<< Précédemment
C'était un sentiment étrange. Un mélange entre l'excitation et l'angoisse, la peur et l'envie de découvrir ce que cette porte cachait, ce que la pièce derrière pouvait renfermer. La clé tourna dans la serrure et ouvrit la porte sur ce que j'appellerais une vraie déception. Ce n'était qu'une salle de stockage. Faisant la moue, j'entrai à la suite de Derek, marchant sur le tapis poussiéreux qui protégeait le sol. Des meubles de stockage, tous vides ou accueillant quelques araignées. Je fouillai rapidement, sans grand enthousiasme, et ne dénichai effectivement rien, ne retenant pas un soupir de déception. Alyah restait pensive et Derek quittait la salle lorsque j'eus un doute en regardant le sol. Ce n'était qu'une simple salle de stockage... alors pourquoi y mettre un tapis ?
Le tapis était lourd et tellement recouvert de poussière que le soulever fit voler un nuage autour de moi, me faisant tousser en attirant l'attention de Derek alors qu'il sortait. Il me fixa à travers les fentes de son casque tandis que j'essayai de tirer le tapis sur le côté. C'était plus lourd que je n'aurai cru, mais je finis par le pousser suffisamment sur le côté pour voir ce qu'il y avait dessous. Des dalles, rien de plus. Je m'attendais à une trappe, mais rien de tout cela. Je m'accroupis néanmoins, fouillant le sol des yeux, posant finalement le doigt sur quelque chose. Un minuscule interstice courait le long d'une des dalles, faisant le tour de celle-ci. Je ne voyais pourtant rien pour la soulever.
- Il doit bien y avoir un moyen de soulever cette dalle...
Impossible d'y mettre un doigt. Je cherchai un quelconque résidu magique, mais rien de concluant là non plus. A moins d'avoir un levier assez fin et résistant, je ne voyais pas comment déplacer cette grosse dalle. J'avais déjà fouillé la pièce, mais je jetai de nouveau un coup d’œil aux alentours, dans l'espoir d'apercevoir un quelconque indice. Si seulement j'avais un moyen de faire disparaître cette dalle... j'étais persuadée qu'on pouvait l'ouvrir...
- Écarte-toi.
Je m'exécutai et la dalle, après un lourd bruit provenant d'en dessous, bascula, révélant un boyau étroit avec une échelle descendant dans ce qui semblait être un sous-sol. Je ne pus m'empêcher de sourire triomphalement en découvrant cette cache.
- Comment vous avez...
Il pointa du doigt un bougeoir fixé au mur. Il était penché, comme s'il avait tiré dessus. Je hochai la tête et me hâtai de mettre les pieds sur l'échelle pour la descendre. Le boyau était relativement étroit. Pas un problème pour moi et ma corpulence fine, cela dit.
(Ouais, une crevette quoi.)
(Je vais grandir!)
(Ce n'est pas le mot que j'aurai employé...)
Je maugréai contre l'impertinente qui me servait de faera et d'amie et continuai de descendre jusqu'à atteindre le sol. Le lieu ressemblait à une cave aménagée, mais sans la moindre trace d'humidité et avec un plafond étonnamment haut. J'allumai un brasero placé là et observai les alentours en laissant Derek descendre à son tour, l'entendant se cogner contre les parois du boyau menant au sous-sol. La salle dans laquelle je venais de descendre était large, spacieuse et remplie de meubles. Des étagères emplie de fioles et bocaux, des croquis accrochés aux murs, des rouleaux de parchemins entassés çà et là, dans une désordre relatif. Je ne m'attardai guère sur les contenus et dessins, tous étaient liés à l'intérieur des corps d'êtres vivants et je n'avais pas envie d'en voir plus que cela.
A la place je fouillais les placards, tombant sur d'autres fioles contenant des liquides aux couleurs ou vapeurs étranges que je ne me risquai pas à ouvrir pour en vérifier le contenu. Je tombai sur une fiole de poudre sombre que Derek s'empressa de récupérer, parlant de poudre d'olath et je continuai à fouiller, trouvant çà et là des croquis qui me faisaient froid dans le dos. Derek commença à en rassembler une grande partie dans un coin, sans doute pour les faire disparaître par les flammes, tandis que je jetai un œil sur le grand bureau situé au fond de la pièce. Allumant la lanterne qui y étais posée, je fouillai du regard le bois terni par le temps. Un œil me fixa, me faisant sursauter avant de soupirer. Un simple bocal... ce lieu était vraiment immonde. Je me hâtai de fouiller, avant d'entendre un bruit sur le sol. Curieuse, je me baissai et ramassai une pierre. D'un noir profond, l'octaèdre que je pris dans la main était glacial et semblait absorber la lumière faiblarde de la lanterne posée non loin. Je le fourrai dans mon sac en me relevant, fouillant le reste sans trouver grand chose d'intéressant.
