«Aki, tout va bien ? »
La main de la semi-shaakte tapota sur son épaule, attirant son attention alors que le groupe suivait le mage noir vers le campement de son peuple. Comparé à ce qu'elle avait pu lui dire avant, son ton était plus préoccupé qu'en colère. D'une voix neutre, il lui répondit dans un haussement d'épaules tout en continuant de regarder droit devant lui :
« Bof. Toute cette situation me plait pas du tout, à vrai dire.
- À moi non plus, mais... Tu n'as pas l'air d'être toi même, ajoute-t-elle après un soupir.
- C'est sans doute un peu le cas, à cause la culpabilité de nous avoir encore mis dans mouise. Oui, la disparition de la magie c'est ma faute. »
Révéler une nouvelle fois sa faute l'étreignit une nouvelle fois d'une colère froide, crispant sa mâchoire comme ses poings. Mais il la dissipa rapidement.
(C'est bon, c'est fait, ça sert à rien de s'en vouloir plus.)
« Je pensais déjà avoir jeté ma gourme, mais faut croire qu'il fallait que je fasse encore une dernière connerie. Mais t'inquiète pas, même si on retrouve nos pouvoirs, t'auras pas t'inquiéter que je l'utilise de nouveau. »
Il se serait attendu à ce qu'elle lui en remette une couche, juste parce qu'elle était déçue ou même en colère. C'aurait été normal. Mais la volcanique Yliria essaya au contraire de le réconforter : elle aussi lui dit qu'il n'avait pas à se flageller, qu'il n'était pas parfait. Personne ne l'était, alors il n'avait pas à s'en vouloir quand le résultat de ses actes n'avaient, au final, blessé personne et n'était même pas de sa propre volonté.
« Ca ne te ressemble pas. Je sais qu'on voie pas les choses de la même façon, mais je pense vraiment que tu te punis pour rien. »
Il sentait le regard de la jeune femme posée sur lui, quand l'enchanteur fixait lui l'horizon. Il était à la fois heureux qu'elle ne soit en colère contre lui qu'il était gêné de lui montrer un aspect pathétique de sa personne. C'est pourquoi quand il se tenta à la regarder à son tour, il détourna rapidement les yeux.
« Tu as raison. Bien sûr que tu as raison. Oui je dois pas me flageller, même si j'en ai envie. Mais comme j'ai dis à Dracaena, ça fait beaucoup en une petite journée. Même si j'avais pas de mauvaises intentions les faits sont là : la magie est trop instable quand je l'utilise. Alors quand on retrouvera la magie -si on la retrouve...- je ne vais plus l'utiliser, sauf cas extrêmes. J'essaye pas de me punir, hein. Simplement entre mes convictions et la magie, mon choix est vite fait. Et si la deuxième te... vous mets en danger, alors j'ai pas à l'utiliser comme j'en ai l'habitude sur Yuimen.
- C'est ta décision, je ne vais pas te dire quoi faire.
- Merci de respecter mon choix, Yli. »
(Comme je devrais respecter les tiens.) ajouta l'Ynorien dans son fort intérieur, tandis que son amie continuait après quelques instants de silence uniquement troublé par le craquement de la terre desséchée sous ses pieds.
« Avec Ssussun, j'ai pu essayer quelque chose. Quand j'ai ramené à la vie... beaucoup trop de choses, c'était un sort que j'ai fait en commun avec lui, on a partagé notre puissance et notre contrôle. Peut-être que c'est une chose à tenter plus régulièrement.
- Mmmh. Bah ça t'a quand même échappé, au final. Mais si se mettre à plusieurs permet de mieux maîtriser, ca vaut le coup. Peut être. Mais de ce que je sais, t'es la seule Invocatrice.
- Tu m'as mal comprise, le corrigea Yliria.
Je pense que c'est aussi faisable avec deux personnes, voire même plus. Que ce soit pour augmenter la puissance ou le contrôle. Tu vois où je veux en venir ? Sans l'interférence des fluides, on peut faire des choses similaires, donc, on doit pouvoir se regrouper pour faire quelque chose. Et des choses que nous seuls, Yuimeniens, pouvons faire. Ce n'est qu'une théorie, mais ça peut valoir le coup d'essayer.
- C'est pas faux. Mais ça voudrait aussi dire plus de puissance canalisée ; et quand on voit le niveau de désastre qu'un seul d'entre nous peut provoquer, imagine si on est plusieurs... »
il reprit après une petite pause silencieuse, repensant aux maigres informations qu'il avait sur la magie. N'ayant rien de mieux à ajouter, il haussa une nouvelle fois les épaules.
« Mais je suis d'accord, ça a le mérite d'être intéressant à tester. Même si ça va en faire râler certains.
- Laisse-les râler. Je me fiche pas mal de leurs avis, après le coup de la corruption et la stupidité dont ils ont fait preuve. »
(Elle l'a encore en travers de la gorge, visiblement.)
(Faut dire que vu comment elle s'est emportée à ce moment là, le contraire m'aurait étonné.)
(Regarde là, encore à vouloir te ménager sur l'utilisation de la magie. Tu devrais faire plus attention à elle.)
(Oui, oui...)
« Je vais essayer, mais c'est... c'est rageant. Toi la transformation en glaçon, le lance flamme ou la résurrection de masse, soit tu étais la seule concernée, soit ça s'est bien fini. Moi j'ai toujours entraîné tout le monde dans mes erreurs, et pas qu'un peu... Parce que si ca se trouve, je nous ai définitivement privé de magie. On part du principe qu'elle va revenir, mais la magie ici est tellement puissante... »
Il prit de nouveau une grande inspiration, pour se calmer.
« ...Mais je vais essayer. Je vais prendre de la distance avec tout ça.
- C'est tout ce que je demande. Ce qui est fait est fait, tu ne peux pas le changer. Ce qui compte c'est de tout faire pour améliorer la situation. Et te morfondre ou te suicider sous la botte d'un Titan c'est pas la meilleure des façons..
- Mon plan est pas une tentative de suicide déguisée pour racheter mes fautes, hein.
...
Bon, je me sens vraiment coupable donc si, je veux me racheter. Mais c'est pas dans mes projets de le payer de ma vie : si on a une meilleure solution ou une personne mieux taillée que moi, je dirais rien.
- T'as pas intérêt... ça ne va rien arranger à notre situation, en plus. »
Il réprima un sourire à la moue qui ornait son visage, avant de farfouiller dans sa besace.
« Bah... quelque part, sans moi pour nous mettre des bâtons dans les roues... Non non. J'ai rien dit. Pas me tourmenter, pas me tourmenter. Tiens. C'est de la magie brute, cristallisée. Je pense qu'on pourrait s'en servir de catalyseur magique. »
Yliria l'examina avec curiosité, le comparant à un bâton avant de dire qu'elle n'avait pas utilisé de catalyseur depuis longtemps. Et à moins que sa rapière n'en soit un comme pouvait l'être son marteau, Akihito ne se souvenait effectivement pas l'avoir vu un jour manier ce genre d'objet.
« Pour que ca ressemble à un bâton, il faudrait le raffiner, le tailler, le sertir... En l'état, je suppose que ca décuplerait juste notre magie et son potentiel de destruction aléatoire. Peut-être que des personnes là où nous mène Alossarh sauront quoi en faire.
- Hmmmm... Je sais pas trop où ça va mener, mais tu peux essayer. Au pire tu peux le lancer pour que ça explose.
- Pour ça que je te le confie. Quitte à ce que quelqu'un l'utilise, autant que ce soit pas moi, et je préfère le confier à quelqu'un en qui j'ai confiance.
