Rues de la ville

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Marcy
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Re: Rues de la ville

Message par Marcy » sam. 4 oct. 2025 01:37

Le signe sous la pluie

Le ventre plein, une piste en tête et un sourire aux lèvres, Marcy quitte la maison de Hugues en remerciant ce dernier. Après un dernier – et très court – duel de regard avec le chien, Marcy prend la direction de l’avenue principal. Elle a l’espoir de passer par les boutiques de vêtements dont a parlé Hugues, avant de se rendre au Refuge. Elle aimerait ne pas avoir à mettre les pieds là-bas, mais elle doute d’obtenir suffisamment d’informations de la part des commerçants. Elle doute même qu’ils la laissent entrer dans leurs boutiques. Elle n’a jamais volé au cœur d’un commerce en dur, préférant de loin la disponibilité et l’ouverture d’un marché, mais elle reste une orpheline. Ses vêtements de seconde main sales et sa silhouette ne trompe pas vraiment. Et si voler un peu d nourriture ou quelques yus est assez simple, voler des habits neufs est une autre paire de manche. Beaucoup plus difficile pour un intérêt dont elle doute.

Néanmoins, tout de même prête à quelques sacrifices pour sa mission, elle ouvre sa petite bourse de cuir. Les pièces d’étain se mêlent au cuivre et à son unique pièce d’argent durement acquise. Elle aurait assez de yus pour acheter un habit, mais elle reste dubitative à ce sujet. Elle referme la bourse, se disant qu’elle aviserait en temps voulu. Elle s’écarte du mur près duquel elle s’était cachée pour compter son argent, et repart en direction de l’avenue principale, bien décidée à découvrir quelque chose d’utile pour son enquête. Avec une brève description et un prénom relativement commun, elle doute d’aller très loin, mais il lui semble avoir aperçu une petite brune lors du casse de la boutique proche du marché. Reste à savoir si elle serait capable de la reconnaître si elle l’avait en face d’elle.

Si elle peut choisir, il est clair que retrouver Eleanore avant de se rapprocher du refuge l’arrangerait. Pour avoir déjà dormi sur place, Marcy sait à quoi ressemble l’endroit. Un lieu pour donner bonne conscience aux nobles, là où on prend soin des démunis. Elle se souvient surtout de l’odeur, des pleurs dans la nuit et des voix étouffés de deux filles qu’on essayaient d’agresser. Même si ces dernières se sont défendues, Marcy n’a plus jamais remis les pieds là-bas, après ça. Elle est tombée sur l’orphelinat par chance, quelques semaines après, mais elle s’est jurée de ne jamais devoir dépendre du refuge. Et la voilà, obligée d’y remettre les pieds si aucune information valable ne se murmure à ses oreilles. Cette perspective est loin de l’enchanter. C’est donc avec une motivation renouvelée et sans faille qu’elle accélère le pas vers la rue commerçante.

Marcy n’a jusqu’à aujourd’hui jamais vraiment prêté attention aux boutiques de vêtements, mais leur nombre est ahurissant, à ses yeux. Il y en a même plus que les lieux où acheter des choses plus utiles pour vivre, comme la nourriture. Si on omet le marché, en tout cas. Mais même là, les vendeurs de friperies ne sont pas rares. Et si elle admet que pouvoir se changer avec des affaires propres est un plaisir, cela reste un luxe qu’elle ne peut pas vraiment se permettre. Mais en voyant les tenues présentées à travers les vitres transparentes des boutiques, elle est certaine de ne jamais être capable de posséder quelque chose de ce genre. Les robes trop longues, les manteaux en tissu de qualité et en cuir travaillé par des experts, le tout à un prix exorbitants, très peu pour elle. Elle préfère le fonctionnel. Plus c’est discret, mieux c’est. Il lui reste cependant un adversaire de taille.

L’averse qui s’abat subitement la prend complètement par surprise et, faute d’un manteau, elle se retrouve vite trempée, à essayer de s’abriter grâce à la toiture d’une boutique. Pestant contre sa malchance et ses vêtements désormais trempés, elle patiente, bras croisés et frissonnante, que l’averse passe. Nombre de passants, eux aussi pris par surprise, s’éparpillent en courant sur les pavés glissant de la rue, manquant parfois de peu de finir sur le sol. Un de ces passants se rattrapent de justesse e repart en courant, sans apercevoir l’objet tombé de sa poche. Une pierre qui roule jusqu’à Marcy. Celle-ci, intriguée, la ramasse et l’examine d’un œil curieux. Un simple caillou, certes, mais gravé d’un étrange symbole qu’elle n’a jamais vu auparavant. Elle el fait rouler dans sa paume. D’ordinaire, elle aurait jeté un pareil caillou, mais, sans trop savoir pourquoi, elle décide de garder celui-là. Il y a quelque chose qui l’intrigue à son sujet et qui la pousse à le garder, sans en comprendre la raison.

Pendant ce temps, l’averse continue, poussant la jeune fille à s’installer aussi confortablement que possible sous son abri de fortune. Bien vite, elle s’ennuie ferme. Sa dextre joue avec le caillou reposant dans sa poche. Elle retire vivement sa main lorsqu’elle ressent une sensation étrange à force de tripoter el caillou. Le même genre que lorsqu’elle passe sa main sur un objet métallique par temps d’orage. Sourcils froncés, elle ressort la pierre, prudemment. L’envie de balancer la pierre se fait plus forte, mais quelque chose retient sa main, comme si elle devait garder cette pierre sortie de nulle part. Pierre qui n’a absolument pas changé et n’a pas l’air de faire quoi que ce soit, mais Marcy est certaine qu’elle est responsable de ce qu’elle a ressenti. Serait-ce un genre de pierre avec du métal à l’intérieur ? Malgré toutes ses observations et les hypothèses farfelues qu’elle émet, comme celle d’un caillou tombé d’un orage ou un porte-bonheur de magicien, elle n’est pas plus avancée pour autant.

Lorsque la pluie s’arrête, elle range le caillou dans sa poche et se remet en route d’un pas plus prudent qu’avant, pour ne pas glisser sur les pavés. Elle examine quelques boutiques, sans voir la moindre brunette qui correspondrait à la fameuse Eleanore. Mais alors qu’elle s’écarte soigneusement de la boutique de magicien qui vend des baguettes, elle repère une petite tête brune à l’intérieur. Une tête brune qui lui tourne le dos. Incapable d’en savoir plus depuis l’extérieur et malgré sa méfiance de la magie et de tout ce qui y touche de près ou de loin, elle pousse la porte de la boutique qui fait sonner une clochette annonçant son entrée. La mission avant tout. Mais ça ne veut pas dire qu’elle est spécialement enchantée d‘entrer là-dedans…

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Marcy
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Re: Rues de la ville

Message par Marcy » dim. 5 oct. 2025 22:24

La morsure d’une souris


Marcy n’est pas vraiment ce qu’on peut appeler une combattante. Elle porte une dague, mais c’est surtout dissuasif. Ça lui sert à couper les cordons des bourses, des ceintures, des cordages, à couper un morceau de pain ou bien, si besoin à casser un objet ou une fenêtre de façon plus sûre qu’avec ses mains. L’utiliser pour blesser quelqu’un relève de la situation d’urgence et ça ne lui est pas arrivé très souvent. Le souvenir de la dernière fois, contre l’étrange homme-oiseau, lui est encore en tête. Mais entailler la main de cet inconnu a été un réflexe. Un besoin inné de se protéger d’une menace évidente. Mais maintenant, la petite voleuse se trouve dans une situation délicate. Face à face avec un homme adulte, visiblement habitué de la bagarre et qui n’est guère impressionné par la dague qu’elle porte. Pile ce qu’elle cherche à tout prix à éviter d’ordinaire. Car elle ne se fait guère d’illusion sur ses chances de victoire en combat, encore moins en face à face. Marcy préfère être discrète, se faufiler, éviter les problèmes ou les régler après y avoir réfléchi.

- Elle mord, cette sale gosse. Je vais t’apprendre les bonnes manières !

Loin d’être capable de réfléchir à la situation, la rouquine ne peut que réagir face à la charge de l’adulte face à elle. Les bras écartés pour l’attraper, il a abaissé son centre de gravité pour refermer ses bras sur elle. Sans doute imagine-t-il qu’elle va tenter de le combattre pour sauver son amie. Mais Marcy ne connaît pas la petite brune. Et elle n’a aucune envie d’être attrapée par ces types. Alors, elle tourne les talons et file à toute allure dans la rue avec l’intention de s’enfuir. Elle perçoit l’hésitation du type qui cherchait à l’attraper, mais, bien vite, ses pas lourds résonnent derrière elle. Il l’a prise en chasse. Elle grimace, allonge ses foulées avant de bifurquer dans une ruelle plus étroite, pour semer son poursuivant. Mais celui-ci est têtu et continue de la pourchasser en gagnant rapidement du terrain. Un juron s’échappe des lèvres de Marcy qui, comprenant que fuir ne servira à rien, fait volte-face avant de repartir dans l’autre sens. Droit vers le type qui ralentit en la voyant foncer vers lui. Il sourit, prêt à se battre.

- Fini de jouer à chat ?

Marcy court droit vers lui, mais se décale sur la droite, vers un empilement anarchique de caisse. Profitant de son élan, elle grimpe rapidement cet escalier improvisé et se hisse sur le toit de la maison la plus proche avant de recommencer à courir. Elle entend l’autre type lui crier dessus, mais elle l’ignore. Elle vient de penser à quelque chose. La fille qui l’a percuté, elle l’a déjà vu. Lors du casse dans la boutique près du marché, elle avait croisé son regard. Elle doit savoir où trouver Eleanore. Elle doit la sortir de là. Aussi profite-elle du toit pour changer de rue. Elle glisse sur les tuiles humides de l’averse de la journée avant de se laisser tomber sur les pavés en contrebas, dans une autre rue. Puis elle se remet à courir pour retourner là où la petite brune l’a percuté. Elle espère que l’autre acolyte attend son comparse et qu’il ne l’a pas embarqué elle ne sait où.

Prenant un chemin détourné, elle rejoint les abords du refuge. Elle aperçoit la silhouette du type et celle, plus petite de sa prisonnière. Il l’a plaqué sur les pavés sales et la maintient en place avec un genou sur le dos. Dague en main, Marcy avance à pas de loup derrière le type. Par chance, elle a depuis longtemps appris à marcher silencieusement sur les pavés de Kendra-Kâr. Ce qu’elle ne sait pas faire, en revanche, c’est utiliser sa dague de manière efficace. Alors, sans trop être certaine d’elle, elle siffle. Lorsque le type tourne la tête, elle lui envoie son pied botté dans la figure de toutes ses forces. Le choc, la douleur et la surprise font leur effet le type lâche la gamine qu’il tenait et s’écarte en se tenant le nez qui pisse le sang. Il jette un regard mauvais à Marcy tandis que la petite brune se relève et court se réfugier derrière elle avant d’attraper sa manche d’une poigne apeurée. Ce que Marcy n’apprécie pas tant que ça. Elle risque de la gêner plus qu’autre chose.

- Bordel, comment tu t’es débarrassé d’Hérios toi ? Peu importe... tu vas payer.

Contrairement à son comparse, celui-là a une lame. Une épée courte recourbée qui fend l’air. Marcy tente tant bien que mal de reculer, mais la fille derrière la gêne. Elle manque de tomber par sa faute. Alors elle la pousse soudainement, la faisant tomber sur les pavés alors que la lame la frôle de si près qu’elle perçoit quelques cheveux coupés lui tomber devant les yeux. Son cœur bat la chamade et une sueur froide et désagréable coule le long de son dos alors que son souffle se fait plus dense et rapide. Elle regrette vachement sa tentative de sauvetage, soudainement. Mais elle n’a plus le choix, maintenant.

La lame siffle près de son oreille. Elle glisse volontairement sur les pavés. Le coup passe au-dessus d’elle. Sa dague, elle, trouve la chair. Une entaille, courte mais nette, sur le flanc.

— Sale gosse !

