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par Sibelle » sam. 18 avr. 2020 05:19
Avant de quitter Nessima, la guerrière avait demandé à la commandante de prévenir ses soldats, mais surtout ses archers de sa forme volante afin d’éviter toutes représailles à son égard. Elle ne s’inquiétait donc pas de se faire attaquer lorsqu’elle prit la décision de passer outre les portes et de voler au-dessus du mur pour atteindre la cité.
Sa surprise fut d’autant plus grande lorsqu’elle entendit le carillon d’une cloche sonnant l’alerte aux soldats fourmillant sur les remparts. Contrariété et colère envahirent la guerrière qui ne comprenait pour quelle raison les archers encochaient leur arc et tendaient leur corde. Elle fut bien tentée de descendre sur eux en rase-motte afin de les effrayer. Mais elle se retint. Si elle ne se souciait guère de sa propre vie, il en était autrement de celle de la personne qu’elle portait sur son dos. Elle retint son instinct de combattante et prit de l’altitude.
Ce fut donc haut dans le ciel, hors de portée des flèches qu’elle traversa la zone gardée et passa au-dessus de la ville. Une fois qu’elle repéra la commanderie de l’Opale et pour éviter d’être vu longtemps à l’avance, elle replia ses ailes et descendit en piqué, de la même façon qu’un aigle l’aurait fait pour foncer sur sa proie. Elle sentait la prise de l’homme se resserrer sur son flanc et elle se doutait de son inconfort, mais elle avait manœuvré ainsi pour une question de sécurité. Et malgré tout, elle savourait tout de même chaque moment intensément.
Puis au dernier moment, à peine à quelques mètres du sol, elle releva sa tête, ouvrit ses ailes afin d’offrir de la résistance à l’air puis atterrit, un peu violemment, mais solidement, sur ses quatre pattes.
Elle patienta quelques secondes afin que son cavalier descende avant de reprendre sa forme elfique. Au bout d’un petit moment, sentant que Jorus était non seulement sur son dos, mais tenait fermement ses plumes de ses mains et son flanc de ses jambes, elle tourna sa tête d’aigle et vit sa peau pâle de peur et ses yeux clos. Elle émit alors des cris aussi doux que possible afin de lui faire réaliser qu’ils étaient au sol, sains et sauf. Mais le jeune homme demeura en place immobile.
Elle prit alors la décision de prendre sa forme elfique, espérant pouvoir le rassurer en lui parlant.
En colère contre ces archers qui l’avaient attaquée et obligée à effectuer des manœuvres périlleuses pour son cavalier, elle pesta :
« Ces satanés Sindeldi, ils savaient pourtant qui j'étais. La commandante m'avait assuré que je ne risquais rien de voler au-dessus des murailles. »
Les yeux toujours fermés, Jorus n’avait pas bougé d’une plume, ses mains accrochées à l’armure arrière de la guerrière et ses jambes repliées encerclant les hanches de la guerrière. Dotée d’une force surhumaine, le poids de Jorus ne l’importunait aucunement. Après avoir pris une grande respiration, sur un ton plus calme, ferme et curieusement doux, elle s’adressa à Jorus tout en se tournant la tête pour tenter de le regarder.
« Pardonne-moi de mes manœuvres risquées. Je craignais qu'ils te transpercent d'une flèche. »
Il ouvrit un œil, puis le second, et exprima son soulagement d’être enfin en vie. N’éprouvant apparemment aucunement de honte à être agrippé au dos de la guerrière comme un gamin qui joue au chevalier sur sa monture avec ses parents, doucement il posa un pied au sol, puis le second. Ses premiers pas furent hésitants et sa trajectoire houleuse, trahissant sans doute un certain étourdissement. Sa démarche témoigna à son tour la douleur de ses muscles s’étant trop contractés pour garder leur prise sur l’animal ailé.
Alors que Sibelle le dos droit la tête fière, toujours en colère envers les archers s’attends à se faire fustiger par son cavalier, ce dernier se contente de grommeler. Il avait compris qu’elle avait fait ce qu’elle semblait nécessaire dans les circonstances. Il contentait, tout comme Sibelle prendre sa vengeance sur les archers.
Sibelle entra donc dans le bâtiment de la Commanderie de l’Opale à la recherche de gens pour les diriger vers un des chefs de la commanderie. Sans tarder, un serviteur qui croisa leur route leur indiqua où se trouvait le bureau de Lyann, tout en jetant un regard curieux envers Jorus. Les humains s’avéraient rares sur cette île.
Sibelle frappa à la porte, attendit une réponse puis entra. La jolie femme qui lui faisait face observa l’hinionne avant de lui désigner une chaise face à elle. Avant que Sibelle n’eut le temps de demander comment elle avait pu connaître son nom, elle lui précisa que Tanaëth lui avait parlé d’elle. Elle se nomma ensuite : Lyann'tar Thelwë et précisa sa fonction au sein de la commanderie : membre du triumvirat. Cela dit, elle s’enquit de qui l’accompagnait. Sibelle se tourna vers Jorus tout en répondant :
« Mon compagnon de route. » Elle s'arrêta là, préférant laisser Jorus se présenter par lui-même. Ce qu’il fit avec un certain humour faisant référence à sa mésaventure à dos d’hippogriffe et à sa préférence pour le transport terrestre, tout en accordant un bref sourire à la guerrière.
