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Deuxième Arc : L’art de faire parler la Foudre
Chapitre XXX : Jouer avec la foudre
Anthelia ne comprit pas pourquoi soudainement, l’enchanteur se mit à sourire. Mais elle ne réagit pas et attendit que le jeune homme lui fasse signe de le rejoindre et ensemble ils rejoignirent l’extrémité avant du bateau. Akihiko ferma les yeux et comme lors de ses nombreux échecs, positionna les mains espacées paumes vers paumes, les doigts recourbés. Les arcs se reformèrent entre ses doigts et à nouveau, la concentration de foudre se forma au centre de la sphère qu’il formait. Mais au lieu d’étendre ses mains simplement, Akihiko les fit tourner dans des sens contraires. Les arcs de foudre se mêlèrent et tressèrent une sphère compacte renforcée. Eloignant progressivement les mains, il fit grossir la boule en tentant de tresser plus la sphère, mais ses mains ne pouvaient pas tourner indéfiniment. Il se rapprocha néanmoins de son objectif et finit par obtenir une boule compacte. Interrogeant mentalement Amy, elle lui dit que s’il était sur la bonne voie, ce n’était toujours pas suffisant. Il l’envoya dans les airs et elle alla s’écraser dans les flots une vingtaine de mètres plus loin, libérant une gerbe d’éclairs.
"Eh, on dirait bien que je me rapproche du résultat final.
- C’est vrai. Mais pour le lancer, il y a quelques petites choses à revoir.
- Ah ? Pourtant, j’ai toujours lancé ma magie ainsi.
- Non, tu projetais ta magie sous forme d’arcs. Là, tu lances avec ton bras ta magie.
- Mmh, je vois ce que tu veux dire."
Créer le projectile, c’était bien. Encore fallait-il pouvoir l’envoyer sur l’adversaire. Loin de se décourager, Akihiko recommença et créa un second projectile élémentaire tressé, en y injectant plus de foudre cette fois-ci. Le résultat donna un orbe plus gros, de la taille d’un melon. Mais n’estimant toujours cela pas assez, il fit plonger ses arcs au centre de la sphère et y introduisit plus de fluides. Maintenant qu’il avait solidement renforcé la couche extérieure, il pouvait se permettre de s’occuper du noyau. Une grande quantité s’y engouffra mais Akihiko avait eu la main un peu trop lourde cette fois-ci et son sort devint instable. Instinctivement, il condensa ses fluides internes et s’aidant du magnétisme, expulsa l’orbe en ligne droite devant lui. Le projectile se désagrégea dans les airs avant de chuter dans la mer, percuté par une vague plus grande que les autres. Regardant sa main, il sentit les fluides tourbillonnant au creux de sa paume lentement réintégrer le circuit interne de sa magie. Cette tentative lui avait au moins permit de trouver un moyen d’envoyer l’Obus Magique : utiliser la force répulsive du magnétisme pour projeter l’obus dans les airs. Excité par ses progrès, il créa un troisième projectile. Habitué au procédé, il ne mit pas longtemps à obtenir la sphère de la taille d’un melon. Mais là où il avait précédemment tenté d’insuffler la foudre avec ses deux mains, il garda les fluides enroulés de sa main gauche pour maintenir la couche externe solide et gonfla de fluide l’orbe de sa main droite. Ce dernier grossit, grossit, jusqu’à atteindre le diamètre d’un bon demi-mètre. Enfin satisfait, il tendit la main vers le ciel, assembla sa foudre interne en un tourbillon accumulant rapidement une puissante force répulsive et relâcha finalement son sort. L’obus massif de foudre s’envola rapidement, avant de décrire une parabole descendante et s’écraser dans les flots. Les arcs de foudre se répandirent comme une toile d’araignée à l’impact, produisant une lumière bleutée aveuglante. Mais au milieu des éclairs qui illuminaient les nuages, son Obus magique passa pour ainsi dire inaperçu. Satisfait, Akihiko se tourna vers Anthelia, un large sourire sur le visage.
"Pas mal hein ?
- Plutôt impressionnant ! Tu déploies une magie très spectaculaire, admit Anthelia.
