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La puissance de ma magie est bien au-delà de ce à quoi je m’attendais. Les flux magiques aux reflets gris se muent en une véritable tornade, protégeant complètement la tour des projectiles sombres qui se dirigent dessus. Deux boules sont même prises dans les tourbillons avant d’être renvoyées dans la masse sombre et grouillante, provoquant un cri de rage qui déchire le ciel. J’assiste alors à l’apparition d’une créature immense et terrifiante, flottante, semblant faites de bois et d’ossements grisâtres dont des tentacules semblables à des racines fouettent l’air et l’ancre au sol. Elle possède deux mains aux longues griffes au bout de deux bras cauchemardesque qui m’ont l’air de pouvoir tout atteindre tant ils sont grands. Je crois distinguer la silhouette de deux ailes d’insectes dans son dos, dissimulées en partie par la pénombre du ciel noir juste au dessus de la créature. Enfin je peux apercevoir un oeil brillant d’un vert inconfortable qui fixe la tour et plus bas, au sein de sa poitrine, de la même couleur, se trouve ce qui pourrait se confondre avec un coeur.
Un souvenir désagréable se calque sur cette chose qui me fige sur place et fait vibrer tout mon corps alors qu’elle pousse à nouveau un cri. Mon esprit est frappé par le souvenir de Fan-Ming, par le réveil du Titan qui s’est extirpé de la terre en écrasant les armées envahissantes de ses immenses tentacules. J’ai un sentiment étrange, toutes ces sensations d’avoir déjà vu ou connu ce que je croise ici. Cette structure dont je suis le gardien me rappelant la Tour d’Orsan. Ce monstre qui ressemble à un Titan. Même la magie, bien plus puissante, presque incontrôlable et qui me paraît illimité. Est-ce une coïncidence ? Lors de mon Ordalie ? Rana aurait une oreille qui traîne sur Aliaénon ?
En parlant de magie, voilà qu’elle se manifeste à nouveau alors que la masse sombre se met à charger. Les vents encerclants la tour s’envolent pour se scinder en cinq volutes épaisses et tourbillonnantes qui viennent ensuite s’écraser au pied de la tour pour former cinq entités identiques. Des incarnations de magie d’air habillées d’une robe blanche aux bordures d’or et d’un bâton sans aucun doute magique. Des élémentaires d’air qui se tiennent à mes côtés pour défendre le savoir absolu que renferme le bâtiment contre cette armée qui nous fonce dessus. Une nuée sombre dont les silhouettes se dessinent peu à peu, dévoilant des ombres humanoïdes dont le torse et le crâne décharnés luisent d’une lueur orange infernale m’évoquant la fureur et la destruction. D’autres, plus grandes, des branches aux ramifications chaotiques au sommet du crâne, brûlant intérieurement d’un feu terrifiant qui s’extrait de leurs orbites et des autres ouvertures que forment leurs squelettes d’écorces calcinées.
J’observe mes alliés, qui m’observent à leur tour. Des courants d’airs virevoltants en guise de visage qui s’inclinent comme dans un accord collectif et un souhait de bonne chance. Les autres gardiens invoquent alors leurs fluides magiques pour ralentir la vague de ténèbres en faisant résonner la tempête dans les plaines, allant au devant des larbins du Titan. Je sors à mon tour de la tour et je comprends instinctivement que je peux contrôler ces mages d’airs, que je peux me reposer sur eux. Parmi eux, deux se détournent de l’assaut grouillant qui tente de surpasser les vents par le nombre pour me viser de leurs sorts, bâtissants de leurs corps des murs et projetant par dessus les courants d’airs violents leurs semblables pour nous atteindre. Je sens une puissante magie d’air virevolter autour de moi. Je connais cette sensation. Je reconnais ces sorts. Un cor au coeur de la tour résonne avec en écho une réponse venant de loin et qui me laisse espérer que c’est une réponse à un cri d’alerte.
Je me mets à courir, porté par la furie zephyrienne et l’aura venteuse qui me transforme en véritable rafale de vent, m’approchant à grands pas des créatures qui s’avancent. Des volutes d’air m’entourent alors que le choc est proche. Dans ma main droite se façonne une épée à la garde grise et à la lame aux reflets azur. Je charge à vitesse folle alors que le vent qui m’entoure explose, couchant la première vague que je rencontre et qui me permets de rentrer dans les lignes ennemis en direction des plus grosses créatures. Plus loin un autre gardien refait un trou dans la masse de silhouettes avec un cyclone qui ne laisse debout dans l’oeil qu’une seule créature qui tend ses bras vers moi. Mais je suis trop rapide et sa tête se sépare du reste de son corps alors que je passe comme une rafale avant de poursuivre mon avancée et que derrière moi le monstre sans tête se transforme en cendres avant de toucher le sol.
