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La Taverne des Sept Sabres

Posté : mer. 27 déc. 2017 16:11
par Yuimen
La taverne des sept sabres


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Les sept sabres, repères de mercenaires, voleurs, bons à rien et filles de joies...

Taverne plutôt glauque où se réunissent les personnes ne voulant pas attirer l'attention. L'établissement n'est d'ailleurs pas facile d'accès et ne porte pas d'enseigne. Ce lieu malfamé sert souvent de point de rencontre pour voleurs et assassins. Le gérant, Fred le Muet, n'est pas très bavard. C'est peut-être dû au fait qu'on lui ait arraché la langue...

Re: La Taverne des Sept Sabres

Posté : ven. 5 févr. 2021 22:37
par Ulric
Les rues

A peine entré, Ulric fût accueilli par le bruit sourd d’un homme projeté au sol, puis celui d’un tabouret fracassé sur son crâne. Les clients de la taverne avaient laissé de la place au centre de la pièce pour les deux bagarreurs. La plupart restaient indifférents, et discutaient juste un peu plus fort pour couvrir le bruit. D’autres prenaient des paris sur le vainqueur, bien que l’issue ne fît plus beaucoup de doutes. Dans le fond de la pièce, Fred, le tavernier, semblait juste résigné. C’était la routine, après tout.

Ulric scruta la pièce au travers de l’air enfumé, mais ne vit aucun visage familier dans la pénombre de la taverne. Une fois qu’il était certain que l’endroit était « sûr » (selon le standard de l’établissement), il se demanda par qui il pourrait commencer. Le tavernier aurait peut-être des informations. Il n’avait peut-être plus de langue, mais il lui restait des yeux et des oreilles.

Il s’avança vers le fond de la taverne, faisant attention de ne bousculer personne, jusqu’à atteindre Fred. Le tavernier ne fit pas attention à lui, malgré le fait que lors de sa dernière visite, il était de ceux qui avaient mis le bordel. Mais, de nouveau, c’était la routine, ici. Sans doute qu’il ne s’en souvenait même plus.

« Fred »

Le tavernier releva les yeux de la chope qu’il essuyait sans grand entrain.

« Tu ne connaitrais pas un très grand sinari -ou un très petit homme- avec des rouflaquettes, et qui parle beaucoup trop ? »

Il haussa les épaules, bien qu’Ulric ne sût déterminer s’il s’agissait d’un « Non » ou d’un « Je n’ai pas envie de parler ». Sans doute que quelques pièces lui aurait rafraîchit la mémoire, mais le jeune mage n’avait plus rien de valeur dans sa bourse. Comprenant qu’il n’en tirerait rien, il soupira intérieurement et tenta sa chance avec les clients de la taverne.

Malheureusement, il n’eut pas plus de chance avec eux. La plupart ne savait rien ou ne voulait juste pas parler. Certains tendirent la main, espérant se faire un peu d’argent facile contre quelques information bidons, mais Ulric n’avait rien à leur donner de toute façon.

Il finit par laisser tomber. Il n’avait plus qu’à attendre, retrouver Machin et entendre quel plan il avait à proposer, quitte à le laisser en plan s’il propose quelque chose de trop dangereux.

Vers les rues

Re: La Taverne des Sept Sabres

Posté : mer. 24 févr. 2021 18:10
par Ulric
Les rues

La taverne s’emplissait rapidement, à cette heure-ci. De nombreux dockers traversaient la ville après chaque journée de labeur pour venir parier aux dés leur maigre paie, à l’abris des regards inquisiteurs. D’autres clients vivaient pratiquement ici ; des arnaqueurs professionnels qui, avec quelques dés pipés et deux ou trois tours de passe-passe, allégeaient ces derniers de leurs quelques pièces. Il y avait aussi des vagabonds, qui n’avaient nulle part d’autre où aller de toute façon, la pègre locale qui discutait à voix basse de leurs prochaines casses, et une bande d’énergumènes qui commentaient à grand cris une course de rats, sous le regard résigné de Fred, le tavernier.

