Les Voies Hautes
- Cromax
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- Cromax
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Re: Les Voies Hautes
La Cité des Ombres
Les Voies Hautes
Les Voies Hautes
Jour 1 – milieu d’après-midi.
L’ascenbulle passa outre un étage intermédiaire, curieusement. La plus basse des Voies Hautes, afin d’atteindre le plus vite possible les plus hautes sphères de la cité. Là, tous descendirent, et Narak et Huyïn furent invités à faire de même, non sans des applaudissements enjoués… du boulanger. Et uniquement de lui.
L’endroit était plus clair et aéré que les Voies Médianes. Comme si la couleur était plus blanche. Les bâtiments étaient luxueux, arborant de belles draperies aux couleurs, sans doute, des Maisons Nobles qu’elles abritaient. On ne voyait même pas la Veine, d'ici. A moins de se pencher dangereusement par-dessus les balustrades.

Les deux nobliaux s’en allèrent sans demander leur reste, mais le gros et ses bidons et le barbu et ses miches restèrent là un instant. Le second, toujours plus volubile, parla :
« Nous pouvons commencer notre tournée par la Maison d’Esthalor. Comme ça nous ne le dérangeons qu’une fois et nous n’interrompons pas votre entretien. Qu’en dites-vous ? »
Pris à parti comme les deux Yuimeniens, le distillateur obèse grommela son accord. Naral fronça les sourcils, se tournant vers le chat masqué.
« Est-ce une bonne idée que de mêler l’art à l’artisanat ? Peut-être devrions-nous nous y rendre après votre passage. Ainsi Bois-Carmin pourrait répéter ses chants une dernière fois ? »
Il pointa ses yeux d’or dans la direction d’Huyïn, requérant son avis.
[HJ : On peut papotouiller sur le discord.]
- Huyïn
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Re: Les Voies Hautes
-- >
L'ensemble des passagers débarque, et seul le porteur de pain lui adresse un applaudissement. Les yeux du Tigre se perdent un bref moment sur les environs. Il semble s'agir du niveau le plus élevé des Voies Hautes car il a aperçu un autre niveau que l'étrange bulle a passé sans s'y arrêter. Une Voie Haute inférieure ? Un niveau privé en lien avec les résidences des plus aisés ? Impossible à dire pour le moment. S'ils ont grimpé dans les étages, ils ne semblent guère être pour autant à proximité de la surface. L'endroit est éclairé par une lueur qui semble... Argentée. Froide. Ni la chaleur d'une lanterne, ni la pâle beauté de la Lune. Dérangeant car vraisemblablement pas ou peu naturel. Le regard vert glisse le long des parois visibles, découvrant de grandes façade arborant des drapés à l'image de ceux du Soleil Noir sur leur bâtiment. À n'en pas douter, ce sont des couleurs des familles, distinguant le territoire de chacun et vers lequel se dirigent d'ailleurs les deux individus richement vêtus.
Ne restent bientôt à leurs côtés que les marchands, le plus jovial des deux proposant d'ailleurs de commencer sa tournée par la Maison d'Esthalor, pour ne déranger qu'une fois. L'hinïon se tourne vers Huyïn, requérant son avis et suggérant à la place de s'y rendre plus tard, pour lui laisser le temps de répéter. Le Tigre lorgne brièvement vers le Ser Shaam, songeant qu'il souffre peut-être de la présence de ces gens du cru. Il vaut mieux ne pas les avoir trop longuement en leur compagnie de toute façon, s'ils veulent échanger librement entre eux.
"Je vais effectivement avoir besoin de temps. Pas uniquement pour me préparer à l'entretien, mais pour gérer un... Petit tracas. Voyez-vous, jamais je n'ai su conquérir cette... Appelons cela une appréhension. Quand je change de Voie, il me faut toujours un moment pour... Dominer le problème. Cesser ces légers tremblements d'une crainte aussi irraisonnée qu'inévitable.", explique-t-il avant de faire quelques pas hésitants, de croiser les bras comme ayant confirmé son moment de faiblesse puis de reporter son attention sur le boulanger. "Mais que cela ne vous empêche pas de faire votre tournée. D'ailleurs, quelle est-elle d'habitude ? J'avais cru comprendre avant notre ascension que la Maison... De Montfort ? C'est cela ? Semblait être votre priorité ?"
"Oui, c'est chez lui que mon collègue va porter l'alcool. Je passe avec lui donner mes miches. D'où la priorité. Mais il y en a aussi une pour la Maison d'Esthalor. Soit, bon vent, alors ! Peut-être nous recroiserons-nous !"
À ses côtés, le Ser Shaam demeure un moment silencieux, prudent. Il observe les alentours avant de se faire entendre.
"Et maintenant ? Sommes-nous vraiment prêts à aller chez d'Esthalor ? Les De Montfort ont également été cités dans la boutique des Dantes. Comme... une solution à l'état pitoyable de cette elfe blanche."
Le Woran ne quitte pas les deux silhouettes tout juste parties des yeux tandis qu'il lui répond.
"Nous ne savons rien de ce dernier, si ce n'est que la jeune Fanielle n'était guère encline à trouver de l'aide auprès de lui. Tandis que l'autre... Semblait avoir quelque dette envers notre infortuné hôte. Un détail sur lequel nous pourrions davantage jouer... Surtout maintenant que les rumeurs ont démarré.", fait-il avant d'indiquer du chef les deux commerçants qui s'éloignent. "Que diriez-vous de les suivre à distance ? S'ils vont effectivement à leurs clients prioritaires, nous saurons où se situent nos deux options."
"Faisons ça."
Leurs guides involontaires les mènent à proximité d'une maison de grande taille, flanquée de draperies d'un coloris rouge foncé et or. Ils toquent puis sont reçus à l'intérieur. Huyïn prend son mal en patience, conservant un oeil sur l'entrée pour les voir ressortir. L'importance est dans les détails, puisque le livreur d'alcool doit laisser son tonnelet et sa carafe aux De Montfort. S'il ressort les mains vides, il pourra mettre un nom sur les propriétaires. En partant du principe que le ventripotent humain ne soit pas victime d'un vol sous couvert de droit du plus riche. La chose semble peu vraisemblable puisqu'il ne serait pas entré s'il ne devait pas effectuer sa livraison.
Tandis qu'il attend de les voir réapparaitre, il s'adresse à son compagnon d'involontaire exploration.
"Aviez-vous prévu de rendre visite à l'un de ces Voie-Hautains avant que nous embarquions ou sommes-nous en train d'improviser quelque chose ?"
"Je n'ai aucune idée de ce qu'on pourrait trouver ici, mais les opportunités de se mêler aux puissants sont souvent intéressantes. Il va falloir la jouer fine, si nous ne voulons faire tomber nos masques.", commente-t-il.
"Il va s'avérer complexe de jouer longuement les natifs en face de qui doit savoir décrypter ses adversaires en permanence."
L'Elfe émet un son sobre avant de grincer à la vue de l'épais humain revenant vers eux, tandis que l'autre bifurque dans une autre rue à leur sortie.
"Gérer un tracas, donc ?"
Le Tigre se met immédiatement dans la fourrure de son personnage, rendu fébrile par le trajet à la verticale. Il se positionne près de la balustrade, plaçant sa main à proximité comme pour s'y appuyer en cas de besoin. Il amorce de lents pas, comme luttant contre un vertige mais bien décidé à avancer malgré son état. L'être d'une épaisseur remarquable les dépasse, leur adressant à peine un regard. Il se dirige sur le pont qu'eux-mêmes viennent de quitter, sans doute pour rejoindre la bulle de verre et de métal qui vient, malheureusement pour lui, de repartir sans l'attendre. Une fois la nuisance passée, le Woran souffle son intention de reprendre. Il ajuste lentement sa coiffe, comme pour se redonner contenance après son épisode et effectue quelques pas. D'abord un peu hésitant, il affirme ses foulées au fur et à mesure, indiquant que si le boulanger leur fait la même surprise que son camarade, il devrait pouvoir le distraire d'une ou deux questions adroites et utiles.
Son interlocuteur lui demande dans quelle direction il compte poursuivre, ce à quoi le Félin répond qu'il a l'intention de voir où l'artisan du pain se rend, comme il l'avait envisagé au début de cette filature. Au fur et à mesure qu'ils marchent, ils s'approchent d'un bâtiment de plus en plus imposant. Le Tigre doute jusqu'au dernier instant que c'est sa destination, et pourtant tel est bien le cas. Une demeure immense et ostentatoire, à la façade parée de tapisseries en tissu d'une qualité rare, de coloris vert d'eau, bleu et or. Tout rien que dans cette paroi transpire le pouvoir et la richesse des habitants. Et cette fois-ci, le boulanger est accueilli sur le pas de la porte par un homme chauve à la stature imposante, dégageant une sensation de sérieux indéniable. Ses habits sont visiblement de bonne facture, mais font moins noble que les passagers de la bulle. Un employé de la maison, probablement ? C'est en tous cas ce dernier qui récupère la livraison avec une certaine rudesse, donne une pépite dorée puis congédie le boulanger. Lorsque ce dernier se retourne, Huyïn lui adresse un petit signe pour l'inviter à se rapprocher. Et tandis que le jovial individu les rejoint, le Tigre commente à voix basse.
"Nette différence."
Le Ser Shaam se contente d'opiner en réponse. Son silence commence à intriguer le Woran. N'ose-t-il pas s'exprimer en public maintenant qu'ils ont atteint ces hauteurs pompeuses ? Il laisse la question de côté en voyant leur enthousiaste connaissance les rejoindre.
"Ah ! Vous semblez prêt à faire voir vos œuvres ! Petit conseil : montrez-les à ser Clément plutôt qu'à ser Cydar. Le second n'est apparemment pas dans... un bon jour."
Deux nouveaux noms. Un pas de plus dans ce vaste terrain de connaissances inexplorées. L'artiste répond avec cordialité à leur interlocuteur, dissimulant de petites interrogations çà et là.
"Merci. Et presque. Un rien d'appréhension qui se dissipera sous peu. Rien de grave, j'ose espérer ?", fait-il avant d'enchaîner. "Il semble que ce jour ne soit pas des meilleurs, en effet. Nous avons croisé le chemin de votre compagnon d'ascension. Il avait l'air... Préoccupé. La livraison s'est-elle passée différemment?"
L'individu le rassure sur le côté simplement bougon de son camarade et lui explique que l'homme n'aime pas quitter sa boutique, en particulier pour faire des livraisons. Cependant, à cause du Jour du Don, tous ses employés sont occupés en bas. L'homme regarde l'immense demeure, incitant Huyïn à faire de même.
"J'sais pas. C'est son majordome qui m'a dit qu'il ne valait mieux pas le déranger. D'habitude, il apprécie avoir ces pains directement de mes mains."
Conservant le ton de la conversation, le Tigre philosophe sur le fait que tout un chacun a ses mauvais jours, même lorsqu'ils sont aussi particulier que l'actuel. Il lui souhaite que son prochain passage puisse le rassurer sur l'état de son client, et en profite pour lui demander ensuite à quelle fréquence il effectue ses livraisons. Cela peut sembler anodin, mais si pour une raison ou une autre le Ser Shaam et lui-même doivent effectuer d'autres allers-retours jusqu'aux Voies Hautes, nul besoin d'une autre histoire ou du courroux de l'hinïon pour leur ouvrir l'accès. L'humain lui répond tranquillement que les livraisons sont quotidiennes, et que si les autres se rendent à sa boutique, il est là question des D'Esthalor et De Montfort. Un tout autre traitement, en somme. Ces deux noms sont certainement les plus en vues de la société d'Ashaar. Ce qui signifie en général être soit en étroite relation, soit en totale opposition.
Le Tigre présente ses remerciements à l'individu et lui souhaite un bon retour, ne le stoppant une dernière fois que pour lui demander l'emplacement de sa boutique. Après tout, peut-être ira-t-il également dépenser ses premiers salaires dans l'un de ses produits. La vérité étant plutôt que tout renseignement pouvant l'ancrer dans le quotidien d'Ashaar est une occasion de moins de faire un faux-pas.
"Sûr : je viens de la plus haute des Voies Médianes, là où on s'est rencontré. Ma boulangerie s'appelle "La Miche Dorée". Pouvez pas la manquer, même si j'suis pas le seul."
Sur ce, il les quitte et permet aux yuiméniens de discuter tranquilles. L'Elfe à la chevelure mauve lui demande ses conclusions de façon un peu courte via un 'donc ?' au ton indéfinissable. Huyïn lorgne vers l'immense propriété aux tapisseries bleutées puis dans la direction de celle aux draperies rouge foncé, une totale opposition des coloris. Ses yeux à pupilles verticales se posent sur son interlocuteur.
"Je dirais que nos chances sont bien plus minces avec cette... Impressionnante propriété. Celle des De Monfort semble plus accessible, mais possiblement moins élevée. Toutefois nous pouvons éventuellement nous appuyer sur le nom du tailleur pour y entrer.", résume-t-il avant de croiser les bras. "Si vous souhaitez toujours trouver un appui parmi les puissants."
"Allons tenter ça."
L'hinïon n'attend pas davantage et se dirige vers la demeure aux tentures rouges. Un pas derrière lui, le Tigre allonge la foulée pour revenir à sa hauteur. Toute l'attitude du Ser Shaam l'intrigue. Depuis qu'ils ont mis la patte sur cet étage, il est moins prolixe ou enclin à la médisance. Sa suffisance et son assurance ont presque l'air d'être restés dans la bulle de verre. À dire vrai, plus il lui accorde son attention, plus il lui semble... Tendu ? Se pourrait-il que malgré ses airs de Voie-Hautain lui-même, il n'en est rien ? Peut-être est-ce juste un moment passager et qu'il va se reprendre quand ils auront franchi le seuil de la demeure choisie. S'ils y parviennent, évidemment.
Imitant les deux commerçants, le Tigre se présente à la porte et toque à cette dernière avec une certaine politesse et retenue.
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L'ensemble des passagers débarque, et seul le porteur de pain lui adresse un applaudissement. Les yeux du Tigre se perdent un bref moment sur les environs. Il semble s'agir du niveau le plus élevé des Voies Hautes car il a aperçu un autre niveau que l'étrange bulle a passé sans s'y arrêter. Une Voie Haute inférieure ? Un niveau privé en lien avec les résidences des plus aisés ? Impossible à dire pour le moment. S'ils ont grimpé dans les étages, ils ne semblent guère être pour autant à proximité de la surface. L'endroit est éclairé par une lueur qui semble... Argentée. Froide. Ni la chaleur d'une lanterne, ni la pâle beauté de la Lune. Dérangeant car vraisemblablement pas ou peu naturel. Le regard vert glisse le long des parois visibles, découvrant de grandes façade arborant des drapés à l'image de ceux du Soleil Noir sur leur bâtiment. À n'en pas douter, ce sont des couleurs des familles, distinguant le territoire de chacun et vers lequel se dirigent d'ailleurs les deux individus richement vêtus.
Ne restent bientôt à leurs côtés que les marchands, le plus jovial des deux proposant d'ailleurs de commencer sa tournée par la Maison d'Esthalor, pour ne déranger qu'une fois. L'hinïon se tourne vers Huyïn, requérant son avis et suggérant à la place de s'y rendre plus tard, pour lui laisser le temps de répéter. Le Tigre lorgne brièvement vers le Ser Shaam, songeant qu'il souffre peut-être de la présence de ces gens du cru. Il vaut mieux ne pas les avoir trop longuement en leur compagnie de toute façon, s'ils veulent échanger librement entre eux.
"Je vais effectivement avoir besoin de temps. Pas uniquement pour me préparer à l'entretien, mais pour gérer un... Petit tracas. Voyez-vous, jamais je n'ai su conquérir cette... Appelons cela une appréhension. Quand je change de Voie, il me faut toujours un moment pour... Dominer le problème. Cesser ces légers tremblements d'une crainte aussi irraisonnée qu'inévitable.", explique-t-il avant de faire quelques pas hésitants, de croiser les bras comme ayant confirmé son moment de faiblesse puis de reporter son attention sur le boulanger. "Mais que cela ne vous empêche pas de faire votre tournée. D'ailleurs, quelle est-elle d'habitude ? J'avais cru comprendre avant notre ascension que la Maison... De Montfort ? C'est cela ? Semblait être votre priorité ?"
"Oui, c'est chez lui que mon collègue va porter l'alcool. Je passe avec lui donner mes miches. D'où la priorité. Mais il y en a aussi une pour la Maison d'Esthalor. Soit, bon vent, alors ! Peut-être nous recroiserons-nous !"
À ses côtés, le Ser Shaam demeure un moment silencieux, prudent. Il observe les alentours avant de se faire entendre.
"Et maintenant ? Sommes-nous vraiment prêts à aller chez d'Esthalor ? Les De Montfort ont également été cités dans la boutique des Dantes. Comme... une solution à l'état pitoyable de cette elfe blanche."
Le Woran ne quitte pas les deux silhouettes tout juste parties des yeux tandis qu'il lui répond.
"Nous ne savons rien de ce dernier, si ce n'est que la jeune Fanielle n'était guère encline à trouver de l'aide auprès de lui. Tandis que l'autre... Semblait avoir quelque dette envers notre infortuné hôte. Un détail sur lequel nous pourrions davantage jouer... Surtout maintenant que les rumeurs ont démarré.", fait-il avant d'indiquer du chef les deux commerçants qui s'éloignent. "Que diriez-vous de les suivre à distance ? S'ils vont effectivement à leurs clients prioritaires, nous saurons où se situent nos deux options."
"Faisons ça."
Leurs guides involontaires les mènent à proximité d'une maison de grande taille, flanquée de draperies d'un coloris rouge foncé et or. Ils toquent puis sont reçus à l'intérieur. Huyïn prend son mal en patience, conservant un oeil sur l'entrée pour les voir ressortir. L'importance est dans les détails, puisque le livreur d'alcool doit laisser son tonnelet et sa carafe aux De Montfort. S'il ressort les mains vides, il pourra mettre un nom sur les propriétaires. En partant du principe que le ventripotent humain ne soit pas victime d'un vol sous couvert de droit du plus riche. La chose semble peu vraisemblable puisqu'il ne serait pas entré s'il ne devait pas effectuer sa livraison.
Tandis qu'il attend de les voir réapparaitre, il s'adresse à son compagnon d'involontaire exploration.
"Aviez-vous prévu de rendre visite à l'un de ces Voie-Hautains avant que nous embarquions ou sommes-nous en train d'improviser quelque chose ?"
"Je n'ai aucune idée de ce qu'on pourrait trouver ici, mais les opportunités de se mêler aux puissants sont souvent intéressantes. Il va falloir la jouer fine, si nous ne voulons faire tomber nos masques.", commente-t-il.
"Il va s'avérer complexe de jouer longuement les natifs en face de qui doit savoir décrypter ses adversaires en permanence."
L'Elfe émet un son sobre avant de grincer à la vue de l'épais humain revenant vers eux, tandis que l'autre bifurque dans une autre rue à leur sortie.
"Gérer un tracas, donc ?"
Le Tigre se met immédiatement dans la fourrure de son personnage, rendu fébrile par le trajet à la verticale. Il se positionne près de la balustrade, plaçant sa main à proximité comme pour s'y appuyer en cas de besoin. Il amorce de lents pas, comme luttant contre un vertige mais bien décidé à avancer malgré son état. L'être d'une épaisseur remarquable les dépasse, leur adressant à peine un regard. Il se dirige sur le pont qu'eux-mêmes viennent de quitter, sans doute pour rejoindre la bulle de verre et de métal qui vient, malheureusement pour lui, de repartir sans l'attendre. Une fois la nuisance passée, le Woran souffle son intention de reprendre. Il ajuste lentement sa coiffe, comme pour se redonner contenance après son épisode et effectue quelques pas. D'abord un peu hésitant, il affirme ses foulées au fur et à mesure, indiquant que si le boulanger leur fait la même surprise que son camarade, il devrait pouvoir le distraire d'une ou deux questions adroites et utiles.
Son interlocuteur lui demande dans quelle direction il compte poursuivre, ce à quoi le Félin répond qu'il a l'intention de voir où l'artisan du pain se rend, comme il l'avait envisagé au début de cette filature. Au fur et à mesure qu'ils marchent, ils s'approchent d'un bâtiment de plus en plus imposant. Le Tigre doute jusqu'au dernier instant que c'est sa destination, et pourtant tel est bien le cas. Une demeure immense et ostentatoire, à la façade parée de tapisseries en tissu d'une qualité rare, de coloris vert d'eau, bleu et or. Tout rien que dans cette paroi transpire le pouvoir et la richesse des habitants. Et cette fois-ci, le boulanger est accueilli sur le pas de la porte par un homme chauve à la stature imposante, dégageant une sensation de sérieux indéniable. Ses habits sont visiblement de bonne facture, mais font moins noble que les passagers de la bulle. Un employé de la maison, probablement ? C'est en tous cas ce dernier qui récupère la livraison avec une certaine rudesse, donne une pépite dorée puis congédie le boulanger. Lorsque ce dernier se retourne, Huyïn lui adresse un petit signe pour l'inviter à se rapprocher. Et tandis que le jovial individu les rejoint, le Tigre commente à voix basse.
"Nette différence."
Le Ser Shaam se contente d'opiner en réponse. Son silence commence à intriguer le Woran. N'ose-t-il pas s'exprimer en public maintenant qu'ils ont atteint ces hauteurs pompeuses ? Il laisse la question de côté en voyant leur enthousiaste connaissance les rejoindre.
"Ah ! Vous semblez prêt à faire voir vos œuvres ! Petit conseil : montrez-les à ser Clément plutôt qu'à ser Cydar. Le second n'est apparemment pas dans... un bon jour."
Deux nouveaux noms. Un pas de plus dans ce vaste terrain de connaissances inexplorées. L'artiste répond avec cordialité à leur interlocuteur, dissimulant de petites interrogations çà et là.
"Merci. Et presque. Un rien d'appréhension qui se dissipera sous peu. Rien de grave, j'ose espérer ?", fait-il avant d'enchaîner. "Il semble que ce jour ne soit pas des meilleurs, en effet. Nous avons croisé le chemin de votre compagnon d'ascension. Il avait l'air... Préoccupé. La livraison s'est-elle passée différemment?"
L'individu le rassure sur le côté simplement bougon de son camarade et lui explique que l'homme n'aime pas quitter sa boutique, en particulier pour faire des livraisons. Cependant, à cause du Jour du Don, tous ses employés sont occupés en bas. L'homme regarde l'immense demeure, incitant Huyïn à faire de même.
"J'sais pas. C'est son majordome qui m'a dit qu'il ne valait mieux pas le déranger. D'habitude, il apprécie avoir ces pains directement de mes mains."
Conservant le ton de la conversation, le Tigre philosophe sur le fait que tout un chacun a ses mauvais jours, même lorsqu'ils sont aussi particulier que l'actuel. Il lui souhaite que son prochain passage puisse le rassurer sur l'état de son client, et en profite pour lui demander ensuite à quelle fréquence il effectue ses livraisons. Cela peut sembler anodin, mais si pour une raison ou une autre le Ser Shaam et lui-même doivent effectuer d'autres allers-retours jusqu'aux Voies Hautes, nul besoin d'une autre histoire ou du courroux de l'hinïon pour leur ouvrir l'accès. L'humain lui répond tranquillement que les livraisons sont quotidiennes, et que si les autres se rendent à sa boutique, il est là question des D'Esthalor et De Montfort. Un tout autre traitement, en somme. Ces deux noms sont certainement les plus en vues de la société d'Ashaar. Ce qui signifie en général être soit en étroite relation, soit en totale opposition.
Le Tigre présente ses remerciements à l'individu et lui souhaite un bon retour, ne le stoppant une dernière fois que pour lui demander l'emplacement de sa boutique. Après tout, peut-être ira-t-il également dépenser ses premiers salaires dans l'un de ses produits. La vérité étant plutôt que tout renseignement pouvant l'ancrer dans le quotidien d'Ashaar est une occasion de moins de faire un faux-pas.
"Sûr : je viens de la plus haute des Voies Médianes, là où on s'est rencontré. Ma boulangerie s'appelle "La Miche Dorée". Pouvez pas la manquer, même si j'suis pas le seul."
Sur ce, il les quitte et permet aux yuiméniens de discuter tranquilles. L'Elfe à la chevelure mauve lui demande ses conclusions de façon un peu courte via un 'donc ?' au ton indéfinissable. Huyïn lorgne vers l'immense propriété aux tapisseries bleutées puis dans la direction de celle aux draperies rouge foncé, une totale opposition des coloris. Ses yeux à pupilles verticales se posent sur son interlocuteur.
"Je dirais que nos chances sont bien plus minces avec cette... Impressionnante propriété. Celle des De Monfort semble plus accessible, mais possiblement moins élevée. Toutefois nous pouvons éventuellement nous appuyer sur le nom du tailleur pour y entrer.", résume-t-il avant de croiser les bras. "Si vous souhaitez toujours trouver un appui parmi les puissants."
"Allons tenter ça."
L'hinïon n'attend pas davantage et se dirige vers la demeure aux tentures rouges. Un pas derrière lui, le Tigre allonge la foulée pour revenir à sa hauteur. Toute l'attitude du Ser Shaam l'intrigue. Depuis qu'ils ont mis la patte sur cet étage, il est moins prolixe ou enclin à la médisance. Sa suffisance et son assurance ont presque l'air d'être restés dans la bulle de verre. À dire vrai, plus il lui accorde son attention, plus il lui semble... Tendu ? Se pourrait-il que malgré ses airs de Voie-Hautain lui-même, il n'en est rien ? Peut-être est-ce juste un moment passager et qu'il va se reprendre quand ils auront franchi le seuil de la demeure choisie. S'ils y parviennent, évidemment.
Imitant les deux commerçants, le Tigre se présente à la porte et toque à cette dernière avec une certaine politesse et retenue.
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Modifié en dernier par Huyïn le dim. 27 oct. 2024 13:25, modifié 1 fois.
- Cromax
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Re: Les Voies Hautes
La Cité des Ombres
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Jour 1 – milieu d’après-midi.
Naral suivit le chat-masqué jusqu’au-devant de la demeure aux fanions rouges. Il laissa le griffu frapper et, après quelques secondes, la lourde porte s’ouvrit sur un sourire presque incongru. Un rouquin aux airs de gentil les accueillait d’un grand sourire plissant son visage à l’extrême.

Il portait une livrée rouge et or, et son regard céruléen se posa avec curiosité sur les deux visiteurs.
« Maison de Montfort. Que puis-je faire pour vous, messeigneurs ? »
Il avisa les habits des deux visiteurs et se hasarda :
« Une visite conjointe des maisons de Vienne et d’Orthel ? Dois-je annoncer votre venue à l’un de ces messieurs ? J’ignorais qu’ils attendaient de la visite aujourd’hui. »
Naral hésita, pinça les lèvres et annonça :
« Précisément. Nous n’étions pas attendus, nous venons rendre hommage aux de Montfort pour… pour nous présenter à eux. »
La tête du majordome s’étendit en une expression d’ébahissement compréhensif.
« Ooooh, vous êtes des nouveaux venus. L’on m’a rapporté la visite d’Êtres des Cieux dans la Cité. Je vais tâcher de les rassembler tous les… trois. Dois-je leur servir vos prénoms, ou le ferez-vous ? »
Naral regarda Huyïn, comme pour chercher son approbation.
[HJ : on peut gérer la rencontre sur la discussion discord.]
[XP :
Huyïn : 0,5 (discussion), 0,5 (visite)]
- Huyïn
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Re: Les Voies Hautes
-- >
La porte de la propriété s'ouvre sur un humain roux, au visage marqué de profondes rides d'expression. Ses yeux céruléens semblent presque luire ou peut-être est-ce du à l'incongruité de son immense sourire. L'homme arbore une livrée aux couleurs de la maisonnée et les accueille avec la politesse de l'expérience et de la confiance. Il ne lui faut qu'un bref regard sur les tenues portées pour qu'il présume de leurs identités. Les maisons De Vienne et D'Orthel sont évoquées, mais il est présentement impossible au Tigre de savoir lequel est censé appartenir à chacune. L'humain s'étonne de leur présence, les occupants n'attendant pas de visite. L'hinïon à ses côtés improvise, prétextant que tous deux sont venus rendre hommage aux De Montfort et se présenter. Là encore, l'homme s'adonne à de nouvelles présomptions, les qualifiant de nouveaux venus et s'appuyant sur la nouvelle d'une visite d'Êtres des Cieux. Tout ceci lui semble grandement naturel, mais la chose intrigue fortement le Woran. Il lui manque encore trop de clés de compréhension pour bien saisir de quoi il est question.
Son attention est ramenée à leur interlocuteur, qui hésite en mentionnant le nombre de ses maîtres. Il annonce trois comme s'il n'avait pas l'habitude de se référer à ce nombre. Mais le Tigre ne s'y attarde pas, préférant profiter de l'occasion qui leur est présentée car l'employé demande s'il doit les annoncer ou si le duo de yuiméniens doit le faire lui-même. La possibilité de se fourvoyer saute immédiatement aux yeux du Félin, car s'il se présente sous le nom d'une Maison en arborant les couleurs d'une autre, leur duperie sera immédiatement percée à jour. Les yeux pâles du Tigre accrochent brièvement ceux de l'Elfe, puis il reporte son attention sur l'humain et lève la main en un signe de pause. Il se remémore l'apparence hautaine de la femme de la bulle et s'en inspire, sans tomber dans l'excès dont elle a fait preuve.
"Décision qui dépend entièrement de vous. Faites-moi donc démonstration de l'annonce de mon nom que vous feriez auprès des De Montfort. Je déciderai ainsi si je peux vous confier cette tâche, ou s'il est préférable de le faire moi-même. Je me prénomme Huyïn.", dit-il, plissant les yeux comme s'il s'attendait à ce que son nom soit écorché.
L'individu, qui doit possiblement être un majordome comme celui qui avait accueilli le boulanger chez les D'Esthalor, toussote puis bombe le torse pour faire sa démonstration.
"Messires, laissez-moi quérir votre attention pour la visite heureuse de Sieur HUYÏN d'Orthel et Sieur..."
"Naral de Vienne."
"Et Sieur Naral de Vienne !", lance-t-il avec un grand sourire avant de lorgner vers la coiffe du Tigre. "Pardonnez mon impertinence, mais comptez-vous garder ce masque, ser d'Orthel ?"
Après avoir approuvé l'annonce et brièvement regardé le Ser Shaam, ou plutôt De Vienne, il cogite brièvement. Les riches et puissants mettent un poids considérable sur les apparences et la présentation de chacun. Vivement, son esprit concocte une raison plausible, celle d'une excentricité de sa Maison. Il répond qu'il est effectivement dans l'obligation de le conserver mais explique que rentrer dans les détails serait trop long.
"Voyez ceci comme... Une épreuve, imposée par ma Maison.", dit-il, recevant un mouvement positif du chef de leur roux interlocuteur en réponse.
"Oh. Oui, il est vrai que votre maison a tendance à être un peu... Enfin, vous voyez. Excusez mon impudence, ser."
À ses côtés, le Ser Shaam profite du naturel de l'échange pour revenir adroitement sur un point, chose qui semble être grandement approuvée par l'humain.
"Comme vous l'avez compris, nous sommes des... nouveaux venus. Afin de ne commettre aucun impair, pourriez-vous nous rappeler les noms des maîtres de maison ?"
"Oh. Oui, oui. Vous rencontrerez les Sires Carden, Cedran et Cirick de Montfort. Il s'agit effectivement de ne pas les froisser, par souci de bonne entente entre nos maisons.", précise-t-il avant de regarder le Félin brièvement pour ajouter. "D'autant que la vôtre n'était jusque là pas tellement dans les bonnes grâces de mes sires."
Encore une fois, le Félin se retrouve confronté à un manque cruel de savoir quant à la disposition de l'Equilibre en Ashaar. Il lui faut davantage d'informations, de connaissances sur qui il est censé être et quels sont les rapports de force entre toutes les Maisons évoquées jusque-là. Il prend une lente inspiration et se situe dans son rôle de nouveau venu auquel rien n'a été dévoilé, pour qu'il prenne ses marques lui-même avec habileté ou se fasse évincer des Voies Hautes comme un malpropre, indigne d'y résider. Il se masse alors lentement le coin des yeux, comme exaspéré par ce qu'il vient d'entendre. Il maugrée un instant puis s'interroge à voix haute, pour inciter leur interlocuteur à répondre.
"À ses mimiques, j'aurais du me douter que... Rha... À quoi mon nom va-t-il être associé ? Risquent-ils de prendre ombrage de ma seule présence ?", s'enquiert-il en croisant les bras.
"Ah, vous savez pas ?", demande-t-il avant de s'approcher pour parler avec un ton plus bas, confidentiel. "Salmeck d'Orthel n'est arrivé que récemment sur les Voies Hautes. Et jusqu'ici il était seul dans sa maisonnée. Y'a tout un tas de rumeurs qui planent sur lui. Qu'il aurait passé un extrêmement long séjour dans les Bouges. Qu'il aurait acheté sa liberté au Soleil Noir. Qu'il serait un meurtrier, qu'il aurait volé sa fortune. D'autres disent qu'il est un envoyé des Cieux venu surveiller les Voies Hautes. Certains prétendent même qu'il use de magie... Il est pas comme tout le monde, ça c'est sûr.", commente-t-il tel une commère sur un marché, ses paroles semblant grandement intéresser l'hinïon. "En tout cas, ça lui fera du bien d'avoir un second représentant de ses couleurs par ici. Enfin. C'vrai que votre masque aidera peut-être pas les rumeurs. M'enfin... C'pas moi qui jugerai, voyez ? J'dis juste qu'ici, dans les Hauteurs, les langues des serpents sifflent plus qu'ailleurs."
"Sous-entendez-vous devant nous que les membres des maisons hautes sont des serpents, servant ? De telles médisances pourraient être relayées à vos maîtres, et vous desservir", s'offusque son compagnon d'infortune, les mots troublant brièvement le regard du majordome mais curieusement, ce dernier demeure souriant. Sa réplique ne se fait pas attendre.
"Oh, ils seraient bien loin de me le reprocher. Ici, à la Maison de Montfort, nul n'a sa langue dans sa poche, et lorsque les choses doivent être dites, elles le sont de leur voix ! D'ailleurs, il est opportun, messire Naral, que vous secondiez la régence de la Maison de Vienne. L'on raconte que le vieux Elidar n'aurait plus toute sa tête. Qu'il dilapiderait sa fortune en fariboleries pour cette fille des bas quartiers dont il se serait entiché. Nul doute que vous saurez remettre de l'ordre dans ses idées."
La pique est si inattendue ou enduite d'un tel venin qu'elle laisse le Ser Shaam coi. Non seulement coi, mais qui lui jette un regard comme pour obtenir son appui face à cette diatribe aussi emplie d'informations que de fiel. Pas de menace de le faire rosser pour son arrogance, pas de répartie acerbe. L'elfe semble presque désarçonné qu'un individu visiblement d'un rang inférieur à celui de ses employeurs lui réponde de la sorte, avec la même habileté qu'il en a eu envers la passagère de la bulle. Peut-être même plus vicieusement encore. Si un majordome est capable de s'adresser ainsi à des membres d'autres Maisons, comment vont se comporter ses maîtres ?
Huyïn vient à son tour à la rescousse de son compatriote yuiménien en décroisant un bras pour légèrement ouvrir sa posture.
"Fort bien. Je suis moi-même fervent partisan de la franchise. Toutefois... Ôtez-moi d'un doute... Vous n'êtes pas en train, vous employé bien en vue des De Montfort, de vous immiscer publiquement dans la politique intérieure d'une Maison dont vous ne faites pas partie, n'est-ce pas ?", demande-t-il avant de s'approcher un peu, ses yeux se plissant avec une once de jovialité tandis qu'il prend un ton conspirateur. "Parce que, quand on y réfléchit un instant... Véhiculer ouvertement des rumeurs de ce type, quand on porte la livrée d'une Maison dont on dit... Que l'un des membres est si obsédé par la fille d'un artisan du textile qu'il l'aurait couverte de cadeaux -assez pour élever n'importe quelle vermine des Bouges jusqu'aux Voies Hautes-, et en vain de surcroît, puisqu'elle les aurait donnés à son tour ou revendus... Et que ce Voie-Hautain serait présentement si meurtri, mais toujours si obnubilé, que sa seule stratégie relationnelle ne tiendrait plus qu'au harcèlement et à l'extorsion sous couvert d'une aide matérielle...", dit-il avant de se redresser. "Comprenez que cela peut sembler... Maladroit, n'est-ce pas ? Mais je gage que c'est là l'influence de vos maîtres, et qu'il n'était nullement dans vos intentions d'outrepasser vos fonctions."
"Oh non, je ne m’immisce nulle part. Je parle le langage des Voies Hautes, voilà tout.", affirme-t-il sans défaillir. "Et c'est un plaisir que de constater que vous le parliez aussi. Mes sires n'aiment rien tant que de savoir ce que l'on dit d'eux. Aussi, ne voyez aucune insulte dans mes propos, je ne faisais que relayer ce qui se dit des vôtres."
Il s'enquiert ensuite de l'identité de celui qui est victime de ladite rumeur. Huyïn discute un peu avec lui, se présentant comme quelqu'un apprenant vite puis lui disant de façon détournée qu'il s'agit du second nom évoqué plus tôt. Il revient ensuite sur l'hésitation du majordome, la lui faisant remarquer et demandant si des changements récents ont eu lieu dans la maisonnée. L'homme répond que seuls trois maîtres président la Maison De Montfort avec assurance, mais là encore, il se trouble brièvement. Cela cache quelque chose. Quelqu'un avec autant d'aplomb n'hésiterait pas sur le nombre des gens porteurs du nom de la Maison, et une commère pareille ne ferait pas sentir que le sujet est clos aussi abruptement sans une bonne raison. La chose semble en tous les cas amuser son voisin, qui ne se défait pas d'un petit sourire narquois.
Le majordome reprend contenance et garde cet étrange sourire au visage.
"Ça se voit que vous ne connaissez rien à ces messieurs. J'adorerais participer à vos premiers pas devant eux, hélas ils ne me laisseront pas ce plaisir. Puis-je vous accompagner, ou avez-vous d'autres questions ?"
"J'ai trouvé tout ceci très instructif. Qu'en dites-vous, Naral de Vienne ? Êtes-vous enclin à poursuivre ?", fait-il à ce dernier.
"Et comment ! Il me tarde de défendre l'honneur de celui qui partage désormais avec moi sa fortune."
Le rouquin leur fait signe de les suivre à l'intérieur, ce que les deux yuiméniens font. Tout se passe étrangement aisément. S'il leur faut jouer de subtilité et de verve, ils n'ont pour le moment rencontré aucun obstacle infranchissable qui puisse réellement mettre un terme à leur escapade dans les Voies Hautes. Étrange. Les échelons sont-ils à ce point fermés les uns aux autres que l'idée même d'un bluff de cette envergure est inenvisageable ? Le Tigre demeure méfiant. Si le majordome leur a ouvert la porte aussi bien physiquement que métaphoriquement avec ses certitudes, celle-ci les mène droit à un nid de serpents annoncé. Qui sait si ces Voie-Hautains ne jouent pas les dupes pour se distraire à leurs dépends ?
Le Tigre inspire lentement sous sa coiffe, se remémorant leur raison de quérir un appui : trouver un moyen de parvenir jusqu'à des mages, qui sont possiblement la clé de leur départ de cette oppressante cité d'Ashaar.
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-14-
La porte de la propriété s'ouvre sur un humain roux, au visage marqué de profondes rides d'expression. Ses yeux céruléens semblent presque luire ou peut-être est-ce du à l'incongruité de son immense sourire. L'homme arbore une livrée aux couleurs de la maisonnée et les accueille avec la politesse de l'expérience et de la confiance. Il ne lui faut qu'un bref regard sur les tenues portées pour qu'il présume de leurs identités. Les maisons De Vienne et D'Orthel sont évoquées, mais il est présentement impossible au Tigre de savoir lequel est censé appartenir à chacune. L'humain s'étonne de leur présence, les occupants n'attendant pas de visite. L'hinïon à ses côtés improvise, prétextant que tous deux sont venus rendre hommage aux De Montfort et se présenter. Là encore, l'homme s'adonne à de nouvelles présomptions, les qualifiant de nouveaux venus et s'appuyant sur la nouvelle d'une visite d'Êtres des Cieux. Tout ceci lui semble grandement naturel, mais la chose intrigue fortement le Woran. Il lui manque encore trop de clés de compréhension pour bien saisir de quoi il est question.
Son attention est ramenée à leur interlocuteur, qui hésite en mentionnant le nombre de ses maîtres. Il annonce trois comme s'il n'avait pas l'habitude de se référer à ce nombre. Mais le Tigre ne s'y attarde pas, préférant profiter de l'occasion qui leur est présentée car l'employé demande s'il doit les annoncer ou si le duo de yuiméniens doit le faire lui-même. La possibilité de se fourvoyer saute immédiatement aux yeux du Félin, car s'il se présente sous le nom d'une Maison en arborant les couleurs d'une autre, leur duperie sera immédiatement percée à jour. Les yeux pâles du Tigre accrochent brièvement ceux de l'Elfe, puis il reporte son attention sur l'humain et lève la main en un signe de pause. Il se remémore l'apparence hautaine de la femme de la bulle et s'en inspire, sans tomber dans l'excès dont elle a fait preuve.
"Décision qui dépend entièrement de vous. Faites-moi donc démonstration de l'annonce de mon nom que vous feriez auprès des De Montfort. Je déciderai ainsi si je peux vous confier cette tâche, ou s'il est préférable de le faire moi-même. Je me prénomme Huyïn.", dit-il, plissant les yeux comme s'il s'attendait à ce que son nom soit écorché.
L'individu, qui doit possiblement être un majordome comme celui qui avait accueilli le boulanger chez les D'Esthalor, toussote puis bombe le torse pour faire sa démonstration.
"Messires, laissez-moi quérir votre attention pour la visite heureuse de Sieur HUYÏN d'Orthel et Sieur..."
"Naral de Vienne."
"Et Sieur Naral de Vienne !", lance-t-il avec un grand sourire avant de lorgner vers la coiffe du Tigre. "Pardonnez mon impertinence, mais comptez-vous garder ce masque, ser d'Orthel ?"
Après avoir approuvé l'annonce et brièvement regardé le Ser Shaam, ou plutôt De Vienne, il cogite brièvement. Les riches et puissants mettent un poids considérable sur les apparences et la présentation de chacun. Vivement, son esprit concocte une raison plausible, celle d'une excentricité de sa Maison. Il répond qu'il est effectivement dans l'obligation de le conserver mais explique que rentrer dans les détails serait trop long.
"Voyez ceci comme... Une épreuve, imposée par ma Maison.", dit-il, recevant un mouvement positif du chef de leur roux interlocuteur en réponse.
"Oh. Oui, il est vrai que votre maison a tendance à être un peu... Enfin, vous voyez. Excusez mon impudence, ser."
À ses côtés, le Ser Shaam profite du naturel de l'échange pour revenir adroitement sur un point, chose qui semble être grandement approuvée par l'humain.
"Comme vous l'avez compris, nous sommes des... nouveaux venus. Afin de ne commettre aucun impair, pourriez-vous nous rappeler les noms des maîtres de maison ?"
"Oh. Oui, oui. Vous rencontrerez les Sires Carden, Cedran et Cirick de Montfort. Il s'agit effectivement de ne pas les froisser, par souci de bonne entente entre nos maisons.", précise-t-il avant de regarder le Félin brièvement pour ajouter. "D'autant que la vôtre n'était jusque là pas tellement dans les bonnes grâces de mes sires."
Encore une fois, le Félin se retrouve confronté à un manque cruel de savoir quant à la disposition de l'Equilibre en Ashaar. Il lui faut davantage d'informations, de connaissances sur qui il est censé être et quels sont les rapports de force entre toutes les Maisons évoquées jusque-là. Il prend une lente inspiration et se situe dans son rôle de nouveau venu auquel rien n'a été dévoilé, pour qu'il prenne ses marques lui-même avec habileté ou se fasse évincer des Voies Hautes comme un malpropre, indigne d'y résider. Il se masse alors lentement le coin des yeux, comme exaspéré par ce qu'il vient d'entendre. Il maugrée un instant puis s'interroge à voix haute, pour inciter leur interlocuteur à répondre.
"À ses mimiques, j'aurais du me douter que... Rha... À quoi mon nom va-t-il être associé ? Risquent-ils de prendre ombrage de ma seule présence ?", s'enquiert-il en croisant les bras.
"Ah, vous savez pas ?", demande-t-il avant de s'approcher pour parler avec un ton plus bas, confidentiel. "Salmeck d'Orthel n'est arrivé que récemment sur les Voies Hautes. Et jusqu'ici il était seul dans sa maisonnée. Y'a tout un tas de rumeurs qui planent sur lui. Qu'il aurait passé un extrêmement long séjour dans les Bouges. Qu'il aurait acheté sa liberté au Soleil Noir. Qu'il serait un meurtrier, qu'il aurait volé sa fortune. D'autres disent qu'il est un envoyé des Cieux venu surveiller les Voies Hautes. Certains prétendent même qu'il use de magie... Il est pas comme tout le monde, ça c'est sûr.", commente-t-il tel une commère sur un marché, ses paroles semblant grandement intéresser l'hinïon. "En tout cas, ça lui fera du bien d'avoir un second représentant de ses couleurs par ici. Enfin. C'vrai que votre masque aidera peut-être pas les rumeurs. M'enfin... C'pas moi qui jugerai, voyez ? J'dis juste qu'ici, dans les Hauteurs, les langues des serpents sifflent plus qu'ailleurs."
"Sous-entendez-vous devant nous que les membres des maisons hautes sont des serpents, servant ? De telles médisances pourraient être relayées à vos maîtres, et vous desservir", s'offusque son compagnon d'infortune, les mots troublant brièvement le regard du majordome mais curieusement, ce dernier demeure souriant. Sa réplique ne se fait pas attendre.
"Oh, ils seraient bien loin de me le reprocher. Ici, à la Maison de Montfort, nul n'a sa langue dans sa poche, et lorsque les choses doivent être dites, elles le sont de leur voix ! D'ailleurs, il est opportun, messire Naral, que vous secondiez la régence de la Maison de Vienne. L'on raconte que le vieux Elidar n'aurait plus toute sa tête. Qu'il dilapiderait sa fortune en fariboleries pour cette fille des bas quartiers dont il se serait entiché. Nul doute que vous saurez remettre de l'ordre dans ses idées."
La pique est si inattendue ou enduite d'un tel venin qu'elle laisse le Ser Shaam coi. Non seulement coi, mais qui lui jette un regard comme pour obtenir son appui face à cette diatribe aussi emplie d'informations que de fiel. Pas de menace de le faire rosser pour son arrogance, pas de répartie acerbe. L'elfe semble presque désarçonné qu'un individu visiblement d'un rang inférieur à celui de ses employeurs lui réponde de la sorte, avec la même habileté qu'il en a eu envers la passagère de la bulle. Peut-être même plus vicieusement encore. Si un majordome est capable de s'adresser ainsi à des membres d'autres Maisons, comment vont se comporter ses maîtres ?
Huyïn vient à son tour à la rescousse de son compatriote yuiménien en décroisant un bras pour légèrement ouvrir sa posture.
"Fort bien. Je suis moi-même fervent partisan de la franchise. Toutefois... Ôtez-moi d'un doute... Vous n'êtes pas en train, vous employé bien en vue des De Montfort, de vous immiscer publiquement dans la politique intérieure d'une Maison dont vous ne faites pas partie, n'est-ce pas ?", demande-t-il avant de s'approcher un peu, ses yeux se plissant avec une once de jovialité tandis qu'il prend un ton conspirateur. "Parce que, quand on y réfléchit un instant... Véhiculer ouvertement des rumeurs de ce type, quand on porte la livrée d'une Maison dont on dit... Que l'un des membres est si obsédé par la fille d'un artisan du textile qu'il l'aurait couverte de cadeaux -assez pour élever n'importe quelle vermine des Bouges jusqu'aux Voies Hautes-, et en vain de surcroît, puisqu'elle les aurait donnés à son tour ou revendus... Et que ce Voie-Hautain serait présentement si meurtri, mais toujours si obnubilé, que sa seule stratégie relationnelle ne tiendrait plus qu'au harcèlement et à l'extorsion sous couvert d'une aide matérielle...", dit-il avant de se redresser. "Comprenez que cela peut sembler... Maladroit, n'est-ce pas ? Mais je gage que c'est là l'influence de vos maîtres, et qu'il n'était nullement dans vos intentions d'outrepasser vos fonctions."
"Oh non, je ne m’immisce nulle part. Je parle le langage des Voies Hautes, voilà tout.", affirme-t-il sans défaillir. "Et c'est un plaisir que de constater que vous le parliez aussi. Mes sires n'aiment rien tant que de savoir ce que l'on dit d'eux. Aussi, ne voyez aucune insulte dans mes propos, je ne faisais que relayer ce qui se dit des vôtres."
Il s'enquiert ensuite de l'identité de celui qui est victime de ladite rumeur. Huyïn discute un peu avec lui, se présentant comme quelqu'un apprenant vite puis lui disant de façon détournée qu'il s'agit du second nom évoqué plus tôt. Il revient ensuite sur l'hésitation du majordome, la lui faisant remarquer et demandant si des changements récents ont eu lieu dans la maisonnée. L'homme répond que seuls trois maîtres président la Maison De Montfort avec assurance, mais là encore, il se trouble brièvement. Cela cache quelque chose. Quelqu'un avec autant d'aplomb n'hésiterait pas sur le nombre des gens porteurs du nom de la Maison, et une commère pareille ne ferait pas sentir que le sujet est clos aussi abruptement sans une bonne raison. La chose semble en tous les cas amuser son voisin, qui ne se défait pas d'un petit sourire narquois.
Le majordome reprend contenance et garde cet étrange sourire au visage.
"Ça se voit que vous ne connaissez rien à ces messieurs. J'adorerais participer à vos premiers pas devant eux, hélas ils ne me laisseront pas ce plaisir. Puis-je vous accompagner, ou avez-vous d'autres questions ?"
"J'ai trouvé tout ceci très instructif. Qu'en dites-vous, Naral de Vienne ? Êtes-vous enclin à poursuivre ?", fait-il à ce dernier.
"Et comment ! Il me tarde de défendre l'honneur de celui qui partage désormais avec moi sa fortune."
Le rouquin leur fait signe de les suivre à l'intérieur, ce que les deux yuiméniens font. Tout se passe étrangement aisément. S'il leur faut jouer de subtilité et de verve, ils n'ont pour le moment rencontré aucun obstacle infranchissable qui puisse réellement mettre un terme à leur escapade dans les Voies Hautes. Étrange. Les échelons sont-ils à ce point fermés les uns aux autres que l'idée même d'un bluff de cette envergure est inenvisageable ? Le Tigre demeure méfiant. Si le majordome leur a ouvert la porte aussi bien physiquement que métaphoriquement avec ses certitudes, celle-ci les mène droit à un nid de serpents annoncé. Qui sait si ces Voie-Hautains ne jouent pas les dupes pour se distraire à leurs dépends ?
Le Tigre inspire lentement sous sa coiffe, se remémorant leur raison de quérir un appui : trouver un moyen de parvenir jusqu'à des mages, qui sont possiblement la clé de leur départ de cette oppressante cité d'Ashaar.
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Modifié en dernier par Huyïn le mer. 6 nov. 2024 18:35, modifié 1 fois.
- Cromax
- Messages : 797
- Enregistré le : mar. 26 déc. 2017 20:51
Re: Les Voies Hautes
La Cité des Ombres
Les Voies Hautes
Les Voies Hautes
Jour 1 – milieu d’après-midi.
Le duo est mené dans l’intérieur de la noble masure jusqu’à un confortable et cossu salon d’apparât. La dominante des couleurs est le rouge, tant sur les murs que dans le mobilier, souligné de bois sombre. De hautes fenêtres donnent sur l’extérieur, sans doute un peu teintes au vu de la lumière plus chaude qu’à l’extérieur.

