La Cour des Duels

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Yuimen
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La Cour des Duels

Message par Yuimen » mer. 27 déc. 2017 14:29

La cour des duels (ou cour des héros)

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La cour des duels est l'un des plus anciens bâtiments de la ville. Elle a été bâtie au même moment que le château lui même. Cet endroit est chargé d'histoire mais également de mystère. Laissé à l'abandon depuis des décennies, il s'éteint lentement au fur et à mesure que ses murs s'effritent. Toutes les entrées sont scellées par de lourdes chaînes dont les clefs ont été perdues. Le délabrement avancé des murs rend l'escalade dangereuse. Les gardes ont pour ordre d'arrêter quiconque tenterait de pénétrer en ces lieux de toute façon.

Ceux qui, malgré ces obstacles, parviendraient à entrer dans l'amphithéâtre seraient sans doute bien déçus. Plus petit que la nouvelle arène de Kendra-Kâr le lieu n'a rien d'étincelant. Le sable autrefois doré de l'arène se mêle maintenant à la poussière et aux gravats dans des teintes grisâtres. Les tribunes tombant en ruine pouvaient accueillir près de cinq mille spectateurs, prouesse technique pour l'époque mais qui représente moins de la moitié du monde qui peut désormais contempler les spectacles dans la nouvelle arène. Seule preuve de la gloire passée, quatre imposantes colonnes de marbre sont encore debout, formant un large carré dans l'arène. Curieusement, le temps semble ne pas avoir pas eu d'emprise sur elles. Dessus sont gravés en lettres d'or les noms des combattants qui se sont illustrés dans la cour des duels.

A sa construction, il ne s'écoulait pas une semaine sans qu'un nouveau nom ne s'ajoute à la longue liste. Le monument eut une époque de grande gloire qui lui valut d'ailleurs son nom officieux de "cours des héros". L'endroit était un lieu de rencontre pour tout un peuple. Les spectacles étaient gratuits et chacun venait, peu importe son extraction sociale. C'était une zone neutre. Les pires scélérats y côtoyaient les plus nobles figures de la ville. Aucun larcin n'était jamais commis dans l'enceinte du monument. Une loi fut même ratifiée, interdisant les arrestations au sein de l'amphithéâtre. La trêve tacite des lieux fut alors officielle. Cependant, dès les combats finis et les murs des arènes franchis, les règles revenaient. La milice essaya à plusieurs reprises de coincer des bandits connus de l'époque aux portes de la cours des duels. Ils n'y parvinrent jamais, les hommes de l'ombre disparaissaient toujours par des endroits inconnus des gardes.

Puis, un jour, tout s'arrêta. Un matin on trouva les entrées fermées et verrouillées. Il n'y eut aucune déclaration officielle et aucune explication ne fut fournie. L'ordre avait été donné par le roi de l'époque et nul ne sut jamais pourquoi. Le temps passa et tout le monde sembla se désintéresser de la question. Aujourd'hui, des milliers de personnes passent tous les jours devant ce monument tombant en ruine sans même lever les yeux. Seuls quelques anciens se rappellent de sa gloire d'antan. Pourtant, derrière ses apparences mortes, la cour des duels n'est pas encore totalement éteinte. Certaines nuits, pour ceux qui savent prendre le temps de les entendre, de mystérieux bruits proviennent de l'antique arène, tels des échos du passé...

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Marcy
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Re: La Cour des Duels

Message par Marcy » jeu. 22 mai 2025 23:06

L’Ombre sous la Lune

Après avoir rampé dans un tunnel étroit, puant et plus sombre que le cul d’un garzok, Marcy parvient finalement à une grille. Une toute petite grille, dernier obstacle entre elle et le dehors. Une grille rouillée, pas entretenue depuis probablement avant sa naissance et qui, d’un simple coup de poing, tombe presque en miettes, laissant la jeune fille s’extirper de son tunnel avec un soupir de soulagement. L’air frais du dehors et la clarté lunaire un peu faible à cause des nuages lui font un bien fou et elle reste allongée un instant sur le sol, malgré tout ravie de s’être sortie indemne de cet endroit puant. Reste que le boulot n’est pas fini et qu’elle n’a aucune idée du temps qui est passé. Elle se relève donc, observant les alentours avec curiosité. L’endroit est immense et constitué d’une grande cour de sable entouré d’imposants gradins de pierre, le tout formant un cercle presque parfait. Deux seuls couloirs en rompent la symétrie, un pour les gradins, l’autre pour la cour de sable. Cela lui rappelle un peu l’arène qu’elle n’a visitée qu’une fois. Sans doute une version antérieure que personne n’a osé démolir.