L’air chaud fit du bien à Ulric. Bien qu’il y eût énormément de bruit, il faisait encore calme, selon le standard de l’établissement (ce qui signifiait que personne n’était en train de se tabasser, pour l’instant). L’apprenti mage scruta la taverne, à la recherche d’une table de libre. A la place, il aperçu Furet et Pigeon qui étaient déjà là, attablés dans le fond de la taverne avec chacun une chope devant eux. Loutre manquait encore à l’appel, cependant.

Ulric fit ce qu’il put pour s’enfoncer dans la taverne bondée sans bousculer personne, passant en crabe entre les tables serrées, et arriva enfin devant les deux voleurs.

« Ecureuil ! Viens, assieds-toi ! », s’exclama Furet, « T’as des petits yeux, dis donc. »

Pigeon le salua également d’un signe de tête, avant de se replonger dans sa chope.

« Mal dormi. », grogna Ulric en prenant un tabouret pour lui.

« C’est vrai que ce n’est pas facile de bosser la nuit et de dormir le jour. »

« Ce n’est pas ça… Tu t’es renseigné, pour ce que je t’avais demandé ? »

« Droit au but, hein ? Oui, j’ai demandé à mes contacts. Je ne sais pas où est ton contrebandier, mais je sais à qui tu dois t’adresser ! Alors, euh… tu vois le gros bâtiment près de la gargote " Chez l’gros Mirchaud " ? »

« Celui plein de graffitis ? »

« Oui, celui-là ! Eh bien, tu prends la ruelle à côté, tu continues tout droit, et là, tu as une boutique qui vend des amulettes contre le mauvais sort. »

« Et ? »

« Eh bien, n’achète pas les amulettes ! C’est de la camelote, il-y-a rien de magique là-dedans. Mais, euh... Du coup, tu parles au vendeur, un gros chauve, et tu lui dis « Je cherche quelque chose pour ma grand-tatie ». C’est le mot de passe. »

« Vraiment ? »

Ulric semblait sceptique.

« Eh bien, tu sais, à force de le changer toutes les semaines, ils arrivent à court d’idées. », répondit le sinari en haussant les épaules.

« Bien, j’irais voir. »

« Ravi d’être de service ! Et toi, de ton côté, tu as réfléchi à ce que je t’ai proposé ? »

« De rejoindre tes « associés » ? Non, pas vraiment. »

« Pourtant, c’est le moment de se lancer dans le métier, tu sais. Tous les yeux sont braqués vers la guerre, au nord. Il y a moins de gardes dans les rues, et ceux qui sont encore là sont d’avantages préoccupés par les espions ennemis que par nous. A nous quatre, on pourrait tous être riches avant la fin de l’année ! »

L’offre était alléchante, et les arguments du sinari faisaient sens. Qui plus est, il lui offrait le moyen de se faire de l’argent facile tant qu’il était en ville, mais le problème était bien là : Ulric ne voulait pas passer sa vie à Kendra Kâr, à enchainer les combines jusqu’au jour où la garde lui tombera dessus. Maintenant qu’il avait commencé son apprentissage de la scotomancie, il aspirait à quelque chose de plus… Significatif ? Intéressant ? Il ne trouvait pas le mot exact pour retranscrire son sentiment, mais il craignait que de rejoindre une nouvelle bande serait une entrave autant qu’un atout.

« Je ne vais pas passer ma vie à Kendra Kâr. », commença-t-il, « Si tu as encore une autre "pêche" à proposer tant que je suis en ville, je suis preneur, mais dans quelques semaines, je serais parti. »

« Hum, je vois… », Furet semblait déçu, « Ce n’est pas grave. Si tu cherches un peu d’argent tant que tu es encore là, tu peux me retrouver ici. Si je ne suis pas là, je serais sans doute au marché. Avec un peu de chance, je pourrais te faire changer d’avis. »

Ulric en doutait, mais il valait peut-être mieux laisser cet espoir au voleur.

