Message
par Eldros Rougine » sam. 20 mars 2021 13:24
Je referme la caisse de bois après en avoir inspecté le contenu à la lueur maigrichonne de ma lanterne. J’inscris dans un carnet son contenu, à savoir des boucliers, juste en dessous des armes que contient la caisse précédente, elles même en dessous du contenu d’un tonneau examiné lui aussi. Au final un pirate pourrait en conclure que c’est une bien mauvaise prise. Peu d’objets de valeur, ni même de Yus pour les dépenses éventuelles. Je trouve tout de même un petit sac d’argent dissimulé dans un recoin de la cale mais je ne prends la peine de le noter celui-ci. Je jette un oeil à l’inventaire, au moins rassuré à l’idée que nous avons des vivres en quantité suffisante pour l’aller puis le retour, sans compter qu’il y aura sans doute moins de bouches à nourrir pour ce voyage là.
Je sors de la cale alors que les prisonniers commencent à y être déplacés. Je rejoins un coin réservé aux marins où sont installés des colonnes de hamacs pour un maigre confort. L’endroit sent le sel, la sueur et la bile. Je ne m’y attarde pas non plus, dépossédé d’objets personnels ayant de la valeur ou de l’interêt, je ne fait que m’infliger des odeurs désagréables.
Je remonte sur le pont pour regagner la timonerie où Haath me grogne dessus pour m’accueillir.
« Rien de valeur monsieur. »
Me justifiais-je de mon retour les mains vides. Je porte une main à mon ventre en escaladant la dernière marche, encore douloureux suite au coups du Second Kendran.
« Pourquoi vous n’allez pas chez Velley ? Je l’ai vu monter à bord. »
« Il s’occupe d’un homme du sergent d’Arkasse. »
Le Sang Poupre répond d’une grimace méprisante et d’un bruit de bouche agacé. Je m’appuie contre un tonneau d’eau et m’en sers une rasade avant de récupérer de l’eau de mer pour me débarrasser du sang séché sur mes mains et mon visage histoire d’être présentable. Je remarque le Garzok entrain de piller les cadavres qu’il a ramené sur le pont. L’imbécile se met à vider son sac des armures ramassés sur les Ynoriens pour le remplir de dagues. C’est si pathétique. Une fois son butin à l’abri voilà qu’il fait déshabiller ses prisonniers, m’arrachant une grimace de dégoût. Je ne savais pas que les Orcs avaient un penchant si lubrique. Il les attache ensuite au grand mât, provoquant un grognement chez le second à côté de moi.
« Si il ne fait rien qu’une écorchure à ce mât. Je jure sur Moura qu’il ne passera pas la nuit. »
Mais que le Sang Poupre se rassure, ce n’est pas au mât qu’il souhaite s’en prendre. Il saisit fermement la gueule d’un soldat pour lui arracher les dents avec une pince.
« Sauvage. »
Crachais-je entre mes dents. Si la torture ne me répugne pas quand elle est bien faite et qu’elle a un but, voir ainsi un tel manque de finesse me fait bouillir. Je ne suis pas le seul car la liche s’en mêle rapidement en vociférant à l’attention du tortionnaire. Si je n’entends pas tout à cause des beuglements des soldats je comprends que la tension monte et qu’ils sont sur le point d’en venir aux mains.
« Vous n’allez pas intervenir ? »
Demande Haath, habitué aux règles de Laeten au sujet des règlements de compte à bord.
« Pas encore. »
Lâchais-je simplement alors que je me redresse pour mieux assister à la scène. Je trouve le dénouement intéressant. Non seulement j’apprécierais que le chien fou prenne une correction mais j’attends aussi de voir ce dont ce serviteur de Phaïtos est capable. Maintenant que je commence à comprendre comment fonctionne les fluides sombres qui reposent en moi, observer un manipulateur plus aguerri ne peut que m’être bénéfique. Le duel démarre est il est pour le moins expéditif. Après une charge de l’orc, la créature d’Azrael lui déchire le bras avec son crochet et si le garzok réplique d’une série de coups qui parvient à toucher ses adversaires ça ne suffit pas pour vaincre. La magie d’ombre frappe et blesse sévèrement le combattant, terminant ainsi le combat. La vie des prisonniers est offerte à Phaïtos avant que la liche n’aille à la proue pour se reposer. Je vais m’asseoir à mon tour à l’arrière du navire, dos à l’océan pour me reposer sous l’œil courroucé du Sang Pourpre.
Je me réveille plus tard alors que la nuit commence à tomber. L’esprit clair et reposé, bercé par le bruit des vagues contre la coque. J’observe les voiles se gonfler au rythme du vent frais venant du nord.
« Nous serons à destination dans deux jours si nous gardons ce vent. »
Explique le second alors que je me redresse pour m’approcher de la barre, observant le pont.
« Pas de poursuivants ? »
« La vigie n’a rien signalé. »
Les marins commencent à allumer les lanternes, seul source de lumière au milieu de l’océan quand l’astre nocturne se fait discret. Je baisse les yeux vers la capitainerie, fortement surveillée par des hommes d’Ezak qui doit encore se trouver à l’intérieur. Pas de traces de Silmeria qui a dû retourner sur La Laide. C’est un moment de calme avant la tempête et je réfléchis au prochain coup à jouer. Ezak est maintenant méfiant, ce ne sera plus aussi facile de me servir de lui, je dois retrouver un semblant de confiance chez cet homme pour qu’il soit encore attentif à mes paroles mais aussi parce qu’au départ de La Laide et de La Baliste il sera avec ses hommes en supériorité numérique, sans compter les messagers de Phaïtos qu’il semble connaître. Une alliance avec la plume noire pour renverser une tentative de prise de pouvoir me paraît vaine. Je ne sais rien d’elle mais elle semble instable, en proie à la folie en plus d’être une provocatrice. Ça ne serait pas prudent et en plus je doute que cela suffirait. C’est donc du côté du sergent d’Arkasse que je dois instaurer une confiance.