Il hurle, pivote, frappe à l’aveugle. Elle sent l’air se fendre près de sa joue, recule, une douleur cuisante et un filet de sang chaud coulant sur son visage. Elle manque une fois de plus de tomber à cause de la fille qui n’a toujours pas eu la présence d’esprit de ficher le camp de là. Marcy recule encore et encore face aux assauts du type. Plusieurs entailles endolorissent ses bras et sa hanche où de minces filets de sang coulent. Sa tunique est entaillée à plusieurs endroits, laissant parfois voir la peau pâle qui se caches dessous. Le type est trop fort, trop rapide et bien plus aguerri qu’elle. Elle heurte un tonneau dans son dos. Elle se baisse de justesse. La lame siffle au-dessus d’elle. Une seconde d’hésitation et sa vie prenait fin. Elle tombe sur le sol, puis s’éloigne sur les fesses, la peur prenant le dessus sur tout le reste. L’homme lui, sourit et s’enorgueillit déjà face à sa victoire assurée.

- On fait moins la maligne maintenant, pas vrai ?

Marcy cherche désespérément une solution de sortie. En vain. Elle insulte copieusement dans sa tête la fille qui reste plantée plus loin à regarder la scène. Dire qu’elle est venue l’aider. Voilà pourquoi elle ne s’occupe pas des autres, d’habitude. C’était stupide de sa part. Une erreur qui va lui coûter très cher. Un coup de pied dans son ventre la projette contre un mur où elle fait tomber une jardinière et les fleurs qui y étaient plantés. Elle gémit de douleur, les bras serrés contre son ventre alors qu’elle peine à retrouver son souffle. L’homme approche, la surplombant avant de lever sa lame. Dans un geste désespéré, Marcy attrape une poignée de terre et une fleur et jette le tout vers son adversaire. Pris par surprise, l’homme reçoit la terre en plein visage. La douleur et l’aveuglement lui font rater son coup qui fait s’écraser la lame contre un tonneau, bloquant l’arme dans le bois. Sentant sa seule et unique chance se dessiner, Marcy se relève en serrant les dents et donne un coup de toutes ses forces. La lame de sa dague s’enfonce profondément dans le bras de son adversaire qui grogne de douleur. Puis elle s’écarte, sa dague pleine de sang tandis qu’il pose un genou à terre. Il a beau tenir son bras blessé de sa main indemne, ses yeux brûlent de haine.

- Toi… je vais te tuer.

La voleuse lit la haine et la promesse de souffrance dans celui qui lui fait face. Paniquée et choquée, Marcy n’en demande pas plus, elle se met à courir à nouveau. De sa main libre, elle attrape la main de la petite brune et ne lui murmure qu’un mot

- Cours !

Puis elle l’entraine dans une ruelle. Pendant un moment, elles courent au hasard, sans même savoir où elles vont. Elles ne ralentissent pour finalement s’arrêter que parce que Marcy n’en peut plus. Ses multiples entailles la brûlent et son corps est épuisé par ce qu’elle vient de vivre. L’adrénaline qui la faisait courir s’atténue et ses forces diminuent rapidement. Elle s’adosse à un mur pour reprendre son souffle, sa dague ensanglantée encore serrée dans sa main. Main qui tremble encore. C’est la première fois qu’elle blesse quelqu’un de la sorte. La seconde fois qu’elle a aussi peur, aussi. La dernière fois, c’était contre la créature ailée et là, contre un adulte qui aurait pu la tuer s’il l’avait voulu. Elle a eu de la chance. Et tout ça pour… elle. Elle regarde la brune qui la fixe, un mélange d’émerveillement et d’inquiétude dans le regard.

- Est-ce que ça va ?

Marcy ne lui répond pas, mais hausse un sourcil, comme pour lui signifier la stupidité de sa question. Elle préfère garder son souffle. L’autre rougit un peu de honte, avant d’enchainer.

- Merci ! T’as été incroyable. J’ai cru qu’il allait te tuer, mais tu l’as bien rossé, ce salaud !

- Ouais… pas grâce à toi.

Nouveau rougissement, de gêne cette fois. Marcy se redresse en grognant. Elle doit retrouver Jean, il saura comment l’aider et la soigner. Elle espère en tout cas. Mais l’autre fille a visiblement un autre plan en tête, parce qu’elle l’arrête et passe un bras autour de ses épaules pour la soutenir. Marcy, trop faible pour protester, se laisse faire. La brunette lui doit bien ça, elle a saigné pour elle, quand même.

- Je sais où on peut te soigner. Et je pourrai te remercier correctement… euh… ton nom c’est ?

Marcy cligne des yeux et tourne la tête vers la brunette qui babille à côté d’elle. Un murmure lui échappe, à peine audible tant elle est fatiguée.

- Marcy…

- Chouette, comme prénom ! Moi c’est Eleanore !

Marcy esquisse un sourire épuisé. Le monde s’apaise un instant autour d’elle. Le sang sur ses doigts, la peur dans sa gorge… tout cela semble s’apaiser momentanément. Peut-être qu’elle n’a pas saigné pour rien, finalement.

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Re: Rues de la ville

Message par Marcy » sam. 6 déc. 2025 01:16

Le murmure du danger

Trois jours. C’est le temps que lui a donné Eleanore avant de la retrouver devant chez elle, de nuit. Une petite parenthèse nécessaire selon la petite blonde, pour qu’elle parle de tout ça avec le fameux Yerek. Malgré une certaine impatience d’avancer sa mission, Marcy s’est faite violence et patiente donc en attendant. Elle s’est dit que tenter de pousser Eleanore à accélérer les choses pourrait rendre la jeune fille suspicieuse. Elle a préféré jouer la carte de l’indifférence en haussant les épaules. Ce qu’elle aurait fait, si jean ne lui avait pas donné comme consignes de trouver cette fameuse planque de voleurs. Et même si elle se félicite de sa réussite grâce à une chance quelque peu insolente, elle ne perd pas de vue le fait que tout peut très rapidement très mal tourner, selon ses prochains choix. Quelques jours pour y réfléchir à tête reposée lui sera forcément utile.

Après une nuit de sommeil somme tout revigorante, elle sort de sa planque avec la faim comme compagne. Ayant quelques pièces à disposition, elle s’arrête devant cette boulangerie qui la fait systématiquement saliver. Ses yeux font de longs aller et retours face aux divers produits présentés et elle ne cesse de compter et recompter ses pièces en essayant de déterminer quel serait la meilleure combinaison à prendre. Elle finit par opter pour un pain d’épice, un petit sachet d’oublies et un beignet aux pommes et aux amandes. La vendeuse l’observe d’un œil suspicieux tandis qu’elle observe l’étal. Mais son visage se fend bien vite du même sourire commercial qu’elle offre aux autres clients lorsque la petite rousse lui tend les pièces en énumérant ses achats du jour.

Ravie de ses achats, Marcy s’éloigne en dévorant son beignet sans le moindre remords ou la moindre retenue. Le reste de ses délices est rangé dans sa petite sacoche qu’elle referme avec soin avant de s’asseoir sur un banc pour observer, comme souvent, le ballet des passants, habitants, marchands et voyageurs qui ne cessent d’aller et venir dans la capitale. La ville n’est calme que le soir. Dès que le soleil se lève, la ville devient une ruche fourmillant d’activités. Un capharnaüm de bruits et d’odeurs si familier pour Marcy qu’elle ne s’imagine pas vivre sans. Bon, elle se passerait de l’odeur nette et rance du crottin de cheval qui ne manque pas de venir lui chatouiller les narines, mais cela ne peut pas entamer sa gaieté actuelle. Son pain d’épices lui durera quelques jours et elle se débrouillera pour trouver du lait. Elle adore tremper les oublies et le pain dedans, particulièrement quand ce dernier commence à durcir.

Rien ne pouvait entacher cette excellente matinée. Le soleil laisse une caresse chaude sur le visage de la petite voleuse tandis qu’elle essuie sa bouche collante de sucre avec son pouce, avant de suçoter ce dernier en observant distraitement la vie devant elle. Elle remarque à peine le mouvement sur sa droite, tandis qu’un homme s’assoit sur le banc. A peine deux mètres les sépare. Si elle ne lui accorde qu’un bref regard, lui, en revanche, la fixe avec une intensité bien différente. Marcy, sentant son regard, lui jette un rapide coup d’œil. Grand, brun, barbe soignée, cape sombre cachant le reste de sa silhouette. Deux yeux gris comme l’acier fixés sur elle. Son corps réagit avant son esprit et se met aussitôt à se tendre. Le visage de l’homme se fend alors d’un sourire alors qu’une voix rocailleuse quitte sa gorge, accompagné d’un ton amusé.

- Bon instinct. Bien qu'un peu tardif.

La rouquine plisse les yeux. L’homme est voûté, ses coudes appuyés sur ses genoux, son menton posé sur ses mains aux doigts entrelacés. Sa posture ne dégage rien d’agressif, pourtant, tout le corps de la rouquine réagit comme si elle sentait un danger imminent. Elle a du mal à comprendre, mais n’est pas du genre à trop se poser de question quand elle sent que ça pue. Et, au-delà de l’odeur de la ville, ça pue. Sa voix est tranchante, directe.

- Vous voulez quoi ?

- Direct dans les affaires hein ? Tu perds pas ton temps…

La rouquine croise les bras, attendant d’un air déterminé, et un brin boudeur, la réponse à la question qu’elle vient de poser. Quelques secondes passent, les deux s’observant sans rien dire, avant que l’homme ne finisse par ouvrir la bouche.

- Je suis simplement curieux. Ce n’est pas tous les jours qu’on se fait prendre en filature par une gamine…

De nouveau, un blanc. Un long silence. Les yeux de Marcy s’écarquillent. Son cœur accélère soudainement tandis qu’elle sent une chape glacée couler dans son dos. Dans un mouvement aussi vif qu’instinctif, elle est debout, bondit hors de portée de l’inconnu qui n’a, pour sa part, toujours pas bougé. Il la regarde avec un sourire en coin, tandis que la rouquine, le souffle court, s’attend à tout. Aucune arme n’est visible, mais elle se rappelle encore de l’aisance et de la rapidité avec laquelle cet inconnu bougeait, quand il n’était encore qu’une silhouette sans visage. Maintenant qu’elle l’a face à elle, elle déglutit. Sa main s’est immédiatement portée à sa hanche. Où elle ne trouve que le vide. Elle baisse les yeux une fraction de seconde pour constater l’absence de sa dague.

- C’est ça que tu cherches ?

La rouquine relève immédiatement la tête pour apercevoir sa dague, tenue par l’inconnu qui lui sourit. Un sourire qui transforme la tension inquiète en une colère sourde qui s’échappe de ses lèvres tel un feulement.

- Rendez-la moi !

il l’ignore et étudie l’arme d’un œil critique.

- Mal équilibrée, mal affûtée et fragile… Tu peux trouver mieux.

- C’est vrai qu’on trouve les bonnes lames au coin de la rue. Rendez la moi !

- Viens la chercher.

Elle plisse les yeux. Il veut jouer à ça ? Elle va lui montrer.

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Marcy
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Re: Rues de la ville

Message par Marcy » dim. 7 déc. 2025 21:53

Persévérance

Attaquer un homme adulte de front n’est définitivement pas la manière de faire de Marcy. Si elle peut l’éviter, elle ne se battrait pas du tout. Mais la vie, et notamment les jours les plus récents, lui a appris que, parfois, des combats ne sauraient être évités. Et ce, malgré tous ses efforts. Sa dague, c’est son seul et unique réel moyen de défense. Mais plus qu’une arme, c’est quelque chose qu’elle possède réellement. Depuis longtemps. C’est à elle. A elle seule. Et elle ne laissera personne lui voler ça sans réagir. La rouquine perçoit bien que l’étranger face à elle n’est pas une quelconque petite frappe venue lui chercher des noises. Il y a bien plus que ça. Elle ne sait pas pourquoi, mais il y a quelque chose qui la met en alerte.

Malgré tout, elle ne se dégonfle pas et fonce droit sur le voleur qui ne fait pas mine de réagir. Marcy se sait rapide. Elle bondit droit vers le bras de l’homme pour lui reprendre sa dague. Mais avant qu’elle ne comprenne ce qu’il se passe. Il a disparu. Puis la terre et le ciel échangent de place et elle se retrouve sur le dos, le souffle coupé et le visage face au ciel. Elle cille, confuse. Elle se redresse sur ses coudes et aperçoit l’homme, toujours assis, mais de l’autre côté du banc cette fois. Il joue avec sa dague sans lui accorder un regard. La jeune fille se relève péniblement et titube, un peu désorientée. Elle ne comprend pas ce qu’il vient de se passer ni comment elle a pu finir ainsi, sur le sol. C’est forcément la faute de ce type, mais elle ne l’a même pas vu bouger.