- Ca manque de précision cependant…
- Ah, là-dessus, je peux t’aider. "
Pointant du doigt les flots, elle fit apparaître une petite flamme rougeoyante au milieu des flots. Puis avec un sourire, elle lui demanda de viser la flamme. Akihiko s’amusa de cette proposition et dans l’obscurité de la nuit, un nouvel Obus se créa. Une fois en main, il visa de sa main la flamme, puis leva cette dernière pour tirer le projectile en l’air. L’obus s’écrasa à un bon mètre de la flamme magique qui persista. Un autre orbe suivit et il s’écrasa cette fois-ci pile sur la flamme. Alors que la jeune femme s’apprêtait à faire apparaître une autre flamme plus loin, Akihiko l’arrêta en posant une main sur son bras.
"Je suis presque à court de fluides avec tout ça… On va peut-être s’arrêter là pour le moment."
Anthelia acquiesça et réprima les fluides qu’elle convoquait déjà. Akihiko, lui, s’appuya contre le bastingage et prit une longue inspiration. Tous ces efforts l’avaient épuisé et son combat de la veille lui pesait encore sur les jambes. Il ferma les yeux et sentit alors une sensation bizarre. L’orage semblait s’intensifier pour ses sens : l’odeur d’ozone était plus forte, les poils de sa peau se hérissaient et un goût métallique chatouillait sa langue. Surpris par cette sensation, il se concentra malgré sa fatigue sur ce phénomène qu’il n’avait jamais vécu auparavant. Plusieurs minutes passèrent avant que Akihiko ne comprenne les fluides de foudre de son corps étaient en résonance avec l’orage au-dessus de sa tête, comme si sa magie de foudre et la manifestation naturelle de son élément s’attiraient mutuellement. Le fulguromancien se demanda alors s’il pouvait faire de cette puissance naturelle la sienne. Il leva la main et tenta d’appeler la foudre à lui. Mais évidemment, la foudre n’obéit pas à ses ordres et continua de paresseusement passer d’un nuage à un autre. Se concentrant d’avantage, Akihiko se fit l’image mentale où il attrapait à pleines mains un éclair et le ramenait à son corps. Cela ne se passa pas exactement ainsi, mais le résultat fut le même. Un minuscule éclair se détacha et rebondit de nuage en nuage avant de se placer au-dessus du fulguromancien. Il tomba alors sur lui mais au lieu de le foudroyer et le griller comme une saucisse laissée trop près du feu, l’énergie pure ralentit sa course et se stabilisa à quelques centimètres de la paume dressée de Akihiko. Sous la chaleur extrême générée par la foudre, il grimaça de douleur mais il abaissa sa main pour placer l’éclair capturé devant son visage, l’éclairant comme en plein jour. Il ferma les yeux à nouveau et laissa la foudre s’échapper autour de lui. Mais au lieu de devenir incontrôlable, elle se mit à danser autour du fulguromancien. Il ne la voyait pas, mais il la sentait. Et petit à petit, morceau par morceau, la foudre s’amenuisait et se fondait dans le corps du mage. Akihiko sentit ses réserves de fluides remonter progressivement et lorsque la foudre fut complètement assimilée, il ouvrit de nouveau les yeux. Anthelia et le marin de garde qui était armé d’un seau d’eau et d’une lanterne tempête, le regardaient tous deux, bouches bées.
"Bah quoi ? Vous n’avez jamais vu un mage de foudre absorbé de la foudre tombée du ciel ? demanda sur le ton de l’humour Akihiko.
- Sérieusement… Tu en as beaucoup des tours comme ça dans ta manche ? Parce que ce serait bien de nous prévenir. Ca éviterait qu’on raccourcisse notre espérance de vie avec des coups de peur pareil.
- Bien d’accord avec la d’moizelle. Quand j’ai vu l’éclair tombé sur l’navire, j’ai cru qu’on allait s’taper un incendie à gérer.
- Désolé pour ça, mais je viens tout juste de découvrir cette capacité moi aussi. C’était… Instinctif. "
Anthelia posa la main sur son visage, d’un air désespéré. Le marin de garde s’en retourna à son poste, marmonnant quelque chose et l’appelant "Dompteur de foudre". Akihiko, pas plus avancé que ses spectateurs, demanda à Amy si elle en savait quelque chose.
