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Yuimen
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Message par Yuimen » sam. 6 janv. 2018 15:08

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Seules les âmes héroïques parviennent à cette zone des Enfers, une fois passée la zone des Portes. Suspendus bien loin au-dessus de la zone damnée, les ponts sont au nombre de sept. Ils sont, pour les morts qui les empruntent, synonymes d’épreuves pour le salut. Leur traversée n’est guère une sinécure, et chacun propose un test différent qui ira chercher l’âme dans le moindre de ses retranchements. Regrets, rancœurs, colères, auto-trahison, la moindre faiblesse fera échouer l’âme, qui tombera alors dans les limbes de la Zone Damnée.

Les différentes parties du pont sont reliées entre elles par de grandes arches effrayantes, séparant des décors parfois fort différents, qui dépendent de la personne qui les traverse. Purgatoire de feu et de torture, effluves pestilentielles et vapeur verdâtres, obscurité totale, lumière trop vive, ou pays de glace, voilà tant de décors que l’âme héroïque pourra passer, en affrontant à chaque fois une épreuve personnalisée. La nature même du pont dépend de l’âme : droit et solide, en pierre, mais rempli de pièges et de chausse-trapes. Pont suspendu en bois pourri et fragile. Sente de métal étroite et glissante… Nul ne peut prévoir ce qu’il pourra trouver sur ces ponts, en travers de son chemin.

Si d’aventure l’âme héroïque parvenait à réussir les sept épreuves, il lui serait donné trois choix : la résurrection dans un corps similaire à celui qu’il avait avant sa mort, moyennant quelques sacrifices, la réincarnation en une personne nouvelle, ou même en un animal, ou l’envoi vers la zone de Repos, pour les âmes en fin de parcours.

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Virina
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Message par Virina » dim. 10 mars 2019 20:08

Pont 6- Intro

Aveuglée par la lumière, elle ferma ses yeux immédiatement alors que celle-là les ouvrit lentement. Mais yeux fermés ou ouverts et aveuglés, les deux Virinas ne virent leurs pieds et ces derniers manquèrent les étroites marches destinées sans aucun doute à une créature de taille inférieure à la leur. Ce fut donc avec fracas qu'elles atterrirent sur un dur plancher de pierre sur le dos pour celle-ci et sur le ventre pour celle-là.

Elles venaient à peine d'arriver dans cette nouvelle pièce que le maître des lieux s'empressât de les apostropher de son agréable voix de ténor sur un ton des plus méprisants et condescendant.

"Avec tous ces pièges qui entravaient votre route, vous n'avez pas compris que vous n'étiez pas les bienvenues ici ?"

Tout en s'approchant d'elles de sa démarche féline, il poursuivit d'un ton moqueur.

"Il est vrai que vous n'êtes que des orques... Et je me permets donc une petite devinette tout à fait appropriée à la situation... Qu'est-ce qui est plus stupide qu'une orque ? "

Il laissa quelques instants aux Virinas pour qu'elles répondent, sachant pertinemment qu'elles ne le feraient pas, ou du moins il ne les écouterait pas. Il voulait simplement faire de l'effet. Plus intelligentes qu'il ne le paraissait, les Virinas avaient bien compris la pique, mais elles demeurèrent silencieuses, se contentant de se relever et d'examiner la pièce la balayant du regard de haut en bas et de gauche à droite et de droite à gauche et de bas en haut.

Ayant d'abord vu le plancher de marbre gris et noir en premier puisqu'elle s'y était collé le nez, elle s'attarda donc au plafond, sobre, haut en son centre où pendait un lustre de métal noir massif, bien travaillé, mais nullement excentrique ou surchargé d'ornements. Plus bas, le côté droit était affublé d'une trappe et d'un menu escalier.

Affalée sur le dos dès son arrivée, le souffle court, elle n'avait pas pu manquer ce haut plafond sombre dénudé de toute fresque n'ayant pour toute parure un imposant lustre dont la couleur se fondait avec celui-ci. Elle s'attarda donc aux murs. À part quelques bibliothèques bien garnies et ordonnées de chaque côté du trône, les murs de pierres grises, dépourvus de tentures n'avaient que quelques grands miroirs comme garnitures.

Terminant leur observation sur le plancher, elles demeurèrent perplexes à l'observation de nombreux coussins différents de formes et de tailles, n'ayant en commun que la couleur rouge, en partie ou en intégralité et parsemés irrégulièrement sur la pierre froide.

" Et bien, deux orques pardi ! Ha ha ha !" Termina-t-il tout en s'esclaffant. Les Virinas n'avaient pour leur part, pour ainsi dire aucunement réagi, pas même un haussement de sourcils ne venait entraver leur mine impassible, trop concentrées qu'elles étaient à détailler la grande salle dans laquelle elles venaient de pénétrer. L'intervention du bellâtre les ayant sorties de leur observation respective, elles s'attardèrent finalement sur celui-ci.

Imbu de sa personne, sa description, s'il avait eu à la faire, aurait pu ressembler à ceci:
" Si je voulais me décrire en quelques mots je choisirais ceux-ci : beauté, grâce et raffinement. Bel homme, je suis : de magnifiques mèches blondes encadrent mon visage fin, mes yeux d’un bleu saphir, souligné d’un trait noir, surplombent un nez droit. Et puis, une délicate moustache orne ma bouche bien dessinée. Tant de beaux attributs sur la même figure! Choyés sont les gens qui ont le loisir de m’admirer! Mon corps n’est pas en reste. De taille respectable -1m78- ni freluquet ou décharné, il est pourvu de muscles sculptés à partir d’exercices réguliers et raffinés. Ce serait une honte de ne pas mettre en valeur une telle œuvre d’art. Ainsi, élégamment vêtu, toujours je suis. Je ne vous détaillerai mes vêtements puisque je les change régulièrement. Notez cependant que le rouge en petite quantité ou abondamment sera toujours présent. Je respecte les chats pour leur démarche gracieuse et leur indépendance que j’ai adoptées avec aisance.Je me passionne pour les arts, danses, peintures, musiques, poésies, tout me réussit." Mais heureusement, il n'en fit rien. Et l'observation des Virinas se résuma plutôt ainsi:

( Taille inférieure à la mienne. à la mienne également. Musculature présente, mais plus fine que grossière. Démarche gracieuse et légère : souple et peut être rapide. Cheveux entretenus et visage maquillé: vaniteux.. Armes attachées de chaque côté de la ceinture: ambidextre. Armes courtes ou de poing: combats corps à corps ou rapprochés.)

