valoir quelques yus... Je t'aime... J'espère que tu ne me hais point car... Tu es tout ce qu'il me reste et si tu devais être triste ou malheureuse à cause de moi... Je pense que mon coeur s'arrêterait."

Je fermais les yeux, laissant deux doigts caresser sans trop de conviction la surface de l'eau.

Et je me lève. Je me relève. Il n'y a plus rien autour de moi. Il n'y a plus d'eau. Il n'y a plus de lumière, il n'y a qu'un cadavre de murène au fond de ce qui était autrefois la source d'eau froide. Mes yeux me piquaient comme si un courant d'air avait emporté une fumée âcre de torche vers mon visage. Il y avait une forme encapuchonnée assise non loin, me tournant le dos. Je n'avais pas besoin de lui demander qui elle était, je le savais très bien. C'était Hrist. Il n'y avait pas de doute possible. Je reconnaissais la voute de ses épaules, la position qu'elle prenait lorsqu'elle étendait ses jambes sur le côté, prenant appui sur une main pour garder l'équilibre. Elle avait toujours eu cette noblesse dans sa façon de se tenir.

" Il est peut-être temps. "

Je m'approchais mais... Quelque chose retenait mes jambes. J'étais couverte de toile d'araignée, même la murène gisante au fond de la mare en était recouverte. Je tirais, la toile me semblait assez fine mais celle-ci resistait et je ne parvenais pas à m'en extraire, j'avais même l'impression que... Qu'elle sortait de ma peau, que mes glandes elles même avaient tissé ces liens qui me retenaient. Hrist laissa s'échapper d'une main qu'elle tenait close un petit papillon brun. Celui-ci volait autour d'une petite lueur sur le plafond que je n'avais pas encore aperçue.

" C'est beau n'est-ce pas ? Cette naïveté. On est tous sous le charme de la beauté à tel point qu'on voudrait qu'elle dure pour toujours, mais la mort elle, donne une valeur à chaque chose. On aime parce qu'on perd, on n'aime pas parce que les choses sont belles... Sinon il n'y en aurait que pour les fleurs et les chatons. Regarde le maintenant... "

Un autre papillon dansait, tous deux entamaient une petite parade à la simple lueur tremblotante. Après quelques pas de ce ballet aérien, un des papillons s'éloigna, suivit par celui que Hrist avait relâché mais sa course le conduisit jusque dans la toile que je venais de tisser. Une araignée s'approchait.

Vois-tu, c'est la vie. C'est la mort. C'est beau parce que ça meurt. Ecoute donc, j'ai composé quelques vers à ce sujet.

Admirez la complainte lointaine
D'un beau papillon chantant la liberté
Crucifié au nom d'une parade puritaine
Conviction qu'il gardait pour une passion enflammée

Son regard se ferma alors sur ce monde
De sa retraite, elle l'avait ressenti
Comme la pluie perlant sur l'onde
Ce glorieux festin venu nourrir son appétit

Sur la toile glacée il s'étend
Et souillé de ses propres déjections
Pantin assujeti aux fils qu'elle tend
Jusqu'à sa dernière condamnation

Sous sa longue patte git
La pureté de la romance
Son regard d'innocence
Où se perd la magie

Le merveilleux est mort, son cadavre en lambeau,
Perdu dans la toile de la Faucheuse, son tombeau.


L'araignée avait mordu en cet instant le papillon, celui-ci fermait les ailes et ne bougeait plus. Se tenant sur sa proie, l'araignée agitait ses pattes arrières tout en crachant de la toile sur sa victime, l'enfermant dans un cocon blanc étincelant avant de l'emporter jusque dans sa retraite. J'aurai presque juré avoir entendu l'araignée ricaner un petit " yerk yerk yerk " alors qu'elle transportait son repas à l'abri.

Je comprenais maintenant, je savais que c'était un rêve. Mais la toile m'empêchait de faire quoique ce soit. J'aurai voulu m'en dégager mais il n'y avait pas de faille dans ce pièce de soie. J'avais beau tirer, tendre mes muscles, je devenais le papillon, enfermé dans un douillet cocon de soie à attendre qu'une araignée ne vienne me piquer et m'inoculer un poison qui me tuerait.

Est-ce que ça allait faire mal ? Quelque part... J'avais tant fait souffrir les gens, mais ce n'était pas juste, c'était Hrist, c'était ses idées... Moi je ne savais pas, je n'étais que spectatrice, je n'ai pas à prendre l'ascendant sur elle, nous sommes soeurs, nous sommes amies, nous sommes amantes, nous sommes confidentes, je n'ai pas à faire ça...

Je concentrais mon esprit pour faire apparaître dans mon rêve quelque chose d'autre, l'image de Hrist aurait pu me rassurer mais cette projection aussi noire et distante ne me plaisait pas. Je voulais juste que Hrist me prenne dans ses bras, je voulais qu'elle dise à mon oreille qu'on s'était bien amusées et qu'on pouvait mourir tranquillement au bord de l'eau. J'aurai pu tout accepter tout entendre mais... Je ne voulais pas de cette Hrist froide, je voulais qu'elle me rassure et qu'une fois pour de vrai qu'elle montre qu'elle m'aime et que je compte pour elle.

Le juge apparait alors devant moi, sortant du sol pour s'empêtrer dans la toile. Il me hurle que je suis coupable, que je suis coupable. Puis l'armure étincelante aux reflets d'argent et à la longue épée apparut non loin, Sol le Roi de Kendra Kâr, il pleure du sang à travers son casque, j'entends sa voix qui résonne d'un écho de fer et se lie à celle du juge. Viennent alors mes soeurs, le visage étouffé sous la soie de plus en plus épaisse, des centaines de visages apparaissent sous la toile, tous hurlent. Tous crient. Tous pleurent. Coupable ! Meurtrière ! Menteuse ! Usurière ! Sorcière !

Je n'entends pas Hrist se lever, mais je finis par la voir, elle me domine, debout face à moi, écrasée au sol dans ce cimetière d'âmes vociférantes. Elle tend les mains et ajoute de la toile, une toile noire, corrompue aux reflets d'un bleu gris magnétique, je suis écrasée sous tant de toile, tant de corruption, cette saloperie arrive à me hanter jusque dans mes rêves. Je me sens plaquée au sol, ma joue rencontre celle du juge qui me hurle dessus que je suis coupable, coupable, coupable.

Je ne pouvais me boucher les oreilles, la toile couvrait tout mon être, ma bouche était cotonneuse, mes yeux fermement maintenus par la la soie, seule mes oreilles étaient épargnées, les hurlements.

" Sortez de ma tête ! Sortez de ma tête ! Sortez de ma tête ! Sortez de ma tête ! Sortez de ma tête : Sortez de ma tête ! Sortez de ma tête ! Sortez de ma tête ! Sortez de ma tête ! Sortez de ma tête ! Sortez de ma tête ! Sortez de ma tête ! Sortez de ma tête ! Sortez de ma tête ! Sortez de ma tête ! Sortez de ma tête ! Sortez de ma tête ! Sortez de ma tête ! Sortez de ma tête ! Sortez de ma tête ! Sortez de ma tête ! Sortez de ma tête ! Sortez de ma tête ! Sortez de ma tête ! Sortez de ma tête ! Sortez de ma tête ! Sortez de ma tête ! Sortez de ma tête ! Sortez de ma tête ! Sortez de ma tête ! Sortez de ma tête ! Sortez de ma tête ! Sortez de ma tête ! Sortez de ma tête ! Sortez de ma tête ! Sortezdematête!Sortezdematête!Sortezdematêtesorteezdematêtesortez sortrz s.

Sortez de ma tête avant que je fasse ce qu'il y a de mieux pour moi
Sortez de ma tête avant que je n'écoute ce qu'elle veut de moi
Sortez de ma tête avant que je ne lui montre combien je l'aime... "







Mes yeux s'ouvraient, devant moi se tenaient les bracelets de l'ombre, mes doigts avaient cessé de caresser la surface de l'eau et machinalement effleuraient la surface de cette maudite relique. Le métal était froid... Si froid. Un fragment de mort et d'ombre. Sans que je ne puisse vraiment les en empêcher... mes doigts se fermaient sur les bracelets et un à un... Ils glissèrent autour de mon poignet.

" Amorçons la descente. Reviens à moi... Hrist. "


----------------
Utilisation du bon " créatif "
La petite plume de la Mort.

Alors, j'ai établi ma couche dans les charniers,
Au milieu des cercueils,
Où la Mort Noire tient le registre des trophées qu'elle a conquis.


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Dracaena Paletuv
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Re: Lande Noire

Message par Dracaena Paletuv » sam. 19 août 2023 20:14

« Prenez-en ce que vous voulez. Il serait bon que nous l’étudiions. Peut-être pourrions-nous en tirer des informations sur ce qu’il était. »

Définitivement un homme charmant ce Visselion. Quand j'en aurais finis avec tout ça, j'irais surement le rejoindre pour voir comment est ce que qu'il comptait analyser le roi loup... Et tant que j'y étais, je me penchai face au cadavre de ce dernier, me décidant après quelques instants de réflexion à lui faucher un croc.

"Ah, merci bien. Très intéressé de discuter avec vous des méthodes que vous emploierez pour vos recherches!

Hélas, la mâchoire du canidé se révéla plus solide que prévu.

"En attendant, si quelqu'un a un truc tranchant à me prêter..."

"Il y a plus urgent, je le crains. Nous conserverons ces corps dans les tubes. Et... Voici quelque chose de tranchant."

Une lame triangulaire apparue dans sa main, et il s'en servit pour arracher l'une des dents du roi macchabé. Admirant mon petit souvenir, mon regard s'attarda un peu sur la main de Visselion. Un corps fait en parti d'acier noir, hun? Intriguant, fascinant, définitivement le genre de chose sur lequel je devrais le questionner, ptet autour d'un diner? Si son corps arrivait à supporter le maudit métal, ça s'rait donc ptet envisageable que je m'en serve moi aussi? Enfin bon, chaque chose en son temps!


"Merci beaucoup merci beaucoup. Z'avez raison, on a pas trop de temps à perdre! Allons y Maïssa!"


Attrapant rapidement ma vieille sacoche trainant au sol, je rangeai le croc à l'intérieur, avant de saluer Visselion, et de faire un petit signe amical à Maïssa. Politesse, politesse, la base de tout, pourtant si souvent oubliée. Maïssa acceptait bien gentiment de m'aider, je n'devais pas prendre son soutient pour acquis, le minimum, c'était de demander.

Je repensais à ce que le Sans-visage avait dit sur elle. Qu'elle était "l'arme" la plus puissante du désert. ça... me dérangeait. Qu'on puisse considérer une personne comme une simple arme à cause de pouvoir de naissance, ça me dégoutait. J'avais vu trop de fois ce genre de chose par le passé: on vous voit comme un outil, puis on vous persuade que vous êtes un outil, on vous utilise, puis, on vous blâme pour ce que vous êtes.... Écœurant! J'avais envie de lui demander son avis sur le sujet, mais... quelque chose me disait que ça n'était pas le moment. Probablement la culpabilité de l'avoir moi même utilisé dans la ville des bouffons bandés... ça par contre, j'allais lui en parler, en espérant qu'elle veuille bien m'écouter... Mais avant tout, il me fallait retrouver Yliria.

J'me demandais où elle pouvait bien être aller dormir... Peut être avait elle trouvée une maison en ruine avec un lit encore en bon état? Non, pour des raisons de sécurité (et de fatigue), elle était probablement restée dans les souterrains. Surement qu'elle était emmitouflé dans un sac de couchage quelque part, ronflant bruyamment. Je l'imaginais d'ici...

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Me retenant de ricaner, je me mis à la chercher un peu partout, appelant de temps en temps son nom. Maïssa, derrière, regardait dans toutes les galeries qui étaient accessible. Quel dommage que nous n'étions pas en extérieur pour profiter aussi de l'aide et des aîles d'Alsaqr. Aller, on devrait vite la trouver!


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Mais c'est pas possible, elle est à moitié taupe et elle c'est cachée sous terre la ptite?!... Attendez, non, on était déjà sous terre... Ptet que c'était une somnambule, et qu'elle avait... je sais pas moi, prit un portail de Xël pendant son sommeil, et qu'maintenant elle était à Crassidux-sur-mer, station balnéaire d'Aliaénon réputée pour ses recettes au poissons?!

ET Y EN AVAIT COMBIEN DE FOUTU TUNNEL ICI BON SANG D'BONNE SEVE?!!!

Kreeee, c'était épuisant de fouiller comme ça. J'pouvais sentir d'la fatigue grimper en moi à chaque minute qui passait... Et surtout, surtout, fouiller un peu partout dans ce silence me forçait ressentir pleinement cette étrange sensation chaude... brulante qui avait commencée dès que j'étais retourné dans mon vrai corps...
ça, et le terrible sentiment de culpabilité que je ressentais envers Maïssa.

...C'était ptet lié?

Kerf, à ce prix la, autant profiter du fait qu'on était seul tous les deux dans un tunnel pour parler de ça entre nous. D'un ton hésitant, j'interpelai l'archère:


"Hey...Maïssa, j'voulais t'dire...

Elle se tourna vers moi, un air presque... "innocent" sur le visage.

Hum... Keeer... Désolé. Désolé pour le temple, la porte, et le cirque que j'ai fait la bas. J'étais surveillé de partout et j'devais donner l'impression de vraiment bosser pour l'dragon tout en m'assurant d'pas vous blesser...
J'essayais pas d'vous toucher avec la porte... Et j'comptais pas non plus blesser m'sieur Xël... J'étais...pas mal prit au piège, mais j'ai réussi à m'débarrasser d'mon autre corps, et ça m'a libérer d'mes chaines... Enfin, bref, j'aurais du mieux la jouer sur ce coup la, désolé..."


Je marquai une pose, sentant le malaise et le stress me parcourir de partout. J'hésitai à croiser son regard, avant de me décider d'assumer mes bêtises et de la fixer droit dans les yeux. Mais ce manque de confiance se retranscrit dans ma voix, dans mon intonation.

"Et surtout...Kerk, désolé de t'avoir...utilisé dans tout ça. J'essayais d'te faire parler à tout prix, que ça hypnotise les gens tout autour, moi inclus, comme ça, j'aurais eu une bonne excuse pour vous aider sans perdre en crédibilité... j'ai continué à t'utiliser comme excuse après ça... Alors que t'essaie d'cacher ce pouvoir...
J'vais pas m'étaler sur ma façon d'penser, mais j'suis pas fier d'tout ça..."