Ils durent encore patienter un long moment avant que Loutre n’arrive, mais personne ne s’en plaignit. Après tout, c’étaient eux qui étaient arrivés tôt. Furet insista pour payer à manger et à boire à tout le monde, peut-être dans une autre tentative de faire changer le jeune mage d’avis, mais la bière au goût de pisse et le gruau insipide n’aidaient pas vraiment.

Loutre arriva enfin, alors qu’une bagarre éclatait du côté de la course de rats, mais ils n’y prêtèrent pas attention. Une fois que la jeune femme fut installée, Furet sorti une bourse bien grasse et commença à distribuer les parts.

« Ecureuil, tu as une demi-part, comme tu as déjà eu les runes. »

« Comme convenu. », répondit-il sobrement.

Ulric compta les pièces empilées en petit tas devant lui. Il devait bien y avoir de quoi s’acheter une fiole de fluide, une petite au moins, et peut-être un peu de matériel s’il voulait inspecter cette histoire de morts-vivants dans les égouts. Il lui faudrait au moins de quoi s’éclairer.

Là-dessus, ils rangèrent tous les quatre leurs yus et Ulric se leva. Il devait retraverser la ville, s’il voulait aller dans les docks, en espérant ne pas y faire de mauvaise rencontre.

« À la prochaine, peut-être. »

Vers les rues

Re: La Taverne des Sept Sabres

Posté : ven. 24 juin 2022 01:56
par Ulric
Précedemment


Ulric quitta le port sans que personne n’ait eu l’air de s’inquiéter de son examen indiscret des navires qui y étaient amarrés, et traversa la ville d’un pas vif. Il était pressé d’atteindre sa destination, la taverne des Sept Sabres, où il espérait retrouver Furet, le voleur qui l’avait embrigadé dans une de ses manigances il y a quelques jours de cela. Il n’avait pas revu le grand sinari, à moins qu’il ne s’agisse juste d’un très petit humain, depuis le soir où ils s’étaient partagé la paye qu’ils avaient reçu pour dérober un certain document chez les Lothandres. Cependant, il lui avait fait comprendre que s’il voulait le retrouver pour poursuivre leur association, ce serait à la taverne.

Avec un peu de chance, Ulric lui tomberait directement dessus. A cette heure-ci de la journée, le voleur était probablement soit en train de « pêcher » au marché, mais Ulric n’espérait pas pouvoir le retrouver au milieu de la foule qui devait y grouiller comme des fourmis, soit en train de planifier sa prochaine casse aux Sept Sabres avec sa bande.

Tenter de ramener plusieurs personnes pour s’infiltrer discrètement sur un bateau pouvait sembler dangereux de prime abord, mais la petite bande de Furet lui avait semblée à la fois organisée et efficace lors de leur petite escapade dans le manoir des Lothandres, ainsi Ulric ne doutait pas qu’avec leurs compétences et sa magie d’ombre, ce serait un jeu d’enfant. Il avait juste à le convaincre de le suivre dans cette petite aventure… Mais cela non plus ne devrait pas être bien compliqué : le Roi Jaune appartenait de toute évidence à un riche armateur et même si on omettait ce que les mages avaient bien pu y laisser, il devait regorger d’objets de valeur. Et quel genre de voleur refuserait une occasion de se faire un joli magot ?

Ulric approchait de la taverne et continua de presser le pas, ignorant la douleur qui s’éveillait dans ses mollets plaintifs. Il fut bientôt devant et poussa la porte d’un geste brusque.

L’intérieur de la taverne était noir de monde et il en émanait un effluve, mélange d’odeurs de bière bon marché, de transpiration et de renfermé. Comme d’habitude, en somme mais, au moins, l’ambiance était encore assez calme. Il faudrait sans doute attendre la soirée avant que la magie de l’alcool ne commence à faire voler les chaises et les dents.

Ulric tenta de repérer la silhouette de Furet parmi la masse de chaire serrée autour des tables, mais sans grand succès. Sa petite taille le rendait assez facile à distinguer des autres clients de la taverne, en majorité humains bien qu’on pût apercevoir çà et là les oreilles pointues d’un elfe ou la fourrure bigarrée d’un worran. Mais, surtout, elle le rendait bien plus difficile à apercevoir.