Près de trois fauteuils solitaires et confortables se tiennent trois hommes d’âge mûr. Le servant roux annonce à la petite assemblée l’arrivée des yuimeniens soi-disant émissaires d’autres hautes maisons, tel que promis plus tôt.
« Messires, laissez-moi quérir votre attention pour la visite heureuse de Sieur HUYÏN d'Orthel et Sieur Naral de Vienne. »
Les regards des trois individus parés de rouge sombre se dressent sur les visiteurs avec circonspection, alors que le serviteur poursuit les présentations.
« Messieurs, voici messeigneurs Carden de Montfort. »
Le premier, cheveux et barbe blanche, l’air sévère drapé dans une cape rouge tenue par deux broches d’or salue d’un faible mouvement de la tête, mirant ses invités avec analyse. Il est assis, droit, dans un des fauteuils.

« Cedran de Montfort. »
Celui-là, assis également, au crâne dégarni portant sur le visage les affres d’un âge avancé, n’a pas l’air plus joyeux. Il ne fait aucun effort pour saluer les deux arrivants, les regardant d’un coin de regard presque fuyant, plein d’amertume. Il est drapé d’une cape de velours rouge plastronnée d’or et encollée de fourrure.

« Et Cirick de Montfort. »
Le dernier maître de maison, bien que sérieux lui aussi, ne parvient que mal à dissimuler un sourire de fausset dans son attitude plus désinvolte et moins crispée que ses deux frères. Vêtu de velours noir et rouge, il porte à la main un verre d’un vin doré clair, qu’il lève pour souhaiter la bienvenue aux yuimeniens. Il est d’un certain âge aussi, vu son visage marqué de rides, mais ses cheveux encore bruns le font paraître un peu plus jeune que les autres. Il est debout derrière un fauteuil.

C’est ce dernier qui invite Huyïn et Naral à s’installer dans le grand canapé faisant face aux trois sièges, séparés d’eux par une table basse. Un silence pesant s’installe alors que le majordome roux quitte la pièce. Les six yeux attendent l’intervention des deux nouveaux avec impatience et jugement. Naral semble compter sur l’initiative du félin pour commencer la discussion.
[HJ : Discussion discord again ?]
[XP :
Huyïn : 0,5 (discussion), 0,5 (visite à la haute société)]
- Huyïn
- Messages : 72
- Enregistré le : mar. 5 nov. 2019 15:28
Re: Les Voies Hautes
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Le majordome les conduit dans la demeure, où tout est accordé aux couleurs de la famille. Du rouge. Du rouge, souligné de sombre. Le salon qu'ils atteignent est visiblement meublé avec soin, goût du luxe, et toujours ce coloris qui pourrait être chaleureux, mais qui en devient agressif. Par les fenêtres, ce n'est pas la lueur froide de l'extérieur qui transparait, mais une version plus dorée. Elle est une parfaite métaphore : une chaleur apparente masquant une réelle froideur pour qui en a déjà conscience. Dans cette salle, trois fauteuils auprès ou dans lesquels se tiennent trois individus. Le Tigre n'a pas à s'interroger, car le souriant homme en livrée fait son annonce telle que répétée à la porte, puis il présente les maîtres de la maisonnée. Carden de Montfort, humain de peau claire, à la chevelure et barbe blanche, et vêtu d'une cape à deux broches en or. La chose interpelle immédiatement le Félin, car cet homme porte la monnaie d'Ashaar en ostentatoire décoration. Si le pain livré aux d'Esthalor en bonne quantité par le boulanger ne lui a pas rapporté plus d'une pépite, que pourrait se procurer ce premier de Montfort s'il lui prenait fantaisie de troquer l'une d'elle ?
Les yeux du Woran glissent sur le suivant, Cedran de Montfort, le nom évoqué par le tailleur Dantes. Un homme également assis et qui affiche les signes d'un âge certain, son visage sévère ridé et sa tête grandement dégarnie. Et cet homme-ci arbore une véritable collerette en or. Nul doute que jamais son habit ne quittera les Voies Hautes, car si la chose doit certainement être normale ici, ailleurs en Ashaar l'objet finirait certainement fondu en une intéressante somme plutôt que de demeurer une aberration clinquante mais inutile. Lui ne fait même pas semblant de reconnaître leur présence, leur adressant à peine un regard. Quant au dernier, le seul à rester debout et paraissant légèrement plus jeune que les deux autres, est Cirick de Montfort. Coupe à la main, il semble moins crispé et hautain que les deux autres. C'est lui qui invite les yuiméniens à prendre place sur le large canapé qui fait face aux fauteuils, de l'autre côté d'une table basse. Un silence lourd choit sur les lieux tandis que le majordome s'éclipse.
Huyïn laisse à son compagnon de visite le soin de prendre place sur le canapé en premier. Ce dernier, entrant dans la peau d'un bourgeois à la fois méfiant, hautain et élégant, avise les trois hommes de longues secondes avant de prendre place. Le Tigre cligne des yeux à sa façon de faire, parce que l'elfe effectue le geste avec aisance, naturel et une grâce toute elfique. Il a un côté presque aérien, mélange de volupté et d'assurance, aspect intrigant renforcé par la lueur ajoutant des reflets inhabituels à sa chevelure mauve. S'est-il délibérément mis en scène ou est-ce son talent naturel ? A-t-il déjà eu affaire à ce genre d'individus et de cadre pour sembler aussi à sa place ? Décidément, cet hinïon pique la curiosité du Tigre qui se reprend vite, ôte son luth qu'il dépose contre le canapé avant d'y prendre place à son tour. Commençant à être habitué à la dynamique entre eux, c'est ce dernier qui met un terme au silence.
"Nobles seigneurs, veuillez en premier lieu avoir la bonté de pardonner cette visite imprévue. Je vous suis gré de votre accueil en votre demeure malgré ces circonstances inhabituelles.", dit-il avant d'effectuer un signe du chef. "Mais il aurait été des plus impolis que de ne pas venir au-devant de vous faire les présentations."
"Vous nous savez gré. Voilà qui est bien impudent de la part d'un freluquet sapé comme une pauvresse. Tous les d'Orthel viennent-ils donc directement de la Plèbe ?", répond le dénommé Cirick sur un ton acide, les guettant tous deux avant d'enchaîner. "Vos deux maisons y sont de fait irrémédiablement liées, tache de boue qui vous colle aux basques comme une sangsue à un fessier. Pourquoi devrions-nous souffrir d'aussi vaines qu'inutiles présentations ?"
L'injure fait se relever le sieur de Vienne, ce dernier faisant un pas dans la direction de l'homme.
"Peut-être sommes-nous là pour laver l'honneur de nos maisons, que vous souillez de vos bassesses jalouses depuis trop longtemps. Messieurs, seriez-vous donc craintifs de votre place dans la Société, pour ainsi rabaisser vos concurrents directs ?"
"Je vous en prie, tentez de faire preuve d'un minimum d'indulgence, Sieur de Vienne., tente diplomatiquement le Tigre depuis sa place assise où il demeure droit et détendu, avant d'enchainer avec moins de tact. "L'on ne peut reprocher à qui a atteint les sommets de redouter la chute, ou à force d'avoir côtoyé qui veut vous faire choir, de prêter ces mêmes intentions à tous. Cela étant dit...", s'interrompt-il brièvement pour regarder l'agresseur. "L'on vous disait adepte d'une certaine franchise, et j'avoue que je suis tout de même surpris de vous entendre employer des paroles aussi grossières. Serait-il possible qu'aucune relation ne trouvât grâce à vos yeux à moins d'être transactionnelle ?"
Huyïn est presque pris de court par le soudain regard de son camarade d'infortune, qui réplique avec une inattendue voracité.
"L'indulgence, voilà sans doute ce qui a provoqué l'isolement de votre maison. Hihihi."
"La grossièreté, c'est de les inspirer, ces dires.", coupe l'humain brun en faisant lentement tournoyer sa boisson dans sa coupe. "Et chaque rapport humain est évidemment motivé par un profit, quelle qu'en soit sa nature. Qu'est-ce que la présence de deux têtards de maisons déclinante et tuée dans l'œuf rapporterait à la Maison de Montfort ?"
S'il a envie de répondre à la question de son hôte, le Tigre veut en premier lieu défaire l'accroc entamé par la réaction de l'elfe. Il ne faut pas laisser croire que cette provocation contre la Maison d'Orthel a la moindre chance de diviser les deux invités. Faire front contre ce serpent à trois têtes est indispensable s'ils ne veulent pas que la maigre réputation de leurs noms d'emprunt perde encore plus de poids à cause de querelles malvenues.
"Une leçon lentement reçue, Sieur de Vienne. Mais reçue tout de même. Les choses vont certainement changer à présent que les, enfin, le responsable de cette situation n'est plus seul à prendre des décisions jusque-là inadéquates.", apaise-t-il, rajustant son instrument contre lui pour se donner contenance et un instant de répit, finissant par reprendre le cours de la discussion. "Aucun profit immédiat ou tribut de quelque sorte que ce soit, si vous vous attendiez à une réponse concrète. Car bien que moins haut placée que nombre de nos pairs, ma Maison n'est tout de même pas un commerce des Voies médianes que l'on peut extorquer sur simple présentation d'un pédigrée. En revanche, cette désobligeante comparaison est intéressante, car suggérant une métamorphose, un avenir.", soulève-t-il, venant lentement poser les mains l'une sur l'autre. "Une fois ma situation personnelle... Clarifiée... Je compte bien redorer le blason de ma Maison. Songer aux expressions outrées de certains en s'apercevant avoir été supplanté par un moins que rien me motive grandement. Et il va de soi que tout soutien, ou plus simplement absence d'entrave à cet objectif, ne sera pas oublié."
"Ainsi vous êtes là pour quémander notre aide pour redorer votre blason désuet ? Vous êtes tellement pitoyable que j'aurais presque envie d'accéder à votre demande, juste pour vous voir vous vautrer de tout votre long sur le chemin embourbé de votre ambition"
L'humain se met à siroter une gorgée avec un air satisfait, provocateur, auquel le ser Shaam semble sur le point de répondre quand la voix du de Montfort barbu s'élève pour mettre un terme à l'échange désagréable.
"Il suffit. Mon frère, tu t'es assez amusé de leur candeur.", déclame-t-il avant de se tourner vers le duo tandis que l'instigateur de cette ambiance malsaine effectue une petite révérence orgueilleuse. "Précisez ce que vous attendez, ou quittez ces lieux."
Le Tigre effectue un léger signe de tête, laissant à l'hinïon le soin de commencer. S'il a une idée de requête, peut-être les paroles de l'autre yuiménien l'aideront à leur donner le bon ton. Le ser Naral croise son regard puis se tourne avec sérieux vers le sieur Carden.
"Il nous est parvenu des rumeurs d'un lien de l'un d'entre vous avec la maison de couture "Le Fil et l'Aiguille", et la famille qui la tient. Une faveur d'importance leur serait due. Le genre de faveur qui pourrait mettre à mal votre réputation. Nous voulions montrer patte blanche en vous avertissant, mais nous sommes laissés emporter par le... jeu de la joute verbale proposé par votre frère."
Un son inattendu attire l'attention du Woran. C'est le dernier de Montfort, celui qui est directement impliqué dans cette rumeur, qui se met à toussoter dans son fauteuil. L'homme ne parvient pas à dissimuler un certain embarras, malgré le regard sévère de leur actuel interlocuteur. Ce dernier les assure qu'il s'agit là d'un service qu'ils leur rendent et que la chose demeurera dans leurs mémoires. Il affirme également que le souci sera rapidement réglé, avant de demander si autre chose doit être évoqué. Sous son masque de toile, Huyïn prend une lente inspiration car il sait que ce qu'il va se lancer à dire est risqué, très risqué, mais c'est aussi la raison principale de jouer ce puissant atout du Fil et de l'Aiguille. Il laisse son regard appuyé sur le sieur Cedran puis clôt les yeux un instant, laissant transpirer quelque chose de vaguement courroucé dans sa voix.
"Jeu qui s'est avéré plus... blessant que nécessaire, vous en conviendrez. Et qui m'a rappelé l'importance de ne pas perdre la face dans la société Voie-Hautaine. Aussi, laissez-moi vous dire que ces rumeurs circulaient main dans la main avec une autre. Et celle-ci m'intéresse au plus haut point.", commence-t-il avant de balayer les trois humains du regard. "Soyons francs. Votre Maison serait en accointance avec des... Comment dire... Des soigneurs, bien plus capables que nos habituels praticiens.", dit-il avant de désigner son visage dissimulé. "Et il se trouve, par le plus grand des hasards, que j'aurais besoin de leurs services."
"Quoi ?", rétorque alors le premier incriminé, sortant de son mutisme pour se tourner vivement vers la discussion. Son ton est vif, encoléré, agressif, comme s'il venait d'être piqué juste à un point faible de sa brillante et rouge carapace. "C'est hors de question !"
"Il suffit !", réitère Carden avec froideur. Son ordre semble faire prendre conscience à son voisin dégarni qu'il s'est laissé emporter, le poussant à se murer dans un silence maussade. Il n'a toutefois visiblement pas retrouvé une once de sang-froid, car son genou tressaute, son doigt tapote l'accoudoir de son siège et ses paupières clignent vivement. Pour détourner l'attention de celui-ci, le barbu se lève prestement. "Vous vous aventurez sur une pente glissante qui ne souffre d'aucun jeu. Ce sont des accusations qui pourraient attirer sur nous tous les regards indiscrets du Soleil Noir, alors je vous en prie, taisez-vous."
S'il est évident que le buveur de liqueur s'amuse de la situation, ce n'est pas le cas de l'hinïon. Ce dernier se dresse face à l'humain barbu, parlant avec l'assurance de la légitimité.
"Vous avouez tous deux la véracité de ces rumeurs. Nous ne souhaitons pas plus que vous être liés au Soleil Noir. Voyez cette demande comme un dernier recours."
Le sieur Carden semble enfin comprendre que le sujet ne sera pas abandonné si facilement, que les deux têtards de ces Maisons sans envergure sont plus déterminés qu'il n'y paraissait au premier abord. Leur hôte, sourcils froncés, se tourne dans sa direction. Lentement, le Tigre laisse filer un discret souffle soulagé. Le pari était audacieux, mais il a payé. C'est à lui d'enfoncer le clou et de clore cette partie de jeu de dupes, et en leur faveur.
"Le Sieur de Vienne dit juste. Je n'ai aucune envie de faire l'objet un regard trop prononcé de leur part, pas plus que quiconque ayant une once de réflexion. Hélas, ma situation actuelle ne me permet plus de faire preuve d'une imprudente...", laisse-t-il en suspend le temps de lorgner vers son co-visiteur. "Indulgence.", appuie-t-il, puis il avise leurs hôtes. "Entendez-moi bien, messeigneurs. Si assister à la débâcle d'une Maison aussi puissante que la vôtre, causée par ses propres erreurs de surcroît, serait d'une délectable ironie, les choses n'ont pas à en arriver là. Mais je ne serai pas en mesure de redresser ma Maison sans votre concours quant à mon problème, et la vôtre pourrait très vite choir à son niveau. Alors, je vous en prie, reprenons contenance et trouvons un terrain d'entente entre voie-hautains civilisés, au contenu qui ne sortira pas des murs de votre propriété."
Le Woran tourne la tête ostensiblement vers les portes closes, se demandant si le majordome a déjà tout entendu de leurs échanges. Un bref moment de flottement se fait, avant que le sieur Cedran ne s'exprime.
"Ce n'est pas possible, voilà tout. L'on vous a trompé, nous n'avons nul lien avec ces soi-disant soigneurs que vous évoquez avec imprudence. Quittez cette maison, maintenant. Séant."
"Laissez-moi vous raccompagner."
"Ce fut un plaisir, messieurs.", ironise le dernier en levant sa coupe.
Huyïn ramasse son instrument et s'en pare, l'ajustant doucement. Pendant qu'il commente sur le côté fâcheux de cette réponse, il joue le jeu en affirmant que si l'un des maîtres de Maison le dit, qui est-il pour en questionner la parole. Il froisse légèrement son voile, indiquant à son compagnon yuiménien qu'il est prêt à faire usage de cette singularité si besoin, puis il désigne brièvement la porte et tapote son oreille dissimulée, sous couvert d'ajustement de sa coiffe. Il lui signale ainsi que des oreilles indiscrètes se trouvent peut-être là, chose qui empêchera évidemment les de Montfort d'évoquer un possible arrangement. Toutefois, le Félin sait qu'ils ne sont pas mis à la porte avec sincérité. Si c'était le cas, ils auraient appelé leur majordome ou quelque serviteur qui se serait chargé de la besogne. Là, c'est l'un d'eux qui en prend la responsabilité.
L'elfe les avise dans un silence analytique, puis il leur adresse une brève salutation et emboîte le pas à leur guide. Le Tigre s'incline un peu plus que son prédécesseur mais dans le même silence avant de quitter la pièce à son tour. D'une pierre deux coups pour leur hôte, peut-être. S'assurer que des oreilles de rouquin ne trainent pas à portée de ce sujet sensible, et possiblement leur donner les renseignements voulus, quitte à les masquer. Il est évident que le sieur Carden a la tête sur les épaules, et qu'il doit savoir que deux Maisons aussi aux abois vont se servir de la faveur évoquée, quitte à ce qu'elle flirte avec une évidente menace. Huyïn espère simplement que cet humain a suffisamment été convaincu par sa fable pour qu'il redoute jusqu'où le second représentant d'Orthel est effectivement capable d'aller.
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-15-
Le majordome les conduit dans la demeure, où tout est accordé aux couleurs de la famille. Du rouge. Du rouge, souligné de sombre. Le salon qu'ils atteignent est visiblement meublé avec soin, goût du luxe, et toujours ce coloris qui pourrait être chaleureux, mais qui en devient agressif. Par les fenêtres, ce n'est pas la lueur froide de l'extérieur qui transparait, mais une version plus dorée. Elle est une parfaite métaphore : une chaleur apparente masquant une réelle froideur pour qui en a déjà conscience. Dans cette salle, trois fauteuils auprès ou dans lesquels se tiennent trois individus. Le Tigre n'a pas à s'interroger, car le souriant homme en livrée fait son annonce telle que répétée à la porte, puis il présente les maîtres de la maisonnée. Carden de Montfort, humain de peau claire, à la chevelure et barbe blanche, et vêtu d'une cape à deux broches en or. La chose interpelle immédiatement le Félin, car cet homme porte la monnaie d'Ashaar en ostentatoire décoration. Si le pain livré aux d'Esthalor en bonne quantité par le boulanger ne lui a pas rapporté plus d'une pépite, que pourrait se procurer ce premier de Montfort s'il lui prenait fantaisie de troquer l'une d'elle ?
Les yeux du Woran glissent sur le suivant, Cedran de Montfort, le nom évoqué par le tailleur Dantes. Un homme également assis et qui affiche les signes d'un âge certain, son visage sévère ridé et sa tête grandement dégarnie. Et cet homme-ci arbore une véritable collerette en or. Nul doute que jamais son habit ne quittera les Voies Hautes, car si la chose doit certainement être normale ici, ailleurs en Ashaar l'objet finirait certainement fondu en une intéressante somme plutôt que de demeurer une aberration clinquante mais inutile. Lui ne fait même pas semblant de reconnaître leur présence, leur adressant à peine un regard. Quant au dernier, le seul à rester debout et paraissant légèrement plus jeune que les deux autres, est Cirick de Montfort. Coupe à la main, il semble moins crispé et hautain que les deux autres. C'est lui qui invite les yuiméniens à prendre place sur le large canapé qui fait face aux fauteuils, de l'autre côté d'une table basse. Un silence lourd choit sur les lieux tandis que le majordome s'éclipse.
Huyïn laisse à son compagnon de visite le soin de prendre place sur le canapé en premier. Ce dernier, entrant dans la peau d'un bourgeois à la fois méfiant, hautain et élégant, avise les trois hommes de longues secondes avant de prendre place. Le Tigre cligne des yeux à sa façon de faire, parce que l'elfe effectue le geste avec aisance, naturel et une grâce toute elfique. Il a un côté presque aérien, mélange de volupté et d'assurance, aspect intrigant renforcé par la lueur ajoutant des reflets inhabituels à sa chevelure mauve. S'est-il délibérément mis en scène ou est-ce son talent naturel ? A-t-il déjà eu affaire à ce genre d'individus et de cadre pour sembler aussi à sa place ? Décidément, cet hinïon pique la curiosité du Tigre qui se reprend vite, ôte son luth qu'il dépose contre le canapé avant d'y prendre place à son tour. Commençant à être habitué à la dynamique entre eux, c'est ce dernier qui met un terme au silence.
"Nobles seigneurs, veuillez en premier lieu avoir la bonté de pardonner cette visite imprévue. Je vous suis gré de votre accueil en votre demeure malgré ces circonstances inhabituelles.", dit-il avant d'effectuer un signe du chef. "Mais il aurait été des plus impolis que de ne pas venir au-devant de vous faire les présentations."
"Vous nous savez gré. Voilà qui est bien impudent de la part d'un freluquet sapé comme une pauvresse. Tous les d'Orthel viennent-ils donc directement de la Plèbe ?", répond le dénommé Cirick sur un ton acide, les guettant tous deux avant d'enchaîner. "Vos deux maisons y sont de fait irrémédiablement liées, tache de boue qui vous colle aux basques comme une sangsue à un fessier. Pourquoi devrions-nous souffrir d'aussi vaines qu'inutiles présentations ?"
L'injure fait se relever le sieur de Vienne, ce dernier faisant un pas dans la direction de l'homme.
"Peut-être sommes-nous là pour laver l'honneur de nos maisons, que vous souillez de vos bassesses jalouses depuis trop longtemps. Messieurs, seriez-vous donc craintifs de votre place dans la Société, pour ainsi rabaisser vos concurrents directs ?"
"Je vous en prie, tentez de faire preuve d'un minimum d'indulgence, Sieur de Vienne., tente diplomatiquement le Tigre depuis sa place assise où il demeure droit et détendu, avant d'enchainer avec moins de tact. "L'on ne peut reprocher à qui a atteint les sommets de redouter la chute, ou à force d'avoir côtoyé qui veut vous faire choir, de prêter ces mêmes intentions à tous. Cela étant dit...", s'interrompt-il brièvement pour regarder l'agresseur. "L'on vous disait adepte d'une certaine franchise, et j'avoue que je suis tout de même surpris de vous entendre employer des paroles aussi grossières. Serait-il possible qu'aucune relation ne trouvât grâce à vos yeux à moins d'être transactionnelle ?"
Huyïn est presque pris de court par le soudain regard de son camarade d'infortune, qui réplique avec une inattendue voracité.
"L'indulgence, voilà sans doute ce qui a provoqué l'isolement de votre maison. Hihihi."
"La grossièreté, c'est de les inspirer, ces dires.", coupe l'humain brun en faisant lentement tournoyer sa boisson dans sa coupe. "Et chaque rapport humain est évidemment motivé par un profit, quelle qu'en soit sa nature. Qu'est-ce que la présence de deux têtards de maisons déclinante et tuée dans l'œuf rapporterait à la Maison de Montfort ?"
S'il a envie de répondre à la question de son hôte, le Tigre veut en premier lieu défaire l'accroc entamé par la réaction de l'elfe. Il ne faut pas laisser croire que cette provocation contre la Maison d'Orthel a la moindre chance de diviser les deux invités. Faire front contre ce serpent à trois têtes est indispensable s'ils ne veulent pas que la maigre réputation de leurs noms d'emprunt perde encore plus de poids à cause de querelles malvenues.
"Une leçon lentement reçue, Sieur de Vienne. Mais reçue tout de même. Les choses vont certainement changer à présent que les, enfin, le responsable de cette situation n'est plus seul à prendre des décisions jusque-là inadéquates.", apaise-t-il, rajustant son instrument contre lui pour se donner contenance et un instant de répit, finissant par reprendre le cours de la discussion. "Aucun profit immédiat ou tribut de quelque sorte que ce soit, si vous vous attendiez à une réponse concrète. Car bien que moins haut placée que nombre de nos pairs, ma Maison n'est tout de même pas un commerce des Voies médianes que l'on peut extorquer sur simple présentation d'un pédigrée. En revanche, cette désobligeante comparaison est intéressante, car suggérant une métamorphose, un avenir.", soulève-t-il, venant lentement poser les mains l'une sur l'autre. "Une fois ma situation personnelle... Clarifiée... Je compte bien redorer le blason de ma Maison. Songer aux expressions outrées de certains en s'apercevant avoir été supplanté par un moins que rien me motive grandement. Et il va de soi que tout soutien, ou plus simplement absence d'entrave à cet objectif, ne sera pas oublié."
"Ainsi vous êtes là pour quémander notre aide pour redorer votre blason désuet ? Vous êtes tellement pitoyable que j'aurais presque envie d'accéder à votre demande, juste pour vous voir vous vautrer de tout votre long sur le chemin embourbé de votre ambition"
L'humain se met à siroter une gorgée avec un air satisfait, provocateur, auquel le ser Shaam semble sur le point de répondre quand la voix du de Montfort barbu s'élève pour mettre un terme à l'échange désagréable.
"Il suffit. Mon frère, tu t'es assez amusé de leur candeur.", déclame-t-il avant de se tourner vers le duo tandis que l'instigateur de cette ambiance malsaine effectue une petite révérence orgueilleuse. "Précisez ce que vous attendez, ou quittez ces lieux."
Le Tigre effectue un léger signe de tête, laissant à l'hinïon le soin de commencer. S'il a une idée de requête, peut-être les paroles de l'autre yuiménien l'aideront à leur donner le bon ton. Le ser Naral croise son regard puis se tourne avec sérieux vers le sieur Carden.
"Il nous est parvenu des rumeurs d'un lien de l'un d'entre vous avec la maison de couture "Le Fil et l'Aiguille", et la famille qui la tient. Une faveur d'importance leur serait due. Le genre de faveur qui pourrait mettre à mal votre réputation. Nous voulions montrer patte blanche en vous avertissant, mais nous sommes laissés emporter par le... jeu de la joute verbale proposé par votre frère."
Un son inattendu attire l'attention du Woran. C'est le dernier de Montfort, celui qui est directement impliqué dans cette rumeur, qui se met à toussoter dans son fauteuil. L'homme ne parvient pas à dissimuler un certain embarras, malgré le regard sévère de leur actuel interlocuteur. Ce dernier les assure qu'il s'agit là d'un service qu'ils leur rendent et que la chose demeurera dans leurs mémoires. Il affirme également que le souci sera rapidement réglé, avant de demander si autre chose doit être évoqué. Sous son masque de toile, Huyïn prend une lente inspiration car il sait que ce qu'il va se lancer à dire est risqué, très risqué, mais c'est aussi la raison principale de jouer ce puissant atout du Fil et de l'Aiguille. Il laisse son regard appuyé sur le sieur Cedran puis clôt les yeux un instant, laissant transpirer quelque chose de vaguement courroucé dans sa voix.
"Jeu qui s'est avéré plus... blessant que nécessaire, vous en conviendrez. Et qui m'a rappelé l'importance de ne pas perdre la face dans la société Voie-Hautaine. Aussi, laissez-moi vous dire que ces rumeurs circulaient main dans la main avec une autre. Et celle-ci m'intéresse au plus haut point.", commence-t-il avant de balayer les trois humains du regard. "Soyons francs. Votre Maison serait en accointance avec des... Comment dire... Des soigneurs, bien plus capables que nos habituels praticiens.", dit-il avant de désigner son visage dissimulé. "Et il se trouve, par le plus grand des hasards, que j'aurais besoin de leurs services."
"Quoi ?", rétorque alors le premier incriminé, sortant de son mutisme pour se tourner vivement vers la discussion. Son ton est vif, encoléré, agressif, comme s'il venait d'être piqué juste à un point faible de sa brillante et rouge carapace. "C'est hors de question !"
"Il suffit !", réitère Carden avec froideur. Son ordre semble faire prendre conscience à son voisin dégarni qu'il s'est laissé emporter, le poussant à se murer dans un silence maussade. Il n'a toutefois visiblement pas retrouvé une once de sang-froid, car son genou tressaute, son doigt tapote l'accoudoir de son siège et ses paupières clignent vivement. Pour détourner l'attention de celui-ci, le barbu se lève prestement. "Vous vous aventurez sur une pente glissante qui ne souffre d'aucun jeu. Ce sont des accusations qui pourraient attirer sur nous tous les regards indiscrets du Soleil Noir, alors je vous en prie, taisez-vous."
S'il est évident que le buveur de liqueur s'amuse de la situation, ce n'est pas le cas de l'hinïon. Ce dernier se dresse face à l'humain barbu, parlant avec l'assurance de la légitimité.
"Vous avouez tous deux la véracité de ces rumeurs. Nous ne souhaitons pas plus que vous être liés au Soleil Noir. Voyez cette demande comme un dernier recours."
Le sieur Carden semble enfin comprendre que le sujet ne sera pas abandonné si facilement, que les deux têtards de ces Maisons sans envergure sont plus déterminés qu'il n'y paraissait au premier abord. Leur hôte, sourcils froncés, se tourne dans sa direction. Lentement, le Tigre laisse filer un discret souffle soulagé. Le pari était audacieux, mais il a payé. C'est à lui d'enfoncer le clou et de clore cette partie de jeu de dupes, et en leur faveur.
"Le Sieur de Vienne dit juste. Je n'ai aucune envie de faire l'objet un regard trop prononcé de leur part, pas plus que quiconque ayant une once de réflexion. Hélas, ma situation actuelle ne me permet plus de faire preuve d'une imprudente...", laisse-t-il en suspend le temps de lorgner vers son co-visiteur. "Indulgence.", appuie-t-il, puis il avise leurs hôtes. "Entendez-moi bien, messeigneurs. Si assister à la débâcle d'une Maison aussi puissante que la vôtre, causée par ses propres erreurs de surcroît, serait d'une délectable ironie, les choses n'ont pas à en arriver là. Mais je ne serai pas en mesure de redresser ma Maison sans votre concours quant à mon problème, et la vôtre pourrait très vite choir à son niveau. Alors, je vous en prie, reprenons contenance et trouvons un terrain d'entente entre voie-hautains civilisés, au contenu qui ne sortira pas des murs de votre propriété."
Le Woran tourne la tête ostensiblement vers les portes closes, se demandant si le majordome a déjà tout entendu de leurs échanges. Un bref moment de flottement se fait, avant que le sieur Cedran ne s'exprime.
"Ce n'est pas possible, voilà tout. L'on vous a trompé, nous n'avons nul lien avec ces soi-disant soigneurs que vous évoquez avec imprudence. Quittez cette maison, maintenant. Séant."
"Laissez-moi vous raccompagner."
"Ce fut un plaisir, messieurs.", ironise le dernier en levant sa coupe.
Huyïn ramasse son instrument et s'en pare, l'ajustant doucement. Pendant qu'il commente sur le côté fâcheux de cette réponse, il joue le jeu en affirmant que si l'un des maîtres de Maison le dit, qui est-il pour en questionner la parole. Il froisse légèrement son voile, indiquant à son compagnon yuiménien qu'il est prêt à faire usage de cette singularité si besoin, puis il désigne brièvement la porte et tapote son oreille dissimulée, sous couvert d'ajustement de sa coiffe. Il lui signale ainsi que des oreilles indiscrètes se trouvent peut-être là, chose qui empêchera évidemment les de Montfort d'évoquer un possible arrangement. Toutefois, le Félin sait qu'ils ne sont pas mis à la porte avec sincérité. Si c'était le cas, ils auraient appelé leur majordome ou quelque serviteur qui se serait chargé de la besogne. Là, c'est l'un d'eux qui en prend la responsabilité.
L'elfe les avise dans un silence analytique, puis il leur adresse une brève salutation et emboîte le pas à leur guide. Le Tigre s'incline un peu plus que son prédécesseur mais dans le même silence avant de quitter la pièce à son tour. D'une pierre deux coups pour leur hôte, peut-être. S'assurer que des oreilles de rouquin ne trainent pas à portée de ce sujet sensible, et possiblement leur donner les renseignements voulus, quitte à les masquer. Il est évident que le sieur Carden a la tête sur les épaules, et qu'il doit savoir que deux Maisons aussi aux abois vont se servir de la faveur évoquée, quitte à ce qu'elle flirte avec une évidente menace. Huyïn espère simplement que cet humain a suffisamment été convaincu par sa fable pour qu'il redoute jusqu'où le second représentant d'Orthel est effectivement capable d'aller.
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Modifié en dernier par Huyïn le dim. 10 nov. 2024 10:46, modifié 1 fois.
- Cromax
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- Enregistré le : mar. 26 déc. 2017 20:51
Re: Les Voies Hautes
La Cité des Ombres
Les Voies Hautes
Les Voies Hautes
Jour 1 – milieu d’après-midi.
Une fois à trois dans le hall, Carden ferma la porte du salon et osa un regard inquisiteur sur les deux étrangers. D’un ton sec, mais sincère, il annonça :
« Je sais que vous n'êtes pas dupes, et je ne souhaite pas vous duper. Vos rumeurs ont évidemment un fond de vérité. Je peux vous le montrer, si vous m'assurez que rien ne sortira de la pièce où je vous mènerai. Sinon, vous quitterez cette maison et n'y remettrez plus les pieds »
Naral, piqué par la curiosité, sourit en coin et jeta un regard plein de curiosité au chat bipède. Une fois l’accord passé de suivre le plus sec du trio de Montfort, il se tut et mena le duo à l’étage de sa riche et noble masure. Il tira une clé d’or de sa poche face à une porte, et la glissa dans une serrure. Un cliquetis plus tard, la porte s’ouvrit et laissa place à une chambre cossue. Vaste et luxueuse, richement meublée dans des tons sombres et rouges.

Carden les invita à entrer, et les y suivit comme une ombre. Du fond de la pièce, une silhouette se releva d’un siège pour venir à leur rencontre. Une silhouette féminine, qui scannait de ses yeux sombre les arrivants.