Ayant remarqué qu'il était victime d'un examen approfondi, il sourit et se contenta de se présenter sommairement.

"Je suis Sihtam, et j'ai le bonheur de vous annoncer que n'étant pas les bienvenues dans ma demeure, vous allez devoir payer de votre vie pour votre effronterie "

Ces dernières paroles marquèrent sans conteste le début des hostilités.
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Message par Virina » sam. 1 févr. 2020 13:07

Pont 6 : Bataille à la loyale ou pas

Cela dit, sûr de lui, affichant un sourire arrogant, Sihtam fit quelques pas en direction du trône et tira sur un délicat cordon or suspendu au plafond et se terminant par un carmin pompon. Aussitôt une clochette retentit dans toute la pièce et de nombreuses trappes dissimulées dans le bas des murs s’ouvrirent.

Surprises, les Virina observèrent les nombreux chats, petits et gros, aux poils longs ou courts, arborant une robe rousse, noire, tigrée ou blanche, se diriger avec agilité, élégance et nonchalance vers les confortables coussins qui leur semblaient personnellement désignés.

Après avoir salué brièvement son auditoire félin, le fier maître d’armes fixa ses deux rivales et serra ses poings. Il ne s’agissait pas là d’un geste de colère ou d’anxiété, mais seulement l’action nécessaire afin de faire ressurgir, tel un chat, ses longues griffes rétractiles. Imbu de lui-même, savourant à l'avance la victoire d'un combat avant même que celui-ci eût lieu, le maître d'armes ouvrit ses lèvres dans un magnifique sourire laissant paraître ses dents droites, blanches et impeccables.

Apparemment incommodée par la présence des chats, complices involontaires du maître des lieux, Virina ressentit de vives démangeaisons à ses yeux ainsi qu'un début de larmoiement suivi d'une congestion de son nez. Alors que celle-là fut prise d'une toux sèche, d’une gorge irritée dont l’enflure prenait de l’ampleur pour remonter jusqu’à son nez qui désormais ne faisait que couler.

Les yeux plissés, grands ouverts, mais remplis de larmes, et la vision embrouillée, Virina tenta, avec peine, de bien discerner les mouvements de son adversaire afin d'anticiper son attaque.

Fin prêt, il n’attendit pas davantage et attaqua de front les Virina, les menaçant de ses longues griffes. Au détriment des deux intruses, il fut trop rapide, trop agile, et surtout trop peu visible sous le rideau de larmes qui emplissaient les yeux des garzoks. Il parvint donc, sans difficulté, à percer leur défense et à leur infliger chacune une profonde entaille couvrant le côté gauche de son abdomen de haut en bas pour celle-ci, et le côté droit de bas en haut pour celle-là. De douleur, la première lâcha un fort cri rauque, suivi prestement d'un gloussement aigu alors que la seconde fut prise d'un ricanement cristallin qui fit place sans délai à un hurlement grave.

Des miaulements discordants se firent alors entendre de tout bord et de tout côté dans cette grande salle. Une vraie cacophonie qui semblait pourtant une douce mélodie aux oreilles de Sihtam qui les interprétait à juste titre comme des encouragements de la part de son fidèle public.
Modifié en dernier par Virina le jeu. 20 févr. 2020 04:47, modifié 2 fois.
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Message par Virina » dim. 2 févr. 2020 21:53

Pont 6 : Bataille à la loyale ou pas (suite)

Le maître d’armes, malgré sa digne apparence, n’avait pas l’intention de combattre à la loyale. Alors que Virina penchée vers l’avant l’arrière tentait de reprendre contenance, l’hôte, les poings serrés, les griffes rangées, de son bras gauche la cogna brutalement dans le dos. Elle s’affaissa face au sol, le nez congestionné dans un coussin contaminé que le chaton tigré avait quitté prestement lorsqu’il l’avait vu chuter. Virina éternua inspira un bon coup.

Puis presque simultanément, Sihtam, levant son coude droit, frappa violemment sous le menton de Virina qui fut propulsée vers l’arrière, perdant l’équilibre. Elle recula de quelques pas supplémentaires pour atterrir avec fracas, contre l’un des superbes et grands miroirs fixés au mur. Sihtam dissimula avec difficulté une grimace de contrariété devant tous ces éclats de verre dispersés en majorité dans le corps de l’orque. Non pas qu’il s’inquiétait de l’état de santé de celle-ci, mais plutôt de celui de son mobilier, en particulier de ces grandes pièces de verre qui lui renvoyait son beau reflet.

Elles se redressèrent vers l’avant pour celle-ci et l’arrière pour celle-là. Le dos meurtri , le nez écrasé et dégoulinant de sang, la rage au cœur, elle se dirigea un peu vers la droite, gauche, comme pour réajuster sa position. Geste remarqué par le maître d’armes qui fronça d’abord les sourcils pour les hausser par la suite, jugeant sûrement qu’il s’agissait là d’une lubie sans importance de la part de ces créatures issues d’une race peu intelligente. Il était loin de se douter qu'elles s'étaient déplacées ainsi dans un but bien précis.

Tout en le bravant du regard, elle se mit à marcher lentement vers Sihtam malgré la grande distance qui l’en séparait. Alors qu’elle s'éloigna de son adversaire, en courant à toute allure pour se diriger plutôt vers le trône occupé par un opulent chat, à la robe longue, soyeuse et marbrée arborant de magnifiques teintes grises et fauves.

Ce ne fut que lorsqu'il entendit un feulement familier, suivi d'un miaulement aigu, signe de détresse, qu'il comprit ce qui se passait derrière lui.
Modifié en dernier par Virina le dim. 16 févr. 2020 14:26, modifié 3 fois.
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Message par Virina » sam. 15 févr. 2020 18:13

Pont 6 : Bataille à la loyale ou pas (fin)

Plus futées qu’elles ne le paraissaient, elles avaient préalablement ajusté leur position respective afin d'atteindre directement le favori du maître d’armes, ce magnifique et dodu chat qui se prélassait sur le trône coussiné.

