Le cortège se forme et s'aventure dans les profondeurs de la caillasse de grande taille. Dans l'obscurité à peine combattue par la lueur du milicien, Dae'ron vole près de moi en silence. Il fait de son mieux, mais son courage n'empêche pas la main qu'il garde en contact contre mon avant-bras de trembloter. Et c'est pire quand en plus de devoir parcourir des boyaux, il faut faire demi-tour parce que la voie est trop étroite pour les géants. Des galeries qui sembleraient naturelles sans la présence de colonnes et de draperies. L'érudit a beau tenter de mettre son savoir en avant, il n'en sait pas plus que l'emplumé moyen sur ces voies taillées dans le roc. La progression est lente... Très... Trop... Et j'ai beau ne pas autant redouter d'être coincé sous terre que mon compagnon brun, même moi j'ai la sensation de voir les parois se rapprocher. C'est la dernière fois... Et ce coup-ci, je m'en fais le serment... C'est la
dernière fois que je m'embarque dans des expéditions sous terre plutôt que dessus ou dans les airs !
Enfin, après une éternité à déambuler dans les couloirs de pierre, je débouche avec les autres sur une salle plus vaste et voûtée. J'ai à peine le temps de prendre une inspiration à l'odeur poussiéreuse qu'un mouvement vif se produit juste en face de moi. Un cri surpris émane du manieur de flamme bleue. Quelque chose... De vivant... Vient de lui tomber dessus depuis le plafond, l'entourant de sortes de lianes et engloutissant sa caboche entre les pans de sa mâchoire. Le borgne est le premier à réagir en brandissant son trident vers la bête. Une lutte prend place entre eux lorsque les longs appendices de la créature entravent l'arme. C'est finalement le géant qui gagne, opposant les crocs de son arme à ceux de la chose qui s'écrase dans un bruit atroce.
Le milicien secoué, sa lueur l'est aussi. Elle vacille, et je m'attends à être plongé dans la pénombre à tout moment. C'était sans compter mon Protecteur, dont la magie pacifique fait un court instant briller tous les êtres vivants de la pièce. Je fronce les sourcils. Plusieurs dizaines de créatures, plus ou moins semblables à des rochers, se tiennent suspendues au plafond. À n'en pas douter, elles comptent jouer le même tour à qui fera un pas de plus dans la pièce. Et vue leur taille approchant le triple de la mienne, elles ne feraient qu'une bouchée du premier aldryde qui se ferait surprendre. Ma langue claque d'elle-même quand, en avisant une forme illuminée plus loin, j'ai l'impression qu'un passage se trouve bel et bien dans la pièce.
(
Un brin de ménage s'imp...)
Un mouvement vif à la périphérie de mon champ de vision, au-dessus de Dae'ron. Je braque mon arbalète en réponse, décochant un trait plus instinctif qu'autre chose. Le carreau harponne un tentacule avec assez de force pour le clouer sur le corps ignoble de son propriétaire. Un son grinçant émane de la chose. Pas le temps d'y prendre garde. Quand ma main plonge à ma ceinture en quête d'une autre munition, le Protecteur repousse brutalement mon épaule, m'obligeant à pivoter violemment. L'instant d'après, sa javeline pare une liane vivante qui m'était destinée. La chose s'enroule autour de Plume d'Argent, à laquelle le brun s'accroche fermement. Il gagne du temps pour moi, me permettant de réarmer mon arbalète et tirer vers la trogne de l'ennemi. La munition part et transperce l'un des pans garni de crocs de la chose. Son fluide vital coule, mais son fouet naturel n'en devient que plus violent et imprévisible.
"
Ses appuis ! Vise la base ou la roche à proximité ! Décroche-la du plafond !", m'indique le Protecteur, contraint de lâcher la hampe pour esquiver un coup vif d'une autre liane coloris pierre puis effectuant une cabriole adroite pour récupérer son arme au vol.
Accord tacite. Je vise d'un côté, lui de l'autre. Mon projectile affaiblit un pan du "pied" de mon agresseur et la javeline fait de même. Sauf que quand Dae'ron rappelle son arme magique, le retrait arrache littéralement la bestiole de la voûte. Elle s'écrase au sol, presque aux pieds du milicien. Il n'a plus qu'à l'achever. Ces saloperies sont encore nombreuses entre l'entrée de la salle et la suite de la caverne. J'échange un bref regard avec l'aldryde proche. Il acquiesce puis se tourne vers l'humain couvert de fluides dégoutants et les colosses proches.
"
Éclairez-nous au mieux ! Nessandro et moi allons faire choir ceux qui sont sur le trajet !", annonce mon compagnon avec aplomb. "
Ils vont sans doute finir par comprendre. Nous allons avoir besoin de leurres. Tenez-vous prêts !"
Je retends mon arbalète pour la deuxième fois et la recharge, esquissant un sourire en coin d'entendre le brun traiter les colosses comme du bétail sacrifiable. Même s'il ne s'en rend pas compte. Une fois prêt, je fais signe au Protecteur. Son agilité lui permet de contourner ou esquiver les tentacules le prenant pour cible, m'ouvrant des fenêtres de tir pour abattre les créatures. Deux tombent aisément, puis une troisième après une période déjà plus longue. À la suivante, les bestioles semblent s'organiser pour ne pas se faire avoir une par une. Elles se regroupent au plafond, leurs tentacules alternant entre eux pour ne pas nous laisser d'opportunités. Par mes ailes, c'est à croire que leur tolérance à la douleur s'est accrue avec leur nombre !
Après avoir vu un autre carreau se ficher dans la chair flasque d'une bête sans grand résultat, mon agacement finit par atteindre un palier de plus. Je gronde. Une liane animale me prend pour cible. J'évite le plus gros du coup, mais l'extrémité gifle mon casque, laissant une empreinte douloureuse en travers de l'arête de mon nez. Montrant les crocs à mon tour, je laisse libre cours à ma magie sombre. Avisant deux créatures proches, j'abats sur elles mon courroux noir, bien décidé à leur faire ressnetir au centuple chaque instant de peine causé ! Souffrez ! Que votre sale peau s'écaille et laisse la chair à vif !
Elles se tortillent de douleur, sifflent entre leurs dents acérées et ne s'aperçoivent pas de mon approche. Je remonte presque jusque au toit de pierre, dégaine ma dague-croc, et l'enfonce résolument dans la plaie suintante que je trouve. Lentement, très lentement, je déchire la musculature inconnue, tailladant des motifs en lignes brisées. Lorsque l'un des appendices me saisit la jambe et tire dessus, l'élan cause une entaille sur la quasi-totalité du corps vivant.
Je taillade l'entrave à ma cheville sans la moindre hésitation puis vrille dans les airs, me rétablissant sans grande difficulté dès l'étau desserré. Un nouveau carreau finit par partir, perforant ce que je remarque être un œil de la bête. Elle agonise et crève, mais l'un des crochets de sa base doit être mieux ancré que le reste, car elle pendouille ridiculement en faisant un mouvement de balancier et gênant les enquiquineurs voisins. Parfait ! Se frayer un chemin va peut-être s'avérer plus simple !
Si maintenant l'un des autres imbéciles pouvait y bouter le feu, nul doute que cela nettoierait une partie du passage ! Mais s'attendre à ce qu'un géant fasse quelque chose d'utile ? Les deux notions mêmes sont contradictoires !
[Suite]
- 8 carreaux simples utilisés
- Sort Cruelle Obscurité rang 2 (1pm)