Oreilles pointues, crâne chauve parcouru de curieuses cicatrices (si c’en était bien), costume de cuir noir fourré, souligné d’or et d’une capeline carmin, curieux tatouages ou marques sur la poitrine, la source de la rumeur avait effectivement de quoi faire parler. Elle s’adressa au Maître de Maison.
« Carden. Qui sont ces gens ? »
Un peu revêche, mais pas dans une défiance totale. Le susnommé répondit posément.
« De nouveaux arrivants des maisons d’Orthel et de Vienne. Le premier requiert tes… dons. »
Elle crispa la mâchoire.
« Ainsi vous voulez vendre mes services sur les Voies Hautes, comme une marchandise ? Vous ne valez pas mieux que lui. »
Carden inspira, fit une moue sévère, puis se détendit pour répondre.
« Tu sais bien que c’est plus complexe, Scarla. Je te soutiens dans tes choix et ton art, mais Cedran refusera que tu quittes à nouveau notre protection. Alors je… trouve des compromissions. »
Elle souffle du nez d’un air peu convaincu, et regarde l’elfe et l’humanoïde masqué d’un air scrutateur.
« Soit. Avancez, et présentez-vous ainsi que vos problèmes. »
Carden se tint contre la porte, bras croisés. Naral entreprit de se présenter en premier, saluant la dame d’une révérence élégante.
« Demoiselle, je suis Naral de Vienne, et je suis ici en soutien à mon ami ci-présent, Huyïn d’Orthel. Nous… ne savons que peu de vous, sinon que vous pourriez soigner ses maux… »
Elle le regarda, dédaigneuse.
« Des potiniers voyeurs qui viennent se rincer l’œil de leurs commérages. Je vois. », scanda-t-elle, fixant davantage Carden que Naral, qui s’en trouva vexé. Le regard de la femme se posa sur Huyïn, attendant sa réponse.
[HJ : pas d’aparté cette semaine, je te laisse développer ta réponse.]
[XP :
Huyin : 0,5 (discussion), 0,5 (départ)]
- Huyïn
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- Enregistré le : mar. 5 nov. 2019 15:28
Re: Les Voies Hautes
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À peine la porte donnant sur le salon cossu est-elle rabattue que le sieur Carden les regarde avec une certaine fermeté mais étonnamment de la sincérité. Là où le premier concerné par la rumeur a fini par nier toute implication, ce de Montfort assure qu'il sait leur scepticisme et n'a pas envie de les duper. Les rumeurs ont une base de vérité, chose que les yuiméniens savaient déjà par leur implication avec le tailleur. Contre une promesse de silence au sujet de ce qu'ils s'apprêtent à voir, il compte les mener à une pièce particulière. Le Tigre plisse légèrement les yeux, conforté dans son intuition que leur départ était effectivement une mise en scène, pour pouvoir les conduire ailleurs. La situation fait sourire en coin l'hinïon, qui lui adresse un regard empli de curiosité. Probablement quant à sa décision. Le Woran prend alors la parole, assurant que rien de ce qui sera su dans cette pièce n'en sortira. En tous cas, tant qu'un certain employé de la Maison n'ira pas se montrer indiscret.
La réponse semble satisfaire le seul barbu parmi les maîtres des lieux, qui les guide vers l'étage. En silence, il les mène devant une porte visiblement verrouillée, puisqu'il doit user d'une clé d'or pour faire jouer la serrure. L'endroit dévoilé est une chambre luxueuse, lumineuse, décorée dans les mêmes couleurs que le reste de la propriété. Si Huyïn s'attendait à ce que le sieur Carden les mène dans un lieu plus discret, comme une étude privée pour leur montrer quelque missive ou plans d'accès à ces soigneurs évoqués, il n'avait en revanche pas envisagé que quelqu'un d'autre leur serait présenté. Est-ce là la raison de l'hésitation du majordome plus tôt ? Une femme, aux oreilles en pointe, chauve à la peau claire qui est marquée de stries ou plutôt de dessins argentés et grenats. Détenue dans une cage dorée, en tous les cas. Qui qu'elle soit, elle est de toute évidence maintenue ici.
Elle vient à eux depuis un siège opposé à la porte et s'adresse à leur hôte, le questionnant sur leur identité. Succinctement, leurs noms d'emprunt sont évoqués, ainsi que la raison de leur présence. Savoir qu'ils sont après ses compétences en soin cause une tension visible chez leur interlocutrice, qui accuse le reste des de Montfort de vouloir faire commerce de ses capacités, comme une autre figure vaguement évoquée. Un échange a lieu pour rassurer ou s'expliquer auprès d'elle, évoquant entre autre sa sécurité, ce qui n'a pas l'air de la convaincre. La dénommée Scarla porte son attention sur le duo d'arrivants, les incitant à se présenter ainsi que lesdits problèmes. Le sieur de Vienne prend cette fois les devants, affirmant être là en soutien du Tigre et ne pas être au fait de grand-chose si ce n'est de ses éventuelles capacités curatives. En digne résidente des lieux, elle n'hésite pas à les traiter comme de simples commères, des potiniers venus se rincer l’œil quant à l'origine des rumeurs. Être rabaissé de cette manière déplait visiblement à son compagnon d'infortune, incitant le Félin à ne pas laisser l'atmosphère s'envenimer.
"Voyez-moi plutôt comme un infortuné patient, qui ne sait vers qui se tourner et s'accroche à tout mince espoir de guérison, même ceux qui tendent vers l'improbable. Je suis Huyïn d'Orthel, noble Dame.", dit-il en faisant une légère révérence imitant celle de l'hinïon, puis se lançant dans une justification, l'explicitation de directives particulières pour ancrer son histoire dans ce dangereux contexte voie-hautain. "Un diminutif, car tant que mes circonstances persistent, ma Maison m'a interdit d'employer mon véritable nom. Il lui est plus simple de nier qu'un dénommé 'Huyïn' ait jamais fait partie de ses membres si j'échoue dans ma tentative, ou de prétendre à l'usurpation du patronyme si mon état est découvert. Ce sont d'ailleurs les dernières consignes qui furent données, si je ne m'abuse. Je suis donc contraint de me montrer proactif, si je veux retrouver ma place aux côtés de Sa... De Sieur Salmeck."
Le Woran se redresse et porte sa main à son voile facial, s'apprêtant à le retirer puis marque une hésitation. Il lorgne vers les yeux sombres de leur interlocutrice et abaisse ses doigts.
"Je vais vite en besogne. J'imagine que comme tout praticien, il va vous falloir quelque contexte ou détail afin d'appréhender la situation correctement. ", remarque-t-il avant de poursuivre. "En toute franchise, je pense avoir été la victime accidentelle d'un acte de... De sabotage ? Une attaque au moins, visant le premier d'Orthel. N'étant que récemment arrivé en la Maison dont je porte le nom, je doute avoir eu le temps de froisser quelque Voie-Hautain bien en vue pour mériter une telle... Chose."
Le Tigre serre lentement les poings, imitant un courroux contenu et faisant l'effort de maintenir sa voix à un niveau contrôlé.
"Et il m'est présentement impossible de mener mon investigation dans mon état, car cela attirerait irrémédiablement une attention indésirable. Que ce soit celle du Soleil Noir qui pourrait me mettre au secret pour ne pas affoler les Voies Hautes, ou celle des responsables qui doivent s'étonner qu'aucun nouvel esclandre n'ait encore eu lieu en la propriété d'Orthel. Un nom tellement traîné dans la boue qu'un scandale de plus passerait inaperçu... Terrain d'essai idéal, quand on y songe."
Huyïn prend une audible inspiration irritée puis laisse son souffle couler, s'apaiser, agitant légèrement le tissu de sa coiffe. Lentement, il s'incline de nouveau avec un brin d'humilité.
"Je vous serai infiniment redevable pour toute aide apportée, noble Dame.", dit-il solennellement en se relevant et en attrapant l'extrémité de son voile. "Si tant est qu'il ne soit pas encore trop tard pour agir contre..."
Avec dextérité pour ne pas compromettre le reste de sa coiffe, Huyïn défait son voile facial et l'écarte. Petit à petit, son museau se révèle, sa truffe tiquant légèrement à l'odeur des lieux tandis qu'il rive son regard vert pâle dans celui de leur interlocutrice. Il abat son atout personnel, faisant passer sa nature pour une transformation maligne et forcée, en un monde où nul Woran n'a mis la patte avant lui. Il montre ses crocs, son aspect sauvage et féroce contrastant avec le calme et la clarté du ton employé.
"Ceci."
Il tourne son visage brièvement vers le sieur de Vienne et lui fait un signe de tête reconnaissant, le remerciant implicitement pour le soutien apporté malgré la possible horreur de sa situation. Il met un point d'honneur à 'accidentellement' laisser son faciès défiguré entrer dans le champ de vision de leur guide détenteur de la clé, histoire de donner corps à ce qu'il a raconté. Que l'homme comprenne bien que, malgré son aspect incroyable, son récit est appuyé par une preuve des plus irréfutables.
Son regard félin se dirige ensuite vers la femme répondant au nom de Scarla. Dans cette nouvelle partie de jeu de dupes, c'est à elle d'abattre une carte.
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-16-
À peine la porte donnant sur le salon cossu est-elle rabattue que le sieur Carden les regarde avec une certaine fermeté mais étonnamment de la sincérité. Là où le premier concerné par la rumeur a fini par nier toute implication, ce de Montfort assure qu'il sait leur scepticisme et n'a pas envie de les duper. Les rumeurs ont une base de vérité, chose que les yuiméniens savaient déjà par leur implication avec le tailleur. Contre une promesse de silence au sujet de ce qu'ils s'apprêtent à voir, il compte les mener à une pièce particulière. Le Tigre plisse légèrement les yeux, conforté dans son intuition que leur départ était effectivement une mise en scène, pour pouvoir les conduire ailleurs. La situation fait sourire en coin l'hinïon, qui lui adresse un regard empli de curiosité. Probablement quant à sa décision. Le Woran prend alors la parole, assurant que rien de ce qui sera su dans cette pièce n'en sortira. En tous cas, tant qu'un certain employé de la Maison n'ira pas se montrer indiscret.
La réponse semble satisfaire le seul barbu parmi les maîtres des lieux, qui les guide vers l'étage. En silence, il les mène devant une porte visiblement verrouillée, puisqu'il doit user d'une clé d'or pour faire jouer la serrure. L'endroit dévoilé est une chambre luxueuse, lumineuse, décorée dans les mêmes couleurs que le reste de la propriété. Si Huyïn s'attendait à ce que le sieur Carden les mène dans un lieu plus discret, comme une étude privée pour leur montrer quelque missive ou plans d'accès à ces soigneurs évoqués, il n'avait en revanche pas envisagé que quelqu'un d'autre leur serait présenté. Est-ce là la raison de l'hésitation du majordome plus tôt ? Une femme, aux oreilles en pointe, chauve à la peau claire qui est marquée de stries ou plutôt de dessins argentés et grenats. Détenue dans une cage dorée, en tous les cas. Qui qu'elle soit, elle est de toute évidence maintenue ici.
Elle vient à eux depuis un siège opposé à la porte et s'adresse à leur hôte, le questionnant sur leur identité. Succinctement, leurs noms d'emprunt sont évoqués, ainsi que la raison de leur présence. Savoir qu'ils sont après ses compétences en soin cause une tension visible chez leur interlocutrice, qui accuse le reste des de Montfort de vouloir faire commerce de ses capacités, comme une autre figure vaguement évoquée. Un échange a lieu pour rassurer ou s'expliquer auprès d'elle, évoquant entre autre sa sécurité, ce qui n'a pas l'air de la convaincre. La dénommée Scarla porte son attention sur le duo d'arrivants, les incitant à se présenter ainsi que lesdits problèmes. Le sieur de Vienne prend cette fois les devants, affirmant être là en soutien du Tigre et ne pas être au fait de grand-chose si ce n'est de ses éventuelles capacités curatives. En digne résidente des lieux, elle n'hésite pas à les traiter comme de simples commères, des potiniers venus se rincer l’œil quant à l'origine des rumeurs. Être rabaissé de cette manière déplait visiblement à son compagnon d'infortune, incitant le Félin à ne pas laisser l'atmosphère s'envenimer.
"Voyez-moi plutôt comme un infortuné patient, qui ne sait vers qui se tourner et s'accroche à tout mince espoir de guérison, même ceux qui tendent vers l'improbable. Je suis Huyïn d'Orthel, noble Dame.", dit-il en faisant une légère révérence imitant celle de l'hinïon, puis se lançant dans une justification, l'explicitation de directives particulières pour ancrer son histoire dans ce dangereux contexte voie-hautain. "Un diminutif, car tant que mes circonstances persistent, ma Maison m'a interdit d'employer mon véritable nom. Il lui est plus simple de nier qu'un dénommé 'Huyïn' ait jamais fait partie de ses membres si j'échoue dans ma tentative, ou de prétendre à l'usurpation du patronyme si mon état est découvert. Ce sont d'ailleurs les dernières consignes qui furent données, si je ne m'abuse. Je suis donc contraint de me montrer proactif, si je veux retrouver ma place aux côtés de Sa... De Sieur Salmeck."
Le Woran se redresse et porte sa main à son voile facial, s'apprêtant à le retirer puis marque une hésitation. Il lorgne vers les yeux sombres de leur interlocutrice et abaisse ses doigts.
"Je vais vite en besogne. J'imagine que comme tout praticien, il va vous falloir quelque contexte ou détail afin d'appréhender la situation correctement. ", remarque-t-il avant de poursuivre. "En toute franchise, je pense avoir été la victime accidentelle d'un acte de... De sabotage ? Une attaque au moins, visant le premier d'Orthel. N'étant que récemment arrivé en la Maison dont je porte le nom, je doute avoir eu le temps de froisser quelque Voie-Hautain bien en vue pour mériter une telle... Chose."
Le Tigre serre lentement les poings, imitant un courroux contenu et faisant l'effort de maintenir sa voix à un niveau contrôlé.
"Et il m'est présentement impossible de mener mon investigation dans mon état, car cela attirerait irrémédiablement une attention indésirable. Que ce soit celle du Soleil Noir qui pourrait me mettre au secret pour ne pas affoler les Voies Hautes, ou celle des responsables qui doivent s'étonner qu'aucun nouvel esclandre n'ait encore eu lieu en la propriété d'Orthel. Un nom tellement traîné dans la boue qu'un scandale de plus passerait inaperçu... Terrain d'essai idéal, quand on y songe."
Huyïn prend une audible inspiration irritée puis laisse son souffle couler, s'apaiser, agitant légèrement le tissu de sa coiffe. Lentement, il s'incline de nouveau avec un brin d'humilité.
"Je vous serai infiniment redevable pour toute aide apportée, noble Dame.", dit-il solennellement en se relevant et en attrapant l'extrémité de son voile. "Si tant est qu'il ne soit pas encore trop tard pour agir contre..."
Avec dextérité pour ne pas compromettre le reste de sa coiffe, Huyïn défait son voile facial et l'écarte. Petit à petit, son museau se révèle, sa truffe tiquant légèrement à l'odeur des lieux tandis qu'il rive son regard vert pâle dans celui de leur interlocutrice. Il abat son atout personnel, faisant passer sa nature pour une transformation maligne et forcée, en un monde où nul Woran n'a mis la patte avant lui. Il montre ses crocs, son aspect sauvage et féroce contrastant avec le calme et la clarté du ton employé.
"Ceci."
Il tourne son visage brièvement vers le sieur de Vienne et lui fait un signe de tête reconnaissant, le remerciant implicitement pour le soutien apporté malgré la possible horreur de sa situation. Il met un point d'honneur à 'accidentellement' laisser son faciès défiguré entrer dans le champ de vision de leur guide détenteur de la clé, histoire de donner corps à ce qu'il a raconté. Que l'homme comprenne bien que, malgré son aspect incroyable, son récit est appuyé par une preuve des plus irréfutables.
Son regard félin se dirige ensuite vers la femme répondant au nom de Scarla. Dans cette nouvelle partie de jeu de dupes, c'est à elle d'abattre une carte.
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Modifié en dernier par Huyïn le mar. 19 nov. 2024 19:50, modifié 1 fois.
- Cromax
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Re: Les Voies Hautes
La Cité des Ombres
Les Voies Hautes
Les Voies Hautes
Jour 1 – fin d’après-midi.
Le temps semble s’être arrêté dans la pièce. Derrière le duo de Yuimenien, Carden s’est plaqué malgré lui contre le pan de la porte, le cognant maladroitement et sonorement, dos à celle-ci, main dans le dos sur la poignée, prêt à fuir. Il reste néanmoins muet, n’intervenant qu’en jetant un regard à la demoiselle que nul autre ne peut voir.
Scarla, elle, semble ne pas réagir directement à l’apparence du woran sombre. En tout cas pas vivement. Elle l’observe, sans émotion sur le visage. Elle l’analyse, de sa place, pendant plusieurs longues secondes avant de lever un sourcil circonspect.
“Vous avez effectivement mauvaise mine. Ne vous arrive-t-il donc jamais de vous raser ?”
Elle s’approche sans plus d’hésitation de la “bête” face à elle. Sans brusquerie, mais avec une assurance notable, elle pose une main sur le côté de la tête de ce dernier, passant ses doigts fins dans les poils sombres. Elle en perçoit les formes : mâchoire, museau, forme des orbite, oreilles. Elle se presse même à un moment de soulever la babine droite de l’humanoïde félin pour mirer ses canines acérées. Un trouble voile son regard. Naral intervient d’un ton qui se veut rassurant. Si tant est qu’il puisse l’être.
“N’ayez crainte, demoiselle. Il n’a jamais mordu la main de quiconque. Pour l’instant du moins… Hihihi.”
Elle lui jette un regard plein d’affliction et se concentre à nouveau sur Huyïn, récupérant sa main et laissant le visage du chat tranquille.
“Je ne le crains pas. Je déplore juste qu’il veuille se séparer de cette apparence.”
Elle plonge ses yeux dans le regard d’Huyïn (ou-quel-que-soit-son-nom) d’Orthel.
“Qu’avez-vous à reprocher à vos traits, sinon qu’ils sont inhabituels ? Je ne les trouve en rien disgrâcieux. Et ils n’ont pas l’air d’avoir comme origine une blessure ou une maladie. Rien à… soigner, en d’autres termes.”
Elle plisse le regard.
“Il me serait d’autant plus déplaisant que ce soit pour la sotte raison de complaire le désir de Salmeck d’Orthel, qui porte à merveille son prénom. Je préférerais aider un rescapé des Tréfonds que de lui prêter la moindre faveur.”
Cedran intervient d’une voix ferme :
“Restez à votre place, cadette de Montfort. Ma tendresse pour vous a ses limites.”
Elle le fusille du regard.
“Si mes propos ne vous plaisent guère, rien ne vous retient ici, cher aïeul.”
Carden maugrée, mais obtempère à l’ordre sous-entendu et quitte la pièce, refermant la porte derrière lui. Sans doute soulagé de n’être plus en présence de l’homme-chat. Scarla se concentre à nouveau sur Huyïn, regard perçant.
“Reprenons. Je parlais… des Tréfonds. Les seuls êtres dont j’ai été témoin d’une transformation si nette sont ceux des Bouges qui habitent si bas que l’influence des Tréfonds les changent. Êtes-vous de ceux-là ? Vous n’êtes pas sans savoir les accointances de Salmeck avec la cité inférieure, j’imagine… Vous a-t-il fait monter ? Et où la Maison de Vienne intervient-elle dans cette affaire ? Le vieux aurait-il des remords sur ses fils perdus ?”
Naral se fige, commentant dans la panique, mais gardant visage posé :
“Il ne m’appartient pas de répondre à cela. Le Sire Elidar sait parler de lui-même mieux que je ne le ferais.”
Scarla devient silencieuse, observant ses deux invités.
[HJ : Allons, si tu le souhaites, sur un aparté discord.]
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- Huyïn
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Re: Les Voies Hautes
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Le Woran savait que la révélation de son faciès aurait des conséquences, mais pas que la plus forte réaction viendrait de leur hôte qui recule et cogne la porte de façon audible. En revanche, la jeune femme l'observe avec un calme analytique avant de faire un trait d'humour sur sa mine et son incapacité à se raser. Huyïn ne bouge pas quand la main de celle-ci se pose contre son visage, pressant doucement pour déterminer ses traits. Le Tigre n'apprécie pas spécialement le traitement et demeure stoïque, ne faisant aucun effort pour se mettre davantage à portée quand elle cherche à attraper l'une de ses oreilles. Il plisse en revanche les yeux au geste indélicat de soulever sa babine pour observer ses canines. Cela n'a beau pas être la première fois que la chose lui arrive, cela reste désagréable. Fort heureusement, son voisin intervient à l'aide de paroles légères, rassurantes quant au fait qu'il n'a jamais mordu quiconque, jusqu'ici. Après un léger souffle, elle déplore que le Tigre veuille se défaire d'une telle apparence et assure malheureusement qu'il n'y a ni blessure ni maladie à soigner. Elle n'est visiblement pas ravie à l'idée que ce soit là une idée de Salmeck, et que le Tigre ne fasse que complaire au souhait de ce dernier.
Un échange sec a lieu entre elle et le Sieur Carden, après que la demoiselle ait décrété préférer aider un rescapé des Tréfonds que le premier des d'Orthel, et qui pousse le barbu à quitter les lieux. Une fois seuls avec elle, les yuiméniens apprennent que des transformations de cet acabit arrivent aux ressortissants des Bouges les plus proches des Tréfonds, qui en subissent l'influence. La chose interpelle le Félin, car si une telle interaction se fait sans intervention physique, alors par élimination c'est de la magie qui doit en être responsable. Scarla interroge sur son origine mais aussi quant à l'implication de la Maison de Vienne dans cette affaire. Le Sieur Naral tente de dévier le sujet, incitant Huyïn à continuer de noyer le poisson.
"Vous ne reprochez rien à mes traits, mais voyez ? J'ai pris le temps de décrire, de prévenir, et cela n'a pas empêché la réaction épidermique de votre parent. Alors imaginez celle de ceux qui n'auront pas eu vent du contexte au préalable.", dit-il avant de désigner Naral du chef et d'enchaîner. "Ce n'est pas sa Maison qui est impliquée, c'est lui-même..."
Il explique que Naral n'a, comme elle, pas pris peur en dépit des circonstances et brode une petite histoire indiquant que les deux individus sont arrivés à peu près à la même période sur les Voies Hautes. Ils auraient sympathisé à cause de similitudes physiques qui aurait pu faire croire à une parenté. À cela, le Sieur de Vienne s'insurge.
"Passer pour la même fratrie ? Si ce n'est l’excentricité capillaire, nous n'avons rien en commun sinon le respect que je vous porte. Je ne doute en aucune manière de mon origine céleste."
"Ne suis-je pas en droit de vous taquiner un peu à mon tour, Sieur de Vienne ? Ne redoutez rien, cela restera sans conséquences durables. Je n'ai jamais mordu personne, après tout.", réplique-t-il, recevant un souffle de son compagnon d'infortune puis reportant son attention sur leur interlocutrice. "Quant au reste de vos questions... Ma mémoire est constellée de... De vides, de flous. J'ai du mal à me rappeler de cet 'avant' des Voies Hautes. Croyez-vous... Mmh... Que je puisse effectivement être issu des Bouges, et que... Quelque chose ici aurait déclenché ce... Potentiel latent ?"
"Ça, ou un sale tour des Surfaciens. Ils sont capables des pires cruautés.", commence-t-elle avant de revenir sur ses propos concernant son apparence. "La réaction des autres ne doit ni vous offenser ni vous faire peur : servez-vous en comme d'une arme. Comme d'un signe d'exception, à la fois intimidant et charmeur. Unique. Et donc précieux.", fait-elle puis elle répond à sa question timide. "Quant à avoir déclenché votre arrivée des Bouges, si c'est bien le cas... On dit d'Orthel que c'est un sorcier. Peut être l'y serviez-vous ? Lui seul pourrait répondre. À moins de retourner dans la ville basse.", suggère-t-elle avant de prendre une expression particulièrement intéressée. ""Et si un jour tel est votre objectif, emmenez moi avec vous. Que ces vieillards réfractaires ne pensent plus pouvoir me laisser enfermée ici contre mon gré."
"Avant d'élaborer des projets sur cette... Opportunité... Je préférerais mieux la comprendre. Dans quoi m'embarquerais-je s'il s'agit d'une affliction temporaire, n'est-ce pas ? Je doute toutefois que le Sieur Salmeck me soit d'une grande aide. Il... Il ne m'aurait pas laissé sans soutien si...", commence-t-il avant de croiser les bras, pensif. "Hm... La ville basse, les Bouges... Ils semblent détenir nombre de réponses. Mais s'ils sont censés m'être familiers, ils sont actuellement nappés de brume. Que pouvez-vous m'en dire ? Cela ravivera peut-être des souvenirs."
"Rien. Les Bouges se vivent, ne se décrivent pas. Sachez juste que l'hypocrisie de la ville haute n'existe pas là-bas. Tout y semble irréel, mais tout y est pourtant irrémédiablement ancré dans le réel le plus cru et sauvage qui puisse être. Les êtres, les lieux, les sens..."
Le Tigre commente alors le fait que ce portrait semble indiquer à quel point la Dame de Montfort se languit des lieux, ce qu'elle confirme rapidement. Avec aplomb, elle rétorque qu'à la question posée, elle a répondu avec sincérité. Et qu'il n'est pas difficile d'imaginer son impatience à recouvrer sa liberté. La chose fait se tenir le Tigre de façon pensive encore une fois. Après de longs instants, il se tourne vers l'hinïon.
"Les choses semblent se préciser concernant mes difficultés, Sieur de Vienne. Mes pistes sont minces, certaines menant à d'évidentes impasses. Aucun de mes objectifs ne sera atteint dans les Voies Hautes, pour le moment. Pas avant d'avoir obtenu le fin mot de toute cette histoire. Mais cela implique de...", hésite-t-il avant de poursuivre. "Froisser nos hôtes, et de façon irrémédiable, je suppose. Je comprendrais votre réticence à aller... Plus loin.", précise-t-il en indiquant clairement le sol et les voies inférieures.
"Nulle réticence lorsque nos objectifs coïncident avec les désirs d'une si charmante demoiselle. Hihi."
Tourné dans sa direction, le Félin ne peut que s'apercevoir que le Sieur Naral lance sur la jeune femme un regard appuyé, mais pas dans un sens dangereux... Le reste de son visage se fait avenant, charmant, changeant son regard en quelque chose de presque... Séducteur ? Que cherche-t-il donc à faire ? Séduire cette jeune femme sans tenir compte des circonstances ? Dans quel but ? Le côté franc et noble de la demoiselle l'aurait-il à ce point attiré ? Il n'a pas jeté ne serait-ce qu'un second regard sur la fille du tailleur, mais cette jeune personne issue d'une famille influente serait à son goût ? Décidément, malgré le temps passé auprès des autres races, certaines subtilités lui échappent grandement. D'autant que la jeune Scarla ne semble pas du tout réagir à sa tentative.
"Alors vous devrez trouver un moyen de me faire sortir d'ici. Carden vous cédera volontiers la clé, il me soutient. Mais il faudra créer une diversion solide pour les deux autres. Et sans les sous estimer. Cirick est un vrai futé, on ne le trompe pas aisément. Et la rage de Cedran pour me maintenir ici sous sa 'protection' et son 'amour paternel' est puissante.", explique-t-elle avant de soupirer. "Carden ne doit pas être explicitement impliqué. Il faudra trouver un alibi. Et si les doutes reposent sur vous, vos maisons respectives devront en payer les conséquences. Mais vous aurez une guide sûre dans les Bouges. A vous de choisir."
Là encore, à la limite de son champ de vision, Huyïn aperçoit son compagnon yuiménien réagir. En blêmissant, mais difficile de définir la cause exacte de ce changement de couleur. La froideur de dame Scarla à sa tentative ? L'ampleur de la tâche pour obtenir son aide ? Le débit de paroles dont elle a été capable ? Le Félin n'y prête pas plus attention, commençant à suggérer des plans. Que la jeune femme quitte les lieux en se drapant avec les affaires du Félin, proposition balayée d'une réponse sans appel, indiquant qu'il ne serait pas en mesure de partir, lui. Et que cela impliquerait irrémédiablement les Maisons des visiteurs. Le Tigre a du mal à voir comment sa forme féline dépourvue du moindre atour pourrait suggérer une appartenance aux d'Orthel, mais il est vrai que le Sieur Carden ayant vu son visage, il ferait inévitablement le lien. Et pourrait se sentir en devoir d'en faire mention à ses frères. De même, patienter avec elle jusqu'au retrait des uns et des autres dans leurs quartiers respectifs serait impossible car le détenteur de la clé ne laisserait pas faire. Cela pourrait faire connaître sa trahison aux autres maîtres des lieux.
Dame Scarla suggère que vue la taille de la demeure, il serait possible d'éviter les occupants. Huyïn prend pour acquis le fait que la clé puisse être donnée sans difficulté et s'enquiert de la présence de passages de domestiques, tels des couloirs dissimulés pour le service et mettant le petit personnel hors de vue rapidement. La réponse est négative, tout comme le fait que Sieur Carden doit être convaincu pour céder la clé. Entre une légère aigreur d'estomac et un bref élan de lassitude, le Tigre porte lentement la main au coin de ses yeux. Il exprime sans détour sa confusion, car l'oncle la soutenant leur cédera aisément la clé mais il faut pourtant le convaincre ? Qu'il ne faut pas l'impliquer mais qu'il doit participer néanmoins ? Sans parler du fait qu'elle refuse que les tensions s'aggravent dans sa famille quand celles-ci sont déjà nées de rumeurs lourdes qui les ont conduits jusqu'à elle ? Le Félin lui demande alors ce à quoi elle pense. Peut-être que demander la création d'un conflit en rapport avec toutes les rumeurs évoquées et le fait d'antagoniser leurs visiteurs suffirait à détourner l'attention ? À sa suggestion, Dame Scarla pousse un soupir. Elle prend une longue inspiration puis prend le temps de poser les choses.
"Carden tient trop à moi pour me restreindre. Physiquement ou via mes pouvoirs. Il vous cédera sans peine la clé de ma chambre si vous lui assurez que mon évasion ne sera pas liée à lui. Et si vous promettez de me garder en la cité supérieure. Il n'a aucune idée de la source de mes pouvoirs, et elle se trouve au cœur du quartier Rouge, au sein du Clan Carmin. Mon clan.", commence la jeune femme, marquant un temps d'arrêt et prenant une autre inspiration pour continuer. "Mes pères ne vous ont pas attendu pour se déchirer à mon propos. Carden dit vouloir l'épanouissement de mes pouvoirs sans y comprendre goutte. Cedran est surprotecteur et assure devoir me protéger à tout prix, même de moi-même. Quant à Cirick, il ne croit guère en moi et déplore surtout les moyens mis en œuvre pour me retrouver et faire revenir ici."
La jeune personne secoue la tête.
"La première étape serait de convaincre Carden. La seconde, de fuir sans l'impliquer ni nous faire remarquer. Une nouvelle confrontation ouverte artificiellement leur mettrait la puce à l'oreille. Ils sont malins. Et ils ne s'y laisseront en rien aller alors que vous êtes en ces murs.", déclare-t-elle. "Ils n'ont cure des rumeurs, quoiqu'ils laissent paraître. Ils connaissent bien trop les jeux de serpents de la Haute pour ne pas y être mêlés. Les de Monfort sont assez puissants pour ne pas choir pour de telles choses. Mais ils le laissent croire, pour découvrir leurs ennemis."
Elle conclut en leur demandant de trouver une solution pour la faire sortir d'ici, mais surtout que cela se fasse avec discrétion et qu'ils aient le temps de rallier la Cité inférieure avant que l'ensemble de la soldatesque soit lancée à leurs trousses. Huyïn demeure quelque peu dubitatif, ses idées ayant jusque-là été réfutées sans ménagement. C'est alors que le Sieur de Vienne intervient.
"Un enlèvement. Cette nuit. L'ombre nous masquera. Ils ne verront rien. Et nul ne pourra se dresser sur notre passage. Arrangez vous vous-même pour obtenir cette clé. Je me charge du reste avec Huyïn. Qu'en dites vous ?"
Au regard que l'elfe lui lance, le Félin demeure un instant coi. Ses paroles ont quelque chose de mystérieux, un sous-entendu dont le Tigre devine la présence sans pour autant parvenir à l'identifier.
"Vous me semblez particulièrement inspiré. Quoi que vous ayez en tête, mon soutien vous est acquis.", affirme le Woran avec aplomb et conviction.
"Alors nous ferons comme ça."
"Je n'aime pas ne pas contrôler le moindre aspect d'un plan. Je veux bien vous faire confiance, mais si vous vous faites prendre, je me désolidarise de vous entièrement."
D'un tacite accord, les deux yuiméniens font un signe du chef aux paroles de la jeune de Montfort. L'elfe à la crinière violette se tourne brièvement vers lui.
"Autre chose ? Pas de regret ?"
Huyïn prend une brève inspiration en rendant son regard à son compagnon de voyage.
"Nous savons tous deux que nulle paix n'est éternelle... Et je ne peux sans doute pas offrir mieux que ce que vous envisagez... Si, toutefois, il est une dernière chose que je souhaite ajouter.", dit-il, attrapant son voile avec dextérité. "C'est qu'une fois ma décision prise, je ne la regrette jamais.", confirme-t-il, rajustant ensuite sa coiffe et le tissu sur son museau.
"Bien. Nous interviendrons après la tombée de la nuit.", conclut l'hinïon avec un regard qui ne trompe pas son Woran. C'est celui, grandement familier, d'un prédateur.
"J'aurai la clé. Allez, maintenant. Et dites que je n'ai pas pu vous aider.", répond à son tour leur future victime d'enlèvement.
Le Sieur Naral se dirigeant vers la sortie, le Tigre adresse un léger signe du chef à Dame Scarla puis lui emboîte le pas. S'il ignore ce que l'elfe a en tête, Huyïn sait en revanche que ce dernier ne lance pas de paroles en l'air. S'il a suggéré cette voie, c'est qu'il a les moyens de la concrétiser. Derrière lui, le Félin plisse les yeux avec curiosité et un intérêt croissant.
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Le Woran savait que la révélation de son faciès aurait des conséquences, mais pas que la plus forte réaction viendrait de leur hôte qui recule et cogne la porte de façon audible. En revanche, la jeune femme l'observe avec un calme analytique avant de faire un trait d'humour sur sa mine et son incapacité à se raser. Huyïn ne bouge pas quand la main de celle-ci se pose contre son visage, pressant doucement pour déterminer ses traits. Le Tigre n'apprécie pas spécialement le traitement et demeure stoïque, ne faisant aucun effort pour se mettre davantage à portée quand elle cherche à attraper l'une de ses oreilles. Il plisse en revanche les yeux au geste indélicat de soulever sa babine pour observer ses canines. Cela n'a beau pas être la première fois que la chose lui arrive, cela reste désagréable. Fort heureusement, son voisin intervient à l'aide de paroles légères, rassurantes quant au fait qu'il n'a jamais mordu quiconque, jusqu'ici. Après un léger souffle, elle déplore que le Tigre veuille se défaire d'une telle apparence et assure malheureusement qu'il n'y a ni blessure ni maladie à soigner. Elle n'est visiblement pas ravie à l'idée que ce soit là une idée de Salmeck, et que le Tigre ne fasse que complaire au souhait de ce dernier.
Un échange sec a lieu entre elle et le Sieur Carden, après que la demoiselle ait décrété préférer aider un rescapé des Tréfonds que le premier des d'Orthel, et qui pousse le barbu à quitter les lieux. Une fois seuls avec elle, les yuiméniens apprennent que des transformations de cet acabit arrivent aux ressortissants des Bouges les plus proches des Tréfonds, qui en subissent l'influence. La chose interpelle le Félin, car si une telle interaction se fait sans intervention physique, alors par élimination c'est de la magie qui doit en être responsable. Scarla interroge sur son origine mais aussi quant à l'implication de la Maison de Vienne dans cette affaire. Le Sieur Naral tente de dévier le sujet, incitant Huyïn à continuer de noyer le poisson.
"Vous ne reprochez rien à mes traits, mais voyez ? J'ai pris le temps de décrire, de prévenir, et cela n'a pas empêché la réaction épidermique de votre parent. Alors imaginez celle de ceux qui n'auront pas eu vent du contexte au préalable.", dit-il avant de désigner Naral du chef et d'enchaîner. "Ce n'est pas sa Maison qui est impliquée, c'est lui-même..."
Il explique que Naral n'a, comme elle, pas pris peur en dépit des circonstances et brode une petite histoire indiquant que les deux individus sont arrivés à peu près à la même période sur les Voies Hautes. Ils auraient sympathisé à cause de similitudes physiques qui aurait pu faire croire à une parenté. À cela, le Sieur de Vienne s'insurge.
"Passer pour la même fratrie ? Si ce n'est l’excentricité capillaire, nous n'avons rien en commun sinon le respect que je vous porte. Je ne doute en aucune manière de mon origine céleste."
"Ne suis-je pas en droit de vous taquiner un peu à mon tour, Sieur de Vienne ? Ne redoutez rien, cela restera sans conséquences durables. Je n'ai jamais mordu personne, après tout.", réplique-t-il, recevant un souffle de son compagnon d'infortune puis reportant son attention sur leur interlocutrice. "Quant au reste de vos questions... Ma mémoire est constellée de... De vides, de flous. J'ai du mal à me rappeler de cet 'avant' des Voies Hautes. Croyez-vous... Mmh... Que je puisse effectivement être issu des Bouges, et que... Quelque chose ici aurait déclenché ce... Potentiel latent ?"
"Ça, ou un sale tour des Surfaciens. Ils sont capables des pires cruautés.", commence-t-elle avant de revenir sur ses propos concernant son apparence. "La réaction des autres ne doit ni vous offenser ni vous faire peur : servez-vous en comme d'une arme. Comme d'un signe d'exception, à la fois intimidant et charmeur. Unique. Et donc précieux.", fait-elle puis elle répond à sa question timide. "Quant à avoir déclenché votre arrivée des Bouges, si c'est bien le cas... On dit d'Orthel que c'est un sorcier. Peut être l'y serviez-vous ? Lui seul pourrait répondre. À moins de retourner dans la ville basse.", suggère-t-elle avant de prendre une expression particulièrement intéressée. ""Et si un jour tel est votre objectif, emmenez moi avec vous. Que ces vieillards réfractaires ne pensent plus pouvoir me laisser enfermée ici contre mon gré."
"Avant d'élaborer des projets sur cette... Opportunité... Je préférerais mieux la comprendre. Dans quoi m'embarquerais-je s'il s'agit d'une affliction temporaire, n'est-ce pas ? Je doute toutefois que le Sieur Salmeck me soit d'une grande aide. Il... Il ne m'aurait pas laissé sans soutien si...", commence-t-il avant de croiser les bras, pensif. "Hm... La ville basse, les Bouges... Ils semblent détenir nombre de réponses. Mais s'ils sont censés m'être familiers, ils sont actuellement nappés de brume. Que pouvez-vous m'en dire ? Cela ravivera peut-être des souvenirs."
"Rien. Les Bouges se vivent, ne se décrivent pas. Sachez juste que l'hypocrisie de la ville haute n'existe pas là-bas. Tout y semble irréel, mais tout y est pourtant irrémédiablement ancré dans le réel le plus cru et sauvage qui puisse être. Les êtres, les lieux, les sens..."
Le Tigre commente alors le fait que ce portrait semble indiquer à quel point la Dame de Montfort se languit des lieux, ce qu'elle confirme rapidement. Avec aplomb, elle rétorque qu'à la question posée, elle a répondu avec sincérité. Et qu'il n'est pas difficile d'imaginer son impatience à recouvrer sa liberté. La chose fait se tenir le Tigre de façon pensive encore une fois. Après de longs instants, il se tourne vers l'hinïon.
"Les choses semblent se préciser concernant mes difficultés, Sieur de Vienne. Mes pistes sont minces, certaines menant à d'évidentes impasses. Aucun de mes objectifs ne sera atteint dans les Voies Hautes, pour le moment. Pas avant d'avoir obtenu le fin mot de toute cette histoire. Mais cela implique de...", hésite-t-il avant de poursuivre. "Froisser nos hôtes, et de façon irrémédiable, je suppose. Je comprendrais votre réticence à aller... Plus loin.", précise-t-il en indiquant clairement le sol et les voies inférieures.
"Nulle réticence lorsque nos objectifs coïncident avec les désirs d'une si charmante demoiselle. Hihi."
Tourné dans sa direction, le Félin ne peut que s'apercevoir que le Sieur Naral lance sur la jeune femme un regard appuyé, mais pas dans un sens dangereux... Le reste de son visage se fait avenant, charmant, changeant son regard en quelque chose de presque... Séducteur ? Que cherche-t-il donc à faire ? Séduire cette jeune femme sans tenir compte des circonstances ? Dans quel but ? Le côté franc et noble de la demoiselle l'aurait-il à ce point attiré ? Il n'a pas jeté ne serait-ce qu'un second regard sur la fille du tailleur, mais cette jeune personne issue d'une famille influente serait à son goût ? Décidément, malgré le temps passé auprès des autres races, certaines subtilités lui échappent grandement. D'autant que la jeune Scarla ne semble pas du tout réagir à sa tentative.
"Alors vous devrez trouver un moyen de me faire sortir d'ici. Carden vous cédera volontiers la clé, il me soutient. Mais il faudra créer une diversion solide pour les deux autres. Et sans les sous estimer. Cirick est un vrai futé, on ne le trompe pas aisément. Et la rage de Cedran pour me maintenir ici sous sa 'protection' et son 'amour paternel' est puissante.", explique-t-elle avant de soupirer. "Carden ne doit pas être explicitement impliqué. Il faudra trouver un alibi. Et si les doutes reposent sur vous, vos maisons respectives devront en payer les conséquences. Mais vous aurez une guide sûre dans les Bouges. A vous de choisir."
Là encore, à la limite de son champ de vision, Huyïn aperçoit son compagnon yuiménien réagir. En blêmissant, mais difficile de définir la cause exacte de ce changement de couleur. La froideur de dame Scarla à sa tentative ? L'ampleur de la tâche pour obtenir son aide ? Le débit de paroles dont elle a été capable ? Le Félin n'y prête pas plus attention, commençant à suggérer des plans. Que la jeune femme quitte les lieux en se drapant avec les affaires du Félin, proposition balayée d'une réponse sans appel, indiquant qu'il ne serait pas en mesure de partir, lui. Et que cela impliquerait irrémédiablement les Maisons des visiteurs. Le Tigre a du mal à voir comment sa forme féline dépourvue du moindre atour pourrait suggérer une appartenance aux d'Orthel, mais il est vrai que le Sieur Carden ayant vu son visage, il ferait inévitablement le lien. Et pourrait se sentir en devoir d'en faire mention à ses frères. De même, patienter avec elle jusqu'au retrait des uns et des autres dans leurs quartiers respectifs serait impossible car le détenteur de la clé ne laisserait pas faire. Cela pourrait faire connaître sa trahison aux autres maîtres des lieux.
Dame Scarla suggère que vue la taille de la demeure, il serait possible d'éviter les occupants. Huyïn prend pour acquis le fait que la clé puisse être donnée sans difficulté et s'enquiert de la présence de passages de domestiques, tels des couloirs dissimulés pour le service et mettant le petit personnel hors de vue rapidement. La réponse est négative, tout comme le fait que Sieur Carden doit être convaincu pour céder la clé. Entre une légère aigreur d'estomac et un bref élan de lassitude, le Tigre porte lentement la main au coin de ses yeux. Il exprime sans détour sa confusion, car l'oncle la soutenant leur cédera aisément la clé mais il faut pourtant le convaincre ? Qu'il ne faut pas l'impliquer mais qu'il doit participer néanmoins ? Sans parler du fait qu'elle refuse que les tensions s'aggravent dans sa famille quand celles-ci sont déjà nées de rumeurs lourdes qui les ont conduits jusqu'à elle ? Le Félin lui demande alors ce à quoi elle pense. Peut-être que demander la création d'un conflit en rapport avec toutes les rumeurs évoquées et le fait d'antagoniser leurs visiteurs suffirait à détourner l'attention ? À sa suggestion, Dame Scarla pousse un soupir. Elle prend une longue inspiration puis prend le temps de poser les choses.
"Carden tient trop à moi pour me restreindre. Physiquement ou via mes pouvoirs. Il vous cédera sans peine la clé de ma chambre si vous lui assurez que mon évasion ne sera pas liée à lui. Et si vous promettez de me garder en la cité supérieure. Il n'a aucune idée de la source de mes pouvoirs, et elle se trouve au cœur du quartier Rouge, au sein du Clan Carmin. Mon clan.", commence la jeune femme, marquant un temps d'arrêt et prenant une autre inspiration pour continuer. "Mes pères ne vous ont pas attendu pour se déchirer à mon propos. Carden dit vouloir l'épanouissement de mes pouvoirs sans y comprendre goutte. Cedran est surprotecteur et assure devoir me protéger à tout prix, même de moi-même. Quant à Cirick, il ne croit guère en moi et déplore surtout les moyens mis en œuvre pour me retrouver et faire revenir ici."
La jeune personne secoue la tête.
"La première étape serait de convaincre Carden. La seconde, de fuir sans l'impliquer ni nous faire remarquer. Une nouvelle confrontation ouverte artificiellement leur mettrait la puce à l'oreille. Ils sont malins. Et ils ne s'y laisseront en rien aller alors que vous êtes en ces murs.", déclare-t-elle. "Ils n'ont cure des rumeurs, quoiqu'ils laissent paraître. Ils connaissent bien trop les jeux de serpents de la Haute pour ne pas y être mêlés. Les de Monfort sont assez puissants pour ne pas choir pour de telles choses. Mais ils le laissent croire, pour découvrir leurs ennemis."
Elle conclut en leur demandant de trouver une solution pour la faire sortir d'ici, mais surtout que cela se fasse avec discrétion et qu'ils aient le temps de rallier la Cité inférieure avant que l'ensemble de la soldatesque soit lancée à leurs trousses. Huyïn demeure quelque peu dubitatif, ses idées ayant jusque-là été réfutées sans ménagement. C'est alors que le Sieur de Vienne intervient.
"Un enlèvement. Cette nuit. L'ombre nous masquera. Ils ne verront rien. Et nul ne pourra se dresser sur notre passage. Arrangez vous vous-même pour obtenir cette clé. Je me charge du reste avec Huyïn. Qu'en dites vous ?"
Au regard que l'elfe lui lance, le Félin demeure un instant coi. Ses paroles ont quelque chose de mystérieux, un sous-entendu dont le Tigre devine la présence sans pour autant parvenir à l'identifier.
"Vous me semblez particulièrement inspiré. Quoi que vous ayez en tête, mon soutien vous est acquis.", affirme le Woran avec aplomb et conviction.
"Alors nous ferons comme ça."
"Je n'aime pas ne pas contrôler le moindre aspect d'un plan. Je veux bien vous faire confiance, mais si vous vous faites prendre, je me désolidarise de vous entièrement."
D'un tacite accord, les deux yuiméniens font un signe du chef aux paroles de la jeune de Montfort. L'elfe à la crinière violette se tourne brièvement vers lui.
"Autre chose ? Pas de regret ?"
Huyïn prend une brève inspiration en rendant son regard à son compagnon de voyage.
"Nous savons tous deux que nulle paix n'est éternelle... Et je ne peux sans doute pas offrir mieux que ce que vous envisagez... Si, toutefois, il est une dernière chose que je souhaite ajouter.", dit-il, attrapant son voile avec dextérité. "C'est qu'une fois ma décision prise, je ne la regrette jamais.", confirme-t-il, rajustant ensuite sa coiffe et le tissu sur son museau.
"Bien. Nous interviendrons après la tombée de la nuit.", conclut l'hinïon avec un regard qui ne trompe pas son Woran. C'est celui, grandement familier, d'un prédateur.
"J'aurai la clé. Allez, maintenant. Et dites que je n'ai pas pu vous aider.", répond à son tour leur future victime d'enlèvement.
Le Sieur Naral se dirigeant vers la sortie, le Tigre adresse un léger signe du chef à Dame Scarla puis lui emboîte le pas. S'il ignore ce que l'elfe a en tête, Huyïn sait en revanche que ce dernier ne lance pas de paroles en l'air. S'il a suggéré cette voie, c'est qu'il a les moyens de la concrétiser. Derrière lui, le Félin plisse les yeux avec curiosité et un intérêt croissant.
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Modifié en dernier par Huyïn le mar. 26 nov. 2024 20:22, modifié 1 fois.
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Re: Les Voies Hautes
La Cité des Ombres
Les Voies Hautes
Les Voies Hautes
Jour 1 – fin d’après-midi.
Le duo de yuimeniens est raccompagné à l’entrée, discrètement, par un Carden silencieux. Nul doute qu’il attend de demander le compte-rendu de tout ceci à Scarla plutôt qu’à ces deux têtes nouvelles dans la Haute sphère des Voies nobles d’Ashaar. Une fois à l’extérieur, Naral fait plusieurs pas pour bien s’éloigner de la maison sans dire un mot, puis s’arrête, lui octroie un regard analytique et rabaisse ses yeux d’or sur le chat.
« Nous avons un peu de temps à tuer avant d’œuvrer à sa libération. Même si… j’ignore comment l’on saura que la nuit est tombée, dans une cité souterraine. »
Il s’éclaircit la gorge, ennuyé par son aveu. Puis reprend la parole.
« Que diriez-vous d’aller nous enquérir de votre « père », ce Salmeck d’Orthel. S’il est véritablement lié à la Cité Inférieure et à ses puissances occultes, peut-être cela nous ferait un plan secondaire si celui-ci échoue ? »
Il regarde les alentours.
« Enfin, si nous arrivons à trouver la maison en question. Vous aviez peut-être une autre idée en tête ? »
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- Huyïn
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Re: Les Voies Hautes
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Les deux nouveaux venus sont raccompagnés par un Carden silencieux, et avec discrétion. Une fois dehors, l'elfe aux cheveux mauves s'éloigne des lieux à une allure maîtrisée et demeure également silencieux jusqu'à ce que la distance entre eux et la demeure soit suffisante. Là seulement il s'adresse à lui, indiquant qu'ils ont du temps devant eux avant de devoir s'atteler à la libération de la jeune femme. Il surprend le Félin en avouant ne pas savoir comment discerner la venue de la nuit dans une cité souterraine, chose qu'il masque vite derrière un léger éclaircissement de gorge. Il poursuit rapidement, suggérant d'aller voir le "père" du Tigre, Salmeck d'Orthel et rappelant que s'il a effectivement des liens avec la Cité Inférieure, cela leur offrira une option de secours en cas d'échec. Le plus problématique pour y parvenir restant de trouver la demeure aux couleurs portées par le Woran. Ce dernier regarde en l'air puis partage son hypothèse : puisque la notion de Jour du Don existe, c'est que les locaux doivent avoir un moyen de distinguer les périodes. Variation de la luminosité ambiante ? Indication sonore ? L'hinïon pense également que quelque chose l'indiquera, ou tout du moins l'espère-t-il.
Le Tigre revient ensuite sur l'idée d'aller voir son 'parent', le percevant comme quelque chose de judicieux et que si le nom est récent, les chances sont grandes que la propriété se trouve dans le niveau des Voies Hautes que la bulle n'a pas daigné desservir. Il suggère de chercher un accès en ce sens. Le Sieur Shaam intervient avec sarcasme, indiquant que la Maison d'Orthel est effectivement probablement dans le bas des Voies Hautes, possiblement dans une cabane en bois. Le Tigre ne relève pas la chose, se contentant d'ajouter que cette recherche occupera leur temps. Il plisse les yeux avec amusement.
"En meublant éventuellement le silence grâce à... Vos impressions sur cette audacieuse Demoiselle ?"
"Elle me plait. Elle est audacieuse et bornée. Mais je ne sais encore s'il faut lui faire une confiance aveugle. N'oublions pas que, comme nous, elle se sert de nous pour ses propres objectifs. Une fois ceux-ci accomplis, rien ne dit qu'elle ne nous tournera pas le dos. Et si elle est aussi rude que la Cité Basse qu'elle décrit, ça ne voudra rien dire de bon pour nous. Hihihi."
Les deux yuiméniens reprennent la route à allure tranquille, continuant de converser tout en se dirigeant vers l'appareil de transport.
"J'appuie votre prudence concernant cette Demoiselle, car elle est en quelque sorte... Enfant des deux cités. D'ailleurs, je me demande comment cela est arrivé... Tout comme ce qu'elle a voulu dire en mentionnant que l'origine de ses capacités se trouve... Là-bas."
"Nous aurons l'occasion de lui demander. Nous verrons si elle est si... sincère et franche qu'elle le dit.", répond-il avant de prendre un air amusé. "Et... Vous n'êtes pas curieux de mon plan pour ce soir ? Vous savez que je compte y impliquer de la magie, n'est-ce pas ? Je n'ai vu aucun membre de cet Ordre en armure noire, ici."
À ce détail, le Woran lorgne en direction de quelques façades proches. Il est vrai qu'il n'a pas remarqué d'escouades ou de patrouilles au blason de l'Ordre dans les environs. Serait-ce parce que les différents familles disposent de leur propre service de protection ? Ou est-ce parce tous sont persuadés que jamais le moindre trouble ne pourra prendre place à ce niveau difficile d'accès ? Huyïn jette un bref regard à son voisin.
"Vos paroles m'ont donné quelque indice en ce sens. Il est évident que je suis intrigué, mais j'ai simplement pensé que vous m'en parleriez une fois prêt à le faire.", explique-t-il avant de pousser un souffle devant l'évidente perche tendue par son interlocuteur. "Mais pour vous faire plaisir... Dites-moi, mon cher, qu'avez-vous donc prévu pour les réjouissances de ce soir ?"
"Pour me faire plaisir ? Oh, bien. Gardez donc la surprise, je suis sûr que ça vous plaira. Hihi. Allons, ne tardons plus : votre patriarche nous attend !", lâche l'hinïon en accélérant le pas.
Le Tigre incline brièvement la tête sur le côté à cette démonstration qu'il pourrait presque qualifier de... Puérile ? Parce qu'il n'a pas mordu à l'hameçon dès le début, maintenant il n'aura droit à rien ? Quelle étrange idée. Huyïn émet un léger souffle sous son voile et accepte cet état de fait, d'être surpris, non sans vocaliser sa curiosité. Il lui emboîte le pas et allonge les foulées pour revenir à sa hauteur. Le fil de ses pensées s'enroule autour de ces quelques indices. Les ombres. La magie. Dans un lieu aussi hostile envers ceux qui en font usage, c'est dévoiler là une partie de sa main qui pourrait le mettre grandement en danger. Soit il estime pouvoir confier ce savoir au Félin, soit il est certain que cela ne présente aucun souci pour lui. S'il a été d'une telle honnêteté et dispose de telles capacités, cela ne peut que conforter le Tigre dans sa décision.
Il rouvre la gueule derrière son voile, s'adressant à l'elfe aux crins violets avec calme.
"Vous avez pris un risque en dévoilant ceci, aussi je vais respecter cette décision et faire de même... Vous n'êtes pas le seul à disposer d'un Don."
"Ah oui ? Et quel est le vôtre ?", muse-t-il, ne revenant décidément pas sur cette décision de surprendre le Woran avec son plan.
Ce dernier explique alors son affinité avec l'air, et qu'il se dirigeait vers l'Académie des Sciences pour l'y développer avant ce fâcheux détour. Le nom ne semble pas familier à son interlocuteur, qui lui demande s'il s'agit d'une institution connue chez les gens de son espèce. Brièvement, le Tigre lorgne sur son voisin, se demandant s'il se joue de lui ou s'il ignore vraiment tout de ce lieu.
"Non.", fait-il brièvement à la question des gens comme lui, écartant directement le sujet de son esprit en regardant devant lui et en poursuivant. "L'Academie des Sciences, localisée à mi chemin entre Pohélis et Henehar, au nord de la forêt dite sombre. Elle est apparemment un lieu de recherche dans la quasi totalité des domaines existants. Ouverte à qui souhaite étudier. C'est par là que m'a redirigé l'Université des glaces, à cause de mon don inadapté à leurs enseignements."
La réaction de l'hinïon est de lever les yeux au ciel, ou tout du moins au plafond pierreux.
"Oh, je vois. Des prétentieux qui croient tout savoir. Le genre de types qui vous diraient qu'il n'existe qu'un dragon de chaque fluide sur Yuimen. Et sur le continent le plus froid et hostile dont il m'ait été donné de connaître l'existence. Sans façon.", déclare-t-il, surprenant une nouvelle fois le Tigre qui ne sait pas d'où peut provenir une telle aigreur. Ni cette subite idée de dragon, de laquelle il est extirpé par une pique lancée par un sourire mesquin de l'elfe. "Je comprends l'intérêt de toute cette pilosité. Hihihi.", fait-il avant de redevenir sérieux. "N'avez-vous donc jamais songé à développer vous-même vos pouvoirs ?"
La question a le mérite de brièvement faire rejaillir de récents et moins récents souvenirs. Le Félin se sent l'envie d'y répondre et ne s'en prive donc pas.
"Si, bien entendu. J'étais même en passe de faire une percée dans mon apprentissage, avant cet... Incident. Mais je n'ai jamais eu mentor pour me guider... En-dehors d'un Sylphe qui s'est lassé de mes échecs là où tout lui était inné.", commence-t-il avant de prendre une lente inspiration et souffler de la même façon. "Il est complexe d'escalader les sommets quand votre prise est rendue instable par un manque de bases techniques. Mon but en me rendant là-bas est d'être confronté aux règles pour les apprendre, puis les appliquer, et enfin les dépasser.", explicite-t-il avant de lorgner vers Naral, intrigué. "Autodidacte vous-même ?"
Ce dernier opine à ce qui vient de lui être dit.
"Je comprends qu'au pied du mur, la montagne paraisse haute à gravir. Mais d'une manière ou d'une autre, il faut franchir pas à pas les échelons. Si c'est la rigueur de l'apprentissage qui vous manque, soit. De mon côté...", entame-t-il avant de marquer un temps d'arrêt. Il soupire et son regard d'or semble se perdre dans le vague, les souvenirs. "J'ai eu un maître, autrefois. Un mentor, un guide. Mongoor Vlash. Il m'a appris à me servir de mes pouvoirs. Puis... je l'ai tué. Et j'ai hérité des siens. Ce n'est qu'ensuite que je les ai sublimés. Perfectionnés par de lourdes et douloureuses épreuves."
Peu importe à quoi le Tigre s'attendait, l'aveu du meurtre d'une figure de guide ne figurait pas en tête de liste. Toutefois, il a l'intuition que c'était au départ une situation au choix plus que restreint et qu'il a tiré parti des conséquences, quitte à le payer lourdement. Huyïn demeure silencieux un moment, laissant à son compatriote yuiménien un peu de temps pour penser, visualiser certaines choses. Il finit par lui demander s'il espère trouver quelque chose de particulier au sommet ou s'il est simplement trop engagé sur cette voie pour rester immobile. Il n'attend guère de réponse, aussi marque-t-il une brève hésitation avant de suivre une étrange idée qui a germé dans son esprit.
"Une fois notre contrariété commune réglée, nos sentiers montagnards ne se recroiseront peut-être jamais. Aussi, je ne peux que vous conseiller d'en profiter. S'il est des choses qui vous alourdissent et dont vous souhaitez vous débarrasser sans en faire le fardeau de proches..."
"Mais cher ami, je suis au sommet. Seuls les nuages me surplombent désormais. Et rien ne m'alourdit plus que le fait d'être ici alors que ma propre sœur est en danger sur notre monde. C'est... irritant. Aussi soyez assuré de mon aspiration à rentrer au plus vite.", déclare-t-il avant de plonger son regard d'or dans le vert pâle du sien. "Qu'essayez-vous de me faire cracher, chaton venu du Froid ?"
Le Woran soutient ce regard un instant. Plus de trace d'une quelconque vulnérabilité, la chose si fugace que s'il ne l'avait pas vécue, Huyïn aurait douté qu'elle ait un jour été présente. Il prend la décision de ne pas revenir sur ce caprice qui l'a poussé à cette déclaration irréfléchie. À la place, il s'aligne sur le ton employé par son interlocuteur.
"Rien en particulier, hinïon du Sommet. Simplement quelques bribes comme celles que vous venez de m'offrir, qui me permettront de composer quelque chant pour me souvenir de vous, une fois nos chemins séparés. Car s'il est bien une chose à laquelle je ne dérogerai pas, c'est de tout mettre en œuvre pour quitter cet endroit.", répond-il en plissant les yeux avec un brin de satisfaction, qu'il chasse d'un retour à un ton plus sérieux. "J'ai hâte de voir ce qui peut être réalisé, une fois arrivé au plus haut."
"Tout ce que vous souhaitez, vous pourrez l'atteindre, en faisant s'écrouler les obstacles sur votre route. Voilà ce qui peut être réalisé. Vous verrez, ce soir."
Les yeux du Félin s'ouvrent davantage, s'arrondissent presque. Il demeure brièvement interdit, subjugué par l'incroyable puissance qui se niche dans ces quelques syllabes. Ce ne sont pas des paroles en l'air, des fanfaronnades pour attirer l'attention. Derrière ces phrases se niche une réalité concrète, vécue, une expérience certaine qui en permet l'affirmation. La chose résonne dans la poitrine du Woran, faisant écho à sa propre ambition. Huyïn plisse lentement les yeux, détaillant silencieusement cet hinïon aux multiples facettes, à la personnalité forte, un mystère incarné qu'il a la possibilité de découvrir peu à peu. Les yeux vert pâle du Tigre lui apportent une image avec de nouvelles nuances et contrastes. Il a la sensation de redécouvrir l'Elfe qui lui fait face, de donner un poids bien plus concret au nom de Naral Shaam.
Intrigué, ravi, il finit par émettre un doux et léger grondement du fond de la gorge, n'interrompant le son produit que par un mot. Un seul, traduisant son état d'esprit devant une telle assurance et certitude, devant aussi intriguant individu.
"... Fascinant."
Lentement, le Tigre pivote et étend la main face à la direction qu'ils étaient en train de prendre. Silencieusement, il l'invite à poursuivre leur quête de la Maison d'Orthel. Le Sieur Shaam se pare d'un sourire énigmatique et s'approche de la bulle à laquelle nul ne gêne leur accès. Avec un flegme naturel, l'Elfe précise leur destination au seul garde présent.
"Les Voies Hautes basses."
L'individu s'empresse de faire place pour les laisser monter à bord du singulier transport.
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Les deux nouveaux venus sont raccompagnés par un Carden silencieux, et avec discrétion. Une fois dehors, l'elfe aux cheveux mauves s'éloigne des lieux à une allure maîtrisée et demeure également silencieux jusqu'à ce que la distance entre eux et la demeure soit suffisante. Là seulement il s'adresse à lui, indiquant qu'ils ont du temps devant eux avant de devoir s'atteler à la libération de la jeune femme. Il surprend le Félin en avouant ne pas savoir comment discerner la venue de la nuit dans une cité souterraine, chose qu'il masque vite derrière un léger éclaircissement de gorge. Il poursuit rapidement, suggérant d'aller voir le "père" du Tigre, Salmeck d'Orthel et rappelant que s'il a effectivement des liens avec la Cité Inférieure, cela leur offrira une option de secours en cas d'échec. Le plus problématique pour y parvenir restant de trouver la demeure aux couleurs portées par le Woran. Ce dernier regarde en l'air puis partage son hypothèse : puisque la notion de Jour du Don existe, c'est que les locaux doivent avoir un moyen de distinguer les périodes. Variation de la luminosité ambiante ? Indication sonore ? L'hinïon pense également que quelque chose l'indiquera, ou tout du moins l'espère-t-il.
Le Tigre revient ensuite sur l'idée d'aller voir son 'parent', le percevant comme quelque chose de judicieux et que si le nom est récent, les chances sont grandes que la propriété se trouve dans le niveau des Voies Hautes que la bulle n'a pas daigné desservir. Il suggère de chercher un accès en ce sens. Le Sieur Shaam intervient avec sarcasme, indiquant que la Maison d'Orthel est effectivement probablement dans le bas des Voies Hautes, possiblement dans une cabane en bois. Le Tigre ne relève pas la chose, se contentant d'ajouter que cette recherche occupera leur temps. Il plisse les yeux avec amusement.
"En meublant éventuellement le silence grâce à... Vos impressions sur cette audacieuse Demoiselle ?"
"Elle me plait. Elle est audacieuse et bornée. Mais je ne sais encore s'il faut lui faire une confiance aveugle. N'oublions pas que, comme nous, elle se sert de nous pour ses propres objectifs. Une fois ceux-ci accomplis, rien ne dit qu'elle ne nous tournera pas le dos. Et si elle est aussi rude que la Cité Basse qu'elle décrit, ça ne voudra rien dire de bon pour nous. Hihihi."
Les deux yuiméniens reprennent la route à allure tranquille, continuant de converser tout en se dirigeant vers l'appareil de transport.
"J'appuie votre prudence concernant cette Demoiselle, car elle est en quelque sorte... Enfant des deux cités. D'ailleurs, je me demande comment cela est arrivé... Tout comme ce qu'elle a voulu dire en mentionnant que l'origine de ses capacités se trouve... Là-bas."
"Nous aurons l'occasion de lui demander. Nous verrons si elle est si... sincère et franche qu'elle le dit.", répond-il avant de prendre un air amusé. "Et... Vous n'êtes pas curieux de mon plan pour ce soir ? Vous savez que je compte y impliquer de la magie, n'est-ce pas ? Je n'ai vu aucun membre de cet Ordre en armure noire, ici."
À ce détail, le Woran lorgne en direction de quelques façades proches. Il est vrai qu'il n'a pas remarqué d'escouades ou de patrouilles au blason de l'Ordre dans les environs. Serait-ce parce que les différents familles disposent de leur propre service de protection ? Ou est-ce parce tous sont persuadés que jamais le moindre trouble ne pourra prendre place à ce niveau difficile d'accès ? Huyïn jette un bref regard à son voisin.
"Vos paroles m'ont donné quelque indice en ce sens. Il est évident que je suis intrigué, mais j'ai simplement pensé que vous m'en parleriez une fois prêt à le faire.", explique-t-il avant de pousser un souffle devant l'évidente perche tendue par son interlocuteur. "Mais pour vous faire plaisir... Dites-moi, mon cher, qu'avez-vous donc prévu pour les réjouissances de ce soir ?"
"Pour me faire plaisir ? Oh, bien. Gardez donc la surprise, je suis sûr que ça vous plaira. Hihi. Allons, ne tardons plus : votre patriarche nous attend !", lâche l'hinïon en accélérant le pas.
Le Tigre incline brièvement la tête sur le côté à cette démonstration qu'il pourrait presque qualifier de... Puérile ? Parce qu'il n'a pas mordu à l'hameçon dès le début, maintenant il n'aura droit à rien ? Quelle étrange idée. Huyïn émet un léger souffle sous son voile et accepte cet état de fait, d'être surpris, non sans vocaliser sa curiosité. Il lui emboîte le pas et allonge les foulées pour revenir à sa hauteur. Le fil de ses pensées s'enroule autour de ces quelques indices. Les ombres. La magie. Dans un lieu aussi hostile envers ceux qui en font usage, c'est dévoiler là une partie de sa main qui pourrait le mettre grandement en danger. Soit il estime pouvoir confier ce savoir au Félin, soit il est certain que cela ne présente aucun souci pour lui. S'il a été d'une telle honnêteté et dispose de telles capacités, cela ne peut que conforter le Tigre dans sa décision.
Il rouvre la gueule derrière son voile, s'adressant à l'elfe aux crins violets avec calme.
"Vous avez pris un risque en dévoilant ceci, aussi je vais respecter cette décision et faire de même... Vous n'êtes pas le seul à disposer d'un Don."
"Ah oui ? Et quel est le vôtre ?", muse-t-il, ne revenant décidément pas sur cette décision de surprendre le Woran avec son plan.
Ce dernier explique alors son affinité avec l'air, et qu'il se dirigeait vers l'Académie des Sciences pour l'y développer avant ce fâcheux détour. Le nom ne semble pas familier à son interlocuteur, qui lui demande s'il s'agit d'une institution connue chez les gens de son espèce. Brièvement, le Tigre lorgne sur son voisin, se demandant s'il se joue de lui ou s'il ignore vraiment tout de ce lieu.
"Non.", fait-il brièvement à la question des gens comme lui, écartant directement le sujet de son esprit en regardant devant lui et en poursuivant. "L'Academie des Sciences, localisée à mi chemin entre Pohélis et Henehar, au nord de la forêt dite sombre. Elle est apparemment un lieu de recherche dans la quasi totalité des domaines existants. Ouverte à qui souhaite étudier. C'est par là que m'a redirigé l'Université des glaces, à cause de mon don inadapté à leurs enseignements."
La réaction de l'hinïon est de lever les yeux au ciel, ou tout du moins au plafond pierreux.
"Oh, je vois. Des prétentieux qui croient tout savoir. Le genre de types qui vous diraient qu'il n'existe qu'un dragon de chaque fluide sur Yuimen. Et sur le continent le plus froid et hostile dont il m'ait été donné de connaître l'existence. Sans façon.", déclare-t-il, surprenant une nouvelle fois le Tigre qui ne sait pas d'où peut provenir une telle aigreur. Ni cette subite idée de dragon, de laquelle il est extirpé par une pique lancée par un sourire mesquin de l'elfe. "Je comprends l'intérêt de toute cette pilosité. Hihihi.", fait-il avant de redevenir sérieux. "N'avez-vous donc jamais songé à développer vous-même vos pouvoirs ?"
La question a le mérite de brièvement faire rejaillir de récents et moins récents souvenirs. Le Félin se sent l'envie d'y répondre et ne s'en prive donc pas.
"Si, bien entendu. J'étais même en passe de faire une percée dans mon apprentissage, avant cet... Incident. Mais je n'ai jamais eu mentor pour me guider... En-dehors d'un Sylphe qui s'est lassé de mes échecs là où tout lui était inné.", commence-t-il avant de prendre une lente inspiration et souffler de la même façon. "Il est complexe d'escalader les sommets quand votre prise est rendue instable par un manque de bases techniques. Mon but en me rendant là-bas est d'être confronté aux règles pour les apprendre, puis les appliquer, et enfin les dépasser.", explicite-t-il avant de lorgner vers Naral, intrigué. "Autodidacte vous-même ?"
Ce dernier opine à ce qui vient de lui être dit.
"Je comprends qu'au pied du mur, la montagne paraisse haute à gravir. Mais d'une manière ou d'une autre, il faut franchir pas à pas les échelons. Si c'est la rigueur de l'apprentissage qui vous manque, soit. De mon côté...", entame-t-il avant de marquer un temps d'arrêt. Il soupire et son regard d'or semble se perdre dans le vague, les souvenirs. "J'ai eu un maître, autrefois. Un mentor, un guide. Mongoor Vlash. Il m'a appris à me servir de mes pouvoirs. Puis... je l'ai tué. Et j'ai hérité des siens. Ce n'est qu'ensuite que je les ai sublimés. Perfectionnés par de lourdes et douloureuses épreuves."
Peu importe à quoi le Tigre s'attendait, l'aveu du meurtre d'une figure de guide ne figurait pas en tête de liste. Toutefois, il a l'intuition que c'était au départ une situation au choix plus que restreint et qu'il a tiré parti des conséquences, quitte à le payer lourdement. Huyïn demeure silencieux un moment, laissant à son compatriote yuiménien un peu de temps pour penser, visualiser certaines choses. Il finit par lui demander s'il espère trouver quelque chose de particulier au sommet ou s'il est simplement trop engagé sur cette voie pour rester immobile. Il n'attend guère de réponse, aussi marque-t-il une brève hésitation avant de suivre une étrange idée qui a germé dans son esprit.
"Une fois notre contrariété commune réglée, nos sentiers montagnards ne se recroiseront peut-être jamais. Aussi, je ne peux que vous conseiller d'en profiter. S'il est des choses qui vous alourdissent et dont vous souhaitez vous débarrasser sans en faire le fardeau de proches..."
"Mais cher ami, je suis au sommet. Seuls les nuages me surplombent désormais. Et rien ne m'alourdit plus que le fait d'être ici alors que ma propre sœur est en danger sur notre monde. C'est... irritant. Aussi soyez assuré de mon aspiration à rentrer au plus vite.", déclare-t-il avant de plonger son regard d'or dans le vert pâle du sien. "Qu'essayez-vous de me faire cracher, chaton venu du Froid ?"
Le Woran soutient ce regard un instant. Plus de trace d'une quelconque vulnérabilité, la chose si fugace que s'il ne l'avait pas vécue, Huyïn aurait douté qu'elle ait un jour été présente. Il prend la décision de ne pas revenir sur ce caprice qui l'a poussé à cette déclaration irréfléchie. À la place, il s'aligne sur le ton employé par son interlocuteur.
"Rien en particulier, hinïon du Sommet. Simplement quelques bribes comme celles que vous venez de m'offrir, qui me permettront de composer quelque chant pour me souvenir de vous, une fois nos chemins séparés. Car s'il est bien une chose à laquelle je ne dérogerai pas, c'est de tout mettre en œuvre pour quitter cet endroit.", répond-il en plissant les yeux avec un brin de satisfaction, qu'il chasse d'un retour à un ton plus sérieux. "J'ai hâte de voir ce qui peut être réalisé, une fois arrivé au plus haut."
"Tout ce que vous souhaitez, vous pourrez l'atteindre, en faisant s'écrouler les obstacles sur votre route. Voilà ce qui peut être réalisé. Vous verrez, ce soir."
Les yeux du Félin s'ouvrent davantage, s'arrondissent presque. Il demeure brièvement interdit, subjugué par l'incroyable puissance qui se niche dans ces quelques syllabes. Ce ne sont pas des paroles en l'air, des fanfaronnades pour attirer l'attention. Derrière ces phrases se niche une réalité concrète, vécue, une expérience certaine qui en permet l'affirmation. La chose résonne dans la poitrine du Woran, faisant écho à sa propre ambition. Huyïn plisse lentement les yeux, détaillant silencieusement cet hinïon aux multiples facettes, à la personnalité forte, un mystère incarné qu'il a la possibilité de découvrir peu à peu. Les yeux vert pâle du Tigre lui apportent une image avec de nouvelles nuances et contrastes. Il a la sensation de redécouvrir l'Elfe qui lui fait face, de donner un poids bien plus concret au nom de Naral Shaam.
Intrigué, ravi, il finit par émettre un doux et léger grondement du fond de la gorge, n'interrompant le son produit que par un mot. Un seul, traduisant son état d'esprit devant une telle assurance et certitude, devant aussi intriguant individu.
"... Fascinant."
Lentement, le Tigre pivote et étend la main face à la direction qu'ils étaient en train de prendre. Silencieusement, il l'invite à poursuivre leur quête de la Maison d'Orthel. Le Sieur Shaam se pare d'un sourire énigmatique et s'approche de la bulle à laquelle nul ne gêne leur accès. Avec un flegme naturel, l'Elfe précise leur destination au seul garde présent.
"Les Voies Hautes basses."
L'individu s'empresse de faire place pour les laisser monter à bord du singulier transport.
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Re: Les Voies Hautes
La Cité des Ombres
Les Voies Hautes
Les Voies Hautes
Jour 1 – fin d’après-midi.
La bulle-ascenseur les mena rapidement vers l’étage inférieur. Une fois débarqués là-bas, ils purent remarquer la richesse équivalente des bâtisses bourgeoises. Ils n’avaient rien à envier à ceux du dessus. Enfin presque : les autres étaient de facto au-dessus. Et donc ils n’avaient pas comme toit la haute voûte de la grotte immense dans laquelle Ashaar était construite, mais un plafond de pierre où piétinaient ceux qui étaient les plus riches.
Comme en haut, ils débarquèrent sur un pont médian reliant les deux côtés d’une galerie ovale allongée sur sa longueur. Comme en haut, chaque bâtiment était flanqué de bannières aux couleurs des familles y résidant. Point curieux : contrairement aux Voies les plus hautes, la présence – discrète – du soleil noir. Un bâtiment était flanqué de deux gardes au casque ailé, et arborait les armes de l’ordre. Ici stylisées un peu différemment qu’ailleurs.