Hésitant à se retourner, craignant une attaque sournoise de sa vis-à-vis, le maître d’armes l’observa attentivement, sachant pertinemment que les gestes de celle-ci l’informeraient sur ceux de celle-là.

Ayant cessé son avancée à quelques mètres de Sihtam, le bras droit de la barbare, se terminant par une main ouverte à la paume exposée, exécutait une très lente rotation verticale de l'avant vers l'arrière. Lorsqu'il vit le poing de la guerrière se refermer, il se retourna aussitôt. Un projectile félin, feulant à gorge déployée et griffant dans le vide, venait tout juste d'être largué et filait tout droit vers son séduisant visage. Jouissant de réflexes aiguisés et d'une souplesse féline, le maître d'armes eut tout juste le temps de s'accroupir. Le chat passa au-dessus de sa tête et frappa de plein fouet la rapière de Virina, les yeux toujours enflés et à présent maculés du sang du félin charcuté. À l'hurlement bref du chat sacrifié, s'ajoutaient les lamentations déchirantes de celle de son maître et de tous les chats présents dans cette assemblée.

Le visage rougit de colère face au décès de son plus cher compagnon, Sihtam fonça droit sur Virina, oubliant que si celle-ci reculait lentement, l'autre courait probablement à sa rencontre. Il n'avait d'yeux que pour celle qui avait commis l'acte le plus outrageux dans sa propre demeure. Il ne voyait pas ses yeux bouffis, ses vêtements rougis par le sang, ni les nombreux morceaux de verre qui pénétraient la chair de la guerrière. Il ne faisait que fixer cette horrible bouche qui mâchait sans respect et avec délectation les entrailles encore chaudes, gluantes et tendres de feu son protégé.

Il avait rejoint sans peine cette maudite orque qui ne reculait qu'au ralenti et qui abaissait bizarrement son arme au lieu de la relever. Tout en poussant un cri libérateur, il frappa fort son sabre denté en présentant son tranchant contre le cou de son odieuse adversaire. Mais il ne put terminer son geste qu'une rapière lui transperça le dos pour ressortir juste en dessous du sternum. Les yeux sortis de son orbite par stupeur, il n'eut ni le temps de regarder sa blessure ni celui de crier. Il n'émit qu'un faible gargouillis avant de s'effondrer.
Modifié en dernier par Virina le dim. 31 mai 2020 00:26, modifié 1 fois.
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Message par Virina » lun. 24 févr. 2020 23:15

Pont 7 (Intro)

Les deux orques étaient réunies, face à face, blessées et toujours victimes d’allergies, et ce malgré la fuite des félins suite au décès de leur maître.

Petit à petit, l’image de sa vis-à-vis devint floue, jusqu’à disparaitre. Au lieu du vide ressenti lorsque l’on nous fausse compagnie, Virina se sentit, complète, entière et heureuse de ne plus avoir à partager quoi que ce soit avec une autre, même s’il s’agissait d’elle-même. Soulagée de n’être plus qu’une, elle sourit.

Tout comme ses allergies, le château disparut pour faire place à l’enfer, ce lieu sans lumière, sans vie, sans véritables limites tangibles. Ce terrible endroit où sont suppliciées les âmes damnées.
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Message par Virina » lun. 9 mars 2020 00:58

Pont 7 (Partie 1)

Savoir est une chose, vouloir transmettre son savoir en est une autre.

Une fois de plus, elle revit le sinari. Habillé de la même bure brune, austère et usée, il était attablé en face de la garzok, devant lui un couvert garni de nourritures appétissantes et colorées, un verre plein d’un liquide carmin à l’odeur alléchante alors qu’aucun aliment solide ou liquide n’était offert à la garzok.

Vraisemblablement motivé à entretenir la conversation, le petit être aux allures de moine félicita la guerrière de ses prestations lors de la traversée du dernier pont ainsi que des précédents. Avec une légère nostalgie, feinte ou sincère, dans la voix, il rappela à Virina qu’ils en étaient à leur dernière rencontre. L’épreuve suivante marquerait la fin de cet enfer que vivait la barbare depuis son arrivée. Alors qu’elle aurait dû être attentive, tout ce bavardage n’intéressait pas Virina, qui fixait, tout en se pourléchant, le gigot d’agneau recouvert d’une sauce brune onctueuse et lisse, accompagné d'une pomme de terre entière cuite dans sa pelure, ainsi que de gros morceaux de carottes et d'un autre légume racine, tout ça, gisant dans l’écuelle du sinari. Elle ne fit aucun commentaire. Seul son estomac exprimait ses besoins en laissant entendre un sonore gargouillement.

À défaut de lui donner à manger, le petit guide fournit enfin les tenants et aboutissants du dernier obstacle qu’elle devrait affronter. Pour quitter les enfers, Virina devait faire un sacrifice. Il n’était pas question de laisser une pièce d’armure, une arme, un bijou, ou encore une partie de son corps. Ce type d’abandon aurait été chose facile pour la guerrière qui aurait laissé sans remords son épaisse tignasse, sa masse d’armes, sa rapière, ou son casque à cornes doré. Ce qu’elle devait laisser derrière elle était par conséquent de toute autre nature. Puisque sa force d’âme et son expérience lui avaient permis d’avoir survécu plus de quarante-cinq ans avant de se retrouver aux enfers, elle devait pour en sortir, léguer de ce précieux savoir. Alors que le sinari poursuivait ses explications, une jeune garzok apparut à ses côtés. À la vue de cette jeune peau verte, dont la chevelure se limitait à une haute crête iroquoise rousse, Virina leva sa lèvre supérieure, montra des dents et grogna. La jeune orque répondant au nom d’Ombre et ornée d’anneaux au nez, à la lèvre supérieure et aux oreilles, toisa Virina d’un regard mauvais.