A nouveau, elle lui fonce dessus, bondit pour finir cette fois face contre terre. A nouveau, son esprit peine à réaliser ce que son corps sait déjà. Elle a mordu la poussière sans être capable de ne serait-ce qu’effleurer l’homme qui lui a pris sa dague. Elle crachote un peu de terre qui s’est glissée entre ses lèvres au moment du choc Elle se relève de nouveau, rouge de colère et d’embarras, alors que celui qui a pris sa dague fait tournoyer cette dernière dans la paume de sa main. Comme si rien ne s’était passé. Marcy commence à se demander si c’est un mage pour réussir à faire des choses sans qu’elle n’y comprenne rien. Elle époussette ses habits et va pour se remettre à lui courir dessus quand l’homme tourne finalement son regard vers elle.

« J’admire ta persévérance, mais tu n’arriveras à rien comme ça, jeune fille. Tu veux vraiment récupérer ta dague ? »

« Oh la ferme ! »

Elle se jette en avant, mais elle a cette fois un plan en tête. Plutôt que de foncer tête baissée, elle décide de glisser sur le sol et de donner un coup de pied dans la main qui tient sa dague. Et cette fois, elle ne se retrouve pas à manger la poussière sans comprendre. Non, elle voit bien mieux ce qu’il se passe. L’homme bouge à une vitesse folle. Elle rate complètement son attaque, mais elle a pu apercevoir l’étendu de la vitesse de cet inconnu qui se retrouve juché sur le dosser du banc, à l’observer. Accroupi dans une position détendue, il tient la dague du bout des doigts. Marcy, elle se retourne vers lui, un mince sourire aux lèvres. Nulle magie dans tout ça. Il est simplement plus rapide. Elle n’a qu’à l’être davantage. Elle se relève, sa main empoignant un peu de terre et de saleté sur le sol. Et plutôt que de donner le temps à son adversaire – ce sale voleur – elle se rue à nouveau sur lui avant de lancer sa poignée de terre vers son visage. Elle se ramasse alors sur elle-même et bondit, droit vers la main qui tient la dague.

« Bien tenté… »

Elle heurte douloureusement le sol et l’air quitte brutalement ses poumons. Son bras droit est tordu vers le haut, tenu fermement par l’homme qui a posé un genou sur son dos, forçant son visage à manger le sol. Autour d’eux, quelques passants réagissent finalement. Chuchotis et regards se font plus intenses alors que Marcy tente de se libérer, sans succès. L’homme est bien plus fort qu’elle. Mais, surprenamment, il la libère et la laisse se redresser. Davantage blessée dans son orgueil que dans sa chair, Marcy se relève et s’écarte de lui en se massant le bras. Ses yeux dardent un regard mauvais et colérique vers l’inconnu qui se contente de se rassoir. Il ignore les regards des gens alentours et lui fait signe de le rejoindre. Par principe, Marcy ignore le geste et croise les bras, le défiant du regard.

« T’es un genre de petite peste, c’est ça ? »

Son ton est à mi-chemin entre l’amusement et la lassitude, mais Marcy ne s’y trompe pas et ne répond pas. Ce n’est que lorsqu’il lui tend sa dague, pommeau vers elle, qu’elle consent à bouger. Elle récupère l’objet et la range immédiatement sans quitter l’inconnu des yeux. Celui-ci ne semble pas s’en formaliser et reprend.

« Tu as du potentiel, tu sais ? »

« M’en voyez ravie… »

Elle s’en contrefout complètement, de son avis merdique. Potentiel ou pas, elle n’aime pas qu’on se fiche d’elle. Et elle déteste encore plus se rendre compte qu’elle n’avait aucune chance dans cette histoire. S’il avait voulu garder la dague ou lui faire réellement du mal, il aurait pu. L’impuissance qu’elle ressent la submerge complètement, ne faisant qu’amplifier son agacement. Ignorant tout de l’état intérieur de Marcy, ou choisissant de le passer sous silence, l’homme enchaine.

« Un jour, quelqu’un viendra te proposer de changer de vie. De faire de grandes choses. Tu devrais accepter, Marcy. »

« Que… Quoi ? Comment vous connaissez mon nom ? Vous êtes qui, bordel ?»

L’homme se contente de sourire de manière énigmatique.

« Tu le sauras le moment venu. Sur ce… »

Il s’élance et semble s’envoler pour atterrir sur un toit, plusieurs mètres plus haut. Marcy, bouche bée, le regard alors qu’il lui fait un signe.

« On se reverra, Marcy. Prend soin de ta dague. »

Et sur ces paroles, il disparaît. Marcy tente bien de courir pour essayer de le rattraper, mais elle ne retrouve nulle trace de sa présence. Comme s’il s’était volatilisé. La seule chose qui témoigne de sa présence sont les souvenirs de Macy et le sentiment d’agacement dont elle ne parvient pas à se défaire.

« Connard… »

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Re: Rues de la ville

Message par Marcy » mar. 9 déc. 2025 19:42

Nouveau moteur

Suite à l’humiliation vécue, Marcy est d’une humeur massacrante le reste de la journée. Oubliée, la douce matinée agréable et pleine de saveur. Elle rumine son échec avec une moue boudeuse et ne rêve que d’une chose : prendre sa revanche. Et ce, malgré l’évidente différence entre elle et ce type. Elle a beau retourner la scène dans sa tête dans tous les sens, elle ne voit aucune piste qui pourrait lui donner un semblant d’avantage sur celui qui l’a humilié de la sorte. Il était trop rapide pour elle. Même avec sa fidèle dague, elle ne voit pas de moyen de se débarrasser de lui. Cela ne fait qu’exposer davantage ce qu’elle savait déjà. Elle a besoin de trouver un autre moyen de se défendre. Si possible, sans se mettre en danger. Face à des adultes, plus grands, plus fort, elle n’a pas autre choix. Son combat de la luit précédente et sa rencontre avec cet homme, sont une preuve qu’elle n’a aucune chance de s’en sortir si les choses tournent mal. Elle a eu de la chance, jusque-là, mais elle sait que ça ne suffira pas toujours. Mais la question reste entière : que faire pour remédier à ça ?

La jeune voleuse passe en revue les options qu’elle pense prometteuse, mais se heurte vite à un mur : le manque d’argent. Acheter de quoi se défendre serait un bon début, mais elle n’a pas l’argent pour ça. Si une armure de métal est complètement hors de question à cause de son poids, même une simple petite armure de cuir coûte bien pus cher que ses maigres économies. Et cela sera utile uniquement si elle est assez en danger pour que quelqu’un la blesse. Ce qu’elle préfèrerait éviter entièrement. Bouclier ? Même problème et elle devrait apprendre à s’en servir, en plus. Une arme plus longue que sa dague présente le même problème. Et apprendre à se défendre avec quelqu’un… Elle n’a personne vers qui se tourner. Argent, compétences et apprentissage. Tout lui manque.

Assise sur une caisse près de la place du marché, elle soupire. Elle observe du coin de l’œil quelques troubadours faire des tours et acrobaties. Elle se dit que cracher du feu comme cet homme bizarrement vêtu serait pratique, mais, si elle trouve ça impressionnant, elle se dit aussi que ça aurait plus de chance de lui revenir au visage. Et sa coiffure de feu n’est pas spécialement prévue pour l’être au sens littéral du terme. Elle observe tout de même le cracheur créer ce qu’elle imagine être un dragon avec son jet de flamme. Ses yeux d’adolescente pétillent face à cette vision et elle accorde davantage d’importance aux troubadours, laissant ses cogitations sans fin pour un autre moment. Si elle n’est guère intéressée par les jongleurs, persuadée d’être capable de faire de même, elle a une grimace à mi-chemin entre le dégoût et le fascination lorsqu’une femme avale un genre de sabre avant de le ressortir de sa bouche comme si de rien n’était. Les applaudissements de la petite foule rassemblée semblent motiver les troubadours qui font une sorte de numéro de voltige. Une jeune fille pas plus vieille de Marcy est projetée en l’air et rattrapée par ses camarades. Marcy se plaît à s’imaginer dans ce genre de petite troupe pendant un bref instant. Serait-ce si mal, après tout ? mais l’idée de voyager de ville en ville ne la tente pas tant. Et puis, elle ne connaît aucun troubadour, de toute façon.

Elle continue d’observer le spectacle. C’est une bonne façon de passer le temps et de se débarrasser des pensées parasites néfastes. Elle se prend même à retrouver une certaine bonne humeur face aux pitreries d’un bouffon ventriloque. Mais c’est lorsque le tour de lancer de couteaux intervient qu’elle a un déclic. Voir cet homme lancer avec précision des couteaux tout autour d’une femme attachée à une planche lui donne une idée. Il lui suffirait de toucher ses adversaires avant qu’ils ne l’atteignent ! La voilà sa solution ! Comment -t-elle pu en pas y penser avant ? Et ça n’a pas l’air si compliqué, vu la manière dont le lanceur le fait tout en faisant des acrobaties et en s’adressant à la foule qui retient son souffle à chaque lancer. Fascinée, Marcy ne perd pas une miette du spectacle. Mais celui-ci ne dure pas assez longtemps à ses yeux, remplacés par un duo de jongleurs. D’accord, ils jonglent avec des lames, mais elle préférait le lancer de couteau. Ou le cracheur de feu.

Elle reste néanmoins à observer jusqu’à la fin, espérant une réapparition du lanceur de couteau, en vain. Un peu déçue, mais néanmoins ravie de sa petite découverte, elle saute de sa caisse une fois el spectacle terminé. N’ayant pas d’argent à donner, elle s’écarte rapidement de l’endroit, avec l’idée de trouver un lieu propice pour lancer sa dague. Ce qui, dans une ville aussi grande que Kendra-kär, est étonnamment difficile. Les gens n’aiment guère qu’on jette des lames sur leurs portes ou leurs volets et la jeune fille doit se carapater en vitesse quand un type a l’air patibulaire le lui fit savoir de manière fort peu aimable, couteau de cuisine en main. Un rustre, à n’en pas douter. Elle finit par échouer dans une petite cour où tout u tas de planches sont posées contre un mur. C’est là qu’elle tente finalement pour de bon.

Et elle doit admettre que c’est bien plus difficile qu’elle ne le pensait. Cela semblait pourtant si simple en regardant le troubadour. Mais elle ne parvient pas à planter la lame. Ni même à toucher le bois avec la lame, d’ailleurs. Le pommeau heurte le bois presque à chaque fois. Et elle se coupe le doigt en tentant de lancer sa dague par la lame. Elle essaie de faire tourner sa lame, de la lancer droit, de côté, mais rien à faire. Elle refuse obstinément de se planter dans le bois, l’éraflant à peine une poignée de fois. Un peu déçue, Marcy doit se rendre à l’évidence, ça demande de l’entrainement. Ce n’était pas ce qu’elle avait prévu. Elle observe sa dague, comme si cela pouvait lui donner une solution. Ironiquement, ce sont les mots du type responsable de sa mauvaise humeur qui lui donne un semblant d’idée. Il a parlé d’une arme mal équilibrée. Peut-être qu’il faut un type spécial d’arme. Mais sans un sou valable en poche, elle ne risque pas de s’en fournir.


La lumière de la journée se tamisant pour laisser place au soir, Marcy laisse tomber son idée de s’entrainer pour ce jour. Elle n’a pas envie de perdre sa dague ou de se blesser par manque de visibilité. Et elle doit réfléchir à comment trouver une arme plus adaptée. Et cela la frappe assez vite. Pourquoi payer quand on peut voler ? Un plan commence à se dessiner dans sa tête et elle prend rapidement la direction de la place du marché où elle a vu les troubadours. Elle est une voleuse, pourquoi s’embêter à acheter quand on peut juste emprunter ? De manière permanente.