Naral inspecta directement les alentours d’un tour de regard, et pointa du doigt plusieurs endroits.
« Là, ce doit être la Maison de Vienne. Ils ne font pas dans le luxe ostentatoire… »
La maison, bien que bourgeoise, était simplement flanquée sur les murs de fanions noirs unis, entre chaque fenêtre. Elle se situait à quelques habitations du pont, d’un côté des Voies.

De l’autre côté, Naral fit remarquer une autre barraque :
« Et celle-ci doit être la vôtre, cher confrère. On dirait qu’ils sont prêts à déménager séance tenante… Hihihi. »
Et de fait, la maison, plus lointaine sur la rive d’en face, n’arborait pour marque de la Famille d’Orthel, brune, qu’un pavillon couleur terre pendant mollement à deux pylones d’à peine un mètre à côté de l’entrée. L’état du drapeau était risible : déchiré (expressément ?) sur le bas. Il était toutefois orné d’un symbole d’argent incrusté d’or qui ressemblait presque (mais était-ce réellement pertinent ?) à la tête d’un dragon.

Naral indiqua la voie vers cette dernière demeure, questionnant :
« Y allons-nous directement ? Frontalement ? Ou aviez-vous d'autres plans ?»
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- Huyïn
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Re: Les Voies Hautes
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Le transport les mène à destination, un pont entre deux rives d'un étage tout aussi riche que le précédent. La différence étant que le plafond de l'endroit n'est pas une voûte naturelle mais le sol du dessus. Là encore, les bannières sur les façades revendiquent clairement les bâtiments des différentes Maisons. Le Tigre remarque une différence notable : bien que discrète, la présence du Soleil Noir est manifeste ici. Deux gardes dotés d'un casque ailé, à proximité d'un blason flottant complexe. Un symbole d'écu au soleil doré sur fond noir, percé de deux épées, surmonté d'une sorte de tour et avec une plante en fond. Mais le point le plus important est qu'il y a bien un poste de l'Ordre dans les niveaux supérieurs. Et pas loin de la bulle. En somme, ils pourront rapidement être sur place lors de l'usage de magie cette nuit. Il faudra probablement improviser une fuite à travers les rues voire envisager de se séparer momentanément. Le Woran y réfléchit un court instant puis laisse le problème de côté. Il lève le museau lorsque Naral indique une bannière intégralement noire, commentant sur le côté vide d'ostentation de ce qu'il suppose être la Maison de Vienne.
À l'opposé, il indique une autre bâtisse, moqueur quant à l'état du pavillon coloris terre suspendu non pas à la façade mais à une paire de pylônes d'à peine un mètre, à côté de l'entrée. L'Elfe lui demande ensuite son avis sur la manière de procéder. Le Félin demeure un instant muet, observant cette bannière oscillant à peine, déchirée en bas et ornée d'un symbole d'argent avec un coeur d'or. De loin, Huyïn a presque l'impression de voir un crâne... Reptilien ? Il comprend d'où peut venir le mépris de Cirick de Montfort, mais cet aspect détonnant avec le reste ne dérange en rien le faux d'Orthel. Au contraire. Voir quelque chose avec une apparence aussi usée laisse deviner la présence d'un vécu, d'une histoire. De quelque chose qui vaut la peine d'être conté. Le maître des lieux n'a-t-il donc aucune envie de se mêler au voisinage ? De faire comme tout le monde afin d'éviter d'être montré du doigt ? N'a-t-il simplement pas eu l'occasion d'y remédier ?
Huyïn finit par répondre à son camarade à voix contenue.
"Faire preuve d'audace nous a jusque-là réussi. Hésiter maintenant m'ennuie un peu, et pourrait attirer sur nous l'attention des autorités.", dit-il en faisant un léger signe de tête pour indiquer la présence de l'Ordre. Cette fois-ci, il fait l'effort d'expliciter le rôle qu'il va jouer, afin de ne pas prendre son partenaire de scène au dépourvu. "Je pensais y aller directement en incarnant un rôle simple : un nouvel arrivant, confus par des circonstances qui lui échappent, et guidé par un voisin de passage à l'évocation de son nom de Maison."
"Oh, très bien, très bien. Allons-y alors.", fait-il en amorçant son avancée avant de se retourner vers lui. "Cependant... n'a-t-on pas trop peu d'informations sur la manière dont 'nous' arrivons à Ashaar ? On joue sur l'exception accidentelle ?"
Le Tigre s'arrête à sa hauteur et croise les bras. Il réfléchit là encore un bref moment avant de faire part de ses pensées, s'appuyant grandement sur leurs dernières expériences.
"Le majordome souriant a fait un lien entre ces termes de 'nouveaux arrivants' et les 'êtres des cieux'. Il avait l'air d'évoquer cette notion comme quelque chose d'acquis, coulant de source. Employer ces mêmes termes sans s'y attarder fera peut-être l'affaire.", muse le Tigre avant de relever le museau. "Cependant, nul besoin d'aborder la question nous-mêmes. Notre présence à cet étage atteste déjà d'une légitimité à nous y trouver. Et si d'aventure le sujet se présentait, je m'efforcerai d'attirer l'attention sur moi pour minimiser votre implication. C'est après tout 'ma' Maison donc ma responsabilité de nous y faire accepter."
"Oh, mais je ne crains pas pour moi, mais pour notre couverture commune. Ne pensez-vous pas que les Maîtres des Maisons sont au courant des personnes qui leur sont livrées ? Dans une situation habituelle, s'entend.", réplique-t-il avant de balayer lui-même ses paroles d'un léger revers de main. "Mais fi de cela. Nous sommes passés Maîtres dans l'art de l'improvisation ! Allons."
Les yeux du Woran se plissent un peu à sa remarque, un brin d'amusement y brillant. Il est vrai que depuis qu'ils ont quitté la boutique de tailleur, le numéro d'improvisation auquel ils s'adonnent ne cesse de gagner en qualité. Et plus il engrangent de connaissances sur Ashaar, plus leur jeu se fait subtil, appuyé par des détails culturels qui assoient leur rôle avec davantage d'aisance. L'expérience est très enrichissante, mais serait-elle réitérable en Yuimen ? La chose demande réflexion. Pour le moment, le Félin suit l'Hinïon jusqu'à la porte où ce dernier utilise le heurtoir pour faire connaître leur présence. Rapidement, Huyïn se glisse dans la peau de son personnage en prenant un léger appui contre l'encadrement de la porte, comme ayant physiquement besoin d'un soutien à cause de sa confusion.
Le temps s'écoule. Là où le majordome des de Montfort a ouvert plus vite qu'il n'est possible de prendre une inspiration, ici de longues secondes s'égrainent. Et finalement, une voix se fait entendre depuis l'autre côté du battant.
"Qui êtes vous ? Que voulez-vous ?"
Le ton est inattendu, un peu brut. À l'image du pavillon, en somme. Huyïn ne se laisse pas décontenancer et lance sa réplique, la tournant vers un registre d'incertitude et un zeste de timidité.
"Salutations. Pardon de vous importuner mais je... Il me faut rencontrer le Sieur Salmeck... Salmeck d'Orthel ? Il est censé... Me recevoir ? M'accueillir ? Hum... Mon nom...", s'interrompt-il pour secouer légèrement la tête, imitant un instant de confusion avant de poursuivre. "C'est Nërhuyïn. Nërhuyïn d'Orthel.", ajoute-t-il en portant la main à sa tempe.
"Que... d'Orthel ? Vous vous foutez de moi ?"
La porte s'ouvre sur le détenteur de la voix et immédiatement un mot surgit dans l'esprit du Tigre : Shaakt. Car l'être qui leur fait face dans l'encadrement de la porte ne ressemble en rien aux humains rencontrés jusque-là. Lui correspond à la description en quasi tous points des elfes sombres. Un individu à la peau d'un ton gris, plus sombre aux endroits où son visage fin voire émacié affiche ses angles. Une chevelure d'un coloris neige fraichement tombée, raide, et cascadant jusqu'à ses épaules. Son front et ses pommettes saillantes arborent des motifs d'or, dont il est difficile de dire s'ils sont apposés sur sa peau ou incrustés dedans. De longues oreilles, décorées d'un quatuors d'anneaux d'or près du lobe. Mais le plus saisissant chez cet individu est son regard. Pas de blanc dans ses yeux. Du bleu, intégralement, un bleu intense avec une zone plus sombre pour ses iris. Et ils luisent dans le léger manque de lumière de ce cadre de porte. Enfin, il est élégamment vêtu des couleurs brunes et beige de sa Maison.
"Je suis Salmeck d'Orthel, et vous êtes un imposteur."
Huyïn met un point d'honneur à maintenir sa main contre sa tête. Vues les brèves paroles échangées, pas besoin d'employer un vocabulaire poussé. Parler comme le commun suffira. Il s'inspire des autres yuiméniens égarés, en particulier de la femme rousse à peau bleue dont les questions indiquaient clairement la confusion. Le Tigre oriente le museau vers lui puis se met à cligner des yeux avec une visible incompréhension.
"Impost... Hein ?", lâche-t-il avant de légèrement secouer la tête une nouvelle fois. "Je... Pardon... J'ai encore du mal à comprendre ce qui m'arrive. Ce que je fais ici. Je sais juste que je dois... Je dois... Apprendre. Apprendre Ashaar ?", continue-t-il, prenant un bref instant pour étirer sa tunique au coloris similaire à la bannière qu'il lorgne un moment avant de reporter son attention sur le regard luisant. "On m'a donné consigne de... Trouver la bannière brune et demander le Sieur Salmeck, Salmeck d'Orthel. Il 'saura et guidera'... Je devais être accompagné, présenté mais... Un imprévu, un danger 'en-dessous'...", enchaine-t-il avant de laisser passer un soupir audible, à la limite de la frustration. "Je suis désolé... Tout est si confus. Ma seule certitude est que votre nom serait... Associé à des réponses ?"
"Je n'ai fait aucune demande dans le sens d'un nouvel arrivage au sein de ma Maison. Et je n'ai aucune envie de vous y accueillir, qui que vous soyez.", répond le sosie de shaakt, se mettant à l'inspecter de pied en cap. "Est-ce une farce ? Elle serait de mauvais goût. Qui donc vous a dit de venir me voir ? De quel danger parlez-vous ?"
Poliment, comme ayant suffisamment attendu que la situation s'installe, l'Elfe à crinière violette se permet d'intervenir.
"Naral de Vienne. Je vous assure que ça n'est pas une farce : je l'ai retrouvé ainsi perdu à chercher votre personne avec ces mots cryptiques. Vous ne savez peut-être pas, récent arrivant des Voies Hautes, que des fois les Chevaliers des Cieux ne demandent pas l'avis des Maisons pour les munir de membres. Hé bien celui-ci vous échoit, visiblement."
Les yeux bleus se tournent vers l'Hinïon, l'analysant à son tour.
"Un de Vienne, hein ? Je les voyais moins criards. Et ça ne change en rien le fait que je ne suis pas disposé à accueillir quiconque."
Silencieusement, le Tigre évalue la situation à son tour. Ce Salmeck bloque littéralement l'entrée et risque de se braquer sans une bonne raison de les laisser passer. Insister pour que le devoir d'accueil lui échoit va sans doute leur faire claquer la porte au nez. Il faut lui forcer la main sans en avoir l'air, faire ou dire quelque chose pouvant le compromettre en cas d'écoute. Le sujet vient tout naturellement au Félin qui commence à s'habituer à Ashaar. Il se met à se frotter les avant-bras avec un visible embarras.
"Je... Je comprends votre réticence, mais... Il doit bien y avoir une raison pour que mon... Éducation... Vous échoit. Pour que je porte vos couleurs et ce nom. J'ai peur de ce qui peut arriver sans... Guide.", fait-il d'une petite voix avant de froncer le nez sous son voile. "Je crois que j'aurais commis un impair un peu plus tôt, sans l'intervention de Sieur de Vienne. Parce que... Evoquer mon 'Don' devant ces gens à casque serait... Mal ?"
La réaction du Sieur Salmeck d'Orthel ne se fait pas attendre.
"Votre don ? Par la Source, entrez et taisez-vous donc : dehors, les murs ont des oreilles.", déclare-t-il avant de vigoureusement l'empoigner et l'entraîner à l'intérieur, ne se souciant visiblement pas que l'autre invité imprévu fasse de même et soit celui qui close la porte. "Effectivement, vous lâcher ainsi dans la ville pourrait clairement me nuire. Êtes-vous stupide ? De quel don parlez-vous ?"
Toujours en maintenant son attitude un peu perdue et humble, le Woran se frotte la zone agrippée pour y faire circuler le sang brièvement ralenti. Il laisse sa voix prendre une intonation presque boudeuse afin de donner corps à sa réplique.
"Stupide, stupide... J'aimerais vous voir à ma place. Je n'étais même pas certain de mon propre nom encore récemment. Et ce Don... Je ne comprends pas pourquoi dès que j'en parle...", lâche-t-il avant de brièvement lorgner vers Sieur de Vienne puis de reporter son attention sur leur hôte. "Il... Il me permet d'altérer l'air. De lui donner... De la présence ? De la force ? Je ne sais pas comment le dire clairement..."
Poussant l'effet de naïveté plus loin, Huyïn propose d'en faire une démonstration. Mais là encore, la réaction épidermique d'un ressortissant d'Ashaar ne se fait pas attendre.
"Altérer... Mais bon dieu, ça ressemble à de la magie. Ne vous a-t-on pas dit que c'était interdit ?", gronde-t-il, regardant le Sieur de Vienne de manière courroucée, poussant ce dernier à rétorquer.
"Hé bien si. Mais il ne comprend pas lui-même ce qui lui arrive, vous voyez bien."
Leur hôte involontaire maugrée, n'ayant apparemment pas besoin de cela. Il prend finalement la décision de lui offrir une chambre, l'accès aux cuisines et aux pièces de détente. Il lui interdit toutefois formellement de sortir ou d'aller mettre le nez dans son bureau ou ses appartements. À cela, il ajoute s'occuper de son éducation quand il aura le temps. Huyïn enfonce le clou en insistant sur son incompréhension et en se proposant pour aider avant de rapidement se reprendre, comme ayant réalisé qu'il allait trop loin. Il suggère ensuite que ce soit le Sieur de Vienne qui l'initie aux bases pour faire gagner du temps à tout le monde. Le Sieur Salmeck approuve, tout comme Naral qui, bien qu'il ait des affaires à régler en sa Maison, accepte de l'éduquer un minimum car arguant qu'il n'aurait lui-même pas apprécié de se retrouver sans information à son arrivée.
De nouveau, le Félin exprime sa gratitude aux deux elfes puis il appose la main contre son estomac dont le grognement parvient à se faire entendre. Il s'excuse platement pour l'impolitesse avant de vraisemblablement réaliser quelque chose.
"Vous aurais-je en prime interrompu en plein repas ? Je suis désolé si c'est le cas, je... Je n'ai pas vu décliner la lumière qui aurait pu indiquer...", commence-t-il avant de froncer le nez, en proie à un soudain doute lié à une frustration certaine à cause de son manque d'éducation.
"Indiquer les repas avec de la lumière ? Ne vous en faites pas. Lorsque viendra l'heure du couvre-feu, vous le saurez. De lumière, il n'y en aura plus guère.", explique l'elfe sombre, ne se rendant pas compte que ses paroles provoquent une légère grimace chez l'autre Elfe. "D'ici là, mangez ce que vous voulez. Il y a tellement de nourriture ici que j'en suis écœuré. Je n'arrive à rien manger. La cuisine est accessible, sentez-vous libre de préparer ce que vous voudrez.", déclare-t-il, marquant une pause pour scruter le Woran. "Enfin. Ne faites pas brûler la maison."
Huyïn soupire presque que plus il en apprend, plus les questions lui viennent. Il promet de voir ce qu'il peut préparer avec et sans feu, par précaution. Il s'attend ensuite à ce que le Sieur Salmeck poursuive son rôle d'accueillant, mais au lieu de cela, il fait volte-face et s'enfonce dans son étude.
"Bien. Ne me dérangez sous aucun prétexte."
La porte claque derrière lui, laissant les deux yuiméniens brièvement stupéfaits. Naral Shaam hausse lentement un sourcil puis indique la direction supposée de la cuisine. De fait, ils la trouvent après une pièce de vie et une salle à manger, les salles possédant un faste qui ne semble pas correspondre du tout au propriétaire des lieux. Dedans, de nombreuses victuailles sont visibles, allant du pain au fruit, des céréales à des alcools. Un cellier attenant doit également abriter quelques denrées plus fragiles. Pendant qu'il évalue ce qu'il peut préparer de simple et efficace, Huyïn roule légèrement des épaules et s'adresse à son compagnon de représentation.
"J'ignore s'il n'est pas regardant à cause de son empressement, ou si nous gagnons en capacité de faire couleur locale."
"Je pense qu'il est perturbé, surtout. Il n'a pas l'air très sociable. Et il a l'air de cacher des choses. Vous avez vu ses yeux bleus ? Curieux, n'est-ce pas ? Je commence à comprendre d'où viendraient ces rumeurs sur son cas."
Après évaluation et exploration, le Félin opte pour la confection de simples tartines avec des lamelles d'une des viandes prises dans la réserve.
"Oui, j'ai remarqué. C'est impressionnant et plutôt intriguant. Si ce n'est pas lié à une capacité magique... Hum... S'il est effectivement originaire d'en-dessous et que l'on se fie aux dires de notre autre connaissance elfique, peut-être est-ce un signe de l'influence des Tréfonds ? Il a du faire des efforts incroyables pour venir s'installer ici, ou quelqu'un a aidé à l'y placer.", fait-il, cherchant du regard une carafe d'eau plate, la trouvant auprès de Naral qui vient juste de s'en servir une coupe. "Un individu isolé, secret au point de ne pas même s'entourer de domestiques, émacié à un niveau qui ne doit pas être bon pour sa santé, œuvrant sur quelque chose qu'il ne tient pas à ébruiter. Avec toutefois un parler franc, direct, et convoyant davantage d'émotions, ce qui change de ceux du dessus. Pour tout vous dire, mon 'parent' m'intrigue fortement...", s'interrompt finalement le Tigre, relevant le nez vers son interlocuteur. "Et malgré ses urgences, il a tout de même pris le temps de répondre à quelques questions. Au moins savons-nous maintenant comment identifier le passage à la nuit. Un couvre-feu..."
"Oui. Un couvre feu. Ça va compliquer notre tâche de ce soir. Difficile d'infirmer ou de confirmer nos hypothèses sur le sieur d'Orthel pour l'instant. Et... comme le dit-il lui-même, les murs ont des oreilles. Les siennes, chez lui. Il semble assez paranoïaque pour nous écouter en ce moment même."
À la remarque, le Woran lève les yeux vers lui puis vers la direction du présumé bureau. Sous son voile, ses yeux se plissent avec un rien d'amusement pendant qu'il poursuit la confection de son repas. Autre expérience à laquelle il commence à prendre goût : taquiner les elfes.
"Si c'est le cas, qu'il sache alors que malgré son côté anguleux, je lui trouve fière allure. Ses yeux et ses marques en particulier lui donnent un aspect... Hum... Inimitable ?"
Par prudence, il découpe une lanière de la viande sélectionnée et la glisse en bouche sous le tissu. Il cherche à identifier l'origine de la chair et à savoir s'il ne risque pas d'y faire une réaction. C'est, après tout, un aliment d'un autre monde. Quelques coups de crocs plus tard, il y trouve une ressemblance avec du porc et aucun gonflement ou picotement qui pourrait signifier un rejet. Quelque part, il est un rien déçu de la normalité de la pièce, et la chose fait remonter des souvenirs de jeunesse. Le goût de la viande bipède, pour être exact. La plupart du temps issue de pauvres inconscients voulant chasser les chasseurs et se faisant surprendre par les coups de froid ou les flèches des Worans embusqués. La chose était rare, évidemment, car peu s'enfonçaient dans la Forêt Sombre au point de devenir des proies. Le clan les laissait généralement agir, sauf dans les cas où l’Équilibre n'était pas respecté et où le gibier était chassé à outrance. Du sekteg, du garzok, de l'humain ont déjà fini entre les crocs du Tigre. Pas d'elfe ou de petites personnes, les uns trop respectueux des zones forestières, les autres n'étant pas légion en Nosvéris. Pas de consommation dans les récentes décennies non plus, puisque nombre de substituts étaient proposés dans les lieux "civilisés".
Entre deux bouchées, Huyïn évoque la question du manque de luminosité suite au couvre-feu et la difficulté pour qui se trouverait sur la mauvaise voie au mauvais moment.
"Oui, c'est ce que je me disais : nous ne devrions pas être ici quand la nuit tombera. Nous aurions quelque... difficulté à remonter. Le manque de lumière ne saurait être qu'une aide, en revanche."
Le Woran approuve puis finit son repas et le noie d'un godet d'eau plate qu'il lape avec lenteur. Une fois rassasié, il s'étire et rajuste son voile avec précision. La chose soulage son estomac. Après tout, il n'avait avalé qu'un épais bouillon le matin et avait été happé par le tunnel inconnu avant d'avoir pu bivouaquer avec le reste du groupe. Songer qu'il peut de nouveau souffrir de la faim dans les prochaines heures le chagrine. Il va falloir y remédier, et puisque leur hôte n'a pas l'air particulièrement intéressé à l'idée d'économiser ses vivres...
"Je suggère d'effectuer un bref tour de la propriété, pour nous assurer d'abord que Sieur Salmeck est bien occupé dans... Sa pièce. Éventuellement afin de dénicher un sac pour y placer quelques effets. Au cas où le passage de la porte d'entrée se fasse en un seul sens, préparer de quoi troquer auprès des locaux peut s'avérer utile"
"Voler votre papounet. Comme c'est vil. J'adore. Hihihi. Je m'occupe de cette partie : cuisine, cellier, salon et salle à manger. Cherchez d'autres pièces, un étage, et retrouvez-moi ici."
Sans qu'il n'en comprenne l'exacte raison, la remarque de Sieur de Vienne le perturbe un peu. Il n'a pourtant aucune raison de manifester des scrupules à prendre ce dont il a besoin, et à un individu qui ne manque visiblement de rien. Serait-ce l'état émacié et l'évident isolement de ce pseudo-shaakt qui seraient à l'origine de ce bref élan de... Compassion ? Sympathie ? Quand il y réfléchit, ce Sieur d'Orthel a lui aussi une personnalité atypique et est victime de quolibets plus que d'autres. Doucement, Huyïn se remémore son petit numéro en face des de Montfort. Le côté volontaire de ce second d'Orthel de redorer le blason de sa Maison. S'il pouvait développer son Don ici sans crainte ou retourner sur Yuimen à son gré... Contribuer à voir Sieur Salmeck d'Orthel s'élever à l'étage du dessus en piétinant ceux qui l'ont calomnié aurait été particulièrement intéressant.
Le Tigre pousse un lent souffle de la truffe. Un jour, peut-être composera-t-il une oeuvre sur ce qui aurait pu être. Pour l'heure, son objectif demeure de sortir le Sieur Naral et sa propre personne de cet endroit inhospitalier. Il s'attelle donc à explorer le rez-de-chaussée, tendant d'abord l'oreille à la porte du bureau, curieux de savoir si son parent gratte du papier ou s'affaire à autre chose. Il se met ensuite en quête d'un cagibi ou d'un placard d'où il pourrait extraire un sac de voyage. Ne pas avoir son propre bagage limite sévèrement ses capacités à cacher des objets ou simplement à en posséder.
Ses pas l'amènent ensuite à l'étage, vers ce qu'il pense être 'sa' chambre. Peut-être y trouvera-t-il quelque atour pouvant remplacer adroitement son voile, quand bien même il commence à s'habituer à ce dernier. Et s'il pouvait dénicher quelques effets ornés du blason de la Maison, en souvenir ou pour les échanger auprès d'un prêteur sur gage, cela ferait potentiellement un peu d'or. Le Tigre songe brièvement qu'il pourrait aussi se mettre en quête d'une bourse oubliée, mais le souvenir de ce visage maigre revient à son esprit. Non, les objets sélectionnés devront suffire. Il secoue doucement la tête pour chasser ces idées parasites, fronçant le museau devant cette hésitation qui ne cesse de revenir le harceler. À quoi bon ? Une fois parti d'Ashaar, ce sera comme si Sieur Salmeck n'avait jamais existé, n'est-ce pas ? Une nouvelle hésitation. Il prend la résolution de composer quelque chose pour cet être qui ne ressemble en rien à ses voisins pour calmer son esprit. Rassuré, recadré, il songe qu'avoir de quoi prendre des notes serait éventuellement une bonne idée. Du papier, une plume et une fiole d'encre pour glisser un message discret ou noter la strophe d'une œuvre avant de la perdre, par exemple.
Il hésite une nouvelle fois en approchant des appartements défendus. Il émet un souffle, s'amusant du fait qu'il agit comme les éphémères : lorsque quelque chose est défendu, son intérêt croît sans fin. Curieux, il se rend dans les lieux en quête de réponses. Qui est exactement ce Sieur d'Orthel ? Possède-t-il de la famille qui serait visible sur un portrait ? Parce qu'il est curieux qu'il soit seul, et surtout ait eu l'air surpris de se voir imposer un membre à sa famille. N'est-ce pas savoir courant ? Le Félin se met aussi en quête d'un journal où il aurait consigné son ascension jusqu'aux Voies Hautes. Qui l'y aurait aidé ? Et s'il s'est fait seul, quel commerce peut être assez lucratif pour lui ouvrir le chemin jusqu'à cet étage ? Il est aussi prétendument sorcier et en accointance avec la Cité Inférieure alors peut-être garde-t-il des objets qui en seraient la preuve ? Mais le Majordome a aussi évoqué un éventuel lien avec plus puissant. Un envoyé des Cieux ? Huyïn se fie à son instinct à ce sujet. Si un quelconque objet ne semble pas à sa place ou fait au contraire écho à son Don, il saura qu'il a déniché une piste.
Une fois son exploration faite, il se rendra auprès de l'autre yuiménien. Peut-être devra-t-il batailler quant à l'importance de préparer des provisions, qui ne semblent pas non plus à son goût d'ailleurs, pour une destination où les conditions de vie ont l'air plus que complexes.
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-19-
Le transport les mène à destination, un pont entre deux rives d'un étage tout aussi riche que le précédent. La différence étant que le plafond de l'endroit n'est pas une voûte naturelle mais le sol du dessus. Là encore, les bannières sur les façades revendiquent clairement les bâtiments des différentes Maisons. Le Tigre remarque une différence notable : bien que discrète, la présence du Soleil Noir est manifeste ici. Deux gardes dotés d'un casque ailé, à proximité d'un blason flottant complexe. Un symbole d'écu au soleil doré sur fond noir, percé de deux épées, surmonté d'une sorte de tour et avec une plante en fond. Mais le point le plus important est qu'il y a bien un poste de l'Ordre dans les niveaux supérieurs. Et pas loin de la bulle. En somme, ils pourront rapidement être sur place lors de l'usage de magie cette nuit. Il faudra probablement improviser une fuite à travers les rues voire envisager de se séparer momentanément. Le Woran y réfléchit un court instant puis laisse le problème de côté. Il lève le museau lorsque Naral indique une bannière intégralement noire, commentant sur le côté vide d'ostentation de ce qu'il suppose être la Maison de Vienne.
À l'opposé, il indique une autre bâtisse, moqueur quant à l'état du pavillon coloris terre suspendu non pas à la façade mais à une paire de pylônes d'à peine un mètre, à côté de l'entrée. L'Elfe lui demande ensuite son avis sur la manière de procéder. Le Félin demeure un instant muet, observant cette bannière oscillant à peine, déchirée en bas et ornée d'un symbole d'argent avec un coeur d'or. De loin, Huyïn a presque l'impression de voir un crâne... Reptilien ? Il comprend d'où peut venir le mépris de Cirick de Montfort, mais cet aspect détonnant avec le reste ne dérange en rien le faux d'Orthel. Au contraire. Voir quelque chose avec une apparence aussi usée laisse deviner la présence d'un vécu, d'une histoire. De quelque chose qui vaut la peine d'être conté. Le maître des lieux n'a-t-il donc aucune envie de se mêler au voisinage ? De faire comme tout le monde afin d'éviter d'être montré du doigt ? N'a-t-il simplement pas eu l'occasion d'y remédier ?
Huyïn finit par répondre à son camarade à voix contenue.
"Faire preuve d'audace nous a jusque-là réussi. Hésiter maintenant m'ennuie un peu, et pourrait attirer sur nous l'attention des autorités.", dit-il en faisant un léger signe de tête pour indiquer la présence de l'Ordre. Cette fois-ci, il fait l'effort d'expliciter le rôle qu'il va jouer, afin de ne pas prendre son partenaire de scène au dépourvu. "Je pensais y aller directement en incarnant un rôle simple : un nouvel arrivant, confus par des circonstances qui lui échappent, et guidé par un voisin de passage à l'évocation de son nom de Maison."
"Oh, très bien, très bien. Allons-y alors.", fait-il en amorçant son avancée avant de se retourner vers lui. "Cependant... n'a-t-on pas trop peu d'informations sur la manière dont 'nous' arrivons à Ashaar ? On joue sur l'exception accidentelle ?"
Le Tigre s'arrête à sa hauteur et croise les bras. Il réfléchit là encore un bref moment avant de faire part de ses pensées, s'appuyant grandement sur leurs dernières expériences.
"Le majordome souriant a fait un lien entre ces termes de 'nouveaux arrivants' et les 'êtres des cieux'. Il avait l'air d'évoquer cette notion comme quelque chose d'acquis, coulant de source. Employer ces mêmes termes sans s'y attarder fera peut-être l'affaire.", muse le Tigre avant de relever le museau. "Cependant, nul besoin d'aborder la question nous-mêmes. Notre présence à cet étage atteste déjà d'une légitimité à nous y trouver. Et si d'aventure le sujet se présentait, je m'efforcerai d'attirer l'attention sur moi pour minimiser votre implication. C'est après tout 'ma' Maison donc ma responsabilité de nous y faire accepter."
"Oh, mais je ne crains pas pour moi, mais pour notre couverture commune. Ne pensez-vous pas que les Maîtres des Maisons sont au courant des personnes qui leur sont livrées ? Dans une situation habituelle, s'entend.", réplique-t-il avant de balayer lui-même ses paroles d'un léger revers de main. "Mais fi de cela. Nous sommes passés Maîtres dans l'art de l'improvisation ! Allons."
Les yeux du Woran se plissent un peu à sa remarque, un brin d'amusement y brillant. Il est vrai que depuis qu'ils ont quitté la boutique de tailleur, le numéro d'improvisation auquel ils s'adonnent ne cesse de gagner en qualité. Et plus il engrangent de connaissances sur Ashaar, plus leur jeu se fait subtil, appuyé par des détails culturels qui assoient leur rôle avec davantage d'aisance. L'expérience est très enrichissante, mais serait-elle réitérable en Yuimen ? La chose demande réflexion. Pour le moment, le Félin suit l'Hinïon jusqu'à la porte où ce dernier utilise le heurtoir pour faire connaître leur présence. Rapidement, Huyïn se glisse dans la peau de son personnage en prenant un léger appui contre l'encadrement de la porte, comme ayant physiquement besoin d'un soutien à cause de sa confusion.
Le temps s'écoule. Là où le majordome des de Montfort a ouvert plus vite qu'il n'est possible de prendre une inspiration, ici de longues secondes s'égrainent. Et finalement, une voix se fait entendre depuis l'autre côté du battant.
"Qui êtes vous ? Que voulez-vous ?"
Le ton est inattendu, un peu brut. À l'image du pavillon, en somme. Huyïn ne se laisse pas décontenancer et lance sa réplique, la tournant vers un registre d'incertitude et un zeste de timidité.
"Salutations. Pardon de vous importuner mais je... Il me faut rencontrer le Sieur Salmeck... Salmeck d'Orthel ? Il est censé... Me recevoir ? M'accueillir ? Hum... Mon nom...", s'interrompt-il pour secouer légèrement la tête, imitant un instant de confusion avant de poursuivre. "C'est Nërhuyïn. Nërhuyïn d'Orthel.", ajoute-t-il en portant la main à sa tempe.
"Que... d'Orthel ? Vous vous foutez de moi ?"
La porte s'ouvre sur le détenteur de la voix et immédiatement un mot surgit dans l'esprit du Tigre : Shaakt. Car l'être qui leur fait face dans l'encadrement de la porte ne ressemble en rien aux humains rencontrés jusque-là. Lui correspond à la description en quasi tous points des elfes sombres. Un individu à la peau d'un ton gris, plus sombre aux endroits où son visage fin voire émacié affiche ses angles. Une chevelure d'un coloris neige fraichement tombée, raide, et cascadant jusqu'à ses épaules. Son front et ses pommettes saillantes arborent des motifs d'or, dont il est difficile de dire s'ils sont apposés sur sa peau ou incrustés dedans. De longues oreilles, décorées d'un quatuors d'anneaux d'or près du lobe. Mais le plus saisissant chez cet individu est son regard. Pas de blanc dans ses yeux. Du bleu, intégralement, un bleu intense avec une zone plus sombre pour ses iris. Et ils luisent dans le léger manque de lumière de ce cadre de porte. Enfin, il est élégamment vêtu des couleurs brunes et beige de sa Maison.
"Je suis Salmeck d'Orthel, et vous êtes un imposteur."
Huyïn met un point d'honneur à maintenir sa main contre sa tête. Vues les brèves paroles échangées, pas besoin d'employer un vocabulaire poussé. Parler comme le commun suffira. Il s'inspire des autres yuiméniens égarés, en particulier de la femme rousse à peau bleue dont les questions indiquaient clairement la confusion. Le Tigre oriente le museau vers lui puis se met à cligner des yeux avec une visible incompréhension.
"Impost... Hein ?", lâche-t-il avant de légèrement secouer la tête une nouvelle fois. "Je... Pardon... J'ai encore du mal à comprendre ce qui m'arrive. Ce que je fais ici. Je sais juste que je dois... Je dois... Apprendre. Apprendre Ashaar ?", continue-t-il, prenant un bref instant pour étirer sa tunique au coloris similaire à la bannière qu'il lorgne un moment avant de reporter son attention sur le regard luisant. "On m'a donné consigne de... Trouver la bannière brune et demander le Sieur Salmeck, Salmeck d'Orthel. Il 'saura et guidera'... Je devais être accompagné, présenté mais... Un imprévu, un danger 'en-dessous'...", enchaine-t-il avant de laisser passer un soupir audible, à la limite de la frustration. "Je suis désolé... Tout est si confus. Ma seule certitude est que votre nom serait... Associé à des réponses ?"
"Je n'ai fait aucune demande dans le sens d'un nouvel arrivage au sein de ma Maison. Et je n'ai aucune envie de vous y accueillir, qui que vous soyez.", répond le sosie de shaakt, se mettant à l'inspecter de pied en cap. "Est-ce une farce ? Elle serait de mauvais goût. Qui donc vous a dit de venir me voir ? De quel danger parlez-vous ?"
Poliment, comme ayant suffisamment attendu que la situation s'installe, l'Elfe à crinière violette se permet d'intervenir.
"Naral de Vienne. Je vous assure que ça n'est pas une farce : je l'ai retrouvé ainsi perdu à chercher votre personne avec ces mots cryptiques. Vous ne savez peut-être pas, récent arrivant des Voies Hautes, que des fois les Chevaliers des Cieux ne demandent pas l'avis des Maisons pour les munir de membres. Hé bien celui-ci vous échoit, visiblement."
Les yeux bleus se tournent vers l'Hinïon, l'analysant à son tour.
"Un de Vienne, hein ? Je les voyais moins criards. Et ça ne change en rien le fait que je ne suis pas disposé à accueillir quiconque."
Silencieusement, le Tigre évalue la situation à son tour. Ce Salmeck bloque littéralement l'entrée et risque de se braquer sans une bonne raison de les laisser passer. Insister pour que le devoir d'accueil lui échoit va sans doute leur faire claquer la porte au nez. Il faut lui forcer la main sans en avoir l'air, faire ou dire quelque chose pouvant le compromettre en cas d'écoute. Le sujet vient tout naturellement au Félin qui commence à s'habituer à Ashaar. Il se met à se frotter les avant-bras avec un visible embarras.
"Je... Je comprends votre réticence, mais... Il doit bien y avoir une raison pour que mon... Éducation... Vous échoit. Pour que je porte vos couleurs et ce nom. J'ai peur de ce qui peut arriver sans... Guide.", fait-il d'une petite voix avant de froncer le nez sous son voile. "Je crois que j'aurais commis un impair un peu plus tôt, sans l'intervention de Sieur de Vienne. Parce que... Evoquer mon 'Don' devant ces gens à casque serait... Mal ?"
La réaction du Sieur Salmeck d'Orthel ne se fait pas attendre.
"Votre don ? Par la Source, entrez et taisez-vous donc : dehors, les murs ont des oreilles.", déclare-t-il avant de vigoureusement l'empoigner et l'entraîner à l'intérieur, ne se souciant visiblement pas que l'autre invité imprévu fasse de même et soit celui qui close la porte. "Effectivement, vous lâcher ainsi dans la ville pourrait clairement me nuire. Êtes-vous stupide ? De quel don parlez-vous ?"
Toujours en maintenant son attitude un peu perdue et humble, le Woran se frotte la zone agrippée pour y faire circuler le sang brièvement ralenti. Il laisse sa voix prendre une intonation presque boudeuse afin de donner corps à sa réplique.
"Stupide, stupide... J'aimerais vous voir à ma place. Je n'étais même pas certain de mon propre nom encore récemment. Et ce Don... Je ne comprends pas pourquoi dès que j'en parle...", lâche-t-il avant de brièvement lorgner vers Sieur de Vienne puis de reporter son attention sur leur hôte. "Il... Il me permet d'altérer l'air. De lui donner... De la présence ? De la force ? Je ne sais pas comment le dire clairement..."
Poussant l'effet de naïveté plus loin, Huyïn propose d'en faire une démonstration. Mais là encore, la réaction épidermique d'un ressortissant d'Ashaar ne se fait pas attendre.
"Altérer... Mais bon dieu, ça ressemble à de la magie. Ne vous a-t-on pas dit que c'était interdit ?", gronde-t-il, regardant le Sieur de Vienne de manière courroucée, poussant ce dernier à rétorquer.
"Hé bien si. Mais il ne comprend pas lui-même ce qui lui arrive, vous voyez bien."
Leur hôte involontaire maugrée, n'ayant apparemment pas besoin de cela. Il prend finalement la décision de lui offrir une chambre, l'accès aux cuisines et aux pièces de détente. Il lui interdit toutefois formellement de sortir ou d'aller mettre le nez dans son bureau ou ses appartements. À cela, il ajoute s'occuper de son éducation quand il aura le temps. Huyïn enfonce le clou en insistant sur son incompréhension et en se proposant pour aider avant de rapidement se reprendre, comme ayant réalisé qu'il allait trop loin. Il suggère ensuite que ce soit le Sieur de Vienne qui l'initie aux bases pour faire gagner du temps à tout le monde. Le Sieur Salmeck approuve, tout comme Naral qui, bien qu'il ait des affaires à régler en sa Maison, accepte de l'éduquer un minimum car arguant qu'il n'aurait lui-même pas apprécié de se retrouver sans information à son arrivée.
De nouveau, le Félin exprime sa gratitude aux deux elfes puis il appose la main contre son estomac dont le grognement parvient à se faire entendre. Il s'excuse platement pour l'impolitesse avant de vraisemblablement réaliser quelque chose.
"Vous aurais-je en prime interrompu en plein repas ? Je suis désolé si c'est le cas, je... Je n'ai pas vu décliner la lumière qui aurait pu indiquer...", commence-t-il avant de froncer le nez, en proie à un soudain doute lié à une frustration certaine à cause de son manque d'éducation.
"Indiquer les repas avec de la lumière ? Ne vous en faites pas. Lorsque viendra l'heure du couvre-feu, vous le saurez. De lumière, il n'y en aura plus guère.", explique l'elfe sombre, ne se rendant pas compte que ses paroles provoquent une légère grimace chez l'autre Elfe. "D'ici là, mangez ce que vous voulez. Il y a tellement de nourriture ici que j'en suis écœuré. Je n'arrive à rien manger. La cuisine est accessible, sentez-vous libre de préparer ce que vous voudrez.", déclare-t-il, marquant une pause pour scruter le Woran. "Enfin. Ne faites pas brûler la maison."
Huyïn soupire presque que plus il en apprend, plus les questions lui viennent. Il promet de voir ce qu'il peut préparer avec et sans feu, par précaution. Il s'attend ensuite à ce que le Sieur Salmeck poursuive son rôle d'accueillant, mais au lieu de cela, il fait volte-face et s'enfonce dans son étude.
"Bien. Ne me dérangez sous aucun prétexte."
La porte claque derrière lui, laissant les deux yuiméniens brièvement stupéfaits. Naral Shaam hausse lentement un sourcil puis indique la direction supposée de la cuisine. De fait, ils la trouvent après une pièce de vie et une salle à manger, les salles possédant un faste qui ne semble pas correspondre du tout au propriétaire des lieux. Dedans, de nombreuses victuailles sont visibles, allant du pain au fruit, des céréales à des alcools. Un cellier attenant doit également abriter quelques denrées plus fragiles. Pendant qu'il évalue ce qu'il peut préparer de simple et efficace, Huyïn roule légèrement des épaules et s'adresse à son compagnon de représentation.
"J'ignore s'il n'est pas regardant à cause de son empressement, ou si nous gagnons en capacité de faire couleur locale."
"Je pense qu'il est perturbé, surtout. Il n'a pas l'air très sociable. Et il a l'air de cacher des choses. Vous avez vu ses yeux bleus ? Curieux, n'est-ce pas ? Je commence à comprendre d'où viendraient ces rumeurs sur son cas."
Après évaluation et exploration, le Félin opte pour la confection de simples tartines avec des lamelles d'une des viandes prises dans la réserve.
"Oui, j'ai remarqué. C'est impressionnant et plutôt intriguant. Si ce n'est pas lié à une capacité magique... Hum... S'il est effectivement originaire d'en-dessous et que l'on se fie aux dires de notre autre connaissance elfique, peut-être est-ce un signe de l'influence des Tréfonds ? Il a du faire des efforts incroyables pour venir s'installer ici, ou quelqu'un a aidé à l'y placer.", fait-il, cherchant du regard une carafe d'eau plate, la trouvant auprès de Naral qui vient juste de s'en servir une coupe. "Un individu isolé, secret au point de ne pas même s'entourer de domestiques, émacié à un niveau qui ne doit pas être bon pour sa santé, œuvrant sur quelque chose qu'il ne tient pas à ébruiter. Avec toutefois un parler franc, direct, et convoyant davantage d'émotions, ce qui change de ceux du dessus. Pour tout vous dire, mon 'parent' m'intrigue fortement...", s'interrompt finalement le Tigre, relevant le nez vers son interlocuteur. "Et malgré ses urgences, il a tout de même pris le temps de répondre à quelques questions. Au moins savons-nous maintenant comment identifier le passage à la nuit. Un couvre-feu..."
"Oui. Un couvre feu. Ça va compliquer notre tâche de ce soir. Difficile d'infirmer ou de confirmer nos hypothèses sur le sieur d'Orthel pour l'instant. Et... comme le dit-il lui-même, les murs ont des oreilles. Les siennes, chez lui. Il semble assez paranoïaque pour nous écouter en ce moment même."
À la remarque, le Woran lève les yeux vers lui puis vers la direction du présumé bureau. Sous son voile, ses yeux se plissent avec un rien d'amusement pendant qu'il poursuit la confection de son repas. Autre expérience à laquelle il commence à prendre goût : taquiner les elfes.
"Si c'est le cas, qu'il sache alors que malgré son côté anguleux, je lui trouve fière allure. Ses yeux et ses marques en particulier lui donnent un aspect... Hum... Inimitable ?"
Par prudence, il découpe une lanière de la viande sélectionnée et la glisse en bouche sous le tissu. Il cherche à identifier l'origine de la chair et à savoir s'il ne risque pas d'y faire une réaction. C'est, après tout, un aliment d'un autre monde. Quelques coups de crocs plus tard, il y trouve une ressemblance avec du porc et aucun gonflement ou picotement qui pourrait signifier un rejet. Quelque part, il est un rien déçu de la normalité de la pièce, et la chose fait remonter des souvenirs de jeunesse. Le goût de la viande bipède, pour être exact. La plupart du temps issue de pauvres inconscients voulant chasser les chasseurs et se faisant surprendre par les coups de froid ou les flèches des Worans embusqués. La chose était rare, évidemment, car peu s'enfonçaient dans la Forêt Sombre au point de devenir des proies. Le clan les laissait généralement agir, sauf dans les cas où l’Équilibre n'était pas respecté et où le gibier était chassé à outrance. Du sekteg, du garzok, de l'humain ont déjà fini entre les crocs du Tigre. Pas d'elfe ou de petites personnes, les uns trop respectueux des zones forestières, les autres n'étant pas légion en Nosvéris. Pas de consommation dans les récentes décennies non plus, puisque nombre de substituts étaient proposés dans les lieux "civilisés".
Entre deux bouchées, Huyïn évoque la question du manque de luminosité suite au couvre-feu et la difficulté pour qui se trouverait sur la mauvaise voie au mauvais moment.
"Oui, c'est ce que je me disais : nous ne devrions pas être ici quand la nuit tombera. Nous aurions quelque... difficulté à remonter. Le manque de lumière ne saurait être qu'une aide, en revanche."
Le Woran approuve puis finit son repas et le noie d'un godet d'eau plate qu'il lape avec lenteur. Une fois rassasié, il s'étire et rajuste son voile avec précision. La chose soulage son estomac. Après tout, il n'avait avalé qu'un épais bouillon le matin et avait été happé par le tunnel inconnu avant d'avoir pu bivouaquer avec le reste du groupe. Songer qu'il peut de nouveau souffrir de la faim dans les prochaines heures le chagrine. Il va falloir y remédier, et puisque leur hôte n'a pas l'air particulièrement intéressé à l'idée d'économiser ses vivres...
"Je suggère d'effectuer un bref tour de la propriété, pour nous assurer d'abord que Sieur Salmeck est bien occupé dans... Sa pièce. Éventuellement afin de dénicher un sac pour y placer quelques effets. Au cas où le passage de la porte d'entrée se fasse en un seul sens, préparer de quoi troquer auprès des locaux peut s'avérer utile"
"Voler votre papounet. Comme c'est vil. J'adore. Hihihi. Je m'occupe de cette partie : cuisine, cellier, salon et salle à manger. Cherchez d'autres pièces, un étage, et retrouvez-moi ici."
Sans qu'il n'en comprenne l'exacte raison, la remarque de Sieur de Vienne le perturbe un peu. Il n'a pourtant aucune raison de manifester des scrupules à prendre ce dont il a besoin, et à un individu qui ne manque visiblement de rien. Serait-ce l'état émacié et l'évident isolement de ce pseudo-shaakt qui seraient à l'origine de ce bref élan de... Compassion ? Sympathie ? Quand il y réfléchit, ce Sieur d'Orthel a lui aussi une personnalité atypique et est victime de quolibets plus que d'autres. Doucement, Huyïn se remémore son petit numéro en face des de Montfort. Le côté volontaire de ce second d'Orthel de redorer le blason de sa Maison. S'il pouvait développer son Don ici sans crainte ou retourner sur Yuimen à son gré... Contribuer à voir Sieur Salmeck d'Orthel s'élever à l'étage du dessus en piétinant ceux qui l'ont calomnié aurait été particulièrement intéressant.
Le Tigre pousse un lent souffle de la truffe. Un jour, peut-être composera-t-il une oeuvre sur ce qui aurait pu être. Pour l'heure, son objectif demeure de sortir le Sieur Naral et sa propre personne de cet endroit inhospitalier. Il s'attelle donc à explorer le rez-de-chaussée, tendant d'abord l'oreille à la porte du bureau, curieux de savoir si son parent gratte du papier ou s'affaire à autre chose. Il se met ensuite en quête d'un cagibi ou d'un placard d'où il pourrait extraire un sac de voyage. Ne pas avoir son propre bagage limite sévèrement ses capacités à cacher des objets ou simplement à en posséder.
Ses pas l'amènent ensuite à l'étage, vers ce qu'il pense être 'sa' chambre. Peut-être y trouvera-t-il quelque atour pouvant remplacer adroitement son voile, quand bien même il commence à s'habituer à ce dernier. Et s'il pouvait dénicher quelques effets ornés du blason de la Maison, en souvenir ou pour les échanger auprès d'un prêteur sur gage, cela ferait potentiellement un peu d'or. Le Tigre songe brièvement qu'il pourrait aussi se mettre en quête d'une bourse oubliée, mais le souvenir de ce visage maigre revient à son esprit. Non, les objets sélectionnés devront suffire. Il secoue doucement la tête pour chasser ces idées parasites, fronçant le museau devant cette hésitation qui ne cesse de revenir le harceler. À quoi bon ? Une fois parti d'Ashaar, ce sera comme si Sieur Salmeck n'avait jamais existé, n'est-ce pas ? Une nouvelle hésitation. Il prend la résolution de composer quelque chose pour cet être qui ne ressemble en rien à ses voisins pour calmer son esprit. Rassuré, recadré, il songe qu'avoir de quoi prendre des notes serait éventuellement une bonne idée. Du papier, une plume et une fiole d'encre pour glisser un message discret ou noter la strophe d'une œuvre avant de la perdre, par exemple.
Il hésite une nouvelle fois en approchant des appartements défendus. Il émet un souffle, s'amusant du fait qu'il agit comme les éphémères : lorsque quelque chose est défendu, son intérêt croît sans fin. Curieux, il se rend dans les lieux en quête de réponses. Qui est exactement ce Sieur d'Orthel ? Possède-t-il de la famille qui serait visible sur un portrait ? Parce qu'il est curieux qu'il soit seul, et surtout ait eu l'air surpris de se voir imposer un membre à sa famille. N'est-ce pas savoir courant ? Le Félin se met aussi en quête d'un journal où il aurait consigné son ascension jusqu'aux Voies Hautes. Qui l'y aurait aidé ? Et s'il s'est fait seul, quel commerce peut être assez lucratif pour lui ouvrir le chemin jusqu'à cet étage ? Il est aussi prétendument sorcier et en accointance avec la Cité Inférieure alors peut-être garde-t-il des objets qui en seraient la preuve ? Mais le Majordome a aussi évoqué un éventuel lien avec plus puissant. Un envoyé des Cieux ? Huyïn se fie à son instinct à ce sujet. Si un quelconque objet ne semble pas à sa place ou fait au contraire écho à son Don, il saura qu'il a déniché une piste.
Une fois son exploration faite, il se rendra auprès de l'autre yuiménien. Peut-être devra-t-il batailler quant à l'importance de préparer des provisions, qui ne semblent pas non plus à son goût d'ailleurs, pour une destination où les conditions de vie ont l'air plus que complexes.
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Modifié en dernier par Huyïn le mer. 11 déc. 2024 19:56, modifié 1 fois.
- Cromax
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Re: Les Voies Hautes
La Cité des Ombres
Les Voies Hautes
Les Voies Hautes
Jour 1 – fin d’après-midi.
En écoutant à la porte du bureau, ce n’est guère le bruit de la plume sur le parchemin qu’il entend, mais une voix. Celle de Salmeck, comme s’il se parlait à lui-même. Les mots sont bas cependant, et inaudibles clairement par woran sombre. En tout cas, il y était bien, et visiblement occupé. Il trouve sans peine une besace spacieuse en cuir qu’il peut porter en bandoulière, ainsi que du matériel d’écriture : parchemin, pot d’encre noire et plumes affutées. Dans ce qu’il désigne comme sa propre chambre, Huyïn ne trouve aucun habit ou signe ostentatoire de richesse. Elle est inoccupée, et son équipement sommaire : lit, penderie vide, bureau entièrement pillé par ses soins de son matériel et chaise. Une chambre inhabitée, en somme. Aucune bourse oubliée, même s’il l’y aurait laissée. Le sieur d’Orthel semblait attentif à ses biens précieux.
Dans la chambre du maître des lieux, c’est bien différent. Habits à la couleur de sa maison, parures élégantes et nobles, lit fastueux, table basse nourrie de gâteaux secs et appétissants. Et un coffret scellé dont le chat-homme comprend qu’il s’agit d’or en bousculant légèrement ce dernier. Aucune arme, aucun document écrit ici. C’en est presque trop propret. Assez banal en personnalisation, signe d’un emménagement récent.
Lorsqu’il revient vers Naral, celui-ci a déjà empaqueté diverses nourritures de garde dans une seconde besace trouvée. Il souffle au retour de son comparse, discrètement.
« Il n’y a pas grand-chose. Si nous ne le savions pas, je ne dirais pas que cet… elfe est riche. Les seuls signes de faste ne sont que façade. »
Il désigne la porte d’entrée avec un air interrogateur ? Est-ce pour eux le temps de mettre les voiles ?
[HJ : Direction discord, si cela te sied. Indique moi, avant de commencer, ce que tu as pris de tes découvertes.]
[XP :
Huyïn : 1 (discussions), 0,5 (exploration)]
- Huyïn
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Re: Les Voies Hautes
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L'exploration de la propriété lui permet de dénicher certaines trouvailles appréciables. Une besace spacieuse, du matériel d'écriture comprenant parchemin de qualité, pot d'encre noire et plumes affutées, ainsi qu'une paire de tuniques élégantes et pantalons assortis aux couleurs de la Maison d'Orthel. L'étrangeté de la situation ne le quitte pas, tout comme la sensation que les lieux ont été acquis très récemment ou que son 'parent' n'utilise guère les lieux tant tout semble... Ordonné. À son retour auprès de l'Hinïon, ce dernier semble s'être affairé avec les bonnes priorités en empaquetant des aliments dans un second bagage. Discrètement, il lui souffle qu'il n'y a pas grand-chose et que s'ils ne le savaient pas, rien ne semblerait attester de la richesse de leur hôte. Autant l'opulence était visible chez les de Montfort, autant ici elle semble superficielle. Un décor. Une façade. Le Tigre appuie ce constat en évoquant l'aspect vide et sans personnalité des appartements, comparant la qualité de voie-hautain du Sieur Salmeck à la leur.