- C'est... merci, mais garde-le. Je vois pas à quoi ça me servirait, tu en auras sans doute plus l'utilité que moi.
- Comme tu veux. Dans tous les cas, tu sais que je l'ai. »
Avec hésitation et après lui avoir jeté un regard étrange, l'Enchanteresse lui rendit le cristal qu'il remit à sa place dans un haussement d'épaule. Leur conversation n'aurait pas pu aller plus de toute façon, puisque le petit groupe s'engouffra dans une grotte qui devint étroite cavité, puis monstrueuse caverne. Une caverne dont le sol était parcouru de plusieurs habitations faites de bric et de broc, avec ce que les réfugiés avaient pu emporter avec eux ou récupérer dans les ruines. Il était impossible de savoir combien ils étaient : quelques dizaines ? Plus de cent ? Ce qui était sûr c'est qu'à l'instar d'Alossarh, on n'avait pas l'air spécialement ravi de les voir. Les regards qu'on leur jetait allaient du simple dédain à la franche hostilité. Akihito laissa tout couler et se rappela même avoir déjà vécu une sensation similaire. Une cité souterraine, des regards peu amicaux... Il se serait cru à Mertar.
Leur guide les mena jusqu'au milieu du campement et après une brève explication comme quoi on leur dégotterait de quoi manger et un coin pour qu'ils puissent dormir, le sorcier disparut dans les allées du campement.
(Il a l'air un peu trop pressé de nous abandonner là.)
(Ces gens ont sans doute autre chose à faire que de provoquer une bagarre.... Mais dans le doute, fait attention à tes mots et tes gestes,) conseilla sa Faëra prudente. Ce qu'il accepta en observant les personnes autours de lui.
(Mmhmmh.)
Le moins qu'on pouvait dire, c'est que les survivants avaient des apparences très diverses et variées. Il avait aussi bien une femme assez vieille pour faire douter quelques héritiers, un homme grand à la mâchoire métallique et aux tatouages tribaux, un autre avec un demi masque d'or sur le visage... Il y avait même un dernier personnage qui, s'il n'était pas sur Aliaénon, Akihito l'aurait confondu avec le Père No-Hell des légendes yuiméniennes.
Et comme il fallait commencer par quelqu'un, pour savoir de quoi ils retournaient... L'enchanteur se dirigea vers un mage au regard fuyant. une jeune homme aux cheveux noirs plaqués en arrière qui les avaient dévisagés longuement quand ils étaient arrivés, avec une certaine animosité. Ou de la colère ? L'émotion n'était pas très clair, mais ce qui l'était c'était que les Yuiméniens n'avaient pas l'air de lui être inconnu.
« J'imagine que notre présence vous étonne ?
- Même pas. Je connais les vôtres : dès que quelque chose va mal, les yuimeniens ne sont pas loin. »
Le ton las mais teinté de reproche n'échappa pas à l'Ynorien tant celui-ci était marqué. Son regard dériva même vers une partie de son groupe derrière lui, mais il ne pris pas la peine de se retourner pour savoir qui avait un passif avec lui.
« Je vois plus la chose dans l'autre sens. C'est vos problèmes qui nous attirent, et on est là pour vous aider à les régler. Akihito Yoichi. Et vous êtes ?
Les yuimeniens ont causé la guerre en Aliaénon, et l'ont résolue en éveillant les Titans. Ils ont ensuite voulu aider les peuples unis, et s'en est suivi l'effondrement de notre union, la Tour d'Or, ainsi que de nombreux morts directs, cracha le mage avant de serrer les mâchoires d'une colère contenue.
Vous aidez, oui. Mais en semant le chaos derrière vous. La ruine. Je suis Bellarien d'Assamoth. Que venez-vous tenter de faire, cette fois ?
- Je vais être honnête avec vous, Bellarien d'Assamoth. Je n'étais pas des premiers Yuiméniens à venir ici, alors je ne peux pas parler pour eux. Mais actuellement, les catastrophes qui touchent Aliaénon menacent aussi ma ville natale : c'est pourquoi je suis là. J'aimerais pouvoir éviter que ce qui vous est arrivé touche d'autres innocents, et in fine ma patrie.
- Je ne vous accuse pas personnellement. Je constate juste l'effet des vôtres sur notre monde. Un effet des plus regrettables, jusqu'ici. Vous avez vos raisons, j'entends bien, mais quelles catastrophes pensez-vous donc résoudre ? Balayer de nos ruines un titan monstrueux ? Je doute que cela puisse vous apporter quoique ce soit.
- Ce Titan est la cause de tous les désastres actuels, visiblement. Et pour l'instant, le balayer est irréaliste. Mais si j'ai bien compris, votre cité canalisait la puissance destructrice de la Lande Noire. Avec sa chute, d'autres peuples d'Aliaénon sont en danger. Alors la priorité actuelle pour moi, c'est d'empêcher que son influence se répande à tout votre monde. Le sorcier qui nous a un peu brossé le tableau, avec les cinq sceaux qui retenaient la Lande noire ont été brisés. Vous pensez quoi, vous, de la situation ?»
L'avis de Bellarien fut alors pour le moins... Surprenant. Si il pensait que replacer les sceaux seraient une bonne chose, il ne qualifiait pas la Lande noire comme "destructrice". Puissante, oui, mais pas dangereuse. Les sceaux étaient d'ailleurs utiliser par les sorciers de la cité aussi bien pour la contenir que l'étudier.
« Pour nous, elle le semble, destructrice, argua le mage.
Mais j'entends également qu'on ne juge que depuis quelques heures, alors notre avis n'est pas des plus représentatif. Vous, vous feriez quoi pour régler tout ça ?
- Ne pas agir dans l'urgence sans savoir où agir et comment. Etudier la situation, les possibilités. Longuement. C'est ainsi que nous procédons, à Elscar'Olth. La seule méthode qui permet que tout ne nous saute pas à la tête. Prudemment, consciencieusement. Et en calculant les retombées. Les conséquences. Tout l'inverse de vos méthodes habituelles. »
(... Bon, ils ont fait quoi Xël, Sibelle et les autres pour qu'il leur en veule autant ?)
(Pas mal de grabuge, visiblement. Mais ça a presque l'air personnel pour lui. Fait attention à tes mots.)
« J'aimerais que ce soit le cas. Mais disons que vous n'avez qu'une semaine avant que la propagation de la Lande noire n'ait de sérieuses répercussions, ou à peine plus, vous feriez quoi là ? Parce que de ce que nous voyons, de notre point de vue, c'est le temps qu'il reste avant que la cité d'Esseroth soit rasée. Et peut être encore moins de temps pour d'autres villes plus proches d'ici. »
Il enchaîna avec un regard plus compatissant, et une voix apaisée pour lui faire comprendre qu'il ne voulait pas le blesser.
« Les miens n'ont pas toujours réagit de la façon la plus... Réfléchie pour vous, à Elscar'Olth. Mais de ce que je sais, on a souvent été pressé par la situation. On pourrait attendre deux semaines de plus, et sacrifier Esseroth, en espérant trouver une meilleure solution. Sacrifier une ville, pour sauver le continent. Mais est-ce que vous avez des raisons de croire que ce sacrifice permettra de trouver une solution ?
- Rasée ? Par quel moyen ? Là encore, vous dramatisez une situation que vous ne maîtrisez pas, et vous faites dépasser par une urgence erronée. Quant à tout sacrifier... Votre compatriote n'a pas hésité une seule seconde à sacrifier le meilleur d'entre nous, celui qui aurait pu devenir Roi d'Eslcar'Olth, pour assouvir une vengeance sur celui qui le contrôlait. Sans chercher d'autre solution. Une mort qu'il n'avait pas méritée. Mon frère.