« Vous avez remarqué Rougine ? Les hommes de votre sergent... ils parlent beaucoup avec l’équipage. »
Je plisse les yeux, balayant le pont du regard pour tomber sur un homme d’Omyre discutant avec un des gabier. Ça n’a rien d’étonnant, il veut en savoir plus sur moi, probablement trouver des failles. Je lui souhaite bon courage, à part Laeten et son second, aucun n’a réussi à voir le visage hideux qui se dissimule sous mon masque de chair. Au contraire cela pourrait se retourner contre lui car c’est un autre homme que moi que les matelots de La Baliste connaissent. Je glisse encore mon regard sur les marins, persuadé de découvrir autre chose que je ne tarde pas à trouver. Je croise le regard d’un autre guerrier qui s’empresse de faire mine d’être occupé. Evidemment, je suis surveillé. Je feins également de ne pas l’avoir remarqué, je trouverais un moyen de mettre à profit cette surveillance. Mais d’abord, Ezak d’Arkasse. Je dois semer les graines me permettant de rester du bon côté de la lame si le vent venait à tourner.
Je quitte la dunette pour me présenter devant la capitainerie, les gardes me laissent passer et je découvre un Ezak en tenue de civile, propre, les cheveux attachés. Il ressemble à un noble paré de riches vêtements. Il est assis derrière le bureau, une outre d’alcool à la main. Il me lance un regard neutre avant de me demander avec calme pourquoi je ne suis pas entrain d’honorer mon dieu. Une provocation, je m’y attendais. Si il sait pour ma foi c’est qu’il en à parlé avec son ami Azrael.
« Je l’honore chaque secondes. »
Répondis-je simplement tout en m’approchant pour m’installer face à lui.
« Navré que cela est dû se passer de cette façon mais attendre plus longtemps aurait pu nous être préjudiciable à tous. Je comprendrais votre méfiance vis à vis de moi mais soyez certains que je sais être un allié utile. »
J’étais en partie sincère. J’étais loin d’être navré mais pour le reste tout est vrai. Nous sommes prit par le temps, je comprends sa méfiance et je sais être un allié indispensable, ou un ennemi mortel... Ezak rétorque simplement qu’il n’en demande pas plus. Je hoche la tête, je n’insiste pas. Il n’y a pas plus à en dire, soit il se ferme complètement à cette idée soit il y réfléchit et cela se verra dès les prochaines heures.
« Avez vous trouvé ce que nous cherchons ? »
« Non. Pas de seau officiel. Mais ça ne change rien selon moi. »
Il ouvre un tiroir et jette un paquet de lettres devant moi en commentant.
« Riad Fer-Argent, le Capitaine de l'Azurion. Je peux lui voler son identité. Après réflexions, cela m'étonnerait qu'il soit plus connu qu'un autre parmi toutes ces coquilles pleines d'âmes, dores et déjà perdues, que Solennel a envoyé combattre pour lui. »
Il n’a pas tord mais il suffirait d’un seul homme qui pourrait le connaître pour percer à jour la mascarade. Je fais une grimace embêtée, sur le point de le lui rappeler quand la porte derrière moi s’ouvre pour laisser entrer Silmeria. Couverte de runes dorées, je ne m’attendais pas à la voir maintenant et je ne peux dissimuler ma surprise. Elle justifie son accoutrement par un sacrifice à la gloire de Phaïtos et Thimoros, provoquant un juron noyé dans la barbe du sergent qui ne manque pas de blasphémer à nouveau. Mais je dois admettre qu’il n’a pas totalement tord de railler ainsi l’apparence de la plume noire. Il est inutile de se déguiser de la sorte pour vénérer Phaïtos. Quoiqu’il en soit, elle se défend de l’attaque d’Ezak en assurant qu’elle n’est pas croyante. Quelle ignominie de lâcher de telles sornettes, c’est me cracher en plein visage ! Les Dieux existent, ce ne sont pas que des légendes racontées dans les temples. Il suffit d’observer pour distinguer leurs signes. Il faut être stupide ou fou pour les ignorer et les défier ainsi ! Mais soit, je sais que tous n’ont pas l’intelligence de comprendre ce qui touche au divin. Si intérieurement je fulmine je n’en montre rien, exposant une impassibilité à toute épreuve alors que d’Arkasse montre son agacement, demandant à l’elfe d’expliquer les raisons de sa présence.
« Comme nous sommes rassemblés. Nous pourrions mettre un plan en place. Le Sang Pourpre m’a assuré que nous serons à destination dans deux jours. »
Interférais-je pour rendre sa présence utile et tenter d’éviter une nouvelle réponse légère, en vain car elle ne manque pas de répondre d’un ton jovial que nous formons un trio à présent. Elle s’approche ensuite pour s’assoir d’une demi fesse sur le bureau pour observer brièvement les lettres.
« J'imagine qu'en deux jours nous aurons de quoi trouver un plan viable pour mettre pied à terre. La Laide-les-Maines quittera la formation demain en début de soirée. »
« Quoi qu’il en soit, j’annonçais au Quartier-Maître que nous n’avions pas de seau officiel. J’émettais l’idée de me faire passer pour le Capitaine du l’Azurion, ayant un message de la plus haute importance à transmettre. Il s'appelait Riad Fer-Argent, si l’on en croit ses lettres et les informations du Lord Necromant. »
Il poursuit après une gorgée.