Oui, ma philosophie, mes principes, ma vision des choses... J'étais qui après tout? Qui pour utiliser quelqu'un qui n'avait rien demandé, et qui n'appréciait clairement pas certains aspects de ses pouvoirs? Il s'agissait pas d'une horde de loup cherchant à bouffer des gens innocents la: il s'agissait d'une personne dont j'avais tiré profit pour un héritage qu'elle subissait.

Et j'm'étais pourtant promis de plus jamais faire ce genre de chose...

Bref, sincèrement désolé..."

J'accompagnai mes propos d'un geste, d'une courbette, la plus basse et respectueuse possible, comme si je cherchais à toucher le sol avec mon front. La politesse était la base des base, et pour un comportement aussi irrespectueux, je me devais de baisser la tête, aussi bas que mes actions l'étaient...

"J'étais très sérieux quand j'disais que j'suis prêt à te rendre n'importe quel service. C'est... l'minimum que j'puisse faire..."

Le minimum, oui. J'étais ptet égoïste, mais je payais mes dettes. Et envers elle, j'en avais désormais une grosse...
J'attendais dans ma position, la tête baissé, toujours une réponse, une réaction. A défaut de me crier dessus ou de me cracher son venin, Maïssa pouvait toujours en profiter pour me mettre quelques coups, ou me planter une ou deux flèches, à sa convenance. J'étais prêt. Je méritais. J'assumerais.

Mais rien ne se passa. Pas un assaut, pas un bruit de pas. Je fini par me redresser brusquement, me disant que peut être qu'elle voulait juste passer à autre chose. Sans attendre, je repris ma recherche d'Yliria, mais quelque chose m'attrapa les branches, me faisant sursauter. Enfin... plutôt, quelqu'un posa sa main sur mes branches... me faisant quand même sursauté.
Je me retournai, un peu surpris, pour voir Maïssa, la le bras levé vers ma tête, m'adressant un regard plein de... compassion. De compréhension.

Je... M'attendais à bien pire comme réaction. Cette femme était définitivement... trop gentille. Ou peut être que c'était moi qui était trop dur avec moi même? Non... non, c'était clairement plus sa bonté à elle qui était débordante...
Je ne savais pas vraiment comment réagir à ça, alors je me contentai de lui rendre un petit sourire gêné (non pas qu'elle saisisse que c'en était un), hochant la tête silencieusement, avant de reprendre mes recherches.

J'avais ptet un peu trop l'habitude que les gens me sautent à la gorge... Il faudrait...encore un peu de temps avant de réapprendre à pas attendre le pire de chacun. Mais cette pensée, foncièrement positive et optimiste, me réchauffa intérieurement... tout comme... cette drôle de sensation que j'avais... toujours. Hum... Ca n'était donc pas de la culpabilité ou du stress... Ptet le liquide verdâtre des cuves que je digérais mal?

Chaque chose en son temps! Fallait d'abord en finir avec cette recherche d'Yliria! Elle devait plus être bien loin vu tout s'qu'on avait déjà fouillé! Surement qu'on la trouv'rait dans les deux prochaines minutes! Aller! Positif et optimisme!


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EN*Censuré*FIN!!!
On l'avait ENFIN trouvé! Au fond d'un cul de sac, dans une galerie à moitié effondrée, planquée sous une arche en ruine. Bon sang de bonne sève, si un jour le destin du monde se décide sur une partie de cache-cache, je savais qui j'allais appeler!
Raaah, j'étais crevé! Les recherches avaient été plus éreintantes que prévues, et la retombée de mon stress n'aidait pas. Quand à cette sensation bizarre que je ressentais, cette chaleur en moi, cette énergie, j'avais finis par identifier ce que c'était, et ça ne faisait qu'attaquer encore plus mon mental déjà branlant: c'était la sensation de bruler. Clairement, c'était ça... Mais différent... Mais c'était ça. Je savais parfaitement ce que ça faisait de cramer, et clairement, c'était ce que mon fort intérieur ressentait actuellement.... Mais la différence, c'est que je n'avais pas mal...enfin, j'avais pas l'impression d'avoir mal...Et y avait un truc en plus qui était étrange, mais c'était dur de bien analyser...

KRAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH!!! Assez, CHAQUE CHOSE EN SON TEMPS! Ca faisait une heure que je cherchais un sac de chair sur patte pour palabrer avec, et je l'avais trouvé, alors cette espèce de puberté énergétique mystérieuse attendrait!
Je m'approchai de belle sans bois dormant, m'accroupissant face à elle et l'appelant le plus doucement possible. J'étais la pour lui porter des bonnes nouvelles, pour la soulager de ses inquiétudes et ses peines, alors il fallait y aller en douceeeeur!


"Hello? M'dame Yliria, faut vous réveiller. On a plein d'chose à s'dire."

Ses yeux s'ouvrirent immédiatement, se braquant sur moi, un mélange de fatigue, de surprise et de méfiance les emplissant. Ce qui était, ironiquement, peut surprenant. A tous les coups elle devait se croire encore dans un rêve.

"Dracaena ? Depuis quand ..? C'est encore une illusion c'est ça ?"

Gagné!
Je lui tendis une main (celle qui n'avait pas la bague du Sans-visage), un peu amusé.

"Non, non pas une illusion. J'suis bien la. Touchez pour voir."

Maïssa resta à regarder la scène, sans rien dire. Yliria, elle, n'hésita pas une seconde et attrapa mon bois, me tâtant bien pour être sure que j'étais réel. A bien y réfléchir, c'était la première fois qu'elle devait me toucher. Et comme Akihito avant elle, elle semblait pas réaliser que malaxer les cicatrices d'un grand brulé ça n'se faisait pas normalement. Bah, qu'importe, qu'elle profite, s'pas tout les jours qu'elle devait sentir d'l'écorce de cette qualité, qu'elle profite!

"Je préfère ça... Et arrête de m'appeler M'dame."

Elle lacha doucement ma main avant de me regarder droit dans les yeux. Si son ton sur sa dernière remarque était plutôt sec, sa voix se fit rapidement bien plus douce et joyeuse.

"Contente que tu sois... toi. Dans ton corps. Comment tu te sens ? Que s'est-il passé ?"

Sa réaction me fit sursauter. Elle était complètement logique en soit, mais une fois de plus, je m'attendais à bien pire venant d'elle. Au vu d'nos précédentes interactions, on pouvait pas m'en vouloir d'être un tantinet méfiant. Kmph, on pourrait presque croire qu'elle était vraiment heureuse pour moi. Mais tant mieux si elle était contente: c'était le but de la manœuvre après tout. Sa demande de n'pas l'appeler "m'dame" par contre, était dans la ligné de ses précédents comportements: rêche, abrupte, autoritaire, et prenant pas vraiment en compte l'avis des autres. Elle aurait pu au moins me demander pourquoi j'l'appelais comme ça de base? Elle faisait ptet pas l'effort de m'appeler monsieur, mais j'étais poli, moi. J'm'étais les formes, moi. Kreeerm, non, non non non Drac, fallait pas que tu t'agace pour si peu. J'étais la pour la soulager, l'aider, lui apporter un peu d'espoir après toute la mouise qu'elle avait subie.

Son comportement de chiotte et ses mauvaises décisions, fallait passer outre pour l'instant. Clairement, c'était pas elle qui mettrait de l'eau dans son vin pour essayer de mieux s'entendre avec moi, donc j'devais faire l'effort. Elle avait voulue m'aider, je me devais de l'aider en retour, un point c'est tout!
Réfléchissant quelques instants, je commençai à lui répondre:


"Je vais...Bien? J'sens un truc un peu bizarre depuis que j'suis d'retour dans mon bois, mais j'pense pas qu'ça vous intéresse.
Parlons plutôt du gros du sujet:

Voyez vous m'dame Yl... Erk...d'solé... J'veux dire, Yliria, lorsqu'on s'est quitté plus tôt, j'suis aller chercher m'sieur Xël...mais surtout, m'sieur l'Sans-Visage. Très sympa comme gars. Plus que l'aut' titan, pour sur... ET DONC! Coup d'bol pour moi , ils étaient ensemble. Je les ai rejoins en train de..."


Je m'apprêtais à partir dans une explication détaillée des évènements, mais le souvenir des reproches et piques faites à mon égard sur mon débit de parole me revinrent en tête. Krmblbm... Je devais faire un effort, faire un effort... Ne pas m'étaler... Elle le reconnaitrait surement pas cet effort, mais il fallait que j'le fasse quand même...

"Je...vais aller à l'essentiel. On lui a d'mandé d'nous aider pour ramener tout le monde, et il a accepté. Quelques déboires misent à part, on est tous de retour dans nos corps, et, jusqu'à nouvel ordre, en bonne santé. Plus ou moins fatigué en fonction de, mais visiblement en bonne santé. "

Je ne savais pas quoi ajouter d'autre. Quelque chose qui ne sonnerait pas comme un reproche, qui ne la ferait pas se frustrer ou s'en vouloir...Peut être, tout simplement...

"C'est...réglé."


Je me sentais essoufflé. Tous ces efforts pour contrôler ce que je disais, et ne pas laisser mes plus mauvaises pensées remonter, c'était épuisant. Le fait d'entendre les échos de ses reproches injustifiés de la dernière fois n'aidait absolument pas. Cette sensation de bruler bizarrement de l'intérieur non plus. Et j'commençais à avoir vachement soif... Genre, énormément... Erk, c'était pas l'moment, j'étais pas la pour moi! J'étais la pour elle! Et ça marchait... elle semblait s'illuminer de plus en plus à la réalisation de la situation. Bien! Très bien! Elle en avait besoin de cette joie. Elle le méritait bien.
Sans attendre, elle commença a empaqueter toutes ses affaires qui trainaient autour d'elle, prête à aller voir les autres probablement... Enfin, Akihito en premier à tous les coups. C'était mignon. Réconfortant aussi.


"C'est une sacrée bonne nouvelle ! Tu sais où sont les autres ?"

Je m'apprêtais à lui répondre quand elle ajouta:

"Et raconte quand même ce que tu sens comme truc bizarre. On a eu assez de surprises pour ne pas au moins s'assurer que tout est bien rentré dans l'ordre."

Je me mis à la regarder, sans rien dire. Oui, oui, bien sur que si elle s'inquiétait de mon cas en particulier, c'était au cas où j'explose à nouveau ou je ne sais pas quoi...
Kmpf... Pragmatiquement parlant, elle avait complètement raison. Mais ça restait plus qu'agaçant. Parfois, j'aurais voulu rentrer dans sa tête, voir ce qu'elle pensait dans ces moments la. Voir si elle comprenait à quel point est ce qu'elle agissait avec moi comme si j'étais un rouage dans ce groupe, dont il fallait s'assurer qu'il était bien graissé, et pas une personne.
Kmpf... Qu'importe... une maladresse de plus ou de moins... Ca n'allait pas m'atteindre.
Et avec de la chance, elle aurait vraiment une explication à mon problème.

"Akihito est à l'infirmerie. Quant aux autres... M'sieur Mathis doit chercher sa chatte et j'ai vu m'dame Silmeria et m'sieur Xël partir dans leur coin. Aucune idée pour m'sieur Jorus. "

Je m'interrompis, regardant mes mains, cherchant les bons mots pour me faire comprendre...

"Et ce truc bizarre est compliqué à expliquer. Pas eu l'impression que les autres aient eu ce problème, juste moi...Je sens quelque chose de...différent dans mon corps. De plus...chaud. Intense. Comme...toutes les fois...où je... brulais..."

J'en avais pris conscience plus tôt. Mais le dire... le dire était plus dérangeant que ce que j'imaginais. Un flot de sensation cruellement nostalgique m'envahit. Souvenirs de caresses mortelles m'ayant dépossédée de beaucoup de chose, à commencer par la sanité de mon mental...
Puis, avec les sensations, vinrent les souvenirs, des propos, des phrases, des mots que l'on m'avait jeté à la figure...

Et si elle avait raison? Et si cette chaleur, c'était un des effets bizarres d'Aliaénon? Instable et mortel? Il fallait réagir vite, protéger les autres... ça serait cocasse quand même... de revenir à la vie pour me rendre compte que mon corps était en fait condamné. Un rire vide, triste, s'échappa involontairement de moi.


"Qui sait? J'vais ptet encore exploser? ça s'rait... Ironique. Karmique. Et pour certains, cathartique..."

Je sentais la lueur de mes yeux diminuer fortement, devenir minuscules, presque éteintes. Stress, fatigue, confusion... Je ne sais pas lequel des trois je devais blâmer pour ça, mais une part de moi se disait, sur le moment, que c'était peut être mieux comme ça...

Le bruit d'Yliria s'asseyant face à moi me tira de mes pensées.


"Tu es un pyromancien, comme moi je l'étais. Si je devais émettre une hypothèse, ce que tu sens ce sont tes pouvoirs qui s'intensifient. J'ai déjà ressenti ça, à différents degré, particulièrement quand mes pouvoir solaires se sont manifestés ou quand j'avalais des fluides de feu en trop grande quantité. Nous ne sommes pas sur Yuimen, donc c'est à prendre avec des pincettes, mais je ne pense pas que tu vas exploser. Si ça empire, parles-en, on verra avec un des sorciers locaux."

Ses propos me sortir de ma morosité. C'était... pas passé loin! Sombrer dans ce genre de mauvaises pensées? Non non non, j'm'étais mis d'accord avec moi même, plus de ça! Et elle venait de me donner une information intéressante: la source de ces sensations étranges serait mes fluides de feu? ça... Aurait du sens. Depuis que je les avait consommé, mon corps faisait des trucs bizarre, comme de la cendre régulièrement, alors que ça soit lié....

"Tu voulais me parler de quelque chose d'autre en particulier ?" ajouta Yliria.

Cette phrase me happa complètement par surprise. Zut et flute, elle avait remarquée. Elle avait réalisé que quelque chose me dérangeait avec elle... Erk, changeons de sujet!

"ça serait lié...Aux fluides?

"Possiblement. Je ne suis pas une érudite, ne prends pas ce que je dis pour argent comptant."

Et des choses dont j'veux vous parler? Y en a plein. Mais, la, j'ai pas envie d'gâcher votre joie, donc ça attendra..."


Inconsciemment, je m'étais mis à gratter mes brûlures... Erk, ça faisait toujours ça quand j'étais stressé par certaines choses... En tout cas, ce chamboulement émotionnel m'avait remit une information en tête:


"Ah, et avant qu'j'oublie:"

Je me redressai en écartant les bras.