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Re: Rues de la ville

Message par Marcy » mer. 10 déc. 2025 22:01

Le vol des délaissées

Lorsque Marcy retourne sur la place du marché, elle ne voit nulle trace des troubadours. Les commerçants, eux, ont commencé à ranger leurs étals. Dans l’agitation ambiante, la petite rouquine se faufile au milieu des adulte occupés à tout ranger. Elle slalome sans trop de mal entre les tables étals à moitié démontées et les caisses de produits qui seront reproposés le lendemain. Son regard s’attarde inévitablement sur une cagette remplie de fruits invendus. Elle sait que rien ne sera jeter, mais sera utilisé pour diverses confitures, marmelade, compotes et autres. Cela lui donne quand même envie de tendre la main pour prendre un des fruits. Elle est très friande de ces mets sucrés rafraichissants, mais leurs prix est souvent rédhibitoire et les voler systématiquement risque de lui causer des problèmes.

- Hey, gamine !

Elle grimace lorsqu’un homme corpulent – sans doute le marchand, l’interpelle. Elle n’aurait pas dû autant hésiter ! Elle tourne la tête, prête à prendre la poudre d’escampette ou à plaider l’ignorance, mais doit lever une main devant son visage pour arrêter le fruit lancé dans sa direction. Une poire. Elle fixe un peu bêtement le fruit avant d’offrir un sourire rayonnant au marchand qui lui fait un clin d’œil avant qu’une voix féminine et un peu énervée ne l’interpelle. Sentant le conflit marital, Marcy s’éclipse Sans demander son reste, sa précieuse poire rapidement rangée avec délicatesse dans sa petite besace. Enhardie par une évidente bonne étoile, elle continue sa recherche des troubadours. Elle finit par demander à des marchands et grimace en apprenant qu’ils ont plié bagages. Les forains dans leur genre dormant généralement en dehors de la cité.

San perdre un instant, la jeune fille s’élance, bien décidée à les rattraper avant qu’ils ne sortent de la ville. Sa course la ramène dans l’artère principale de la ville, quelque peu encombrée en cette fin de journée. Elle espère que cela lui permettra de rattraper sa cible. Elle se faufile sur le côté et remonte l’avenue en direction des portes de la capitale. Elle trottine, trop souvent obligée d’éviter les autres passants pour se permettre de courir comme elle l’aimerait. Après quelques minutes d’un pas rapide, mais trop lent à ses yeux, elle repère enfin les troubadours. Elle ralentit, ses yeux étudiant rapidement les options qui s‘offrent à elle. Ils sont encore à une centaine de mètre des portes, ce qui est à la fois beaucoup et trop peu. Elle va manquer de temps et en peut pas se permettre d’attendre qu’ils reviennent. Rien ne dit qu’ils seront là demain, après tout. Elle doit trouver les couteaux et filer sans se faire remarquer avant que le chariot ne soit au niveau des portes. Sauf qu’il y a trois chariots et qu’elle n’a aucune idée duquel aurait ce qu’elle cherche.

Loin d’abandonner son idée, elle se faufile au centre de la route. Les chariots avancent très lentement et leurs conducteurs sont plus occupés à observer la route qu’à s’assurer que personne ne s’en approche. Après tout, la rue est très encombrée, tout le monde verrait un potentiel voleur. Sauf que, Marcy le sait, ce n’est pas aussi facile et un voleur audacieux a toutes ses chances s’il est assez rapide. Et elle se sait rapide. Aussi, elle se glisse sur le côté du chariot de file. Ce dernier est bâché et conduit par un couple. Pas de lanceur de couteaux à l’horizon. Elle doute, préfère s’approcher de celui du milieu. Toujours pas de lanceur de couteaux en vue. Une bonne partie de la troupe est d’ailleurs absente. Sans doute ont-ils pris les devants en sortant de la ville. Du moins elle l’espère. Elle profite d’un arrêt pour se faufiler près du chariot de tête. Lui aussi est bâché, rendant un repérage un peu compliqué. Mais pas impossible.

Sa dague luit brièvement et une entaille dans le tissu lui permet de jeter un bref coup d’œil. Aucune caisse, mais des planches et tout un tas d’objets comme des chaises ou autre mobilier. Chou blanc. Elle s’écarte, l’air de rien. Retour au second chariot qu’elle effleure, préférant filer directement vers le troisième. Même processus. Elle voit des caisses, des sacs. Rien qui lui permettrait de vraiment trouver les couteaux. Et les portes se rapprochent. Manquant de temps, elle se met derrière le chariot et y grimpe souplement après s’âtre assurée que personne ne faisait attention à elle. Manque de chance, le tissu derrière les conducteurs du chariot est ouvert. Un seul regard en arrière de leur part et elle sera grillée. Elle inspire et commence un examen rapide des caisses les plus proches. Elle a du mal à rester debout avec les mouvements erratiques du chariot en mouvement, aussi choisit-e-elle d’avancer avec un genou au sol, pour plus de stabilité. Même si cela la ralentit un peu trop à son goût. Mieux vaut être moins rapide que de tomber et se faire repérer, pour cette fois. Tout un tas de trucs dont elle ignore l’utilité. Rien qui ne l’aide dans sa recherche. Elle s’aventure un peu plus loin en faisant attention où elle marche pour ne rien heurter. Elle ouvre lentement deux caisses, mais rien que des fioles ou des babioles qui ne lui sont d’aucune utilité. Elle commence à désespérer et s’oblige à quitter le chariot par là où elle est entrée. Elle fait cela prudemment, sans bavure. Jusque-là, tout se passe bien, malgré le fait qu’elle fasse chou blanc. Gaïa n’aime sans doute pas les voleurs, donc sa bonne étoile ne la suit peut-être pas tant que ça, finalement.

Ne reste que le chariot du milieu. Le plus difficile à atteindre. Elle cherche un moyen sûr, sans trop entrevoir de solution. Elle décide donc de tenter une diversion. Elle ramasse une pierre et vise l’arrière train du cheval du troisième chariot. La pierre le percute, le faisant immédiatement réagir et attirant l’attention du conducteur. Il tente de calmer l’animal qui s’ébroue. Marcy en profite et se faufile dans le chariot qui est un capharnaüm comparé au précédent. Des caisses, cordes, et objets en tout genre sont empilés ans réelle logique. La rouquine peste, mais trop investie dans sa recherche, elle se refuse de repartir sans essayer. Alors elle ouvre des boite et caisses au hasard. Il y a bien des couteaux, mais pour les repas, rien qui lui soit utile. Elle trouve une tête empaillée et, dans une autre caisse, tout un tas de parchemins griffonnés avec des suites de chiffres accompagnés de mots. Si elle ne sait pas lire, elle compte bien et connait les chiffres écrits. Elle devine assez facilement qu’elle a les comptes de la troupe sous ls yeux. Et vu les derniers chiffres, leur situation n’est pas au beau fixe. Et elle se sent un peu coupable, soudainement, de leur voler des couteaux. Ce genre de lames ne sont généralement pas donnés. Mais elle en a besoin. Ils pourront sans doute se débrouiller.

Elle continue de chercher, avec un peu moins de conviction au vu de sa découverte, mais se rend vite à l’évidence. Elle va manquer de temps. Elle s’autorise encore quelques ouvertures. Elle tombe sur des chapeaux bizarres, puis sur des balles de diverses couleurs. Elle se souvient des jongleurs et espère alors trouver ce qu’elle cherche. Mais au lieu de couteau, la boite suivante contient une dizaine d’étrange lames triangulaire sombres avec un manche se terminant par un rond, comme pour y glisser un doigt ou une corde. Elle examine une des lames. Elle est un peu sale, pleine de poussière et clairement pas affutée comme une lame devrait l’être. Elle passe son pouce sur la lame qui ne l’égratigne même pas, mais le métal qui luit, une fois débarrassé de la poussière, semble l’appeler. Ce n’est pas un objet de première jeunesse, elle en a conscience, mais en la tenant en main, elle a l’impression de tenir quelque chose de bien utile. Quelque chose qui fait sens. Faute de trouver les couteaux qu’elle convoitait à l’origine, elle ramasse la boite avec ces étranges lames qui ne sont clairement pas utilisées. Contrairement aux troubadours, elle leur trouvera une utilité.

Son larcin sous le bras elle écarte d’une main le tissu menant vers l’extérieur. Voie libre, aussi saute-t-elle du chariot. Elle se retrouve nez à nez avec un des troubadours qui arrive de côté. Elle se fige en même temps que l’homme qui cille avant de fixer son regard sur la boite que transporte Marcy. La jeune fille sent une douche glacée s’infiltrer dans chaque fibre de son corps. Elle qui avait fait attention, voilà qu’elle a été négligente à la toute fin, pile lorsqu’elle pensait terminer son méfait. Son cœur bondit dans sa poitrine en même temps qu’elle bondit sur le côté. Elle prend aussitôt la tangente avant que la voix de l’homme ne retentisse.

- Au voleur !

Marcy n’attend pas de voir si quelqu’un réagit à l’appel du forain lésé et file aussi vite que possible avec la boite. Elle slalome entre les passants et en bouscule même un qui jure en s’étalant sur les pavés. Elle file vers une ruelle, s’y engouffre et prend la première à droite. Elle ouvre la boite, et transvase immédiatement la dizaine d’étranges lames dans ses poches avant d’abandonner la boite trop encombrante. Puis, elle file comme le vent, sans un seul regard en arrière. Elle tourne dans une ruelle, puis une autre. Elle s’aide d’un amas de caisse pour se hisser sur un balcon et, de là, sur un toit, pour définitivement perdre ses éventuels poursuivants. Lorsque les troubadours retrouvent la boîte vide, Marcy est déjà loin, son larcin dans ses poches. Ce n’est pas ce qu’elle espérait, mais elle pense pouvoir en tirer quelque chose malgré tout. Et, puisque ce n’était clairement pas utilisé, elle n’a aucune culpabilité à garder pour elle quelque chose qui ne servait pas.

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Re: Rues de la ville

Message par Marcy » jeu. 11 déc. 2025 19:34

Forge des liens

- Hmmmm…

Marcy est perplexe. Après son vol de la veille, le manque de lumière l’a forcée à retourner à sa cachette. Elle y a passé un moment à nettoyer ses trouvailles avec un tissu humide, éclairée par une bougie à moitié entamée. Dès qu’elle a pu y voir assez clair, elle est partie trouver un endroit où tester ses nouveaux jouets. C’est à l’arrière d’une remise qu’elle a trouvé un pan en bois, idéal pour essayer de lancer ses étranges lames. L’acier terni et sombre lui plaît certes beaucoup, mais elle n’a aucune idée de la manière d’utiliser correctement ces objets. Elle se sert d’abord de l’anneau au bout du manche pour s’amuser à faire tourner la lame autour d’un doigt, mais elle manque de s’éborgner avec et convient qu’il vaut mieux éviter de trop fanfaronner avec tant qu’elle ne sait pas mieux s’en servir. Parce qu’elle compte bien s’en servir, quoiqu’il arrive. Elle a bien noté l’intérêt de l’arme, assez facile à cacher, comme sa dague, avec une lame d’une taille similaire et au poids permettant d’en porter facilement une dizaine. Elle doit juste trouver un meilleur endroit que ses poches. Surtout une fois qu’elle aura trouvé comment aiguiser tout ça.

Pour l’heure, cependant, elle essaie diverses façons de lancer ses armes, avec un succès tout relatif. Il apparait par contre rapidement qu’elles sont faites pour ça. Les lames volent droit, sans fioriture. Le problème, c’est surtout de les lancer avec précision et avec assez de force pour qu’elles s’enfoncent dans le bois. Si possible là où elle vise. Ce qui n’est clairement pas gagné. C’est pour cela que la jeune fille est adossée au mur face à sa cible improvisée, la mine perplexe. Elle n’avait pas pensé qu’un manque de force pourrait lui être problématique, dans son idée. Pourtant, le lanceur de couteau vu la veille n’avait pas l’air si musclé que ça. Mais un homme adulte et forcément plus fort qu’elle. Raison pour laquelle, là où ses couteaux se plantaient dans le bois, ses lames à elle ne font que rebondir sur le bois. Quand elles l’atteignent. Elles laissent bien des entailles, mais c’est loin de suffire, à ses yeux. Si elle veut dissuader qu’on lui cherche des noises, il faut un premier lancer décisif et qui effraie. Et voir son arme rebondir ou ne faire qu’effleurer ne va pas vraiment aider à la manœuvre.