« Ah. D’ailleurs, il a ressuscité le Second et quelques membres d’équipages et il veut se servir d’eux pour nous aider. »
Vraiment ? Cela pourrait être un avantage indéniable, c’est certain. Mais les risques sont si gros que je ne suis pas enchanté à l’idée de me servir des soldats que nous avons vaincus surtout pour une tâche aussi forte symboliquement que de tuer un roi. Silmeria admet que cela pourrait fonctionner mais émet tout de même quelques réserves valables sur l’utilisation des morts vivants. Cependant elle fait part de ses doutes sur un camouflage semblable pour le Garzok, la liche et son larbin.
« Il en va de même pour moi, j'en ai bien peur. Mais je suis assez accoutumée à me fondre dans la masse et rester discrète, des qualités qu'on ne trouvera sans doute pas chez nos autres amis. »
Conclue-t-elle. Une personne bien extravagante pour quelqu’un qui se prétend discrète. Je garde cette réflexion pour moi.
« L’idée des prisonniers voulant livrer des informations n’est peut être pas si idiote. Mais nous ne pourrons pas mener six personnes devant le roi. Même avec une lettre venant d’un capitaine. Mais allons nous vraiment baser notre stratégie sur des Kendrans que l’on vient de vaincre ? »
Silmeria lève un doigt, rappelant qu’il n’est pas certain que nous soyons mené devant le dirigeant du royaume.
« Peut-être qu’avec personnalité déchue, pour qui le Roi avait fait le déplacement en personne, ça marcherait... »
Dit Ezak de manière énigmatique les yeux dans le vide. De qui parlait-il ? De lui ? De la plume ? Il reprend à mon attention, admettant qu’il a aussi des réserves concernant le projet du nécromancien. Silmeria répond alors à mon interrogation concernant la dernière phrase du sergent, c’est de elle qu’il est question et je leur demande d’éclairer ma lanterne pour ne pas rester ainsi ignorant. Elle m’explique qu’elle est une ancienne baronne mais que les armées de Kendra Kâr l’ont chassée de ses terres pour avoir taquiné, selon ses mots, la guilde des marchands. Je porte une main à mon visage pour lisser ma barbe, l’air pensif. Je me souviens avoir entendu parler d’une baronne dans les alentours de Bouhen qui aurait fait cuir un marchand véreux pour le faire manger à ses mercenaires. Des rumeurs que j’avais entendu sur la place du marché alors que j’étais derrière mon stand de poterie. Une époque bien lointaine où je devais chaque jour dissimuler les apparences. Je me souviens de la colère de mon père en apprenant le mauvais sort de la guilde des marchands. Savoir que Silmeria est à l’origine de cette rage l’a rend plus supportable. De fait, comme l’a sous entendu le sergent, avoir une ennemie du royaume sous la main nous permet d’avoir un appât de choix.
« Quant bien même se soit de l’histoire ancienne... Vous êtes donc une ennemie du royaume. »
Ezak pousse un soupir, l’air désespéré.
« Je ne pensais pas sérieusement au fait que le roi vous accorde une audience... C’était une manière de dire que nous allions forcer cette rencontre... »
Il précise à demi-mots qu’il a aussi ses comptes à régler avec le royaume.
" Quoiqu'il en soit, il faudra un plan solide, si vous entrez dans le campement du Roi et que finalement, le plan est remis en question, vous n'aurez aucun échappatoire et serez pris au piège que vous voulez vous même tendre. Et ça ne répond pas à notre interrogation, comment faire sortir le Garzok, il n'est pas du genre à passer inaperçu, de même que la liche et le Shaakt "
Le sergent éclate alors de rire, affirmant qu’il n’a pas spécialement prévu de revenir. J’interviens alors d’un ton calme et réfléchi.
« Et bien... j’ai eu une idée qui nous permettrait de rentrer d’une manière relativement tranquille. Mais reprenons depuis le début. Il y à trois phases importantes: localiser nos cibles, les éliminer et repartir. La plus délicate est la première. J’imagine que pour trouver un roi dans un camp en guerre il faut rechercher l’endroit le mieux défendu mais le problème est de le rejoindre sans éveiller les soupçons. Énumérons ce que nous avons sous la main, une ennemi du royaume, un utilisateur de fluide que tous les Kendrans haïssent, un Garzok dont la simple vision est répugnante, deux personnes aux traits Kendrans et deux autres qui sont tout juste insignifiants et c’est là la meilleur qualité qu’ils ont, celle de passer inaperçu. Constituons prisonniers la liche, l’orc et vous même. »
Dis-je en désignant l’elfe qui s’en offusque, se redressant et m’interrompant pour s’indigner qu’elle a l’habitude d’infiltrer les places fortifiées et éliminer les cibles et que pour se faire elle doit être libre de ses mouvements.
« Entravée je ne serai pas spécialement utile, sans oublier que le risque de se faire exécuter sommairement reste fort. »
Interessant. Venait-elle de confier une faiblesse ? Sa réaction traduisait-elle la peur d’être enfermée ou exécutée sans moyen de s’en sortir ? Cette petite Elfe craignait-elle les cages et le désespoir d’attendre la mort sans pouvoir lui échapper plus qu’une autre personne ? Quoiqu’il en soit je rétorque sans cacher mon agacement.