- Fini ?
Je hochai la tête et remontai à la suite de Derek, un peu déçue de n'avoir rien trouvé de probant. Pas fâchée de sortir de cet endroit, cependant, je me sentais plus légère, bien que fourbue par les combats et la fatigue. Une fois remontée, je m'étirai et emboîtai le pas de Derek en imaginant déjà le bonheur de sortir d'ici pour retourner sous le soleil. Puis Derek s'arrêta et me fis signe de ne pas faire de bruit. Je fronçai les sourcils et tendis l'oreille. Des vois me parvinrent et je me mis aussitôt en position, la main sur ma rapière. Derek avait fait de même et nous progressâmes en silence dans le couloir jusqu'au hall. La porte était fermée et les voix nous parvenaient sans que nous n'en comprenions le sens. Il y en avait plusieurs et cela ne m'enchantait guère.
Des bruits de pas se mirent alors à se diriger vers nous et je fus tenter de passer par la fenêtre de la pièce adjacente pour nous enfuir, mais Derek n'avait visiblement pas cette intention. Rien ne disait que c'étaient des morts-vivants ou des nécromanciens ou que savais-je encore, mais j'imaginais que, dans le doute, il préférait vérifier pour ne rien laisser. Il ouvrit brutalement la porte et un cri de douleur se fit entendre, ainsi qu'un bruit de chute. Je m'élançai avec lui, tirant à demi ma lame avant de heurter son dos. Il s'était brusquement arrêté et son épée n'avait pas quitté son fourreau.
- Pas un geste! Qu'est-ce que vous fichez ici ?
Je me décalai pour apercevoir la scène. Au sol, se tenant le nez en grognant, un milicien de Tulorim. Et dans le hall, une demi-douzaine d'autres, tous armés et visiblement stupéfaits. Je rengainai aussitôt mon arme, ne voulant pas créer d'incident avec la milice en plus de ça. Je me demandai tout de même ce qu'ils faisaient là, à ce moment précis. C'était tout de même une sacrée coïncidence qu'ils débarquent maintenant. Je commençai à me méfier avant qu'un autre groupe n'entre finalement et qu'une voix, tout aussi stupéfaite que les visages de ses collègues, n'attire mon regard et ne me fasse lâcher un rictus entre le sourire et la gêne.
- Yliria ?!
- Oh... Bonjour Charles. Ça fait longtemps...
La première personne à avoir eu de la compassion et avoir essayé de m'aider après la mort de mon père avait été Charles. Il avait fait en sorte que j'aie de quoi manger et un toit sur ma tête avant que je ne m'embarque dans l'aventure avec Fylyarina et les autres. Je l'avais revu pendant l'incident avec la pègre, mais je ne m'attendais certainement pas à le recroiser dans une telle situation. Et lui non plus, visiblement. Il me regardait avec des yeux ébahis et ses collègues ne semblaient pas comprendre ce qui était en train de se passer. Derek ne disait rien et avait soigneusement mis ses mains loin de ses armes, probablement pour ne pas éveiller de soupçons. Enfin, avec Charles présent, je me disais que les risques étaient minimes, même si quelques regards n'avaient rien de très amicaux.
- Que fais-tu ici ?! Ça fait longtemps que tu es revenue en ville ?
- Oh.. euh.. quinze jours ? Et je... je fouillais l'endroit avec Derek ici présent.
L'intéressé se contenta de hocher la tête sans rien ajouter. Vraiment, il ne m'aidait pas là. Les miliciens eurent tous la même réaction, à savoir un froncement de sourcils accompagné d'un air étonné ou suspicieux.
- Tu fouillais ?
- Oui, on a dû massacrer pas mal de morts-vivants et leur créatrice... Enfin vous pouvez vérifier. Pourquoi vous êtes là ?
- Des habitants ont vu des flashs de lumière et ont fait tout un ramdam pour qu'on dépêche quelques gars, et nous voilà. J'imagine que la lumière c'était vous deux ?
Je hochai la tête. Je n'en étais pas certaine, mais c'était probable de toute façon. Les miliciens se déployèrent et commencèrent à fouiller en vitesse, comme s'ils étaient pressés de quitter l'endroit. La vue des trépassés gisant dans le hall ne les avait pas mis en joie, et le reste ne les rassura pas davantage, mais au moins leur tour des lieux fut rapide. Je restai avec Charles et Derek. Charles voulut en savoir plus sur mes raisons, mais je restai vague, parlant seulement d'un objet à récupérer. Il insista, mais finit par lâcher l'affaire lorsque je lui montrai le vêtement. Visiblement il pensait que je me fichais de lui, qui irait risquer sa vie pour cette frusque ? Une bonne poire comme moi, qui d'autre ?