Virina croisa les bras et annonça sa décision :

« NON ! »

La barbare venait de refuser l’épreuve.
Modifié en dernier par Virina le jeu. 2 juil. 2020 15:55, modifié 4 fois.
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Message par Virina » mer. 20 mai 2020 03:00

Pont 7 (Partie 2)

Vouloir transmettre son savoir est une chose. Savoir comment s'y prendre en est une autre.

Aucunement intimidé par le refus de la garzok, le moine poursuivit ses explications de la dernière épreuve. La guerrière devait offrir trois leçons à la jeune peau verte. Des leçons de vie qui permettaient à celle-ci de traverser les pires épreuves qui l’attendraient, celles des enfers y comprises. Il ne s’agissait pas de les nommer, de les citer ou réciter, mais bien de les enseigner. Elle devait aussi s’assurer que son élève maitrise bien les savoirs essentiels enseignés.

Tout comme le sinari l’avait précisé, il s’agissait bien là d’un sacrifice, non seulement pour la vieille orque, mais pour la jeune également. Puisque même si l’on supposait un instant que la guerrière accepte la tâche qui lui avait été imposée, rien ne garantissait qu’elle réussirait à la mener à bien. Ce qui entrainerait par la force des choses, un échec dans l’éducation d’Ombre.

Or, Virina avait refusé, ce qui lui conférait, en quelque sorte, une certaine dose de lucidité, puisque la guerrière ne possédait en aucune façon les qualités requises pour exercer cette profession.

Qu'est-ce qui faisait défaut à la guerrière ?

Tout d’abord, la générosité. Virina brillait par son égocentrisme, son individualisme et son avarice. Comme le sinari devait bien se douter, enseigner implique l’oubli de soi. Oublier ses propres besoins, pour se concentrer sur ceux de l’apprenant. Répéter aussi souvent que nécessaire et démontrer de la patience face aux difficultés d’ingérer les nouvelles informations.

Ensuite, la capacité de raconter, de motiver et d’encourager. Il ne s’agit pas de gonfler le torse et de parler vaniteusement devant un auditoire tout en prenant plaisir à s’écouter. Il s’agit plutôt de s’appliquer à raconter tout en observant l’apprenant afin de détecter les moindres expressions de son visage qui signaleraient une incompréhension. Et si telle mimique se présentait, il suffirait de recommencer.

Plus besoin d’en dire davantage pour conclure que Virina, même si elle changeait d'idée, courrait vers un échec assuré... Il y avait par contre un léger détail qu’il ne fallait surtout pas oublier… détail qui en fait, bien que trop souvent négligé, s’avérait majoritairement la clé du succès. La réussite de l’élève ne résiderait non seulement dans les capacités du maître à livrer son savoir, mais surtout dans la motivation de l’apprenant à apprendre et à y mettre les efforts. Heureusement pour Virina, Ombre ne manquait pas de détermination. Au contraire, elle en était tellement remplie qu’elle débordait par tous les pores de sa peau.
Modifié en dernier par Virina le sam. 4 juil. 2020 00:43, modifié 2 fois.
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Re: Les Ponts

Message par Virina » mer. 3 juin 2020 03:36

Pont 7 (Partie 3)
Et la motivation de l'apprenant, on l'oublie ?

Mastiquant consciencieusement sa viande rosée, le sinari n’émit aucun commentaire, se contentant de regarder paisiblement la garzok se croiser les bras… ou plutôt les deux garzok, puisque la jeune Ombre s’était redressé les épaules, avait relevé son menton, retroussé sa lèvre supérieure et croisé ses bras. Elle semblait estimer plus adéquat de prendre modèle sur une guerrière accomplie que sur un sinari trop bien nourri. Et puisqu’il en était ainsi, elle s’évanouit de sa place initiale, pour réapparaitre à la gauche de la barbare.

Jugeant qu’elle avait dit son dernier mot, même s’il s’agissait également de son premier, Virina statua que le sujet était clos. Et puisque la faim la tiraillait, elle envisagea de se servir elle-même dans l’assiette bien garnie qui n’était pas la sienne. Ce n’était pas la première fois que la guerrière tentait de piquer le diner de son guide et ce ne serait pas davantage la première fois qu’elle échouerait. Ayant compris les intentions de la guerrière, bien avant qu’elle ne tente quoi que ce soit, le vieux moine, qui semblait s’amuser de la situation, fit apparaître une deuxième assiette aussi bien garnie que la première. Détrompez-vous, il n’avait aucunement l’intention de la partager. Lançant un regard de défi aux deux peaux vertes, il serra ses deux gamelles tout contre lui. De ses petits yeux vifs s’échappait une expression espiègle renforcée par un mince sourire qui ne découvrait aucunement ses dents.

Son bâton de marche dans la main droite, ses deux baguettes de « bois » dans la gauche, le moine attendait l’offensive qui ne saurait tarder de la part des deux orques affamées.

Impatiente et impulsive, Ombre fut la première à bouger. Sans quitter des yeux la pitance convoitée, elle allongea son bras le plus rapidement qu’elle put. Ce qui fut trop lent pour le sinari qui avait deviné ses intentions et avait aussitôt réagi en abattant le bout de son bâton de marche sur les phalanges de la voleuse inexpérimentée.

Profitant de la diversion provoquée par Ombre qui criait et massait de sa main valide celle blessée, Virina fit à son tour un essai. Tout en fixant le sinari, elle tendit son bras droit et réussit à prendre un gros morceau de carottes évitant de justesse les baguettes du hobbit contrarié.

Ombre comprit que ses yeux ne devaient pas la trahir, elle devait laisser ses mains faire le travail sans les regarder alors qu’elle ne devait surtout pas perdre de vue sa victime.

Virina assista alors à un duel, petits yeux noirs en amande encerclés de peaux ridées contre grands yeux émeraude aux pupilles dilatées. L’être bedonnant et aux pieds démesurés contre peau verte et canines aiguisées conservaient une immobilité parfaite. Le premier mouvement fut donc déclenché par Virina qui voulut profiter de leur état de concentration pour voler une autre bouchée de nourriture, visant cette fois un morceau d’agneau. Elle eut à peine le temps d’amorcer le mouvement que le sinari détourna son regard vers elle et abattit ses baguettes sur la main de la guerrière, le geste fut si rapide et violent que les baguettes transpercèrent la main de la guerrière sans difficulté. Ombre profita de ce court moment pour ramasser une demi-pomme de terre et l’enfourner dans sa bouche sans même la peler. Virina pour sa part constata que contrairement à ce qu’elle avait cru, les apparentes délicates baguettes du moine étaient faites d’un métal résistant et pouvait servir autant d’arme que de couverts.