(Aïe. Très personnel, en effet.)
- Alors ne me faites pas croire que le sacrifice est étranger aux vôtres. Mais ne vous méprenez pas : mon propos n'est pas de sacrifier quoique ce soit. Mon propos est de mesurer risques et conséquences de nos actes. Et là, je ne vois aucun risque qui en vaille la peine : Nous n'arriverions à rien, sinon nous jeter vers la mort.
- ... Désolé. Comme j'ai dit, je ne suis pas au fait de tout ce qui s'est passé ici, avant ma venue hier. Et loin de moi l'idée de vous faire la morale. »
Touché par sa peine manifeste et sa rancoeur logique, il tendit une main compatissante pour la poser sur son épaule. Il s'y déroba, mais sans montrer d'hostilité.
« Peut être qu'on dramatise. Mais je vais vous raconter ce qu'on a vu. Le territoire de la Lande noire progresse, en direction d'Esseroth. Mené par des oiseaux comme... Corrompus ? Noirs, à peine vivants. Sur son passage, la végétation se meurt en quelques heures et les animaux sont pris de folie. Est ce que c'est une conséquence "normale" de la Lande noire ? Ou peut être que le Titan a une influence sur tout ça ?
- Je ne cherche pas votre pitié, ser Yoichi. Encore une fois, je ne fais qu'énoncer des faits. Et oui, sans notre conditionnement, la Lande Noire progresse. C'est un... effet naturel de ce monde, que nous avons maîtrisé jusqu'ici. Mais il ne signifie pas la fin de tout : il modifie certes les formes de vie les plus archaïques, exacerbant leur agressivité et modifiant leurs gènes, mais les vivants plus évolués s'y accommodent bien. Les biomes sont modifiés, bien entendu, mais là encore on s'accoutume sans peine aux sols sombres et vides de toute verdure. Rien qui puisse venir à bout d'une cité, sinon nous ne serions plus de ce monde. Et si la vague de progression est agressive, elle finit par se réguler d'elle-même pour que les conditions de vie soient tout à fait correctes.
Rien à voir avec le Titan, donc. Mais sachez que cette 'corruption', comme vous l'appelez, ne se dirige pas que vers Esseroth : c'est toute la Lande Noire qui avance et se répand. Partout. Ainsi donc, puisque le sujet a été abordé : avez-vous la moindre idée de comment agir pour contrer les effets néfastes de la présence du Titan ?
- Un effet auquel vous êtes accoutumé, sans aucun doute. Mais votre peuple y est habitué depuis des siècles, mais pas les habitants d'Esseroth ou des autres villes; ca causerait la ruine de beaucoup de personnes qui n'y sont pas familier. Pas leur extinction, certes, mais beaucoup d'eux y perdraient la vie, malheureusement. Et votre sorcier Alossarh n'a pas été très coopératif, mais on ne peut pas lui en vouloir.»
Le mage l'accusa de dramatiser sur la situation, pointant du doigt le fait que le peuple d'Elscar'Olth et même lui évoluaient dans la Lande sans dépérir. Selon Bellarien, Akihito et ses compagnons avaient simplement peur de ce qu'il ne connaissait pas. Alossarh Crath faisait même preuve d'une tolérance que le mage ne lui connaissait pas en laissant les étrangers venir ici.
« Je dramatise peut-être, mais je suppose que nombreux seront ceux qui ne sauront pas s'habituer à votre environnement très différent, sur le long terme. Et ça me fait me poser une question. Comment vous nourrissez vous ? Vos terres n'ont pas l'air faites pour la culture, l'élevage ou autre. Et je suis reconnaissant du privilège qui nous est donné :vous avez beaucoup de raisons de nous en vouloir, mais nous sommes là pour vous aider, en toute sincérité. Si nous agissons mal, c'est par méconnaissance, pas par mauvaise intention. Alossarh l'a je l'espère ressenti.
- Vous supposez mal. Surtout les esserothéens : ils sont capables de prodiges magiques leur assurant, par exemple, un bien meilleur confort alimentaire qu'ici. Même si nous ne sommes pas à plaindre : nous mangeons la chair des créatures des alentours, des champignons des profondeurs, des lychens et faisons infuser les sédiments de la roche noire. Un régime pertinent, complet, qui décuple en sus notre sensibilité à la magie.
- Votre mode de vie est peut-être accommodable.. Mais je pense que beaucoup d'arriveraient pas à le faire. Et Aliaénon ne gagnerait pas à vivre de manière uniforme sous la Lande Noire, je suppose ? tenta l'enchanteur, sans succès.
- Nous avons évité jusqu'ici à ce monde de vivre de cette manière uniforme que vous décriez. Mais nul ici ne peut se prétendre éternellement supérieur à la nature même de ce monde. Nous ne pouvons, au final, que nous y adapter. »
Akihito, lui, repensa à la question qu'il lui avait posé plus tôt, sur ce qu'ils comptaient faire pour régler le problème du Titan. Le ton laconique et peu coopératif de Bellarien n'aidait pas, mais il se força à garder son calme pour essayer d'avoir un peu plus d'informations.
« Pour l'instant, notre objectif serait de replacer les sceaux le plus rapidement possible. Cela ne libérerait pas votre cité, mais cela gagnerait un peu de temps pour que nous puissions penser sereinement à un moyen de nous débarrasser de ce Titan. Ou du moins s'assurer qu'il ne cause plus de mal à qui que ce soit.
- Replacer les sceaux, oui. Mais c'est une étape avancée d'un plan dont nul ne connait encore les premiers actes. Comment passer la vigilance du Titan ? Comment nous rendre sur les lieux des sceaux ? Comment être même certains qu'ils sont indemnes et accessibles ?
- L'ébauche de plan que nous avions, c'était de nous servir de notre magie pour servir de diversion le temps de vous faire replacer les sceaux,commença Akihito.
Et parier sur le fait que le Titan n'a que faire de leur activation. Pour vous rendre sur les lieux des sceaux, nous avons des mages capables de créer des passages, des portails, entres plusieurs points, pour rendre les voyages instantanés. Quant à votre dernière question vous me pardonnerez ma question profane, mais quelles sont les prérequis pour apposer les sceaux ? Parce que j'imagine que vous ne pouvez pas les faire nul part.
- Vous servir de votre magie... Cette espèce de magma entériné dans vos chair et prêt à exploser sans le moindre contrôle. C'est pour la puissance de celle-ci que certains peuples vous vénèrent. Et pour son potentiel de chaos que d'autres vous détestent. Je ne suis pas certain de vouloir la voir à l'œuvre. Quant aux sceaux, leurs points d'ancrage sont précis et étudiés scrupuleusement. Il ne s'agit pas juste de poser aléatoirement une protection sur le sol : nous cernons ainsi les remugles magiques des profondeurs en les concentrant. Autrefois, cette concentration pointait le centre de la cité, des profondeurs jusqu'en haut de la Tour de l'Archisorcier. Pour rétablir ce qui était, nous n'avons d'autres choix que d'utiliser les mêmes sites. »
Il ne put retenir un léger claquement de langue désapprobateur. Il parvenait lentement à avoir quelques informations, mais le tout était noyé dans une hostilité passive agressive. Certes, il avait perdu son frère qu'il tenait en haute estime à cause des Yuiméniens; mais il ne pouvait pas se montrer un peu plus coopératif ?
(On parle quand même de sauver sa ville.)
« Je vous apprend rien en vous disant que la magie n'est qu'un outil, une force dont on se sert. Son utilisation dépend souvent que de la personne qui la manie : la notre peut être destructrice comme bénéfique, et j'en sais quelque chose croyez moi. Mais si on s'en sert pour vous aider à replacer les sceaux, vous n'aurez rien à redire ?