« Si vous me laissiez terminer. Vous ne serez pas vraiment entravés. Et l’ordre du capitaine sera de vous maintenir en vie. Vous serez donc emmenés sous la bonne garde des hommes du Sergent, parés d’atours Kendran, au sein même du camp. Où vous pourrez vous libérez une fois à l’abri des regards. J’imagine que pour vous, éliminer quelques gardes ne faisant pas partie de nos alliés ne posera pas de problème. Vous aurez alors tout le loisir de vous infiltrer pour rejoindre la tente de l’état major où nous escorterons la liche pour un interrogatoire urgent et d’importance capitale. Le Sergent d’Arkasse et moi devrions pouvoir l’escorter au moins jusqu’à la tente mais il y a peu de chances qu’on nous laisse y entrer. Voilà pour la première partie. Pour résumé, si tout se passe bien, nous aurons la liche en compagnie du roi, des hommes dispersées dans le camp et vous et moi à proximité de l’état major. Il ne nous manquera plus que l’occasion de frapper. »
Le sergent écoute attentivement, laissant croire que mon intervention plus tôt à porté ses fruits. La graine est bien semé et je n’ai plus qu’à l’arroser pour qu’elle grignote heure par heure la méfiance de l’homme.
« Le plan me semble bon tel qu’exposé. Contrairement à la Liche et au Garzok, vous, vous êtes quelqu’un. Ça donnera du poids à ce plan qui, sans cela, me parait bien maigre. Vous pourriez faire ça pour nous.»
Il affiche un grand sourire, observant la dame du trio avec un sourire espiègle.
« Nous formons un trio il me semble. »
Il reprend une gorgée de son breuvage alcoolisé alors que Silmeria explique sa réticence à porter des chaînes.
" Vous pensez vraiment que je ne serai pas immédiatement entravée une fois présentée ? Et si mon simple rôle est d'être escortée par les hommes d'Arkasse et de me libérer pour vous rejoindre, autant oublier cette étape et que je vous rejoigne directement sans avoir à me faire porter captive. Et puis je vous rappelle que vous n'avez pas autorité au campement du Roi, il y aura l'état major, la garde Royale, autant de personne qui outrepasse votre rang de Capitaine, une fois sur place vous ne donnerez plus d'ordre, car souvenez vous, Sergent, vous les Kendrans connaissez le respect des fonctions qu'Oaxaca n'a su inculquer à ses chiens. Votre rôle sera viable avec la Liche, si vous vous faites prendre, et vous vous ferez prendre avec un plan bancal, vous serez arrêtés séance tenante et il serait alors bon d'avoir quelqu'un de plus discret pour venir à votre aide. "
Je me tourne vers le Sergent, attendant son avis sur ce qu’elle propose. J’ai bien compris qu’insister ne me ferait que perdre du temps. Nous faire perdre du temps. Elle ajoute alors qu’elle pensait que des gentilshommes tels que nous lui offrirait un verre. Ezak lève un sourcil avant de se pencher pour se servir dans un tiroir du bureau, en extirpant deux gobelets en métal pour y verser le contenu de son outre.
« Bien… Essayons de trouver une situation dans laquelle cette gente dame ne serait pas contrainte de souffrir d’une position fort inconfortable. »
Il me propose un verre mais je le refuse poliment d’un signe de la main.
« Nous n’avons pas vraiment besoin de sa présence. Madame la Baronne, ayant probablement une certaine publicité au sein de l’élite Kendranne, pour son raffinement lorsqu’il s’agissait de bien recevoir ses invitées, lors des magnifiques soirées qu’elle donnait jadis à Bouhen. »
Ezak mime un soupir avant de plonger son regard dans celui de Silmeria.
« Quel caractère exquis ! »
Il attrape son gobelet. Visiblement les provocations reprennent. Ces deux là ne pourront pas s’en empêcher je le crains.
« Constituons le Lord et le Garzok prisonnier et contentons nous de dire qu’ils détiennent des informations au sujet d’une entreprise meurtrière ayant pour cible le Roi, et menée par une fameuse Baronne déchue qui, depuis, utilise ses talents pour le compte de la Reine Noire. Son identité devrait au moins provoquer assez de curiosité pour que ce que le Capitaine a à dire soit entendu. Il voudront probablement entendre et lire un rapport contenant tout ce que nous avons appris et sinon… Il n’y a plus qu’à espérer que le Lord Necromant soit au moins entendu, lui. »
Le sergent lève alors son verre, feintant de vouloir trinquer.
« Cela vous siérait-il, chère dame ? »
Silmeria, tout sourire d'avoir enfin son verre use de nouveau de son pouvoir pour le récupérer, apparaissant alors juste devant Ezak. Elle le porte à son nez et y trempe doucement les lèvres. Après un temps, elle releve le nez de son gobelet et dit :
" Très bien. La Liche et le Garzok seront constitués prisonniers, mais sont-ils au courant ? Le Garzok a un sens de l'humour pour le moins approximatif et se montrera peut-être en désaccord. Et qu'en est-il du Shaakt ? "
Je ne m’inquiète pas de ça. Après tout l’idée vient à la base du Garzok, nous n’avons que fait la rendre plus viable.
« Le suivant d’Azra m’a affirmé qu’il irait infiltré le camp. Je l’ai déjà vu à l’œuvre. Il peut être doué pour se fondre dans les ombres. »
" Soit... Et comment sortons-nous ? Déguisés en cadavres et transportés en civières ? Dissimulés dans un tonneau ? "
Se moque Silmeria.
"Je pense que ce jeune Shaakt et moi devrions nous entendre sur une façon de faire, s'il est aussi discret que vous le prétendez, nous pourrons vous suivre et pour porter assistance en cas. Mais si les choses tournent mal, il faudra aussi avoir un plan de secours. Déjà il vous faudra mettre la Liche et votre Garzok adoré en sécurité, s'ils sont entravés il conviendra de les secourir pour qu'ils puissent se défendre eux même. "
Je montre un signe d’apaisement, signifiant qu’il ne faut pas brûler les étapes.