Il lorgne en direction du bureau, faisant part d'une hypothèse : et s'ils n'étaient pas les premiers yuiméniens à avoir été amenés ? Son interlocuteur semble peu convaincu, arguant qu'il s'agirait alors de personnages bien plus discrets que ceux de la cave, et que des visiteurs d'un autre monde auraient marqué les esprits. Le Woran explicite son hypothèse en s'appuyant sur le fait que le groupe actuel est arrivé en grand nombre, dans un lieu inadapté. Mais que si le ou les responsables avaient été préparés, faisant venir des individus isolés et les éduquant comme de jeunes bêtes perdues contre la promesse d'un retour et de leur silence... D'autant que les plus malavisés ou impulsifs finiraient dans la Cité Inférieure où nul ne leur accorderait le moindre crédit... Huyïn émet un souffle de la truffe, chassant l'idée d'un geste, la mettant sur le compte de son imagination d'artiste. Il revient brièvement sur les locutions employées, qui ne semblent pas correspondre à ce qu'emploieraient des habitants d'un monde souterrain où pas même une chauve-souris est visible. Le Sieur Naral n'a une nouvelle fois pas l'air convaincu par l'idée, laissant entendre que le Félin va chercher un peu loin. Qu'il y a possiblement d'autres raisons à ces similitudes de langage, et que le point qu'il a soulevé concernant l'interjection 'bon dieu' de son parent est possiblement en relation avec les Chevaliers des Cieux. Eux pourraient faire office de dieux, aux yeux de la population.
"Possible, et hors de question de s'informer sans attirer l'attention. Peut-être trouverons-nous des indices appuyant ou niant cette théorie en atteignant notre destination.", répond-il, faisant un bref signe du chef vers la sortie en ouvrant toutefois son sac flambant neuf. "Je vous rejoins dans un instant. Une petite chose à régler avant de partir.", déclare-t-il, s'attelant à la rédaction d'une courte missive.
Il leste le parchemin d'une poignée de yus sur un meuble visible depuis le bureau, curieux de tester sa théorie, puis il se met en chemin à la suite de son compagnon d'infortune. Au moment où la porte d'entrée est ouverte, celle du bureau fait de même, attirant l'attention du Tigre sur son parent émergeant avec calme de la pièce. L'amertume dans son ton laisse entendre que cela n'a vraisemblablement rien d'accidentel.
"Vous partez déjà ? N'avais-je pas signalé que vous n'aviez pas le droit de sortir, cher parent ? Avez-vous trouvé ce que vous étiez venus chercher ?"
Persistant dans son rôle, le Woran baisse un peu la tête et fait un vague geste pour attirer l'attention de son parent sur la missive, comme si cette dernière contenait toutes les justifications nécessaires.
"Vous me l'avez dit, oui. Mais avec un précepteur pour me chaperonner et tout ce qui a été évoqué, trop et trop peu à la fois, la perspective de ne pas vous voir sortir avant un moment, ma curiosité...", déclare-t-il avant d'émettre un léger soupir et de relever le nez. "Pour vous répondre, hélas non. Ce n'est pas en ce court temps passé en votre demeure que j'ai obtenu les réponses dont j'ai besoin."
"Oh, je ne vous ai pas laissé assez de temps pour fouiner.", répond leur hôte, la mine sombre et les yeux lumineux. "Dites-moi qui vous êtes réellement."
Une nouvelle fois, le Tigre tente d'attirer son attention sur le parchemin, tout en affirmant ne pas comprendre, que toute sa confusion, sa méconnaissance d'Ashaar et son don sont bien réels. Mais l'elfe sombre s'impatiente à la place, exigeant des explications de vive voix. Derrière le Woran, l'Hinïon se fait entendre.
"Si je gêne, vous le dites, hein ?"
Huyïn réalise que la confrontation avec son parent est inévitable, son identité totalement compromise. Tenter de s'accrocher à ce rôle de nouvel arrivant naïf ne tiendra pas face à cette évidente méfiance. Ne pas mêler Naral Shaam à cette histoire et préserver le sien semble être la chose la plus judicieuse à faire. Si Sieur Salmeck alerte le Soleil Noir et le dénonce, au moins l'Hinïon pourra continuer à prétendre ne rien avoir à faire avec lui et s'en tenir au plan de la nuit. Calme, sa décision prise, le Woran se tourne vers l'autre yuiménien, rivant son regard aux yeux d'or.
"Il semble bien que mon escapade dans les Voies Hautes soit compromise, Sieur de Vienne. J'ai déjà beaucoup abusé de votre patience quand vous avez des affaires urgentes en suspend.", souffle-t-il en croisant les bras. "Je ne souhaite pas vous causer davantage de problèmes quand je risque d'en avoir plus que ma part. Je vous remercie pour votre temps et votre aide.", finit-il, tournant légèrement la tête par-dessus son épaule pour faire face à son camarade un bref moment pendant qu'il s'adresse à son hôte. "Devrions-nous nous asseoir, cher parent ? Je n'ai rien contre une discussion debout, mais ces dernières heures m'ont rendu las."
Devant lui, l'Hinïon répond dans le sens qu'il attendait.
"Soit. Je vous abandonne maintenant, mais prendrai de vos nouvelles. Je me fais un devoir de vous faire visiter ces lieux au plus vite. Ser d'Orthel, si vous permettez..."
Le Félin se tourne alors complètement vers l'individu aux yeux luisants, qui fronce les sourcils mais opine, le laissant partir. La porte se referme derrière l'Elfe blanc, le mettant hors de d'atteinte. Un bref silence se fait, puis Sieur Salmeck l'invite au salon, à y prendre place et à tout lui dire, mettant l'emphase sur ce premier mot. Huyïn récupère sa missive et sa monnaie puis obtempère. Il prend place face à son hôte, déposant le luth à ses côtés et contemplant le curieux regard flamboyant avant de se lancer. Nul besoin de créer quelque fable, il opte pour cette vérité qu'il a maintenu dissimulée tout au long de ces dernières heures.
"Je vais commencer par le plus simple : vous allez douter de chacune des paroles que je vais prononcer. Je ne vous en tiendrai nullement rigueur, vues les circonstances.", amorce-t-il avant de présenter les yus. "Avez-vous idée de ce dont il s'agit ?"
Aucune reconnaissance dans sa posture. Du doute, plutôt. La chose met immédiatement un terme à l'hypothèse du Félin le concernant, lui faisant ranger les pièces en vrac dans son nouveau bagage.
"Des... médailles ? En étain, il semblerait. Je n'en ai jamais vues de pareilles. Cela prouve que vous n'êtes pas celui que vous dites être, un "nouveau" de ma famille."
"Ce ne sont pas des médailles. Ce sont des pièces, la monnaie de la contrée dont je suis issu. Je ne suis pas un nouveau de votre famille, en effet. Mais je le suis bel et bien en Ashaar.", commence-t-il, portant la main à son voile avant de changer d'avis, estimant que la révélation serait trop précoce. "Cela fait à peine une poignée d'heures que je circule en votre cité. J'ai du jouer de verve et de subterfuge afin d'appréhender votre... Civilisation. Bien des notions et des termes m'échappent, mais ils sont si familiers aux vôtres qu'en user avec légèreté a suffi à m'ouvrir bien des portes. Et c'est en suivant certaines pistes glanées çà et là au cours de mon périple que je suis venu jusqu'à vous.", poursuit-il, levant ses yeux vert pâle vers les siens. "Parce que vous pourriez détenir les informations essentielles à mon retour."
Au fur et à mesure que les mots filent, un frêle sourire satisfait prend place sur les traits anguleux. L'elfe lui demande comment il est entré en Ashaar, qui l'y aurait amené avant de demander si celui aux cheveux d'améthyste est aussi un étranger. Sa réaction fait plisser les yeux du Woran. Il dévie la conversation, soulevant le fait qu'il n'a pas l'air spécialement dubitatif quant à ses déclarations. Il avance l'idée que ces médailles auraient pu être forgées dans la Cité Inférieure, qu'il est peut-être un mercenaire à la solde d'un rival en quête de scandale frais à répandre, avant d'avancer l'hypothèse que Salmeck lui-même n'est peut-être pas d'Ashaar. S'appuyant sur ses genoux et se penchant un peu, le Tigre accuse à demi-mot son interlocuteur d'être lié à sa présence ici, avant de le qualifier de 'Sieur envoyé des Cieux'.
"Je vous ai pris sur le fait de mentir une fois. Il serait folie de recommencer aussitôt. Ou d'une audace certaine.", réplique-t-il, perdant son sourire au profit d'une expression sévère. "D'où vous sortent toutes ces allégations et théories farfelues ? Dois-je les prendre comme des menaces ? Et si vous-même me prenez pour un menteur, nous serions alors dans une impasse grotesque. Mais soit : puisque vous voulez jouer, jouons. Trouvons les secrets de l'autre en le forçant à révéler sur lui des choses cachées par le biais de questions détournées. Par exemple : qui donc sont mes rivaux, si vous êtes par eux invité ?"
Sa réaction confirme et infirme plusieurs choses, faisant souffler le Tigre derrière son voile.
"C'est en jouant d'audace que je suis parvenu ici. En prêchant le faux pour connaître le vrai.", répond-il, avant d'agiter brièvement la main en ce geste généralement aisément identifiable, invitant à faire fi de certaines choses. Il se rassoit au fond de son siège, détendu. "Ne vous vexez pas, Sieur Salmeck. Je ne fais que reprendre ce que les rumeurs circulant à votre sujet m'ont appris. Que vous étiez issu de la Cité inférieure, là où les mages se terrent. Que vous êtes vous-même sorcier. Que vous êtes agent des Chevaliers des cieux, envoyé ici pour garder un œil sur les Voie-hautains... C'est l'ensemble de ces rumeurs qui m'a poussé à venir tenter ma chance en votre demeure.", explique-t-il, plissant les yeux avec amusement. "Et j'ai été plus que surpris en vous voyant, car vous êtes l'exact portrait des Shaakts, les elfes sombres qui vivent en ma région. C'est une des raisons pour lesquelles j'ai ressenti... Et que je ressens encore... Quelque réticence à vous duper, vous."
Son regard se fait aiguisé, une brûlante lame de couteau.
"A votre discours, je dirais bien que vous êtes de l'Ordre du Soleil Noir, mais même eux ne seraient pas assez idiots pour jouer ce genre de bluff avec moi. Et puis, si tel avait été le cas, vous sauriez que vos rumeurs sont erronées. En plus d'être insensées.", persiffle-t-il, haussant un sourcil ensuite. "Et vous concluez des choses sur moi parce que je ressemble physiquement à quelque personne de votre entourage ?", fait-il, l'air presque blasé. Un soupir lui échappe. "Bon. Bon, mettons que vous ne cherchiez pas à me duper. Quel type d'information auriez-vous pu vouloir de moi ? Des informations sur la Cité Inférieure ? Sur la Sorcellerie ? Sur les Chevaliers des Cieux ? Voilà là bien des sujets dangereux."
"Tout un chacun a ses biais, mais vous avez raison de le souligner. Faire preuve d'indulgence à cause d'une apparence est absurde. Même si je dois avouer, et il est rare que la chose m'arrive, que l'éclat de vos yeux m'a happé dès notre rencontre... Mais je tiendrai compte de vos remarques à l'avenir."
Il se lance ensuite dans une série de confirmations. Ces sujets ont beau être dangereux, ils sont les pistes les plus probables à suivre pour quitter ce monde abject qui criminalise une partie de son être. Et ce, sans en connaître la raison, qu'il est impossible de demander sans être aussitôt démasqué. Tout en se massant le coin des yeux, il relate alors son arrivée en Ashaar via une sorte de passage étrange qui l'a contraint à y venir pendant qu'il voyageait. Il suppose qu'il s'agit d'un phénomène magique, sans en avoir de preuve tangible. Le Sieur d'Orthel semble brièvement confus lorsqu'il comprend que le Tigre n'est pas issu d'une simple contrée différente, mais d'un autre monde. Son sentiment laisse place à de la perplexité, amenant sa main à toucher ses lèvres un court instant dans une attitude de réflexion. Il finit par mettre un terme au court silence.
"Bien. Jouons franc jeu. Posez-moi les questions sans détours, j'y répondrai du mieux que je peux. Cette discussion restera entre nous : sous aucun prétexte vous ne devrez faire proliférer les informations que je pourrais donner. De même que je ne dirai rien de vous. Vous pourriez même garder votre couverture de membre de la Famille d'Orthel, si ça vous sied."
Lentement, le Tigre ôte ses doigts du coin de ses yeux. Il les dirige vers son interlocuteur, ne s'attendant pas vraiment à ce que ce dernier accepte non seulement de lui offrir des informations, mais également la possibilité de conserver son alias. Un brin de contentement étreint le Félin. Cet entretien devient très intéressant, et le geste d'ouverture de son parent le pousse à en faire un en retour. Il défait son voile et ôte complètement sa coiffe, agitant ses oreilles jusque-là maintenues dans une position statique. Il se masse le crâne à leur base un court instant, poussant un souffle de satisfaction à la sensation de détente qui le parcourt. Il oriente ensuite son regard vers son interlocuteur et laisse ce dernier voir ses crocs à mesure qu'il s'exprime. Il commence par un trait d'humour rassurant quant au fait qu'il n'a jamais mordu quiconque. Pas physiquement, en tous cas. Il s'attarde ensuite sur le fait que son Don est ancré dans sa chair au même titre que son sang, d'où l'idée de cette criminalisation d'un partie de son être.
Lentement, il se masse le museau, respirant librement et calmement. En-dehors d'un léger haussement de sourcil et une qualification d'intéressante, son apparence n'a pas l'air de déstabiliser son hôte. Le Woran se permet de humer l'air des lieux pendant un instant avant de se lancer.
"Pourquoi la magie est-elle un sujet tabou en Ashaar ? Comment le Soleil noir est-il en mesure d'en repérer les pratiquants ? Que pouvez-vous m'apprendre des Chevaliers des Cieux ? Je pense que cela nous fait déjà un bon départ."
"Ainsi vous êtes mage. Ce n'est pas un crime en soi. C'est son usage qui est règlementé. Et elle n'est tabou que pour les brutes du Soleil Noir ou les tyrans de la surface. Nombre d'Ashaari ont de la magie en eux. C'est mon cas également.", répond-il, son attention s'attardant sur les traits du Woran comme s'il avait la moindre chance de déceler une expression dans le visage animal. "J'ignore ce qui permet au Soleil Noir de percevoir la magie, mais ils en sont capables. Ils voient les effets d'un sortilège et peuvent en suivre l'origine à la trace pendant un certain temps. Comme si des... résidus de magie suivaient les lanceurs de sort. Et comme ces butors sont partout... il est difficile de la pratiquer." Son visage se pare d'une grimace, d'un air déploré. "Quant aux Lumineux auto-désignés Dieux-Tout-Puissants, il n'y a rien à en dire : nous ne savons que peu sur eux. Il y a beaucoup de fantasme, de peur, de vénération à leur égard. Mais à part jeter au peuple de la nourriture comme à des mendiants et enlever de force tout ceux qui ne leur reviennent pas, nous n'en savons pas grand chose."
Pendant que son parent lui répond, Huyïn extirpe son appendice caudal de sa position inconfortable. Il lisse la fourrure aplatie par la pression de la ceinture des griffes, grandement intéressé par tout ce qu'il apprend. Il y a donc davantage à Ashaar que cet espace sans le moindre horizon. Il s'étonne de cette haine de la magie, arguant que nul ne déteste sans raison valable, demandant en conséquence si l'Ordre y apporte une justification. Intrigué, il demande également si les yeux de son interlocuteur sont liés à cette magie et s'il n'a jamais été inquiété par l'Ordre. Mais la réaction presque viscérale de Sieur Salmeck le surprend et l'incite à le regarder avec des yeux écarquillés.
"Ah !", tonne son éclat de rire empli de cynisme. "Bien sûr qu'ils y mettent une justification. Leur sacro-sainte immortalité. Nous la devons - apparemment - aux surfaciens, qui alimentent et protègent un bouclier cernant la cité. L'usage de la magie créerait des dysfonctionnements dans le processus, et risquerait de le faire tomber, faisant choir sur nous des conséquences apocalyptiques. Une mort brutale, avalés par le chaos tueur cernant Ashaar. A peu près ce dont ils menacent les pratiquants de magie, en somme." Il enchaine, ironisant avec cruauté. "Je pense que c'est surtout une auto-glorification de leur ego. Refuser la mort, c'est se prétendre supérieur à celle-ci. Et je suis persuadé que ça a un côté malsain, corrupteur. La cruauté et la paranoïa s'installent dans le cœur de ceux qui sont les plus anciens, à tel point qu'ils sont prêts à toutes les extrémités pour préserver leur existence."
Un air écœuré peint ses traits. Toute cette façon de penser a l'air mûrement réfléchie. C'est une réaction à vif et sans retenue, qui supplante presque le savoir le plus incroyable évoqué : l'immortalité. Voilà qui explique pourquoi l'elfe foudroyée n'a pas succombé à la sauvagerie de l'assaut électrique, pourquoi l'on bannit les criminels plutôt que de mettre fin à leurs jours. Une vie qui ne peut pas cesser. Dit comme cela, la chose peut être tentante, mais Sieur Salmeck a raison sur bien des points. Sa voix prend un ton presque idéaliste quand il reprend la parole.
"La beauté de la vie ne devrait-elle pas tenir de son côté éphémère ?" L'elfe émacié se plonge dans ses pensées, momentanément absent, puis son regard redevient perçant. "Pour le reste, je vous laisse maître de vos hypothèses. Je répéterais juste ceci : c'est l'usage et non l'être qui est puni par le Soleil Noir."
Huyïn plisse puis ferme lentement les yeux à deux reprises tandis que son attention demeure rivée à son parent. Il appuie les propos de ce dernier, car il est difficile d'adopter des valeurs saines quand le maître-étalon n'existe pas. Il décrit alors les peuplades de Yuimen, toutes soumises à la mortalité, même si variant en longévité. Il évoque les grandes lois de l’Équilibre : ce qui vit périra, ce qui tombe sert de terreau à la génération suivante. Une constante ponctuée d'innombrables changements. Parler des Principes le fait brièvement grogner, puis il plisse les yeux.
"Nier sa mort n'a de sens que si quelque chose doit être réalisé et qu'y consacrer une seule vie ne suffirait pas. Pour quelle raison vos tyrans vous garderaient ici, comme de honteux secrets, si eux-mêmes subsistent avec assez d'aisance pour vous faire parvenir tout ce dont vous avez besoin ?", questionne-t-il avec perplexité, manifestant le sentiment par un bref à-coup de son appendice caudal. "Nul n'a jamais été voir en surface pour tirer tout ceci au clair ? Ashaar ne s'est certainement pas bâtie en un jour. Des voies de construction et d'évacuation des débris ont bien du être mises en place avant que les... 'monte-charge' soient fonctionnels. Y compris en direction du dessus, non ?"
"Le seul accès connu vers la surface est un puits sans escalier ni corde, aux parois verticales et hautes. Si hautes. Elles partent du niveau de la Veine jusqu'au-dessus des Voies Hautes. Nul ne peut se permettre pareille escalade. Ceux qui ont tenté par d'autres moyens, nous ne les avons jamais revus. Quant aux Surfaciens, ça ne leur pose aucun souci : ils volent.", dit-il, approuvant la logique inhérente en Yuimen, avant de poursuivre. "Je ne connais rien des buts des Lumineux. Je sais juste leur emprise totale sur la Cité."
Le Tigre croise lentement les bras et abaisse les paupières, réfléchissant brièvement pour en revenir à une conclusion simple.
"Je vois. Ce qui me ramène à mon hypothèse première : pour partir d'ici, je vais probablement devoir réitérer le phénomène, mais en sens inverse. Qui sait, si ce que j'envisage être une forme de magie est assez puissante pour percer un tunnel entre nos réalités, elle le sera probablement aussi pour mener Ashaar à sa perte. Si l'éclatement de ce bouclier légendaire fait déferler la mort comme proféré, évidemment."
Le ton employé par Sieur Salmeck laisse planer comme un air de défaite. De résignation quant à certaines choses immuables. A-t-il une vue suffisamment pessimiste pour que le Woran puisse agir sans retenue ? Car l'hypothèse qu'il a avancé est possible. Repartir sur Yuimen par voie magique pourrait détruire la protection de ce monde, si elle existe. Si Sieur Salmeck tient à ce que la mort déferle sur toute la cité, Huyïn n'aura aucun scrupule à lui rendre ce service. Mais si ce n'est pas le cas... Il a besoin de savoir où se situent les limites de son interlocuteur. De voir par lui-même si ce dernier dispose encore d'une flamme en lui qui mérite d'être préservée. Mais aussi... Parce qu'à le fréquenter, à l'écouter parler et réagir, le Tigre commence à développer des affinités pour lui. À s'y attacher. À développer un intérêt pour ses idées, et à leur accorder de la valeur.
Et c'est une chose qu'il ne peut pas se permettre. Il a déjà commencé à glisser sur cette dangereuse pente avec l'Hinïon qui force l'admiration. Prendre ce même risque avec le non-shaakt pourrait terriblement lui compliquer la tâche. Il doit impérativement remettre de la distance entre eux, pour ne pas laisser l'affect entraver son jugement. Rouvrant les yeux, le Tigre le regarde fixement, employant le ton le plus froid et distant possible.
"Je n'ai personnellement aucun attachement à ce monde me mettant en cage. La perspective qu'il devienne un champ de ruines derrière moi ne m'affecte pas. Mais ce n'est peut-être pas votre cas... Pourquoi être venu vous installer dans les Voies Hautes, Sieur mon parent ? L'ascension n'a pas du être de tout repos."
"Détruire ce monde ne vous causerait aucune culpabilité ? Vous êtes une personne détestable, étranger. Pire, même, que ceux que je dénonce en ce monde qui, bien qu'ils nous mènent contre notre volonté, nous laissent au moins une chance de mener la vie qu'on veut.", soupire-t-il d'un ton agressif. "L'ascension fut aisée, mais je suis ici par devoir plus que par désir. Tout le monde n'est pas aussi égoïste que vous."
L'elfe qui lui fait face affiche un air répugné, outré. Une distance s'est abruptement créée entre eux. Huyïn a du mal à retenir un claquement de langue au retour de flammes causé par son initiative. Il pensait que provoquer une réaction féroce de son interlocuteur l'aiderait à relativiser, à le traiter comme une simple note dans cette désagréable partition qu'il joue depuis son arrivée. Il ne peut que constater que c'est l'inverse qui s'est produit. La froide colère qui émane de cet être le rend incroyablement plus remarquable, admirable. Un caractère notable et contenu. Le Tigre voulait l'ignorer, il ne peut pas en détourner le regard. Tout comme lorsque le Sieur Naral a fait preuve d'une confiance en lui-même qui a ébranlé le Félin, celui-ci ne peut qu'exprimer son ravissement involontaire.
"Impressionnant... Magnifique, même... Vous brillez par votre colère, par cette volonté combattive dont je vous ai un instant pensé dépourvu. J'ai cru dans vos paroles que vous souhaitiez précipiter Ashaar dans le chaos et la destruction. Que vous recherchiez votre propre fin, quitte à emmener cette éternité et tous ceux qui en dépendent dans votre sillage. Et si telle avait été votre volonté, j'aurai œuvré à satisfaire nos deux buts.", entame-t-il, clignant lentement des yeux à la perspective. "Mais si vous avez un idéal. Sans doute une vision... Si vous souhaitez changer Ashaar d'une autre manière, je respecterai votre volonté. Voire vous y aiderai dans la mesure de mes moyens, si quitter ce monde s'avère au final impossible."
Il ouvre sa posture, mettant son admiration sur le compte de ce biais qu'il a envers l'Elfe aux yeux luisants. Il résume la situation entre eux : le Voie-hautain sait maintenant qui il est, a l'ascendant sur lui par sa capacité à le dénoncer, et une dette colossale lie le Tigre à ce dernier. Il réitère sa proposition de le seconder de quelque façon que ce soit, mais son vis-à-vis ne se départit pas de son air sévère.
"Vous aviez raison : vous êtes bon pour prêcher le faux afin d'obtenir le vrai. Mais c'est un jeu dangereux et qui n'est pas sans conséquence. Je ne sais plus que penser de vous, contrairement à ce que vous affirmez. Les mots changent dans votre bouche à mesure que vous parlez, et je ne sais distinguer le mensonge de la réalité.", annonce-t-il, secouant la tête. "Vous pouvez porter publiquement mon nom, et je ne vous dénoncerai pas à ceux que je hais. Mais toute l'aide que j'aurais pu vous apporter, il faudra désormais la mériter. Faire vos preuves."
La méfiance, la prise de distance. Exactement ce que le Félin escomptait. Pas d'état d'âme. De pseudo bonté et désintéressement. Retour à une relation transactionnelle, bien plus simple à appréhender. Il baisse le nez et légèrement les oreilles, manifestant avoir été sermonné de la meilleure des façons, puis il relève la tête pour le regarder dans les yeux.
"C'est une chose que vous devez garder en tête à mon endroit. Causer l'incertitude est l'une des rares défenses que je possède, puisque je ne suis pas un combattant. Sachez également que deux choses sont véridiques à mon sujet. L'une, c'est que je paie toujours mes dettes, quelles qu'elles soient et peu importe auprès de qui elles soient. Et l'autre est une chose que je n'ai jamais confié à quiconque...", souffle-t-il en effleurant son luth avec douceur, la précaution de qui craint de blesser un être fragile. "C'est que cet objet, Bois-Carmin, est mon bien le plus précieux. Symbole et incarnation de ma liberté. De la reprise en main de mon destin... Si je jure sur lui, vous n'aurez pas à douter de la véracité de mes dires. Le perdre me serait... Insupportable."
Les mots sont faibles, indignes par rapport à ce que ressent réellement le Félin à l'idée que cela se produise. Sa fourrure se hérisse légèrement, ses bras se croisent et il se laisse aller à un élan défensif, visiblement agité. Son appendice caudal se meut violemment de gauche à droite, en réponse à son ressenti.
"Plutôt aller me jeter dans les Tréfonds que de l'endommager ou de m'en séparer."
Huyïn met un moment avant de parvenir à relâcher sa posture et détourner la tête, s'efforçant de respirer avec calme pour reprendre contenance. De telles sautes d'humeur lui sont rares puisqu'il a appris au cours de longues années d'humiliation à conserver son sang-froid en dépit des circonstances. Mais il faut croire que les dernières heures ont davantage pesé sur lui qu'il le pensait. Après un long silence, il indique être à l'écoute de directives ou de questions.
"Je n'ai aucune consigne pour vous. Œuvrez selon votre bon vouloir. J'aurais un conseil cependant : ne vous restreignez pas d'utiliser la magie. Soyez ce qu'ils craignent, sans vous faire attraper. N'optez pas pour le conflit direct avec le Soleil Noir, et encore moins avec les Surfaciens.", instruit-il, son ton incitant le Woran à lui accorder toute son attention encore une fois. Il ne manque donc pas le côté perçant de son regard. "Œuvrez comme cela, et vous aurez mon aide lorsque le besoin s'en fera ressentir. D'ici là... je vous garde à l’œil."
La lueur dans son regard se fait plus accrue, plus pressante. Son sourire entre deux états d'âme n'aide pas à savoir s'il vient de faire quelque chose que le Félin n'a pas ressenti, ou simplement qu'il n'assume pas un trait d'humour après cet épisode tendu. Dans le doute, Huyïn va demeurer vigilant. Il laisse le reste de sa tension s'échapper par un souffle de la truffe.
"De tous les conseils possibles, aller à ma guise à l'encontre de la première règle d'Ashaar n'était pas celui que je m'attendais à recevoir. Soit, Sieur Salmeck... Ou plutôt respecté parent, vos instructions ne me quitteront pas. Pas plus que vous, si je comprends bien.", répond-il, se recoiffant et replaçant sa queue à la place cachée. "Je vous informe donc que j'ai une dernière piste à suivre avant le couvre-feu. Si je ne suis pas de retour avant celui-ci, considérez que celle-ci a été fructueuse. Ou que j'ai trouvé refuge quelque part. Le noir ne m'a jamais dérangé.", informe-t-il, s'équipant de son luth, prêt au départ.
"Bien. Puissiez-vous trouver ce que vous cherchez."
Huyïn place un bras en travers de sa poitrine et fait une sincère révérence respectueuse. Suite à cela, il pivote et se dirige vers la sortie. Ses pensées se tournent vers Naral Shaam. A-t-il tenté sa chance chez ses propres parents pendant ce temps ? Est-il parti à l'étage du dessus ? L'a-t'il attendu ? Quoi qu'il en soit, les paroles du Premier d'Orthel le laissent songeur. S'il est capable d'aider en cas de besoin, peut-être faut-il voir cette histoire de supervision comme quelque chose de bien concret. Et dont il doit parvenir à informer l'Hinïon sans se montrer trop évident. Le Tigre a réussi à détourner la conversation de son partenaire de scène, ce n'est pas pour qu'il se trahisse à la première réplique qu'il lui adressera.
Le temps de le retrouver, peut-être aura-t-il devisé un moyen.
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-20-
L'exploration de la propriété lui permet de dénicher certaines trouvailles appréciables. Une besace spacieuse, du matériel d'écriture comprenant parchemin de qualité, pot d'encre noire et plumes affutées, ainsi qu'une paire de tuniques élégantes et pantalons assortis aux couleurs de la Maison d'Orthel. L'étrangeté de la situation ne le quitte pas, tout comme la sensation que les lieux ont été acquis très récemment ou que son 'parent' n'utilise guère les lieux tant tout semble... Ordonné. À son retour auprès de l'Hinïon, ce dernier semble s'être affairé avec les bonnes priorités en empaquetant des aliments dans un second bagage. Discrètement, il lui souffle qu'il n'y a pas grand-chose et que s'ils ne le savaient pas, rien ne semblerait attester de la richesse de leur hôte. Autant l'opulence était visible chez les de Montfort, autant ici elle semble superficielle. Un décor. Une façade. Le Tigre appuie ce constat en évoquant l'aspect vide et sans personnalité des appartements, comparant la qualité de voie-hautain du Sieur Salmeck à la leur.
Il lorgne en direction du bureau, faisant part d'une hypothèse : et s'ils n'étaient pas les premiers yuiméniens à avoir été amenés ? Son interlocuteur semble peu convaincu, arguant qu'il s'agirait alors de personnages bien plus discrets que ceux de la cave, et que des visiteurs d'un autre monde auraient marqué les esprits. Le Woran explicite son hypothèse en s'appuyant sur le fait que le groupe actuel est arrivé en grand nombre, dans un lieu inadapté. Mais que si le ou les responsables avaient été préparés, faisant venir des individus isolés et les éduquant comme de jeunes bêtes perdues contre la promesse d'un retour et de leur silence... D'autant que les plus malavisés ou impulsifs finiraient dans la Cité Inférieure où nul ne leur accorderait le moindre crédit... Huyïn émet un souffle de la truffe, chassant l'idée d'un geste, la mettant sur le compte de son imagination d'artiste. Il revient brièvement sur les locutions employées, qui ne semblent pas correspondre à ce qu'emploieraient des habitants d'un monde souterrain où pas même une chauve-souris est visible. Le Sieur Naral n'a une nouvelle fois pas l'air convaincu par l'idée, laissant entendre que le Félin va chercher un peu loin. Qu'il y a possiblement d'autres raisons à ces similitudes de langage, et que le point qu'il a soulevé concernant l'interjection 'bon dieu' de son parent est possiblement en relation avec les Chevaliers des Cieux. Eux pourraient faire office de dieux, aux yeux de la population.
"Possible, et hors de question de s'informer sans attirer l'attention. Peut-être trouverons-nous des indices appuyant ou niant cette théorie en atteignant notre destination.", répond-il, faisant un bref signe du chef vers la sortie en ouvrant toutefois son sac flambant neuf. "Je vous rejoins dans un instant. Une petite chose à régler avant de partir.", déclare-t-il, s'attelant à la rédaction d'une courte missive.
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"Vous partez déjà ? N'avais-je pas signalé que vous n'aviez pas le droit de sortir, cher parent ? Avez-vous trouvé ce que vous étiez venus chercher ?"
Persistant dans son rôle, le Woran baisse un peu la tête et fait un vague geste pour attirer l'attention de son parent sur la missive, comme si cette dernière contenait toutes les justifications nécessaires.
"Vous me l'avez dit, oui. Mais avec un précepteur pour me chaperonner et tout ce qui a été évoqué, trop et trop peu à la fois, la perspective de ne pas vous voir sortir avant un moment, ma curiosité...", déclare-t-il avant d'émettre un léger soupir et de relever le nez. "Pour vous répondre, hélas non. Ce n'est pas en ce court temps passé en votre demeure que j'ai obtenu les réponses dont j'ai besoin."
"Oh, je ne vous ai pas laissé assez de temps pour fouiner.", répond leur hôte, la mine sombre et les yeux lumineux. "Dites-moi qui vous êtes réellement."
Une nouvelle fois, le Tigre tente d'attirer son attention sur le parchemin, tout en affirmant ne pas comprendre, que toute sa confusion, sa méconnaissance d'Ashaar et son don sont bien réels. Mais l'elfe sombre s'impatiente à la place, exigeant des explications de vive voix. Derrière le Woran, l'Hinïon se fait entendre.
"Si je gêne, vous le dites, hein ?"
Huyïn réalise que la confrontation avec son parent est inévitable, son identité totalement compromise. Tenter de s'accrocher à ce rôle de nouvel arrivant naïf ne tiendra pas face à cette évidente méfiance. Ne pas mêler Naral Shaam à cette histoire et préserver le sien semble être la chose la plus judicieuse à faire. Si Sieur Salmeck alerte le Soleil Noir et le dénonce, au moins l'Hinïon pourra continuer à prétendre ne rien avoir à faire avec lui et s'en tenir au plan de la nuit. Calme, sa décision prise, le Woran se tourne vers l'autre yuiménien, rivant son regard aux yeux d'or.
"Il semble bien que mon escapade dans les Voies Hautes soit compromise, Sieur de Vienne. J'ai déjà beaucoup abusé de votre patience quand vous avez des affaires urgentes en suspend.", souffle-t-il en croisant les bras. "Je ne souhaite pas vous causer davantage de problèmes quand je risque d'en avoir plus que ma part. Je vous remercie pour votre temps et votre aide.", finit-il, tournant légèrement la tête par-dessus son épaule pour faire face à son camarade un bref moment pendant qu'il s'adresse à son hôte. "Devrions-nous nous asseoir, cher parent ? Je n'ai rien contre une discussion debout, mais ces dernières heures m'ont rendu las."
Devant lui, l'Hinïon répond dans le sens qu'il attendait.
"Soit. Je vous abandonne maintenant, mais prendrai de vos nouvelles. Je me fais un devoir de vous faire visiter ces lieux au plus vite. Ser d'Orthel, si vous permettez..."
Le Félin se tourne alors complètement vers l'individu aux yeux luisants, qui fronce les sourcils mais opine, le laissant partir. La porte se referme derrière l'Elfe blanc, le mettant hors de d'atteinte. Un bref silence se fait, puis Sieur Salmeck l'invite au salon, à y prendre place et à tout lui dire, mettant l'emphase sur ce premier mot. Huyïn récupère sa missive et sa monnaie puis obtempère. Il prend place face à son hôte, déposant le luth à ses côtés et contemplant le curieux regard flamboyant avant de se lancer. Nul besoin de créer quelque fable, il opte pour cette vérité qu'il a maintenu dissimulée tout au long de ces dernières heures.
"Je vais commencer par le plus simple : vous allez douter de chacune des paroles que je vais prononcer. Je ne vous en tiendrai nullement rigueur, vues les circonstances.", amorce-t-il avant de présenter les yus. "Avez-vous idée de ce dont il s'agit ?"
Aucune reconnaissance dans sa posture. Du doute, plutôt. La chose met immédiatement un terme à l'hypothèse du Félin le concernant, lui faisant ranger les pièces en vrac dans son nouveau bagage.
"Des... médailles ? En étain, il semblerait. Je n'en ai jamais vues de pareilles. Cela prouve que vous n'êtes pas celui que vous dites être, un "nouveau" de ma famille."
"Ce ne sont pas des médailles. Ce sont des pièces, la monnaie de la contrée dont je suis issu. Je ne suis pas un nouveau de votre famille, en effet. Mais je le suis bel et bien en Ashaar.", commence-t-il, portant la main à son voile avant de changer d'avis, estimant que la révélation serait trop précoce. "Cela fait à peine une poignée d'heures que je circule en votre cité. J'ai du jouer de verve et de subterfuge afin d'appréhender votre... Civilisation. Bien des notions et des termes m'échappent, mais ils sont si familiers aux vôtres qu'en user avec légèreté a suffi à m'ouvrir bien des portes. Et c'est en suivant certaines pistes glanées çà et là au cours de mon périple que je suis venu jusqu'à vous.", poursuit-il, levant ses yeux vert pâle vers les siens. "Parce que vous pourriez détenir les informations essentielles à mon retour."
Au fur et à mesure que les mots filent, un frêle sourire satisfait prend place sur les traits anguleux. L'elfe lui demande comment il est entré en Ashaar, qui l'y aurait amené avant de demander si celui aux cheveux d'améthyste est aussi un étranger. Sa réaction fait plisser les yeux du Woran. Il dévie la conversation, soulevant le fait qu'il n'a pas l'air spécialement dubitatif quant à ses déclarations. Il avance l'idée que ces médailles auraient pu être forgées dans la Cité Inférieure, qu'il est peut-être un mercenaire à la solde d'un rival en quête de scandale frais à répandre, avant d'avancer l'hypothèse que Salmeck lui-même n'est peut-être pas d'Ashaar. S'appuyant sur ses genoux et se penchant un peu, le Tigre accuse à demi-mot son interlocuteur d'être lié à sa présence ici, avant de le qualifier de 'Sieur envoyé des Cieux'.
"Je vous ai pris sur le fait de mentir une fois. Il serait folie de recommencer aussitôt. Ou d'une audace certaine.", réplique-t-il, perdant son sourire au profit d'une expression sévère. "D'où vous sortent toutes ces allégations et théories farfelues ? Dois-je les prendre comme des menaces ? Et si vous-même me prenez pour un menteur, nous serions alors dans une impasse grotesque. Mais soit : puisque vous voulez jouer, jouons. Trouvons les secrets de l'autre en le forçant à révéler sur lui des choses cachées par le biais de questions détournées. Par exemple : qui donc sont mes rivaux, si vous êtes par eux invité ?"
Sa réaction confirme et infirme plusieurs choses, faisant souffler le Tigre derrière son voile.
"C'est en jouant d'audace que je suis parvenu ici. En prêchant le faux pour connaître le vrai.", répond-il, avant d'agiter brièvement la main en ce geste généralement aisément identifiable, invitant à faire fi de certaines choses. Il se rassoit au fond de son siège, détendu. "Ne vous vexez pas, Sieur Salmeck. Je ne fais que reprendre ce que les rumeurs circulant à votre sujet m'ont appris. Que vous étiez issu de la Cité inférieure, là où les mages se terrent. Que vous êtes vous-même sorcier. Que vous êtes agent des Chevaliers des cieux, envoyé ici pour garder un œil sur les Voie-hautains... C'est l'ensemble de ces rumeurs qui m'a poussé à venir tenter ma chance en votre demeure.", explique-t-il, plissant les yeux avec amusement. "Et j'ai été plus que surpris en vous voyant, car vous êtes l'exact portrait des Shaakts, les elfes sombres qui vivent en ma région. C'est une des raisons pour lesquelles j'ai ressenti... Et que je ressens encore... Quelque réticence à vous duper, vous."
Son regard se fait aiguisé, une brûlante lame de couteau.
"A votre discours, je dirais bien que vous êtes de l'Ordre du Soleil Noir, mais même eux ne seraient pas assez idiots pour jouer ce genre de bluff avec moi. Et puis, si tel avait été le cas, vous sauriez que vos rumeurs sont erronées. En plus d'être insensées.", persiffle-t-il, haussant un sourcil ensuite. "Et vous concluez des choses sur moi parce que je ressemble physiquement à quelque personne de votre entourage ?", fait-il, l'air presque blasé. Un soupir lui échappe. "Bon. Bon, mettons que vous ne cherchiez pas à me duper. Quel type d'information auriez-vous pu vouloir de moi ? Des informations sur la Cité Inférieure ? Sur la Sorcellerie ? Sur les Chevaliers des Cieux ? Voilà là bien des sujets dangereux."
"Tout un chacun a ses biais, mais vous avez raison de le souligner. Faire preuve d'indulgence à cause d'une apparence est absurde. Même si je dois avouer, et il est rare que la chose m'arrive, que l'éclat de vos yeux m'a happé dès notre rencontre... Mais je tiendrai compte de vos remarques à l'avenir."
Il se lance ensuite dans une série de confirmations. Ces sujets ont beau être dangereux, ils sont les pistes les plus probables à suivre pour quitter ce monde abject qui criminalise une partie de son être. Et ce, sans en connaître la raison, qu'il est impossible de demander sans être aussitôt démasqué. Tout en se massant le coin des yeux, il relate alors son arrivée en Ashaar via une sorte de passage étrange qui l'a contraint à y venir pendant qu'il voyageait. Il suppose qu'il s'agit d'un phénomène magique, sans en avoir de preuve tangible. Le Sieur d'Orthel semble brièvement confus lorsqu'il comprend que le Tigre n'est pas issu d'une simple contrée différente, mais d'un autre monde. Son sentiment laisse place à de la perplexité, amenant sa main à toucher ses lèvres un court instant dans une attitude de réflexion. Il finit par mettre un terme au court silence.
"Bien. Jouons franc jeu. Posez-moi les questions sans détours, j'y répondrai du mieux que je peux. Cette discussion restera entre nous : sous aucun prétexte vous ne devrez faire proliférer les informations que je pourrais donner. De même que je ne dirai rien de vous. Vous pourriez même garder votre couverture de membre de la Famille d'Orthel, si ça vous sied."
Lentement, le Tigre ôte ses doigts du coin de ses yeux. Il les dirige vers son interlocuteur, ne s'attendant pas vraiment à ce que ce dernier accepte non seulement de lui offrir des informations, mais également la possibilité de conserver son alias. Un brin de contentement étreint le Félin. Cet entretien devient très intéressant, et le geste d'ouverture de son parent le pousse à en faire un en retour. Il défait son voile et ôte complètement sa coiffe, agitant ses oreilles jusque-là maintenues dans une position statique. Il se masse le crâne à leur base un court instant, poussant un souffle de satisfaction à la sensation de détente qui le parcourt. Il oriente ensuite son regard vers son interlocuteur et laisse ce dernier voir ses crocs à mesure qu'il s'exprime. Il commence par un trait d'humour rassurant quant au fait qu'il n'a jamais mordu quiconque. Pas physiquement, en tous cas. Il s'attarde ensuite sur le fait que son Don est ancré dans sa chair au même titre que son sang, d'où l'idée de cette criminalisation d'un partie de son être.
Lentement, il se masse le museau, respirant librement et calmement. En-dehors d'un léger haussement de sourcil et une qualification d'intéressante, son apparence n'a pas l'air de déstabiliser son hôte. Le Woran se permet de humer l'air des lieux pendant un instant avant de se lancer.
"Pourquoi la magie est-elle un sujet tabou en Ashaar ? Comment le Soleil noir est-il en mesure d'en repérer les pratiquants ? Que pouvez-vous m'apprendre des Chevaliers des Cieux ? Je pense que cela nous fait déjà un bon départ."
"Ainsi vous êtes mage. Ce n'est pas un crime en soi. C'est son usage qui est règlementé. Et elle n'est tabou que pour les brutes du Soleil Noir ou les tyrans de la surface. Nombre d'Ashaari ont de la magie en eux. C'est mon cas également.", répond-il, son attention s'attardant sur les traits du Woran comme s'il avait la moindre chance de déceler une expression dans le visage animal. "J'ignore ce qui permet au Soleil Noir de percevoir la magie, mais ils en sont capables. Ils voient les effets d'un sortilège et peuvent en suivre l'origine à la trace pendant un certain temps. Comme si des... résidus de magie suivaient les lanceurs de sort. Et comme ces butors sont partout... il est difficile de la pratiquer." Son visage se pare d'une grimace, d'un air déploré. "Quant aux Lumineux auto-désignés Dieux-Tout-Puissants, il n'y a rien à en dire : nous ne savons que peu sur eux. Il y a beaucoup de fantasme, de peur, de vénération à leur égard. Mais à part jeter au peuple de la nourriture comme à des mendiants et enlever de force tout ceux qui ne leur reviennent pas, nous n'en savons pas grand chose."
Pendant que son parent lui répond, Huyïn extirpe son appendice caudal de sa position inconfortable. Il lisse la fourrure aplatie par la pression de la ceinture des griffes, grandement intéressé par tout ce qu'il apprend. Il y a donc davantage à Ashaar que cet espace sans le moindre horizon. Il s'étonne de cette haine de la magie, arguant que nul ne déteste sans raison valable, demandant en conséquence si l'Ordre y apporte une justification. Intrigué, il demande également si les yeux de son interlocuteur sont liés à cette magie et s'il n'a jamais été inquiété par l'Ordre. Mais la réaction presque viscérale de Sieur Salmeck le surprend et l'incite à le regarder avec des yeux écarquillés.
"Ah !", tonne son éclat de rire empli de cynisme. "Bien sûr qu'ils y mettent une justification. Leur sacro-sainte immortalité. Nous la devons - apparemment - aux surfaciens, qui alimentent et protègent un bouclier cernant la cité. L'usage de la magie créerait des dysfonctionnements dans le processus, et risquerait de le faire tomber, faisant choir sur nous des conséquences apocalyptiques. Une mort brutale, avalés par le chaos tueur cernant Ashaar. A peu près ce dont ils menacent les pratiquants de magie, en somme." Il enchaine, ironisant avec cruauté. "Je pense que c'est surtout une auto-glorification de leur ego. Refuser la mort, c'est se prétendre supérieur à celle-ci. Et je suis persuadé que ça a un côté malsain, corrupteur. La cruauté et la paranoïa s'installent dans le cœur de ceux qui sont les plus anciens, à tel point qu'ils sont prêts à toutes les extrémités pour préserver leur existence."
Un air écœuré peint ses traits. Toute cette façon de penser a l'air mûrement réfléchie. C'est une réaction à vif et sans retenue, qui supplante presque le savoir le plus incroyable évoqué : l'immortalité. Voilà qui explique pourquoi l'elfe foudroyée n'a pas succombé à la sauvagerie de l'assaut électrique, pourquoi l'on bannit les criminels plutôt que de mettre fin à leurs jours. Une vie qui ne peut pas cesser. Dit comme cela, la chose peut être tentante, mais Sieur Salmeck a raison sur bien des points. Sa voix prend un ton presque idéaliste quand il reprend la parole.
"La beauté de la vie ne devrait-elle pas tenir de son côté éphémère ?" L'elfe émacié se plonge dans ses pensées, momentanément absent, puis son regard redevient perçant. "Pour le reste, je vous laisse maître de vos hypothèses. Je répéterais juste ceci : c'est l'usage et non l'être qui est puni par le Soleil Noir."
Huyïn plisse puis ferme lentement les yeux à deux reprises tandis que son attention demeure rivée à son parent. Il appuie les propos de ce dernier, car il est difficile d'adopter des valeurs saines quand le maître-étalon n'existe pas. Il décrit alors les peuplades de Yuimen, toutes soumises à la mortalité, même si variant en longévité. Il évoque les grandes lois de l’Équilibre : ce qui vit périra, ce qui tombe sert de terreau à la génération suivante. Une constante ponctuée d'innombrables changements. Parler des Principes le fait brièvement grogner, puis il plisse les yeux.
"Nier sa mort n'a de sens que si quelque chose doit être réalisé et qu'y consacrer une seule vie ne suffirait pas. Pour quelle raison vos tyrans vous garderaient ici, comme de honteux secrets, si eux-mêmes subsistent avec assez d'aisance pour vous faire parvenir tout ce dont vous avez besoin ?", questionne-t-il avec perplexité, manifestant le sentiment par un bref à-coup de son appendice caudal. "Nul n'a jamais été voir en surface pour tirer tout ceci au clair ? Ashaar ne s'est certainement pas bâtie en un jour. Des voies de construction et d'évacuation des débris ont bien du être mises en place avant que les... 'monte-charge' soient fonctionnels. Y compris en direction du dessus, non ?"
"Le seul accès connu vers la surface est un puits sans escalier ni corde, aux parois verticales et hautes. Si hautes. Elles partent du niveau de la Veine jusqu'au-dessus des Voies Hautes. Nul ne peut se permettre pareille escalade. Ceux qui ont tenté par d'autres moyens, nous ne les avons jamais revus. Quant aux Surfaciens, ça ne leur pose aucun souci : ils volent.", dit-il, approuvant la logique inhérente en Yuimen, avant de poursuivre. "Je ne connais rien des buts des Lumineux. Je sais juste leur emprise totale sur la Cité."
Le Tigre croise lentement les bras et abaisse les paupières, réfléchissant brièvement pour en revenir à une conclusion simple.
"Je vois. Ce qui me ramène à mon hypothèse première : pour partir d'ici, je vais probablement devoir réitérer le phénomène, mais en sens inverse. Qui sait, si ce que j'envisage être une forme de magie est assez puissante pour percer un tunnel entre nos réalités, elle le sera probablement aussi pour mener Ashaar à sa perte. Si l'éclatement de ce bouclier légendaire fait déferler la mort comme proféré, évidemment."
Le ton employé par Sieur Salmeck laisse planer comme un air de défaite. De résignation quant à certaines choses immuables. A-t-il une vue suffisamment pessimiste pour que le Woran puisse agir sans retenue ? Car l'hypothèse qu'il a avancé est possible. Repartir sur Yuimen par voie magique pourrait détruire la protection de ce monde, si elle existe. Si Sieur Salmeck tient à ce que la mort déferle sur toute la cité, Huyïn n'aura aucun scrupule à lui rendre ce service. Mais si ce n'est pas le cas... Il a besoin de savoir où se situent les limites de son interlocuteur. De voir par lui-même si ce dernier dispose encore d'une flamme en lui qui mérite d'être préservée. Mais aussi... Parce qu'à le fréquenter, à l'écouter parler et réagir, le Tigre commence à développer des affinités pour lui. À s'y attacher. À développer un intérêt pour ses idées, et à leur accorder de la valeur.
Et c'est une chose qu'il ne peut pas se permettre. Il a déjà commencé à glisser sur cette dangereuse pente avec l'Hinïon qui force l'admiration. Prendre ce même risque avec le non-shaakt pourrait terriblement lui compliquer la tâche. Il doit impérativement remettre de la distance entre eux, pour ne pas laisser l'affect entraver son jugement. Rouvrant les yeux, le Tigre le regarde fixement, employant le ton le plus froid et distant possible.
"Je n'ai personnellement aucun attachement à ce monde me mettant en cage. La perspective qu'il devienne un champ de ruines derrière moi ne m'affecte pas. Mais ce n'est peut-être pas votre cas... Pourquoi être venu vous installer dans les Voies Hautes, Sieur mon parent ? L'ascension n'a pas du être de tout repos."
"Détruire ce monde ne vous causerait aucune culpabilité ? Vous êtes une personne détestable, étranger. Pire, même, que ceux que je dénonce en ce monde qui, bien qu'ils nous mènent contre notre volonté, nous laissent au moins une chance de mener la vie qu'on veut.", soupire-t-il d'un ton agressif. "L'ascension fut aisée, mais je suis ici par devoir plus que par désir. Tout le monde n'est pas aussi égoïste que vous."
L'elfe qui lui fait face affiche un air répugné, outré. Une distance s'est abruptement créée entre eux. Huyïn a du mal à retenir un claquement de langue au retour de flammes causé par son initiative. Il pensait que provoquer une réaction féroce de son interlocuteur l'aiderait à relativiser, à le traiter comme une simple note dans cette désagréable partition qu'il joue depuis son arrivée. Il ne peut que constater que c'est l'inverse qui s'est produit. La froide colère qui émane de cet être le rend incroyablement plus remarquable, admirable. Un caractère notable et contenu. Le Tigre voulait l'ignorer, il ne peut pas en détourner le regard. Tout comme lorsque le Sieur Naral a fait preuve d'une confiance en lui-même qui a ébranlé le Félin, celui-ci ne peut qu'exprimer son ravissement involontaire.
"Impressionnant... Magnifique, même... Vous brillez par votre colère, par cette volonté combattive dont je vous ai un instant pensé dépourvu. J'ai cru dans vos paroles que vous souhaitiez précipiter Ashaar dans le chaos et la destruction. Que vous recherchiez votre propre fin, quitte à emmener cette éternité et tous ceux qui en dépendent dans votre sillage. Et si telle avait été votre volonté, j'aurai œuvré à satisfaire nos deux buts.", entame-t-il, clignant lentement des yeux à la perspective. "Mais si vous avez un idéal. Sans doute une vision... Si vous souhaitez changer Ashaar d'une autre manière, je respecterai votre volonté. Voire vous y aiderai dans la mesure de mes moyens, si quitter ce monde s'avère au final impossible."