- La magie est un outil et un art. Une discipline qu'on apprend longuement à maîtriser pour enfin s'en servir avec pertinence. Je redoute l'usage de la vôtre, car elle n'est ni maîtrisée, ni maîtrisable. Et ce quel que soit l'objectif derrière.
- La magie, je la manipule sur mon monde depuis que je sais marcher, avec mes échecs et mes erreurs. Et oui, ici j'ai du mal à la maîtriser. Mais peut être que c'est là que vous, sorcier d'Aliaénon, intervenez. Votre savoir de la magie ici, mon expérience... j'aimerais à penser que les deux pourraient donner un résultat qui mettrait au service d'Elscar'Olth et d'Aliaénon notre don.
- Je n'ai aucun doute quant au fait que sur votre monde, vous maîtrisez vos pouvoirs. Et je souligne votre désir d'apprendre, mais cela prendrait trop de temps pour vos desseins. Bien plus que d'observer les faiblesses du Titan, chose que vous dédaignez déjà réaliser. Je persiste à croire qu'il est plus imprudent et dangereux de l'utiliser plutôt que de tenter les choses sans.
Ce qui n'est sans doute pas le cas de tous...
- Il nous semble évident que s'approcher du Titan sans notre magie, quelque soit la raison, est du suicide. Mais vous semblez en savoir plus que nous sur ce Titan, alors si vous pouviez nous les transmettre... ca éviterait que nous ayons à les chercher nous mêmes. Avec les risques que ça encours. »
il souligna un point en reprenant peu après.
« Et observer le Titan n'est pas quelque chose que nous comptons dédaigner. On est juste pragmatique : plutôt que de perdre du temps à le faire, on préfère aller voir ceux qui ont pu déjà l'analyser.
Ce que je dis, surtout, c'est que même avec votre magie, ça serait du suicide. Surtout avec votre magie. Et ça, c'est l'analyse de ceux qui ont pu l'observer : il n'offre aucune ouverture d'aucune sorte. Pensez-vous vraiment que la magie chaotique de quelques uns saurait surpasser celle de toute une cité remplie de sorciers formés depuis leur plus jeune âge ?
- Ce que je dis, surtout, c'est que vous êtes sacrément avares en informations. Plutôt que nous dire "c'est fichu, ça sert à rien" on pourrait avoir des informations plus factuelles ? Comment il réagit ? Quelles types d'attaques ? S'il a utilisé sa magie ? »
Sa patience avait des limites, et il n'avait pas pu contenir plus longtemps son agacement. Pas aussi patient que lui, Bellarien répliqua qu'il était gonflé de venir en réclamant des informations et que si il n'était pas content, il pouvait toujours retourner de là où il venait.
(Bon, allez, calme toi. T'énerver servira à rien.)
Akihito grogna intérieurement et il jugula ses sentiments le temps que le sorcier lui explique que si le Titan disposait de magie, il n'en savait rien car il avait ravagé la cité par sa force pure, avant de s'interroger sur la sphère qu'il tenait dans sa main qui pourrait peut-être lui en octroyer. Pour avoir vu le trou colossal et plutôt régulier qui ornait le Titan de magie, le Yuiménien était plus ou moins sûr qu'il maitrisait une quelconque force magique. Ou alors il avait une lance démesurée qu'il n'avait pas emporté avec lui, ce qui lui paraissait moins plausible.
«C'est l'âme du Sans-visage. Alossarh l'a appelé le Marcheur de Mort. Désolé si je vous froisse; comme j'ai dit, on est animé que de bonnes volontés. Si ça ne tenais qu'à vous, vous nous feriez dégager le plancher, si je comprend bien ?
- Son... âme ? Si c'est le cas, elle doit être chargée de magie, et confère sans doute encore plus de puissance au titan. Je ne tiens pas à ce que vous déguerpissiez, non, même si j'aurais aimé à n'avoir jamais à rencontrer des gens de ce monde, surtout certains... dit-il en laissant son regard trainer une nouvelle fois vers Xël, avant de soupirer.
Mais j'entends votre souhait d'aider. Je dis juste que je ne cautionne pas l'usage de votre magie pour ce faire.
- Je ne sais pas l'aide qu'on pourrait vous apporter, sans notre magie. Surtout quand on a que peu de connaissance de votre monde. Xël n'est pas... quelqu'un qui aurait sacrifier votre frère par simple commodité ou facilité. Du moins, pas celui que je connais. Ça vous dérangerait de me parler de ce qui s'est passé à l'époque ? Avoir votre point de vue de l'histoire m'aiderait a mieux comprendre, mais je comprendrai aussi que vous n'ayez pas envie de ressasser de mauvais souvenirs. »
Si c'était possible, le regard du sorcier s'assombrit encore plus. Xël n'avait laissé une très bonne impression ici, puisqu'il aurait assassiné sans pitié ni sommation le frère de Bellarien, tant sa haine de Vallel était grande. Il comprit vaguement que le Lieutenant d'Oaxaca s'était emparé d'une manière ou d'une autre du corps du malheureux.
« ... Donc, si nous résumons.
Vous ne souhaitez pas que notre magie soit employée car vous la juger trop instable, et que vous ne faites pas vraiment confiance à certains membres de notre groupe. Et vous préférez étudier le Titan plutôt que d'intervenir pour empêcher la propagation de la Lande car son influence n'est pas si catastrophique que nous le pensons, vu que vous y vivez depuis des générations. C'est à peu près ça ?
- C'est ça.
- J'essayerai de transmettre votre avis à mes compagnons, Bellarien. Mais je pense qu'ils ne seront pas de votre avis sur la seconde partie. D'un point de vue froid, méthodique et rationnel comme celui qui habite votre cité, la Lande n'est pas une menace : pour les autres peuples, c'en est une notamment parce qu'elle menace tout leur mode de vie. Il y a de l'affect qui entre en jeu, d'autant plus que personne ne sait pas ce qu'il se passera à mesure que la Lande s'étend.
Ah, et une dernière chose. Vous dites que vous n'êtes pas contre notre aide. Qu'est qu'on pourrait faire pour vous ?
- Hé bien... bouter le cul de ce titan hors de notre cité, tiens. »
La question sembla réellement l'interpeler, et son ton soudainement vulgaire fit tressauter les lèvres du jeune homme. Il recommença donc en étant un peu plus précis.
« Avec plaisir, mais vous savez comme moi qu'actuellement sans magie c'est impossible. Même avec, cela reste très compliqué et vous avez pas envie de nous voir l'utiliser. Vous avez rien de plus... Humainement possible pour l'instant, qui irait dans ce sens ?
- Pas pour l'instant, non. Observer, tenter de comprendre, agir ensuite et seulement. Telle est notre méthode.
- Rien d'important à aller récupérer dans votre cité ? Au niveau des sceaux, ou d'anciens points névralgiques ? »
De l'aveu du mage, tout ce qui avait pu être sauver l'avait été. Il serait en revanche de ceux capables de restaurer les sceaux et le ferait si ils trouvaient un moyen de progresser dans la ville détruite.
« .. j'ai oublié de vous demander, mais pourriez vous me raconter l'attaque de votre cité ?
- Il faudrait demander à notre... meneur. Visselion. Il était dans la tour lorsque le Titan a approché. J'étais dans les salles profondes, je n'ai fait que fuir aux suites de l'alerte, dit-il en désignant avec dédain du menton l'homme à la mâchoire métallique.
- Vous avez pas l'air de l'apprécier., répondit le mage avant d'insister en le voyant hésiter à répondre.