Au moins, elle a trouvé plusieurs façons de lancer tout ça. Avec une précision toute relative, mais elle se sait capable de bien mieux, avec un peu d’entrainement. Et si l’idée de s’entrainer comme les gardes ou les militaires ne lui plaît pas vraiment, elle sait ce qui est en jeu. Mieux vaut s’entrainer que de finir avec une lame sous la gorge. Ou plantée quelque part. Elle passe donc un moment à essayer de viser un point précis avec se slames. Même si elles rebondissent, simplement toucher sa cible est la première étape. Le reste viendra plus tard. Normalement. Mais le bruit répété fini par attirer l’attention et elle doit filer en vitesse quand le propriétaire de la remise sort de chez lui en vociférant comme si elle avait commencé à égorger ses enfants. Un vrai rustre ! Elle file en escaladant le mur de pierre, sans demander son reste. Elle va encore devoir trouver un autre endroit pour s’entrainer. Cela risque de vite devenir compliqué.

Ce n’est pourtant pas ce qui motive ses pas en ce début d’après-midi. Elle déambule d’un pas sûr, droit vers le quartier des forgerons de la ville. La forge où travaille Gus est réputée et elle aimerait bien qu’il jette un œil aux lames qu’elle a trouvé. Si elle craint un peu de revoir son ami après avoir quitté l’orphelinat, elle se convainc elle-même que c’est une simple visite professionnelle. Même si, après près d’une semaine sans la moindre nouvelle, elle veut aussi savoir comment tout le monde va. Bien qu’elle ne l’admettra jamais à voix haute. Elle hésite néanmoins, une fois en vue de la forge. Revoir gus risque de lui rappelle combien l’orphelinat lui manque. Et elle déteste ce sentiment. Sania, Elina, Gus, les autres enfants, les soirs à jouer de la lyre devant la cheminée, les beignets de Bob, le rire de Stefan. Méli aussi lui manque. Elle aimait la simplicité de la vie là-bas. Elle qui n’a jamais eu le sentiment d’être vraiment à sa place, elle en vient à ressenti le manque d’une vie qu’elle pensait trop chiante.

Elle s’ébroue et frappe ses joues de ses deux paumes pour chasser tout ça. Elle a mieux à faire que ruminer sur ce qui aurait pu être. La douleur cuisante qui chauffe ses joues l’accompagne lorsqu’elle traverse la rue, droit vers la forge. Elle évite l’entrée principale, plus par habitude que réelle nécessité, et se faufile à l’arrière. Elle jette un œil par une fenêtre, sans apercevoir Gus. Elle continue de faire le tour. Elle finit par l’apercevoir, occupée à ne sait quelle tâche que font les apprentis forgerons. Il a l’air concentré et elle ne résiste pas, malgré le petit nœud dans son ventre. Elle se faufile jusqu’à la fenêtre la plus proche et se hisse au-dessus de cette dernière en se servant des volets. Une fois installée sur l’embrasure haute, elle tape au carreau. Elle attend un peu avant de recommencer. Finalement, après une dizaine de seconde, la fenêtre s’ouvre et elle reconnait la tignasse de Gus qui passe la tête pour voir ce qui se passe. Elle se suspend alors à la charpente, tête en bas et apparait soudainement devant le visage de son ami en hurlant. Le résultat est un adolescent pris de panique qui culbute en arrière et tombe sur le sol de l’atelier face à une Marcy hilare. Elle manque quand même de tomber à force de rire et se laisse souplement glisser sur le sol pour se tenir pliée en deux.

Gus, une fois remis de ses émotions, croise les bras, un air un peu boudeur et les joues rougies par l’humiliation.

- Hilarant, Marcy…

- T’aurais vu ta tête !

Elle mime une interprétation exagérée de sa réaction, redoublant d’hilarité face à un Gus qui reste aussi stoïque que possible, mais dont la commissure des lèvres se tord légèrement. Il finit par soupirer et se rapprocher de la fenêtre. Marcy, toujours dehors, reprend son souffle.

- Qu’est-ce que tu fais là, Marcy ?

- Quoi ? J’ai pas le droit de venir dire bonjour ?

Le regard de l’adolescent est sans équivoque. Il n’y croit pas trop ; ce qui, intérieurement, blesse un peu la rouquine. Elle est un peu égoïste, d’accord, mais à ce point. Même si, il est vrai, elle ne serait pas venue sans une autre raison. Ou en tout cas pas tout de suite.

- D’accord... j’ai un truc à te demander…

- Sans blague… Et pourquoi je t’aiderai, au juste ?

- Parce qu’on… est amis ?

- Amis ? il insiste sur le mot alors que ses sourcils se haussent et que ses bras se croisent. Une amie serait venue plus tôt et pas pour demander une faveur. On se fait du souci pour toi, mais j’imagine que ça te passe au-dessus.

La jeune fille ouvre la bouche pour répliquer, mais ne trouve pas grand-chose à dire pour sa défense.

- J‘ai été occupée…

- A la bonne heure. S’trouve que j’suis occupé, moi aussi.

il s’apprête à refermer la fenêtre, mais Marcy la retient d’une main posée sur le carreau.

- D’accord, d’accord ! Je suis désolée ! J’ai… je savais pas quoi dire…

- « Bonjour » serait un bon début, tu crois pas ? Putain, Marcy, on se demandait tous si t’était encore en vie. Méli est même partie à ta recherche.

- Quoi ? Mais pourquoi ? C’est elle qui m’a dit de partir !

Il soupire en secouant la tête. Marcy ne comprend vraiment pas ce qui a poussé Méli à faire ça lors qu’elle lui a elle-même donné l’ultimatum de quitter l’orphelinat.

- Tu iras lui demander. Je suis sûre qu’elle t’accueillera malgré tout.

- Je… Peut-être… Les autres me manquent un peu.

L’aveu marmonné à demi-mots tire un sourire à Gus qui lui fait signe d’entrer sans bruit. La rouquine, ravie du changement de sujet, se faufile par la fenêtre en observant curieusement l’atelier. Des tonnes d’objets, de métaux et autres trucs qu’elle ne connait pas s’entassent avec plus ou moins de logique. Le sol est sale, les étagères pleines à craquer et le feu de la forge laisse une sensation de chaleur étouffante. Gus a l’air de s’y plaire. L’adolescent s’est considérablement développé depuis qu’il travaille là. Marcy se rappelle qu’il était aussi chétif qu’elle. Maintenant, elle est certaine qu’il pourrait la soulever sans trop d’effort, lui qui fait une tête de plus qu’elle à présent. Il se tourne vers elle une fois certain que personne ne viendra les déranger.

- Alors ? tu voulais quoi ?

Marcy sort un de ses étrange couteaux et le lui tend. Gus, un peu surpris, s’empare néanmoins de l’objet et l’examine d’un œil critique. Marcy se demande s’il sait ce qu’il fait ou si c’est juste pour se donner un genre, mais la suite lui fait dire qu’il a vraiment acquis une certaine expertise.

- C’est pas une arme d’ici et elle est en mauvaise état, mais elle est bien équilibrée et le métal est facile à travailler. T’as trouvé ça où ?

- Une caisse abandonnée répond-t-elle un peu vite, tirant une expression moqueuse au jeune homme pas dupe, mais qui n’insiste pas. Tu penses que tu saurais le rendre un peu de sa superbe ?

- Au mieux je peux l’affuter…

- Ce serait parfait ! Merci Gus !

Elle lui embrasse la joue, faisant virer le visage de l’apprenti à un cramoisi soutenu qui disparaît quand la rouquine tire les autres lames de ses poches. Il la fixe, atterré, avant qu’un rire nerveux ne lui échappe.

- T’es vraiment pas possible…

La seule réponse qu’il reçoit est un clin d‘œil et un sourire où se mêlent innocence et malice. Un cocktail dangereux, chez la rouquine.

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Re: Rues de la ville

Message par Marcy » ven. 12 déc. 2025 21:10

Le seuil de l'ombre

Le soir du rendez-vous, Marcy attend Eleanore non loin de sa maison. Soigneusement cachée dans son dos se trouve une toute nouvelle sacoche ou sont soigneusement rangés ses nouvelles armes. Elle les a récupérés l’après-midi même, après une journée entière confiées à Gus. Il a apparemment passé un moment à affuter et polir les armes, qu’il a nommé « kunai ». La jeune voleuse n’a pas manqué de remercier son ami et a promis, d’une voix hésitante, qu’elle passerait à l’orphelinat une fois son affaire en cours terminée. Une promesse qu’elle tiendra, même si l’idée la rend horriblement nerveuse. Confronter Méli la terrifie bien plus qu’elle n’ose l’admettre. La gérante de l’orphelinat a toujours eu à cœur de tirer Marcy hors de ce cercle de criminalité dans lequel elle évolue. La rouquine s’y est invariablement enfoncée, depuis son départ. Elle craint une nouvelle dispute. Elle n’aime guère les confrontations frontales, peu importe leurs formes.

Adossée au mur d’une maison voisine de celle de la petite blonde, Marcy tente de se rassurer en se disant que Méli l’a cherché, après tout, quand Eleanore sort enfin de chez elle. Cela coupe court aux pensées de la rouquine sur un potentiel retour à l’orphelinat. Elle doit se concentrer sur sa tâche actuelle, maintenant. Localiser la planque de la bande de voleurs et décider de comment gérer toute cette histoire. Si possible, en évitant une effusion de sang qu’elle juge complètement inutile. Jean a beau dire, elle n’a vraiment pas confiance en sa soi-disant parole sur le sujet. Voyant que la blonde la cherche des yeux, Marcy quitte son mur et s’aventure sous la lumière de l’astre lunaire. Eleanore la repère enfin et lui fait un signe enthousiaste en trottinant vers elle.

- T’es venue !

- Evidemment, j’allais pas rater ça !

Même si ses raisons ne sont pas vraiment celles qu’espère probablement la petite blonde. Rejoindre une bande de voleurs qui crée autant de problèmes n’est pas dans ses projets. Elle doit juste réussir à faire en sorte de localiser leur repère, identifier leurs chefs et trouver un moyen d’arrêter tout ça avant que Jean ne s’en mêle. Aucune pression pour l’adolescente. Ce serait plus simple si elle n’avait aucune empathie, mais elle n’a hélas pas ce luxe. Aussi suit-t-elle Eleanore dans un relatif mutisme, se contentant de répondre de manière monosyllabique au babillage incessant de sa compagnon. Elle lui rappelle un peu les enfants de l’orphelinat, ceux qui ne parviennent jamais à parler et respirer en même temps. Peut-être que c’est cette similarité qui la pousse à chercher une meilleure issue à toute cette histoire. Un vrai criminel n’en aurait rien eu à faire.

- C’est par là

Le murmure d’Eleanore tire la rouquine de ses pensées et elle hoche la tête en suivant sa guide dans une ruelle jusqu’à la porte d’une cave. La petite blonde tape cinq fois sur le battant, puis trois, puis quatre, dans un rythme qui a l’air spécifique. Quelques instants plus tard, la porte de la cave s’ouvre sur un escalier descendant dans une pièce faiblement éclairée. Eleanore s’y engage sans une once d’hésitation. Marcy, elle, n’aime pas trop l’idée de descendre là-dedans de cette manière, sans savoir ce quoi l’attend. Mais le regard encourageant de sa guide et sa mission finissent par la convaincre de tenter le coup. Elle garde tout de même une main proche de sa dague. Juste au cas où.

Elle descend quelques marches grinçantes pour atterrir dans une cave au plafond bas illuminé par une torche installée au mur face à elle. Elle s’attendait à du monde, mais il n’y a qu’une seule personne : un adolescent au visage caché par un foulard qui chuchote avec Eleanore. Il braque un regard empli de suspicion sur Marcy tandis qu’elle approche. Elle lui rend son regard en levant le menton, le défiant de dire quoi que ce soit. Cela ne semble guère lui plaire, car il écarte la petite blonde pour se planter devant la jeune voleuse qu’il toise. Il fait une bonne tête de plus que Marcy et n’a pas la carrure typique d’un adolescent orphelin. Il s’approche plus de la forme qu’à Gus, depuis son apprentissage à la forge. S’il n’avait pas les yeux aussi sombres et les cheveux d’une couleur similaire, Marcy aurait pu s’imaginer que le foulard cachait Gus. Mais même la voix est différente.