« Parlons d’abord de l’étape deux. Il nous faut créer une opportunité pour éliminer nos cibles. Nous aurons selon ce plan, plusieurs hommes aptes à se fondre dans le campement. Si nous sous entendons que le Roi est en danger et qu’il y a du grabuge dans le camp alors ils pourraient commettre une erreur. Vous vous souvenez que j’avais proposé l’idée de mettre le feu à différents points du camp ? »
Dis-je à Ezak.
« Et enfin, la dernière étape, se retirer. Et bien c’est assez simple dans l’idée... Nous ne tuons pas le Roi. Nous le prenons en otage. Il est bien la seule personne à qui ils ne risqueront pas la vie en plus de nous donner un autre avantage dans cette guerre. Qu’est ce qui a le plus de valeur ? Un Roi mort ou la menace concrète d’un Roi mort ? »
" Pardon mais j'ai comme une doute pour la retraite. On doit sortir d'un camp fortifié avec le Roi en otage après avoir tué son état major ? Sachant qu'on sera dispersés la grande partie du temps ? "
Silmeria s’approche de moi son verre à la main en buvant une petite gorgée.
" Et si le Roi meurt durant l'opération ? Qui servira d'otage ? La Liche ? "
« Si le roi meurt nous n’aurons plus qu’a profiter du chaos mit dans le camp par l’étape précédente. »
Car il faut aussi le prendre en compte. Si les hommes infiltrés dans le camp causent assez de diversion, tout le campement sera désorganisé, dispersés entre les flammes ou que sais-je encore.
" Ne faudrait-il pas limiter les meurtres opportunistes et affecter des cibles ? "
Rétorque-elle. C’est le sergent d’Arkasse qui intervient.
« Des cibles ? A part le Roi nous n’avons aucune idée de qui compose nos cibles. Il faut se rendre à l’évidence. Notre plan comportera quoi qu’il arrive des zones grises. Et je n’ai de toute façon jamais connu de plan qui se passe sans accroc. En l’état la solution d’Eldros me parait la bonne. Rien ne sert de prendre la tête du roi, Il suffit de faire mat, et toutes les autres pièces du jeu seront tétanisées. »
Exactement. Il a comprit ce qui m’a amené à penser à cette idée. Et si il me suit encore, il a conscience qu’un bon nombre de pièces sont sacrifiables pour gagner la partie.
« Je veux m’occuper du Roi. Je n’ai besoin que d’être dans la même pièce que lui, peu importe le nombre de garde qui l’entoure. Et si le plan doit échouer et qu’il doit mourir, tant pis. Je vais encore le répéter mais mes hommes et moi avons prévu d’aller au bout de notre mission. Revenir n’en fait pas partie. Tous ceux qui m’accompagnent ne sont que les volontaires de mon armée. Ils m’ont suivis en connaissance de causes. »
S’ensuit à nouveau une joute verbale entre les deux représentants d’Oaxaca. Je croise les bras, dissimulant mon agacement en profitant d’un instant de flottement pour demander si nous sommes d’accord sur le plan. Après une dernière pique à l’attention de madame la Baronne, Ezak se tourne vers moi en souriant pour affirmer qu’il marche. Mon regard se dirige ensuite vers l’elfe qui admet qu’elle a fait plus suicidaire que ça. Bien. Parfait. Une bonne chose de réglé.
« Nous allons avoir besoin de récupérer les uniformes des marins. Quand est-ce que nous mettons les autres au courant pour le plan ? »
« Demain ça me semble bien. Ça laissera le temps aux autres de se s’imprégner du plan. Ou de ronger leur frein si ils en sont mécontents. »
« Le Sergent sera sans doute d'accord avec moi. Mais l'autorité doit être respectée ou imposée si besoin. »
Elle s'incline en une légère révérence et termine son verre avant de le poser retourné sur la table.
« Je vous dis bonsoir, je serai sur le pont à célébrer la rondeur de la lune ou je ne sais quoi de ridicule pour honorer les Dieux. »
Encore un blasphème, il ne sera pas bon d’être à côté d’eux quand les Dieux décideront de leurs faire regretter leurs paroles. Je me lève pour quitter la cabine à mon tour. Je rejoins directement la cale pour m’assurer d’avoir assez d’armures. Je m’empare d’une lanterne pour descendre l’échelle en bois, en m’approchant de l’endroit où sont maintenus les prisonniers j’entends une voix féminine discutant avec ce que je reconnais être la voix du Shaakt. Cela provient du fond du bâtiment et c’est avec la lanterne dressé, une main sur le manche de mon sabre que je me rapproche, passant entre les rangs de soldats vaincus. Je découvre alors une scène macabre ou le larbin de la liche est vautré, seul, sur un tas de cadavres.
« Que faites vous donc ? »
Dis-je en retenant une grimace à la fois de rage et de dégoût. A quel jeu se livre donc cette engeance infâme ? A qui appartient cette voix ? Se vautrer dans de la chair morte, est-ce sa façon de vénérer le maître des enfers ? Espèce de dégénéré ! Il sursaute et se tourne vers moi, dardant son regard pourpre et brillant dans le mien avant de se redresser. Il prétend ne rien faire et demande, en me tutoyant, la raison de ma présence. Je plisse les yeux devant tant d’insolence avant de désigner les prisonniers.
« J’ai besoin de leurs uniformes. »
Il m’informe que ce n’est pas nécessaire de prendre ceux là, un coffre derrière moi contenant déjà le nécessaire. Je me tourne pour vérifier le baquet tout en rétorquant.
« J’ai entendu une voix. Une voix de femme. »
Il affiche un air faussement amusé avant de répondre que mon imagination me joue des tours.