Désolé de mettre les pieds dans le plat, surtout que vous êtes sur les dents. Mais on a un dicton sur Yuimen : "A Kendra Kar, fait comme les Kendrans". J'ai observé que votre "meneur" ne faisait pas l'unanimité. J'essaye d'en savoir un peu plus pour comprendre, avant d'agir.
- Il a pris les choses en mains, et je le suis comme les autres, mais... il est imprudent. Malavisé. Elurien était un bon chef, sage et ouvert, prudent et réfléchi. Visselion, lui, ne partage pas les valeurs pragmatiques de notre cité. Il est impulsif, y compris dans ses expériences. Sans aucun doute, son discours serait différent du mien : il vous presserait à user de vos pouvoirs sans retenue, c'est certain. »
(Et pour quelqu'un d'aussi attaché aux valeurs de sa cité...)
(Tu m'étonne que ça passe pas très bien.)
« Si ce n'est lui, qui serait le plus digne d'être votre représentant, selon vous ?
- Comme je vous l'ai dit, il est sans doute le seul à en avoir les épaules, désormais. Ca ne fait que renforcer l'amertume d'avoir perdu Elurien...
- Je comprend. Pour ce que ça vaut, n'hésitez pas à venir me voir si vous souhaitez communiquer avec mon groupe. Quelle que soit la raison, même si c'est pour nous demander de dégager. »
Akihito lui tendit une main ouverte, pour conclure ses propos. Montrer qu'à défaut d'avoir les meilleures idées, il était de bonne volonté pour aider le sorcier et son peuple survivant. Après un instant d'hésitation, il accepta la poignée de main; ce n'était pas beaucoup, mais c'était déjà un bon début. Le saluant d'un signe de tête, il se dirigea vers son prochain interlocuteur, le présumé chef des réfugiés.
« Vous êtes Visselion ? Je suis Akihito Yoichi de Yuimen. Vous avez un peu de temps ? »
L'homme en question termina dans un murmure sa propre discussion avec un de ses concitoyen, avant de se tourner tout sourire face à lui. Non content de lui confirmer que c'était bien lui, il semblait très content de le voir. Trop content, même.
(Pour un type qui vient de perdre sa cité, il me dit rien qui vaille.)
(Il est peut être content d'être enfin le chef et d'avoir du secours ?) objecta sans grande conviction l'enchanteur avant de continuer, toujours sur le même ton neutre qu'il s'était efforcer d'avoir avec Bellarien.
« J'ai appris que vous étiez ce qui se rapprochait le plus d'un représentant d'Elscar'Olth après l'attaque, à laquelle vous avez été aux premières loges. Vous pouvez me dire ce qui s'y est passé, exactement ?
- Dans la Tour de Sorcellerie, oui. J'ai sans doute été le premier à apercevoir le Titan au loin. Il arrivait, toutes ailes déployées, du Nord. Le ciel s'obscurcissait de sa présence, plus noir qu'il n'avait jamais été dans la Lande. Il ne faisait aucun doute qu'il se dirigeait droit sur nous, et pas de manière pacifique. Le reste... nous avons évacué dans l'urgence, je n'ai pu que le voir approcher encore et encore en descendant le long de la tour. Et ce fut la première touchée : j'eus la chance d'arriver en bas avant qu'il ne s'en saisisse et l'arrache du sol pour s'en servir comme un gourdin afin d'éclater la caracole surplombant la cité souterraine. Alors que nous fuyions au plus vite, je le vis piétiner les miens et les ruines de la surface, faisant choir rocs et murs sur les plafonds des étages d'en dessous. Aucun coup de semonce, aucune menace préalable : il savait ce qu'il venait faire là. Lorsque le déluge sembla le satisfaire, il guetta tout autour pour percevoir des fuyants, des survivants. Par chance, nous nous étions cachés. Il resta là plusieurs heures avant de retourner vers le Nord, comme attiré par une nouvelle cible. »
(Ok, il y a décidément un truc qui cloche.)
Tout en ajoutant qu'ils avaient sauvé ce qui avait pu l'être et avaient guetter son éventuel retour -ce qui avait été le cas, avec l'Âme du Sans-Visage-, Visselion décrivit le destin apocalyptique de sa cité en souriant presque. Comme s'il voyait dans tous ça, une aubaine attendue longuement. Akihito commençait à comprendre pourquoi Bellarien ne semblait pas porter le nouveau chef dans son coeur. Le récit restait néanmoins glaçant et c'est avec une grimace affecté que le jeune homme poursuivit.
« Désolé pour vous et vos pairs. Tout ça, ça s'est passé quand ?
- Il y a quelques semaines. J'ai cru comprendre que vous souhaitiez régler la situation ?
- C'est notre objectif, oui. Si vous ne le savez pas, l'influence de la Lande s'etend depuis un certain temps et nous pensons que la rupture des sceaux d'Elscar'Olth en est la source. Votre peuple est peut être familier des effets de la Lande Noire, mais ce n'est pas le cas des autres cités ou de l'écosystème en général.
- Oui, oui. C'était le but de ces sceaux, entre autres. Et je comprends que ça puisse être regrettable. Même si dans un sens, ce pourrait être riche en observations : la densité de la magie pourrait-elle s'étendre, elle aussi ? Cette extension pourrait-elle permettre à la Lande Noire d'arborer, via ce délestage de surplus, une nouvelle essence ? De nouveaux biomes ? Ceux-là pourraient-ils s'étendre à leur tour ? »
La sorcier réfréna son... Enthousiasme d'apprendre de nouvelles choses, assurant qu'il faudrait dans tous les cas demander l'avis des autres cités concernées et que les sceaux devaient êtres replacés. Modifiés peut être, pour servir de filtre.
(De filtre ? Il est cinglé ?) s'indigna sa Faëra, tandis que le jeune homme continuait néanmoins.
« ... Ca mérite que l'on s'y intéresse, j'en doute pas. Mais la situation ne nous laisse pas beaucoup de temps, une semaine tout au plus avant qu'une première cité soit touchée. Et peut-être moins pour d'autres. Donc nous avons pour objectif primaire d'endiguer le plus vite possible l'expansion de la Lande noire en replaçant les sceaux. Leur modification future pourra peut-être être discutée avec les autres représentants d'Aliaénon quand la... "menace", dit-il avec précaution,
immédiate sera écartée. Si on peut être d'une quelconque aide, nous sommes à votre écoute.
- J'entends l'urgence de la situation, mais les points de sceaux nous sont actuellement inaccessibles. Et je ne vois qu'une manière de les rendre joignables, avec votre soutien : user de votre magie, dans son plus plein potentiel, pour attirer l'attention du Titan loin d'Elscar'Olth. Pourquoi pas même songer à le détruire : votre puissance est telle que je vous en crois capables.
- Alors je doute que notre magie ait suffisamment de puissance de feu pour une attaque aussi frontale. La stratégie de diversion me semble plus réalisable, mais sans plus d'informations sur les capacités exactes du Titan -notamment avec l'orbe- on ne peut pas savoir si c'est viable. Et on ne tient pas à ce sacrifier un par un pour vous gagner une pauvre minute de distraction. »
Presque dubitatif, le sorcier argua qu'il se trompait et qu'il sous-estimait la puissance qu'ils avaient entre les mains. Ce fut donc à l'enchanteur d'hausser à son tour un sourcil : les limites de la magie, il les avaient déjà bien explorées.
« Vous vous trompez, Visselion. J'ai déjà tenté de laisser libre court à ma magie, sans retenue. Et je n'ai pu matérialiser un double de moi-même qui ne faisait "qu'une" quinzaine de mètres de haut. Très impressionnant c'est vrai, mais cela reste des dizaines de fois plus petit que le Titan. Et un peu court pour vraiment lui faire des dégâts significatifs.