(Sois là, je n’ai pas envie de t’attendre pendant des heures !), pensa l’apprenti mage.

Ulric voulait monter son coup le plus vite possible, comme l’équipage du bateau pouvait larguer les amarres à tout moment. Selon le marin qu’il avait interrogé, leur capitaine attendait seulement le retour des mages pour repartir, mais qui savait si ce serait dans un jour ou dans des semaines ? Dans le doute, il devait se dépêcher et une heure passée à attendre que le voleur pointe le bout de son nez serait une heure de perdue.

Soudain, Ulric crût apercevoir une tête qu’il connaissait dans un coin de la taverne, bien qu’il ne la vît que de dos. Des cheveux châtains coupés courts recouvrant une tête vissée sur un coup trop fin pour être celui d’un homme, le tout couronnant une silhouette élancée. Ce n’était pas Furet, de toute évidence, mais Ulric crût reconnaitre là Loutre, une de ses complices. L’apprenti mage avait à peine parlé à la jeune femme lorsqu’ils s’étaient rencontrés mais, si elle était là, Furet ne devait pas être bien loin.

Ulric approcha en tentant de se frayer un chemin entre les nombreuses tablées. Son intuition se révéla être la bonne puisque qu’il découvrit bel et bien Loutre et, caché derrière elle, Furet qui discutaient d’un sujet qui lui échappait à cause du brouhaha de la pièce. C’était parfait !

Le sinari l’aperçu et l’interpella par le surnom stupide qu’il lui avait donné :

« Ecureuil ! Ça fait plaisir que tu sois là ! J’ai bien cru que tu finirais bouffé par une goule à force de te promener dans les égouts, tu vois. »

Il tapota ensuite une chaise vide à côté de lui, avant de reprendre :

« Viens, assieds-toi ! »

« Ça fait aussi plaisir de te voir. », répondit l’apprenti mage en prenant la place qui lui était offerte.

Ce qui était vrai, mais davantage parce que ses talents de voleur lui seraient bien utiles que par sympathie.

« Alors, qu’est-ce qui t’amène ? Si tu veux te faire quelques yus, je suis en train de planifier quelque chose, il me faut juste encore quelques jours pour fignoler, tu vois. Après, tu seras le bienvenu pour participer ! »

« A vrai dire, c’est moi qui voulait t’engager cette fois-ci. »

Le voleur afficha un air surpris :

« Ah ? Comment ça ? Ce n’est pas que je doute de toi, mais ça fait des années que je m’occupe de planifier nos coups avec mes gars. Ça demande de l’expérience, tu vois. »

« C’est justement pour ça que j’ai besoin de toi. Avec ton expérience et le talent de ta bande, ce sera un jeu d’enfant. »


L’apprenti mage espérait que brosser le sinari dans le sens du poil le rendrait plus coopératif, et cela semblait fonctionner puisqu’il afficha un petit sourire. Furet était très fier de ses compétences autant que celle de la petite bande qu’il avait rassemblée autour de lui, Ulric l’avait déjà remarqué, et cet orgueil semblait être le bon levier à activer pour le faire marcher dans le sens qu’il voulait.

« Bien sûr. », commença le sinari toujours souriant, « Mais tu ne m’as toujours pas dit pourquoi tu avais besoin d’aide. Je suis sûr qu’ensemble on saura s’organiser un plan bien propret comme il faut, tu vois. »

Ulric tordit le cou pour jeter un œil à la sale pour s’assurer que personne ne les épiait. Nul ne semblait prêter attention à eux, mais on n’était jamais trop prudent. Ainsi, il se rapprocha de Furet et reprit à voix basse :

« J’ai appris qu’un groupe de mages de Henehar faisait la navette dans un bateau amarrés dans le port. J’ai juste besoin de m’infiltrer dessus pour fouiller leurs quartiers. Ils y ont sans doute laissé des grimoires, des notes, quelque chose qui me serait utile… Le reste du butin sera pour toi, bien entendu. »

« Le reste du butin ? », commença Furet, dubitatif, « Donc, tu ne sais pas exactement ce qu’on y trouvera ? »

Le sinari ne semblait pas mordre à l’hameçon comme prévu, s’inquiéta Ulric, et le sourire sur son visage avait disparu, remplacé par un air pensif.