Mais les ennemis sont encore nombreux et les autres gardiens ont besoin de se défendre en invoquant ouragans et tornades. Je poursuis seul pour neutraliser les monstres les plus imposants tandis qu’ils s’occupent des plus petits. Un cornu lève d’ailleurs son bras en me regardant de son oeil mauvais, brillant d’une fureur encore plus intense. Je bondis pour pénétrer dans un portail, apparaissant devant le membre gris suivi par le flux d’air qui voltige autour de mon corps. J’attrape mon arme magique à deux main et donne un grand coup vertical pour trancher la branche menaçante qui se sépare du tronc squelettique pour tomber en cendres. Je regagne le sol, un coussin d’air sous mes pieds pour atténuer la chute, une munition mono-élémentaire devant moi pour repousser un larbin qui disparait dans un nuage de poussière sombre. Je me baisse, poussé par mon aura venteuse, évitant le second bras du cornu qui tente de me faucher la tête. D’autres larbins s’approchent, attaquant de concert pour me surpasser par le nombre. Je dresse mon épée et me laisse porter par les vents, tranchant les bras qui essaient de me saisir avant de me glisser sous les jambes du monstre cornu alors que celui-ci fait appelle à des fluides sombres qui s’en prennent à ses alliés qui se décomposent pour reformer le bras coupé qui se scinde pour devenir de longues appendices griffues semblables à celles de son maître qui flotte au dessus de nous.
Je taille dans l’écorce, traçant un sillon orangé et arrachant un cri de colère qui résonne comme un feu qui crépite. Trois larbins me chargent en même temps que le cornu qui lève son bras. Heureusement le vent infernal d’un gardien lui percute la mâchoire, rependant un sillon de cendres et de braises pendant que je m’occupe des plus petits. Guidé par ma magie, j’esquive l’assaut du plus rapide, saisis son poignet de la main gauche, le tranche de mon épée magique, me retrouvant avec un bras entrain de se dissoudre que j’utilise pour frapper un autre assaillant en plein visage. Le troisième en profite et parvient à passer mes défenses. Heureusement un autre sort m’épargne d’une blessure, celui appris contre Crean Lorener et qui me permet d’atténuer le coup grâce à une armure d’air qui se gonfle entre moi et la créature. Je n’ai pas le temps de répliquer que mon aura me pousse en arrière pour esquiver un nouveau coup de patte de la grande cornue qui fait disparaître ses alliés entre ses griffes. Je rassemble ma magie dans ma main gauche avant de la projeter dans un souffle magistrale vers le menton du monstre qui s’allonge d’un bon mètre avant de se décomposer puis voyant une nouvelle vague de larbin foncer vers moi je m’isole dans une tornade qui intercepte cette charge commune qui termine dans un nuage de cendres qui recouvre comme un voile épais les alentours.
Je quitte la terre ferme, utilisant la magie d’air de la plaine pour m’envoler et sortir de ce nuage grisâtre et étouffant. Je prends de la hauteur, jetant un oeil sur la bataille, sur la tour vaillamment défendue par les élémentaires d’air tout en m’interrogeant brièvement sur la phrase qui est apparu sur le pupitre de bois.
« Rien n’est plus important que le pouvoir. »
Quel est le sens de cette phrase ? Me demandais-je alors que mon regard se braque sur le titanesque titan qui couvre le ciel. Dois-je accumuler du pouvoir sans cesse pour protéger mes proches ? Le pouvoir est-il plus important qu’eux ? Jusqu’où puis-je aller pour en obtenir plus ? Jusqu’à envahir d’une armée une plaine déserte pour s’emparer de tous le savoir du monde comme cette créature ? Non. Assurément non. Alors quoi ? Je ne pense pas que la phrase soit apparu par hasard. Moi qui veut anéantir les ennemis de Kendra Kâr pour protéger mes proches. Est-ce que la situation n’est pas comparable avec un gardien prêt à tout pour défendre le savoir ? Dans ce cas je vais montrer la détermination que j’ai pour protéger ce que je me suis juré de protéger, la maîtrise de mes pouvoirs d’air acquis au cours de mes batailles et mon désir de réussir cette épreuve pour avoir les moyens de me dresser contre n’importe quel menace. Tout en affichant un mince sourire au Titan, je dresse un majeur dans sa direction avant de voir une colonne de pierre tomber du ciel.
Je l’évite de justesse et me tourne à nouveau vers la masse grouillante sous mes pieds pour voir un autre projectile de pierre me foncer droit dessus ainsi qu’un trait d’ombre venant d’un autre monstre cornu. Si je parviens à éviter le rocher je n’arrive pas à esquiver la magie sombre qui me percute de plein fouet et me cause une vive douleur à la poitrine. Je perds le contrôle de mes mouvements dans les airs en plus de quelques mètres de hauteur entre les autres projectiles qui me prennent pour cible. Je lâche aussi mon arme qui disparait aussitôt. Je me reprends, me redresse et saisie à l’aide de ma magie un rocher qui me fonce dessus comme une main saisirait une balle. La pierre est lourde mais comparé au troll c’est bien plus facile à diriger. Je tourne sur moi même en emportant le projectile, agissant comme une fronde avant de relâcher ma magie pour envoyer la roche s’écraser contre un amas de larbin qui s’approchent d’un gardien en difficulté avec en prime deux ailes de dragons d’un bleu horizon qui se déploient pour lui donner d’avantage de vitesse et ajoute à l’impact une puissance venteuse qui fait disparaître l’attroupement d’ombres.