- Vous pouvez bien plus que ce que vous ont montré vos quelques expériences en ce monde, alors. Croyez-moi. Votre potentiel est infini. Surtout si vous l'unissez de concert. Et s'il ne meurt pas, au moins se sentira-t-il faillible, face à vous. Pour un être de cette puissance, ça peut remettre pas mal de choses en question.
- Pour vos sceaux, pourquoi ne pas les faire hors de la portée du Titan ? Multiplier leur nombre pour compenser une perte de puissance si ils sont plus éloignés ? Ce genre d'alternative ne serait pas envisageable ? demanda l'Ynorien, comprenant que continuer le débat théorique de leur puissance n'allait pas aller plus loin.
- Parce qu'actuellement, nous ne pouvons que les réhabiliter, pas les construire de rien. C'est un processus que nul ne maîtrise ici, et qui demanderait bien plus de ressources que nous en avons. La seule personne qui a participé à l'élaboration de ceux-ci encore vivante est cette vieille femme, là-bas. Lamiria Géryick. Mais elle n'a plus guère toute sa tête, je le crains. Et ses propos ne sont plus que sénilité.
- Et quel genre de ressources vous manquent-ils exactement ?
- Le temps, la connaissance, les couloirs magiques des profondeurs. Des années de travail, en somme. Des dizaines.
- Compliqué de condenser tout ça en une semaine, donc. Mais je vais aller voir cette Lamiria. peut être que notre magie permettra de rendre des choses possibles. Et si elle est si sénile... Eh bien, ça ne coûte rien d'essayer. »
Secouant la tête de dépit, Visselion paraissait convaincu de la futilité de sa démarche, bien qu'il n'avait aucune raison de l'en empêcher. Intrigué, il chercha à en savoir plus.
« Votre credo c'est bien la connaissance, non ? Pour nous qui ne savons rien de ce monde, c'est encore plus important. Surtout pour pas répéter des erreurs passées.
- Les erreurs passée ? De quoi parlez-vous ? Avez-vous seulement écouté ce que j'ai dit ? Nous n'avons pas le savoir permettant de construire ces sceaux de rien. Ni l'essence des profondeurs permettant de les alimenter. Alors oui votre magie peut beaucoup, mais à moins que vous sacrifiez cinq membres de votre groupe pour servir de combustible à ceux-ci - à condition déjà de pouvoir les créer - je doute que ce soit pertinent d'explorer cette voie.
- On a une autre façon de penser et voir les choses. Alors peut être qu'en parlant avec elle pour comprendre comme vos sceaux marchaient, je penserai à une autre façon d'endiguer la Lande à l'aide de notre magie.
- Hmpf. Allez-y, qui sait.
- Qui ne tente rien n'a rien. »
Le dédain que le chef des réfugiées portaient à sa doyenne était évident, et c'est en partie par simple volonté de contradiction que le jeune homme se dirigea vers la vieille dame. En chemin, il entendit un hurlement de colère et de frustration venant de Bellarien, qui demandait à Jorus de lui ficher la paix. Akihito n'était pas le plus doué avec les mots, mais au moins pouvait-il se vanter d'être un tant soit peu diplomate. Et de ce qu'il constatait et avait observé, ce n'était clairement pas une des qualités de son compatriote de Wiehl.
(Il a la subtilité d'un tractopelle,) confirma sa Faëra en employant un mot qui lui était inconnu, et qu'elle lui résuma simplement.
(Imagine une énorme pelle qui fait d'énormes trous. Ca fait du gros oeuvre et c'est pas très adapté pour ce qui nécessite un peu de doigté. C'est un peu comme si je disais...)
(Ca va, ca va, j'ai compris l'idée.)
« Dame Lamiria Géryick ? »
Vieille, l'ex habitante d'Elscar'olth l'était indubitablement. Drapées de châles noires, sa peau ridée et ses cheveux blancs fileux dénotait un âge très avancé, en plus des yeux laiteux qu'elle leva lorsqu'il l'interpella. Des yeux aveugles, ou du moins qui vu l'obscurité ambiante n'étaient pas capable de le percevoir.
« Dame, dame. En voilà une belle appellation. Dame. Et qui, de l'appeler ainsi ?
- Simple question de politesse. Je suis Akihito Yoichi et je viens de Yuimen. J'ai appris que vous étiez versée dans la connaissances des sceaux de votre cité. Qu'en est-il ? demanda le jeune homme, un peu amusé malgré lui par le phrasé assez chaotique de la grand-mère.
- Versée dans la connaissance. La connaissance oui. Comme chacun à Elscar'Olth. Une cité de connaissances. Protégée par les sceaux. Et protégeant les sceaux.
- Mais les sceaux ne sont plus, avec l'arrivée du Titan. Vous devez être bien placée pour savoir ce que cela implique.
- Les sceaux ne sont plus. Cela implique que les sceaux ne sont plus. »
Sa peau se garnit de rides supplémentaires alors qu'une mine soucieuse déforme finalement ses traits. D'une voix plus calme, Akihito continua prudemment pour ne pas faire vaciller l'esprit fragile de Lamiria.
« Mais ils peuvent être restaurés, n'est ce pas ? Vous savez comment faire. Vous êtes la connaissance d'Escar'Olth en la matière.
- Restaurés, oui. Réparés, replacés, redressés. Les sceaux éternels, les sceaux protecteurs, assura la vieille femme en se mettant à faire des gestes dans les airs, comme un souvenir d'une ancienne pratique.
- Voilà, et nous sommes là pour vous aider à les remettre. Vous pourriez même en remettre un directement ici. »
(Bien joué, le coup de lui suggérer une idée. Bon, apparemment c'est là où ils ont été bâtis qu'il faut les remettre, mais ca pourra marcher à l'avenir.)
« Pourquoi ? Leur position est-elle si importante, dame Lamiria ?
- Ici, ici, ici. Ici et ici. »
Prenant peu à peu en vitesse, ses gestes finirent par être répétés en boucle, traçant des signes dans l'air. Des signes et des formes que seule elle semblait percevoir. Après quelques longues secondes à la laisser faire, Akihito s'accroupit à son niveau et se saisit délicatement de ses mains pour essayer de nouveau de capter son attention et son regard.
« Dame Lamiria, nous sommes là pour vous aider à replacer les sceaux protecteurs de votre cité. Pour empêcher ce qu'ils scellaient de se répandre sur Aliaénon. Aidez nous à le faire.»
Le visage se remplit de tristesse à ses dires, alors que ses mains faisaient cesser ses mouvements. Et les yeux de Lamiria s'emplirent de larmes alors qu'Akihito continuait d'une voix calme.
« Que devons nous faire pour vous aider.
- Oh, merci jeune homme. Il faudrait retrouver ma maison. Ma maison, oui. Je crains m'être perdue. »
Le moment se brisa comme du verre, et l'enchanteur resta muet pendant de longs instants. La vieille femme venait tout juste de perdre la tête ? Y avait-il vraiment quoi que ce soit à tirer d'elle ? Il jeta un regard aux alentours. Il n'y avait plus que lui dans les parages, du groupe de Yuiméniens. Tous étaient partis se reposer, manger, ou Valyus savait quoi.
Il soupira. Puis il arbora de nouveau un masque neutre et avenant : comme il avait dit à Visselion, il n'avait rien à perdre à s'entretenir avec elle. Et il n'avait rien de mieux à faire, puisque tous les autres natifs d'Elscar'Olth avaient eux aussi quitté les lieux.
« Oui, votre maison. Elle est est a Escar'Olth, c'est ça ?
- Oui. Elscar'Olth. Pas ici. Vous connaissez ? C'est une grande cité. Une grande cité.