Contrariée et le ventre creux, Virina en avait assez de ce petit jeu. Elle se leva et plaça ses mains sous le rebord de la table. Ombre imita ses moindres gestes sous les yeux ahuris du sinari qui n’avait pas percé à jour leur manège. Virina prit une profonde respiration et souleva abruptement la table et la renversa sur le côté, aidée d’Ombre évidemment. Les assiettes bien remplies se vidèrent de leur contenu sur le sol plus ou moins propre. Les deux orques se ruèrent sur leur butin, peu leur importait de manger au passage un peu de poussière.

Ombre apprit alors par imitation un des comportements de survie de Virina, celui de ne respecter aucune règle. Pour arriver au but qu’elle s’était fixé, tout était permis.

((( Première leçon de vie de Virina transmise par imitation: Pour arriver au but fixé, aucune règle, tout est permis. )))
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Re: Les Ponts

Message par Virina » mar. 9 juin 2020 04:29

Pont 7 (Partie 4 )
Observer d'abord, passer à l'action ensuite

Accroupies, les deux orques mangeaient goulument les restes de repas répandus aléatoirement sur le sol, cherchant chacune à en ramasser plus que sa congénère, qui devenait en ce moment précis une sérieuse adversaire. Et ce, sans se soucier de la disparition du petit moine, ce qui était une bonne chose en soi... un de moins signifiait, une plus grande ration pour chacune.

Ainsi, sous leur nez, mais sans qu’elles ne s’en préoccupent, leur environnement avait commencé à se modifier. Peu à peu, la lumière se fit plus intense, accompagnée de la chaleur dégagée par un soleil bien présent et puissant à son zénith dans le ciel. Le sol terreux devint un moelleux tapis d’herbes luxuriantes. Le silence caverneux fit place au chant des oiseaux et au bruissement du vent courant dans les hautes herbes.

Ce fut en tentant d’expulser de sa bouche un brin d’herbe fibreux qui s’était glissé sournoisement parmi la succulente chair rosée tendre et juteuse que Virina leva les yeux et prit conscience de l’endroit où elle se trouvait : une vaste plaine herbeuse.

Puis, son odorat développé l’informa d’une présence animale non loin d’elle. Le menton relevé, les narines dilatées, reniflant quelques coups, elle tenta de localiser cet être vivant par son odorat avant de se risquer de jeter un coup d’œil.

Ombre, qui n’avait rien perdu du comportement de Virina, renâcla à son tour. Plus fougueuse, elle se releva prestement et vit à son tour la bestiole qui se prélassait au soleil.

Il n’était pas nécessaire d’être spécialiste dans l’observation des mammifères ou encore chasseur avéré pour apprécier la beauté de la robuste créature. Sa tête ressemblant vaguement à celle d’un gros chien de berger, elle se démarquait par son tronc et ses pattes robustes, mais surtout par une longue queue terminée par une mailloche comportant de nombreuses pointes vertes. Ces dernières s’agençant avec la paire de protubérances osseuses en forme de corne qui prenait naissance à la hauteur des épaules. Si son poitrail était recouvert d’une fourrure gris-bleu, son dos était plutôt formé d’écailles d’un beau bleu royal. Arborant des couleurs chatoyantes grises, bleues et vertes, elle attirait le regard tout en profitant d’un certain effet de camouflage lorsqu’étendue dans les hautes herbes.

Les yeux écarquillés d’émerveillement, Ombre chuchota à l’adresse de Virina :

« Qu’est-ce que c’est ? Comment ça s’appelle ? »

Sans quitter la magnifique créature des yeux, la barbare répondit :

« Je ne sais pas … c’est pas important. »

La jeune orque fronça les sourcils perplexes, mais poursuivit tout de même ses interrogations :

« Ça se mange ? »

Plissant les yeux, sans se détourner la tête, l’orquesse risqua :

« Sans doute… »

Empressée de faire son premier combat pour ensuite déguster sa première victime, Ombre annonça.

« Je vais la combattre alors. »

Avec une minuscule dague dans sa main droite, la jeune barbare se leva. Avant qu’elle n’eut le temps de faire le moindre mouvement, Virina demanda à mi-voix :

« Et toi! Le guide ! Si elle meurt en affrontant cette grosse chose verte, je ne pourrai pas m’acquitter de ma mission… j’en serai donc libérée et je pourrai quitter les enfers ? »

Dans sa tête retentit un (NON) catégorique, ironiquement lancé sur la même intonation, le même timbre et la même intensité que Virina l'avait fait précédemment en refusant la mission. Une belle imitation en fait de la voix de la garzok. On pouvait même facilement s’imaginer que le moine s’était croisé les bras.

Virina allongea donc rapidement son bras et agrippa l’épaule de la jeune peau verte inexpérimentée et la tira violemment vers elle.

« Si tu y vas là, tout de suite, tu vas mourir très vite. »

Contrariée, la jeune demanda,

« Et qu’est-ce que ça change si j’y vais tout de suite ou dans dix minutes ? »

Virina soupira d’exaspération, avant d’expliquer.

« Tu dois analyser ton adversaire, ses forces, ses faiblesses et les chances que tu as de le tuer. »

Affichant l’impatience et la condescendance que parfois la jeunesse peut démontrer, elle leva les yeux au ciel avant de répliquer.

« C’est juste un gros bêta, pas difficile à battre. »

N’accordant aucun regard à la petite, Virina lui répliqua :

« Observe-la mieux, idiote. Pars de la queue, nomme-moi chaque partie de son anatomie, décris-là-moi avec son avantage et son inconvénient dans un combat. »

N’importe quel enseignant chevronné approuverait cette méthode utilisée par Virina, forçant son élève à analyser elle-même la situation au lieu d’écouter tout simplement les explications de son maître. Mais Virina n’avait aucun mérite. C’était beaucoup moins demandant pour elle de laisser parler la petite que de se lancer elle-même dans un long discours. Et elle allait se permettre, le cas échéant, de lui balancer des claques derrière la tête si la jeunette avait tout faux. Cette pratique par contre aurait été désapprouvée par le corps enseignant.