« Non… », admit l’apprenti mage, « Mais c’est un grand navire marchand, tu y trouveras ton dû. »

« Sans doute. Il y a probablement un beau magot dessus. On pourrait faire une belle casse dessus et tout rafler. On pourrait même partir maintenant et le faire ce soir même, tu vois. »

Bien que le propos fût enthousiasmant, le ton ne l’était pas, et Ulric craignait qu’il n’aimerait pas la suite :

« On pourrait surtout tous finir à la milice le lendemain matin. Tu vois, quand je te disais l’autre jour que le vol est un art, je ne parlais pas juste de piquer des trucs. Juste rentrer chez quelqu’un, mettre la main sur tout ce qui brille et se casser, ça, tout le monde peut le faire. L’art réside dans le fait de ne pas se faire prendre, ni sur le moment, ni après. Et tu sais comment j’ai toujours évité de me retrouver en geôle ? C’est parce qu’au moment où je pose le pied là où je ne devrais pas, je sais déjà ce que je vais prendre, où je vais le prendre et à qui je vais le revendre. Et pour t’aider, je manque d’informations, tu vois. »

« Tu n’as pas besoin d’être aussi prudent. Le port est grand, et la garde ne sait pas tout contrôler. Et le bateau sera pratiquement vide, la nuit. Ce serait passer à côté d’une opportunité que de le laisser filer. », répondit Ulric en essayant de se montrer convaincant.

Loutre, qui s’était contentée d’écouter la conversation jusque-là, prit la parole :

« Tu sais, Furet, ça peut être un bon plan. Si ces mages ont laissé quelques potions ou des fluides en réserve, ça pourrait valoir le coup. C’est facile à déplacer, ça vend cher et, une fois qu’elles sont utilisées, ça ne laisse pas de trace. On n’aura pas le même coup que la fois où le vieux à qui on avait refourgué les bijoux des Sudras s’est fait choper trois ans plus tard et a voulu nous rater à la milice, si tu te souviens. »

Ulric ne s’attendais pas à ce que la jeune femme prenne soudainement son parti, mais ça suffirait peut-être à convaincre le voleur de le suivre dans son projet. Après tout, il la connaissait depuis des années là où il n’avait rencontré Ulric que quelques jours de cela. Son opinion devait sans doute avoir de l’importance pour lui.

« Bien sûr que je me souviens ! Tu ne vas pas t’y mettre, toi aussi ! »

Le sinari se tût, couvrant sa bouche de ses mains d’un air pensif, avant de s’adresser à nouveau à Ulric :

« Bon, disons que j’accepte de t’aider. Dis m’en plus sur ce rafiot. Comment tu sais qu’il est vide, pour commencer ? Tu as déjà fait du repérage ? »

« J’ai interrogé un des marins travaillant dessus. Le gros de l’équipage loge à terre tant qu’il est à quais. Il reste juste le capitaine, son second et un des mages qui passent la nuit à bord. »

« Bien… Mais tu as pensé que le gars que tu as interrogé t’as peut-être raconté des bobards et t’attends à bord avec ses potes en espérant pouvoir se choper une belle prime pour avoir attrapé un voleur ? »

Ulric n’avait effectivement pas pensé que ce puisse être un piège mais, honnêtement, le marin avait semblé bien trop alcoolisé pour improviser un plan de la sorte. Cela lui semblait assez improbable.

« Et ce mage à bord », continua Furet, « tu en sais quelque chose ? Si c’est un novice, pas de soucis, je m’y suis déjà frotté… Mais, si c’est un archimage, il ne faudra pas compter sur moi, tu vois. »

Une bonne question, et c’est vrai qu’il n’y avait pas pensé. Mais si ses confrères l’avaient laissé derrière faire le planton pendant qu’ils allaient accomplir leur tâche, quelle qu’elle soit, c’était bien qu’il devait être le plus sacrifiable, non ? Ainsi, c’est ce qu’il répondit au Sinari.