- Je connais un peu, oui. On m'en as dit que c'était une cité remplie de chercheurs et de savants. Vous en faites partie je crois.
- Oui, oui. Des sorciers, de puissants sorciers. L'une d'eux, oui. Une sorcière. Une grande sorcière. »
Sa voix se remit à trembler. Un sujet sensible ? Il mettait peut être le doigt sur quelque chose.
« Je ne la connais pas, en revanche. Qui est-elle ?
- Moi, pardi ! Lamiria Géryick, respectée de tous, crainte de ses détracteurs, adorée de ses collaborateurs.
- LA Lamiria Géryck ? Celle qui a mis en place les sceaux sous la ville ? »
L'Ynorien se sentit un peu mal de flatter l'égo de la vieille femme pour la faire parler, ayant l'impression d'abuser de sa faiblesse. Mais en la voyant sourire et se vanter que les sceaux n'étaient qu'une de ses oeuvres, il commença à se demander si elle n'était pas plus puissante qu'elle le laissait paraître.
« Oh, mais c'est un secret, un secret oui.
- Bien sûr, dit-il d'un hochement de tête.
Mais dites moi, sorcière Géryick, j'ai beau avoir entendu parler des sceaux, personne n'a l'air de savoir ce qu'ils contiennent. Vous pouvez m'expliquer ?
- Ce qu'ils contiennent ? De la magie. De la magie, oui.
- Je veux dire, ils avaient un but pour avoir été placés sous Elscar'Olth.
- Plusieurs, plusieurs. Mais pas sous Elscar'Olth : Dans Elscar'Olth.
- Ah, mes excuses. Et quels étaient ces buts ? »
Petit à petit, il grapillait une information après l'autre. Lamiria Géryick sembla se concentrer, se plonger dans sa mémoire pour finalement révéler qu'ils avaient un lien avec... La magie du dessous. Voyant qu'il faisait de nouveau chou blanc, il tenta de nouveau la suggestion.
« Une magie... Dangereuse, visiblement. Et il ne faudrait pas qu'elle s'échappe, j'imagine ? Que ses sceaux soient rompus ?
- Oui, oui. Dangereuse. Et puissante. Puissante comme les sorciers, puissante comme Elscar'Olth. Notre raison de vivre, à tous.
- Qu'est ce que vous feriez vous si un incident pareil arriverait et que les sceaux étaient inaccessibles ? Vous les placeriez autre part, peut être ?
- Non, non. Ils sont stratégiquement placés. Stratégiquement. »
La femme pouvait paraitre sénile, mais elle semblait catégorique sur certains points. Et quand revenait la question des sceaux et de leur position, elle traçait toujours ces étranges signes dans les airs. Un plan ?
« Mmmh. Je ne connais pas encore bien la ville, alors vous pouvez me donner des repères plus visuels pour ces sceaux ? Un bâtiment, une place ?"
- Ici. La Salle du Trône. Ici, ici. Ici et ici.
- Au nord de la ville, donc. Je peux aller les voir, vous pensez ? J'aimerai bien savoir à quoi ils ressemblent.
- Au nord ? Au nord ? Non, non. Au plus profond. Aux étages médians. Et juste sous la surface. Les voir, oui. Les voir. Mais je me suis perdue. »
(C'est plus moi que tu as perdu, l'ancêtre.)
(Je crois que... Tu fais fausse route depuis le début, Aki. Tu regarde de la mauvaise façon son "plan".)
Un peu frustré, il se concentra de nouveau sur les gestes de la sorcière. Elle pointait bien cinq emplacements, comme autant de sceaux. Celui le plus bas était au niveau de la salle du trône, mais les autres n'étaient pas au nord. Alors où étaient-ils...?
Dans un flash, Akihito se rappela que la salle du trône était, selon Alossarh, l'endroit le plus profondément enfouis de la cité. Et si, depuis le début, le plan qu'elle traçait n'était pas à prendre comme une carte vue du dessus... Mais vu de côté ? Comme si on avait tranché la ville en deux ?
⛧
« ...Comment on y accède, à ces étages médians alors ?
- En empruntant les escaliers, quoi d'autre ? Oh, les ascenseurs, aussi. Ces inventions récentes. Oui. Récentes. Pour les fainéants. »
Les sceaux étaient tous profondément enfoncés dans la cité. Sous le sol. Directement sous le Titan, qui avait et pouvait encore faire s'effondrer des milliers de tonnes de roche à n'importe quel moment par un simple mouvement. Des tonnes et des tonnes de pierre qui avaient peut-être déjà condamner les sceaux.
« Et si... Les sceaux n'étaient pas remplaçables ? Que faudrait-il faire, sorcière Géryick ?
- Que faire ? Que faire ? Si nous l'avions su alors, nous l'aurions peut-être déjà fait. Mais hommes de pouvoirs, de science et de sorcellerie font meilleur accueil au contrôle qu'à la destruction, déclara avec un ton attristé mais implacable la grand mère.
- Les savants que vous êtes avez bien une solution de secours si l'impensable devait arriver, non ? Des sceaux de contrôle temporaires, ou quelque chose de la sorte ?
- Si l'impensable devait arriver, l'impensable serait la solution. La destruction. Absolue. »
A en voir la résolution immensément triste qui luisait dans ses yeux éteints alors qu'elle frappait dans un claquement sec sa meain posée sur sa cuisse avec celle levée au dessus de sa tête, Akihito avait du mal à croire que ce qu'elle racontait n'étaient que des délires d'une sorcière séniles. Cela formait un tout effroyablement cohérent et Lamirria Gériyck était très convaincante dans ses propos... Jusqu'à ce qu'elle perde de nouveau momentanément la mémoire et lui demande une nouvelle fois qui il était.
« Akihito, un mage venu d'une terre très éloignée. La magie est fascinante, et on m'a dit qu'Elscar'Olth est la cité la plus avancée en la matière.
- Oui, une grande cité. Elscar'Olth est une grande cité ! »
Et tandis qu'Akihito se demandait si il allait devoir tout recommencer et si cela en valait la peine...
« La destruction... L'heure est-elle venue ? »
La sorcière aborda de nouveau le sujet. D'elle-même. Il soupira et continua d'une voix douce.
« Il se pourrait bien, malheureusement. C'est la dernière solution à prendre, mais on ne peut pas l'écarter... Si cela devait arriver, comment devrions nous nous y prendre ? Une telle source de magie ne peut pas être détruite si facilement.
- C'est un secret que je suis la seule à détenir désormais. Oui, la seule. Et je ne peux le confier. S'il n'y a d'autre solution, alors vous devrez me mener jusqu'à la Salle du Trône. Là. Là je pourrai détruire. Tout.
Un ton désespérément triste serre sa gorge.
- Dame Géryick, vous êtes une précieuse et puissante sorcière d'Elscar'Olth et les secrets que vous détenez doivent être trop nombreux pour que vous disparaissiez avec. La connaissance de la cité en pâtirait trop. Et vous avez suffisamment contribué à la cité, on ne pourrait pas laisser se sacrifier une personne comme vous. »
Il essaya de capter son regard à nouveau, tout en adoucissant sa voix le plus possible.
« Vous ne me connaissez que depuis peu alors je comprendrai que vous ne me fassiez pas suffisamment confiance. Mais je vous donne ma parole que la protection de tout et de tous est ce qu'il y a de plus cher à mes yeux. Ne portez plus ce fardeau seule, dame Géryick.