(Il existe des mages spécialisés dans leurs éléments, capables de recharger leurs fluides avec des manifestations de leurs éléments. Un pyromancien pourrait donc convertir une flamme de torche en fluides de feu, un aquamancien aurait plus qu’assez d’eau sur la mer… J’ai déjà pu apercevoir ce type d’absorption par le passé, une fois. Mais c’était de la lumière alors bien que ce soit un spectacle très beau à voir, ce n’est pas aussi spectaculaire que toi qui tire littéralement ta puissance d’un orage.)
Amy semblait elle aussi impressionnée. Akihiko regarda ses mains et se demanda si son corps lui cachait encore de nouvelles surprises et capacités qu’il ignorait. La puissance d’un éclair, capable de fendre la roche et les troncs d’arbres centenaires coulait dans son corps. C’était à la fois terrifiant et excitant. Pour éviter que son corps n’explose de cette énergie qu’il ne savait pas s’il allait pouvoir la maîtriser pour ses sorts, Akihiko descendit dans le dortoir endormi et emplis de ronflements. Aidé de son morceau de San-Divyna, il récupéra à pas de loup le marteau de Valyus et sorti tout aussi discrètement de la pièce. Une vague plus puissante percuta le bateau, inclinant brusquement le pont sur la droite. L’enchanteur manqua de perdre l’équilibre et se raccrocha à l’encadrement de la porte, porte qui cogna contre son bras en se refermant par l’inclinaison du bateau. Il manqua ainsi de peu de se coincer les doigts dans la porte, ce qui n’aurait pas manqué d’être douloureux. Plusieurs secondes s’écoulèrent et le pont reprit finalement son tangage habituel, ce qui permit au jeune homme de rejoindre Anhtelia à l’autre bout du navire, à la poupe. La rejoignant marteau en main, il s’apprêta à générer son sort quand un problème évident l’arrêta. Une main pour tenir le marteau, cela ne lui laissait qu’une seule main pour tresser sa sphère.
(J’ai l’air malin moi maintenant…)
La solution la plus simple serait de faire passer la foudre par le marteau, mais il n’aurait alors pas le contrôle de ses mains et la complexe tâche de tressage allait être compliqué. Réfléchissant à une façon de contourner cette nouvelle difficulté, il fit rouler le marteau dans sa paume, faisant tournoyer la tête. Une idée naquit de cette rotation. Inclinant la tête du marteau pour l’opposer à sa main droite, Akihiko posa l’extrémité de ses doigts sur le haut de la tête de son arme. Appelant la foudre, il généra cinq arcs et les étira en éloignant sa main. Puis, il fit tournoyer sur place le marteau et la tête tressa à une vitesse remarquable les arcs de foudre puisqu’elle pouvait tourner indéfiniment contrairement aux poignets du fulguromancien. En injectant les fluides pour alimenter l’Obus magique, le mage compléta le sort en un rien de temps et ce fut une sphère d’un demi-mètre de diamètre qui trônait au bout du marteau. Son sourire satisfait se figea devant le regard que la jeune femme lui lançait, visible par la flamme qu’elle avait invoquée dans le creux de sa main.
"On dirait que tu t’amuses bien avec ta magie.
- Bah, euh… Oui ?
- Quand je pense à comment moi j’ai lutté pour maîtriser mes sorts, t’es vraiment pas banal. Bon, passons à autre chose. Je vais lâcher mes flammes à la surface de la mer et on attendra quelques secondes que le bateau se soit éloigné pour que tu lances ton sort. C’est moins fatiguant pour moi."
Akihiko acquiesça et sous le regard interloqué du marin, la jeune femme lâcha sa flamme qui flotta au ras des flots. Une dizaine de secondes plus tard, il estima qu’elle était assez loin pour faire une cible acceptable. Il abaissa visa et usant de la répulsion magnétique à travers son marteau runique, propulsa le l’obus de foudre dans les airs. Il entendit le marin s’étrangler derrière lui mais il ne s’en soucia pas. Il observa le projectile ralentir, puis amorcer lentement sa chute.
