Prudemment, le groupe s'engage dans l'escalier et entreprend sa descente. À mesure que nous progressons, je suis envahi par un ressenti désagréable, comme si quelque chose d'insidieux m'avait pris pour cible. Je secoue la tête une fois pour me défaire d'une impression de lassitude. Une seconde, pour me sortir d'un léger vertige. Je fronce les sourcils, trouvant étrange ce soudain afflux de maux légers à mesure que nous progressons. Quelque piège laissé là pour les vivants ? Lorsque nous parvenons en bas, j'adresse un bref regard à mes compagnons, évaluant leur état. Le ser Kayne ne semble pas affecté, mais je peux percevoir les légers tremblements chez le capitaine du groupe et Yliria. Les même que les miens, pris que je suis dans une sensation de fièvre dont la possession de ma bague m'avait protégé jusque-là. La salle qui nous fait face accroît mon impression de malaise, car cette partie des ruines est parcourue de ces même lueurs verdâtres. Elles m'incitent à une méfiance certaine, car semblable à des auras de lanternes sans la moindre once de chaleur.
Cette sensation de faiblesse me dérange grandement et je m'attends à voir surgir un comité d'accueil bien armé. Mais à la place, c'est une voix sombre et sépulcrale qui se fait entendre, venant du seul passage menant plus avant. Les paroles sont dénuées de chaleur, aussi froides que le lieu, et nous accueillant comme de curieux visiteurs avides de réponses. Je resserre ma prise sur mon arme lorsque l'individu prétend nous avoir senti. Mes yeux clignent plusieurs fois d'affilée tandis qu'une forme se matérialise. Un drapé sombre avec capuche, des bras faits apparemment d'ombre, un visage du même acabit. Mais surtout, pas de jambes entrant en contact avec le sol. L'entité est apparue depuis la pénombre et y semble familière. Spectre est le premier terme qui me vient à l'esprit, mais une âme tourmentée ne prendrait sans doute pas le temps de converser.
L'individu se dit en mesure de nous aider à les trouver, en échange d'une part de nos vies ou âmes. Il semble indiquer qu'en échange de nos questions, il prendra son dû. Je fronce les sourcils, et après un court silence, le capitaine Arthès se fait entendre d'une voix posée. Il pointe le côté hasardeux de la proposition, le prix réel et la fiabilité des informations n'étant pas connus. Yliria est du même avis, indiquant vouloir poursuivre notre chemin. Le ser Kayne appuie également cette décision en indiquant ne pas être intéressé, et en souhaitant à notre interlocuteur de passer une bonne éternité. J'ai du mal à réprimer un sourire amusé malgré mon état. Je ne suis également pas enclin à faire affaire avec cette créature, car elle peut être un piège savamment préparé et nous mentir sans sourciller pour nous faire commettre quelque erreur. Il n'est guère malédiction plus puissante que celle acceptée de plein gré par sa cible. Mais même si ma décision est également arrêtée, je compte voir s'il est possible de duper cette créature. Ou tout du moins, de tester son égo. En temps normal, l'idée même de m'adonner à de telles ruses me ferait lever les yeux au ciel, mais avec ces sensations fiévreuses qui me parcourent, j'ai un peu moins de sérénité qu'à l'ordinaire.
J'avise l'entité à mon tour, réfléchis à mes paroles pour éviter de lui poser accidentellement une question, et lui adresse un signe de tête respectueux et poli, malgré ma méfiance.
"Bonsoir à vous, être dont le nom m'est inconnu."
Première perche tendue.
"Je vous prie de ne pas vous offenser quant à nos paroles peu enclines au dialogue, mais elles sont compréhensibles. Vous avez sans doute conscience de ce que nous venons de vivre et de ce qui nous arrive présentement."
Seconde perche tendue. Brièvement, je jette un regard à la salle puis avise l'entité.
"D'autant que les lieux font aux yeux des vivants un bien piètre étal. Il ne doit pas être aisé de conclure des affaires, pris comme vous l'êtes entre le manque de clientèle et l'absence flagrante d'échantillons de qualité pour les convaincre de vos talents."
Troisième perche tendue. Il ne reste plus qu'à voir si l'entité va daigner nous dire quelque chose d'utile que nous ne sachions pas déjà pour nous inciter à 'commercer' ou se contenter de se montrer froide voire hostile. Aucune question, de simples piques lancées à l'encontre de son égo. Et si ses paroles ne sont que bluff, qu'il ne s'agit que d'un faux guide destiné à endormir notre méfiance pour mieux nous égarer, explorer ces ruines sans sa présence ou ses mensonges est encore le choix le moins risqué.