Tous quatre plus ou moins bien équipés pour l’aventure qui se dresse devant nous, nous ne tardons pas à nous mettre en route vers la crique, suivant les panneaux qu’Ol se fait un plaisir de nous indiquer, jusqu’à ce que les voies n’en forment plus qu’une, un chemin parcourant une bonne distance qui sépare la ville de l’endroit de notre mission. Je profite de cette marche opportune pour dévisser le bouchon de l’une de mes fioles de fluides.
« À la vôtre ! »
Et je la porte à mes lèvres, en absorbant le contenu. Je sens la puissance de la magie d’eau percer mes défenses, m’irradier littéralement avec une violence encore rarement ressentie dans mon corps. Ma peau qui avait fini par sécher se met à perler de petites gouttelettes qui détrempent une fois encore mon habit. Cela me ralentit un temps, mais je presse rapidement le pas pour rejoindre le reste de la compagnie, sans plus trop faire le malin, me murant dans un silence prostré pour digérer le retour de puissance que je viens de me prendre.
Lorsque nous arrivons à portée de la crique, descendant un escalier menant sur une plage fort mouvementée, nous pouvons observer les causes des troubles des pêcheurs locaux. Et ceux-ci ne manquent pas de me surprendre : une meute de Denahs, gros crabes bleutés normalement pacifiques, semble vouloir s’attaquer à plusieurs Moutaries acculées dans des bassins d’eau peu profonde. Un comportement étrange pour ces créatures végétariennes, que je n’explique que par la présence d’un plus gros spécimen, bien plus inquiétant que les autres menus fretins : un Brachyu de Moura. Bon sang de bois, si j’avais pu me tenir plus longtemps dans mon existence loi de la menace de leurs pinces acérées, je n’aurais pas dit non. Ce gros crustacé noirâtre forme une menace à lui tout seul, même pour un quatuor d’aventuriers. Alors en plus s’il s’est mis en tête de montrer l’exemple à une véritable tribu de Denahs, ça pue sévèrement la merde.
Inconscients du danger, je vois la naine et le géant s’armer de hargne pour plonger littéralement à la rescousse des pauvres moutaries, heureusement pas en reste pour se défendre seules. Ol’ le Jaune, plus prudent et avisé, s’approcha sans attaquer tête baissée, donnant conseils avisés à cette bande d’attardés. Peu envieux de me joindre à eux, je compte bien profiter de la distance entre moi et ces créatures mortelles pour user de ma magie sur leurs tronches de crustacés. Mais avant, je crie à mes compagnons :
« Le Brachyu, le gros, le gros ! C’est la priorité ! »
J’espère au fond de moi que l’attitude curieuse des Denahs reviendra à la normale si leur grand frère belliqueux trépasse. Je prends moi-même note de mon propre conseil pour invoquer ma magie d’eau saturée de puissance comme jamais pour projeter un jet puissant, tout autre que celui proposé plus tôt à Chang, en direction de la créature des ténèbres marines. De son visage aux yeux rouges, même : si je peux lui arracher ses sales globes oculaires avec la pression de mon sort, ou lui retourner la bouche en sens inverse de fermeture, ça sera tous bénéfices pour mes alliés de circonstance.
[Projection aquatique rang 1 sur le Brachyu, au niveau du "visage" : yeux et bouche]