"Z'aviez dit qu'vous vouliez m'botter l'tronc quand j'serais ressuscité non? Allez y, réglons ça maint'nant!"

J'étais un oudio de parole. Je ne fuirais pas les conséquences de mes mauvaises décisions. Elle haussa un sourcil en me voyant me mettre en pose, puis fit craquer ses doigts. Bon, j'connaissais pas la force physique de la madame, mais ça allait surement me craqueler un peu... Ou pas. Tout ce que je reçu, c'était une petite tape sur le torse.


"Là, heureux ? Crache le morceau maintenant, sauf si tu veux le faire devant le groupe quand on règlera tous nos comptes après le fiasco qui a eu lieu. Sinon, je vais allez voir Akihito. A toi de voir."

Je... je comprenais vraiment pas cette femme. Elle semblait vouloir se déchainer et défouler de façon violente régulièrement, elle manifestait clairement le fait qu'elle m'appréciait pas, mais quand j'lui donnais la possibilité de se soulager en me passant à tabac, elle décidait de... passer à coté et plutôt discuter de truc qu'elle savait qui seraient des reproches?

...C'était de la maturité, du masochisme ou du manque de bon sens?

Qu'importe! Elle m'avait donnée la possibilité de lui sortir ses quatre vérités, de la secouer un bon coup, de lui renvoyer tous les reproches injustes qu'elle m'avait fait....
Mais je n'allais pas faire ça. Je n'étais pas la pour être hostile. Mais si je pouvais lui faire entendre raison... au moins sur un élément en particulier qui, depuis un moment déjà, me dérangeait énormément... Krerk, j'allais devoir trouver les bons mots....Et espérer que ça l'atteigne.

"...Je pense que plus il y aura de personne, moins mon propos s'ra entendu. D'expérience en tout cas..."

Mon regard se posa sur Maïssa, hésitant de nouveau... Elle c'était déjà montrée mal à l'aise lors de la précédente dispute, et j'voulais pas lui infliger ça... Et puis, je me sentais vraiment fatigué... Mais j'aurais surement pas d'autre occasion comme ça. Je commençai mon explication, une pointe d'inquiétude rapport à la future réaction d'Yliria dans la voix.



"Bon, j'étais sérieux quand j'disais pas vouloir gâcher vot' joie, donc s'il vous plaît, vous fâchez pas sur s'que j'vais dire. J'accuse pas, je constate et j'veux juste comprendre... et faire comprendre.

Pourquoi? Pourquoi cette fixette à l'idée d'nous ramener? Non, de me ramener? Pour les autres ça a du sens. Mais pourquoi ce coup d'colère quand moi j'ai explosé?
Pourquoi cette urgence? Comme si vous... fuyez le macabre.

C'est presque rhétorique ces questions. J'me doute que z'avez vécu des trucs terribles. On a tous vécu des trucs terribles, j'veux dire... regardez ma gueule! J'sais reconnaître un traumatisme quand j'en vois un...

J'demande pas les détails. J'vous d'mande pas de déterrer vot' passé et vot' souffrance...

Mais vous m'avez r'proché de "penser qu'à moi", "en faire qu'à ma tête", "partir dans mon coin", de "rien faire pour le groupe". Vous savez, avant "l'accident"... De ne rien "faire de stupide" aussi plus tôt dans la journée.
Mon avis sur vos accusations...c'est un aut' sujet. Le point important c'est qu'j'étais, et je suis toujours, d'accord avec l'idée derrière vos propos.

Alors pourquoi? Pourquoi vous n'avez pas pensé à demander de l'aide au type titanesquement divin que vous aviez ram'nez à la vie avant de foncer de vot' coté pour tenter un sort instable, sans réel plan, et sans vérifier que les gens nécessaire à votre action étaient en état... Vous la première ?
Est s'qu'y avait une vraie raison, logique et réfléchie derrière ces actions ? Même pas « ces » actions : juste le fait d'avoir ignorer le Sans-Visage ?
Parce que de s'que j'ai vu..."



J'étais pas parfait. J'étais pas le plus fort, le plus malin, le plus sage ou même le plus stable. Mais je reconnaissais mes limites. Toutes mes limites. Je reconnaissais ma "dangerosité". Moi et d'autres en avaient déjà fait les frais avant, et je savais parfaitement à quel point c'était un problème, à quel point je devais y faire attention. Mais la, la, face à moi...Se trouvait quelqu'un de bien plus dangereux que moi. C'était pas une histoire de potentiel, de puissance ou quoi que ce soit. Non...


"Le risque d'exploser (encore) m'enchante guère, mais il m'inquiète pas autant que les œillères que vous aviez ces dernières heures. "

C'était une question de conscience de soit. De recul. Ce qu'Yliria m'avait prouvée en manquer plusieurs fois.

L'arbre en feu ne voit que trop tard les braises qu'il laisse tomber sur le sol de la forêt...


"J'sais pas à quel point z'avez conscience de ça ou pas. Mais si vous l'saviez pas, quelqu'un doit vous le dire: vous portiez ces œillères. Et elles sont tissées par des "bonnes intentions", s'qui fait qu'c'est encore plus dur de reconnaître qu'elles sont dangereuses. Mais elles le sont. Croyez moi pas, je parle d'expérience. Et vous devez acceptez qu'elles existent et qu'elles sont un problème pour réussir à les r'tirer."

Je du m'arrêter pour reprendre mon souffle. Tout ce cumul de stress et d'émotion me dévorait... Je sentais mon énergie partir, ma vision s'affaiblir, mais je devais continuer, je...devais...continuer...

« Faites...s'que vous voulez d'mes propos et d'mes conseils. Ça n'est qu'l'avis d'un vieil oudio instable et imparfait, et ils n'ont que l'importance que vous voudrez leur accorder. Juste... au moins, aidez vous vous même... »

Mon corps se mit à bouger plus lentement... j'aperçu du coin de l'oeil Maïssa fuir la conversation du regard, et Yliria qui semblait... calme... ou pas... Sa bouche faisait ce truc la, avec les bouts de chair dessus... les lèvres... elle les mordait... ça voulait dire quoi déjà? De la colère non? Ou que ça lui grattait le dos? J'savais plus...
Me fallait... garder mon énergie pour écouter sa réponse...


"Mon père est mort pour me protéger. Ma meilleure amie s'est vidée de son sang sans que je ne puisse rien faire. J'ai vu des gens mourir embrochés, dévorés, tranchés en deux ou écrasés par une créature. J'ai vu un seul être en faucher des milliers d'un simple claquement de doigts. Et j'ai tué aussi, trop de fois pour que je compte... Je suis juste... fatiguée de voir des gens mourir. Je suis fatiguée de ne pas être capable de sauver quelqu'un alors que j'aurai pu si on m'avait laissé la chance d'essayer. Quand vous êtes morts j'ai... je devais faire quelque chose. Seule, puisque personne d'autre ne semblait pouvoir faire quoi que ce soit. Ni le vouloir."

J'lui avais dis que j'voulais pas savoir... Mais bon... peut être qu'elle avait envie de le confier à quelqu'un... n'importe qui...

"J'ai conscience que j'ai été odieuse et que j'ai eu des œillères depuis le début de tout ça. Mes raisons n'excusent rien, mais j'en ai conscience. Sur le moment j'ai simplement... C'était mon seul objectif. Ramener tout le monde, buter ce foutu dragon et rentrer chez moi pour m'assurer que je ne vais pas découvrir une liste de noms longue comme le bras de ceux qui sont morts à mon retour. Et j'en ai oublié le Sans Visage. C'était stupide et j'en ai pris conscience. Pour preuve, vous êtes en vie et je n'étais pas là, n'ai servi à rien."

Elle reconnaissait ça, bien qu'elle passait un peu vite sur le fait d'oublier un dieu! Vu la façon dont sa réponse était tournée, je n'arrivais pas à savoir si elle essayait de s'excuser et de faire comprendre qu'elle avait compris, ou si elle cachait ses erreurs derrière une fausse admission...
Définitivement la fatigue aidait pas sur ce point la.

"Tu voulais savoir, voilà. J'ai pas d'autre raisons à te donner. Est-ce que j'apprécie chaque membre de ce groupe ? Bordel, non. Je peux pas blairer Silmeria, Mathis me semble être une girouette qui va où le vent tourne, toi t'es parfois -souvent- incompréhensible, Xël pète plus haut que son cul et se fout royalement de l'avis des autres, Jorus est... Jorus... et Akihito a toujours ce même comportement que je lui reproche depuis le début. Est-ce que j'ai pour autant envie de vous voir mourir ? Non. Est-ce que je vous déteste ? Non plus. Qu'on le veuille ou non, on est compagnons dans cette aventure et j'hésiterai pas à mettre ma vie en jeu vous sauver les vôtres. C'est comme ça que ça marche pour moi. Et c'est une raison suffisante de faire ce que j'ai fait."

Je lui avais... pas demandé ça non plus. Et la pique envers ma personne, une fois de plus, ne m'échappait pas. Si son but c'était de me faire comprendre qu'elle n'avait rien contre moi, c'était plutôt raté.
Mais sa morale, son objectif final, je pouvais respecter ça.
De totu ce qu'elle m'avait répondu, j'avais la sensation qu'une fois de plus elle ne m'avait écouté qu'à moitié, et la majorité de ses propos n'avait rien à voir avec ce que je lui reprochais finalement. Mais, elle n'avait pas l'air de (trop) fuir ses erreurs cette fois. Et surtout, son cœur semblait être à la bonne place. Elle semblait toujours sincère sur le fait d'aider les gens autour d'elle. Une noblesse d'âme que je ne pouvais qu'admirer, même enrobé dans des épines.

Ce n'était pas parfait. J'aurais apprécié plus de sa part, au moins des excuses claires et directes, et définitivement, on ne risquait pas de se comprendre de si tôt elle et moi... Mais, travailler ensemble vers un objectif commun semblait déjà bien plus réalisable. Finalement, je n'aurais pas été le seul à faire des efforts dans tout ça.
Levant un doigt et répondant le plus dynamiquement possible, je dis:

"Du pragmatisme couplé à un désir sincère d'aider! Mélange explosif mais redoutable!

Vot' volonté est louable, et vot' prise de conscience respectable. Agissez en conséquence, et j'vous souhaite de réussir à vaincre ces viles œillères!


Car la meilleure chose que je pouvais faire désormais, c'était l'encourager à aller de l'avant, rester proche de ses valeurs, et progresser vers le meilleur!
Et avant d'oublier:


Ah, et saluez m'sieur Akihito d'ma part."

Ajoutais-je avec le plus grand des sourires avant de m'effondrer promptement sur le sol, complètement vidé de mon énergie. Hey, j'avais tenu assez longtemps, pas mal pour un oudio d'mon âge!

"...Aïe."

ça f'sait un peu mal quand même.






Tout était sombre.

Tout était flou.

J'entendais des bruits, des voix difformes...

Et au loin... une lumière... Qui semblait percer ces ténèbres...

Une lumière...



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J'ouvris brusquement les yeux.
Il me fallut quelques instant pour arrêter de voir flou. J'étais visiblement allongé, et il y avait... un plafond en terre je crois, au dessus de moi. Je me sentais vide. Complètement vide. Rien, nada, que dalle. Aucune force, pour bouger, parler, penser même... Mais au bout de quelque secondes... quelque chose se manifesta en moi: une chaleur familière... C'était cette sensation. Très vite, le sentiment de brûler de l'intérieur refit surface. C'était toujours aussi étrange qu'avant... mais plus étrange encore, c'est qu'il semblait me donner l'énergie, la motivation d'agir... ne serait-ce qu'un tout petit peu.


"Keeeeeeeeh...Quelqu'un m'enteeeeeeeeeeeeend...?

"Oui, oui je suis là. Vous êtes à l'infirmerie, vos amis sont là. Je peux faire quelque chose ?"

Un humain âgé s'approcha de moi, entrant dans mon champ de vision. C'était... Zacara. M'sieur Zacara! Le brave gars qui avait soigner m'sieur Ibn et à qui j'avais donné la fiole de liquide déguelassement miraculeuse! Il était sympa lui, j'pouvais lui faire confiance...Attendez, il avait dit "infirmerie"? Maïssa m'avait probablement trainée jusqu'ici, faudrait que je la remercie.
...Yliria aussi probablement.
Peut être...
Non, restons dans l'optimisme et sur la voie de l'évolution positive! Elle avait du aider, j'en étais sur!
En tout cas, la, la première chose qui me frappait sur mon était, c'est que j'avais incroyablement soif. Le liquide verdâtre des cuves était clairement pas passé, et j'avais pas touché à une terre potable ou un rayon de soleil depuis...
Depuis...
Mmmmh... je prend 2, je retiens 1, j'ajoute 5...
...
DEPUIS DEPUIS VACHEMENT LONGTEMPS. (oui ,c'est une donnée numérique temporelle officielle, chut).

Entre les morts, le changement de corps en corps, la résurrection, si on ajoutais en plus la soif, pas surprenant que j'étais complètement hors service!
Il me fallait trouver une solution à ça, vite! Et une solution qui ne me faisait pas planter mes racines dans la terre dégueulasse du coin.
....Attendez une minute... Il avait tout une ville dans ces galeries Dans ce cas, ils avaient aussi probablement des cultures. Pour bouffer ou faire des potions magiques, ou j'sais pas quoi!

"Aaaaah...m'sieur Zacara...Vous...savez...si y a...un potager...dans l'coin? Un endroit ou vous...faites pousser...d'la bouffe...des plantes médicinales...ou aux effet chelou...une serre...n'importe quoi du genre..."

"Plantes ne restent pas vives, dans le pays des cendres. Nous n'avons ici que des cultures de champignon, aucune terre arable je le crains."

Zut, flute et pisse de fute!


Juste des champignonnières. Kerk, c'étaient pas des plantes les champignons, ça allait pas m'aider ça! Si je choppe ce type qui disait que les oudios ça avait pas d'mal à trouver de quoi s'nourrir... Bon... les champignons, c'est comme tout: ça a besoin de flotte pour vivre. S'ils ont des champignons, ils ont probablement un point d'eau aussi... Non, attendez, pourquoi je pense aux champignons avant de penser aux habitants?! Y a trouze mille clampins qui vivent ici, y z'ont bien un puit ou deux? Aller, les nappes phréatiques, ma dernière chance!


"Est ce que...vous avez...au moins...un point d'eau?"