Sibelle fronça les sourcils lorsqu'il parla d'elle sous sa forme animale, puis se radoucit à la vue du sourire.
Puis d'un ton ferme et calme, malgré une contrariété palpable, Sibelle expliqua le but de sa visite:
« En volant au-dessus des murs, les archers se sont mis en joues afin de nous attaquer. J'ai dû prendre de l'altitude pour éviter d'être criblée de flèches.... C'est la raison pour laquelle, je ne me suis pas rendue à la garde militaire, mais plutôt ici... Peut-être connaissez-vous la raison d'une telle agressivité à notre endroit ? »
Après avoir souhaité la bienvenue à Jorus dans la commanderie, elle expliqua d’abord à Sibelle que Nessima était en état d’alerte, les portes fermées et les entrées contrôlées. Elle précisa ensuite qu’Arkalan était revenu lui aussi à Nessima et qu’il avait rapporté des faits plus ou moins étranges à propos de Sibelle à la commandante Sylëen. Cette dernière avait donc préféré prendre des précautions à l’endroit de Sibelle tant qu’elle ne saurait pas ce qui en découlait vraiment.
Les soldats avaient pour ordre de la conduire à elle sans délai et … escortée. Cette dernière précision provoqua une légère moue de dépit à l’hinionne qui ne fit aucun commentaire à ce sujet.
Lorsqu'elle entendit le nom d'Arkalan, les yeux de Sibelle s'agrandissent. Elle comprit donc pourquoi cette agressivité à leur arrivée.
« Si je me suis rendue ici, c'est qu'un groupe de Sindeldi, mené par un officier Sindel, accompagné d’un compagnon félin, a sacrifié des « nains gris" alors que ceux-ci s'étaient rendus. J'ai donc pris le parti des victimes en annonçant la présence des intrus. Mais en aucune façon, je n'ai attaqué l'un des sindeldi.... Nous sommes venus ici afin de faire rapport à la commande. Nous avons de précieuses informations à lui transmettre. »
Lyann'tar semblait croire les paroles de Sibelle, elle avait selon elle agi selon ses principes. Mais elle n’était pas certaine que la commandante serait si clémente.
Relevant la tête fièrement, Sibelle répondit:
« Je prends ce risque. Je fais confiance en son jugement. Les informations que je vais apporter ne sont aucunement jugement ou impressions, mais réellement des faits. »
Lyann'tar demanda alors si cela concernait les Rakhaunens. Un peu surprise, Sibelle pencha un peu la tête sur le côté tout en fixant cette femme aux traits fins, mais au regard dur
« Ça et autre chose... entre autres une certaine alliance.. Et puis aussi une attaque qui a déjà été commencé que nous avons remarquée du haut des cieux... Notre arrivée a d'ailleurs été retardée, car nous avons prévenu quelques villages Sindeldi de l'évacuer afin d'éviter une mort certaine. »
Sibelle croyait leur apporter des nouvelles, mais ils étaient déjà au courant de l’alliance entre les nains gris et les Eruïons. Elle conseilla à Sibelle de dévoiler à Sylënn, qu’ils avaient porté secours au peuple des sindeldi, cela la mettrait en meilleure position.
Jorus précisa alors que la situation était plus grave qu’ils ne le pensaient. Les Rakhaunens étaient très nombreux et préparés depuis longtemps. Puis Jorus précisa que deux aventurières s’étaient rendues chez les Eruïons. Elles avaient donc fourni l’information, mais sans avoir vu l’armée sous la montagne.
Lyann'tar répondit qu’il n’y avait eu qu’une aventurière, une danseuse de l’Opale elle aussi.
(Sûrement Yliria. )
« Nous pensons qu'il serait possible d'éviter cette guerre, nous avons pu parler au chef des Rakhaunens, ainsi qu'à la représentante des Eriüons, c'est pourquoi nous voulons nous entretenir avec la commandante de Nessima... Il faudrait que nous y soyons conduits, sans que je sois interceptée par les soldats, vous est-il possible de nous aider ? »
Lyann'tar répondit par la négative, elle était une civile et n’avait aucune autorité hors des murs de la commanderie, et Tanaëth était parti pour Nirtim. Elle voulut ensuite savoir pourquoi l’hinionne pensait que la guerre pouvait être évitée.
« J'aimerais terminer cette discussion en présence de la commandante.... vous pourriez nous accompagner, et même nous reconduire... comme si nous étions vos prisonniers si ça peut vous faciliter la chose. »
Lyann'tar répondit une fois de plus par la négative. Elle n’était pas censée savoir que Sibelle était recherchée et suspectée de traîtrise.
Sibelle réfléchit un instant, avant de se tourner vers Jorus et lui proposer.
« Il ne nous reste plus qu'à nous y rendre à pied. À moins que tu aies une autre idée ? »
Il n’avait aucune alternative à proposer.
Sibelle remercia Llyann'tar Thelwë de l’entretien qu’elle lui avait accordé et prit la direction de la sortie, Jorus sous ses talons.
Une fois à l’extérieur du bâtiment, elle marcha avec assurance et fierté vers la garderie royale.