« Où es-tu, jolie boîte ? »

Après la courte observation des lieux, Marcy se met à explorer les ruines et elle se rend bien vite à l’évidence : le lieu est immense. Pour ne rien arranger, les décombres rendent l’exploration aussi difficile qu’hasardeuse, l’obligeant souvent à enjamber des pierres écroulées ou à ramper sous des piliers effondrés. Elle observe rapidement des fresques ou des sortes de listes qu’elle ne sait pas lire, inscrites en or directement dans le marbre d’une colonne. A force, elle commence à douter de sa capacité à trouver la boîte avant le lever du soleil. Même sans les éboulements divers, il y a pas mal de recoins à fouiller et elle n’a même pas encore visité la zone qui doit normalement exister sous la cour de combat, si tout a été fait comme dans la nouvelle itération du bâtiment. Pas question pour la jeune fille de retourner voir Jean sans la boîte, mais à ce rythme, elle est certaine de ne pas rapporter le colis à temps pour empocher le double de la prime. Une moue contrite sur le visage, elle tente d’accélérer les recherches, mais la fatigue commence également à se faire sentir. Elle baille longuement, puis se fige. Un bruit. Léger. Sec. Un cliquetis. Comme si quelque chose sautait sur la pierre. La rouquine se fige, le souffle court, l’inquiétude s’emparant d’elle.

« Il y a quelqu’un ? »

Elle regarde autour d’elle, sans rien voir. La pénombre ne facilitait guère sa recherche jusque-là, mais elle devient soudainement bien plus oppressante avec ce grattement soudain. Elle tend l’oreille, mais le silence est revenu aussi brusquement qu’il a été rompu et plus rien ne lui parvient alors. Pas sereine pour autant, elle tire sa petite dague de son sac, maigre protection face à l’inconnu qui semble guetter dans l’obscurité. L’idée de quitter les lieux se faufile dans son esprit, insidieuse, pressante, mais elle la chasse. Elle a besoin de cet argent, elle va trouver cette satanée boîte et prouver à Jean qu’elle est douée, qu’il peut lui confier des boulots qui rapportent. Elle inspire un grand coup et se remet à chercher, fouillant le moindre recoin avec assiduité, jusqu’à ce que, enfin, elle l’aperçoive. Une boîte, ornée de deux clés croisées. Un cri de victoire lui échappe et elle se précipite vers son trésor, la boîte, indemne, symbole de sa fortune à venir.

Toute occupée à se féliciter et à réfléchir intensément à quoi acheter avec tout l’argent que Jean va lui donner, elle ne perçoit pas tout de suite le son qui se répercute de nouveau dans l’arène. Un cliquetis. Lorsqu’elle s’en aperçoit, elle se fige une seconde, puis se hâte de ranger la boîte dans son sac, soudainement sur le qui-vive. Cette fois, le cliquetis continue avant de s’arrêter. Un filet de sueur commence à couler le long de la tempe de la rouquine qui, sans trop savoir pourquoi, se sent immédiatement en grand danger. Elle cherche la menace invisible des yeux, regardant partout autour d’elle, mais sans succès. Le silence est devenu absolu, terrifiant, et la jeune fille sent son cœur battre à tout rompre alors qu’elle décide finalement de bouger. D’un bond, elle s’élance. Dévale les gradins. Son cœur cogne. Son souffle se brise dans sa gorge. Elle va droit vers le centre de l’arène, là où la clarté lunaire est la plus forte. Là où la grille qu’elle a ouverte se trouve.

Elle craint à tout instant qu’une ombre ne se jette sur elle, mais rien de tout ça ne se passe et elle atteint rapidement le bord de l’arène, s’apprêtant à enjamber le parapet en ruine pour filer la tête la première dans le tunnel l’ayant mené ici. Mais elle se fige, ses yeux s’écarquillant de stupeur et de peur en découvrant finalement la raison de ce cliquetis étrange. Là, descendant depuis le ciel, une créature au pelage aussi sombre que la nuit, au crâne de corbeau et aux yeux d’un blanc laiteux, la fixe, ses ailes le laissant doucement choir au centre de l’arène, de grandes serres perforant la surface du sable. Immense corbeau humanoïde, il toise la frêle adolescente figée par son apparition. Sa tête, malgré les mouvements typiquement saccadés des oiseaux, ne quitte pas Marcy du regard, concentré sur elle. Face à lui, la petite voleuse tremble, sa main serrant sa dague à s’en faire blanchir les phalanges. Jamais elle n’a croisé pareille créature, ni même entendu parler d’une telle chose. Et cette chose se tient exactement entre elle et sa voie de sortie, barrière qu’elle n’imagine pas franchir aisément.

