Les deux ours se chargèrent l’un l’autre dans un choc titanesque, emplissant tout l’atelier de leurs cris de guerre et faisant trembler le sol de leurs pas rageurs. Ou, du moins, c’est ainsi que le ressenti Berty, car un observateur extérieur aurait sans doute trouvé leur affrontement bien moins épique.
Tyber, l’ours maléfique, tenta de rouer de coups Berty. Ce dernier tenta de se défendre, d’esquiver, de parer les coups comme il pouvait, mais son jumeau était bien plus adroit que lui en combat et de nombreuses attaques passèrent sa garde. Il tenta ensuite de répliquer, de passer à l’offensive mais, là encore, son adversaire était un guerrier bien plus aguerri.
Berty perdait ce combat, c’était évident. Cependant, il se rendit compte de quelque chose : malgré tous les coups que lui infligeait Tyber, il n’avait pas mal. Il ne semblait pas être blessé non plus.
(Etrange…), pensa-t-il.
Il prêta davantage d’attention à son jumeau et se rendit compte que lui non plus ne semblait pas blessé malgré leur âpre combat. Cela emplit l’ourson de confusion. S’y prenaient-ils mal ? Peut-être bien mais… S’il n’y a pas de blessé, c’est plutôt une bonne chose, non ? Surtout dans un lieu dédié à la joie comme l’atelier du Père Noël !
Après un instant de réflexion, Berty réalisa quelque chose : comme il l’avait lui-même souligné plus tôt, ils n’avaient pas de griffes ! Ni de crocs, de dents, d’arme… Leurs corps de peluches rembourrés n’étaient pas faits pour frapper, cogner, ou se battre et, maintenant que l’ourson avait jeté le couteau de Tyber hors de portée, ils n’avaient en réalité plus grand moyen de se blesser, l’un comme l’autre.
Alors, Berty cessa juste de se défendre. Tyber continua de l’attaquer pendant un moment mais, voyant le manque de réaction de l’ours, il s’énerva :
« Bats-toi, Berty ! Ou es-tu tellement pathétique que tu ne tiens même pas à ta vie ? »
« Tyber, arrête-ça ! Ne vois-tu pas que nous sommes des jouets avant d’être des ours ? »
« C’est peut-être ton cas, mais pas le mien ! Je vais te montrer de quoi est capable un vrai ours ! »
Là-dessus, Tyber leva le poing au-dessus de sa tête et l’abattit de toutes ses forces sur celle de Berty en hurlant de rage, mais sa patte rembourrée rebondit sans causer de dommage.
L’ours maléfique semblait lui aussi constater son impuissance, à présent. Berty, ne se sentant plus en danger, se mit à tapoter sur son tambour, malgré l’absence de baguettes. Il entama un rythme enjoué, le genre qui le mettait toujours de bonne humeur. Il repensa à la réparation qui l’attendait et à ses nouvelles baguettes. Bientôt, il pourrait à nouveau jouer haut et fort pour tous ses amis !
« Encore cette stupide musique, Berty ? Un ours ne fait pas de musique, ne le comprendras-tu jamais ?», s’énerva Tyber.
Mais l’ourson n’en avait cure. Il avait compris à présent que ce n’était pas lui qui était un mauvais ours, mais son jumeau qui ne voyait pas qu’ils étaient des jouets, faits pour apporter la joie.
« Mais c’est toi qui ne comprends pas ! J’ai été fait pour ça. Et puis… As-tu seulement déjà essayé ? »
Tyber semblait circonspect. De toute évidence, l’idée qu’il pourrait lui-même jouer de la musique ne lui avait jamais traversé l’esprit, tellement qu’il était obsédé par la bonne façon d’être un ours. Voyant son appréhension, Berty approcha et tendit son tambour, sans cependant le lâcher comme il était techniquement accroché à son corps.
« Vas-y, c’est amusant ! »
Tyber hésita quelques instants puis, timidement, tapa la peau du tambour d’une de ses papattes. Puis, rapidement, il recommença et tenta une mélodie similaire à celle qu’avait joué Berty. Pour la première depuis qu’il l’avait vu sortir de la boite, l’ourson vit son jumeau apaisé.
« C’est vrai, c’est amusant. », chuchota-t-il.
« Oui ! Dès que j’aurais mes nouvelles baguettes, on pourra te trouver un tambour à toi, ou même un autre instrument ! »
« Un autre instrument ? »
Les yeux de Tyber semblèrent s’agrandir un instant, comme s’il avait pensé à quelque chose en particulier.
C’est alors que les deux ours virent Diddy et le concombre revenir auprès d’eux, bras dessus bras dessous. Berty était content de les voir réconciliés, et surtout de ne pas avoir fait mal au concombre comme le voulait Tyber. Peut-être qu’ils pourraient apprendre à se connaitre et également devenir ami.
Maintenant qu’il semblait lui aussi réconcilié avec Tyber, les deux ours retournèrent vers les caisses. Dans celle à son nom, Berty trouva une paire de baguettes neuves. Le lutin l’observait alors qu’il les sorti de la boite, l’air satisfait.
Mammie fabriqua une nouvelle clef pour Diddy avec l’aide du concombre, puis aida Berty à changer ses baguettes. Il fallut d’abord enlever ce qu’il restait des anciennes, ce qui picota un peu l’ourson, avant de placer les neuves à leur place et s’assurer que ses pattes restaient bien cousues après l’opération. Berty se promit que, cette fois, il en prendrait bien soin et ne les casserait plus !
Dans sa boite, l’ourson trouva également un autre instrument à sa taille : un petit luth miniature pour ours en peluche. Il n’en avait pas vraiment l’utilité, puisqu’il ne jouait que le tambour mais peut-être que Tyber apprécierait ?
Berty approcha alors de son jumeau, qui s’était tenu en retrait pendant l’opération, et lui offrit le luth. Les deux ours semblaient comblés de joie à présent et, alors que le son de cymbales commençait à résonner dans l’atelier, ils joignirent tous deux la musique en chœur.