« Bon, très bien. Je veux bien miser sur ton plan et espérer que j’en tirerais quelque chose, mais… », commença le voleur.

« Mais ? »

« Laisse-moi une semaine pour faire le repérage proprement. J’ai davantage l’habitude que toi, tu vois. »

« Une semaine ? Mais il sera peut-être parti, d’ici là ! », s’indigna l’apprenti mage.

« C’est possible, mais il vaut mieux rater une opportunité que de se faire incinérer ou jeter en taule. On trouvera d’autres occasion de te procurer des grimoires, et moi des yus. »

L’idée de juste se tourner les pouces pendant une semaine alors que le bateau pouvait larguer les amarres à tout instant révulsa Ulric. Un sentiment assez curieux étant donné que, comme l’avait souligné Furet, il n’avait aucune idée de s’il trouverait effectivement quelque chose d’intéressant à bord. Les mages avaient tout aussi bien pu laisser un des leurs à bord pour s’assurer que l’équipage respecterait leur accord et ne repartirait pas sans eux, et non pour protéger un quelconque butin. Mais, maintenant qu’Ulric s’était mis cette idée en tête, renoncer maintenant ou risquer de laisser un potentiel trésor de savoir lui filer entre les doigts serait ressenti comme une défaite.

« Je peux t’aider pour le repérage. A deux, on aura toutes nos infos d’ici demain. »

« Non. Deux personnes en train de fouiner au même endroit serait trop voyant. », commença Furet, « Ecoute, je comprends que ce n’est pas facile d’apprendre ta magie dans cette ville et que tu cherches toutes les opportunités que tu peux, et je veux bien t’aider là-dedans… Surtout que ça me ferait un nouvel associé avec des compétences utiles qui me devrait une faveur… Ma seule condition, je te l’ai dit, c’est : donne-moi une semaine. A prendre ou à laisser. »

Son ton signifiait clairement qu’il n’était plus possible d’argumenter. Soit Ulric prenait patience pour pouvoir bénéficier des talents de voleur expérimenté de Furet, au risque de voir le bateau lever l’ancre dans la semaine, emportant les mages et leurs secrets, soit il tentait le coup seul, se reposant seulement sur lui-même et sa magie bourgeonnante.

« Oublie toute cette conversion. », commença-t-il en se relevant de sa chaise d’un mouvement brusque, « Je suis largement capable de m’y introduire moi-même. »

Furet soupira.

« Très bien… Fais attention à toi, quand même. Et si tu changes d’avis, tu sais où me trouver. »

Suite

Re: La Taverne des Sept Sabres

Posté : sam. 24 mai 2025 12:44
par Marcy
Le bar des indésirables

Sortir s’avère bien plus facile que d’entrer. Des escaliers mènent vers les hauteurs de l’arène. Une fenêtre, puis un saut sur un toit, et Marcy s’éloigne sans regrets du bâtiment abandonné. Elle s’éloigne, petite ombre furtive qui se dirige droit vers les docks. La nuit, le coin est encore plus mal famé. La rouquine redouble de vigilance et préfère passer le moins de temps possible sur les pavés. Elle remarque quelques silhouettes solitaires. Mieux vaut les éviter. Après quelques détours et un arrêt impromptu dû à la fatigue qui la fait chanceler, elle repère la rue de la taverne. Aucune enseigne ici, seuls les habitués et les informés peuvent la trouver. Marcy n’y a jamais mis les pieds, mais elle a passé suffisamment de temps dans la rue pour savoir où elle se trouve. La réputation de cette taverne n’est plus à faire. Repaire de brigands et de meurtriers, c’est un coupe-gorge qu’une femme devrait éviter. Et encore plus une adolescente comme elle. Jean en est bien conscient et Marcy se doute qu’il lui a donné rendez-vous là pour la tester. Voir si elle a du cran.

