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L’expédition
Le lendemain, Nyllyn et moi suivîmes donc Izar’tho lorsqu’il vint nous demander notre réponse. Il sembla ravi de notre accord et nous proposa de nous conduire immédiatement auprès de son maître afin de négocier les « détails » de l’expédition avec le principal concerné. Le suivant à travers le dédale des larges rues bondées de la ville, je me demandai quel genre de personnage pouvait bien vouloir mener ainsi une expédition sur une île que tout le monde semblait vouloir éviter à tout prix. J’avais à plusieurs reprises douté, me disant que le risque était peut-être trop grand, que cela n’en valait pas la chandelle, mais sans réussir à me résoudre à abandonner pour autant. Je trouvais égoïste d’embarquer Nyllyn là-dedans malgré qu’elle affirmait qu’elle était pleinement consciente des risques et qu’elle ne ferait pas marche arrière. Un duo de têtes de mules, voilà ce que nous étions. Cela fit rire Alyah qui me chuchota que nous faisions la paire.
Après une vingtaine de minutes de marche au travers des rues pavées, nous arrivâmes devant une bâtisse richement décorée, ornée de magnifiques décorations murales de fleurs chatoyantes et d’une coupole typique, d’un vert émeraude. Une grande double porte ornée de tête de griffon avec un anneau dans le bec nous faisait face. Le faste du lieu était évident et les deux gardes à l’entrée ne faisaient que renforcer ce sentiment. Je m’attendais effectivement à quelqu’un de riche, mais c’était visiblement au-delà de ce que j’imaginais. Si l’extérieur montrait une certaine aisance financière, l’intérieur transpirait la richesse. Tapis hors de prix aux motifs complexes sur le sol ciré et presque miroitant, tableaux dans des cadres doré accrochés aux murs d’où des gravures étaient visibles, escaliers de marbre et ornements nombreux dans des métaux précieux. Autant dire que Nyllyn et moi n’avions jamais vu une telle chose. Izar’tho s’amusa de notre surprise et nous invita à le suivre à travers les luxueux couloirs de la bâtisse. Ouvrant une double porte d’un bois massif et probablement précieux, il nous fit pénétrer dans une large pièce.
Il nous demanda de patienter ici et je pus observer un peu l’endroit après son départ. D’une curieuse forme hexagonale, l’un des murs comportait une grande cheminé surmontée de décorations guerrières, une épée et une hache croisées sur un bouclier. Les autres murs étaient décorés de divers tableaux et un buffet était collé à celui de gauche. Le centre de la pièce semblait prévu pour recevoir des invités. Quatre fauteuils d’un rouge sombre fait d’une matière douce au toucher faisaient face à un immense divan de la même matière, une table basse d’un bois verni séparant les différents meubles. Il y régnait une douce odeur de bois et de fleurs qui n’était pas désagréable. Nyllyn et moi nous installâmes sur le divan, examinant la pièce avec curiosité. Nous avions refusé poliment qu’on nous débarrasse de nos manteaux et armes, par principe, et nous nous en délestâmes à ce moment, la chaleur agréable de la pièce devenant quelque peu trop importante avec tout l’attirail.
Nous patientions depuis quelques minutes seulement lorsque la porte s’ouvrit pour laisser entrer un Hafiz qui semblait bien plus jeune que les guerriers qu’il avait envoyé. Le trait fin et délicat, il avait la peau sombre et des cheveux d’un noir de jais. Ses yeux en amande, d’un vert saisissant, se posèrent sur nous et sa bouche dessina un sourire, dévoilant une dentition blanche et impeccable. Il était vêtu d’une chemise blanche surmonté d’une veste noire, assortie à son bas de la même couleur. Une chevalière était visible à sa main droite et, détail amusant, il portait des pantoufles qui dénotaient beaucoup avec le reste de sa tenue. Il chuchota quelque chose à Izar’tho et celui hocha la tête avant de s’éclipser, refermant la porte derrière lui après un bref salut de la tête. Le maître des lieux s’intalla donc en face de nous, dans un des larges fauteuils où il croisa les jambes d’un air décontracté, ses mains se joignant sur ses genoux. Il parla alors, d’une voix grave mais claire.
- Je suis ravi que vous ayez accepté ma proposition. Je tiens donc à me présenter, Théodore Joraquin. J’imagine que ce nom vous est inconnu puisque vous venez seulement d’arriver aussi je vous laisserais faire vos recherches si cela vous intrigue. Et vous êtes ?