Étonnamment, prenant l’exercice au sérieux, Ombre s’exécuta :

« Sa queue est longue et se termine par une bosse recouverte de pointes. Elle la balance quand elle est contente. »

Insatisfaite, Virina demeura par contre muette. Elle se contenta de donner une tape sur l’épaule de l’orque pour lui signifier de bien observer encore. Et tel que la guerrière l’avait souhaité, un oiseau s’aventura à voleter près de l’appendice arrière de l’animal. Le merle à la poitrine de couleur cannelle tirant sur le roux n’eut pas le temps de faire cuicui ou pitpit que la mailloche aux pointes vertes le happa violemment et l’envoya valser dans l’énorme gueule ouverte. Les yeux tout grands ouverts de surprise Ombre commenta :

« Donc, il peut contrôler sa queue comme d’un membre supplémentaire et protéger ainsi ses arrières. »

Mais avant que la guerrière n’eût le temps d’émettre un commentaire, ayant apparemment pris goût à l’exercice, elle poursuivit:

« Sa dentition est diversifiée et complète, elle comporte des dents pointues et longues qui lui permettent déchirer la chair, mais aussi d’autres, plus larges, servant à broyer les aliments. »

N’ayant elle-même pas remarqué ce fait, la barbare fit signe à son élève d’enchainer.

« Son tronc est massif, ses membres très musclés, et il est sûrement difficile à renverser dû à toute l’inertie qu’il possède. »

Virina ne connaissait pas la signification de ce dernier terme, et pour éviter qu’Ombre prenne conscience de son ignorance, elle apporta une petite nuance.

« Par contre, il doit être moins rapide, ou du moins moins apte à changer rapidement de trajectoire… Quelle région de son corps est plus vulnérable ? »

Tel un élève subissant un interrogatoire, Ombre se concentra sérieusement, puis finit par lâcher.

« Son dos est plein d’écailles, trop dur à transpercer, et puis ses spalières d’émeraudes pourraient nous blesser dans un corps à corps… par contre de la fourrure recouvre son poitrail, c’est là sa faiblesse. »

Virina tenta de piéger sa protégée :
« S'il a d’abord l’air d’un gros chien, qu’est-ce que cet animal a du chat qui l’avantagerait au combat? »

Les yeux plissés, Ombre fit quelques pas dans les hautes herbes pour s’approcher un peu plus de sa cible et l’observer davantage. Aussitôt la bête leva le nez en l’air, comme si elle avait perçu quelque chose.

« Elle a un bon odorat. Je crois qu’elle nous a découvertes… Pour répondre à la question, ses pattes avant ressemblent plus à des pattes de chats, munies de griffes. Alors qu’un chien ne s’en sert pas. » Dit-elle en chuchotant un peu plus bas.

Virina lui fit signe d’aller d’un côté, alors qu’elle irait de l’autre. Ombre en déduisit qu’elles avaient terminé l’analyse et qu’elles allaient encercler leur proie pour ensuite l’attaquer. Elle obéit donc à son ainée, et tout en restant penchée pour ne pas se faire voir de la jolie monstruosité, elle tenta de se positionner pour qu’elles puissent la cerner.

Mais ce que la benjamine ne savait pas, c’était que le plan de Virina était différent de ce qu’elle avait pensé. Aussitôt Ombre fut assez loin d’elle, la vieille garzok inspecta le sol et trouva facilement l’objet convoité. Le décor se modelait vraiment selon ses caprices comme l’avait annoncé le sinari. Elle ramassa donc un petit caillou blanc à ses pieds et sans prévenir le lança en direction de la jeune orque. La petite pierre pointue fit un petit « toc » lorsqu’elle atteignit la tête d’Ombre. Plus futée que l’on aurait pu se douter, la jeune orque eut l’intelligence de retenir un cri, ne se privant pas par contre de darder Virina de son regard noir.

La vieille guerrière, pour sa part, se contenta de sourire. Elles avaient trouvé la réponse à leur question : la grosse bête avait une bonne ouïe. Puisqu’alertée par le caillou de la présence d’une intruse sur son territoire, elle se dirigeait tout droit sur Ombre, prête à la terrasser sans merci.

((( Seconde leçon de vie de Virina: Bien observer et analyser son éventuel adversaire afin de découvrir ses forces et ses faiblesses. )))
Modifié en dernier par Virina le sam. 4 juil. 2020 00:39, modifié 1 fois.
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Virina
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Re: Les Ponts

Message par Virina » sam. 4 juil. 2020 00:35

Pont 7 (Partie 5)
Se méfier de plus rusée que soi.


Il s'avère assez amusant de constater que l'appréciation que l'on peut avoir envers certaines bestioles diffère selon la position que l'on occupe par rapport à celle-ci. Si Ombre avait admiré la bête pour sa beauté, et sa puissance et avait anticipé le plaisir qu'elle aurait à la déguster lorsqu'elle était camouflée dans les herbes hautes, elle la voyait à présent plutôt comme un puissant et dangereux mastodonte qui était sur le point de l'écrabouiller.

Apeurée, et même angoissée, Ombre s'apprêtait à prendre la fuite.

"Contrôle ta peur, tu en perds tes moyens" lui cria la garzok, bien à l'abri de l'ennemi.

En partie rassurée par son mentor, Ombre se retint de peine et de misère, et peut-être à tort, de ne pas écouter son instinct de survie.

"Qu'est-ce que je fais ? " La jeune garzok se sentait vulnérable et avait plus que jamais besoin des conseils d'une guerrière accomplie.

"Tu attends... Souviens-toi, elle est puissante et assez rapide, mais pesante, elle change difficilement de direction une fois en mouvement."

Ombre comprit qu'en théorie, il lui suffisait de rester immobile et de ne bouger qu'au dernier moment. Conseil plein de bon sens, mais plus ardu à appliquer lorsqu'un gigantesque et lourd mammifère vous fonce droit dessus et que les résultats de l'échec d'une telle stratégie étaient lourds de conséquences.