En attendant sa réponse, mon regard balaya la salle. J'aperçu Maïssa qui était la, et à qui je fis un faible coucou. J'l'aimais bien cette femme. Elle était sympa. Mon regard suivit ce qu'elle observait, et j'aperçu ainsi Akihito sur un lit et Yliria à son chevet. Bien, les deux allaient enfin pouvoir se retrouver. J'observais, espérant apercevoir des retrouvailles pleines d'émotions, de câlins, et ptet de ce truc bizarre la, qu'les êtres de chair font avec la langue... Mais les choses semblaient s'agiter , et pas en bien, de leur coté. Avant de réussir à comprendre ce qui se passait, Zacara me répondit, happant ainsi mon attention.


"Oui, ça nous avons. Je peux vous y mener, si vous le souhaitez."


A la bonne heure! Me redressant difficilement, et avec l'aide de Zacara, je commençai faiblement à me diriger vers la sortie. Je pris néanmoins le temps de m'arrêter au niveau de mes deux compagnons de chair. Akihito était revenu, j'me devais d'lui adresser quelques mots. Et il semblait assez agité, ptet qu'un peu de réconfort sylvestre lui f'rait du bien?


"Z'inquietez... pas...M'sieur Akihito.... Tout va...bien...Z'êtes entre de...bonnes mains. Z'êtes...vivant!"

Concentrant le peu d'énergie que j'avais dans mon bras, je lui dédiai un pouce levé, à l'instar de ceux qu'il me faisait régulièrement dans son corps de métal maudit.
Malheureusement, il ne semblait pas avoir remarqué. C'était... dommage, mais je n'avais pas l'énergie nécessaire pour réessayer. Autant lui laisser un peu d'intimité avec Yliria, j'aurais surement d'autres occasions d'observer une parade nuptiale entre humain et elfe.

Je m'apprêtai à marcher de nouveau, quand je réalisai que j'avais oublié quelque chose d'extrêmement important. Si je n'avais pas l'énergie pour lever le pouce, je me devais de trouver l'énergie de faire ce qui suivait: me tournant faire Maïssa, je lui déclarai:


"Merci...pour l'aide...et pour...m'avoir amené... ici...."

Et je lui fis ma traditionnelle courbette de remerciement. Enfin...J'essayai de faire la courbette, mais mon dos refusa de se plier comme d'habitude, me laissant dans une étrange position bloqué, comme un pantin dont on avait lâché les fils... Réussissant difficilement à me redresser, et satisfait, je me tournai vers Zacara.


"Allons y...s'il vous plait..."


Et il engagea la marche, moi emboitant le pas derrière. Je ne l'avais pas vu depuis mon retour du désert ce monsieur, et la dernière fois, il c'était épuisé pour aider les autre... J'avais beau être fatigué, autant profiter de la situation pour prendre de ses nouvelles.



"Hey...vous...allez mieux depuis...la dernière fois?"

"Oui, ces... fioles amenées d'Esseroth sont vraiment miraculeuses. Venez, c'est par-là."

Ce brave homme ne devais jamais découvrir la vraie nature de ces fioles...

"Y avait....quoi dans le liquide veeeeeert.... dans lequel on trempait?
J'pense que j'en ai absorber...un peu...trop... Pas sur qu'ça soit....aussi bon... pour les plaaaaaantes."


J'arrivais à peine à parler normalement. Bon sang d'bonne sève, j'devais paraitre ridicule...


"Des nutriments, essentiellement. De quoi entretenir les corps pour qu'ils ne s'abiment pas. Aucune raison que ce soit toxique pour... des plantes, donc."

Oh? Donc c'était pas une indigestion de liquide vert? Bizarre... Bon, c'était ptet pas idéal pour les oudios malgré tout, fallait pas effacer cette piste, mais pas d'raison de douter du bonhomme en dehors de ça...

"Oh...Bizarre... C'est ptet cet aut' truc..."

On pouvait rayer de la liste pour l'instant le liquide vert des raisons pour laquelle je ressentais cette brûlure intérieure.
ça pouvait être quoi du coup?
...Mmmmh....
M'sieur Zacara soignait des gens, il avait ptet vu des cas comme moi avant? ça coutait rien d'lui en parler.


"....Dites...Zavez déjà eu...la sensation d'avoir une...énergie en vous? Qui genre... vous...brûle?"

"Tout être vivant a une énergie en lui qui le brûle. Qui l'anime et le consume. Beaucoup appellent ça la vie."

"Ké...héhé....héhé... Très...bien placé..."

Mince, faut pas qu'il me fasse trop rire, c'est épuisant. En tout cas, d'habitude c'était moi qui philosophait les gens par surprise, il m'avait bien eu le saligot. Bon, comment lui expliquer....?

"Non, je parle d'un...feu...littéral. Genre... krprkrkpkrprkp whoosh whoosh... Genre...zêtre tombé...sur un feu d'camp...mais...de l'intérieur...."

J'aurais du faire narrateur au théâtre moi. Quel talent d'imitation!

"La... magie peut avoir, sans doute, cet effet là sur l'être. Mais la passion aussi. Ou une inflammation de l'estomac, mais... ça semblerait étrange dans votre cas."

"J'ai...pas vraiment d'estomac...s'que j'consomme va...dans tout l'corps...


....J'imagine que vous...vous y connaissez pas....en...fluide? Fluide élémentaire... j'veux dire."


"Ah, cette chose qui fait la magie de votre monde ? Non, j'en ai entendu parler, de loin. J'en ignore tout, si ce n'est que c'est ce qui vous rend si instable, ici. Peut-être est-ce lié ?"

[color=#FF0000"Peut être.... peut être....Après tout je suis un peu..."incompatible" avec mes fluides....[/color]

Qu'est ce qu'on me l'aura répété, ça...

"...Merci... de l'aide...."

"Bois et feu ne font souvent pas bon ménage. En moi, la vie et la mort se côtoient sans cesse. Sans doute sommes-nous amenés à nous comprendre, vous et moi. D'une certaine manière."

Son cas était...particulier, pour sur, mais je pense que lui méritais plus de compassion que moi... Après tout...

""D'une...certaine manière... Je suppose que vous... vous n'avez pas choisi...votre condition..."

Mes mains se plaquèrent brusquement sur ma bouche. Oh non. Non non non non non. J'étais pas tellement épuisé que j'avais laissé échapper ça! Nooooooon non non non. Merde, merde merde! Qu'il oublie, qu'il oublie! Il n'avait pas à savoir ça. Personne n'avait à savoir ça. Ca n'm'avait attiré que des problèmes que les gens sachent. Merde, merde, merde!

Je devais faire quoi? Fuir? Marchander? ...Le tuer? Mais il était gentil. Il m'avait aidé! NON! Du calme, du calme, du calme. Ca n'serait pas comme d'habitude... C'était pas un oudio, et on était pas sur Yuimen, avec de la chance il ne m'emmerderait pas sur le sujet... Oui! Oui, jouons sur ça, jouons sur cette carte la, et faisons passer ça pour des délires de type fatigué.

Plaider la folie ça marchait généralement!


"Euh..., dis je d'une voix terrifié, oubliez que j'ai dit ça s'il vous plait!"


Il pencha sa tête sur le coté, me regardant avec curiosité et incompréhension! OUI! Visiblement il avait pas capté! Parfait, parfait! Il fit même genre de s'intéresser à un cailloux sur le coté, faisant comme si de rien était. Kffffff, kffff, fallait que je me calme, c'était réglé, c'était passé...

Par les fesses de Fearadhach, c'était pas bon pour mon bois tout ça... Si j'avais été encore dans le grand loup, j'pense que mon ventricule serait ressorti par ma bouche... Bon sang d'bonne sève j'étais soulagé, mais qu'est s'que j'avais honte.

Des années à gardé ce foutu secret pour moi et risquer de tout lâcher au premier gars, la, comme ça, sur un coup de fatigue...

Nan mais vous imaginez si les gens le découvrait?

Que c'était pas de naissance mes pouvoirs...

Aucune envie de vérifier si c'était un crime de peine capitale ici aussi...



BON! VITE! Changeons de sujet!

"Heeeeee... Donc....vos pouvoir oscillent ...entre la vie... et la mort?"

Ouais ,c'est bien ça! C'est intéressant, et surtout ça détourne la conversation vers ses pouvoirs à lui et pas les miens!

"Plus je donne la vie, plus je me rapproche de la mort. C'est un échange cruel, mais nécessaire. Ca permet de garder une mesure, de l'humilité."

"Utiliser...vot' propre force vitale...pour aider les autres... Z'avez mon respect...sur ça..."

Perso, j'avais sacrifié mon corps pour les autres, mais lui sacrifiait littéralement sa vie. C'était incroyablement admirable. Malheureusement, de son coté, Zacara semblait surtout ressentir de l'inquiétude envers mon cas... Ou alors, peut être sentait il que je cherchais à combler le silence par n'importe quoi d'autre que mes stupides aveux?

"Allons, avançons, vous n'avez pas l'air d'aller au mieux."


Nous finirent par arrivé face à un puit. Il semblait...profond. Je me penchai vers l'avant, observant son intérieur, son extérieur, cherchant quelque chose d'unique à ce dernier, comme une trace, un message, un objet caché, ou même une personne au fond...

Mais c'était juste un puit. J'aurais pensé qu'il avait quelque chose de particulier... Mais en fait, c'était juste un puit.

Zacara, lui, en profita pour puiser dans ce dernier, et me tendit un seau plein d'eau, m'extirpant ainsi de cette première dernière fantaisie.

Un seau... Cela me rappelait le seau que l'on m'avait offert à Esseroth. Une charmante attention, que beaucoup minimiserait, mais qui restait marquante à mes yeux.
Ca me rappela que je devrais aller récupérer le reste de mes affaires à un moment. En attendant, je pris le seau à Zacara, le posai à mes pieds, puis je posai un de mes pieds dedans. L'eau pénétrant lentement mes racines m'emplissait d'un plaisir, d'un soulagement incroyable.... en plus de m'emplir d'eau bien sur.
J'avais l'impression de ne rien avoir bu de correct depuis des jours et des jours... et à bien y réfléchir, ne sachant pas exactement combien de temps j'avais passé mort, c'était probablement le cas. C'était de l'eau souterraine, une denrée peu accessible, mais pleine de minéraux pour compenser.
Ce fut tellement plaisant, relaxant, qu'inconsciemment les racines de mon second pied se plantèrent dans le sol, cherchant à absorber toute trace de ce plaisir qui aurait pu être accidentellement tombé sur les cotés. La terre avait toujours un gout immonde, mais elle ici, prêt de ce puit, elle devenait presque... potable...


"Merci bien... Me fait penser...qu'il faudra que je retrouve mon seau... Et toutes mes affaires..."

"Elles sont dans la salle des cuves, selon toute vraisemblance."

"J'irais...les chercher...plus tard. Si quelqu'un me cherche, dites leurs que j'suis...ici..."

"Souhaitez-vous que je reste en votre compagnie ? Je ne voudrais pas rester longtemps loin de l'infirmerie. Nhésitez pas à puiser davantage d'eau. Et si vous voulez vous reposer ou croiser d'autres personnes, allez au bout de ce couloir, dans la salle où nous avons installé notre camp"

Sa proposition me prit un peu par surprise. Surement qu'il devait s'inquiéter de mon cas en tant que patient. Mais j'étais surtout fatigué. Cette sensation intérieure et bizarre était toujours la, mais c'était probablement moins grave que le cas d'autre gens qui avaient du être blessé pendant la bataille.
Son soutient m'avait déjà beaucoup apporté, il n'y avait pas besoin de plus.

"Z'êtes vraiment gentil... Pas besoin de rester avec moi, y a d'aut'...gens...qui ont plus besoin de vous qu'moi...Merci...pour l'aide...et pour avoir papoté..."

Il me salua et repartit en arrière, dans les tunnels, me laissant à ma collation. Avec le silence qui s'installait désormais, et la détente que me provoquait cette eau chargée en minéraux, je sentis ma conscience s'en aller... lentement... Après tout...l'un des avantages...d'être...oudio...c'est...de...se...nourrir....en...dorm.....



Il faisait chaud.

Il faisait si chaud.

Pourtant, cette chose difforme que j'apercevais, au loin, c'était la lune, non?

Alors pourquoi cette nuit était aussi chaude?

Et aussi sombre malgré la lueur de l'astre?

J'entendais des voix... elles aussi déformées... ça ressemblait à des rires....

Et la, plus prêt de moi... cette lueur dans la pénombre...

Cette...lueur?



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Mes yeux s'ouvrirent brusquement. Je sentais... de l'angoisse, du stress parcourir mon corps... Plus de sensation plaisante, nourrissante ou autre... Juste une terrible envie de hurler, de me rouler par terre pour que ça s'arrête.
Si ce que je venais de voir...était bien ce que je pensais... alors je redoutais de le revoir. De le revivre. Dormir... était interdit, prohibé! Je ne voulais pas m'infliger quelque chose comme ça, pas maintenant.

Et cette sensation de brulure intérieure qui revenait... Non, définitivement, je ne devais pas dormir pour l'instant. J'devais rester éveillé, conscient, sur mes gardes!

La dite sensation de brulure me fit réaliser que j'avais récupéré de l'énergie. Pas autant que s'que j'aurais voulu, mais assez pour bouger un peu. Extirpant mes racines du sol, et récupérant mon nouveau seau, que je remplis à ras bord de nouveau, je me dirigeai vers la grande salle que m'avait indiqué Zacara.

Il y avait beaucoup de monde, marchant, discutant, se reposant. Mais, étrangement, je n'avais pas le cœur à tout observer et analyser, comme à mon habitude. Je voulais juste quelque chose, quelqu'un qui occuperait mon esprit, changerait mes pensées. Et c'est la que j'aperçu Ibn Al'Sabbar! Ce cher m'sieur Ibn, qui avait sacrifié ses pouvoirs pour me sauver la vie! Je n'l'avais pas vu depuis si longtemps(?) ! Faisant attention à ne pas renverser le contenu de mon seau, je me dirigeai vers lui, l'interpelant.


"M'sieur...Sabbar....Vous êtes...la. Est ce que...vous aller...bien? J'avais peur... qu'il vous soit arrivé quelque chose...durant l'attaque..."

Kmhn. Visiblement, j'étais encore trop à plat pour parler à un rythme normal. Qu'à s'la n'tienne, je posai mon seau sur le sol et y plongeai l'autre pied cette fois ci.