Elle ignore le garde nonchalamment appuyé contre le mur. Lui l’observe d’un œil critique, mais en fait rien pour l’empêcher de passer. Marcy n’a guère l’air dangereuse. Ni même menaçante. Sans doute pense-t-il qu’elle a perdu l’esprit à entrer là, mais il n’y a aucun échange. La porte s’ouvre et laisse entrer la petite voleuse. La chaleur qui l’envahit la fait soupirer et elle s’ébroue, ravie du changement de température bienvenue. Le lieu est glauque. Il manque un peu de lumière et il n’y a pas l’ambiance qu’on pourrait imaginer trouver dans une taverne classique. Pas de troubadour en train de chanter, pas de danseur sur estrade, pas de rire à gorge déployée. Une foule d’yeux se tournent vers l’adolescente quand elle entre et elle entend quelques murmures alors qu’elle se dirige vers le comptoir. Une femme, seins nus et peau exposée, est en train de se frotter à un client ravi. Un autre tangue dangereusement sur son tabouret. Un homme au visage scarifié joue avec une dague en l’observant. Un frisson la parcourt et elle se hâte vers le bar. Le propriétaire lave un verre, les yeux fixés sur Marcy quand elle arrive devant lui. Elle s’éclaircit la gorge, faisant mine de trouver tout ça parfaitement normal. Son inconfort est malheureusement visible.

« Je cherche Jean, il est là ? »

Un voile de surprise passe sur les yeux du gérant qui lui indique le fond de la salle. Marcy se retourne. Ses yeux balayent la salle puis tombent sur une table bondée, où une chevelure grisonnante attire son attention. Elle remercie le gérant d’un hochement de tête, inspire et avance dans la salle. Elle n’aime pas l’attention qu’elle crée en évoluant entre les tables. Des regards fugaces se détournent bien vite d’elle, mais d‘autres la fixent, tout un tas d’émotions parant les visages de ceux présents. Curiosité, intérêt… envie. Rien qui mette Marcy à l’aise. Elle doute que sa dague dissuade les types présents ici. Beaucoup sont marqués par les rixes et les combats. Tous sont armés. Marcy tient sa main éloignée de son arme, persuadée que cela ne ferait que provoquer ceux au sang trop chaud pour rester calme. Elle avance vite, passant chaque table en évitant de croiser le moindre regard. Elle n’a pas besoin de donner une excuse à qui que ce soit. Lorsqu’elle atteint la table, elle est un peu surprise que personne n’ait dit ou fait quelque chose.

La table où se trouve Jean est couverte de godets, de charcuterie, de pièces étalées et de cartes à jouer qu’elle ne reconnaît pas. Elle n’est pas vraiment surprise que les jeux d’argent se déroulent ici, mais elle n’imaginait pas Jean y participer. Elle ouvre son sac, en sort la boite et, sans un mot, la pose devant Jean, stoppant net le jeu en cours. Le visage du quadragénaire se tourne vers elle, une expression surprise sur le visage. Expression qui se transforme en un sourire, puis par un froncement de nez empreint de dégout.

« Marcy ! Quel bonheur de… tu empestes, ma parole ! »

La rouquine roule des yeux. Une main sur la hanche, elle le met au défi d’en rajouter.

« Ça n’a pas été facile, figure-toi ! C’est bien ta boîte, non ? »

« Absolument… Comment tu as fait ? »

Elle hausse les épaules, jetant un œil suspicieux au reste de la tablée qui observe la conversation sans un mot. Un sourire fleurit de nouveau sur le visage de Jean et il se lève. Contrairement à elle, il est parfaitement détendu. Calme, presque débonnaire, comme s’il savait qu’il ne craignait rien, ici.

