VII. 5 Une rencontre musclée.
Une fois que mes réserves magiques sont revenues, je soigne les blessures de la guerrière avant de refaire le plein et l’aide à enlever les imposants éléments d’armures. Le Garzok est un monstre de muscle et les nombreuses cicatrices qu’il a sur le corps démontrent une vie particulièrement rude.
"Encore une fois, ce n’est pas une bonne idée. Il est clairement dangereux !" S’inquiète une nouvelle fois Sylve.
"Je crois qu’on va bientôt le savoir !" Dis-je alors que celui que nous avons mis à terre commence à émerger. Je me dresse en m’assurant d’être hors de sa portée et tends mon bâton en direction de sa tête.
"Tu comprends la langue commune ?" Sa grimace m’indique que non.
"Et ma langue tu la comprends peau verte ?" Cette fois-ci la réaction ne laisse pas de doute.
"Soyons clair, tu es en vie par mon simple désir. Tente quoique ce soit et je m’assurerais que tu meurs de la façon la plus humiliante. Je te mettrais à terre pour te guérir et recommencer. Maintenant dis-moi, quel est ce… ce village en cendre ?"
Le Garzok me regarde avec perplexité. Cependant sa réaction ne vient pas de ma question, mais d’un élément particulier du traitement que je lui ai promis.
"Me guérir ?" S‘étonne-t-il.
"Tu ne me crois pas ?" Fais-je alors que je tends le bras pour mobiliser ma magie lumineuse et soigner une petite estafilade sur lui.
"Arrêtes !" Grogne-t-il finalement avant de poursuivre.
"Comment est-ce possible ? Une peau noire avec de la lumière en lui ?"
"C’est moi qui pose les questions !" Fais-je en montant le ton.
"Ce village, c’était un village de Garzoks et il a été détruit par d’autres. Pourquoi ?"
Il ne semble pas d’accord pour parler, alors je tends ma main vers une de ses blessures ce qui le fait réagir immédiatement.
"D’accord, d’accord ! Nous sommes…nous étions la tribu des loups de sang. Nombre des nôtres sont morts sur le champ de bataille, pour la gloire d’êtres qui n’ont aucune estime pour ses soldats. Nous avions pris la décision de fuir la guerre et de trouver un lieu pour nous installer, mais ils nous ont retrouvés." Explique-t-il.
(Donc il y a un groupe de Garzoks armé dans la région ! Ce n’est pas bon.)
Sylve qui ne comprend pas ma langue sollicite des explications.
"Il prétend que lui et les siens ont fuit l’influence d’Oaxaca pour s’installer ici, mais ils ont été rattrapés par un groupe armé, certainement ceux qui ont laissé les empreintes que tu as remarquées." Lui dis-je.
"Des ennemis sont présents ? Il nous faut des détails !" S’inquiète-t-elle.
Je reporte mon attention sur notre prisonnier et reprend l’interrogatoire.
"Parle-moi de cette troupe. Je veux tout savoir, nombre, armement, chef, tout !"
"Nous étions poursuivis par une expédition punitive principalement composée de mon propre peuple. Il devait y avoir quelques archers ainsi que des mages Shaakts. Ils étaient menés par une peau noire avec une arme étrange, comme un fouet je crois. Nous pensions les avoir semés et après notre installation je suis parti explorer les environs. Quand je suis revenu le village était en cendre et que je vous ai vu, j’ai immédiatement pensé que vous faisiez partie des responsables." Explique-t-il.
Les détails sont intéressants et d’après ce que je peux voir sur son visage, les muscles sont détendus et son pouls n’a pas l’air de s’accélérer : il ne semble pas mentir. Cependant je commence à perdre le fil des informations lorsqu’il est mention d’un leader armé d’un fouet étrange. Sylve remarque que mon état subit d’importantes perturbations. C’est à peine si je le ressens, mais tout mon être est parcouru de tremblement et des sueurs parcours déjà tout mon corps, tout comme ce long frisson glacé le long de ma colonne vertébrale. La guerrière attire mon attention, mais je me focalise sur le Garzok. Je veux m’assurer de la véracité de mes craintes qui altèrent mon comportement calme du début, en une agressivité injustifiée.