- Yliria, et voici mon amie, Nyllyn. Et j’imagine que vous avez déjà fait vos recherches sur nous, je n’en dirais donc pas plus.
Un sourire de connivence s’afficha sur son visage et il acquiesça.
- Izar’tho m’a dit que vous étiez maligne, je vois qu’il avait raison. Si je vous ai cordialement invité aujourd’hui, c’est pour que nous voyons ensemble les détails concernant l’expédition que je compte mener. Il m’a été rapporté que vous souhaitiez vous y rendre pour trouver un objet, c’est bien cela ?
- C’est exact, une cape plus précisément. C’est la seule et unique chose que nous souhaitons récupérer sur cette île.
Je ne précisai pas de quelle cape il s’agissait ni pourquoi nous la recherchions, il n’avait nullement besoin de savoir cela. Il décroisa ses jambes et ouvrit un tiroir sous la table, sortant un petit carnet et de quoi écrire, prenant des notes quelques instants.
- Fort bien, j’imagine que vous souhaitez récupérer cet objet si nous le trouvons, voire partir à sa recherche pendant notre expédition ?
- C’est en effet ce que nous espérons.
- Ma foi, cela ne devrait pas être un problème si c’est la seule revendication que vous avez. Vous serez bien évidemment payées à la hauteur de vos actions et des risques encourus durant notre expédition. Vous devrez amener votre propre équipement, mais la nourriture et l’eau vous seront fournies et nous nous servirons une fois sur place si cela venait à manquer. Avez-vous des questions ?
- Une seule. Pourquoi cette expédition ?
- Simplement parce que j’aimerais laisser mon nom dans l’Histoire et que j’ai soif d’aventures depuis tout jeune. Découvrir des contrées lointaines inexplorées est difficile de nos jours, mais pourquoi traverser la moitié du monde alors qu’une île si proche de nous n’a pour ainsi dire jamais dévoilé ses secrets.
- Mais d’autres ont déjà exploré l’ile, il y a des histoires et légendes. Quelqu’un a forcément dû en revenir.
- Evidemment, mais aucun d’eux n’a marqué l’Histoire. Car aucun d’eux n’a pu trouver ce que je recherche : une Licorne. Je sais qu’elle existe et je sais qu’elle est sur cette île et je ferai tout pour la trouver. Et c’est l’un des objectifs de cette expédition, si ce n’est l’objectif principal.
Ni Nyllyn, ni moi ne nous attendions à cette réponse. Une licorne ? Animal magique des contes et légendes que Père me racontait quand j’étais petite, je n’avais jamais cru qu’une telle créature puisse réellement exister. On disait que seuls les cœurs purs pouvaient l’apercevoir. J’étais légèrement dubitative quant à la capacité de cet homme à posséder un cœur pur, mais soit, ce n’étaient que des légendes après tout, peut-être qu’il était possible de la trouver autrement. Une fois qu’il termina sa réponse, il nous expliqua nos rôles. Nous devions protéger le convoi jusqu’à ce que nous arrivions à l’endroit où nous traverserions le bras de mer qui séparait l’île des côtes, puis nous serions ensuite chargé de protéger les membres de l’expédition contre d’éventuelles attaques. Il se voulut rassurant, affirmant que notre groupe, au vu de sa taille, ferait probablement fuir les animaux et que seuls les Worans seraient un réel problème. Lorsque Nyllyn souleva l’idée de simplement engager le dialogue avec les natifs, il s’esclaffa.
- Voyons, il est impossible de parler avec de tels animaux. Non, il vaut mieux rester à l’écart. Nous n’attaquerons pas, mais nous saurons nous défendre.
L’entretien dura un moment. Le salaire présenté – environ 1500 yus sans compter les primes et les bonus liés aux éventuelles découvertes – me semblait correct et Nyllyn était d’accord avec moi. Lorsque tout fut réglé, il nous fit raccompagner, nous donnant rendez-vous trois jours plus tard à la sortie Sud de la ville à l’aube où nous retrouverions le reste de l’expédition. Trois jours avant le départ me semblaient un peu court, mais puisqu’il certifia qu’ils avaient tout prévu de longue date, j’assurai notre présence pour cette date. Nous quittâmes donc la bâtisse avec la certitude que nous partions pour un long périple.
- T’y crois à cette histoire de licorne ?
- J’en sais trop rien… Est-ce que ça existe déjà ?
- J’espère que oui… j’adorerais en voir une !
Le ton enfantin et enjoué de Nyllyn me fit sourire et je me pris à rêver, moi aussi. Une licorne… ce serait incroyable d’en trouver une.
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