(Ca ne touchera pas.) se dit-il en préparant son deuxième projectile avant que l’autre ne touche l’eau. L’obus éclata devant la flamme et les éclairs ne s’étaient pas encore dispersés que Akihiko tirait le deuxième projectile. Il envoya ainsi deux autres projectiles avant de ressentir le manque de magie. Il prévint les deux personnes l’accompagnant de s’éloigner de lui et il appela à nouveau la foudre à venir alimenter sa magie. Un éclair plus puissant arriva cette fois et après avoir passé de longues minutes à assimiler la force naturelle il sentit ses forces magiques revenir, prêtes à libérer une nouvelle fois sa magie. Il continua ainsi pendant près d’une heure, profitant de l’orage comme d’une source illimitée de magie. Ainsi, et sous le regard incrédule d’Anthelia, il déchaîna un torrent de foudre sur les flammèches qu’elle semait derrière le bateau. Le marin qui prit le tour de garde suivant s’avéra être Narem et il fut tout aussi impressionné des performances de Akihiko. Finalement, Anthelia consuma ses maigres ressources de fluides de feu et réclama son hamac pour se reposer.
"Désolé Anthelia… J’ai oublié de penser à tes propres réserves.
- C’est pas grave. Mais si tu pouvais me laisser aller dormir maintenant, ça t’éviterait d’avoir à subir ma toute-puissante mauvaise humeur demain au réveil ?
- Tout mais pas ça !"
Le ton moqueur de Akihiko la fit grogner, mais elle ne lui en tint pas rigueur. Ils saluèrent tout deux l’Earion qui avait encore deux bonnes heures de garde devant lui et allèrent rejoindre leurs hamacs respectifs. Dans le noir et avec le bateau qui tanguait, Akihiko dut faire la courte échelle à Anthelia pour que cette dernière, fatiguée, accède à son filet. Le jeune homme ne fit pas long feu non plus : toucher sa couverture sembla réveiller toute la fatigue qui était en lui et il accueillit le sommeil presque instantanément en fermant les yeux.
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Le voyage se poursuivit. Akihiko, entre deux séances de pointage, apprenait désormais le dessin. Une des étapes dans laquelle, au grand soulagement d’Antehlia, il se montra parfaitement ordinaire.
"Tu comprends, si tu excellais partout, j’aurais perdu pour de bon ma fierté de tatoueuse."
Le jeune homme sourit à cette remarque et se concentra sur le dessin qu’il réalisait, à savoir une simple pomme déposée sur un tonneau. Armé de charbon taillé, il dessinait sur une peau de cochon cette fois traitée pour que la poussière noire reste fixée mais puisse facilement s’enlever. Patiemment, Anthelia lui avait enseigné les règles fondamentales du dessin. La gestion de la profondeur, les ombres, les formes… Tout devait s’harmoniser en un tout cohérent. Et Akihiko n’avait jamais dessiné quoi que ce soit, à part des schémas ou des formes abstraites. Sachant écrire, il disposait tout de même d’une certaine dextérité ce qui était mieux que rien. Parfois, Anthelia l’interrompait et lui montrait le paysage. De splendides falaises de pierres blanches, des nuages aux formes étranges et voluptueuses, des couchers de soleil dont les rayons caressaient les vagues et illuminaient l’écume.
"Savoir dessiner, c’est une chose. Savoir QUOI dessiner, c’en est une autre. Et en matière de chef d’œuvre, rien n’égale la nature. "
La phrase résonna étrangement dans l’esprit de l’ynorien, la première fois qu’il l’entendit. Ses mots portaient un sens artistique qu’il n’avait jamais exploité parce qu’il n’en avait jamais eu besoin. Et pourtant, il lui était essentiel désormais. Ce savoir lui semblait tout aussi simple qu’il était complexe à aborder, renfermant une vérité multiple. C’était peut-être là le vrai défi de l’apprentissage du tatouage pour lui, et il décida de le relever.