« Il n'y pas de femme sur ce navire, hormis... »
Son regard va alors se perdre un instant. Il ne parvient même pas à trouver une conclusion à sa tentative de mensonge. Quelle maudite vermine ! Je laisse une grimace de mépris s’emparer de mon visage avant de reprendre un air impassible.
« Si tu tiens à mentir fais le au moins correctement. Je vais aussi avoir besoin de leurs noms, de leurs prénoms et de leurs grades. »
« Aux prisonniers ? »
« Aux prisonniers oui. Il serait regrettable que notre infiltration échoue parce que nous ne connaissons pas les noms présents sur une liste de bord. »
« Nous avons le second : Berth, que tu connais bien... et les matelots et soldats de Bouhen : Rick, Bert et Loen. Si tu souhaites en savoir davantage, tu demanderas directement à mon maître. »
Je retiens un soupire agacé tout en posant mon regard sur les corps sans vie.
« Pourquoi vous ne les jetez pas par dessus bord ? »
Il répond comme si c’était une évidence.
« Il peuvent encore servir pour les combats à venir, pour le renseignement... et ils sont très confortables. Nous nous en séparerons quand l'odeur deviendra moins supportable. Combien de jours de voyages avons nous ? »
Sauvage.
« Deux jours si le vent nous reste favorable. »
« J'espère qu'ils tiendront d'ici là... »
Il soulève un bras mort et le laisse retomber avant de poursuivre avec un air malicieux insupportable.
« Rougine, c'est bien ça ? Nous avons eu vent de tes manigances... qu'essayes-tu de réaliser ? »
Je contiens mon envie de lui rétorquer que c’est monsieur Rougine ainsi que de cesser de me tutoyer mais je sais parfaitement que c’est inutile. Je constate que c’est un esprit insolent, contestataire, n’ayant aucun respect pour l’autorité et le respect d’un être lui étant supérieur. D’ailleurs sa manière de mettre sur le tapis ce sujet prouve qu’il a du mal à l’accepter. Des manigances... quel imbécile.
« Mes... manigances ? Mon but est le même que le votre. J’oeuvre pour l’accomplissement de notre mission. Je remets de l’ordre dans le chaos qu’apporte ce chien fou de Garzok, je nous épargne des discussions interminables sur la manière de faire. Ce que je réalise ? C’est une chance de réussir notre tâche et d’en revenir en vie pour continuer à servir. »
Et si il est trop stupide pour le remarquer alors dommage pour lui.
« Si avec ce que je lui ai mis aujourd'hui, le garzok ne se calme pas, je ne sais pas ce qu'il faut... Mais il y en a d'autres, sur l'autre navire, qui auraient bien besoin d'une leçon... »
La liche venait d’apparaître et poursuivit ses paroles en se tournant vers moi pour s’excuser, ce qui ne manque pas de m’étonner.
« D'ailleurs désolé, j'ai bien peur, ce faisant, d'avoir mis un peu de bazar cet après-midi, mais c'était un cas de force majeur. J'espère que ça ne posera pas de problème ultérieurement. »
« Désolé ? Aucune raison de l’être. Les Orcs semblent être ainsi, comme l’a dit le sergent, des chiens qui ont besoin d’être dressés. »
« Les passagers de l'autre navire ne sont pas en reste, à torturer des prisonniers. Côtoyer autant de barbares abrutis m'agace. Et vous, que faites-vous dans ce qui semble être l'antre de mon compagnon ? Qui s'y est taillé un siège fort confortable à ce que je vois... »
Je darde un regard froid sur le semi-shaakt qui se permet un commentaire sur le confort de son siège.
« Je venais préparer le nécessaire pour la suite de notre mission. Puis j’ai entendu une voix étrange venant de là où votre... ami ? Etait allongé. Mais comme il me l’a si bien dit il n’y a pas de femme à bord, n’est-ce-pas ? »
Le larbin réplique, au bord de l’extase, qu’à sa connaissance il n’y a aucune femme qui respire avant de me conseiller de me méfier, avançant qu’il n’est pas prudent d’écouter aux portes. Je sens un courant d’air glacé me traverser. L’oeuvre du Shaakt pâle sans aucun doute. Un frisson me parcours des pieds à la tête alors que mon masque de chair se brise pour laisser apparaître un sourire de satisfaction.
« Le froid glacé de la mort ne m’effraie pas. Il est souvent annonciateur de satisfaction. »
Je me tourne ensuite vers Azra qui m’assure qu’il se porte garant des actions de son compagnon et que ses mauvaises farces n’ont jamais causés de tort à personne. Il souhaite aussi en savoir plus sur le plan que nous avons mit au point avec Ezak et Silmeria. Précisant qu’il en a été écarté. Une précision que je ne relève pas.
« Il reste quelques points à peaufiner mais il sera annoncé à tout le monde demain matin. Vous y avez un rôle important, si ce n’est le plus crucial. J’espère que vous serez à la hauteur. Quant à vous...»
Dis-je en m’adressant au larbin.
« J’espère que vos compétences de discrétion sont meilleurs que vos talents de menteur. »
« Bon... je n'aime pas l'idée d'être ainsi tenu à l'écart, mais je conçois que de simples mercenaires ne soient pas considérés comme des partenaires de premier choix. Quoiqu'il en soit, j'écouterais avec attention. Vous pouvez compter sur moi, j'ai l'habitude de me débrouiller des situation difficiles. »
Puis, sur un ton plus léger, il ajoute :
« Lors des derniers combats, vous avez fait preuve d'une plus grande maîtrise des arts obscures. Je ne vous ai pas félicité pour cela... Au fond, vous avez peut-être juste besoin de pratique. S'il n'est pas trop tard, je pourrais vous enseigner un ou deux petits trucs... »
« J’ai simplement écouté votre conseil. Vous aviez raison, quelque chose en moi essayait de retenir cette force, j’ai fait taire cette chose pour laisser cette magie sombre se libérer pleinement. C’était... »
J’inspire avant de conclure ma phrase dans une expiration.