Il ouvre sa posture, mettant son admiration sur le compte de ce biais qu'il a envers l'Elfe aux yeux luisants. Il résume la situation entre eux : le Voie-hautain sait maintenant qui il est, a l'ascendant sur lui par sa capacité à le dénoncer, et une dette colossale lie le Tigre à ce dernier. Il réitère sa proposition de le seconder de quelque façon que ce soit, mais son vis-à-vis ne se départit pas de son air sévère.
"Vous aviez raison : vous êtes bon pour prêcher le faux afin d'obtenir le vrai. Mais c'est un jeu dangereux et qui n'est pas sans conséquence. Je ne sais plus que penser de vous, contrairement à ce que vous affirmez. Les mots changent dans votre bouche à mesure que vous parlez, et je ne sais distinguer le mensonge de la réalité.", annonce-t-il, secouant la tête. "Vous pouvez porter publiquement mon nom, et je ne vous dénoncerai pas à ceux que je hais. Mais toute l'aide que j'aurais pu vous apporter, il faudra désormais la mériter. Faire vos preuves."
La méfiance, la prise de distance. Exactement ce que le Félin escomptait. Pas d'état d'âme. De pseudo bonté et désintéressement. Retour à une relation transactionnelle, bien plus simple à appréhender. Il baisse le nez et légèrement les oreilles, manifestant avoir été sermonné de la meilleure des façons, puis il relève la tête pour le regarder dans les yeux.
"C'est une chose que vous devez garder en tête à mon endroit. Causer l'incertitude est l'une des rares défenses que je possède, puisque je ne suis pas un combattant. Sachez également que deux choses sont véridiques à mon sujet. L'une, c'est que je paie toujours mes dettes, quelles qu'elles soient et peu importe auprès de qui elles soient. Et l'autre est une chose que je n'ai jamais confié à quiconque...", souffle-t-il en effleurant son luth avec douceur, la précaution de qui craint de blesser un être fragile. "C'est que cet objet, Bois-Carmin, est mon bien le plus précieux. Symbole et incarnation de ma liberté. De la reprise en main de mon destin... Si je jure sur lui, vous n'aurez pas à douter de la véracité de mes dires. Le perdre me serait... Insupportable."
Les mots sont faibles, indignes par rapport à ce que ressent réellement le Félin à l'idée que cela se produise. Sa fourrure se hérisse légèrement, ses bras se croisent et il se laisse aller à un élan défensif, visiblement agité. Son appendice caudal se meut violemment de gauche à droite, en réponse à son ressenti.
"Plutôt aller me jeter dans les Tréfonds que de l'endommager ou de m'en séparer."
Huyïn met un moment avant de parvenir à relâcher sa posture et détourner la tête, s'efforçant de respirer avec calme pour reprendre contenance. De telles sautes d'humeur lui sont rares puisqu'il a appris au cours de longues années d'humiliation à conserver son sang-froid en dépit des circonstances. Mais il faut croire que les dernières heures ont davantage pesé sur lui qu'il le pensait. Après un long silence, il indique être à l'écoute de directives ou de questions.
"Je n'ai aucune consigne pour vous. Œuvrez selon votre bon vouloir. J'aurais un conseil cependant : ne vous restreignez pas d'utiliser la magie. Soyez ce qu'ils craignent, sans vous faire attraper. N'optez pas pour le conflit direct avec le Soleil Noir, et encore moins avec les Surfaciens.", instruit-il, son ton incitant le Woran à lui accorder toute son attention encore une fois. Il ne manque donc pas le côté perçant de son regard. "Œuvrez comme cela, et vous aurez mon aide lorsque le besoin s'en fera ressentir. D'ici là... je vous garde à l’œil."
La lueur dans son regard se fait plus accrue, plus pressante. Son sourire entre deux états d'âme n'aide pas à savoir s'il vient de faire quelque chose que le Félin n'a pas ressenti, ou simplement qu'il n'assume pas un trait d'humour après cet épisode tendu. Dans le doute, Huyïn va demeurer vigilant. Il laisse le reste de sa tension s'échapper par un souffle de la truffe.
"De tous les conseils possibles, aller à ma guise à l'encontre de la première règle d'Ashaar n'était pas celui que je m'attendais à recevoir. Soit, Sieur Salmeck... Ou plutôt respecté parent, vos instructions ne me quitteront pas. Pas plus que vous, si je comprends bien.", répond-il, se recoiffant et replaçant sa queue à la place cachée. "Je vous informe donc que j'ai une dernière piste à suivre avant le couvre-feu. Si je ne suis pas de retour avant celui-ci, considérez que celle-ci a été fructueuse. Ou que j'ai trouvé refuge quelque part. Le noir ne m'a jamais dérangé.", informe-t-il, s'équipant de son luth, prêt au départ.
"Bien. Puissiez-vous trouver ce que vous cherchez."
Huyïn place un bras en travers de sa poitrine et fait une sincère révérence respectueuse. Suite à cela, il pivote et se dirige vers la sortie. Ses pensées se tournent vers Naral Shaam. A-t-il tenté sa chance chez ses propres parents pendant ce temps ? Est-il parti à l'étage du dessus ? L'a-t'il attendu ? Quoi qu'il en soit, les paroles du Premier d'Orthel le laissent songeur. S'il est capable d'aider en cas de besoin, peut-être faut-il voir cette histoire de supervision comme quelque chose de bien concret. Et dont il doit parvenir à informer l'Hinïon sans se montrer trop évident. Le Tigre a réussi à détourner la conversation de son partenaire de scène, ce n'est pas pour qu'il se trahisse à la première réplique qu'il lui adressera.
Le temps de le retrouver, peut-être aura-t-il devisé un moyen.
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- Cromax
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Re: Les Voies Hautes
La Cité des Ombres
Les Voies Hautes
Les Voies Hautes
Jour 1 – soirée.
Un coup de cloche, audible dans toute la cité. Résonnant longuement après que le heurtoir ait frappé l’airain. Sa signification ? Impossible de le savoir… sauf pour certains chanceux.
Au même instant, Huyïn quittait la maison d’Orthel. Il n’eut aucun mal à trouver Naral, qui l’attendait accoudé sur le parapet donnant sur les étages inférieurs, observant les passages et, occasionnellement, jetant un œil en bas. Il attendit que le chat vienne à lui pour commenter :
« Alors, vous voilà libre de vos mouvements ? Cette cloche, n’est-ce pas ce que nous attendions ? Si c’est le cas, le couvre-feu est bien clair… Passons-nous à l’action ? »
[HJ : On peut aparter again.]
[XP :
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- Huyïn
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Re: Les Voies Hautes
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Au moment où le Tigre quitte le bâtiment, un son de cloche fait écho dans la Cité. Le couvre-feu est sur le point d'être acté, mais la présence d'une lueur persistante laisse croire qu'il reste encore un peu de temps. Il fait à peine une poignée de pas qu'il repère l'Hinïon accoudé au parapet surplombant les niveaux inférieurs, jetant par moment un regard vers ceux-ci. Huyïn demeure un bref instant immobile, un peu surpris que ce dernier ait attendu ici au lieu de se placer stratégiquement à l'étage. D'autant qu'il ne pouvait pas savoir si l'entretien s'éterniserait ou tournerait suffisamment mal pour retenir le Félin tardivement, voire lui causer des ennuis plus officiels. L'impression laissée est... Difficile à décrire. Un mélange d'étonnement et de curiosité, allié à un élan d'apaisement.
Il rejoint rapidement le yuiménien, se saisissant d'un yu dans sa besace. Si son parent l'épie, peut-être que tenter de faire passer le message de façon détournée suffira. Le Sieur Naral fait un bref commentaire sur sa liberté de mouvement avant de confirmer qu'il s'agit bien d'un son de cloche lié au couvre-feu.
"J'ai fait au mieux, 'précepteur' de Vienne. Même si je pensais que vous auriez pris les devants. Nous devrions amorcer notre visite. Et veuillez m'excuser si vous trouvez que je m'épanche au cours du chemin. Le 'face à face' avec mon parent s'est avéré un peu tendu et...", fait-il, regardant au loin tout en dévoilant le yu. "Particulièrement révélateur."
Un bref regard curieux sur la pièce précède la réplique de l'Elfe.
"Vous devriez m'appeler Percepteur, et non précepteur, si vous me confiez cette... vertigineuse somme. Hihihi.", raille-t-il, n'ayant possiblement pas perçu la tentative de sous-entendu.
Il se lance ensuite dans un petit monologue explicatif qu'il laisse couler d'une traite, comme si ses paroles avaient été retenues trop longtemps et n'avaient attendu que cette opportunité.
"Je ne vous aurais pas attendu longtemps, mais me suis dit qu'un peu d'observation tranquille serait avisée. Et j'ai aperçu deux ou trois choses intéressantes : j'ai d'abord vu mon aïeul de ce monde. Un vieillard à la toison blanche, vêtu tout de noir, qui raccompagnait une jolie jeune humaine au décolleté plus que suggestif vers la bulle de transport vers les Voies Inférieures. Une putain, à n'en pas douter : les rumeurs sur lui seraient donc fondées.", dit-il en premier, commençant à faire s'écarquiller les yeux vert pâle. "J'ai également aperçu une demoiselle au blond très clair, cheveux courts, vêtue de noir et d'or, un bâton orné de dorures au dos. Elle avait l'air aussi bourgeoise que les habitants du cru, tête haute, peau pâle, bijoux d'or. Mais elle était clairement de l'Ordre du Soleil Noir. Elle a pénétré dans leur bâtisse de ce niveau, sans un regard. Oh, et il m'a semblé apercevoir un rouquin dans la bulle qui a emmené la catin de Vienne vers le bas. Je n'ai pas eu une assez bonne visibilité pour m'assurer qu'il s'agissait du crétin de majordome des de Montfort, mais c'est fort possible. Et ça arrangerait nos affaires."
L'espace d'un instant, le Tigre est bouche bée face à cette avalanche de détails et à l'expression de son interlocuteur. Un sourcil levé, il semble particulièrement fier de ce qu'il a noté en son absence.
"Et vous, mon chaton ? Qu'avez-vous obtenu de ce dramatique personnage qu'est votre paternel ?"
La question a le mérite de ramener le Félin sur Ashaar, lui faisant ranger la médaille d'étain dans sa besace. Il pousse un lent soupir puis répond.
"Vous n'avez pas perdu votre temps... Dans mon cas, j'ai eu droit à une nécessaire leçon et à un sermon. Accompagné de gros yeux. Le genre de regard flamboyant qui ne vous quitte pas... Où que vous alliez.", fait-il, lorgnant par-delà le parapet avant de s'intéresser aux yeux d'or. Autant y aller directement. "Il sait, pour mes origines. Il taira ce détail à mon endroit tant que je conserve quelques... Secrets de famille. Et m'a incité à user de mes... Capacités... À mon gré. À condition de ne pas être pris, évidemment. Car nos voisins de l'astre sombre sont sensibles à son usage, capables d'en voir les traces pendant un moment et ainsi d'en remonter à la source pour l'appréhender.", révèle-t-il, fronçant légèrement la truffe pour aborder le point le plus crucial. "Protégeant ainsi d'interférences l'œuvre vitale de leurs 'Dieux' de la Surface. Une protection qui, entre autres, confère à tout Ashaar... l'immortalité."
L'Hinïon lui reproche évidemment d'avoir éventé leur petit secret, mais il passe rapidement à autre chose. Il se réjouit que tous les Ashaari ne soient pas aliénés par la garde noire et compte bien laisser libre cours à son propre Don. Il se fait ensuite pensif, mais le Woran n'a pas à lui poser la moindre question pour savoir où vont ses réflexions.
"Immortalité, vous dites ? Ça expliquerait ce... que j'ai ressenti depuis notre arrivée. Aucune âme n'erre en ces lieux. Aucune magie liée à la mort possible. Et vous dites que la magie interfère avec cette protection ? Voilà qui n'est pas commun, ni pour me déplaire. Nous connaissons désormais force et faille. Et... j'ai envie de valider au plus tôt ces hypothèses..."
Pendant qu'ils se mettent en chemin vers la bulle, Huyïn l'informe qu'il n'a guère eu le choix quant à la révélation de son identité, le Sieur Salmeck étant bien trop sur la défensive et méfiant pour gober une nouvelle fable. Il hésite, songeant à évoquer plus directement l'histoire de cette supervision dont il ferait l'objet. Toutefois, ne sachant pas si en parler constituerait une faute révoquant la possible aide qu'elle pourrait procurer, il s'interrompt en pleine phrase et secoue la tête. La chose intrigue évidemment son interlocuteur, qui a la grâce de ne pas insister. Le Félin s'interroge sur l'incapacité de l'Elfe à percevoir les âmes défuntes, sachant qu'un chaos mortel est censé ravager la surface en-dehors de la protection. Il lui est répondu que peut-être cette immortalité empêche les esprits morts d'entrer, ou que cette histoire de danger ultime ne serait qu'un mensonge.
Le Félin se détend un peu les épaules, ne réalisant que maintenant que l'entrevue avec son parent l'a quelque peu tendu. Le sujet étant abordé, il partage ce qu'il appris puis s'enquiert de la possible répétition de la performance que le Sieur de Vienne compte faire.
"Possible. L'unique moyen d'avoir des réponses serait d'emprunter le seul accès connu depuis la voie de la Veine. Seulement, c'est un puits s'élevant de celle-ci jusqu'à la surface. Apparemment lisse, donc impraticable pour qui se déplace uniquement sur deux jambes."
"Alors va-t-il nous falloir faire un choix : je peux nous porter jusqu'à la surface, où nous ne serions sans doute pas bien accueillis. Ou garder nos plans et libérer Scarla de sa famille de détraqués pour la porter en la Cité Inférieure. Jusqu'où et où nous serons pas non plus bien accueillis."
Le Tigre ne peut s'empêcher de le lorgner à ses propos sur le transport, ne faisant que brièvement acquiescer quant à la question d'une répétition qui serait trop voyante et gâcherait la surprise. Le Woran expose clairement son ressenti d'alors : plus il croit commencer à le cerner, plus il se rend compte que la pensée même est d'une naïveté affligeante. Se laissant aller à un bref élan de sincérité, il précise que voir qu'un non-choix peut en devenir un auprès de lui est... Bon pour faire évoluer ses certitudes. Il le taquine un peu ensuite, l'invitant à poursuivre leur idée première. Il ne voudrait pas que la réputation de 'gentilelfe' de son compagnon yuiménien souffre d'avoir fait faux-bond à une noble dame. Ce à quoi lui est demandé si lui-même se serait déjà attaché à la petite Scarla. Huyïn se contente de ne pas y réagir, bien plus intéressé par l'autre réplique.
"Je vous l'ai pourtant dit : au sommet, rien n'est inenvisageable."
Ils parviennent rapidement à la bulle où deux gardes en poste les arrêtent, s'interposant physiquement entre eux et leur moyen de transport. Un binôme d'individus en armure lourde et noire, casque ailé. Le plus proche d'eux est celui qui leur adresse la parole.
"Sieurs, peut-être n'avez-vous pas entendu la Cloche sonner. Vos maisons respectives sont à cet étage, et le couvre-feu ne tardera plus. Nous ne sommes plus en capacité de vous mener ailleurs."
Un imprévu qui ne l'est pas tant que cela. Le Woran n'avait juste pas envisagé qu'il y avait une règle de plus pour les habitants, devant retourner dans leur petite niche pour la nuit. La chose fait plisser les yeux verts qui se dirigent brièvement vers Naral. Puis, le Tigre prend la décision de tenter un coup de bluff monumental devant cet obstacle nouveau. Il s'avance d'un pas, fronce les sourcils pour rendre son regard plus perçant et marque un évident énervement tinté d'une forte angoisse.
"Me prenez-vous pour un imbécile ?! Bien sûr que je l'ai entendue ! Alors ayez l'amabilité de rapidement nous faire monter avant que le Sieur Cydar d'Esthalor n'exige notre commune éviction des Voies Hautes ! Convaincre mon parent m'a attiré son ire et déjà pris trop de temps, ne m'en faites pas perdre davantage quand il m'est impensable de rebrousser chemin !", s'exclame-t-il, levant la tête avec une juste indignation inspirée par la Dame de la bulle, teintant sa froide colère d'une peur sous-jacente. "Si ma Maison ou ma personne doivent en pâtir... Si je dois être déchu à cause de vous, parce que vous m'avez contraint à manquer ma parole envers lui... Je vous le jure... Je ne lésinerai pas sur la dénonciation de vos fautes... Ni ne prendrai le moindre repos avant de vous avoir tous fait choir avec moi !"
Le garde parait ennuyé et il déglutit bruyamment. Il rétorque malgré cela que le seigneur en question connaît la Loi, qu'il n'est pas possible d'être hors de son propre niveau lors du couvre-feu. Il demande alors les raisons de cette visite et s'ils ont un mandat signé de la part du seigneur concerné. Le Tigre prend une intonation plus vindicative mais motivée par l'angoisse, argumentant qu'il a donné sa parole et que seul le document de l'accord -difficilement ratifié- par son parent est en sa possession. Et qu'il doit être livré avant la fin actée du Jour du Don sous peine d'être caduc, comme les semaines de négociation qui y ont abouti. Pensant que cela ajouterait un poids supplémentaire dans la balance en sa faveur, il indique le bâtiment du Soleil noir et promet d'aller à la première heure trouver un responsable. Il prévient toutefois que ce sera soit pour porter l'entièreté de la responsabilité de l'incident, y compris la pression envers un garde et la réquisition du sens de l'orientation du Sieur de Vienne au dernier moment, soit pour présenter le montant que les deux Maisons exigeront en réparation du préjudice. Il enchaine rapidement pour ne pas laisser au garde le temps de réfléchir, l'invitant à prendre la décision la moins préjudiciable pour tous et de les laisser monter.
Huyïn comprend que la rencontre ne va pas tourner en leur faveur quand le garde paniqué jette un regard à son binôme. Et que celui-ci se contente de hausser les épaules, refusant de prendre parti ou de tenter quoi que ce soit pour désamorcer la tension. Peut-être est-ce de le voir aussi mou ou blasé qui pousse leur interlocuteur à réagir, à se reprendre et à se rappeler qu'il détient un minimum d'autorité quand son partenaire ne fera rien pour l'appuyer.
"Vous pourrez trouver qui vous voulez, sire. Mais les règles sont les mêmes pour tous, ici. Pensez-vous être supérieur à ceux qui les maisons voisines habitent ?", dit-il, son visage prenant une expression fermée et décidée. "Il n'y a aucune réparation à demander à l'Ordre, il est le seul garant de la Justice ici, et je ne fais qu'obéir aux règles. Vous me voyez désolé pour l'échec de votre accord, mais... c'est ainsi et pas autrement. Maintenant, veuillez circuler."
À ses côtés, l'Hinïon pince les lèvres, son regard gagnant en haine tout comme sa main en hauteur. Huyïn détourne les yeux de lui pour ne pas inviter l'attention des gardes sur son compagnon d'infortune. L'imbécile se dresse face à eux de pied ferme, poussant le Tigre à continuer son rôle encore une ou deux répliques, pour offrir une ultime chance à cet obstacle vivant. Sa voix passe de l'anxiété à une froide colère.
"Epargnez-moi les excuses creuses... Vous vous moquez éperdument de ce qui va m'arriver. Non... Vous êtes des Voies Hautes. Vous vous en gaussez, bien caché derrière vos règles qui ne s'appliquent qu'à ceux que vous méprisez... Justice... Ha ! Quand vous condamnez à la chute ceux qui se sont élevés dans les plus grandes souffrances comme s'ils vous avaient personnellement..., fait-il, s'arrêtant brutalement comme s'il venait d'avoir une révélation. "Oh... Oui, évidemment... Vous êtes à leur solde... Voilà qui explique tout. La Maison d'Esthalor n'a jamais réellement voulu de cet accord. Elle s'est jouée de ma Maison grâce à ses pions en armure sombre, bien placés pour empêcher les autres de s'élever... J'aurais du le comprendre quand vous avez commencé à chipoter... Vendus.", persiffle-t-il, finissant par regarder dans le vague, comme se parlant à lui-même. "Dire que j'avais l'intention de suivre sagement les conseils et d'éviter de directes confrontations..."
Le Félin offre à son interlocuteur une chance de dévier la conversation, de désamorcer la situation en lui faisant par exemple simplement remarquer que ses émotions prennent le pas sur sa raison. Mais non. Non seulement cela, mais il faut croire que même sans le vouloir, Huyïn est capable de prêcher le faux pour connaître le vrai. Le parti pris saute aux oreilles noires en à peine deux phrases, lui imputant des intentions et crimes inexistants tout en jetant au loin toute trace d'impartialité.
"La Diplomate Sinra Nassa aura vent de vos menaces envers la Maison d'Esthalor. Les d'Orthel ne feront plus long feu sur les Voies Hautes, vous pouvez me croire."
"Pas de votre bouche, en tout cas.", réplique le Sieur Naral sur un ton à la fois glacial et délicat.
Avec avidité, les yeux du Félin suivent chaque acte de l'Elfe. De sa main, une seconde de coloris noir comme faite d'ombre, sort et vient agripper le garde par la gorge malgré l'épaisseur de son armure, soulevant la lourde charge de terre. L'homme porte les mains à son cou, suffoquant visiblement, mais cela n'est qu'une portion des intentions de l'Hinïon. Ce dernier semble amplifier la puissance de son sort, repoussant la main loin... Plus loin... Jusqu'au vide. Fasciné, le Tigre ne perd rien de ce à quoi il assiste. L'enchantement est sciemment rompu, lâchant dans le pseudo-néant celui qui a osé se dresser devant eux. Le sort doit avoir fait davantage que priver l'impudent d'air, parce que sa chute se fait sans un cri. Le Félin ne réagit visiblement à la scène que par un léger mouvement de tête pour suivre le début de la chute, songeant qu'il ne restera pas grand-chose de l'armuré une fois le niveau de la Veine atteint. Et pourtant, grâce à leur précieuse immortalité, il ne s'agira pas d'une fin. Point d'obstacle face à qui est Maître de son sommet.
L'autre membre de ce binôme pointe une hallebarde vers le Sieur Naral, dont le regard d'or s'est fendu d'une pupille particulièrement reconnaissable. Reptilienne.
"Deux choix s'offrent à vous, et vous le savez. Résistez-nous, et vous finirez comme lui. Menez-nous là-haut, et vous serez sauf."
L'individu est paralysé par la peur, ne sachant visiblement pas comment réagir. Huyïn ne ressent aucune sympathie pour son absolue terreur, car il n'est pas innocent dans la situation. Il s'est gardé de prendre parti, de canaliser son binôme se permettant de renvoyer un d'Orthel en visible détresse comme de la vulgaire vermine. Il se contente donc de laisser choir le masque, ses émotions négatives laissant place à un calme frôlant l'indifférence.
"Nous arriverons à nos fins, avec ou sans votre aide. Choisissez, mais hâtivement. Menaces et insultes endurées jusque-là ont plus qu'entamé la patience de certains."
"Ou... Oui, vos seigneuries. Pitié. J'lui ai toujours dit qu'il faisait trop de zèle, et que ça allait lui retomber dessus un jour ou l'autre.", bégaie-t-il, se hâtant de leur dégager la voie vers la bulle. "Mettez-moi un sale coup, que j'sois pas envoyé aux Tréfonds. Envoyez moi dans les vapes. Je ferai mon rapport, pas le choix, mais le plus tard possible, j'vous l'promets."
L'Hinïon ignore bien évidemment la supplique, se contentant d'entrer dans la bulle en laissant le choix entre les griffes du Tigre. Ce dernier jette un regard dédaigneux à l'individu puis il bouge les doigts avec délicatesse.
"Mes mains sont faites pour l'Art, pas pour une tâche aussi... Dérisoire. Mais il faut un début à tout, je suppose.", souffle-t-il, comme blasé.
Il indique au garde de lui laisser sa hallebarde et de mettre un genou à terre, ainsi que de repousser son casque. Il n'y a qu'un seul espace où frapper efficacement, et s'il n'a guère envie de répondre à la demande apeurée de l'individu, ne pas le laisser courir à son bâtiment tout de suite est logique. Il soupèse l'arme et la tourne pour frapper avec le manche. Le choc est visiblement rude, aidé par la docilité de la cible, qui pousse un grognement soufflé et tombe au sol. Impossible de savoir s'il s'est trouvé des talents de comédien ou si l'attaque a été aussi efficace, chose dont le Félin se moque copieusement. Il se hâte de rejoindre l'Elfe en se frottant les mains, légèrement dégouté par la rudesse du contact avec l'objet militaire. Ce faisant, il commente sur son sentimentalisme, l'appelant la Malédiction de l'artiste, mais trouvant du positif dans le fait d'avoir pris connaissance du monde des armes.
Le levier est activé, mettant le transport en route et leur offrant un court moment d'échange.
"Oh, vous préserviez vos jolies papattes pour votre art ? Pensiez-vous arriver à vos objectifs sans vous salir les mains ?", questionne-t-il, marquant un temps d'arrêt avec de reprendre. "Notre séjour dans les Voies Hautes est compté. Nous devrons agir prestement pour récupérer Scarla et... fuir."
Le Tigre croise les bras avant de répondre.
"Mes 'papattes' n'ont pas exactement trempé dans le sang, mais elles portent les traces de brûlure de qui a tiré les ficelles pour parvenir à ses fins... J'ai acquis mon luth en isolant et causant la perte de son précédent possesseur. Me salir les mains de façon plus directe n'a simplement pas été nécessaire jusqu'ici. Mais peut-être est-ce justement une entrave dont je pourrais me défaire pour mon ascension."
"Bien. Que rien ne vous retienne."
Le Tigre émet ensuite l'hypothèse que si les Ashaari s'en tiennent à leurs habitudes, une pénombre certaine se fera. Et avec elle, le possible arrêt total des machines entre les voies, où ils risqueraient d'être possiblement attendus. La chose l'incite à se tourner vers l'Elfe, poussé par une intuition.
"Si plan vous avez, serait-ce en lien avec... Cette capacité d'aller en surface ?", demande-t-il, recevant la réponse dans un sourire avant des mots.
"Vous l'avez deviné, la magie sera à l’œuvre ce soir. Ombre comme couverture et arme contre tout contrevenant - sauf si vous préférez jouer la médiation, pendant que j'acte à la libération - et un final spectaculaire où aucun ascenseur ne sera plus nécessaire.", dit-il, causant un plissement amusé du regard vert face à l'aspect presque chanté de certaines paroles.
Le Tigre commente sur la capacité de l'Hinïon à captiver son public, s'indignant si nul artiste n'a consacré d'oeuvre à son sujet, à moins que cela soit la volonté de ce dernier. Lui indique ne pas courir après la gloire, mais lui laisse toute liberté pour laisser galoper son imagination. Ne se rend-il pas compte qu'il n'y a pas besoin d'ajouter quoi que ce soit aux faits pour rendre le dénommé Naral Shaam captivant ? Relater les impressions qu'il cause, son sens de la répartie, sa détermination et sa puissance magique ont de quoi créer d'innombrables couplets.
"Nous aviserons, mais j'ai déjà accaparé la scène de longues heures. Ce serait criminel que de laisser un talent comme le vôtre... Dans l'ombre."
Le sourire qu'il arbore persiste, comme s'il appréciait véritablement la situation. Ou peut-être est-ce la perspective de ne plus se retenir d'user de son Don qui le motive.
"Faisons cela, alors. Je m'occupe de la diversion et des obstacles, et vous vous chargez d'escorter au milieu de tout ça la jeune Scarla.", annonce-t-il tandis que la bulle arrive à destination, les portes s'ouvrant devant eux. "Une fois l'envol pris, nous serons en danger. Pour parvenir à la Cité Inférieure, c'est par l'Ordre Noir que nous devrons passer. De force. Me faites-vous confiance ? Souhaitez-vous que je tente cela avec Scarla seule, ou confirmez-vous notre collaboration jusqu'au bout ?"
La tête du Félin a à peine le temps de manifester son assentiment au plan évoqué qu'elle se tourne vivement pour l'amener à le regarder, Huyïn étant presque interloqué par sa question. Il se reprend toutefois rapidement et ferme à demi les yeux, laissant un bref grondement tigresque se faire sous son voile. Il laisse sa sincérité passer dans sa voix.
"J'ai foi en vous, Naral Shaam. Ces heures furent courtes mais plus que suffisantes pour établir ce sentiment.", fait-il, tendant ensuite la main dans son dos pour l'apposer contre son luth et prenant une intonation plus sérieuse, au bord du solennel. "Où que vous alliez, quoi que vous planifiiez, vous pourrez compter sur mon appui. Je vous épaulerai au mieux jusqu'à ce que la cité d'Ashaar soit un chapitre clos de nos histoires. Bois-Carmin m'en soit témoin."
"Bien. Alors nous y allons. C'est un chemin sans retour possible, mais qui nous mènera plus loin que par toute autre voie."
Il se hâte aussitôt vers la demeure des de Montfort, le Woran s'élançant à sa suite sans la plus petite hésitation.
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-21-
Au moment où le Tigre quitte le bâtiment, un son de cloche fait écho dans la Cité. Le couvre-feu est sur le point d'être acté, mais la présence d'une lueur persistante laisse croire qu'il reste encore un peu de temps. Il fait à peine une poignée de pas qu'il repère l'Hinïon accoudé au parapet surplombant les niveaux inférieurs, jetant par moment un regard vers ceux-ci. Huyïn demeure un bref instant immobile, un peu surpris que ce dernier ait attendu ici au lieu de se placer stratégiquement à l'étage. D'autant qu'il ne pouvait pas savoir si l'entretien s'éterniserait ou tournerait suffisamment mal pour retenir le Félin tardivement, voire lui causer des ennuis plus officiels. L'impression laissée est... Difficile à décrire. Un mélange d'étonnement et de curiosité, allié à un élan d'apaisement.
Il rejoint rapidement le yuiménien, se saisissant d'un yu dans sa besace. Si son parent l'épie, peut-être que tenter de faire passer le message de façon détournée suffira. Le Sieur Naral fait un bref commentaire sur sa liberté de mouvement avant de confirmer qu'il s'agit bien d'un son de cloche lié au couvre-feu.
"J'ai fait au mieux, 'précepteur' de Vienne. Même si je pensais que vous auriez pris les devants. Nous devrions amorcer notre visite. Et veuillez m'excuser si vous trouvez que je m'épanche au cours du chemin. Le 'face à face' avec mon parent s'est avéré un peu tendu et...", fait-il, regardant au loin tout en dévoilant le yu. "Particulièrement révélateur."
Un bref regard curieux sur la pièce précède la réplique de l'Elfe.
"Vous devriez m'appeler Percepteur, et non précepteur, si vous me confiez cette... vertigineuse somme. Hihihi.", raille-t-il, n'ayant possiblement pas perçu la tentative de sous-entendu.
Il se lance ensuite dans un petit monologue explicatif qu'il laisse couler d'une traite, comme si ses paroles avaient été retenues trop longtemps et n'avaient attendu que cette opportunité.
"Je ne vous aurais pas attendu longtemps, mais me suis dit qu'un peu d'observation tranquille serait avisée. Et j'ai aperçu deux ou trois choses intéressantes : j'ai d'abord vu mon aïeul de ce monde. Un vieillard à la toison blanche, vêtu tout de noir, qui raccompagnait une jolie jeune humaine au décolleté plus que suggestif vers la bulle de transport vers les Voies Inférieures. Une putain, à n'en pas douter : les rumeurs sur lui seraient donc fondées.", dit-il en premier, commençant à faire s'écarquiller les yeux vert pâle. "J'ai également aperçu une demoiselle au blond très clair, cheveux courts, vêtue de noir et d'or, un bâton orné de dorures au dos. Elle avait l'air aussi bourgeoise que les habitants du cru, tête haute, peau pâle, bijoux d'or. Mais elle était clairement de l'Ordre du Soleil Noir. Elle a pénétré dans leur bâtisse de ce niveau, sans un regard. Oh, et il m'a semblé apercevoir un rouquin dans la bulle qui a emmené la catin de Vienne vers le bas. Je n'ai pas eu une assez bonne visibilité pour m'assurer qu'il s'agissait du crétin de majordome des de Montfort, mais c'est fort possible. Et ça arrangerait nos affaires."
L'espace d'un instant, le Tigre est bouche bée face à cette avalanche de détails et à l'expression de son interlocuteur. Un sourcil levé, il semble particulièrement fier de ce qu'il a noté en son absence.
"Et vous, mon chaton ? Qu'avez-vous obtenu de ce dramatique personnage qu'est votre paternel ?"
La question a le mérite de ramener le Félin sur Ashaar, lui faisant ranger la médaille d'étain dans sa besace. Il pousse un lent soupir puis répond.
"Vous n'avez pas perdu votre temps... Dans mon cas, j'ai eu droit à une nécessaire leçon et à un sermon. Accompagné de gros yeux. Le genre de regard flamboyant qui ne vous quitte pas... Où que vous alliez.", fait-il, lorgnant par-delà le parapet avant de s'intéresser aux yeux d'or. Autant y aller directement. "Il sait, pour mes origines. Il taira ce détail à mon endroit tant que je conserve quelques... Secrets de famille. Et m'a incité à user de mes... Capacités... À mon gré. À condition de ne pas être pris, évidemment. Car nos voisins de l'astre sombre sont sensibles à son usage, capables d'en voir les traces pendant un moment et ainsi d'en remonter à la source pour l'appréhender.", révèle-t-il, fronçant légèrement la truffe pour aborder le point le plus crucial. "Protégeant ainsi d'interférences l'œuvre vitale de leurs 'Dieux' de la Surface. Une protection qui, entre autres, confère à tout Ashaar... l'immortalité."
L'Hinïon lui reproche évidemment d'avoir éventé leur petit secret, mais il passe rapidement à autre chose. Il se réjouit que tous les Ashaari ne soient pas aliénés par la garde noire et compte bien laisser libre cours à son propre Don. Il se fait ensuite pensif, mais le Woran n'a pas à lui poser la moindre question pour savoir où vont ses réflexions.
"Immortalité, vous dites ? Ça expliquerait ce... que j'ai ressenti depuis notre arrivée. Aucune âme n'erre en ces lieux. Aucune magie liée à la mort possible. Et vous dites que la magie interfère avec cette protection ? Voilà qui n'est pas commun, ni pour me déplaire. Nous connaissons désormais force et faille. Et... j'ai envie de valider au plus tôt ces hypothèses..."
Pendant qu'ils se mettent en chemin vers la bulle, Huyïn l'informe qu'il n'a guère eu le choix quant à la révélation de son identité, le Sieur Salmeck étant bien trop sur la défensive et méfiant pour gober une nouvelle fable. Il hésite, songeant à évoquer plus directement l'histoire de cette supervision dont il ferait l'objet. Toutefois, ne sachant pas si en parler constituerait une faute révoquant la possible aide qu'elle pourrait procurer, il s'interrompt en pleine phrase et secoue la tête. La chose intrigue évidemment son interlocuteur, qui a la grâce de ne pas insister. Le Félin s'interroge sur l'incapacité de l'Elfe à percevoir les âmes défuntes, sachant qu'un chaos mortel est censé ravager la surface en-dehors de la protection. Il lui est répondu que peut-être cette immortalité empêche les esprits morts d'entrer, ou que cette histoire de danger ultime ne serait qu'un mensonge.
Le Félin se détend un peu les épaules, ne réalisant que maintenant que l'entrevue avec son parent l'a quelque peu tendu. Le sujet étant abordé, il partage ce qu'il appris puis s'enquiert de la possible répétition de la performance que le Sieur de Vienne compte faire.
"Possible. L'unique moyen d'avoir des réponses serait d'emprunter le seul accès connu depuis la voie de la Veine. Seulement, c'est un puits s'élevant de celle-ci jusqu'à la surface. Apparemment lisse, donc impraticable pour qui se déplace uniquement sur deux jambes."
"Alors va-t-il nous falloir faire un choix : je peux nous porter jusqu'à la surface, où nous ne serions sans doute pas bien accueillis. Ou garder nos plans et libérer Scarla de sa famille de détraqués pour la porter en la Cité Inférieure. Jusqu'où et où nous serons pas non plus bien accueillis."
Le Tigre ne peut s'empêcher de le lorgner à ses propos sur le transport, ne faisant que brièvement acquiescer quant à la question d'une répétition qui serait trop voyante et gâcherait la surprise. Le Woran expose clairement son ressenti d'alors : plus il croit commencer à le cerner, plus il se rend compte que la pensée même est d'une naïveté affligeante. Se laissant aller à un bref élan de sincérité, il précise que voir qu'un non-choix peut en devenir un auprès de lui est... Bon pour faire évoluer ses certitudes. Il le taquine un peu ensuite, l'invitant à poursuivre leur idée première. Il ne voudrait pas que la réputation de 'gentilelfe' de son compagnon yuiménien souffre d'avoir fait faux-bond à une noble dame. Ce à quoi lui est demandé si lui-même se serait déjà attaché à la petite Scarla. Huyïn se contente de ne pas y réagir, bien plus intéressé par l'autre réplique.
"Je vous l'ai pourtant dit : au sommet, rien n'est inenvisageable."
Ils parviennent rapidement à la bulle où deux gardes en poste les arrêtent, s'interposant physiquement entre eux et leur moyen de transport. Un binôme d'individus en armure lourde et noire, casque ailé. Le plus proche d'eux est celui qui leur adresse la parole.
"Sieurs, peut-être n'avez-vous pas entendu la Cloche sonner. Vos maisons respectives sont à cet étage, et le couvre-feu ne tardera plus. Nous ne sommes plus en capacité de vous mener ailleurs."
Un imprévu qui ne l'est pas tant que cela. Le Woran n'avait juste pas envisagé qu'il y avait une règle de plus pour les habitants, devant retourner dans leur petite niche pour la nuit. La chose fait plisser les yeux verts qui se dirigent brièvement vers Naral. Puis, le Tigre prend la décision de tenter un coup de bluff monumental devant cet obstacle nouveau. Il s'avance d'un pas, fronce les sourcils pour rendre son regard plus perçant et marque un évident énervement tinté d'une forte angoisse.
"Me prenez-vous pour un imbécile ?! Bien sûr que je l'ai entendue ! Alors ayez l'amabilité de rapidement nous faire monter avant que le Sieur Cydar d'Esthalor n'exige notre commune éviction des Voies Hautes ! Convaincre mon parent m'a attiré son ire et déjà pris trop de temps, ne m'en faites pas perdre davantage quand il m'est impensable de rebrousser chemin !", s'exclame-t-il, levant la tête avec une juste indignation inspirée par la Dame de la bulle, teintant sa froide colère d'une peur sous-jacente. "Si ma Maison ou ma personne doivent en pâtir... Si je dois être déchu à cause de vous, parce que vous m'avez contraint à manquer ma parole envers lui... Je vous le jure... Je ne lésinerai pas sur la dénonciation de vos fautes... Ni ne prendrai le moindre repos avant de vous avoir tous fait choir avec moi !"
Le garde parait ennuyé et il déglutit bruyamment. Il rétorque malgré cela que le seigneur en question connaît la Loi, qu'il n'est pas possible d'être hors de son propre niveau lors du couvre-feu. Il demande alors les raisons de cette visite et s'ils ont un mandat signé de la part du seigneur concerné. Le Tigre prend une intonation plus vindicative mais motivée par l'angoisse, argumentant qu'il a donné sa parole et que seul le document de l'accord -difficilement ratifié- par son parent est en sa possession. Et qu'il doit être livré avant la fin actée du Jour du Don sous peine d'être caduc, comme les semaines de négociation qui y ont abouti. Pensant que cela ajouterait un poids supplémentaire dans la balance en sa faveur, il indique le bâtiment du Soleil noir et promet d'aller à la première heure trouver un responsable. Il prévient toutefois que ce sera soit pour porter l'entièreté de la responsabilité de l'incident, y compris la pression envers un garde et la réquisition du sens de l'orientation du Sieur de Vienne au dernier moment, soit pour présenter le montant que les deux Maisons exigeront en réparation du préjudice. Il enchaine rapidement pour ne pas laisser au garde le temps de réfléchir, l'invitant à prendre la décision la moins préjudiciable pour tous et de les laisser monter.
Huyïn comprend que la rencontre ne va pas tourner en leur faveur quand le garde paniqué jette un regard à son binôme. Et que celui-ci se contente de hausser les épaules, refusant de prendre parti ou de tenter quoi que ce soit pour désamorcer la tension. Peut-être est-ce de le voir aussi mou ou blasé qui pousse leur interlocuteur à réagir, à se reprendre et à se rappeler qu'il détient un minimum d'autorité quand son partenaire ne fera rien pour l'appuyer.
"Vous pourrez trouver qui vous voulez, sire. Mais les règles sont les mêmes pour tous, ici. Pensez-vous être supérieur à ceux qui les maisons voisines habitent ?", dit-il, son visage prenant une expression fermée et décidée. "Il n'y a aucune réparation à demander à l'Ordre, il est le seul garant de la Justice ici, et je ne fais qu'obéir aux règles. Vous me voyez désolé pour l'échec de votre accord, mais... c'est ainsi et pas autrement. Maintenant, veuillez circuler."
À ses côtés, l'Hinïon pince les lèvres, son regard gagnant en haine tout comme sa main en hauteur. Huyïn détourne les yeux de lui pour ne pas inviter l'attention des gardes sur son compagnon d'infortune. L'imbécile se dresse face à eux de pied ferme, poussant le Tigre à continuer son rôle encore une ou deux répliques, pour offrir une ultime chance à cet obstacle vivant. Sa voix passe de l'anxiété à une froide colère.
"Epargnez-moi les excuses creuses... Vous vous moquez éperdument de ce qui va m'arriver. Non... Vous êtes des Voies Hautes. Vous vous en gaussez, bien caché derrière vos règles qui ne s'appliquent qu'à ceux que vous méprisez... Justice... Ha ! Quand vous condamnez à la chute ceux qui se sont élevés dans les plus grandes souffrances comme s'ils vous avaient personnellement..., fait-il, s'arrêtant brutalement comme s'il venait d'avoir une révélation. "Oh... Oui, évidemment... Vous êtes à leur solde... Voilà qui explique tout. La Maison d'Esthalor n'a jamais réellement voulu de cet accord. Elle s'est jouée de ma Maison grâce à ses pions en armure sombre, bien placés pour empêcher les autres de s'élever... J'aurais du le comprendre quand vous avez commencé à chipoter... Vendus.", persiffle-t-il, finissant par regarder dans le vague, comme se parlant à lui-même. "Dire que j'avais l'intention de suivre sagement les conseils et d'éviter de directes confrontations..."
Le Félin offre à son interlocuteur une chance de dévier la conversation, de désamorcer la situation en lui faisant par exemple simplement remarquer que ses émotions prennent le pas sur sa raison. Mais non. Non seulement cela, mais il faut croire que même sans le vouloir, Huyïn est capable de prêcher le faux pour connaître le vrai. Le parti pris saute aux oreilles noires en à peine deux phrases, lui imputant des intentions et crimes inexistants tout en jetant au loin toute trace d'impartialité.
"La Diplomate Sinra Nassa aura vent de vos menaces envers la Maison d'Esthalor. Les d'Orthel ne feront plus long feu sur les Voies Hautes, vous pouvez me croire."
"Pas de votre bouche, en tout cas.", réplique le Sieur Naral sur un ton à la fois glacial et délicat.
Avec avidité, les yeux du Félin suivent chaque acte de l'Elfe. De sa main, une seconde de coloris noir comme faite d'ombre, sort et vient agripper le garde par la gorge malgré l'épaisseur de son armure, soulevant la lourde charge de terre. L'homme porte les mains à son cou, suffoquant visiblement, mais cela n'est qu'une portion des intentions de l'Hinïon. Ce dernier semble amplifier la puissance de son sort, repoussant la main loin... Plus loin... Jusqu'au vide. Fasciné, le Tigre ne perd rien de ce à quoi il assiste. L'enchantement est sciemment rompu, lâchant dans le pseudo-néant celui qui a osé se dresser devant eux. Le sort doit avoir fait davantage que priver l'impudent d'air, parce que sa chute se fait sans un cri. Le Félin ne réagit visiblement à la scène que par un léger mouvement de tête pour suivre le début de la chute, songeant qu'il ne restera pas grand-chose de l'armuré une fois le niveau de la Veine atteint. Et pourtant, grâce à leur précieuse immortalité, il ne s'agira pas d'une fin. Point d'obstacle face à qui est Maître de son sommet.
L'autre membre de ce binôme pointe une hallebarde vers le Sieur Naral, dont le regard d'or s'est fendu d'une pupille particulièrement reconnaissable. Reptilienne.
"Deux choix s'offrent à vous, et vous le savez. Résistez-nous, et vous finirez comme lui. Menez-nous là-haut, et vous serez sauf."
L'individu est paralysé par la peur, ne sachant visiblement pas comment réagir. Huyïn ne ressent aucune sympathie pour son absolue terreur, car il n'est pas innocent dans la situation. Il s'est gardé de prendre parti, de canaliser son binôme se permettant de renvoyer un d'Orthel en visible détresse comme de la vulgaire vermine. Il se contente donc de laisser choir le masque, ses émotions négatives laissant place à un calme frôlant l'indifférence.
"Nous arriverons à nos fins, avec ou sans votre aide. Choisissez, mais hâtivement. Menaces et insultes endurées jusque-là ont plus qu'entamé la patience de certains."
"Ou... Oui, vos seigneuries. Pitié. J'lui ai toujours dit qu'il faisait trop de zèle, et que ça allait lui retomber dessus un jour ou l'autre.", bégaie-t-il, se hâtant de leur dégager la voie vers la bulle. "Mettez-moi un sale coup, que j'sois pas envoyé aux Tréfonds. Envoyez moi dans les vapes. Je ferai mon rapport, pas le choix, mais le plus tard possible, j'vous l'promets."
L'Hinïon ignore bien évidemment la supplique, se contentant d'entrer dans la bulle en laissant le choix entre les griffes du Tigre. Ce dernier jette un regard dédaigneux à l'individu puis il bouge les doigts avec délicatesse.
"Mes mains sont faites pour l'Art, pas pour une tâche aussi... Dérisoire. Mais il faut un début à tout, je suppose.", souffle-t-il, comme blasé.
Il indique au garde de lui laisser sa hallebarde et de mettre un genou à terre, ainsi que de repousser son casque. Il n'y a qu'un seul espace où frapper efficacement, et s'il n'a guère envie de répondre à la demande apeurée de l'individu, ne pas le laisser courir à son bâtiment tout de suite est logique. Il soupèse l'arme et la tourne pour frapper avec le manche. Le choc est visiblement rude, aidé par la docilité de la cible, qui pousse un grognement soufflé et tombe au sol. Impossible de savoir s'il s'est trouvé des talents de comédien ou si l'attaque a été aussi efficace, chose dont le Félin se moque copieusement. Il se hâte de rejoindre l'Elfe en se frottant les mains, légèrement dégouté par la rudesse du contact avec l'objet militaire. Ce faisant, il commente sur son sentimentalisme, l'appelant la Malédiction de l'artiste, mais trouvant du positif dans le fait d'avoir pris connaissance du monde des armes.
Le levier est activé, mettant le transport en route et leur offrant un court moment d'échange.
"Oh, vous préserviez vos jolies papattes pour votre art ? Pensiez-vous arriver à vos objectifs sans vous salir les mains ?", questionne-t-il, marquant un temps d'arrêt avec de reprendre. "Notre séjour dans les Voies Hautes est compté. Nous devrons agir prestement pour récupérer Scarla et... fuir."
Le Tigre croise les bras avant de répondre.
"Mes 'papattes' n'ont pas exactement trempé dans le sang, mais elles portent les traces de brûlure de qui a tiré les ficelles pour parvenir à ses fins... J'ai acquis mon luth en isolant et causant la perte de son précédent possesseur. Me salir les mains de façon plus directe n'a simplement pas été nécessaire jusqu'ici. Mais peut-être est-ce justement une entrave dont je pourrais me défaire pour mon ascension."
"Bien. Que rien ne vous retienne."
Le Tigre émet ensuite l'hypothèse que si les Ashaari s'en tiennent à leurs habitudes, une pénombre certaine se fera. Et avec elle, le possible arrêt total des machines entre les voies, où ils risqueraient d'être possiblement attendus. La chose l'incite à se tourner vers l'Elfe, poussé par une intuition.
"Si plan vous avez, serait-ce en lien avec... Cette capacité d'aller en surface ?", demande-t-il, recevant la réponse dans un sourire avant des mots.
"Vous l'avez deviné, la magie sera à l’œuvre ce soir. Ombre comme couverture et arme contre tout contrevenant - sauf si vous préférez jouer la médiation, pendant que j'acte à la libération - et un final spectaculaire où aucun ascenseur ne sera plus nécessaire.", dit-il, causant un plissement amusé du regard vert face à l'aspect presque chanté de certaines paroles.
Le Tigre commente sur la capacité de l'Hinïon à captiver son public, s'indignant si nul artiste n'a consacré d'oeuvre à son sujet, à moins que cela soit la volonté de ce dernier. Lui indique ne pas courir après la gloire, mais lui laisse toute liberté pour laisser galoper son imagination. Ne se rend-il pas compte qu'il n'y a pas besoin d'ajouter quoi que ce soit aux faits pour rendre le dénommé Naral Shaam captivant ? Relater les impressions qu'il cause, son sens de la répartie, sa détermination et sa puissance magique ont de quoi créer d'innombrables couplets.
"Nous aviserons, mais j'ai déjà accaparé la scène de longues heures. Ce serait criminel que de laisser un talent comme le vôtre... Dans l'ombre."
Le sourire qu'il arbore persiste, comme s'il appréciait véritablement la situation. Ou peut-être est-ce la perspective de ne plus se retenir d'user de son Don qui le motive.
"Faisons cela, alors. Je m'occupe de la diversion et des obstacles, et vous vous chargez d'escorter au milieu de tout ça la jeune Scarla.", annonce-t-il tandis que la bulle arrive à destination, les portes s'ouvrant devant eux. "Une fois l'envol pris, nous serons en danger. Pour parvenir à la Cité Inférieure, c'est par l'Ordre Noir que nous devrons passer. De force. Me faites-vous confiance ? Souhaitez-vous que je tente cela avec Scarla seule, ou confirmez-vous notre collaboration jusqu'au bout ?"
La tête du Félin a à peine le temps de manifester son assentiment au plan évoqué qu'elle se tourne vivement pour l'amener à le regarder, Huyïn étant presque interloqué par sa question. Il se reprend toutefois rapidement et ferme à demi les yeux, laissant un bref grondement tigresque se faire sous son voile. Il laisse sa sincérité passer dans sa voix.
"J'ai foi en vous, Naral Shaam. Ces heures furent courtes mais plus que suffisantes pour établir ce sentiment.", fait-il, tendant ensuite la main dans son dos pour l'apposer contre son luth et prenant une intonation plus sérieuse, au bord du solennel. "Où que vous alliez, quoi que vous planifiiez, vous pourrez compter sur mon appui. Je vous épaulerai au mieux jusqu'à ce que la cité d'Ashaar soit un chapitre clos de nos histoires. Bois-Carmin m'en soit témoin."
"Bien. Alors nous y allons. C'est un chemin sans retour possible, mais qui nous mènera plus loin que par toute autre voie."
Il se hâte aussitôt vers la demeure des de Montfort, le Woran s'élançant à sa suite sans la plus petite hésitation.
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Modifié en dernier par Huyïn le mer. 25 déc. 2024 12:56, modifié 1 fois.
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Re: Les Voies Hautes
La Cité des Ombres
Les Voies Hautes
Les Voies Hautes
Jour 1 – soirée.
Naral et Huyïn se pressèrent de rejoindre la demeure des Montfort. Ils attendirent quelques instants avant… qu’une seconde cloche ne sonne. Le signal du couvre-feu. Le signal qu’ils attendaient. Une obscurité totale ne vint pas, mais les lueurs argentées les cernant se firent moins fortes, plongeant les Voies Hautes dans une pénombre agréable, mais où l’on voyait toujours. Toujours trop pour passer inaperçus, d’ailleurs. Naral Shaam se pressa vers la porte. Leur duo fut bientôt cerné d’ombres, masquant leurs gestes aux regards de l’extérieur. Il approcha de la porte, fermée à clés. Qu’à cela ne tienne, il la força sans difficulté à mains nues, broyant le bois alentours d’une main… curieusement griffue. Couverte d’écailles violettes.
Il fit signe au woran de le suivre. Ils se faufilèrent le plus discrètement possible dans la maison, direction l’étage où était Scarla sans détour. Le vieil escalier en bois grinça sous leurs pas. Au détour du couloir qui les mènerait vers la chambre-cible, ils croisèrent le sire Cirick, qui se promenait là, insoucieux. Il croisa leur regard et questionna :
« Par les Bouges, que faites-vous là ?! »
Naral se tourna vers Huyïn et souffla :
« Allez chercher Scarla. Retrouvez-moi ici. »
Et sans attendre, il fila comme une ombre vers le pair de la Maison de Montfort.
En revenant là en compagnie de la jeune femme, Naral attendait, sourire aux lèvres. L’homme était étendu au sol, inerte. Le visage paralysé dans un expression de frayeur absolue. Il prit la tête du trio sans attendre, et ils filèrent de la maison sous le couvert de l’ombre qui masquait toujours l’extérieur de la maison. Une fois passés ce brouillard sombre, ils se retrouvèrent sur les Voies Hautes. Personne ne semblait avoir rien remarqué. Naral s’approcha lentement de la rambarde, l’air toujours satisfait.
Et là… il changea. Il se métamorphosa en une mythique créature. En un monstre de légendes, en un saurien spectaculaire. Un dragon aux écailles violettes, au crâne caparaçonné de plaques noires, aux yeux d’or luisant comme de la lave en fusion. Il était grand, il était beau, il sentait bon la mort et le chaos.