L’image des deux voyageurs avait changé auprès de l’équipage, après l’affrontement avec le Drakarn et les entraînements magiques de Akihiko. On les traitait avec davantage de respect et ils n’étaient plus de simples voyageurs, mais désormais des passagers de marque. Même le capitaine Croane avait cessé de les appeler familièrement et les nommait respectivement "Sieur Akihiko" et "Dame Anthelia", ce qui gêna le premier et amusa la seconde. Les deux marins précédemment blessés remis sur pied, on refusa catégoriquement de les laisser faire une quelconque tâche sur le navire, même s’ils insistaient pour ne pas rester à ne rien faire. Ce qui ne les dérangea pas plus que cela, ils durent bien l’admettre. Le seul qui continuait à ne pas les traiter avec déférence était le mousse, Sam. Sous sa tignasse noire, l’adolescent aux prunelles vert sombre se montrait être une personne très espiègle qui n’hésitait pas à embêter Akihiko lorsqu’il en avait l’occasion. Il respectait néanmoins ce dernier et ne le dérangeait pas quand il s’entraînait à la poupe du bateau, mais s’en donnait à cœur joie dans les moments de creux où il flânait. L’ynorien ne se démonta pas et riposta à chacune de ses attaques de petits décharges électriques qui chatouillaient l’apprenti marin. Il usa également de ses dons sur le magnétisme pour jouer des tours à Sam en lui volant un yus avec lequel il jouait entre ses doigts avant de lui renvoyer le frapper en plein front, comme une petite pichenette. Les petites crasses que les deux se rendaient ne les empêchèrent pas de bien s’entendre et souvent, lorsque le mousse avait sa corvée de pêche, Akihiko lui tenait compagnie en pêchant avec lui. Il n’avait aucune connaissance de cette dernière mais se contentait de tenir la canne et de tirer quand il sentait quelque chose mordre. Il remontait bien moins de prises que son jeune compère, mais cela lui permettait de profiter du paysage et de faire une pause, assit sur le bastingage.
C’est notamment lors d’une de ses pêches que le mousse fut victime d’une attaque particulièrement féroce. Les deux hommes étaient tranquillement assis sur le bastingage quand soudain, la ligne de Sam se tendit brusquement. Surpris, ce dernier arrêta sa phrase et tenta vainement de tirer la canne à lui quand la force de traction le propulsa dans les airs. Akihiko se moqua bien évidemment de lui en le voyant ressurgir à la surface, penaud de s’être fait avoir aussi bêtement. Mais les rires se turent quand l’adolescent hurla de douleur avant d’être entraîné vers le fond, un nuage pourpre de sang le remplaçant. Akihiko hurla
"SAM EST TOMBÉ !" avant de sauté à son tour dans l’eau pour le sauver. Sans être un nageur exceptionnel, Akihiko avait appris à se mouvoir correctement sous les flots. Le contact de l’eau froide le fit frissonner et il manqua de boire la tasse sous le choc. Le sel de l’eau lui piqua les yeux mais il se força à les ouvrir pour repérer son ami, entraîner par le fond. Le trouver ne fut en soit pas un problème, le malheureux essayant de se libérer maladroitement de l’emprise de la créature serpentine accrochée à son pied, le tout dans une colonne de bulle. Akihiko tendit la main vers le monstre dans l’idée de l’électrocuter avant qu’une cruelle réalité ne le retienne de justesse. Il était dans l’eau !
(Merde, je peux pas utiliser ma magie !)
Une mauvaise nouvelle n’arrivant pas seule, il réalisa également qu’il ne portait pas son précieux sabre à la ceinture, laissé sur sa couche. Se maudissant pour sa bêtise dans une flopée de jurons, l’enchanteur s’enfonça dans la mer à la suite de Sam qui luttait désespérément pour remonter à la surface. Cela ralentit sa chute dans les abysses et permit à Akihiko d’attraper sa main. Le serpent qui mordait le pied gauche de Sam lui porta un regard jaune brillant plein de malveillance et redoubla d’efforts pour entraîner sa proie vers le fond. L’homme comprit vite que sa réserve d’air ne lui permettrait pas de gagner un duel de tire à la corde contre la bestiole sous-marine : il serra les dents et prit sa décision. Usant de ses bras, il se tira au niveau du garçon et s’approcha délibérément du serpent avant de poser sa main sur sa tête et écorcha son doigt sur la crête ornant le poisson. La sensation gluante des écailles sous doigts le répugna mais à l’aide de son autre main, il parvint à enfermer le corps serpentin de la créature sous ses doigts. Se préparant à la douleur qui allait suivre, il ordonna à ses fluides de foudre de passer d’une main à une autre.
