IX. 1 Une mission qui se finit bien.
Le voyage de retour jusqu’au village des lutins est beaucoup plus léger. Aucune comparaison avec la présence de nos montures, qui nous permet de voyager plus rapidement, nous n’avons tout simplement plus cette pression de l’ombre de Dicka qui pèse sur nous. Fini les attaques de corbeaux, attirés par la présence de l’ombre. Portés par des Corgy excités de parcourir la forêt, c’est une ruée de chiens qui nous portent, avides de vitesse, de papillon et de tronc d’arbre pour le marquage urinaire. Nous arrivons finalement à l’entrée du village, indiquée par l’épouvandétail. Là-bas, Nadine et Gredin nous attendent et si une brève tension se remarque à notre approche, elle disparaît aussi vite qu’un verre de liqueur de framboise dans les mains du grand-père Odilon, lorsque le rire de Dicka balaie les derniers doutes et que les deux guetteurs retrouvent la panseuse, saine et sauve. Certains des aventuriers semblent pressés de partir et les lutins s’empressent d’apporter des récompenses. D’ailleurs, nombreux sont les lutins qui viennent nous voir, quoi que c’est surtout Dicka et la doyenne et lutins qu’ils viennent voir, mais qu’importe. Leur bonheur est contagieux. La panseuse va justement envoyer plusieurs d’entre eux dans le village et ils arrivent en courant avec de nombreux présents.
La panseuse annonce avec la plus grande simplicité qu’au nom des services rendus aux lutins, elle nous offre chacun une bourse de cinq mille yus. Je défaillis un instant lorsqu’elle annonce la somme. Je n’ai jamais vu une telle somme que ce soit dans mes poches ou dans celles des autres. Je m’apprête à refuser autant d’argent, que déjà un autre cadeau vient encombrer mes bras. Un vêtement, non, un chef d’œuvre d’artisanat m’est proposé, en la présence d’une robe semblable à ceux que j’ai vue sur de nombreux mages plus que qualifiés. Cependant, je ne cesse d’admirer cette robe d’arcane, que je trouve très à mon goût. Deux cailloux nous sont donnés et me souvenant de ma précédente déconvenue lorsque j’ai reçu le message d’aide des lutins, un bref examen me confirme qu’il s’agit-là de deux runes. Un peu encombré, je pose le tout dans mon sac et lorsque je me retourne un nouveau cadeau nous est proposé, enveloppé dans un tissu. Présenté ainsi par Olive et son grand sourire, le présent donne l’impression d’être une sorte de parchemin assez lourd, protégé de l’extérieur. Ce n’est qu’en le dépliant que je dévoile une épée. Dévoué à mon apprentissage de la magie, j’avoue qu’un tel objet ne me correspond pas vraiment.
"C’est heu…très aimable de ta part Olive…cependant…je ne manie que des armes qui m’aident à concentrer ma magie. J’apprécie le geste, mais je me dois de le refuser. Il y a certainement quelqu’un qui en sera plus apte à l’utiliser !" dis-je en refusant le présent.
"Nhaundar, tu savais que refuser un cadeau d’un lutin pouvait porter malheur ?" Rétorque-t-il d’un air malicieux, qui promet des taquineries en cas de refus.
"Fais-moi confiance, accepte-le !" Insiste-t-il en déposant presque de force l’arme dans les mains.
"Bon dans ce cas, je ne peux qu’accepter ce cadeau." Dis-je en prenant l’arme et l’installe sur mon flanc gauche, comme j’ai vu de nombreuses fois Sylve le faire.
En plus de cela, des doses de rétrécissement nous sont proposées, mais pas que. On nous explique qu’il est possible de les utiliser pour retrouver notre taille de lutin durant quelques jours, bien qu’au bout de la troisième dose, en prenant en compte celle qui a été utilisée pour notre aventure, l’effet sera permanent. Une autre idée d’utilisation est de les utiliser sur nos Corgy. Vider ainsi le contenu permettra à l’animal de prendre la taille d’un cheval, nous servant ainsi de monture. A cette explication Le chien qui m’a accompagné jusqu’au village, commence à me lécher le visage et me renifle un peu partout, comme si pour lui la décision était déjà prise de me suivre.