- On en a fait tout une caisse, mais t’es juste une autre minuscule gamine. Si ça tenait qu’à moi, tu passerai même pas la porte.

- Une chance que tu sois juste un sous-fifre et pas celui qui décide, alors. Quelqu’un avec plus de jugeote fera le bon choix à ta place.

La réplique lui vient immédiatement. Elle aperçoit Eleanore plaquer une main sur sa bouche, comme si elle était horrifiée. Ou pour retenir un rire. L’adolescent face à elle, par contre, ne prend pas du tout ça à la rigolade. Son poing part sans prévenir. Immédiat. Marcy, qui s’attendait un peu à quelque chose du genre, bondit en arrière. Cela semble encore plus enrager le voleur qui grince des dents en voyant que son assaut n’a rien donné. La voix angoissée d’Eleanore l’interpelle alors, mais il ne lui accorde pas un regard, focalisée sur Marcy.

- Edouard, s’il te plaît. On nous attend. Il faut…

- Oh, ta gueule, la geignarde !

Il va pour s’élancer vers Marcy, mais son regard s’arrête sur l’éclat de la lame que la rouquine a tiré de sa ceinture. Cela le freine instantanément et il étudie l’adolescente avec plus d’attention. Marcy, elle, est prête à se défendre, sa main libre cachée dans son dos ayant déjà pris un de ses kunai. Sa dague en évidence est dissuasive, son kunai sera son réel atout s’il la charge. Même si elle manque encore d’entrainement, elle ne va pas le manquer à cette distance. Pendant un temps qui semble infiniment long, les deux adolescents s’observent. Les muscles de la rouquine se tendent, elle fléchit els genoux, prête à bondir, que ce soit pour fuir ou attaquer. Elle sent l’hésitation du fameux Edouard, face à elle. Son propre cœur tambourine dans sa poitrine tandis que tout son corps est prêt à réagir.

Le dénouement n’est pourtant pas ce à quoi elle s’attendait. Car c’est Eleanore qui se met en travers de leurs chemins. Elle se place pile entre eux deux, un bras tendu vers chacun.

- Arrêtez ! Edouard, Yerek l’attend. Et Marcy… S’il te plaît…

Il y a un bref instant de tension silencieuse, mais Marcy finit par ranger sa dague et écarter sa main de ses kunais. Son but n’est pas de créer des problèmes, elle n’a simplement pas aimé la manière dont ce petite enfoiré l’a insulté. L’adolescent, d’ailleurs, souffle derrière son foulard, mais hoche finalement la tête. A contrecœur, c’est évident, mais le nom de Yerek a probablement dû jouer dans sa décision. Marcy se demande comment ce fameux Yerek peut inspirer autant d’obéissance à des voleurs comme elle. Elle trouve ça louche. Très suspect, même. Mais face au sourire d’Eleanore, elle ravale ses suspicions et ses pensées. Elle va vite le savoir, de toute manière. Edouard s’écarte et leur fait signe de le suivre après avoir verrouillée la porte de la cave. Il s’enfonce dans un couloir prenant directement vers un trou dans le sol dallé. Une échelle y est installée et descend dans les profondeurs. Il s’y accroche et commence à descendre.

- Un peu de lumière, Eleanore ?

- Oui, oui. Tout de suite.

Sous les yeux ébahis de Marcy, la petite blonde tend la paume et fait apparaitre un orbe lumineux. Une mage ! Prenant la surprise de Marcy pour de l’émerveillement, la petite bonde lui offre un sourire rayonnant. Presque autant que l’orbe qui flotte à côté d’elle.

- Sympa, pas vrai ? je peux faire d’autres trucs, je te montrerai ! Allez, viens !

Elle commence à son tour à descendre l’échelle, son orbe la suivant en éclairant le trou, pas si profond que ça, finalement. Marcy, après une brève hésitation, finit par les suivre. La révélation innocente d’Eleanore l’a prise de court. Et si elle n’est guère friande de magie, ne la comprenant pas, elle n’a pas ressenti de haine particulière envers Eleanore. Le sourire de la petite blonde lui a bien montré qu’elle était sincère. Ou une actrice si bonne que la rouquine n’aurait aucune chance face à elle, dans tous les cas. Elle descend donc l’échelle, se demandant quelles autres révélations et stupeurs l’attendent dans l’antre de ces voleurs.

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Re: Rues de la ville

Message par Marcy » ven. 26 déc. 2025 19:27

Une obscure clarté


C’est essoufflée et le front en sueur que Marcy tambourine à la porte de la maison d’Eleanore. Sitôt son aparté avec Jean terminé, elle a couru de toutes ses forces jusque chez Eleanore, dans l’espoir de retrouver Edouard et de, peut-être, éviter une catastrophe. Sa maison ne laisse passer aucune lumière, faisant penser qu’elle dort, mais Marcy s’en fiche. Il y a bien trop en jeu pour se soucier du sommeil, dans l’immédiat. Alors son poing tambourine la porte jusqu’à lui faire mal et qu’une lumière apparaisse enfin derrière le battant. Mais au lieu d’Eleanore, c’est une femme qui ouvre. Une femme aux long cheveux blonds et à l’expression courroucée.

- C’est bientôt fini ce bordel ? Qui… t’es qui, toi ?

Elle baisse les yeux, la colère laissant place à la surprise en voyant la petite rouquine essoufflée et en sueur qui se trouve sur le pas de sa porte. Marcy tente de reprendre son souffle et déglutit difficilement avec sa gorge asséchée par l’effort.

- El… je dois voir… Eleanore.

- Marcy ?

Se frottant un œil de sa main droite, le visage ensommeillé, Eleanore apparaît derrière la femme. Elle était visiblement en train de dormir et Marcy s’en serait un peu voulu de la réveiller si la situation n'était pas si critique.

- El ! Je dois trouver Edouard ! Vite ! Est-ce que tu sais où il habite ?

- Edouard ? Pourquoi ? il se passe quoi ?

- C’est compliqué, j’ai besoin de savoir où il est, El. Vite !

- Euh, je... je sais pas, il l’a jamais dit.

Marcy souffle un juron. Si elle veut convaincre le groupe, elle doit absolument retrouver Edouard. Elle a semé le doute et si elle lui raconte ce qu’elle a appris, il l’aidera sans doute. S’il la croit. Elle se frotte la nuque, son esprit travaillant à une solution jusqu’à ce que la femme qui lui a ouvert la porte ne s’impatiente.

- Bon, tu comptes rester là toute la nuit ? Qu’est-ce que tu fais seule dehors à cette heure ?

Marcy cligne des yeux. Elle n’a pas prévu d’excuse pour sa présence dehors à cette heure. Elle n’en a généralement pas besoin. Les seuls à poser ces questions sont la garde – qu’elle évite – et Méli, qu’elle ne voit plus. Elle n’a pas le temps d’inventer une excuse, aussi s’écarte-t-elle de la porte.

- J’ai à faire. El, ne va pas à la base. Sous aucun prétexte.

- Quoi ? mais…

- Fais-moi confiance ! N’y va pas ! Je reviens vite.

Elle plante là la petite famille visiblement confuse et se remet à courir dans l’obscurité. Elle n’a aucune idée d’où trouver Edouard, mais elle ne peut pas rester sans rien faire. Elle va commencer par le repaire, elle avisera ensuite. Ses pas résonnent sur les pavés de la rue qu’elle emprunte. Et, soudainement, la sensation dans sa nuque revient. Elle s’arrête en glissant sur les pavés. Sa dague apparaît dans sa main et elle scrute l’obscurité autour d’elle. Elle n’entend que son souffle et ne ressent que les battements de son cœur, mais elle ne peut pas ignorer les cheveux qui se dressent sur sa nuque.

- Bon instinct, mais réaction trop visible.

Elle bondit de frayeur en retenant à peine un cri inintelligible. Juste à côté d’elle, une silhouette encapuchonnée l’a prise par surprise. Elle se campe sur ses jambes, le souffle court, sa dague pointée vers l’inconnu qui lâche un léger rire.

- Du calme, jeune fille. La dernière fois, ça ne s’est pas si bien fini pour toi, pas vrai ?

Cette voix. Elle se souvient du type sur le banc. Elle plisse les yeux, le souvenir de l’humiliation encore vivace dans son esprit. Elle trouve sa présence suspecte. Même s’il ne pose pas une menace, sa présence est étrange. Trois fois en quelques jours, ce n’est plus une coïncidence.

- Vous me suivez ou quoi ?

- Présentement, oui. Je t’ai aperçu à la taverne et j’ai écouté votre petite conversation. Tu fréquentes de dangereuses personnes.

Elle croise les bras, une moue agacée peinte sur le visage. Pour qui se prend ce type, exactement ? Il ne va quand même pas lui faire une leçon de morale ? Elle n’a ni l’envie, ni le temps pour ça.

- Fichez-moi la paix !

Elle lui tourne le dos et va pour repartir, mais ce qu’il dit ensuite la retient aussi sûrement que s’il l’avait attrapé par le bras.

- Je peux t’aider à sauver ces enfants.

Elle se retourne, à la fois méfiante et pleine d’espoir. Toute aide est la bienvenue, mais cela semble trop beau pour être vrai. Il y a forcément anguille sous roche.

- Pourquoi vous feriez ça ?

- Vois ça comme un geste de bonne volonté de ma part. Et une excuse pour ce qu’il s’est passé la dernière fois. Nous avons un objectif commun, qui plus est. Autant s’entraider.

- Yerek ?

Même sans le voir, elle peut percevoir le sourire qui fend le visage de l’homme.

- Il n’est qu’un rouage dans un projet plus complexe. Mais c’est un début.

Serait-il au courant de toute l’histoire ? Qui est vraiment cet homme, exactement ?

- Vous êtes qui, exactement ?

- Tu le sauras en temps et en heure. Si les choses se passent bien.

Elle hésite un peu, mais, devant l’ampleur de la menace et son impuissance chronique, elle décide de hocher la tête en signe d’assentiment. Cela semble suffire car l’homme s’approche et la dépasse à grandes enjambées.

- Suis-moi.

Elle s’exécute. Bien vite, elle est obligée de trottiner pour garder le rythme et ne pas se laisser distancer. D’ordinaire, cela l’agacerait, mais, ce soir, son esprit est concentré sur autre chose. Elle a encore du mal à comprendre comment tout ça a pu dégénérer à ce point. Tout ça parce quelle voulait prouver à Jean qu’elle pouvait faire partie d’une opération plus importante. Et la voilà à traverser les rues endormies de la capitale avec un type étrange qui aurait une solution pour aider des enfants manipulés par un taré membre d’une secte d’autres tarés qui veulent faire revenir un dieu. Non, vraiment, les choses ont pris une tournure que personne n’aurait pu prévoir.

Ce qu’elle n’a pas prévu non plus, c’est que son guide décide de soudainement se volatiliser. Un clignement de paupière et il n’est plus devant elle. Elle se fige, s’attendant à un piège, mais un son attire son regard. Il s’est posté en haut d’un bâtiment et Marcy peine à comprendre comment il est arrivé là si vite. Il lui fait signe de le rejoindre, tirant une moue agacée à la rouquine. Il aurait pu la prévenir avant de grimper, non ? Mais elle ne se démonte pas et crochète une première prise dans le mur pour commencer à grimper. Il n’y a que quelques mètres et elle les franchit sans trop de difficulté avant d’atteindre le toit sur lequel elle se hisse. Il l’attend là.

- On pouvait aussi discuter en bas…

Elle ne cherche pas à cacher son agacement, mais son interlocuteur n’est pas en manque de répartie non plus.

- Et rater une telle vue ? Certainement pas.

Marcy hausse les épaules. Tout ce qu’elle voit, c’est l’obscurité percée par la lune et les torches et braseros illuminant les bâtiments importants d’une ville qu’elle a toujours connu. Rien de bien intéressant ou qui vaille la peine de grimper jusque-là. Elle connait tout ça. Depuis longtemps.