« Messieurs, je m’absente quelques instants, le temps de régler cette affaire urgente. »

D’un geste de la main, il fait signe à Marcy. Après avoir récupéré la boîte, l’adolescente suit Jean d’un pas rapide, essayant d’ignorer l’attention portée sur elle. Jean a l’air parfaitement calme et elle n’est pas sûr de trouver ça rassurant. Après un bref hochement de tête vers le gérant, la quadragénaire ouvre une porte sur le côté et invite Marcy à y entrer. Une pièce banale, servant à stocker divers produits, dont de la viande séchée. Jean referme la porte derrière eux et inspecte Marcy, notant enfin l’état de l’adolescente. Couverte de poussière, le visage ensanglanté et sentant les égouts, l’adolescente a connu des jours meilleurs. Jean, lui, est habillé simplement, mais tout est neuf, propre et son attitude est loin de la petite souris apeurée et méfiante que Marcy renvoie.

« On dirait que tu as fait une mauvaise rencontre. »

« Il y avait… quelque chose dans les ruines. Un truc dangereux. »

Elle ne sait même pas expliquer ce qu’elle a vu, mais, étrangement, Jean ne lui en demande pas plus à ce sujet.

« Et tu as quand même réussi à prendre la boîte ? »

Haussement d’épaule, Marcy n’en sachant pas beaucoup plus que Jean. Ce dernier l’observe un instant, pensif, avant de tendre la main. Il récupère la boîte, l’examine quelques secondes. Une moue appréciatrice se peint sur son visage. Puis, il ouvre la boîte et en présente le contenu à Marcy. Des pierres… banales. La rouquine s’indigne avant même de réfléchir à une quelconque explication.

« C’est une blague ? »

« Un peu. Je voulais surtout voir si tu réussirais. Vois ça comme un test. Tu es la première à y arriver ; les autres n’ont même pas réussi à entrer. Comment as-tu fait ? »

« Les égouts… »

Elle marque une pause, puis s’exclame, un peu stupéfaite.

« Comment ça les autres ? »

« Comment ça les égouts ? »

Passée la stupeur face à la réponse de l’adolescente, il éclate de rire. Marcy croise les bras, les lèvres pincées en une expression boudeuse. Elle n’aime pas qu’il se moque d’elle vu les efforts qu’elle a fait pour retrouver cette satanée boîte. Tout ça pour amuser Jean, en plus ! Ce dernier essuie ses yeux embués à force de rire.

« Ah, Marcy, tu es vraiment unique. Bien joué, cela dit. Comme je disais, tu n’es pas la première que je teste, mais les autres sont moins débrouillards que toi. Tiens, comme convenu. »

il lui tend une petite bourse que la voleuse saisit avec avidité avant d’en vérifier le contenu. 100 yus ! Un sourire enfantin et victorieux fleurit sur ses traits fatigués. Elle relève cependant le nez quand Jean enchaîne.

« Vu ton succès, j’aurai d’autres missions à te confier, mais ça attendra un peu. Rentre chez toi, repose-toi et… lave-toi. Tu m’impressionnes, Marcy. »

Fière d’elle, elle bombe le torse, tirant une mimique amusée au quadragénaire qui ouvre la porte de la pièce pour la laisser sortir. Avant de partir, elle lui demande tout de même quelque chose.

« Et comment je saurai si t‘as une mission pour moi ? »

« T’en fais pas, je saurai où te trouver. »

Un peu perplexe face à cette réponse qui n’en est pas vraiment une, elle quitte la pièce après avoir rangé soigneusement sa petite bourse. Elle a tout de même une dernière question avant de sortir pour quitter les lieux.

« C’était quoi cette chose, dans les ruines ? »

Un sourire énigmatique. Pas un mot. Jean rejoint sa tablée qu’il a quitté pour parler avec elle, la laissant sans réponse. Curieuse, mais trop fatiguée pour insister, la rouquine se hâte de quitter les lieux. Maintenant qu’elle a un peu d’argent sur elle, elle a l’impression d’être le centre de l’attention et une cible de choix. Ridicule, puisque personne ne sait qu’elle est désormais plus riche d’une centaine de yus. Mais elle ressent chaque regard comme une fouille approfondie et sort de la taverne avec empressement. Elle ne remarque pas la silhouette encapuchonnée qui la suit quelques secondes plus tard, avant de disparaître sous le couvert de la nuit.
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