"Re-bonjour toi !" Fais-je en lui caressant le pelage.
"Comment s’appelle t’il ?"
"Haha lui, c’est mange-botte !" Répond Olive élargissant son sourire.
"Mange-botte ? C’est étrange comme nom, pourquoi l’avoir appelé ainsi ?" Dis-je naïvement.
En guise de réponse, le Corgy s’intéresse de plus en plus à mes jambes et mordant mes souliers pour avoir une bonne prise, il part en courant, m’emportant avec lui dans sa ruée.
"Voilà pourquoi on l’appelle comme ça !" Me hurle Olive en se moquant de moi, rapidement rejoint par les autres dans cette tâche si ardue.
La course du Corgy est effrénée. J’ignore si c’est la joie de pouvoir dévorer un soulier étranger, ou si c’est le mien en particulier qui lui plaît, mais toujours est-il qu’il semble vouloir me faire faire le tour du village ainsi. J’ai donc le loisir de faire une balade des environs, je n’ai cependant pas le plaisir de prendre mon temps pour observer mon environnement. En plus de la rapidité de mon guide, l’angle sous lequel j’observe le paysage n’est pas le plus adapté à une visite touristique. Il a néanmoins la décence de courir dans les hautes herbes et les fleurs, ce qui est bien moins désagréable que sur un sol ferme, généreusement garnis de cailloux. Heureusement pour moi, il est rapidement arrêté par un petit lutin, non sans provoquer l’arrêt de l’hilarité et la déception de beaucoup dans le village.
"Je crois qu’il t’a adopté !" Déclare le lutin qui vient de me sauver.
Toujours au sol et le pied enfin libre, je lui adresse un bref signe de la main, éprouvé par la course. Une fois debout, un rapide examen m’indique que mes vêtements ont été déchirés. Je soigne les quelques blessures reçues, tandis qu’une lutine me remercie de petit moment et se propose de recoudre mes vêtements abîmés.
"Hélas, je crains qu’il ne nous quitte bientôt comme les autres !" Déclare Olive en posant sa main sur la lutine.
"Partir ? Oui effectivement, j’ai de nombreuses tâches à entreprendre et nombre de personnes s’inquiéteraient de mon absence. A vrai dire, je crois qu’il y en a plus à qui cela ferait plaisir, mais passons. Il est rare d’arpenter un village lutin et c’est une chance unique que j’ai là. Pourquoi ne pas en profiter au maximum ?" Lui dis-je avant de reprendre.
"Combien de temps encore les effets vont-ils perdurer ?"
Olive se frotte le menton, enlève son chapeau pour brosser ses cheveux, renifle, se gratte l’intérieur d’une oreille, avant de remettre son couvre-chef, baille, regarde l’envol d’un couple d’oiseau, avant de finalement reporter son attention sur moi et de répondre.
"Ha oui le temps d’effet de la potion ! Il n’y a rien de très précis. Cela dépend de l’individu. Ce qu’il faut, c’est de faire attention aux picotis ! C’est l’annonciateur du changement de taille. Si tu es dans le village à ce moment-là, il y aura de la compote de lutin !"
Je ne suis pas très à l’aise avec cette idée-là et prendre un tel risque concernant les lutins m’effraie assez. Pourtant, je n’ai pas envie de quitter de si tôt leur bonne humeur.
"Dans ce cas, je n’aurais qu’à me reposer à l’écart du village ! Il me suffit de seulement deux heures de méditation par jour !"
"Alors retournons au village !" Annonce fièrement Olive.
Je retourne ainsi dans le village des lutins, entouré d’un grand nombre qui me pose de multiples questions.
"C’est parce que tu es vieux que tu as les cheveux blancs ?"
"Tu fais le poirier lorsque tu médites ?"
"C’est parce que tu es resté trop longtemps près du feu, que t’as peau est aussi noire qu’une viande trop cuite ?"
IX. 3 Discussion autour d'une liqueur.