"Je vais bien, n'ayez crainte. Sans pouvoirs, je ne suis qu'un vieillard, et ils n'ont pas risqué la vie d'un vieillard pour défendre la cité"

"Kerf...C'est...déjà ça... Mais sinon... Content d'vous voir... en bon état...

Encore une personne qui avait gagné ma plus sincère sympathie, même si c'était probablement peu réciproque. L'entendre se décrire comme un "vieillard sans pouvoir" me fit intérieurement mal... Après tout, à cause de moi s'il était dans cet état...
Quel dommage que le Sans-visage soit déjà reparti, il aurait ptet pu l'aider à ce sujet? Vu qu'Ibn visiblement le vénérait et tout...

...Oh, mais en fait!

...Vous avez eu le temps de le voir?....Le...Sans-visage?"

"Vakkar Ti était ici ? Je n'ai pas eu cette chance, non. Mais ce nest rien : C'est lui qui a fait ce que je suis, le croiser doit rester une exception."

Vakkar Ti? C'était son ptit nom? C'est sur que ça faisait moins impersonnel que "Sans-visage". Plus mignon aussi...
Encore que....
Vakkar Ti chouboudou contre Sans-Visageounet, lequel des deux rendait le mieux?
Voix dans ma tête, votez, vous avez une heure!

Kéhéhéhé... Si à 151 and je riais encore de mes propres bêtises, c'est qu'tout était pas encore perdu pour moi!

Bon, en tout cas, m'sieur Sabbar semblait préférer réserver ses rencontres avec son idole pour les grandes occasions. J'comprenais: se voir trop souvent ça finissait par tuer la passion.

"Ah...c'est dommage... j'étais sur... que ça vous aurait fait plaisir...
C'est grace... à lui que je suis... de retour... dans ce corps...
J'ai...Les dieux...."


En horreur? C'est des sales cons, égoïstes et égocentriques, qui n'agissent que pour leur pomme et ferme les yeux quand leur toutou maltraite les gens et infligent des injustices aux autres, alors qu'avec leur prétendue toute puissance ils pourraient largement faire plus pour aider?

Ouais, non, c'était ptet pas la meilleure façon d'aborder le sujet avec lui. Parlons plutôt du coté surprenamment sympathique du Sans-visage, ça d'vrait égayer un peu Ibn!

"Il était... sympa.... Je lui dois...beaucoup...désormais...
Je suis pas habitué... a des divinités aussi...sympa... J'imagine qu'il a toujours été...bon avec vous...aussi?"


"Il n'a jamais été bon. Il a été juste et sévère. Le plus grand présent qu'il m'a fait n'est pas mon pouvoir de vision et de feu, mais là sagesse, la prudence. J'étais un jeune sorcier ambitieux, il y a fort longtemps. Et mes imprudences ont mené à la mort de tous les miens. A la destruction de ma cité, Messaliah."

L'expression que le vieux sorcier affichait était pleine de... nostalgie? Surprenant pour quelqu'un qui parlait de s'qui semblait être des mauvais souvenirs, mais... quelque part, je comprenais le sentiment.

"Ne faites pas l'erreur de tout miser sur lui. Il n'a aucun camp, et ses desseins sont les siens seuls."

Oh. Ohohohohoh. Monsieur Sabbar, définitiv'ment, vous êtes un gars qu'j'aime bien! Vénérer une divinité, reconnaitre ce qu'elle vous a apportée, mais avoir encore assez de jugeote pour comprendre que cette dernière n'était pas la pour vous particulièrement et qu'il fallait s'en méfier...

Ouaaaaais. Ouais. J'étais plus que d'accord avec ça!

Le reste de ses propos, par contre, résonnèrent en moi. De la sagesse, de la prudence, née de mauvaise décisions, de trop grandes ambitions... C'était... Si compréhensible. Si similaire...
Le feu à l'intérieur de moi me brulait toujours autant, mais ça n'était pas lui qui, sur le moment, me faisait mal. Non, c'était les échos de la démence, les restes de voix d'une époque lointaine où tout le monde avait payé très cher pour que j'apprenne ces importantes leçons de vie...
Ma voix se perdant dans les souvenirs, des mots s'échappèrent de ma bouche:


"... Un jeune sorcier ambitieux...provoquant la pertes des siens... ça me parle..."

Elle devint basse, peu audible, car je ne parlais plus à m'sieur Sabbar devant moi, je parlais juste à moi même. Moi et mon douloureux passé.

"ça me parle terriblement..."


Je secouai la tête, cherchant à me reprendre! L'heure n'était pas à la nostalgie nocive! Certes, c'était pas tous les jours que j'pouvais trouver un sorcier de feu ayant vécu des choses similaires aux miennes, et ayant tiré des conclusions tout aussi similaires, mais ça d'vait pas être une raison!

"Krhm... Ne pas tout miser sur lui... Oui, j'me disais bien qu'il a ses objectifs...et ça n'est pas forcément les notre...ça n'est pas forcément les miens...

Non, ça n'est clairement pas les miens... Le Sans-visage l'avait dit: c'était un allié... pas un ami.
Plus proche de l'ami, en revanche, c'était m'sieur Sabbar, bien que j'm'avançais surement trop pour penser ça. Néanmoins, il venait de me donner de précieux rappels, et je lui en étais redevable.

Merci...des conseils...m'sieur Sabbar...

Et quitte à partager autant de points communs... peut être que... peut être que lui, saurait précisément ce qui m'arrive? Pourquoi j'avais cette sensation de bruler sans souffrir? Après tout, la piste des fluides n'était qu'une piste, c'était ptet beaucoup plus lié à Aliaénon et sa stable instabilité magique? Et qui de mieux pour me renseigner sur le sujet qu'un homme ayant gagné la sagesse des âges et des mauvaises décisions?


J'aurais...une petite question...d'ordre un peu plus...personnel... Depuis que je suis... de retour dans ce corps...je ressent...une énergie en moi...Une sensation... comme si je brulais... de l'intérieur...
Vu votre affinité... avec le feu... est ce que vous avez déjà entendu...parlé de quelque chose comme ça...?"

Il resta silencieux quelques instants, plongé dans sa réflexion, avant de finalement répondre:

"Hmm. Cela ressemble fort au pouvoir du feu encore peu maîtrisé par nos néophytes. Une influence de votre passage à Methbe'El ? Doublé de la puissance magique à l'œuvre ici ? Les Cadi Yangins naissent avec leurs pouvoirs, mais avec les yuimeniens, nombre de choses semblent possibles."

Il plongea son regard dans le mien, comme s'il cherchait à fixer mon âme.

"Déchargez cette énergie hors de vous. Pas comme si vous lanciez un sort, mais juste la manifestation du feu en vous. Essayez, du moins. Et en prenant les précautions nécessaires. Pas... au milieu de ce camp, par exemple."


Ma situation était donc... similaire à celle d'un Cadi Yangins? C'était... plaisant comme information. Peut être que cet étrange feu était le résultat de l'évolution de mes pouvoirs? Peut être que l'influence d'Aliaénon avait débloquée quelque chose en moi? Peut être que mes rêves d'utiliser cette magie tordue pour aller à l'encontre des règles de la nature était plus palpable que je ne l'imaginais?

...Non, je ne devais pas trop vite m'emballer... S'agirait de pas trop s'y croire et réinvoquer un démon qui tue tout le monde... Il me faudrait trouver un bon endroit et un bon moment pour faire ce genre de test... ouais, comme à l'époque...
Mon visage se craquela en un petit sourire: j'avais enfin une piste un peu plus concrète!


"Une énergie du feu non maitrisée, hein?
Mmmmh... Ptet bien, après tout, y a une certaine..."incompatibilité" entre mon corps et mes pouvoirs, ptet que pas avoir été dedans depuis longtemps à réveillé le problème...

Merci de vos conseil m'sieur Sabbar... J'vais m'organiser pour trouver coin tranquille et essayer d'me vider...

C'est bizarre, mais j'aurais juré entendre quelqu'un penser à quelque chose de sale, la tout de suite...

Qui sait? J'en tirerais ptet une expérience intéressante..."


M'sieur Sabbar me rendit mon sourire, et me laissa à mes réflexions. Réflexions qui furent de courtes durée, car à peine les avais je entamé que quelqu'un m'interpela pour m'en extirper.


"C'est pas la grande forme pour toi non plus, Dracaena."

Qui? Que? Quoi? Oh! C'était Akihito, qui semblait... plus détendu que quand j'l'avais vu à l'infirmerie... Plus détendu que dans le monde des morts aussi...

"Aaaaah, m'sieur Akihito, vous avez l'air..."

Soulagé? Nan, on sentait encore un peu de tension. Requinqué? Kmmh, nan, nan, ça s'voyait qu'il été lui aussi fatigué. Heureux? Nan, nan, nan, quelque chose le tracassait visiblement, et j'voulais pas remuer un potentiel couteau dans une potentielle plaie...

Mais il semblait quand même plein de vie! Il avait l'air... revifi...refifi...revirvir...

"...Vivant! Et c'est très bien...

Ouais ,c'était très bien comme mot vivant en fait.

Fuaaaa... ça va, vous vous r'metez de...tout ça?
Moi j'suis juste un peu..."


Fatigué? Epuisé? Ereinté? Confus? Perturbé? Déchiré? Déboussolé? Assommé? Dans les vapes? L'esprit qui va exploser? Je ne trouvai pas le terme adapté. Et je n'étais pas s'seul, vu qu'Akihito semblait avoir du mal à trouver ses mots lui aussi.

"Vivant... ouais, quelque chose comme ça..."

Il déposa la lourde sacoche qu'il portait, avant de reprendre.

"Le mot que tu cherches, c'est déboussolé peut être ?"

Non, j'avais déjà proposé celui la! Il m'écoutait pas penser ou quoi?!
...
Attendez, non... il pouvait pas m'entendre penser....

...

Ou peut être que si en fait?!

Test? Test? M'sieur Akihito, si vous m'recevez, déhanchez vous en imitant un chat!

...

Pas d'réaction. Il doit vraiment pas m'entendre...

J'en étais où moi?

"Non! Plus..."

La lueur de mes yeux se mis à clignoter.

"...Perturbé. Bizarre... Pas normal...
Je suis moi mais... c'est différent. Y a un truc différent. ça...vous fait ça vous?"


"Non. A part avoir les nerfs à vif, je suis "moi". Mais on a pas eu le même passage à Jesuir, toi et moi. Je serais pas étonné que ça ait une influence."

"Non...non c'est sur... On m'a dit pour le metal...du golem... J'espère que ça va...mieux."

Pauvre gars, il avait du souffrir le martyr à l'intérieur de s'truc. Et contrairement à moi, je pense que comprendre toutes les facettes de la souffrance n'était guère quelque chose qu'il recherchait.

"J'espère aussi que ça ira mieux."

Il me regarda de haut en bas, avant de finalement secouer la tête.

"Je te cherchais pour te parler de quelque chose, mais j'ai l'impression que mieux vaut que je te laisse reprendre pieds. Ou racines."

Oh? Il voulait m'parler d'quelque chose? Oh, pour une fois qu'on venait vers moi pour me tenir au courant, et que j'devais pas être celui qui court après les interactions des autres, j'allais pas passer à coté de ça! Me redressant brusquement, je pris le ton le plus dynamique que je puisse avoir.


"Haha! Je vais super bien! Je pète le feu! Haha!"


Malheureusement, ça n'était que du vent. Je l'savais, et il le savais probablement. Rien que prétendre était devenu trop couteux à maintenir, et le peu de force que j'arrivais à puiser de mon seau allait vite se tarir si j'essayais de maintenir ce genre de mascarade.
Mon énergie, ma voix et mes bras retombant complètement, je répondis, plus sincèrement cette fois:


"....Non...j'vais pas prétendre...surtout pas avec vous...
J'suis.... lessivé.... Epuisé... Et j'ai ce truc bizarre... en moi... Mais j'peux discuter.... J'préfèrerais discuter en fait... J'ai aussi...un ptit truc... a vous dire... Et puis..."


Ma voix diminua encore plus, et s'assombrie un peu, tandis qu'un flash rouge et noir me traversa l'esprit.

"Si j'peux éviter d'aller dormir..."

"Dormir est pas trop dans mes plans non plus. J'allais monter la garde en haut de la colline, faute de mieux. Accompagne moi si tu veux."

Sortir monter la garde? J'étais déjà pas en état d'monter un escalier, avec la garde... Après... Entre rester en souterrain et aller dehors et espérer attraper le moindre semblant de soleil qui passe...

"J'vous suis.... Un peu d'air me f'ra ptet du bien..."

Tirant mon pied de mon seau et ramassant ce dernier, je me mis à suivre l'humain, qui avait récupéré sa sacoche au passage. Sacoche qu'il laissa de nouveau tomber avec un grand soupir de soulagement quand, au bout de longues minutes, nous finirent par arriver la où se trouvait autrefois l'âme du titan ailé.
Pendant le trajet, je repensais à ce que m'sieur Sabbar m'avait dit, observant les alentours, me disant qu'il y avait suffisamment de coin et recoin sombre et peu peuplé pour aller déchainer cette chaleur en moi qui ne diminuait pas...
Lorsqu'Akihito brisa le silence, je fus pris par surprise, et mon sursaut me fit presque renverser mon seau.


"Alors. De quoi tu voulais me parler ?"

"Ah! Euh... Je commence donc?

Un peu prit par le fait accompli, et par le manque de préparation, je me retrouvai à trébucher sur mes mots alors que pourtant, je savais parfaitement ce que je voulais dire: Je veux sincèrement vous aider, et désolé le plus platement du monde de vous avoir lâcher face au dragon, ou d'avoir manqué de patience et de compassion avec vous.

Mais... sur le coup, ça me semblait... difficile à dire. Gênant. Comme si... j'étais pas légitime de sortir ça.

Kmh....C'est pas grand chose... Juste... Vous savez, tout s'que j'ai dit quand on était mort c'était...sincère. J'veux vraiment...continuer à vous aider. Et encore désolé pour..."

Bon nombre de mots se bousculèrent dans ma tête pour essayer de former la phrase la plus adaptée pour conclure. Mais aucun n'avait assez de poids. Aucun n'avait assez de sens...
Un petit rire, triste et vide, s'échappa de moi, avant que je ne lâche, dépité:

"...Tout."