Le Dragon Mauve. Scarla prit peur, se calfeutrant derrière Huyïn. Mais Naral plia ses pattes avant, courbant la nuque pour inviter le duo à grimper sur son dos…
[HJ : On va faire la partie où tu vas chercher Scarla par MP. Tu finiras ton RP sur… ta décision d’y grimper ou non. Prochaine màj le 4 janvier !]
[XP :
Huyïn : 1,5 (discussions), 0,5 (changer de niveau)]
- Huyïn
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Re: Les Voies Hautes
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Prestement, ils arrivent à proximité de la demeure de Montfort peu avant qu'une seconde cloche ne se fasse entendre. Le couvre-feu devient alors effectif, mais contrairement à ce à quoi s'était attendu le Tigre, les lumières ne cessent pas complètement. Elles diminuent, certes, mais demeurent largement présentes. Plus qu'une nuit de pleine lune en Nosvéris, donc bien trop pour servir de voile à leurs actions. Cela ne semble pas même faire hésiter Naral Shaam, qui s'avance vers la porte d'un pas décidé. Il doit avoir fait quelque chose, car tous deux sont bientôt cernés par des ombres plus opaques. Sans doute cela dissimule-t-il leurs actes, parce que l'Elfe n'hésite pas à à s'attaquer à la porte verrouillée. Huyïn ne perd rien du geste, observant qu'il la force d'une unique main aux doigts plus griffus que les siens, et aux reflets violacés. Son signe de le suivre discrètement en direction de l'étage n'a besoin d'aucune réponse, le Félin donnant tacitement son accord pour suivre les directives.
En haut de l'escalier grinçant, leur chemin puis leur regard croise celui du Sieur Cirick. Sa surprise est palpable dans sa voix, mais le Tigre n'en a cure quand son compagnon de visite nocturne lui souffle d'aller chercher Scarla puis de le rejoindre, avant de se lancer comme un prédateur en chasse en direction de l'homme. Huyïn plisse brièvement les yeux, se rappelant du jeu auquel le de Montfort s'est adonné plus tôt envers eux, provoquant Naral Shaam avec ses insultes et son mépris. Maintenant qu'il peut laisser libre cours à ses pouvoirs, nul doute que l'Hinïon va se faire justice. D'autant qu'en apparaissant, l'imbécile en rouge s'est constitué en obstacle. Son sort ne fait guère de doute, chose dont le Tigre se désintéresse dans la seconde où le faux de Vienne lui a tourné le dos.
Il se hâte jusqu'à la chambre verrouillée de la jeune femme et y racle le bois des griffes.
"Dame Scarla, êtes-vous apprêtée ? "
Le battant s'ouvre sur une chambre plongée dans la pénombre, et immédiatement quelque chose cloche puisque la jeune femme est assise sur son lit. De derrière la porte jaillit un bras qui l'empoigne et l'attire à l'intérieur de la pièce, refermant le battant derrière lui. Il fait alors face à Sieur Carden de Montfort, le plus compréhensif et ouvert des pères de la jeune Dame, prenant le temps d'allumer une lanterne puis de le regarder avec une visible déception.
"Je vous ai accueillis, écouté, présenté Scarla contre l'avis de mes pairs, et voilà tout ce que je récolte : vous voulez m'enlevez mon être le plus cher. Comme des voleurs. Quelle triste mascarade, si vous me passez l'expression."
Fronçant légèrement la truffe sous son voile, le Félin se contente d'abord de masser son avant-bras, se demandant brièvement comment, de toutes les zones possibles, son interlocuteur est parvenu à l'agripper exactement au même endroit que le Sieur Salmeck. Il prend le temps de détendre ledit bras et de s'adresser à la Dame en premier.
"Il faut croire que vous aviez moins sa confiance que vous le croyiez, Dame Scarla. Que cela vous incite donc à terminer un bagage au plus vite, si vous ne vous l'aviez pas déjà bouclé.", fait-il, l'entendant grogner qu'elle n'a besoin d'aucun bagage hormis de la liberté dont on la prive, la chose faisant tourner les yeux vert pâle vers l'autre occupant des lieux. "Chercheriez-vous à me faire culpabiliser, Sieur Carden ? Bien entendu, c'est sans doute moi qui suis la cause de son départ premier. Et à cause de qui son cœur penche pour la liberté dont vous la privez dans cet écrin doré."
Huyïn a à peine le temps de demander à la jeune femme si elle n'a simplement pas été des plus claires quand son parent se met à répliquer, son ton et le débit de ses paroles croissant d'instant en instant.
"Ça suffit. J'aime Scarla plus que tout en ce monde, et cette prison dorée - j'en ai conscience - est là uniquement pour la protéger. Et pour apaiser les dangereuses peurs de Cedran pour elle. Il a été jusqu'à dépouiller tous les commerçants sous notre protection pour payer grassement l'Ordre Noir pour la ramener en la cité supérieure, avec la promesse qu'elle y resterait sage. Il est prêt à tout pour qu'elle demeure ici, même à la violence, même à la plus vile des ruses.", dit-il, se reprenant un peu avant de poursuivre. "J'essayais juste de trouver un compromis. La laisser s'exprimer, mais en toute sécurité."
Un court instant passe, l'homme baissant la tête.
"Comprenez dès lors qu'elle ne peut pas quitter cet endroit."
Huyïn ne peut que plisser les yeux à cette déferlante d'informations, qui a toutefois le bon ton de confirmer ce que le crétin de garde volant avait laissé entendre : l'Ordre est loin d'être aussi incorruptible qu'il tente de le faire croire. Derrière leurs armures rutilantes et leurs grands principes, ils sont aussi pourris que tous ceux qui disposent d'autorité sur leurs semblables. Au moins, voilà une constante de l'Equilibre inhérente à la condition 'civilisée' qui est belle et bien respectée. Mais s'ils sont capables de se laisser acheter, il est évident que cela n'est sans doute pas le seul de leurs vices. Amoralité, mensonges et dissimulation vont main dans la main, en général. Peut-être que certains sont réellement en phase avec leurs principes, mais ce ne sont évidemment pas les plus bas barreaux de l'échelle qui pourraient conclure ce genre de marchés.
Le Woran ne se laisse pas distraire par le discours employé. Il n'est pas ici pour jouer les juges, ni pour avoir pitié de ce parent dont la progéniture tient tant à quitter le nid, mais pour gagner l'appui d'un guide dans la Cité Inférieure. Toutefois, il n'est pas encore enclin à utiliser tout moyen pour parvenir à ses fins. Pas avant d'avoir laissé ses mots tenter leur chance.
"Et c'est pourtant ce qu'elle va faire, même si cela doit arriver sans votre bénédiction. Et la chose lui sera désagréable, parce que s'il est une évidence, c'est que vos sentiments respectifs sont réciproques. Mais... Peut-être existe-t-il une possibilité de satisfaire les deux côtés.", réfléchit-il avant de tendre la main vers son interlocuteur. "Vous ne disposez plus d'aucune ressource concrète en ce moment, n'est-ce pas ? En-dehors de votre nom que beaucoup craignent ou respectent. Reconstituer votre pécule prendra du temps. Si vous l'aimez comme vous le prétendez, accordez-lui cette période de liberté."
Peser sur l'affect puis enfoncer le clou avec des arguments plus concrets et rationnels, déstabiliser par les émotions puis rassurer par de la logique. Le Tigre émet un léger grondement animal avant de continuer en ce sens.
"Sa présence n'est pas connue de grand-monde. Empêchez votre parent de faire un esclandre aussi longtemps que possible, quitte à lui faire goûter à cette vie en cage dorée qu'il destine à Dame Scarla, et lorsque cela ne sera plus envisageable... Faites peser des soupçons sur une action coordonnée de la Cité Inférieure, de son clan, trahi par le coloris d'un accessoire...", déclare-t-il en indiquant le vernis carmin de son luth. "Car si le Soleil noir peut être acheté par le haut, il n'est pas inconcevable qu'il le soit aussi par le bas."
Le Sieur Carden semble soudain avoir pris plusieurs années tant son silence et sa posture lui donnent un aspect perdu. Même son regard se fait vague, pensif. Il ne tarde toutefois pas à mettre un terme au silence.
"Cedran ne restera pas silencieux. Il remuera ciel et terre pour retrouver Scarla, même s'il doit détruire toute crédibilité de la maison de Montfort. Nous serons à la merci de tous nos détracteurs, jetés en bas de tout ce que nous avons accompli. Nous, d'une part, mais tous ces commerçants qui sont désormais nos créanciers.", laisse-t-il filer, songeur, avant de reprendre un ton déterminé et de serrer les poings. "Ça n'arrivera pas. Je l'enfermerai, je le contraindrai pour que nul ne sache ce qui s'est passé ici cette nuit."
À cette déclaration, l'homme reprend contenance, regagnant l'aspect d'un meneur, d'un patriarche conscient du poids de sa Maison et de ses responsabilités envers elle. Il finit par se tourner vers la jeune femme.
"Ma fille. Sois prudente. Promets-moi de ne pas te mettre en danger auprès de ceux que tu considères comme ta nouvelle famille."
À ces mots, Dame Scarla se lève de son lit et va rejoindre son parent. Lorsque l'accolade silencieuse est amorcée, Huyïn se détourne de la scène. Il pourrait sortir pour réellement leur laisser leur intimité, mais qui sait si derrière son apparente tristesse, un voie-hautain ne serait pas capable d'une brillante comédie ? Après tous ces efforts, hors de question que le de Montfort présent n'aille verrouiller la porte avec sa clé d'or en attendant que les intrus soient détectés et reportés aux autorités. Main sur la poignée, le Tigre demeure immobile et détourné, devinant une tension et une émotion dans la pièce à laquelle il n'a aucune envie d'être associé. Il attend donc sans se faire remarquer malgré sa taille, pour que Scarla soit celle qui donne le signal du départ. Après tout, il serait stupide de la braquer en la privant de ce moment ou en l'écourtant avant que cet instant de deuil ait fait son office.
Après un long moment, l'elfe chauve le rejoint.
"Je suis prête."
"Préservez-la du mieux que vous pouvez, sire d'Orthel. Elle est un joyau en cette Cité."
Tandis qu'il laisse leur guide en devenir passer devant, Huyïn se contente d'adresser un signe du chef à son interlocuteur. Il présente un aspect un peu misérable, qu'il cache derrière cette force de chef de famille. Pas besoin de lui parler, surtout pour donner des paroles qui n'auraient aucun sens vus les projets des yuiméniens. Et en parlant de ceux-ci, pas question de traîner. Naral Shaam doit déjà les attendre. Le Tigre se contente juste de vivement rejoindre l'elfe au féminin et d'émettre un commentaire.
"J'espère que vous êtes en pleine possession de vos moyens. Cette nuit risque de ne pas être des plus reposantes."
Dame Scarla acquiesce, poursuivant avec lui plus loin dans le couloir. L'Hinïon s'y trouve, le corps d'un Cirick pétrifié par une visible terreur au sol. Si la chose fait venir un regard interrogateur aux yeux de l'Ashaari, personne ici n'a le souhait d'y apporter la moindre explication. Le pseudo de Vienne passe devant eux et quitte la propriété, se dirigeant vers la rambarde de l'étage, visiblement ravi. Et là, devant les yeux du Félin, le corps elfique se transforme. Il gagne en taille, en nombre de membres, en coloris. Immobile, le Woran sent son coeur cogner lourdement dans sa poitrine, toute son attention rivée à cet être qui gagne en majesté, ne prêtant qu'une infime partie de son esprit au fait que Scarla s'est calfeutrée derrière lui.
Lorsque le changement s'est opéré, les yeux vert pâle engrangent autant de détails possibles. Une tête reptilienne, aux traits vaguement similaires à la tête qui a fait tant réagir les yuiméniens de la cave, casquée de noir. Des écailles mauves. De longues griffes. De larges ailes ne laissant aucun doute sur ses capacités à fendre les airs, comme sous-entendu plus tôt. Une créature gigantesque et de légende. Un dragon d'améthyste qui suscite brièvement un brin de crainte chez le Félin, avant qu'il remarque les yeux de l'entité. Bien que plus brillant, il est toutefois similaire et parfaitement reconnaissable : le regard de Naral Shaam, de cet être dont il se lamentait plus tôt ne pas avoir connaissance d'art le prenant pour sujet. À présent qu'il l'a sous les yeux, lui dédier de simples couplets en passant serait une véritable offense. Il mérite une œuvre à la hauteur de ce qu'il fait ressentir, digne d'un Maître au sommet de son Art.
La minuscule hésitation du Tigre, motivée par la soudaineté de l'événement, est oubliée dans l'instant. Il franchit la distance le séparant du Dragon Naral Shaam, rivant son regard dans l’œil brûlant en se souvenant des paroles prémonitoires de ce dernier. Il a du mal à refouler les notes d'admiration suscitées.
"Spectaculaire, en effet... Quand nous aurons un instant, j'ose espérer que vous répondrez à ma question : êtes-vous elfe devenant Dragon ou Dragon piégé dans un corps elfique ?"
Il reçoit un clin d’œil à sa question qui l'amuse un brin, car typiquement le genre de réponses que l'Hinïon lui ferait. Quand le Dragon Mauve se penche pour les laisser monter, le Félin n'a pas le moindre doute et accepte l'invitation immédiatement. Il grimpe et s'installe, tendant ensuite une main en direction de Scarla pour l'inciter à faire de même. Si elle n'a pas redouté un Tigre bipède, elle dépassera certainement son a priori concernant un saurien gigantesque lui offrant la possibilité de rejoindre la famille à laquelle elle a été arrachée.
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Prestement, ils arrivent à proximité de la demeure de Montfort peu avant qu'une seconde cloche ne se fasse entendre. Le couvre-feu devient alors effectif, mais contrairement à ce à quoi s'était attendu le Tigre, les lumières ne cessent pas complètement. Elles diminuent, certes, mais demeurent largement présentes. Plus qu'une nuit de pleine lune en Nosvéris, donc bien trop pour servir de voile à leurs actions. Cela ne semble pas même faire hésiter Naral Shaam, qui s'avance vers la porte d'un pas décidé. Il doit avoir fait quelque chose, car tous deux sont bientôt cernés par des ombres plus opaques. Sans doute cela dissimule-t-il leurs actes, parce que l'Elfe n'hésite pas à à s'attaquer à la porte verrouillée. Huyïn ne perd rien du geste, observant qu'il la force d'une unique main aux doigts plus griffus que les siens, et aux reflets violacés. Son signe de le suivre discrètement en direction de l'étage n'a besoin d'aucune réponse, le Félin donnant tacitement son accord pour suivre les directives.
En haut de l'escalier grinçant, leur chemin puis leur regard croise celui du Sieur Cirick. Sa surprise est palpable dans sa voix, mais le Tigre n'en a cure quand son compagnon de visite nocturne lui souffle d'aller chercher Scarla puis de le rejoindre, avant de se lancer comme un prédateur en chasse en direction de l'homme. Huyïn plisse brièvement les yeux, se rappelant du jeu auquel le de Montfort s'est adonné plus tôt envers eux, provoquant Naral Shaam avec ses insultes et son mépris. Maintenant qu'il peut laisser libre cours à ses pouvoirs, nul doute que l'Hinïon va se faire justice. D'autant qu'en apparaissant, l'imbécile en rouge s'est constitué en obstacle. Son sort ne fait guère de doute, chose dont le Tigre se désintéresse dans la seconde où le faux de Vienne lui a tourné le dos.
Il se hâte jusqu'à la chambre verrouillée de la jeune femme et y racle le bois des griffes.
"Dame Scarla, êtes-vous apprêtée ? "
Le battant s'ouvre sur une chambre plongée dans la pénombre, et immédiatement quelque chose cloche puisque la jeune femme est assise sur son lit. De derrière la porte jaillit un bras qui l'empoigne et l'attire à l'intérieur de la pièce, refermant le battant derrière lui. Il fait alors face à Sieur Carden de Montfort, le plus compréhensif et ouvert des pères de la jeune Dame, prenant le temps d'allumer une lanterne puis de le regarder avec une visible déception.
"Je vous ai accueillis, écouté, présenté Scarla contre l'avis de mes pairs, et voilà tout ce que je récolte : vous voulez m'enlevez mon être le plus cher. Comme des voleurs. Quelle triste mascarade, si vous me passez l'expression."
Fronçant légèrement la truffe sous son voile, le Félin se contente d'abord de masser son avant-bras, se demandant brièvement comment, de toutes les zones possibles, son interlocuteur est parvenu à l'agripper exactement au même endroit que le Sieur Salmeck. Il prend le temps de détendre ledit bras et de s'adresser à la Dame en premier.
"Il faut croire que vous aviez moins sa confiance que vous le croyiez, Dame Scarla. Que cela vous incite donc à terminer un bagage au plus vite, si vous ne vous l'aviez pas déjà bouclé.", fait-il, l'entendant grogner qu'elle n'a besoin d'aucun bagage hormis de la liberté dont on la prive, la chose faisant tourner les yeux vert pâle vers l'autre occupant des lieux. "Chercheriez-vous à me faire culpabiliser, Sieur Carden ? Bien entendu, c'est sans doute moi qui suis la cause de son départ premier. Et à cause de qui son cœur penche pour la liberté dont vous la privez dans cet écrin doré."
Huyïn a à peine le temps de demander à la jeune femme si elle n'a simplement pas été des plus claires quand son parent se met à répliquer, son ton et le débit de ses paroles croissant d'instant en instant.
"Ça suffit. J'aime Scarla plus que tout en ce monde, et cette prison dorée - j'en ai conscience - est là uniquement pour la protéger. Et pour apaiser les dangereuses peurs de Cedran pour elle. Il a été jusqu'à dépouiller tous les commerçants sous notre protection pour payer grassement l'Ordre Noir pour la ramener en la cité supérieure, avec la promesse qu'elle y resterait sage. Il est prêt à tout pour qu'elle demeure ici, même à la violence, même à la plus vile des ruses.", dit-il, se reprenant un peu avant de poursuivre. "J'essayais juste de trouver un compromis. La laisser s'exprimer, mais en toute sécurité."
Un court instant passe, l'homme baissant la tête.
"Comprenez dès lors qu'elle ne peut pas quitter cet endroit."
Huyïn ne peut que plisser les yeux à cette déferlante d'informations, qui a toutefois le bon ton de confirmer ce que le crétin de garde volant avait laissé entendre : l'Ordre est loin d'être aussi incorruptible qu'il tente de le faire croire. Derrière leurs armures rutilantes et leurs grands principes, ils sont aussi pourris que tous ceux qui disposent d'autorité sur leurs semblables. Au moins, voilà une constante de l'Equilibre inhérente à la condition 'civilisée' qui est belle et bien respectée. Mais s'ils sont capables de se laisser acheter, il est évident que cela n'est sans doute pas le seul de leurs vices. Amoralité, mensonges et dissimulation vont main dans la main, en général. Peut-être que certains sont réellement en phase avec leurs principes, mais ce ne sont évidemment pas les plus bas barreaux de l'échelle qui pourraient conclure ce genre de marchés.
Le Woran ne se laisse pas distraire par le discours employé. Il n'est pas ici pour jouer les juges, ni pour avoir pitié de ce parent dont la progéniture tient tant à quitter le nid, mais pour gagner l'appui d'un guide dans la Cité Inférieure. Toutefois, il n'est pas encore enclin à utiliser tout moyen pour parvenir à ses fins. Pas avant d'avoir laissé ses mots tenter leur chance.
"Et c'est pourtant ce qu'elle va faire, même si cela doit arriver sans votre bénédiction. Et la chose lui sera désagréable, parce que s'il est une évidence, c'est que vos sentiments respectifs sont réciproques. Mais... Peut-être existe-t-il une possibilité de satisfaire les deux côtés.", réfléchit-il avant de tendre la main vers son interlocuteur. "Vous ne disposez plus d'aucune ressource concrète en ce moment, n'est-ce pas ? En-dehors de votre nom que beaucoup craignent ou respectent. Reconstituer votre pécule prendra du temps. Si vous l'aimez comme vous le prétendez, accordez-lui cette période de liberté."
Peser sur l'affect puis enfoncer le clou avec des arguments plus concrets et rationnels, déstabiliser par les émotions puis rassurer par de la logique. Le Tigre émet un léger grondement animal avant de continuer en ce sens.
"Sa présence n'est pas connue de grand-monde. Empêchez votre parent de faire un esclandre aussi longtemps que possible, quitte à lui faire goûter à cette vie en cage dorée qu'il destine à Dame Scarla, et lorsque cela ne sera plus envisageable... Faites peser des soupçons sur une action coordonnée de la Cité Inférieure, de son clan, trahi par le coloris d'un accessoire...", déclare-t-il en indiquant le vernis carmin de son luth. "Car si le Soleil noir peut être acheté par le haut, il n'est pas inconcevable qu'il le soit aussi par le bas."
Le Sieur Carden semble soudain avoir pris plusieurs années tant son silence et sa posture lui donnent un aspect perdu. Même son regard se fait vague, pensif. Il ne tarde toutefois pas à mettre un terme au silence.
"Cedran ne restera pas silencieux. Il remuera ciel et terre pour retrouver Scarla, même s'il doit détruire toute crédibilité de la maison de Montfort. Nous serons à la merci de tous nos détracteurs, jetés en bas de tout ce que nous avons accompli. Nous, d'une part, mais tous ces commerçants qui sont désormais nos créanciers.", laisse-t-il filer, songeur, avant de reprendre un ton déterminé et de serrer les poings. "Ça n'arrivera pas. Je l'enfermerai, je le contraindrai pour que nul ne sache ce qui s'est passé ici cette nuit."
À cette déclaration, l'homme reprend contenance, regagnant l'aspect d'un meneur, d'un patriarche conscient du poids de sa Maison et de ses responsabilités envers elle. Il finit par se tourner vers la jeune femme.
"Ma fille. Sois prudente. Promets-moi de ne pas te mettre en danger auprès de ceux que tu considères comme ta nouvelle famille."
À ces mots, Dame Scarla se lève de son lit et va rejoindre son parent. Lorsque l'accolade silencieuse est amorcée, Huyïn se détourne de la scène. Il pourrait sortir pour réellement leur laisser leur intimité, mais qui sait si derrière son apparente tristesse, un voie-hautain ne serait pas capable d'une brillante comédie ? Après tous ces efforts, hors de question que le de Montfort présent n'aille verrouiller la porte avec sa clé d'or en attendant que les intrus soient détectés et reportés aux autorités. Main sur la poignée, le Tigre demeure immobile et détourné, devinant une tension et une émotion dans la pièce à laquelle il n'a aucune envie d'être associé. Il attend donc sans se faire remarquer malgré sa taille, pour que Scarla soit celle qui donne le signal du départ. Après tout, il serait stupide de la braquer en la privant de ce moment ou en l'écourtant avant que cet instant de deuil ait fait son office.
Après un long moment, l'elfe chauve le rejoint.
"Je suis prête."
"Préservez-la du mieux que vous pouvez, sire d'Orthel. Elle est un joyau en cette Cité."
Tandis qu'il laisse leur guide en devenir passer devant, Huyïn se contente d'adresser un signe du chef à son interlocuteur. Il présente un aspect un peu misérable, qu'il cache derrière cette force de chef de famille. Pas besoin de lui parler, surtout pour donner des paroles qui n'auraient aucun sens vus les projets des yuiméniens. Et en parlant de ceux-ci, pas question de traîner. Naral Shaam doit déjà les attendre. Le Tigre se contente juste de vivement rejoindre l'elfe au féminin et d'émettre un commentaire.
"J'espère que vous êtes en pleine possession de vos moyens. Cette nuit risque de ne pas être des plus reposantes."
Dame Scarla acquiesce, poursuivant avec lui plus loin dans le couloir. L'Hinïon s'y trouve, le corps d'un Cirick pétrifié par une visible terreur au sol. Si la chose fait venir un regard interrogateur aux yeux de l'Ashaari, personne ici n'a le souhait d'y apporter la moindre explication. Le pseudo de Vienne passe devant eux et quitte la propriété, se dirigeant vers la rambarde de l'étage, visiblement ravi. Et là, devant les yeux du Félin, le corps elfique se transforme. Il gagne en taille, en nombre de membres, en coloris. Immobile, le Woran sent son coeur cogner lourdement dans sa poitrine, toute son attention rivée à cet être qui gagne en majesté, ne prêtant qu'une infime partie de son esprit au fait que Scarla s'est calfeutrée derrière lui.
Lorsque le changement s'est opéré, les yeux vert pâle engrangent autant de détails possibles. Une tête reptilienne, aux traits vaguement similaires à la tête qui a fait tant réagir les yuiméniens de la cave, casquée de noir. Des écailles mauves. De longues griffes. De larges ailes ne laissant aucun doute sur ses capacités à fendre les airs, comme sous-entendu plus tôt. Une créature gigantesque et de légende. Un dragon d'améthyste qui suscite brièvement un brin de crainte chez le Félin, avant qu'il remarque les yeux de l'entité. Bien que plus brillant, il est toutefois similaire et parfaitement reconnaissable : le regard de Naral Shaam, de cet être dont il se lamentait plus tôt ne pas avoir connaissance d'art le prenant pour sujet. À présent qu'il l'a sous les yeux, lui dédier de simples couplets en passant serait une véritable offense. Il mérite une œuvre à la hauteur de ce qu'il fait ressentir, digne d'un Maître au sommet de son Art.
La minuscule hésitation du Tigre, motivée par la soudaineté de l'événement, est oubliée dans l'instant. Il franchit la distance le séparant du Dragon Naral Shaam, rivant son regard dans l’œil brûlant en se souvenant des paroles prémonitoires de ce dernier. Il a du mal à refouler les notes d'admiration suscitées.
"Spectaculaire, en effet... Quand nous aurons un instant, j'ose espérer que vous répondrez à ma question : êtes-vous elfe devenant Dragon ou Dragon piégé dans un corps elfique ?"
Il reçoit un clin d’œil à sa question qui l'amuse un brin, car typiquement le genre de réponses que l'Hinïon lui ferait. Quand le Dragon Mauve se penche pour les laisser monter, le Félin n'a pas le moindre doute et accepte l'invitation immédiatement. Il grimpe et s'installe, tendant ensuite une main en direction de Scarla pour l'inciter à faire de même. Si elle n'a pas redouté un Tigre bipède, elle dépassera certainement son a priori concernant un saurien gigantesque lui offrant la possibilité de rejoindre la famille à laquelle elle a été arrachée.
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Modifié en dernier par Huyïn le ven. 10 janv. 2025 20:37, modifié 1 fois.
- Cromax
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Re: Les Voies Hautes
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Jour 1 – soirée.
Scarla était éberluée du spectacle, presque figée. Mais elle se ressaisit lorsque Huyïn lui tend le bras. Elle l’attrape, sachant qu’elle n’a guère vraiment le choix, et monte à son tour sur le cou draconique, avant les ailes, derrière l’homme-chat qui doit s’agripper fermement aux écailles renforcées noires de la tête du Dragon pour maintenir un équilibre correct.
Le dragon bat des ailes et s’envole, descendant à vive allure jusqu’à la Veine.
[HJ : Suite dans la Veine.]
[XP : 0,5 (discussion), 2 (situation)]
- Cromax
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Re: Les Voies Hautes
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Jour 2 – Matinée.
L’ascenseur grimpa sans un bruit vers les Voies Hautes. Grim n’adressa pas un mot aux deux elfes, et Itulë parut vouloir le singer, imitant son air rustre et fermé pour amuser Mitya. Lorsqu’ils arrivèrent à destination et quittèrent l’embarcation verticale, les deux demoiselles purent remarquer tout le prestige des lieux.