« Fort plaisant. Il me tarde de recommencer alors j’accepte votre proposition. »
Voilà peut être le moyen de semer une autre graine. Cette liche finira par m’apprécier, j’en suis sûr. Curieux, il me demande ce que j’ai dû faire taire. Difficile à dire, peut-être une partie de moi qui refuse de me soumettre totalement, ou une infime part de bon que j’essayais tant de faire grandir dans mon plus jeune âge. Peut-être la peur de perdre le contrôle.
« Je n’en suis pas encore sûr. »
Ma réponse donnée il prend un instant pour réfléchir avant de m’expliquer en détail comment superposer un spectre en souffrance à mon apparence. Selon lui je dois trouver une âme environnante et lui donner corps grâce à ma magie avant de l’amener à fondre son visage dans le mien. L’image est interessante est j’admet qu’elle me plait. Pouvoir ainsi manipuler les âmes errantes pour qu’elle me donne un aspect capable de terroriser mes ennemis. Je le laisse terminer ses explications avant d’incliner la tête.
« C’est entendu. J’essaierais. J’ai une dernière question pour vous. J’ai entendu dire que vous vouliez vous servir de soldats ressuscités. A quel point leur feriez vous confiance pour nous aider dans notre mission ? »
« Daemon comptait justement s'assurer de leur loyauté. J'imagine qu'il pourra m'en dire plus... Je doute qu'ils soient gagnés à notre cause aussi facilement,mais les mortels ont peur de la mort. Et ils ont vu à quel point le pouvais facilement disposer de leurs âmes. C'est un bon début. Mon compagnon pourra confirmer. Et au pire, s'ils essaient de nous trahir... ils n'auraient même pas le temps de finir ne serais-ce que d'articuler une phrase avant de mourir. »
Dit-il après un haussement d’épaules.
« Je vois. Mais vous comprenez que si ils s’effondrent soudainement alors que nous cherchons à tromper l’ennemi nous arriverons au même résultat que si ils avaient dit quelque chose ? »
« L'idée même de la mort, fut-ce pour sauver un roi qu'ils n'ont en vérité jamais vu, leur ôtera toute envie de nous trahir, cependant. En fait seul le capitaine était vraiment dévoué jusqu'à la mort à sa patrie... c'est pour cela que je ne l'ai pas ramené. Mais bien entendu, il faut des preuves plus concrètes pour mettre toutes les chances de notre côté, voilà pourquoi Daemon les a interrogé. Il est doué pour déterminer les pensées des gens... ah et... voilà aussi pourquoi j'aimerais qu'on évite les tortures et autre méfait à bord. Afficher des comportement barbare et hostiles ne vont pas les convaincre qu'ils peuvent se refaire une vie dans le camp d'Omyre... »
J’incline la tête, avouant que je suis du même avis. Le compagnon d’Azrael ajoute alors à voix basse que si tous ne sont pas de confiance, certains feraient n’importe quoi pour s’en sortir. Le silence s’installe alors et je quitte leurs antre après un signe de tête pour regagner le pont. Je regagne la timonerie, toujours tenu par le sang pourpre hargneux qui grimace en m’apercevant avant de m’aboyer un ordre.
« Rougine, prenez la barre. Je vais me reposer un peu. Réveillez moi au moindre problème. »
J’acquiesce avant de prendre le relais, dirigeant le bâtiment dans l’obscurité. Seul subsiste les lueurs de La Baliste et de La Laide sur mes flancs. Je pousse un soupir, relâchant toute la tension de ce premier jour avant de me concentrer sur les détails du plan.
La première nuit se déroule sans encombres et Haath me laisse la barre pour faire le tour des hommes de La Baliste et s’assurer qu’il ne manque de rien. Velley est venu me voir au lever du jour pour me demander si le stock de vivres permettait de faire un repas pour tout le monde. Mon hochement de tête lui avait provoqué un sourire ravi. Immonde. Le voilà de retour, distribuant ce dont le corps à besoin pour tenir en mer.
« Vous pensez que je peux rentrer dans la capitainerie ? »
Ezak y était encore, prenant sans doute goût à l’endroit le plus confortable du navire. Je lui réponds qu’il ne devrait plus tarder et justement j’entends la cloche d’appel être sonnée.
« Prends la barre. »
Je descend la dunette pour rejoindre Ezak et Silmeria, patientant quelques instants que chaque mercenaire puisse arriver. Finalement le sergent s’avance pour prendre la parole.
« Nous vous avons rassemblé pour parler de ce que nous allons faire. Je vais laisser le Quartier-maître Rougine prendre la parole. En effet, tout ceci n’aurait pas été possible sans lui. Il a fait preuve d’une réelle volonté pour nous unifier et se retrouver au cœur des décisions. Une personnalité ambitieuse n’est ce pas? »
Il m’observe et je contiens un haussement de sourcil. Que cherche-t-il à faire ?
« En même temps, après avoir été jeté dans le fond d’une cale comme une vulgaire immondice, on doit nourrir des envies de prendre le contrôle de la barre, comme un signe de revanche sur le monde. L’adage ne dit-il pas : Tout petit bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs ? »
C’est donc ça. Est-ce là votre revanche sergent d’Arkasse ? Que cherchez vous ? A m’afficher ? Croyez vous que de de m’exposer ainsi va me vexer, tous sont déjà au courant de la position que j’occupe, vous l’avez vous même déjà appris aux messagers de Phaïtos, à vos hommes qui me surveillent. Pensez vous que je me soucie de l’opinion de l’orc et de son barde ?