Il ne resta pas silencieux, ni ne réfléchit bien longtemps. L'humain en face de moi, qu'il y a encore quelque temps je plaignais pour ses propres limites, me déclara:

"J'ai bien vu que t'étais sincère, Dracaena. Je l'étais aussi. Et si tu veux t'excuser pour ton pacte avec le dragon noir... J'ai beau pouvoir me parer de ma vertu en affirmant que moi, j'ai fait le choix de ne pas m'associer au Dragon ni décider de détruire la pyramide, j'ai été tenté de le faire quand même. Et je peux pas vous en vouloir. La mort, ça... ça change beaucoup de choses."


Je...C'étais... Bien dit et bien pensé, assez proche de mon genre de mentalité. Pour la troisième fois aujourd'hui, je m'étais attendu à me faire hurler dessus, frapper, humilier, mais à la place, il n'y avait que des tentatives de compréhensions, enroulé dans une étrange sagesse... La mort changeait effectivement beaucoup de chose...
A court de mot et de pensé, je lâchai juste un:

"Ouais...Ouais..."

Débordant de doute, de fatigue et de surprise. J'eu juste la force d'ajouter, doucement, un imperceptible:

"....Merci."

Peut être que tous les autres autour de moi, de mon existence, étaient moins dangereux, difficiles, moins durs que ce que je pensais?


Après un long silence, à essayé de me recentrer, je fini par poser mon seau sur le sol et y encaster un peu, une pointe de dynamisme désormais de retour dans ma voix. A l'intérieur, la chaleur qui me consumait c'était attiser, mais elle ne faisait que me donner plus de motivation.


"Kerm...Vous...vouliez m'parler d'quelque chose vous aussi?"

"Rien de très spécial. Juste ton avis sur ce qu'il va nous falloir faire dans les jours à venir."


Ce que j'comptais faire dans les jours qui viennent? C'est vrai qu'j'y avais pas encore trop réfléchis. Si j'avais appris beaucoup de choses de toutes ces dernières expériences, en terme d'informations utiles pour se débarrasser de Brythagon, je f'sais plutôt chou blanc. Le Sans-visage était notre meilleure option pour contrer directement la grosse bêbête, mais de un, il était parti, de deux, fallait pas lui faire confiance à 100%. Et l'option de la discussion me semblait à proscrire, au vu de la façon dont l'entretient entre le DragoDéesse le type sans face c'était conclue...
J'étais toujours dans la mentalité de trouver une arme, un sort, la boule de feu de nos fourmis, qui permettrait de vraiment d'atteindre ce monstre, mais quoi? Qu'est ce qui pourrait faire l'affaire? Surtout que maintenant, on savait qu'la bestiole avait des alliés, et pas les moins puissant en plus de cela...
Alors que je m'apprêtais à répondre, Akihito m'interrompit pour me donner une info de dernière minute:


"Ah, j'ai oublié une information. Entre notre visite à Nagorin, la cité des aveugles, et notre retour ici, il s'est passé au moins 4 jours. Le portail du Sans-Visage n'a pas été... Instantané, comme ceux de Xël."

Oh. Oooooooh...

"4...jours? Oh. C'est...particulier.


Je me demandais comment ça pouvait bien marcher? Si un dieu local avait pas réussi à nous déplacer dans l'espace sans nous déplacer dans le temps, mais qu'un sorcier de Yuimen, lui, le pouvait, c'était intriguant. Ca ouvrait tellement de nouvelles possibilités!
Et du coup, est ce que c'était comme s'que Jorus avait vécu? Concrètement, comment ça nous avait affecté? Est ce qu'on avait vieillit de 4 jours ou pas? En fait, pour la plupart d'entre nous, on était pas dans nos vrais corps, du coup, est ce que nos âmes avaient vieillit différemment de nos corps? C'était tellement intriguant, tellement intéressant, tant de question à se poser!

...

Attendez, si ça f'sait 4 jours en plus de ma mort ,mes changements de corps et de tout l'reste...
Bon sang d'bonne sève, tu m'étonnes que j'me sente complètement vidé, j'avais pas bu un vrai truc depuis au moins une bonne semaine... Quand à la dernière fois que j'ai vu un vrai rayon de soleil...
Erk, j'aurais besoin d'une sinécure après tout ça...


Ca explique certains trucs... Et qui sait s'qu'y a pu se passer pendant 4 jours avec Brythagon et le reste..."


Donc fallait ajouter à toute l'équation le fait que maintenant, l'aspirateur à âme géant avait eu quatre jours sans surveillance. Erk...
Je restai silencieux quelques instants, le temps de réorganiser toutes mes pensées...


"Quand à ce qu'il faut faire... On est un peu à court de piste. L'arme de Messaliah n'est pas ce que l'on croyait, et m'sieur Sans-visage c'est barré pour discuter avec sa famille de la situation...

Il a pas voulu parler d'sa discussion avec... J'dois beaucoup au monsieur, mais j'me méfie un peu de ça...
Faut visiblement des pouvoirs...divins pour atteindre efficacement...Brythagon...

Le temps que l'Sans-visage revienne, faudrait... trouver un autre titan prêt à nous aider, ou alors... trouver comment assez canaliser notre magie pour être une arme vraiment efficace...

Enfin, la c'est s'qui me vient à l'esprit sur le moment...."


Et en parlant, je me souvins d'un élément qui m'était complètement sorti de la tête:

"Et c'est vrai qu'j'sais toujours pas où est passée Simaya dans l'histoire...."

Akihito, lui, réagit avec surprise à l'une de mes précédentes phrases:

"Comment ça, l'arme de Messaliah n'est pas celle qu'on croyait ?"

"Ah, oui, z'étiez évanoui... En gros, le Sans-visage à dit qu'les sans manières trouveraient pas d'arme capable de l'atteindre à Messaliah... Et que l'arme la plus puissante du déserte était déjà avec nous..."

Après quelques secondes de silence, j'ajoutai, afin d'être sur d'être bien clair:

"Maïssa... "L'arme" c'est Maïssa...."

Je fis des guillemets avec les doigts en prononçant le mot "arme". Mon dégout envers le concept et le terme transparu complètement dans ma voix. Je n'essayais pas de le cacher. J'avais pas à cacher le fait d'être une personne descente.

"Ah. Donc la fameuse arme n'existe pas, et Maïssa est l'entité la plus puissante du désert...
Ca ne m'étonne pas, vu ses capacités. Mais je doute que ca soit suffisant pour s'opposer au Dragon noir."


L'humain soupira et regarda l'horizon.

"Bon, c'est déjà ça de moins à se préoccuper."

"Si elle pouvait la transformer en sable ça règlerait bien des soucis, c'est sur..."

Une image mentale de Maïssa transformant Brythagon en château de sable me traversa l'esprit, mais j'étais encore trop agacé pour en rire. Krah, fallait que je pense à autre chose...

"Ca veut aussi dire que les Sans-manières sont en train d'assieger Messaliah inutilement... Sauf si Xël se trompe depuis le début sur leurs objectifs. Après tout, ils m'ont bien dit que leur but était de réduire le nombre de gens vénérant un dieu pour "l'étouffer"...

Kheeeee... Où que j'aille y a toujours ce genre de malade...
ajoutais je d'un air plaintif. Nan, sérieux, pourquoi les illuminés fanatiques croisaient si facilement ma route?

"Bref, on a tout de même perdu une potentielle piste anti Brythagon...

Et vous m'sieur Akihito, z'avez appris des choses intéressantes depuis?"


"Simaya est toujours introuvable, et Jorus veut se mettre à sa recherche. Xël est plus d'avis d'aller à Messaliah pour réactiver la pierre de Vision, pour nous permettre de communiquer entre nous sur de longues distances. On pourra alors se séparer pour remplir plusieurs objectifs importants simultanément."

Il poussa un soupir résigné.

"C'est la preuve flagrante de l'échec de notre cohésion en tant que groupe, si tu veux mon avis. Mais mieux vaut ça que se forcer à agir sur les mêmes objectifs avec des tensions dans tous les sens. On a vu ce que ça a donné..."

Son regard se perd dans le lointain.

"Et maintenant qu'on a la confirmation que Brytha et le Dragon ont... Fusionné, je pense aller chercher l'endroit où ils sont apparus. Remonter à la source de tout ce bordel pourrait nous apprendre des choses. Enfin, ça c'est faute de mieux après avoir récupéré les cailloux de Xël. Et avoir jugulé ce foutu rayon vert."


Donc, m'dame Simaya était portée disparu? Kmhmm... Faudrait que j'attrape m'sieur Xël à l'occasion, il en saurait probablement plus. En tout cas, Akihito, lui, était complètement dépité par le fait que chaque membre du "groupe" veuille vaquer à ses occupations après coup. Kéhé, la mort changeait beaucoup de chose ,mais ça n'suffisait pas pour faire des têtes de mules travailler d'concert.
Moi? Ca n'me posait pas de problème. Contrairement à lui, j'voyais plutôt le seau à moitié plein.

"Khé...héhé... Ironiquement... je pense que cet échec...n'est qu'un tremplin vers quelque chose de meilleur.
On va pouvoir essayer de bosser ensemble...mais pas de la même façon. Je reste optimiste.


Après tout, tout l'monde avait eu une piqure de rappel sur les risques et les enjeux de cette histoire. Je n'comptais pas tant sur leur capacité à s'remettre en question et se coordonner, que j'comptais sur leur instinct de survit.
Les gens étaient prêt à faire d'incroyable concession quand c'était vraiment la mouise.

...J'ai quand même quelques feuilles...kerm, oreilles à tirer. Mais ça sera pour demain...

Yliria était celle que je préférais aborder en privé pour parler des choses que j'lui reprochais, mais les autres par contre, je redoutais moins leur réactions...
Entre Silméria qui avait foncé vers l'âme du titan sans crier gare, Mathis qui avait visiblement raté un sort, Xël qui écoutait une fois sur deux, Akihito qui avait joué les serpillères auprès de la ptite blonde, et Jorus qui c'était visiblement lancé dans un plan foireux... tout le monde avait déconner dans cette histoire, et il faudrait mettre les points sur les i pour être sur de minimiser les accidents désormais.

Quand à Brythagon, ils sont apparus ou pour la première fois? Au plaines d'or vous voulez dire? Pour ce qui est du rayon vert, c'est sur que c'est un phare à emmerde, si vous m'passez l'expression. Mais j'me demande si ça peut pas servir..."

Tant que j'y suis, je devrais ptet lui parler de la drôle de sensation que je ressens? Kmmh, non, ça n'me semble pas le bon moment, Brythagon est la priorité.

"Ca ouvre d'autres possibilités, c'est sûr. j'aurais juste préféré que ça ne soit pas une nécessité parce qu'on arrive pas à se coordonner nous même."

Quand à ma question sur la première apparition de l'amalgame divin...

"Je pense pas, c'est là que le Titan de magie était et sa mort est récente. Ils ont dû arriver autre part. Où ? J'en sais foutre rien.
Et tu veux te servir du rayon de magie pour quoi ?"


"Les gens sont tous des grands enfants qui ont parfois b'soin qu'on leur tienne la main, quelque soit leur age ou vécu. J'ai vu des oudios tri-centenaires être plus borné que nos compagnons mais réussir à s'unir sous une même bannière, alors pas d'raison qu'on puisse pas s'en sortir.
S'qui nous manque s'pas un objectif ou un ennemi commun, s'qui nous manque, c'est une solution commune. Et ça, ça va, ça vient. On est toujours en train de s'agiter, s'égosiller, avoir le beurre et l'argent du beurre, mais une fois que nous sauront clairement comment nous débarrasser d'la grosse bête, ça ira mieux."


Ca oui, j'en ai ves gens s'unir face à une "menace" commune... Même quand la menace n'avait rien fait pour mériter ça...Un rire un peu sec s'échappe de moi.

"Les gens sont vachement doué pour mettre sur la tronche à une cible commune quand ils savent comment s'y prendre...

Quand à s'que j'veux faire du rayon de magie, j'ai justement pas d'idée encore précise, mais s'parce que j'sais pas assez comment il fonctionne. Mais une fois que sa mécanique exacte sera comprise, ça pourrait ptet servir de catalyseur... Ou, vu que c'est ce dont on a le plus besoin, de canaliseur. "

Je suis obligé de m'interrompre un moment afin de reprendre mon souffle. Cette fatigue est dure à gérer, mon seau commence à se vider, et la chaleur en moi ne fait qu'augmenter. Dur de rester stable avec tout ça...

"Kerf...ça commence... a aller un peu mieux, mais faut qu'fasse gaffe.
...Tant qu'j'y suis, m'sieur Akihito, ptite question, vu qu'vous êtes un sorcier de Yuimen vous aussi: ça vous est déjà arrivé de ressentir une... sorte de grosse énergie en vous? Qui semble venir de vos fluide? Depuis qu'j'suis de retour dans mon corps, j'ai l'impression que je brûle de l'intérieur (et croyez moi, je SAIS quelle sensation ça fait de bruler), et selon m'da....Kerm, Yliria, ça viendrait ptet de mes fluides, vu qu'ils sont de feu...
Une idée de s'que ça peut être?"


"S'unir sur un ennemi commun. Oui, je connais ça. Mais bon, on a de fortes têtes ici, et des personnes qui peuvent pas se sentir.

Un canaliseur, tu dis. Mmmh. peut être. Mais ça étudier un truc pareil me semble assez complexe, et les sorciers d'Elscar'Olth auront sans doute mieux à faire une fois qu'il ne sera plus une menace. Ca risque de prendre du temps."


Puis, il pencha la tête sur le coté, visiblement en pleine réflexion.

"Une grosse énergie ? Ca m'est arrivé quelque fois, oui, mais ce que tu me racontes est un peu vague, va falloir être plus précis. Déjà, tu es sûr que ça ne vient pas de la magie d'Aliaénon ? J'arrive pour ma part à les différencier plutôt clairement, mais je ne sais pas si c'est ton cas. Comment tu perçois ta magie, en fait?"

Comment je... percevais ma magie?
... Bonne question. J'avais toujours été tant obnubiler par sa nature contraire et ses possibilités, que je n'm'étais jamais vraiment demandé comme je la "visualisais".

"Aucune idée de si ça vient d'Aliaénon plus qu'autre chose. La piste des fluide s't'Yliria qui m'l'a donné, et des informations qu'j'ai glané à droite à gauche ça semble la solution la plus probable.
Quand à être plus précis, c'est... difficile. Je comprends pas très bien moi même ce que je ressens.... Enfin, sauf la partie sur la sensation de brûler, ça, c'est plus que clair...