- Non. Non. Non. Un secret d'une vie. D'une vie ! Nombreux s'y sont essayé, tous ont échoué, et parfois de plus intimes que vous. Parfois de plus influents. Parfois des Rois, parfois des archisorciers. Mais ce secret est plus grand que tous. Plus grand que moi. C'était il y a si longtemps... »
Son ton devenu presque hostile quand il avait parlé de lui confier ce secret mourut une nouvelle fois dans une profonde tristesse.
« Si longtemps...
- ... Qu'arriverait-il à la ville si vous deviez en arriver là ?
Destruction. »
Elle monta une main, puis la descendit brutalement vers l'autre. Une seconde fois.
« Totale destruction.
- Je comprend, répondit-il en souriant faiblement, se voulant rassurant.
Je ne vous embêterai plus avec ça, dame Géryick. Mais si jamais vous avez besoin d'aide, vous pourrez demander à mes compagnons de me chercher, je viendrai vous aider du mieux que je peux. »
La vieille sorcière eu un regard reconnaissant, avant de les fermer et Akihito entendit sa respiration se ralentir lentement; Elle venait de s'endormir. Un peu paniqué, il jeta un regard aux alentours, ne sachant quoi faire. Un des rescapés capta alors son regard et sans rien dire, s'approcha pour murmurer quelques mots à Lamiria Gériyck, puis l'aider à se relever alors encore somnolente. Rassuré, l'Ynorien n'eut le droit qu'à un regard furtif jeté par dessus l'épaule du jeune homme intervenu avant que le duo ne disparaissent dans le campement.
Au milieu de la petite place, il ne restait plus que lui... Et la parodie de Père No-Hell. qui avait toutes sortes de bibelots éparpillés autour de lui, assit sur une chaise. Il le regardait d'ailleurs, avec un petit sourire satisfait. Au point où Akihito en était... Une discussion étrange de plus ne lui aurait pas fait grand chose. Il s'approcha donc de lui.
« Excusez moi, êtes vous un étalier ? Ces objets sont à vendre ?
- A vendre ? Et contre quoi donc ?
- Ah, c'est vrai que les yus ne doivent pas marcher ici... Eh bien peut-être du troc ? proposa le Yuiménien se rendant compte de sa propre bêtise.
- Ne dis pas de bêtises, Akihito. Je ne suis intéressé que par les objets ayant une histoire riche ou qui contiennent des pouvoirs mystérieux. Et certainement pas pour les échanger. Mais dis-moi, fils des Yoichi, as-tu été sage, cette année ? »
(Pardon ?)
(Pardon ?)
« Qu-Qu'est... Que... Hein ? Comment vous connaissez mon nom ? »
(Non non, il doit bien y avoir une explication logique.)
(Je peux pas avoir à faire au vrai père No-Hell, quand même...)
(Ah ! Je sais ! T'as passé ton temps à te présenter, il a dut entendre ton nom.)
« Et si tu répondais plutôt à ma question ? demanda dans un mystérieux sourire le vieille homme, interrompant sa discusion Faërique. Etrangement mis en confiance, il grimaça.
« Je ne sais pas si on peut dire que j'ai été sage. J'ai blessé des gens à qui je tenais. Sans jamais le vouloir, évidemment, mais mon année... Ce qui s'y est passé ne m'a pas non plus aider à ce qu'elle soit calme, faut dire...
- Et je suis sûr que ces gens te savent repentant. Tu apprécies la compagnie de ceux qui t'aiment, n'est-ce pas ? Dirais-tu que c'est la chose la plus importante pour toi ?
- Ce qui est le plus important c'est que je les sache en sécurité. Mais leur compagnie... C'est vrai que ça compte beaucoup aussi.
- Leur sécurité, hein ? C'est un mot important pour toi, n'est-ce pas ? »
Peut-être parce qu'il était fatigué de tout ce qui s'était passé, Akihito se surprit à chercher ses mots pour répondre au mieux à l'étrange personnage.
« Plutôt que... ça me rassure de savoir ceux qui comptent pour moi à mes côtés. J'essaye d'être protecteur et je me rend compte depuis peu que je suis parfois plus envahissant qu'autre chose. Mais c'est important pour moi. »
L'autre lui affirma avoir quelque chose qui pouvait aller et chercha un petit instant dans sa besace avant d'en sortir une sorte de
fiole contenant un liquide bleuté, mais enserrée dans un cylindre de verre terminé par des extrémité en pierre gravée. Le tout n'était pas plus long qu'une cuillère et il lui tendit.
« Tu peux savoir si un de tes proches a besoin de ton aide. Contre une goutte de leur sang sur une extrémité, le liquide à l'intérieur se teintera de rouge lorsque l'un deux sera en danger. Et son nom apparaîtra. Il n'y a... que deux extrémités, hélas. Deux personnes.« »
il saisit l'objet, incertain, tandis que les doutes semblaient s'écarter dans son esprit.
« Vous... vous me donnez quelque chose d'aussi précieux ? Comme ça ?
- Oui, oui. C'est ce que je fais.
- Alors vous êtes vraiment le père No Hell ?
- Qui ?
- Le père No-Hell ! La figure légendaire qui... qui... qui est une légende sur mon monde originel. Désolé. »
il regarda la fiole, avant d'avoir un petit rire. La fatigue commençait vraiment à attaquer ses capacités à réfléchir correctement.
« Ça serait si pratique. Mais je connais quelqu'un qui refuserait de me donner son sang car elle trouverait que je ça serait le degré au dessus de contrôle.
- Même si ça lui permettait de t'avoir moins sur le dos ?
- Elle me diras aussi je la paternalise trop à la surveiller comme ça. Mais bon, peut être qu'elle sera raisonnable.
- Oh, un peu de sang ce n'est pas si difficile à avoir. Avec ou sans son accord.
- Je tiens trop à la vie pour tenter ce genre de chose dans son dos. Si elle le découvrait, elle me ferait rôtir sur place. Très, très lentement. »
Yliria le ferait frire vif si elle apprenait qu'il avait pris son sang pour ce genre de chose. Et maintenant qu'il y pensait... Il ne la ressentait plus avec la perte de sa magie, mais il savait que le serre-tête de la jeune femme était encore marqué. Il l'avait fait à l'époque, persuadé que c'était pour son bien. Pour la protéger. Il n'avait fait qu'imposer son choix, une fois encore. Il se promit alors que dès qu'il reprendrait le contrôle de sa magie, il effacerait immédiatement la marque. Le sourire en coin du vrai faux Père No-Hell le ramena à la réalité du moment, alors qu'il s'amusait du caractère bien trempé de celle dont il parlait à demi mot.
« Sacré caractère, ça oui. Merci, sire... sire ?
- Et c'est un plaisir, Akihito.
- Vous ne voulez pas me dire votre nom, hein ? s'amusa le jeune homme.
- Tu n'en retirerais rien : nous ne nous reverrons sans doute plus. »
Tout en farfouillant dans sa besace, il demanda au vieil homme :
« Cette fiole marche une seule fois par goutte ou une goutte suffit autant qu'on veut ?
- Oh, je ne suis pas habitué à la pratiquer, mais il me semble qu'une goutte suffit à l'utiliser autant de fois qu'on veut. Jusqu'à ce qu'on la remplace par une autre.
- Très pratique, alors. Tenez, dit il en tendant une paire de moufles rouge et blanc.
J'ai pas pour habitude d'accepter des cadeaux aussi précieux sans rien donner en échange, et ces gants devraient bien aller à votre tenue.
- Oh, mais je ne demande rien en retour, voyons !
- Je n'avais rien demandé non plus à la base. »
Sa réplique fit marquer une pause au "marchand", qui sourit plus franchement en retour.
« Tu es quelqu'un de généreux, Akihito. Bien, j'accepte. Et je te remercie.
- Merci à vous aussi, illustre inconnu. »