« Une souris se jette sous les serres du rapace… »

Marcy se tend face à la voix rauque et caquetante qui émerge de la créature, autant terrifiée par les mots que par le son en lui-même. Et si, pendant un court et fol instant, elle se voit forcer le passage avec l’aide de sa dague mal affutée, l’apparition lente et contrôlée d’un bec de corbin dans les serres du volatile humanoïde lui ôte rapidement toute idée de foncer tête baissée. Négocier ? Il peut parler, il doit y avoir un moyen de se sortir de cette situation sans combattre…

« Je… »

Le premier mot a à peine le temps de franchir les lèvres de la rouquine que la créature se jette en avant, si rapide et imprévisible que Marcy n’a que le temps de reculer précipitamment. Elle bute contre les gradins derrière elle, la faisant basculer en arrière, lui sauvant la vie car l’arme menaçante la frôle sans lui faire de mal. Mais elle choit, rebondit sur la pierre, tombe et s’écrase dans le sable de l’arène avec un bruit sourd, soulevant un petit nuage de sable au passage. Au moins celui-ci a amorti sa chute, mais, groggy, la jeune fille peine à reprendre ses esprits alors que le volatile géant se pose au-dessus d’elle, à l’endroit où elle se trouvait juste avant. Un caquètement sort de sa gorge, comme un rire. Se moquerait-il d’elle ? Serrant les dents de rage, Marcy se redresse péniblement, tenant maladroitement sur ses jambes flageolantes, et pointe sa dague en direction de l’oiseau dont la tête se penche, curieux. Puis le rire reprend, plus court, plus fort, suivi de cette voix caquetante.

« Une souris qui pense être un loup… Charmant. »
Modifié en dernier par Marcy le jeu. 29 mai 2025 08:43, modifié 1 fois.

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Marcy
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Re: La Cour des Duels

Message par Marcy » sam. 24 mai 2025 01:28

La volonté d’une souris

Elle tient à peine debout. Le sable glisse sous ses bottes, ses jambes tremblent. Marcy halète. La peur accélère son souffle et son cœur, chaque fibre de son être ne cherchant qu’une chose : survivre. Jamais, de sa courte existence, elle ne s’est imaginée tomber sur pareille créature au beau milieu de la capitale du plus grand Royaume des Hommes. Elle est pourtant là, à l’observer de ses yeux blancs sans fond. Immobile. Silencieuse. Comme un rapace sur sa branche. Patient. Froid. Marcy n’a aucune idée de la nature de la chose qui se dresse devant elle. Elle sait simplement à quel point elle est dangereuse. Son corps et son esprit lui hurlent à l’unisson de fuir au plus vite. Mais elle sait que tourner le dos à cette chose serait sa fin. Elle n’attend que ça. Après le premier assaut, elle n’a cessé de l’observer, fixement, silencieusement. Comme un oiseau guettant le petit rongeur qui ne se doute de rien. Elle est la souris, mal équipée pour se défendre face au volatile qui veille en ces lieux.

Le duel silencieux dure. La dague dans sa main glisse. Elle resserre les doigts. Sa paume est moite. Sa main, tremblante. Une goutte de sueur dévale sa nuque, la fait frissonner. Sensation désagréable qui crée un réflexe instinctif. Un simple mouvement d’épaule. Une légère distraction. Tout ce qu’il fallait à la créature pour se lancer. En un instant, elle est sur elle, serres acérées luisant sous le ciel nocturne. L’assaut est bref. Imparable. Mortel. Le sang gicle. Le volatile monstrueux se repose déjà sur le parapet. Marcy tressaille. Chancelle. Une brûlure vive. Une entaille sur sa joue. Un avertissement. Elle n’a pas pu réagir, incapable de suivre cette chose des yeux tant elle est rapide. De nouveau, elle fait face, essayant – en vain – de calmer cette peur qui s’est insinuée en elle. Elle déglutit, raffermit de nouveau la prise sur sa dague. L’oiseau penche la tête sur le côté, comme s’il l’étudiait, curieux.

« Souhaites-tu mourir, enfant ? »

La voix est curieuse. Celle de Marcy, malgré le tremblement qui l’agite, est ferme.