J'ai toujours eu...cette...petite chaleur en moi depuis que j'ai ce po... que j'ai conscience de ce pouvoir. Mais la, c'est tellement plus...intense...
Avant, c'était comme une...petite boule d'énergie en moi, dans laquelle je puisais quand nécessaire. Elle était... chaleureuse, réconfortante, mais elle faisait aussi un peu... mal.
La...la c'est...grand, tellement plus grand... Etouffant presque... Mais bizarrement... Je me sens être consumé mais j'arrive pas à savoir si c'est... douloureux ou pas...."


Je me mis à regarder une des brulures sur la ma main droite, presque absorbé par cette dernière. Comme dans une transe, je la fixais, me remémorant comment je me l'étais fait, par accident en essayant de lancer un sort. Je réentendais les échos autour de moi, les cris de surprises, de colères... Les rires aussi... Et c'est phrase..."C'est contre nature!". "C'est contre nature!" "C'est contre nature!"







"C'est contre nature!"







"...Ptet que revenir dans ce corps à "réveiller" l'incompatibilité du feu et de mon bois?"

"Non, je ne vois pas pourquoi ton corps se mettrait subitement à rejeter tes fluides. En revanche, ce que tu me dit sur la boule qui grandit... ca me parle plus . Ca me rappelle deux événements, dont le plus récent est ce qu'on appelle l'Ordalie. C'est un rituel mené par les Dieux de Yuimen qui permet à un mortel d'emmagasiner plus de fluides dans son corps. Même si tu as été en contact avec le Sans-Visage qu'on peut considérer comme l'égal d'un Dieu, ca me semble improbable : l'Ordalie ne peut être qu'orchestré par le Dieu qui incarne littéralement le fluide du mortel, et notre magie est complètement inconnue du Sans-Visage.
Pour le deuxième événement, en revanche... Est ce que tu as la sensation de ne faire plus qu'un avec tes fluides ? Comme si tu atteignais une sorte d'harmonie, de symbiose avec eux ?"



L'ordalie? Oui, ce vient concept, ils en parlait aux temple... Un principe fascinant, mais que je redoutais... Une fausse preuve de respect et de reconnaissance, qui n'était qu'une autre façon pour les divins de faire courber l'échine aux mortels trop puissants...


"J'connais le principe de l'ordalie, ça aurait aucun sens effectiv'ment... Mais de l'harmonie?
De l'harmonie..."


De l'harmonie? Entre moi et les flammes? Non, non, c'était impossible... ou l'était ce vraiment? Le feu et moi nous avions une relation... conflicutel. Il m'avait prit tant de choses, et je me battais contre lui, mais d'un autre coté, je me languissais de la chaleur, de ses caresses. Au fond du trou, quand il n'y avait plus rien ni personne pour moi, le feu, lui, m'enlaçait toujours avec la tendresse et la même violence...
Mes doigts se mirent à passer lentement sur les brulures, placées sur tout mon corps. Au touché, chacune d'entre elles ravivaient des sensations et des souvenirs si clairs, si intenses, si vifs.
Non, le feu et moi nous n'étions pas en harmonie... nous étions dans une relation malsaine, toxique, mais dont on essayait de tirer parti, chacun à notre façon.
Mais cette chose en moi... Cette chose qui me caressait de l'intérieur... Elle était comme le feu, mais pourtant, pourtant ce n'était pas pareil... Il n'y avait pas le coté douloureux, juste... un truc dont je n'arrivais pas à savoir si c'était positif ou pas...
Et la, je réalisai enfin... enfin ce qui était différent: je ne brulais pas... J'étais celui qui brulait. Je brulais, et en même temps, je brulais. Ce feu en moi faisait parti de moi: j'étais la flamme et j'étais le bois...

Sortant enfin de ma transe, je répondis à Akihito, encore perturbé par ma réalisation:


"...Oui...Oui, y a un peu de ça... Comme si je brulais...mais que j'étais à la fois le combustible et la flamme....

.....ça voudrait dire quoi?"


Akihito prit une grande inspiration, visiblement prêt à expliquer quelque chose d'assez long et complexe. Je cru percevoir, au fond de son regard, une once, une goutte, une pointe d'excitation.


"Ça voudrait dire si mon hypothèse est correct. que tu as une affinité avec les fluides de feu, Drac. Bien plus prononcée que la majorité des pyromanciens. Moi par exemple, je suis mage de foudre. Et au delà des fluides que j'ai pu ingérer comme le ferait Mathis ou Silmeria, je n'ai pas besoin de puiser dans mes réserves pour projeter de la foudre. Je peux le faire autant de fois que je le souhaite sans me fatiguer. Et toi aussi, peut être. Enfin ça, c'est si on était sur Yuimen. Mais là pour lancer des sorts, il faut... il faut..."

Il s'arrêta, dégaina son marteau, et d'un geste, le couvrit de flammes, avant de me le montrer.

"Ça, c'est ma capacité d'enchanteur. Recouvrir mes armes de mon élément. Comme Yli. Et ça ne puise pas non plus dans nos fluides. Et pourtant, ni elle ni moi n'avons jamais échoué à le faire sur Aliaénon... c'est pas de la magie à proprement parlé. C'est... un don. Un talent inné chez nous..?

Comme pour mes marques de foudre. Je n'ai pas besoin de faire appel à mes fluides pour les utiliser. Des fluides qui sont bloqués ici. Et remplacés par la magie d'Aliaénon. Mais alors..."



Il se mit à chercher quelque chose du regard, et son attention se focalisa sur une pierre, au loin.


"Je vais tenter quelque chose en lien avec la magie, Drac. Reste là, des fois que je me trompe."

Oh? La comme ça? Il allait...lancer un sort? Akihito, le type qui m'avait incendié quand j'lui avais dis de pas abandonner la magie à cause de quelques échecs? Le type qui était traumatisé de sa mort provoquée par un sort raté?
Cet Akihito la était prêt à se lancer, sur un moment d'excitation, dans une expérience ésotérique?

....

J'étais si fier!

Il s'éloigna d'une quinzaine de mètres, pointa son cailloux du doigts, et la, un trait de lumière parti à toute vitesse faire sa cible, laissant une claire trace sur cette dernière. Au loin, je l'entendis dire:

"C'est vrai que mes revêtements élémentaires n'ont jamais été de foudre et ont changés à chaque fois. Presque aléatoire. Aliaénon a quand même une influence... mais ça ne devrait pas...?"

De ses doigts jaillir t'alors des éclairs, puis de l'eau, puis du feu... Après quelques autres rotation élémentaire, il se tourna vers moi, avec une expression que je n'avais vu que trop peu sur lui: un sourire. Un sourire qui mélangeait satisfaction et excitation.


"...ça marche. Putain Drac ! Ça marche. Soit j'ai une chance indécente, soit ma théorie est vérifiée. Et si j'ai raison te concernant..."

Il sauta presque de joie. En même temps, si ce qu'il disait venait d'être prouvé, oui, il y avait de quoi! Il avait peut être trouvé une façon de manipuler un pan de la magie de Yuimen avec des risques minimaux. C'était une excellente nouvelle pour lui.
Et la, il se mit à me regarder, un peu incertain, et me fracassa avec une phrase dont la portée dépassait probablement ce qu'il pouvait imaginer.


"Alors toi aussi t'en es capable."


Moi? Capable de ça? Non, non non non, je maitrisais pourtant si mal mes fluides. Non, mais il avait dit que c'était inné, naturel... Non, ça n'aurait aucun sens, j'veux dire... j'étais pas née avec ces pouvoirs. Je l'ai avais acquis, consommé, obtenu via une fiole. Ma peur et fascination pour le feu était à but altruiste, mais aussi égoïste, et malsaine à souhait.
Alors pourquoi? Pourquoi moi? Pourquoi aurait-je une telle capacité?

Non, non, je devais savoir. J'avais passé tant de tant à me concentrer sur la nature du feu et de sa magie que j'en avais oublié la nature de MA magie! Il me fallait vérifier, tester ça. Et la chaleur en moi qui bouillonnait de plus en plus... Elle était moi, elle ressentait ce que je ressentais! Elle voulait sortir, sortir!


"........M'sieur Sabbar... m'avait conseillé... de me..."décharger" quelque part....
Et ça serait si...ironique...
Peut être que....
Peut être que.............."


Sortir...SORTIR! SORTIR!
Je regardais mes mains... oui... oui, je voulais sortir de moi même, faire cette énergie jaillir comme une braise. Ca n'était pas de la magie, ça n'était pas du fluide, c'était moi! Juste moi, depuis le début. A avoir dansé avec les flammes toute ma vie, elle avaient finit par devenir une part de moi! Une part naturelle!

"Reculez..."

Regardant un cailloux se trouvant à un mètre de moi, je pointai ma main dans sa direction, aspirant et me concentrant le plus possible. Oui, oui, ça n'avait absolument aucun sens, mais j'allais le faire. Du feu allait naitre naturellement de mon corps! Je le sentais, il parcourait ma sève, mon écorce, il fonçait au niveau de ma paume!

OUI!

OUI!!!

OUIIIIIIIIIIIIIIIIIIII!!!


Un petit éclair parti soudainement de ma main et s'écrasa le cailloux.


......................................................Bon sang....d'bonne sève.......................


ça avait vraiment marché...


Image


J'entendais Akihito foncer vers moi et m'attraper le bras... Il me disait de faire attention ,qu'il fallait pas tester ça à la légère... enfin, je crois... Je... savais plus trop ou j'en étais. Mon cerveau avait grillé avec cet éclair. ça... n'avait tellement... pas de sens... ça changeait... tellement... tout....



"........................................................................................................gné?"




"C'est ce que j'expliquais plus tôt, Dracaena. Ici, la magie n'est pas basée sur des forces élémentaires. Alors si nous pouvons manifester ce don que j'ai -et que tu sembles avoir, il va falloir vérifier que ce n'est pas juste un sort un peu raté- nous n'avons pas le contrôle total sur ce qui va sortir."

Je n'avais pas la force... d'encaisser tout ça tout de suite. Ca... ça changeait tellement de chose. Ca changeait tellement de chose sur la nature de l'oudio... Sur mes objectifs... Mon... but... était en fait bien plus atteignable que ce que j'imaginais?

"....C'est....ce....Je....
....vous....n'imaginez pas.... ce que cette découverte.... signifie pour moi..... Kha....haha....haha...."


Non, ça n'allait pas, ça n'était pas moi ce vieux rire tout pourri. Mon ton devient brusquement très sérieux, et je regardai Akihito droit dans les yeux.

"Je suis trop fatigué pour le faire, mais considérez que je viens d'éclater d'un gigantesque rire et que j'me suis mit à danser. Le style de votre choix, tant que vous imaginez qu'ça vous en met plein la vu (et qu'c'est un minimum sexy)."

Avant de retombé complètement dans mon état abasourdi.

"Vous... vous...avez raison... faut pas crier victoire trop vite...
Vous...pensiez à quoi en lançant...ça?"


"La magie, c'est très personnel. Ce sera à toi de voir comment tu la perçois et comment tu es le plus à l'aise pour l'utiliser. Par contre je peux te donner mon point de vue, et tu en tires tes propres conclusions."

Il pointa le centre de sa poitrine.

"Je visualisais mes fluides comme toi, sous la forme d'une boule d'énergie dans laquelle je puisais pour lancer mes sorts. Ils parcouraient alors mon corps généralement jusqu'à ma main, je leur donnais la forme que je souhaitais et le sort se manifestais. Avec plus ou moins de réussite, évidemment. Mais depuis que j'ai eu cette... prise de conscience, je n'ai plus de "réservoir" de fluide. C'est devenue une partie intégrante de mon corps et mes fluides circulent en permanence dans mon corps, comme si c'était du sang. Ca ne change pas ma façon de lancer mes sorts, mais j'ai senti que ce circuit continu avec ouvert une porte, comme une sorte de propriété autogénératrice. Comment expliquer ça... Ah, tu vois comme lorsque tes fluides se régénère d'eux même avec le temps, après une nuit de repos ? Eh bien là, c'est pareil, mais en continu. Les sorts complexes ou puissants me demandent toujours de piocher dans ma magie, mais si c'est une simple projection élémentaire pure sans forme ou but distinct... Ca ne me demande que peu de magie. Et ce peu de magie, mon corps est capable de le générer de lui-même. C'est comme ça que j'arrive à utiliser cette capacité autant que je le souhaite."

Cette explication... ça me rappelait les cours que nous donnaient les anciens quand j'étais enfant... Que tout ce qui était avait besoin d'énergie, et que nous, oudios, utilisions des énergies très différentes des autres êtres vivants...

"Comme générer l'énergie qui fait bouger notre corps... J'avais lu des choses à ce sujet, mais je ne pensais pas que ça se manifesterait... comme ça.
Sur moi surtout...
Je me... demande pourquoi maintenant?"


"Le hasard ? Une réalisation soudaine ? Le transfert de corps ? Je suis d'avis que lorsqu'on parle de magie, on est pas tous égaux. Certains naissent avec un don, d'autres non. Ca ne s'invente pas, c'est comme ça : tu avais cette capacité en toi depuis ta naissance mais tu l'ignorais. Comme Yli qui peut invoquer Ssussun quand j'en suis incapable, et je crois bien qu'elle ne l'a pas apprit auprès d'un autre invocateur. Evidemment ça ne s'applique sûrement pas à tout ce que les mages de Yuimen sont capable de faire."

"ça.... va m'demander plus de recherche... Plus de réflexion... Beaucoup plus... Mais... La, j'ai une piste déjà plus...concrète!

Merci pour ça m'sieur Akihito! J'vais... éviter de faire n'importe quoi avec cette découverte pour le moment, mais si ça continue de fonctionner ça nous offrira plus d'options. Faudra prévenir les autres de ça..."


"On les préviendra bien sûr. Il y a juste un truc qui me dérange."

Il claqua des doigts, et un projectile élementaire fila de sa main en direction du ciel. Puis, il regarda sa main, une gêne visible sur son visage.

"C'est presque trop simple. Sur Yuimen, c'est pas aussi ridiculement rapide, et il me semble que c'était plus puissant aussi. Et je suis pas sûr que troquer la force contre la rapidité soit vraiment avantageux dans ce cas là. Il faudra que je vérifie la prochaine fois que j'aurais à toucher une cible vivante..."

"Sur Yuimen, ça avait toujours le même niveau de puissance?"

"Non, comme n'importe quel sort. Mais c'avait plus d'impact dans mes souvenirs. Je me trompe peut-être."