La sueur perlant sur son front vert, elle vit la bestiole s'approcher de plus en plus jusqu'à pouvoir presque sentir son haleine perfide. Au moment où elle devait se déplacer, elle figea de panique et resta là, comme dans un mauvais rêve où l'on sait pertinemment que l’on doit se déplacer, mais que nos pieds refusent de nous obéir. La bête, assez intelligente, arrivant à la hauteur de la jeune orque tétanisée par la peur, pencha sa tête vers l'avant, et sans s'arrêter, souleva sa proie et l'envoya valser par-dessus elle.

Virina retint sa respiration pendant l'envolée de sa protégée jusqu'au bruit sourd de l'impact quelques secondes plus tard. Observant attentivement le corps s'échouer violemment sur le sol herbeux, elle fut soulagée de le voir bouger, signifiant ainsi qu'Ombre était toujours en vie. Ce qui était essentiel pour la vieille garzok, car dans le cas contraire, elle aurait dû subir une nouvelle épreuve.

Reprenant difficilement son souffle après le dur atterrissage sur le dos qui avait vidé l'air de ses poumons, Ombre se releva péniblement, profitant du court moment où la bestiole enragée exécutait les manœuvres pour faire demi-tour.

"Recommence" lui ordonna Virina. Ordre qui n'eut, pour toute réponse, qu'un bref regard noir dans sa direction. La jeune orque devait reporter son attention sur son adversaire qui la chargeait de nouveau.

"Et cette fois, bouge-toi, sombre idiote."
Sans accorder le moindre regard à Virina, Ombre hocha de la tête en signe d’assentiment et émit un grognement de contrariété tant adressé à son adversaire, qu’à son guide qui la traitait sans ménagement.

Lorsque le lourd quadrupède fut tout près et qu'il pencha sa tête dans le but de reprendre la précédente manœuvre qui avait, après tout, fonctionné à merveille, Ombre fit un pas de côté. La tête de la bête ne rencontra aucun obstacle et elle poursuivit son avancée sur quelques mètres avant de faire demi-tour.

Bien qu’elle ait évité d’être happée par son immense adversaire, elle avait tout de même raté son attaque, ce que lui rappela durement Virina :

« Mauviette ! Tu dois l’attaquer, pas l’éviter ! »

Exaspérée devant un tel manque d’empathie à son endroit, Ombre répliqua :
"Je voudrais bien te voir à ma place."

Et contre toute attente, son souhait se réalisa à la joie de celle-ci et au détriment de celle-là. Le sinari avait bien prévenu Virina qu'elle pouvait modeler le décor et le temps à sa convenance, mais il n'avait apparemment pas jugé nécessaire de l'informer qu'il s’octroyait également le droit de changer à sa guise et malicieusement la situation.

Virina, mécontente, aurait bien voulu reprendre sa position d'observatrice qui lui revenait de droit, mais elle n'en avait pas le temps puisque la grosse bestiole n'était plus qu'à quelques mètres d'elle. Suivant ses propres conseils, la tête froide, elle attendit sans bouger la prochaine charge, sa main armée d’une dague tout comme l’était sa protégée.

La tactique était fort simple et découlait simplement de l’analyse qu’elles avaient faite plus tôt. Le point faible de l’ennemi à quatre pattes étant son ventre poilu, il suffisait à la guerrière, lorsqu’elle serait assez près, de glisser en dessous et lui planter sa dague directement dans le cœur.

Lorsque la bête chargea, force lui fut de constater que sa stratégie d’attaque ne pouvait fonctionner. L’animal, par instinct, protégeait sa vulnérabilité, en gardant la tête baissée, évitant ainsi d’exposer son poitrail. Ne pouvant passer en dessous de la bête, Virina esquiva donc à la dernière seconde. Perdant légèrement pied, elle chuta sur le côté, sans heureusement se faire toucher.

« Mauviette ! Tu dois l’attaquer, pas l’éviter ! » Lui lança sa jeune élève, qui ne se priva point de prendre sa revanche en sermonnant à son tour la vieille orque.

Ignorant la jeunette, Virina s’était à moitié relevée. Optant pour une position accroupie, une dague à chaque main, elle attendait la charge de la monstruosité verte. La guerrière aurait préféré manier sa masse d’armes ou sa rapière, mais le petit moine, celui-là même qui tenait les rênes en avait décidé autrement.

Habitée d’une fébrilité et d’une fougue propre à son âge et ayant repris contenance, Ombre n’en pouvait plus de piétiner sur place. Parcourant les hautes herbes, elle approcha furtivement du lieu de l’affrontement. Elle avait décidé de retourner au combat, se disant qu’à deux l’opération serait plus facile. Une fois la bête retournée et ayant amorcé sa course en direction de Virina, Ombre décolla à son tour dans le but bien arrêté d’intercepter la jolie monstruosité verte, en arrivant par le côté droit. Il lui fallait être assez rapide, car elle voulait la frapper dans le flanc et surtout ne pas se retrouver à l’arrière pour se faire flageller par la queue mobile.

Muni d’une bonne ouïe, l’animal se tourna la tête en direction d’Ombre. Virina, changeant alors rapidement de stratégie, se leva aussitôt, et chargea la bête féroce tout en lançant un horrible cri guttural, tentant avec succès de reporter l’attention sur elle. L’urükuë, puisque c’est ainsi que se nommait ce féroce animal même si Virina et Ombre l’ignoraient, reprit sa course vers la guerrière aux cheveux gris.

Jeune et agile, Ombre sauta sur le dos de l’animal puis s’aida des protubérances vertes pour garder son équilibre, après quelques secondes où elle faillit passer par-dessus bord, et finir écrasée par des gros pieds munis de griffes. Une idée en tête, elle s’avança à califourchon sur le cou de sa monture, ses pieds prenant appui sur les spalières cornues.