« Non. »

Nouveau silence. Seul le bruit du vent passant entre les arches en ruines et les colonnes effondrées défie le mutisme des lieux. La cité autour d’eux dort, inconsciente du destin qui se joue ici. Mais ce petit jeu agace progressivement Marcy. Elle sait pourtant qu’elle n’a pas le luxe de perdre à nouveau un instant de concentration. Cette chose n’attend que ça. Une occasion. Et pourtant, malgré tous ses efforts, elle reste une adolescente. Une adolescente épuisée, terrifiée. Une mèche de cheveux échappe à tout contrôle et se pose devant son œil. Un bref souffle pour l’écarter et le corbeau fond sur elle. L’impact est rude. Elle se sent décoller du sol avant d’y retomber brutalement, l’air quittant ses poumons sous le choc. Un gémissement de douleur accompagne la chute, mais elle n’a pas le temps de s’apitoyer sur son sort. La créature lève son arme et, dans un fracas terrible, l’abat. Marcy ne doit sa survie qu’à une roulade qui lui sauve la vie. Tentant le tout pour le tout, elle saisit sa dague par la lame et la lance, droit vers la tête du corbeau. Le tir est précis, ajusté. La dague termine entre les serres de son adversaire, laissant Marcy désarmée, à genoux sur le sol sableux de l’arène. Du sang coule de sa joue, de son front, mais elle n’en a cure.

« Tu n’as aucune chance. Tu le sais. Et pourtant, tu persistes. Pourquoi ? »

La rouquine crache sur le sol. Du sang, de la poussière et de l’amertume.

« Pour emmerder le monde. »

Sans doute impatient, l’entité sombre s’avance d’un bond. Une fois encore, Marcy n’a pas le temps de réagir. Elle enserre le cou de l’adolescente dans ses griffes pour la soulever brutalement avant de la plaquer au sol. Un cri de douleur lui échappe. La panique qui tiraillait l’adolescente explose, la faisant se débattre avec acharnement. En vain. Les serres sont puissantes, froides comme le métal et l’étau se resserre à mesure qu’elle tente de s’en défaire. L’acier de son arme frôle le visage de l’adolescente qui se fige. Le corbeau reprend. Sa voix, impassible, inévitable.

« Pourquoi ? »

Celle de Marcy est faible, étouffée.

« Parce que je n’ai rien d’autre. »

Elle n’a que sa vie. Rien d’autre à offrir, à marchander ou à espérer. Surtout venant de quelque chose qu’elle ne comprend pas. Ses mains tentent en vain de desserrer l’emprise de la créature sur sa gorge, mais cette dernière ne réagit pas. Elle semble l’observer de nouveau, ses yeux blancs sondant l’adolescente avec une concentration malaisante. Puis, sans autre raison, elle la relâche. L’adolescente inspire de grandes goulées d’air, crachote en se mettant péniblement à genoux. C’est elle, cette fois, qui pose la question.

« Pourquoi ? »

« Je n’ai pas été payé pour te tuer. »

Rien n’a préparé Marcy à une réponse aussi… banale. Une simple question d‘argent. Mais cela soulève de nombreuses questions dans l’esprit curieux de l’adolescente, maintenant certaine de réchapper à cette nuit pas comme les autres. Une telle entité motivée par l’appât du gain ? Une normalité bien trop étrange au vu de ce qu’elle a sous les yeux. Elle aurait imaginé un dessein plus incroyable, si tant est qu’elle ait le temps d’y réfléchir. Elle peine à comprendre.

« Et… pour la boîte ? »

La raison de sa présence ici. Nul doute que ce corbeau étrange est là pour la protéger. Marcy ne voit pas d’autre explication. Mais elle se trompe.

« Une simple mise à l’épreuve. Tu l’as trouvée, elle est à toi. Le reste n’est plus de mon ressort »

Rien n’a plus de sens. L’adolescente est perdue, incapable de comprendre ce qu’il est en train de se passer. Et, sans un mot de plus, l’entité déploie ses grandes ailes noires. Dans un tourbillon de sable et de vent, il s’envole. Ne reste que Marcy, seule avec une dernière promesse.

« Nous nous reverrons, enfant. »

Agenouillée sur le sable, la petite voleuse observe les cieux nocturnes où l’oiseau a disparu. Elle s’effondre finalement, le visage face aux étoiles. Son corps est douloureux, elle est fatiguée. Une plainte lui échappe. Un bref sanglot impossible à retenir avant un rire de soulagement. Jamais elle n’avait autant chéri d’être en vie. De longues minutes passent avant qu’elle ne se redresse. Elle ramasse sa dague restée sur le sol, puis son sac. Le poids à l’intérieur lui tire un sourire victorieux malgré la situation. La boîte est bien là.

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