Etrange effectivement. Ce principe avait donc gagné en vitesse et perdu en puissance? Pourquoi donc? Serait ce parce que nos pouvoir étaient plus "modéré" sur Aliaénon?
Il faudrait essayer dans plusieurs situations, plusieurs états d'esprits. Avec des mages du coin qui nous aide à canaliser le principe aussi...
Tant de chose... tant de choooooOoOoOouuuuula....
J'avais faillit m'effondrer une fois de plus. La, j'atteignais clairement mes limites. Plus tard les test, les réflexions et tout l'tintouin! La, il fallait que je me pose!

"Hm...Dans tous les cas, ça demande plus de test. C'est un pas vers l'avant. Un pas surprenant et à cloche pied, mais un pas.
Je pousserais tout ça après...un peu de repos je pense. Je ressent... la fatigue qui revient.... Keeeeerf.... ça fait beaucoup d'émotions et d'informations pour... un moment."


"Tant que tu ne fais pas tes tests tout seul dans ton coin. Mais oui va te reposer. Profites-en si la fatigue te rattrape."

"Ouais...dans mon coin... J'ai l'habitude pour ça... Mais content d'voir...vot' volonté...curiosité...rev'nir!"

Tester des trucs dangereux à l'abri des regards, j'avais fait ça pendant des années... Ramassant mon seau et commençant à partir, je me tournai une dernière fois vers le sympathique humain:

"Et vous? Vous...comptez faire... quoi?"

"Monter la garde, comme prévu."

Kmpf. C'était noble de sa part. Mais il fallait qu'il fasse aussi attention à lui. Après, ptet qu'une partie de lui voulait se prouver qu'il était encore capable d'effectuer ce genre d'activité...

"Keh.... Bonne chance à vous... Pensez à vous...reposer un peu aussi...

Ah, et...encore merci."


Je lui fis (péniblement) une courbette, qu'il, à ma grande surprise, me rendit. Tournant les racines, je me dirigeais de nouveau, seau en main, vers les souterrains, cherchant à retrouver la pièce aux cuves où se trouvait toutes mes affaires. Mais au détour d'un couloir, je reconnu une silhouette familière: Xël.
J'appréhendais de discuter avec lui, vu sa froide réaction à mon égard la dernière fois, mais si j'pouvais l'avoir la pour parler du cas de Simaya...


"...Ah! M'sieur Xël, z'êtes occupé? J'ai quelques trucs à vous d'mander!"

« Oui ? »

"Pas grand chose, juste... Il s'est passé quoi avec m'dame Simaya? J'l'a trouve nulle part, et j'me souviens que l'Sans-visage l'a mentionné à un moment.
Elle...Elle est pas morte hein?"


"Je ne pense pas non. Elle est partie sans rien dire à personne. Enfin... elles sont partie plutôt car en la sauvant j'ai aussi sauvé son double."

"Son double? Quel doub...Oh.....OH..... Vous voulez dire.... Son double du cristal?!!"

"Oui c'est ça."

"Que...gue...C'est...Ces choses peuvent être concrètes? Réelles?! Est s'qu'elles gardent leur propriété une fois hors du cristal? Est ce que frapper le double frappe la vraie Simaya? C'est....Kaaaaah, tellement de question... Moi qui pensait qu'être dans l'corps du gros loup serait la chose la plus bizarre de la journée..."

Je me mis à me masser les branches, ma tête sur le point d'exploser... Sérieusement?! Après tout ça, encore une nouvelle rocambolesque?! Les doubles débile des cristaux pouvait sortir? Exister dans le même plan que nous? Je n'avais, définitivement, encore rien vu du monde...

"J'sais pas s'que vous avez d'prévu, mais on devrait essayer d'la retrouver, non?"

« Comme je le disais à Akihito un peu plus tôt … ça nous prendrait une énergie et un temps considérable. Nous n’avons aucune piste pour la rechercher dans la région et même si nous les retrouvions, on ne pourrait pas la faire changer d’avis. Pour ma part je vais retourner à Messaliah pour activer les pierres de vision. »

"On ne pourrait pas les faire changer d'avis? Comment ça?
Quand à vot' voyage vers Messaliah... J'imagine qu'vous connaissez les risques d'y aller? Bah, j'suppose que vous êtes connu la bas en bien de toute façon. Vous comptez vous y rendre seul?"


« Si Simaya est partie c’est qu’elle avait une raison et ce n’est pas une femme à qui on dit ce qu’elle doit faire. J’irais avec ceux qui veulent m’accompagner. »

"De bonnes raison, hum? ...Espérons qu'ce soit ça...
Soit, merci des infos. Une dernière question et j'vous laisse tranquille après: vous avez déjà eu la sensation qu'vos fluide sont devenu... plus puissant? Plus intense? De les ressentir plus? "


« Sur Aliaénon tu veux dire ? Oui et ça n’a rien d’étonnant. »

"Oh...Oh, si vous le dites... La sensation me semblait différente pourtant... Comme si...je brulais de l'intérieur...
ça faisait pas ça avant qu'je retourne dans mon corps."


« Eh bien… plusieurs choses pourraient l’expliquer. Si ton précédent corps n’était pas habitué à la magie, le fait de reprendre un corps qui en est pour abondamment parcouru pourrait te donner l’impression d’un barrage qui explose à cause de la différence entre les deux. Puis la magie est présente un peu partout ici et nous sommes dans une région où elle est puissante, sans oublier la présence du sceau magique à proximité… Ça aussi ça peut te donner ce sentiment de magie bouillonnante en toi. J’avais ressenti la même chose à côté de l’âme du Sans-Visage. »

"Peut être ça... peut être ça... C'est vrai qu'il y a beaucoup de facteur non "naturel" à ma situation...
J'y réfléchirais, merci bien m'sieur Xël..."


« Je t’en prie. »


La discussion c'était... mieux passé que prévue. Pour la 4ème fois. J'avais définitivement du mal à cerner Xël, son altruisme et son égocentrisme s'affrontaient régulièrement, échangeaient de place même... Etait ce un gars un peu taciturne mais toujours prêt à aider ou un type cachant ses émotions et se méfiant de tout et tout le monde?

Keargh, de toute façon, j'étais trop épuisé pour vraiment réfléchir à tout cela. L'important, c'était que Simaya n'était normalement pas morte... Je m'inquiétais pour elle, mais Xël la connaissait mieux que moi. Si il disait qu'elle s'en sortirait seule... Enfin...Seule à deux....
....Mouais. J'étais absolument pas convaincu.
Mais la, tout de suite, je ne pouvais rien y faire....

Reprenant ma route, je fini par retrouver la salle des cuves, et tout mon barda qui trainait sur le sol dans un coin. Je ramassais baluchon, objets et équipements en vitesse, sans trop chercher à vérifier ce qui manquait ou pas. Mais, clairement, mon baluchon semblait un peu plus léger. Non, la j'étais trop épuisé pour faire les comptes, et surtout, je voulais récupérer LE truc le plus important: mon seau! Le mien à moi!

Désormais équipé de deux seau, passant chacun autour d'un bras, je pris ensuite la direction du puit où m'avait amené Zacara plus tôt dans la journée. Une fois arrivé, je puisai de l'eau avec chacun des seaux, avant de les poser au sol et d'y tremper mes deux pieds. Mes affaires posées à coté, j'écartai les bras, tendis les doigts, prenant la position traditionnelle d'un oudio qui dort: le corps ouvert, étendu, cherchant à capter chaque brin de soleil, chaque morceau de vent, chaque once de nature qui se trouvait à proximité. Et enfin, comme si elle avait attendue ça toute la journée, ma conscience s'effondra, et je m'endormis dans ces positions, la lueur de mes yeux disparaissant progressivement, jusqu'à devenir complètement invisible...





De retour au même endroit....

Il fait sombre, mais cette fois ci, tout est visible.

Je peux sentir le vent me caresser le visage...

Les bruits et les voix sont de retours, et ne sont pas difformes: tout est clair, audible.

J'entends tout... Des cris, des hurlements... Des rires... Plein de rires différents... Gras, aigu, ils résonnent de partout, impossible de les fuir...

J'ai l'air d'être dans une forêt. Je peux voir des arbres partout autour de moi. Un point d'eau à coté. Ca ressemble à une clairière. Il y a un coté reposant à l'endroit, baignée dans des teinte vertes et bleues, l'endroit à un coté presque enchanté. Les rires résonnent toujours autant, je pourrais presque les palper... Tendant le doigt, je sens l'un d'entre eu me toucher.

"HA" qu'il apparait. Comme une grosse bulle colorée, les lettres se forment sous mes yeux. Les toucher reprovoque le rire, mais plus distinctement. Je tends la main vers la droite, et un "OH", fait son apparition. Lui est plus élastique, il rebondit même sur le sol, tournant autour de moi, relâchant son son à chaque fois qu'il s'aplatit avant de repartir. Et la, derrière une feuille, j'aperçois un "HI". Caché, presque timidement, je tends ma main vers lui pour l'attraper. Il est doux, tendre, comme un oisillon. Je le caresse un peu, et lui aussi relâche son son à chaque mouvement de mes doigts, comme un ronronnement euphorique.

Mes doigts galopent sur lui, sautant vers le vide, atterrissant sur un nouveau "HA". Puis un autre, et un autre, et un autre. Sautant en rythme je composais une musique, un air de joie avec tous ces rires. Mais quelque chose attirait mon attention. Un bruit, un bruit tout petit , précédemment, qui montait, montait, montait.
Un crépitement. Enfin, ça ressemblait à un crépitement. Mais plus le bruit devenait puissant, plus les petits "HA", "HI" et "OH" rapetissaient. Ils devenaient de plus en plus petit, au point de tenir entre mes deux doigts. Et la, très clairement, quelque chose les écrasa.

"KRAH"

Le crépitement?

"RAH"

Non, ça n'était un crépitement...

"HAH"

C'était.... c'était un rire. Mais d'un autre genre. Lui, était tordu, cassé. Les lettres qui apparaissaient devant moi étaient déformées, certaines semblaient presque tranchantes...

Je me rendit compte qu'elles se dirigeaient tout au même endroit. Et la, les suivant du regard, je les vis tournoyer, danser autour d'un point, d'un point précis. Le seul endroit de la forêt qui n'était pas vers. Qui ne baignait pas dans une ambiance bleutée. Non... Non... il n'y avait que deux couleurs...

Les siennes:



Image



Il était la, attaché, et riait à gorge déployé. Autour de lui, sur le sol, les petites lettres tremblaient, pleuraient sur des masses informes... Du tissus... de la chair...brulée... Des gens?
Celui qui était attaché riait de plus belle, tandis que ses flammes rougeoyantes s'attisaient de plus en plus, comme si elles suivaient son rythme.

Puis, son regard sur moi, et il arrêta de rire. Il sembla remarquer quelque chose, au dessus de moi. Et lentement, un sourire se dessina sur son visage, un sourire si large qu'il déchira presque sa tête en deux.

Et il repris, riant encore plus fort, plus intensément que précédemment. Il n'arrêtait pas, sa bouche s'ouvrait dans des proportions terrifiantes.

Et c'est la que ça me frappa.

Ce petit détail... une sorte de reflet, qui furtivement m'aveugla. Je me mis à regarder le ciel, au dessus de nous, et je remarquais un cadre. Un cadre fait en bois charbonneux, couvert de cendres. Il englobait celui qui était attaché, et tout ce qui se trouvait autour de lui.


C'était le plus grand miroir que j'avais jamais vu de ma vie.

Et je restai la, à le regarder. A regarder ce reflet attacher rire et bruler.

Je n'étais pas attaché, mais je ne pouvais pas bouger. Ou peut être ne voulais-je pas bouger?

En tout cas je restai la... A le regarder...

Jusqu'à la fin des temps, le regarder, bercé par cet horrible rire....








[J'utilise un bon "Créatif" sur ce post.]

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Re: Lande Noire

Message par Cromax » dim. 20 août 2023 15:34

Cauchemar en Aliaénon : Lande Noire (bis) XI



Alors que chacun s’éveillait, sortant plus ou moins frais de cette nuit plus ou moins reposante aux rêves colorés et discussions animées, Yliria mettait déjà tout en œuvre pour réunir les uns et les autres pour décider des objectifs du jour. Même après avoir perdu les 3/4 du groupe juste après la dernière. Dont Simaya qui n’avait toujours pas reparu. Il leur fut dédié un espace au cœur de la salle du campement, auquel Visselion se joignit naturellement. Maïssa, Ibn et Teruki étaient eux aussi présents. Il leur fut porté à connaissance que Trifalgin et sa forme draconique si brumeuse avait été réquisitionné pour surveiller les alentours. Seul. Apparemment ça suffisait, et Xël était l’unique ici présent à savoir pourquoi. Beaucoup de locaux dormaient encore, quant à eux, épuisés physiquement et mentalement des derniers jours.

Qui parmi les yuimeniens se rendrait à cette réunion ? Comment se déroulerait-elle ? Certains hères d’Aliaénon présents en seraient-ils exclus ? Chacun pouvait le décider en âme et conscience. Ou faire tout autre chose.


[HJ : Discussion générale ouverte pour ceux qui participent à la réunion. Système de tour classique, terminé par une intervention de ma part. Je pourrai faire des entrefilets au cas où une question précise est posée à un PNJ. Ceux dont le personnage ne s'y rend pas, prière de le préciser dans la partie coordination.
Les XP arrivent, mais comme ça vous avez la mise à jour sans plus attendre.]


[XP :
Xël : Noté quand complété.
Jorus : 4 (apartés), 0,5 (rêve), 0,5 (autres)
Mathis : 2,5 (apartés), 0,5 (rêve), 0,5 (autres)
Yliria : 1,5 (apartés), 0,5 (autres)
Akihito : 4 (apartés), 0,5 (autre) (Bon de l’émotif : 9XP.)
Silmeria : 1 (apartés), 0,5 (rêve), 0,5 (autres) (Bon du créatif : 4XP !)
Dracaena : 3 (apartés), 0,5 (rêve), 0,5 (autres) (bon du créatif : 8XP !)]


[Les mots :
Akihito : 10 points. (Tu aurais quand même pu bien accorder matutinal)]


[Les bons :
Jorus : Le Roi de la Négoce, L'émotif.
Mathis : Le Roi de la Négoce.
Akihito : L'Emotif, Le Roi de la Négoce.
Silmeria : Le Créatif.
Dracaena : Le Roi de la Négoce, le Créatif.]

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