Je sens la magie des élémentaires qui m’entoure à nouveau, me protégeant de leurs sorts alors qu’un autre trait d’ombre est dévié par l’armure d’alizée semblable à celle qui protégeait la tour. Je fonce vers un monstre cornu, fendant les airs à pleine vitesse en vrillant et roulant pour éviter les nombreux projectiles tandis que la magie repousse ceux qui m’atteignent. Je touche sol en provoquant un violent ouragan, soufflant tout autour de moi sur plusieurs mètres et faisant même perdre l’équilibre au géant cornu devant moi. L’instant d’après ce sont de fines particules grises qui tombent doucement sur le champ de bataille avant de provoquer un déferlement de bourrasques qui dévastent la zone, élevant un nuage de cendres et de poussières et me laissant seul face au cornu qui s’apprête déjà à riposter malgré la balafre fumante et rougeoyante à l’épaule que lui à causé mon sort.
Presque au ralenti, je le vois lever son bras avant de l’abattre. Son coup se confronte au vent infernal qui surgit de ma main tendu pour le contrer. L’onde de choc repousse la pluie de cendres et son pied s’écrase là où je me trouvais l’instant d’avant. Ils enchaînent les coups que j’esquive ou contre grâce à ma magie. Un combat dont la violence soulève les particules fines qui se mettent à gêner ma respiration. Un handicap qui permet à la créature de me toucher et me projeter plus loin dans un tas de débris volatils et sombres qui, avec le coup subit en pleine poitrine, me provoque une quinte de toux douloureuse.
J’entoure mon visage d’une bulle d’air, me séparant de ce brouillard vicié avant de lancer un vent violent vers ma cible qui projette une vague d’ombre vers moi. Les sorts s’entrechoquent, s’emmêlent, se tordent et s’étendent avant de s’élever vers les cieux dans un tourbillon d’air et de ténèbres, ainsi qu’un vacarme assourdissant, créant un mur de magie entre nous. Je n’ai pas l’occasion d’en profiter pour me reposer car de nouvelles silhouettes sombres se jettent à l’attaque.
Agissant à nouveau en groupe, elles m’encerclent et me sautent dessus. Une première m’attrape la jambe avant de disparaître quand une bourrasque élémentaire lui explose le crâne. Je m’élance sur le côté, chargeant de l’épaule un second assaillant qui après une courte surprise parvient à me frapper la mâchoire tandis qu’un troisième attrape à nouveau ma jambe et qu’un quatrième tente de me frapper. Un courant d’air me guide pour éviter le coup et d’une dague magique qui apparaît dans ma main, je riposte en la plantant dans la gorge d’un cinquième assaillant avant qu’il ne me saisisse le bras, laissant le champ libre à une dernière créature pour me frapper au ventre. Un cyclone me libère de mes agresseurs, les jetant au sol et me laissant souffler alors que le cornu traverse l’écran de cendres et de poussière en courant lourdement, les deux bras dressés avant de les abattre sur le sol, élevant des épieux dans un large rayon qui font un massacre parmi ses propres alliés. Je décolle du sol avant de me faire transpercer par les pieux de pierre et fonce vers la créature, accumulant dans ma main une boule de fluides qui devient tangible. Le cornu recule le bras, ferme le poing, prêt à frapper. Je dresse le bras, la bombe de fluides agités en avant tandis que le cornu décoche son direct, son poing venant percuter mon sort. Les sons que j’entends sont un mélange de bois qui se tord et se craque, d’un brasier qui crépite, d’un cri de douleur et d’effort. Des échardes volent dans tous les sens et m’éraflent les joues puis je sens un choc plus violent et perçois un vacarme d’écorce brisé. Comme un arbre qui cède pendant la tempête. Je perce le nuage de cendres et de braises pour rouler sur le sol avant de m’arrêter, ralentit par un vent allié.
Je dresse la tête et observe le chaos alors que je me retrouve proche des élémentaires, le souffle court mais mes réserves de magie toujours pleines. Devant nous les créatures sont toujours nombreuses, agressives et les sorts d’air ne cessent de causer des dommages importants. Je peux voir la créature que je viens d’affronter, s’écrouler avec la moitié du corps complètement arrachée, avant de se réduire comme ses autres semblables, en un tas de cendres qui recouvre désormais la plaine. Je reste désormais proche des autres gardiens et mêle mes sorts aux leurs pour faire reculer les vagues incessantes de monstres infernaux.
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