Les rues
Le marché était un véritable village au sein même de la Cité Blanche. Un village fait de tentes et d’étals en tous genres, avec ses propres axes principaux et voies étroites dans lesquels s’engouffraient avec entrain une clientèle en mal de dépenses. La plupart des stands proposaient des articles du quotidien nécessaire aux citoyens de Kendra-Kâr : légumes, ustensiles, étoffes colorées ou épices embaumant l’air. Devant ceux-là, Ulric apercevait surtout des femmes faisant leurs courses pour le repas du soir, ou des hommes en livrées de serviteurs chargés de remplir le garde-manger de leurs maitres aristocrates.
D’autres stands proposaient des produits plus exotiques : potions, bâtons, robes de mages, et autres. Il aperçut un elfe vêtu de cuir s’offrir une fiole de ce qui devait être des fluides de glace. C’était si simple, pour certains ! Si seulement les kendrans n’étaient pas si méfiants envers les fluides sombres, cela ferait longtemps qu’il aurait pu commencer à explorer son don.
Ulric passa derrière l’elfe qui terminait de payer sa nouvelle acquisition, profitant de sa grande taille pour balayer les alentours du regard au-dessus de la foule compacte. Il aperçut enfin un stand qui semblait proposer ce qu’il cherchait. Il se fraya un chemin entre les badauds, ce qui n’était pas compliqué, ces derniers se poussant d’eux même de son chemin tout en vérifiant que leur bourse était toujours bien en place.
L’apprenti mage arriva enfin devant le stand : ce dernier proposait diverses étoffes et vêtements, d’avantages destinée aux classes laborieuses de la ville. Des vêtements simples qui ne retenait pas l’attention : c’était parfait. Cependant, le commerçant regardait Ulric d’un œil mauvais, s’attendant sans doute à ce qu’il lui demanda des produits gratuits en guise de bonne action.
« Je ne fais pas la… »
« Charité », le coupa Ulric,
« Je sais. »
Ulric sortit sa bourse pour montrer qu’il avait de l’argent : pas beaucoup, certes, mais il en avait. Il pointa une tunique en lin sans coloration qui pendait dans le fond du stand, ainsi que des braies de laine brune -le genre qui tiendrait sur la longueur- et demanda un prix. Le commerçant lui indiqua une somme -qu’Ulric savait encore payer, par miracle- et ils effectuèrent la transaction sans plus un mot.
Ulric s’éloignât du stand sans un « merci ». Bien que son interaction avec le marchand l’eût énervé, il était aussi soulagé. Il pourrait à nouveau se fondre dans la masse, sans sa vieille tunique déchirée et tachée de sel. Dès qu’il serait de retour à l’auberge, il pourrait s’en débarrasser et, avec les haillons, il laisserait, symboliquement, son ancienne vie derrière lui. Bien que, se dit-il, la symbolique ne changerait sans doute pas grand-chose au fait qu’il avait du sang sur les mains et qu’il y avait des gens en ville qui voulaient très certainement sa peau.
Ce n’était pas que Wilifrid avait été la première personne qu’il avait tué, ni même qu’il ressentait des remords, mais auparavant, il avait au moins son gang pour l’épauler.
L’apprenti mage tenta de chasser ses inquiétudes en repensant aux exercices qui l'attendaient, maintenant qu'il pensait avoir compris comment lancer son sort. Ça valait bien le coup de prendre des risques, si ça lui permettait de développer ses pouvoirs. Et puis, s’il voulait une vie sans risque, il serait resté à Luminion et aurait ouvert une boutique.
Soudain, une voix tira Ulric de ses pensées :
« Hey, grand machin ! »
Ulric se retourna, et découvrit un homme de très petite taille. Ou un très grand sinari ? Il n’arrivait pas à le dire. Le nouveau venu avait d’énormes pieds, mais toujours assez standards pour avoir des chaussures à sa taille, et d’épaisses rouflaquettes brunes encadraient son visage potelé. Un vieux manteaux recouvrait ses épaules et dissimulait à moitié un gilet de cuir par dessous. Il devait faire quelque chose entre 1 mètre 40 et 1 mètre 50, à vue d’œil. C’était trop grand pour un sinari, non ? Pas qu’il en ait vu assez souvent pour en être sûr.
« Surveille ta langue, nabot. »
Il lui lança un regard noir, faisant comprendre qu’il n’avait clairement pas envie d’être emmerdé, mais le potentiel sinari ne se montra pas intimidé. Il avait l’air un peu amusé, même.
« Oh, pardonnez-moi, je ne voulais pas vous offenser. », dit-il avec une fausse révérence dans la voix.
« Je voulais juste parler un peu. »
« Eh bien, tu vois, j’étais en train de vendanger dans le coin », commença-t-il, en employant un argot de voleur pour « couper des bourses » qu’Ulric n’eut pas de difficulté à comprendre,
« et, pour être honnête, quand je t’ai vu passé, la tête dans la lune, je me suis dit « Tiens, voilà une récolte facile, quoiqu’un peu maigre », et j’allais passer à l’action quand j’ai remarqué deux choses. Tu sais lesquelles ? »
« Non. », répondit Ulric, tout en s’assurant que sa bourse pendait toujours à sa ceinture.
Sa bourse était toujours bien là, ainsi que sa dague, mais il garda ses mains dessus, juste au cas où. Le petit homme n’attirait pas sa confiance, en admettant qu’il avait essayé de le voler il y a une minute de ça.
« Tu n’es pas pour les devinettes, hein ? Pas grave, je vais te dire quoi, mais d’abord on va aller se trouver un coin un peu plus calme. »
Vers les rues