Remis de sa surprise, et après avoir tenté par quelques ruades d’expulser son cavalier, l’animal des plaines continua sa course déchaînée, apparemment pas gênée par le poids supplémentaire sur son dos. Lorsqu’il arriva à la hauteur de Virina, Ombre saisit sa tête par-derrière, tentant de toutes ses forces de la relever. Comprenant les intentions de sa jeune acolyte, Virina fit les derniers pas en glissant sur le dos, les deux bras tendus, armes en avant. Bien que très forte, la bestiole ne réussit pas à baisser suffisamment sa tête pour se protéger. Les dagues de la vieille guerrière traversèrent la fourrure pourtant épaisse et s’enfoncèrent donc avec violence jusqu’au manche. Le sang s’écoula rapidement et la bête s’affaissa de tout son poids…sur Virina. Alors qu’Ombre, debout sur la carcasse, lançait des cris de victoires les bras dans les airs, sans penser à dégager sa coéquipière.


(((Troisième leçon de vie de Virina : On est mieux servi que par soi-même...mais dans certaines situations, il est préférable de faire équipe, ne serait-ce qu’un court moment, afin d'assurer sa propre survie. )))
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Re: Les Ponts

Message par Gamemaster6 » ven. 10 juil. 2020 23:23

Intervention pour Virina

Lorsque qu'enfin la bête s'effondra et que la victoire se lut sur le visage d'Ombre, Virina put sentir un vent glacial lui parcourir le corps sans que rien n'indique d'où cela pouvait provenir. Ombre se pencha finalement vers elle, un sourire sur le visage avant de tendre la main. Mue par une volonté irrésistible, Virina ne put que s'en saisir. Elle ne rencontra que le vide et ses yeux ne voyaient à présent que l'obscurité autour d'elle. Elle ne sentait rien, ne ressentait rien, ses sens ne lui renvoyaient aucune information. Elle pouvait tout tenter. Marcher, courir, frapper, hurler, maudire, rien ne franchissait ses lèvres ou ne parvenait à ses oreilles, rien ne semblait bouger. Rien, le vide, le néant, avant qu'un tambour ne finisse par percer le silence. Un tempo très étrange. Deux coups secs, puis un court silence avant que le tempo ne reprenne, inlassablement. Le bruit semblait s'amplifier, s'étendre, mais fut soudainement couvert par une voix. Une voix qui semblait venir de partout et de nulle part, une voix familière mais inconnue, une voix qui semblait douce mais froide, bienveillante mais autoritaire. La voix d'un dieu. La voix de Phaïstos.

- Tu es parvenue à franchir les sept ponts des Enfers et accomplir chaque tâche avec acharnement.

Aucune malice dans cette voix, un simple constat sur ce que la Garzok venait d'accomplir.

- Ainsi donc est venue l'heure pour toi de faire un choix. Rester ici pour l'éternité, dans un repos éternel ou une réincarnation, ou alors rejoindre le monde des vivants là où tu l'as laissé.

Autour de Virina, le tambour continuait de frapper la mesure au même rythme.

- Si tu souhaites rejoindre le monde des vivants dès maintenant, sache qu'en échange, ton âme m'appartiendra. Lorsque tu mourras à nouveau, tu seras alors à mon service aux cœurs des Enfers. Si tu décides de rejoindre les vivants, il ne te reste qu'une chose à faire.

Devant elle, apparût quelque chose, une forme aux reflets carmins. Flottant dans les airs, un cœur battait et Virina put comprendre d'où venait ce son autour d'elle. Ce n'était pas un tambour, mais bien ce cœur, son cœur, qu'elle percevait. En s'en emparant, la Garzok accepterait le pacte et retournerait dans son corps mortel à l'endroit de sa mort, donnant en échange son âme au dieu des Enfers. A elle de décider si cela en valait la peine.

- La décision est tienne, mortelle.
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Quand on l'appelle, il apparaît !!
Et il reste, alors gare !

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Re: Les Ponts

Message par Virina » mer. 15 juil. 2020 13:28

Après avoir savouré sa victoire, oubliant du coup que la vieille guerrière y était pour beaucoup, Ombre descendit de son trophée et tendit la main vers Virina pour la dégager de là. Bien qu’au chaud sous la carcasse de l’urükuë, Virina sentit une brise glaciale la traverser de bord en bord sans pour autant connaître l’origine d’un tel vent. La lèvre supérieure retroussée Virina voulut agripper la main de la jeune orque, mais sans succès. Elle se sentait incapable d’esquisser le moindre mouvement, elle ne ressentait même plus le poids du lourd animal sur elle. En fait, peu à peu, elle avait perdu toute sensation, elle ne voyait, n’entendait ou ne ressentait. Elle se retrouvait dans un néant le plus complet.
Puis, venant combler ce vide, un bruit de percussion se fit entendre. Un rythme particulier et régulier : un coup rapide suivit d’un lent et d’un silence..

“Boum- boouum,… Boum- boouum,… Boum- boouum,…”

La guerrière écoutait attentivement ce son insolite se demandant s’il ne s’agissait pas d’un musicien d’une tribu quelconque qui annonçait par les battements de son tambour le début de prochaines hostilités. Ce qui la fit sourciller puisqu’il lui semblait qu’elle avait essuyé sept épreuves.

Ces réflexions furent interrompues par une voix impénétrable, sans origine, mais avec un corps redoutable, Phaïtos s’adressait à la guerrière. Puisqu’elle avait franchi tous les ponts de l’enfer, un choix se présentait à elle : rester aux enfers ou rejoindre le monde des vivants.
Alors que la voix du dieu enterrait à peine celle du tambour, il précisa que le prix de cette résurrection n’était rien de moins que le présent de son âme. La vieille orque n’éprouva aucune difficulté à prendre une décision. Elle voulait revenir dans le monde des vivants, combattre et manger de nouveau, peu lui importait où irait son âme lorsqu’elle décèderait de nouveau.

Puis devant elle apparut l’instrument responsable du bruit rythmé qu’elle entendait depuis son réveil. Il s’agissait tout simplement de son cœur, celui-là même qui l’avait accompagné pendant plus de quarante-cinq ans et qui pourrait l’accompagner encore plusieurs années. Il était là, lévitant à la hauteur de sa poitrine, battant régulièrement, attendant d’habiter de nouveau à l’intérieur de la cage thoracique de la guerrière. Virina s’étendit le bras et s’en empara.
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