- Et donc ? C’est quoi le plan ?

- Faire sortir le rat de son trou.

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Re: Rues de la ville

Message par Marcy » ven. 26 déc. 2025 23:33

Chemin dérobé

Sondant avec appréhension le trou béant face à elle, Marcy inspire longuement. Elle a pourtant accepté le plan, mais ça ne rend pas la descente plus aisée pour autant. Dans l’idée, ce n’est pourtant pas bien compliqué. Infiltrer le bâtiment, trouver des preuves ou, à défaut, le moyen de répandre la maladie, et rapporter l’information à Jean qui saura quoi faire de cette information. Cela devrait écarter le danger qui pèse sur les enfants et pousser Yerek à la faute. En théorie. Seulement voilà, pour ça, il faut entrer. Et face à la serrure de facture thorkin renforcée de pierre magique, Marcy n’a pas eu de mal à comprendre pourquoi le plan reposait sur elle passant par un endroit que personne ne pouvait prévoir. Au moins elle sait où une partie de l’argent amassé par les enfants est partie.

- Mets ça. Il vaut mieux que tu évites de respirer la suie.

Elle hoche la tête et noue le foulard autour de son visage, protégeant ainsi son nez et sa bouche. Descendre par une cheminée n’était pas vraiment quelque chose qu’elle imaginait faire un jour. C’était dangereux, même avec le feu éteint. Et elle n’avait aucun moyen de savoir ce qui l’attendait de l’autre côté. Mais elle était la seule capable de se faufiler là-dedans. Aussi discrètement que possible.

- Et souviens toi. Pas de détour, tu viens immédiatement m’ouvrir. Pas d’aventure solitaire.

- Je sais !

Comme si elle avait envie de se balader là-dedans pour le plaisir… Comme prévu, elle a tout juste la place pour se glisser, mais peu de marge. Ce qui, d’un côté, facilite son maintien lorsqu’elle se cale en se servant de ses genoux, ses pieds et ses mains pour en pas tomber directement. Il y fait plus noir que dans la nuit la plus sombre et la suie rend tout glissant et désagréable, mais elle peut descendre lentement, un mouvement à la fois. Centimètres par centimètres, veillant à ne pas faire le moindre bruit, elle descend. Les premiers instants sont angoissants, mais, bien vite, elle s’habitue au rythme et à l’obscurité. Elle respire doucement, son souffle encombré par le tissu qui protège le bas de son visage. Elle peut le faire.

Ce qu’elle n’envisageait pas, c’est de tomber sur une grille, au cours du parcours. Elle jure et, prudemment, se poste sur la grille pour l’examiner. Elle tâte du bout des doigts et trouve une serrure. Les types ont vraiment verrouillé leur cheminée. Elle hulule doucement, el son résonnant vers l’extérieur. Bien vite, une tête encapuchonnée apparait quelques mètres plus haut. Elle signale, d’un ton aussi bas que possible

- Il y a une grille avec un cadenas.

- Merde… Tu saurais la crocheter ?

- Je peux essayer, mais j’ai rien pour le faire.

En réponse, elle reçoit une petite sacoche sur le haut du crane. Elle retient un juron cinglant et se masse le haut de la tête tout en récupérant la sacoche. A l’intérieur, tout un tas d’outils pour crocheter des serrures. Incapable de savoir lequel est le bon, elle en prend un au hasard et se contorsionne pour passe sa main par la grille et atteindre la serrure. Elle a déjà crocheté quelques serrures, mais elle n’est en rien une professionnelle de la chose. Alors sans rien voir et dans une position inconfortable, elle n’espère pas de miracles. Elle sonde la serrure à l’aide du crochet et trouve les crans servant à l’ouverture. Elle insère alors la pointe avec sa seconde main et trifouille le premier cran jusqu’à entendre un cliquetis. Un sourire apparaît alors sur son visage. Rien à voir avec la serrure haut de gamme de la porte. Juste une serrure basique. Son sourire disparaît au fur et à mesure que la concentration prend le dessus. Chaque seconde semble devenir une éternité, mais chaque cliquetis la récompense. Lorsque la serrure cède enfin, elle soupire. Avant de brutalement chuter. Libéré de son cadenas, la grille s’est ouverte d’un coup précipitant Marcy vers le sol. Par réflexe, Marcy appuie main et jambes contre les parois pour se freiner et une plainte douloureuse s’échappe presque de ses lèvres alors que la peau de ses mains ressort à vif du freinage d’urgence.

Refoulant les larmes de douleur, elle se laisse lentement glisser sur le dernier segment de la descente. Elle atterrit dans les restes d’un foyer aux braises presque éteintes. A l’intérieur, silence complet. Les mains tremblants sous la douleur, elle s’extirpe de cette maudite cheminée. Elle laisse ses yeux s’habituer un peu à l’obscurité avant de faire quelques pas dans une pièce complètement vide en dehors d’une masse informe de caisses entassées contre un des murs. Elle avance à pas de loups en serrant les dents, jusqu’à discerner un escalier. Elle l’emprunte en testant chaque marche pour être certaine qu’aucune en va grincer bruyamment. Elle passe un étage, puis le second, avant d’arriver au dernier. C’est là, sous les combles, qu’elle doit ouvrir à son acolyte inattendu. Deux portes l’accueillent, de chaque côté d’un couloir menant sur un mur dépourvu de fenêtre menant vers l’extérieur. Evidemment.

Ouvrir la porte s’avère être presque aussi difficile que de déverrouiller cette satanée serrure de grille. Sa chair à vif n’aime pas trop l’idée de serrer quoi que ce soit et elle étouffe un sanglot dans la manche de sa main libre pour ne pas se faire repérer. Elle pousse doucement la porte avec son épaule une fois celle-ci entrouverte et passe la tête par l’embrasure. Elle remarque immédiatement la fenêtre, amis aussi les deux lits occupés. A pas de loup, elle se glisse dans la pièce, profitant des ronflements des deux endormis pour couvrir ses légers bruits de respiration. Elle aurait adoré une nuit orageuse pour profiter du tonnerre, mais, visiblement, elle devra se contenter de ronflements. Une fois devant la fenêtre, elle fait lentement glisser la barre qui la maintient et la retient avant qu’elle ne touche le sol. Puis elle pousse lentement les battants. Son acolyte est déjà là et se faufile à l’intérieur sans faire le moindre bruit. Il pose quelque chose au sol et lui fait signe de sortir. Elle s’exécute sans rechigner et il referme la porte derrière eux. Elle murmure, curieuse.

- C’est quoi ? Par terre ?

- Un encens qui va les faire dormir pendant un long moment. Pas eu de problèmes ?

Elle nie de la tête en cachant ses mains dans son dos. Sa fierté la pousse à cacher la douleur. Elle ne veut pas être un poids. Pour personne. Il hoche la tête et lui fait signe de le suivre. Il inspecte la seconde pièce, vide. Il descend ensuite les escaliers dans un silence total. A tel point que Marcy se trouve horriblement bruyante et pataude comparée à lui. Il inspecte chaque pièce et y dépose son fameux encens dès qu’une forme endormie s’y trouve. En tout, Marcy compte cinq personnes quand ils terminent de fouiller l’endroit. Mais aucune trace de quoi que ce soit d’anormal.

- Le sous-sol.

Marcy hoche la tête, mais un bras lui barre la route. Elle relève le regard vers celui qui la fixe.

- Tes mains.

Elle a le bon ton de paraître gêné et présente ses mains à vif qui n’ont cessé de la faire souffrir depuis le début.

- Pourquoi ?

La question est simple. La réponse ne l’est pas tant et Marcy se contente de hausser les épaules.

- C’est pas si grave.

Elle siffle entre ses dents quand il saisit une de ses mains. Elle la retire aussitôt et ignore le regard entendu qui la juge clairement. Il n’ajoute rien et tire un flacon de sa cape.

- Tes mains. On peut pas se permettre de perdre du temps.

Elle obéit et grimace dès qu’il verse le contenu du flacon sur ses mains. Pourtant, après une brûlure brève, la peau est de nouveau là, comme neuve, face à une Marcy aux yeux écarquillés. Elle fixe ses mains guéries et pince même la peau pour être sûre que ce n’est pas une illusion. Cela tire un léger rire à son acolyte.

- Jamais vu de potion de soin ?

- Non ! C’est incroyable!

- Tu m’en vois ravi. Allons-y, il nous reste à fouiller le sous-sol. Reste sur tes gardes.

Elle acquiesce, revigorée, et tire sa dague. Juste au cas où.

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Re: Rues de la ville

Message par Marcy » dim. 28 déc. 2025 00:48

Un pas de plus

Face au vide devant elle, Marcy inspire. Trois étages, c’est plus qu’assez pour finir en purée sur les pavés en contrebas. Mais c’est sa seule issue. Car derrière elle, l’homme qui lui barrait la route grimpe sur le toit. Quelque soit son choix, il y aura un risque. Mais elle choisit le plus censé. Une nouvelle inspiration. Elle s’assoit sur le bord du toit, l’apprise, se tourne et commence à descendre. Elle tâtonne le mur, s’assure de chaque prise à mesure qu’elle descend. Son bras entaillé lui fait un mal de chien, mais elle continue. Son dos la fait souffrir, mais elle continue. Elle n’a pas le choix. Elle n’a ni la force, ni les aptitudes pour s’occuper du type qui lui barre le chemin. Fuir est plus simple. Plus rapide. Plus sûr. Et elle emmerde ceux qui pourraient la traiter de lâche. Elle survit. C’est tout ce qui compte. Même si, cette fois, ce n’est pas uniquement pour elle.

Lorsqu’elle touche enfin les pavés, elle expire lentement et lève le nez. Personne ne l’observe depuis le toit. Il a dû regagner l’intérieur. Elle ne s’attarde pas, consciente qu’il la rattraperait si elle trainait trop. Elle s’enfuit, laissant son acolyte derrière. Il lui a dit de fuir et c’est exactement ce qu’elle fait, transportant dans sa sacoche le message pour Jean. Juste avant de disparaître dans une ruelle, elle lâche un dernier regard vers le bâtiment. Rien n’en sort, qu’il soit allié ou ennemi. S’appuyant sur le mur de son bras valide, elle reprend sa route, sans savoir ce qu’il se passe à l’intérieur.

Chaque pas la rapproche de Jean, mais elle peine de plus en plus à mesure que la distance se réduit. La fatigue, la faim, la peur, la douleur, tout se mélange en une soupe de sensations que son corps commence à ne plus pouvoir encaisser. Elle titube, glisse parfois, s’effondrant presque sur les pavés, laissant des traces de sang sur les murs contre lesquels elle s’adosse, juste le temps de reprendre son souffle. Chaque seconde est un calvaire. Elle se demande alors ce qu’elle fait là, pourquoi elle fait out ça. Après tout, ça n’a jamais été qu’elle face au monde. Elle ne doit rien à personne. Elle a toujours lutté à sa manière. Et voilà qu’elle se retrouve blessée pour des inconnus. Des enfants qu’elle connaît à peine. La colère, la détresse et l’envie d’abandonner se font de plus en plus forte à mesure que son corps lui hurle d’abandonner pour se reposer. Pour enfin goûter à un repos qu’elle mérite amplement.

- T’es trop forte Marcy !

- T’es vraiment pas possible, Marcy !

- Je suis heureuse que tu sois rentrée.

Voilà qu’elle entend des voix, maintenant. Eleanore. Gus. Même Méli. Et Sania. Et Edouard. Et tous les autres, qu’elle les connaisse ou non. C’est plus grand qu’elle, tout ça. Et elle ne peut pas se résoudre à laisser tomber avec ce qu’il y a en jeu. Alors elle marche, elle tente de courir, trébuche, recommence. Alors même que ses sens s’engourdissent et que ses yeux peinent à vraiment discerner correctement ce qu’elle a devant elle. Elle s’arrête un instant, renifle, sanglote sous la douleur qui ne veut pas se calmer. Elle essuie ses yeux et ses joues humides.