A m’humilier alors ? Une vaine tentative. Voilà qui est bien décevant si c’est tout ce que vous avez trouvé sur moi. En effet La Baliste m’a découvert au fond d’une cale, traité comme une simple marchandise mais je n’ai pas à en avoir honte. Depuis j’ai permis à l’équipage d’amasser une grande fortune, j’ai gravi les échelons jusqu’au poste de quartier-maître et je suis en route pour honorer la promesse que j’ai fait à l’homme qui m’a jeté au fond de ce navire marchand : revenir à Kendra Kâr pour mettre la cité à feu et à sang. Je suis fier de ce que j’ai accompli depuis cet épisode malencontreux, guidé par Phaïtos, une divinité que vous insultez à la moindre occasion. Et vous, qu’avez vous donc accompli pour en être là ? Je finirais bien par découvrir vos petits secrets, ceux qui vous serrent l’estomac de honte quand vous y repensez.
Ou est-ce simplement une invitation à la joute comme vous le pratiquez avec la petite plume noire ? Vous allez rapidement comprendre que je ne suis pas le même oiseau que cette elfe.
« Je laisse donc la parole à notre bienfaiteur à tous. »
C’est cela Sergent, laissez moi la parole. Moi aussi je connais un adage : œil pour œil, dent pour dent et avec moi vous allez apprendre, sergent, que la vengeance est un plat qui se mange froid. En attendant j’ai la réponse tout adapté. Je laisse apparaître un mince sourire moqueur sur mes lèvres ponctué d’un souffle nasal railleur, tout pour lui faire comprendre que sa tentative ridicule, pathétique, n’a pas eu l’effet escompté.
Je m’avance alors à mon tour, laissant définitivement tomber le masque que je porte depuis de nombreuses années. Mon visage impassible se durcit, mon regard devient froid, mes lèvres prennent la forme d’une grimace cruel et alors que je me dresse face aux mercenaires voilà que me revient la vision que j’ai eu à Darhàm. Une fumée opaque s’élève autour de nous tandis que l’océan s’enflamme. Je porte à nouveau cette armure sombre, cette bague d’Olath, ce pendentif à tête de corbeau et cette lame rouge dégoulinante de sang. Ca ne dure qu’un court instant mais cela me suffit à savoir que l’heure approche.
(Bientôt ô Phaïtos. )
Je me pare d’un sourire cruel, prenant une posture pleine d’assurance avant de m’éclaircir la voix.
« Nous avons gardé la base du plan qui était proposé au départ. A savoir, le seigneur Azrael et le garzok se feront passer pour des prisonniers, les autres se pareront des uniformes à disposition sur le navire. Veillez à connaître le nom et le grade de ceux à qui vous prendrez l’armure, un bafouillement de votre part une fois au camp si on vous demande qui vous êtes pourrait nous coûter la vie. »
Je darde mon regard vers Kurgoth, ravalant mon dégoût de devoir lui adresser la parole pour ajouter.
« Les votres ont pour réputation de ne pas se laisser capturer facilement. Une bonne chose que la liche vous ait un peu malmené, tachez de ne pas paraître en trop bonne forme. Nous vous éviterons l’exécution en vous faisant passer pour des prisonniers importants, détenant des informations au sujet d’une entreprise meurtrière ayant pour cible le roi et menée par une baronne déchue utilisant ses talents pour le compte de la Dame Noire. Tout ceci sera appuyé par le capitaine Riad Fer-Argent qui sera interprété par le sergent d’Arkasse. »
Dis-je en désignant Ezak d’une main avant de pointer mon regard sur Azrael.
« Peut être qu’il sera accompagné de son Second en personne... »
Dis-je de manière énigmatique, sachant que je suis compris par ceux qui sont dans la confidence.
« Le but sera de rejoindre le Roi mais inutile de croire que nous pourrons tous nous y rendre. Vous, vous serez celui qui devra être interrogé, en présence du capitaine. Nous verrons jusqu’où nous pourrons vous accompagner, nous espérons au moins atteindre la tente de l’état major. Vous pourrez voir les détails avec le sergent. Kurgoth lui sera sans doute mener quelque part au sein du camp, escorté là encore par nos propres troupes qui trouveront un endroit pour le libérer de ses chaînes en attendant la prochaine étape.»
Je me tourne vers Daemon.
« Quant à vous nous avons entendu parler de vos talents pour la dissimulation. Vous irez voir Silmeria pour avoir plus de précisions sur le rôle qui vous attends. Tachez d’accorder vos violons. »
Je jette un oeil par dessus mon épaule, l’aversion de la plume pour les elfes noires ne m’a pas échappé. J’espère qu’elle saura mettre cette rage de côté pour pouvoir se coordonner avec le larbin de la liche.
« Une fois que nous serons dispersés il sera temps de créer une diversion, semer le chaos dans le camp afin de désorganiser l’ennemi. Je vous rappelle que j’ai confectionné des bombes incendiaires qui sont à votre disposition. Ce sera le moment pour les proches du roi de frapper. A un détail près mais qui a son importance. Nous ne devrons pas tuer le roi, nous le prendrons en otage pour s’en servir de billet de sortie. Cette honneur reviendra au sergent d’Arkasse. Il est le seul homme qui ne doit pas mourir, pour le reste, vous pourrez vous en donner à cœur joie. »
Concluais-je en observant l’orc avant de faire volte face pour retourner derrière Ezak.
« Merci Sergent. Je vous laisse la suite.»
Lui glissais-je en passant.