Pour l’avoir déjà essayé à ses dépens, Akihiko savait que la foudre se propageait dans l’eau. La sensation de brûlure et le frisson douloureux qu’il ressentit sur tout son corps furent atténués par le serpent qui prit la majeure partie de la décharge, mais il en pâtit également en sentant son corps s’engourdir partiellement, et Sam aussi sans l’ombre d’un doute. Mais le résultat était là : la bête avait été grillée de l’intérieur et sa mâchoire sans vie lâcha la jambe du garçon sur une ruade de ce dernier. Ensemble, ils firent chemin à la surface et Akihiko se félicita d’avoir une armure aussi légère qui ne se gorgeait pas d’eau. Cela lui permit de se diriger vers la surface avec quelques difficultés certes, mais sans couler par le poids de son équipement. Une dérangeante chaleur se colla à sa peau quand il franchit le nuage rouge de sang laissé par Sam, mais s’en ficha. Ce qui chauffait également, c’étaient ses poumons. Au bout d’une interminable poignée de secondes, sa tête creva enfin la surface et il aida le jeune adolescent à ses côtés à se maintenir à flots, sa jambe blessée lui tirant des larmes qui se mêlaient aux gouttes dégoulinant de ses cheveux. Sur le pont, un marin lançait déjà une corde pour tracter les deux hommes hors de danger quand un autre marin pointa du doigt derrière eux en poussant un cri. Se retournant, Akihiko vit un aileron filer à toute vitesse vers lui en fendant les flots et les vagues avant de brusquement disparaître sous la surface.
(Bordel, y a une autre de ces saloperies !)
De sa main droite, Akihiko poussa Sam en direction la corde et se prépara à l’impact avec le serpent. Une puissante mâchoire se referma alors sur sa cuisse, perçant sans soucis son pantalon. Il grogna de douleur et après une inspiration moins profonde qu’il ne l’aurait souhaité, plongea pour faire face à son nouvel agresseur. Il voulut répéter la même opération que contre le précédent serpent de mer mais ce dernier, en voyant la main de Akihiko s’approcher de lui, lâcha sa prise pour la refermer sur son avant-bras. Les dents cognèrent cette fois sur la Faerunne sans parvenir à le blesser et un sourire carnassier se dessina sur les lèvres de Akihiko : enfermer sa main à l’intérieur de sa bouche était tout sauf une bonne idée. Il planta ses doigts gantés dans la paroi interne du poisson et envoya un courant électrique dans le corps du poisson. Le choc électrique secoua la bête qui dans un spasme, lâcha prise. Akihiko s’en était tiré à moins bon compte que lors du premier sort et sa bouche se tordit sous l’effet de son attaque qu’il avait prise lui aussi et libéra une grande partie de l’air qu’il stockait. Luttant contre la douleur, il essaya de regagner péniblement et dans un effort de volonté la surface à l’aide de son seul bras droit qui n’était pas paralysé. Mais il parvint tout juste à ne pas couler plus et sa vision devenait trouble quand il se sentit brusquement soulevé et ramené à la surface. La tête hors de l’eau, un bras puissant s’enroula autour de ses épaules et le tira en arrière pour le faire regagner la sécurité du navire, mais il voyait déjà son adversaire recommencer à bouger dans sa direction. Il sentit le bruit du bois dans son dos et en tournant la tête, vit l’échelle de corde battre contre le flanc du navire. Le marin qui l’avait secouru commença à monter et le tira à sa suite, l’extirpant lentement de l’eau. D’une main tremblante, Akihiko attrapa les barreaux et grogna pour forcer ses muscles à lentement se remettre en marche pour lui permettre de gravir les échelons.
(Allez ! Allez putain ! Bouge !)
Il voyait la silhouette se rapprocher dangereusement de lui et savait qu’il aurait du mal à encaisser un autre sort de foudre avec la moitié de son corps encore immergé. Et comme il était à court d’option, un éclair argenté fendit l’espace et se planta dans le serpent marin, un petit mètre avant qu’il ne l’atteigne. Le harpon métallique avait traversé de part en part le serpent qui toujours mut par son élan, cogna sans vie et mollement le ventre de Akihiko avant de couler. Des bras se tendirent et l’attrapèrent par les épaules avant de le tirer sur le pont où il s’écroula, haletant et la cuisse en sang. Son regard se posa sur Anthelia qui le fixait, un harpon à la main. Dans son regard brillait un mélange de colère et de soulagement et pour une fois, elle prononça des paroles qu’Amy approuva avec vigueur dans son esprit, furieuse.
"La prochaine fois que tu me fais une peur pareille, je t’étrangle de mes propres mains."