L’éternité semble prendre fin lorsqu’elle reconnaît enfin la rue qui la conduira là où Jean se trouve. Elle titube, ses jambes demandant grâce après autant d’effort et de douleur. L’épaule contre le mur, elle s’aide de ce dernier pour avancer, se trouvant pathétique à avancer comme une estropiée. Mais elle n’en peut plus. Quand elle atteint enfin la porte, elle s’effondre lamentablement contre le battant, sans parvenir à l’ouvrir. Elle tape dessus avec l’énergie du désespoir, sans que rien ne bouge. Fermée. Elle se ramasse pour essayer de se redresser, mais ses jambes, après la courte pause, ont finalement lâché. Elle cogne encore sur la porte, en vain. Elle finit par sangloter, impuissante. Jusqu’à ce qu’une silhouette n’apparaisse au bout de la rue.

Elle la repère sans trop de difficulté. Et elle relève un peu la tête, pleine d’espoir. Jusqu’à ce que ladite silhouette ne commence à courir vers elle. Un bref éclat de lune illumine le visage. Ce n’est pas son acolyte. Elle tape de nouveau désespérément contre la porte alors qu’il réduit la distance, prêt à frapper. Dans un dernier geste, elle tire sa dague, prête à se défendre face au colosse qui lui fonce dessus. Mais elle bascule soudainement en arrière. Sa tête heurte rudement le sol dallé, lui arrachant une plainte.

- Qu’est-ce que…

Elle ne sait pas trop ce qu’il se passe ensuite. Elle entend des voix, des bruits de pas. Puis de coups sont échangés non loin tandis qu’on la traine vers un endroit chaud et éclairé. Elle tremble de tous ses membres, agrippée à sa dague comme un naufragé à sa planche de salut. On parle autour d‘elle. Quelqu’un lui pose des questions. Elle n’arrive pas à se concentrer suffisamment pour tout comprendre. Elle ne fait que murmurer le prénom de Jean, en espérant que quelqu’un comprenne. Elle se sent quitter le sol, puis retomber doucement sur quelque chose de plus doux. Quelqu’un tente de lui prendre sa dague, mais elle s’y accroche fermement. Elle lutte pour garder les yeux ouverts malgré l’envie de les fermer.

- Elle est là, patron, elle fait que vous réclamer.

- Marcy ?

Son prénom rallume une braise et lui fait tourner la tête. Jean. Enfin. Il s’accroupit près d’elle, passe un doigt sur son visage couvert de suie, de sueur et de sang.

- Mais que t’est-il arrivé ?

Elle n’arrive pas à savoir s’il est vraiment inquiet pour elle ou s’il craint une attaque. Mais elle apprécie l’urgence dans sa voix. Incapable de répondre et d’expliquer, elle se contente de récupérer le papier et de lui tendre d’une main épuisée et tremblante. Il le saisit délicatement et elle laisse retomber sa main. Mission accomplie. Elle peut enfin fermer les yeux. Elle a assez travaillé, non ? Elle entend vaguement Jean s’activer, donner des instructions au vu du ton employé. Elle n’arrive pas à discerner grand-chose. Ce qu’elle comprend, par contre, juste avant de sombrer, c’est que Jean serre sa main avec une douceur qu’elle ne lui aurait jamais attribué.

- Je m’occupe de tout, Marcy. Repose-toi.

Elle essaie de hocher la tête, mais ne sait même pas si elle y parvient avant de sombrer finalement dans les ténèbres.

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Re: Rues de la ville

Message par Marcy » lun. 29 déc. 2025 11:07

Amour et trahison


Marcy termine d’enfiler sa tenue, retrouvant avec réconfort quelque chose de plus seyant et couvrant. Une tunique, c’est joli, mais ça ne vaut pas un pantalon et une chemise de lin pour parcourir les rues de la ville. Elle lace le haut de sa chemise, vérifie que tout est en ordre et sort de la chambre, la tunique prêtée sous le bras. Elle la tend à jean qui patiente, adossé au mur en face. Il récupère l’habit sans un mot, une expression indéchiffrable sur le visage. Les bandages qui ornent le bras de Marcy sont visibles sous sa chemise, dépassant de sa manche, mais la rouquine n’en a cure. La douleur est lointaine, un peu comme celle d’une coupure. Agaçant, mais pas plus gênant que ça. Tant que son bras n’est pas trop sollicité, en tout cas. Et alors qu’elle s’apprête à partir, Jean lui tend quelque chose. Elle hausse un sourcil, un peu surprise. Une cape à capuche noire qu’elle peut fermer grâce à un lacet de cuir. A sa taille, qui plus est. Le tissu n’est pas de première jeunesse, mais il est propre.

- Merci, mais…. Pourquoi ?

- Il risque de pleuvoir.

Elle cligne des yeux, un peu perplexe, mais le visage de Jean ne laisse toujours rien transparaître. Elle passe donc la cape sur ses épaules, fait un nœud avec le lacet et rabat la capuche sur sa tête. Elle aime beaucoup, mais ne voit toujours pas pourquoi Jean lui donne ça. Ni comment il fait pour avoir des vêtements à sa taille, entre la tunique et cette cape.

- Tu collectionnes les vêtements pour enfants ? ironise-t-elle.

- Je te préférai endormie, tu racontais moins d’âneries.

Son sourire s’élargit, mais elle n’insiste pas. Après tout, elle gagne une cape, elle ne va pas cracher dessus. Et propre, en plus, même si déjà portée. Tous ses vêtements sont de seconde main, de toute façon, elle a l’habitude. Le neuf, c’est cher, délicat et trop visible. Elle relève la capuche, ramasse ses cheveux d’une main et, de l’autre, attrape son ruban fétiche pour les nouer en une queue de cheval désordonnée. Une fois cela fait, elle accroche sa sacoche à sa ceinture, vérifie que tous ses kunais s’y trouvent et lâche un soupir de satisfaction. Elle se sent bien mieux comme ça.

- Si tu tombes sur ce Yerek, ne fais pas la maligne, tu viens immédiatement me donner l’information.

- Pas de problème !

Jean saisit fermement le bras de Marcy qui sursaute, surprise par le geste autant que par le regard très sérieux que l’homme lui délivre.

- Je ne plaisante pas, Marcy. Tu n’es pas de taille face à un type comme lui. Tu viens me prévenir. Est-ce clair ?


Elle hoche lentement la tête. Elle n’avait nullement l’intention de se la jouer héroïne du dimanche en combattant elle-même ce type, mais voir Jean réagir comme ça ne fait que renforcer son appréhension. Qui est vraiment Yerek, au final ? Elle se masse le poignet que Jean libère et lui jette un regard en coin, cherchant à percer la vérité. Mais l’homme est redevenu un masque impassible, impossible à cerner. La rouquine se passe la langue sur les lèvres et, préférant en pas prolonger un moment gênant, file sans demander son reste.

- Marcy !

Elle grimace et s’arrête au milieu des escaliers. Elle tourne la tête pour voir que Jean n’a pas bougé. Etrangement, il ne la regarde pas, il a les yeux fixés sur la tunique qu’elle lui a rendue. Une question brûle les lèvres de la rouquine, mais les mots de Jean lui ôtent les mots de la bouche.

- On prépare notre coup dans huit jours, à midi. Soit là.

Un large sourire victorieux se dessine sur le visage de la rouquine qui sautille jusqu’en bas en criant sa réponse.

- Compte sur moi !

Puis elle sort et file dans la rue sans s’inquiéter des passants. Elle trottine un moment, slalomant comme à son habitude au milieu de la foule constante de la capitale. Elle l’a fait. Elle a prouvé sa valeur à jean et, maintenant, elle va pouvoir participer à ce qu’il lui a fait miroiter depuis de lustres ; un gros coup. De quoi remplir sa bourse pour un long moment et, peut-être, pouvoir enfin se payer les trucs dont elle a toujours rêvé. Pas besoin de travailler, pas besoin de se lever tôt pour une misère sans reconnaissance. Un vol et une récompense. Simple, précis. Et terriblement plus excitant que l’idée d’aller laver les fringues de riches nobliaux au lavoir en échange d’une malheureuse pièce. Tout semble finalement lui sourire et il ne lui reste plus qu’à s’assurer que les enfants soient en sécurité et tout ira parfaitement bien.

C’est donc avec une certaine légèreté qu’elle frappe à la porte de la maison d’Eleanore. Elle lui a dit de rester là et elle espère qu’elle l’a fait. Avec la menace des rats éliminée, elle s‘imagine que Yerek a laissé tomber les enfants. Elle doit déjà convaincre Eleanore de toute cette histoire, trouver Edouard et, avec leur aide, trouver un moyen que le groupe de voleurs ne soit plus une cible pour la pègre de Kendra-Kâr. Un vrai j’eu d’enfant… Elle n’est pas spécialement à l’aise avec l’idée de jouer les grandes déclameuse de discours et espère franchement qu’Edouard aura un peu plus de facilité qu’elle. Mais pour ça, il faut le retrouver. Et pour ç, il faut qu’Eleanore réponde. Elle frappe à nouveau. Enfin, elle entend du bruit à l’intérieur. La porte s’ouvre alors légèrement, laissant apparaître une pupille bleue entoure d’une chevelure blonde comme les blés. Mais ce n’est pas Eleanore.

- Ah, c’est toi… Marcy c’est ça ? Entre.

La porte s’ouvre et Marcy pénètre dans la maison. Pas de petite blonde surexcitée en vue. Marcy fronce les sourcils et se tourne vers sa mère. Ses yeux s’écarquillent et elle bondit en arrière juste à temps pour éviter le couteau qui lui aurait ouvert le flanc. Elle se jette par-dessus la table pour tenir en respect la femme qui, le visage tordu par un mélange de colère et de chagrin, la menace.

- Je suis désolée. Je dois le faire ! Laisse-toi faire pour El’, ce sera plus facile. Pour tout le monde.

- Attendez !

Mais elle ne veut rien entendre. Elle se jette à nouveau vers Marcy, tranchant l’air comme une démente pour atteindre la rouquine qui, à force de reculer, se retrouve bloquée contre le mur.

- Expliquez-moi ! Où est Eleanore ?

- Il l’a emmené…. Il lui fera du mal si je ne me débarrasse pas de toi.

- Qui ça ? Qui a... Yerek ? Hey !

La lame frôle dangereusement l’œil de la rouquine qui roule sur le côté avant de bondir vers la porte pour s’enfuir. Fermée. Evidemment. Elle se retourne, ses yeux cherchant une solution. La femme charge. Marcy se ramasse et bondit, la percutant de plein fouet. Les deux roulent au sol, mais Marcy, plus habituée, se relève plus vite et donne un coup dans la lame qui s’en va glisser sous un meuble. Mais la mère d’Eleanore lui saute dessus avec l’énergie du désespoir, ses mains cherchant à serrer la gorge de Marcy qui lutte de toutes ses forces pour l’en empêcher. Mais son bras blessé lâche peu à peu et elle peut déjà sentir les doigts glisser autour de son cou.

- Je sais où trouver El’. Je vais la sauver !

- Non ! Je ne prendrai pas ce risque ! Elle est tout ce que j’ai !

Les mains se resserrent autour de la gorge de la rouquine qui, faute de mieux, attrape les cheveux de la femme et s’en sert pour lui donner un coup de boule. Les deux adversaires crient de douleur, mais al pression sur Marcy s’évapore, permettant à la rouquine de pousser la blonde et de se relever. Elle attrape le premier objet qui lui passe sous la main – un pichet – et le jette droit sur la tête de la mère d’Eleanore. Un bruit sourd précède la chute de la femme sur le sol. Marcy reprend difficilement son souffle en approchant prudemment. La maman gémit et sanglote sur le sol, vivante. Pas de sang, mais sûrement une grosse bosse à venir. Marcy ne retient pas un soupir de soulagement.

- Je vais vous la ramener, je vous le promets.

Elle n’obtient en réponse que des reniflements chaotiques mêlés à des plaintes. Marcy serre les poings. C’est forcément Yerek. Elle se penche sur la femme et récupère la clé qui se trouve à sa ceinture tandis qu’elle se lamente, des sillons de larme maculant son visage.

- Mon bébé…

La mâchoire serrée, Marcy déverrouille la porte, repose la clé sur la table avant de sortir et de refermer la porte derrière elle. Puis elle se met à courir de toutes ses forces. Elle doit sauver El’.

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