L’endroit était plus clair et aéré que les Voies Médianes. Comme si la couleur était plus blanche. Les bâtiments étaient luxueux, arborant de belles draperies aux couleurs, sans doute, des Maisons Nobles qu’elles abritaient. On ne voyait même pas la Veine, d'ici. A moins de se pencher dangereusement par-dessus les balustrades.
À peine s’avancèrent-ils sur le pont de pierre rejoignant le tour de cité typique des « Voies », ils furent apostrophés par une jeune femme aux cheveux platine coupés court. Elle avait le port altier et ses habits, nobles et élégants, rappelaient les couleurs de l’Ordre du Soleil Noir. Elle portait dans son dos un sceptre – ou un élégant bâton de combat – et s’approcha du trio en arborant un air grave tirant les traits de son teint d’opale.

« Grim Selor. Pourquoi ne suis-je pas surprise de vous voir ici à peine quelques heures après un trouble. »
Le grand homme grogna pour toute réponse. La jeune femme regarda plus attentivement les deux elfettes, reprenant :
« Pendant la nuit, la fille des de Montfort a été enlevée. Il nous a été donné l’ordre de vérifier l’identité de quiconque monterait aux Voies Hautes. »
Grim grommela encore, précisant :
« Capitaine Somnis, les affaires des de Montfort les regardent, et elles n’intéressent ni mes employeurs, ni moi. Je viens présenter deux servantes des Artères à la Maison d’Esthalor, et c’est tout ce que j’ai à déclarer. »
La capitaine se remit à détailler les deux elfes.
« Qui êtes-vous ? D’où venez-vous et quelles sont les raisons de votre présence ici ? »
[HJ : aparté ou simple réponse, à ta convenance.]
- Mitya
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Re: Les Voies Hautes
Afin d’éviter le prévisible, mais tout de même gênant, silence à venir elle tenta d'entamer la conversation avec le géant qui les guidait.
"Et... c'est quoi votre boulot à vous exactement ?"
Et c’est de façon tout aussi prévisible qu’il ne répondit pas. Itulë se mit à l’imiter ce qui l’a fît doucement rire avant de complètement blêmir à la vue de l’Ascen-soeur. Des machines et des rouages de partout, tout ça pour une cage de verre à une seule issue. Cette bulle était une prison de verre. Un piège? C’est en tout cas ce qu’elle craignit pendant toute la durée de l'ascension. Nerveuse, elle se mit à compter les gens présents avec eux.
Lorsqu’elle put à nouveau poser le pied au sol, elle sortit de l’Ascen-soeur complètement ébahie par la vision qui s’offrait à elle. Jamais elle n’avait vu une telle architecture, de telles structures aussi chargées et pourtant majestueuses. La seule chose la chagrinant un peu était cette lumière, trop blanche pour être celle du soleil. Trop froide, rendant les choses presque maussades.
L’elfe n’eut cependant pas le temps d’analyser grand chose de plus car une Capitaine du nom de Somnis leur tomba sur la couenne. Il était apparemment question d’enlèvement d’une personne par un homme aux cheveux violets et un autre masqué. Comme quoi, même en haut rien n’est calme dans cette ville. A la question de la blonde, Mitya répondu franchement:
"Mitya et Itulë, Capitaine! Nous venons de la Veine et... après les derniers événements nous avons décidé de proposer nos services à de nobles maisons afin de gagner protection."
La Capitaine appela au mensonge, leur expliquant qu’elles correspondaient exactement au signalement d’étrangers arrivés hier avant de leur demander si elles ne savaient pas quelque chose à propos des deux individus recherchés.
"Rien de ce que je vous ai dit n'était mensonge. Nous cherchons protection et il nous a semblé que ce mettre au service d'une grande famille serait la plus sûre des manières. C'est là que nous avons fait la connaissance de Maître Grim."
La vérité, donc. Avec quelques omissions peut-être, mais la vérité.
Elle reprit, secouant la tête:
"Nope. Je sais qu'il y a eu du grabuge vers les Docks mais je sais pas si c'est eux..."
Puis se grattant le menton, comme pour faire mine de réfléchir.
"Cela dit, si j'avais fait quelque chose de mal et que j'avais les cheveux violets j'aurais tout fait pour modifier mon apparence..."
Elle regarde Itulë d'un air interrogateur, lui posant la même question puis dévie du regard vers Grim l'espace d'une milliseconde.
"Chauve! Je me raserais sans doute le crâne. Comme ca plus de soucis de violet!"
Sa camarade profita de sa réponse pour lancer une pique à la jeune Somnis quant à l’efficacité de la protection fournie par l’Ordre du Soleil Noir. Ce à quoi elle répondit d’un air pincé:
"Nous savons où ils se situent. La question est plutôt de connaître votre niveau de collaboration avec l'Ordre et, ne vous déplaise, la protection des citoyens des Voies Hautes. Votre petit groupe hétéroclite ne passe plus inaperçu. Nous vous surveillons de près et interviendront si le moindre problème se fait sentir. Prenez bien note de ça, si vous comptez effectivement maintenir votre projet de trouver protection chez les résidents de ces Voies."
Mitya ouvrit de grands yeux et claqua ses mains sur ses cuisses, estomaquée de la réponse. Non seulement parce que s’ils étaient recherchés alors sans doute devraient-ils aller là où se trouvent les criminels? Mais également par le fait qu’il soit bel et bien possible d’y aller et que cette histoire de kidnapping pourrait potentiellement leur servir bientôt.
"Bah, qu'est ce que vous faites là alors? Si vous savez où ils sont, pourquoi vous n'allez pas récupérer la personne enlevée ? C'est quand même étrange cette histoire..."
Ce à quoi elle répondit que ce n’était plus de son ressort mais de celui de ses pairs des étages inférieurs avant de réitérer ses menaces sous forme de “Gnagnagna attention, gnagnagna je vous ai à l’oeil…”
Les deux elfes acquiescèrent, assurant la Capitaine Somnis qu’elles ne souhaitaient absolument causer de troubles avant d’enfin pouvoir rejoindre le golem de pierre qui les attendait en retrait.
Souhaitant détendre l’atmosphère l’elfe aux cheveux blancs revînt avec le sourire et lui dit en lui donnant un coup de coude amical:
“C’est bon, on peut y aller! Alors, comme ca vous et la Capitaine vous vous voyez souvent? Voyou!”
"Et... c'est quoi votre boulot à vous exactement ?"
Et c’est de façon tout aussi prévisible qu’il ne répondit pas. Itulë se mit à l’imiter ce qui l’a fît doucement rire avant de complètement blêmir à la vue de l’Ascen-soeur. Des machines et des rouages de partout, tout ça pour une cage de verre à une seule issue. Cette bulle était une prison de verre. Un piège? C’est en tout cas ce qu’elle craignit pendant toute la durée de l'ascension. Nerveuse, elle se mit à compter les gens présents avec eux.
Lorsqu’elle put à nouveau poser le pied au sol, elle sortit de l’Ascen-soeur complètement ébahie par la vision qui s’offrait à elle. Jamais elle n’avait vu une telle architecture, de telles structures aussi chargées et pourtant majestueuses. La seule chose la chagrinant un peu était cette lumière, trop blanche pour être celle du soleil. Trop froide, rendant les choses presque maussades.
L’elfe n’eut cependant pas le temps d’analyser grand chose de plus car une Capitaine du nom de Somnis leur tomba sur la couenne. Il était apparemment question d’enlèvement d’une personne par un homme aux cheveux violets et un autre masqué. Comme quoi, même en haut rien n’est calme dans cette ville. A la question de la blonde, Mitya répondu franchement:
"Mitya et Itulë, Capitaine! Nous venons de la Veine et... après les derniers événements nous avons décidé de proposer nos services à de nobles maisons afin de gagner protection."
La Capitaine appela au mensonge, leur expliquant qu’elles correspondaient exactement au signalement d’étrangers arrivés hier avant de leur demander si elles ne savaient pas quelque chose à propos des deux individus recherchés.
"Rien de ce que je vous ai dit n'était mensonge. Nous cherchons protection et il nous a semblé que ce mettre au service d'une grande famille serait la plus sûre des manières. C'est là que nous avons fait la connaissance de Maître Grim."
La vérité, donc. Avec quelques omissions peut-être, mais la vérité.
Elle reprit, secouant la tête:
"Nope. Je sais qu'il y a eu du grabuge vers les Docks mais je sais pas si c'est eux..."
Puis se grattant le menton, comme pour faire mine de réfléchir.
"Cela dit, si j'avais fait quelque chose de mal et que j'avais les cheveux violets j'aurais tout fait pour modifier mon apparence..."
Elle regarde Itulë d'un air interrogateur, lui posant la même question puis dévie du regard vers Grim l'espace d'une milliseconde.
"Chauve! Je me raserais sans doute le crâne. Comme ca plus de soucis de violet!"
Sa camarade profita de sa réponse pour lancer une pique à la jeune Somnis quant à l’efficacité de la protection fournie par l’Ordre du Soleil Noir. Ce à quoi elle répondit d’un air pincé:
"Nous savons où ils se situent. La question est plutôt de connaître votre niveau de collaboration avec l'Ordre et, ne vous déplaise, la protection des citoyens des Voies Hautes. Votre petit groupe hétéroclite ne passe plus inaperçu. Nous vous surveillons de près et interviendront si le moindre problème se fait sentir. Prenez bien note de ça, si vous comptez effectivement maintenir votre projet de trouver protection chez les résidents de ces Voies."
Mitya ouvrit de grands yeux et claqua ses mains sur ses cuisses, estomaquée de la réponse. Non seulement parce que s’ils étaient recherchés alors sans doute devraient-ils aller là où se trouvent les criminels? Mais également par le fait qu’il soit bel et bien possible d’y aller et que cette histoire de kidnapping pourrait potentiellement leur servir bientôt.
"Bah, qu'est ce que vous faites là alors? Si vous savez où ils sont, pourquoi vous n'allez pas récupérer la personne enlevée ? C'est quand même étrange cette histoire..."
Ce à quoi elle répondit que ce n’était plus de son ressort mais de celui de ses pairs des étages inférieurs avant de réitérer ses menaces sous forme de “Gnagnagna attention, gnagnagna je vous ai à l’oeil…”
Les deux elfes acquiescèrent, assurant la Capitaine Somnis qu’elles ne souhaitaient absolument causer de troubles avant d’enfin pouvoir rejoindre le golem de pierre qui les attendait en retrait.
Souhaitant détendre l’atmosphère l’elfe aux cheveux blancs revînt avec le sourire et lui dit en lui donnant un coup de coude amical:
“C’est bon, on peut y aller! Alors, comme ca vous et la Capitaine vous vous voyez souvent? Voyou!”
- Cromax
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Re: Les Voies Hautes
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Les Voies Hautes
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Jour 2 – Matinée.
Grim Selor ne répondit guère à la provocation de MItya, grommelant simplement :
« Z’ont qu’ça à foutre de faire chier leur monde, d’toute façon. »
Il reprit la marche, dirigeant les deux donzelles vers la maison de ses maîtres. La bâtisse était plus grande et richement décorée que les autres. Les fanions qui bordaient la façade étaient bleus et dorés, centrés d’une ligne cyan. Ils avaient clairement plus de moyens que n’importe qui en ville, même sur ces Voies Hautes. La différence en paraissait presque ridicule.
Sans s’attarder, le géant s’avança et frappa à la porte avant d’entrer, laissant les demoiselles le suivre. D’une voix forte, il clama :
« Maîtres d’Esthalor, votre fidèle serviteur est de retour. Et je ne suis pas seul : deux… demoiselles m’accompagnent et requièrent votre attention. »
Ils n’attendirent pas longtemps dans ce vaste hall d’entrée donnant entre autre sur un double escalier de marbre pour que deux silhouettes se glissent à leurs regards. Le premier, en provenance d’une porte latérale aux moulures couvertes de feuilles d’or, paraissait avoir un certain âge. Cheveux et barbe blancs yeux céruléens, costume bleu et or fort élégant rappelant par des détails une tenue martiale, telle que sa cape maintenue à son buste par des épaulières métalliques ornées.

Le second, posté sur la ballustrade en haut de l’escalier, observait les arrivants d’un air sévère. Il avait les traits secs, comme creusés dans la roche. Sa pilosité était également de neige, et il était vêtu semblablement que son pair, quoique sa stature et les détails de sa tenue paraissent moins militaires. Plus nobiliaire. Fait notable, il avait des oreilles pointues, semblables à celles des elfes.

Le servant au crâne dégarni annonça :
« Messires, ces deux pauvrettes réclament un entretien en votre noble présence. »
Le silence fut la seule réponse qu’il obtint. Il se tourna vers Mitya, soufflant :
« Voici Clément et Cydar d'Esthalor. Parlez, maintenant. Et soyez convaincantes, ou votre séjour parmi les Voies Hautes sera de courte durée. »
Itulë parut vexée qu’il se tourne vers l’elfe à la peau de bronze plutôt que vers elle.
[HJ : Simple réponse attendue, pas d’aparté cette fois.]
[XP :
Mitya : 0,5 (blablatage), 0,5 (départ vers d’Esthalor)]