"Ce leader, qui étais-ce, un homme, une femme ? Son nom ?" Fais-je les yeux sortant de leurs orbites.
"Aucune idée ! Tu auras beau faire tout ce que tu peux je ne peux révéler ce que j’ignore ! On ne m’a que rapporté les faits de nos éclaireurs !" Répond-t-il calmement en portant un regard triste sur les décombres de son village.
Sylve multiplies les secousses pour m’arrêter, mais tout comme moi elle s’interrompt brusquement. Mes clochettes sonnent et alors que je porte instinctivement mon regard sur elle. La guerrière a se regard si particulier lorsque son ouïe fine détecte un bruit anormal, ou même dangereux et visiblement cela vient de derrière. Mes clochettes ne sont pas là pour la décoration. Jusque-là, elles m’ont permis de protéger un être cher d’un danger imminent. C’est ce désir de protéger Sylve qui me pousse à l’entourer d’une armure de pierre avec un minimum de magie terrestre. L’instant suivant, un lien métallique entoure son coup puis se resserre avec force. Sans mon armure, sa tête volerait avec légèreté. Au lieu de cela, la semi-elfe n’est que renversée en arrière.
Mué par un réflexe de défense, je me retourne pour faire face à un unique adversaire et sans prendre le temps de le détailler, je lance une première boule de feu avec un minimum de mana au sol, pour projeter un bref écran de sable et enchaîne avec le même sort, mais cette fois-ci en usant de toutes mes ressources infernales sur l’individu. Il se prend le coup de plein fouet et recule de plusieurs pas en arrière. Désormais à bonne distance, je peux mieux détailler ce sournois assassin.
Il porte une armure de cuir particulièrement sombre avec des reflets violets, tandis que le contour semble composé d’or pur. Le métal qui a attrapé ma camarade est un fouet composé d’une multitude de pièces de métal reliées ensemble comme une longue chaîne. Seul le manche qui sert à manier l’arme est en cuir. Quand à sa tête, elle est enfoncée dans une capuche dissimulant son visage. Seuls ses yeux violets de Shaakt sont visibles et lorsque nos regards se croisent, ils s’écarquillent comme jamais je ne l’ai vu avant sur un être vivant.
"Toi ! Misérable chien, tu es donc encore en vie !" Fais une voix féminine venant de l’elfe noire qui nous fait face.
"On se connait ?" Fais-je en usant également dans ma langue natale, tandis que ma voix se fait tremblante.
"Ho que oui !" Répond-elle en découvrant lentement son visage.
"Et tu maudiras le jour où je n’ai pu te tuer !"
Je comprends mieux ce sentiment de peur qui m’animait. Il s’agit d’un lieutenant de mon ancienne maîtresse à Omyre. A ma connaissance, la seule chose qui soit parvenue à lui échapper, c’est moi. Ce visage me rappelle tant de souvenirs douloureux auprès de mon ancienne maîtresse, la torture, la faim, le froid de mon cachot et d’autres atrocités subies durant des décennies aux services de cette odieuse Shaakt. Ces souvenirs douloureux refont surface au plus mauvais moment.
"De gré ou de force tu me suivras ! Alors fais-moi plaisir et résiste !" Déclare-t-elle en lançant son fouet dans ma direction.
Les éléments métalliques du fouet se déploient pour atteindre une longueur disproportionnée et permettant de m’atteindre d’aussi loin. Cependant l’arme se stoppe net en rencontrant une des lames de Sylve qui s’est dressée pour me protéger.
"J’ignore qui vous êtes, mais visiblement vous ne semblez pas une bonne connaissance de mon ami." Déclare la semi-elfe provoquant la stupéfaction de la Shaakt.
"L’avantage avec les armes, c’est qu’elles se comprennent dans toutes les langues !" Hurle-t-elle en fonçant sur notre ennemi.
Le combat fait rage entre les deux femmes, mais je sais de quoi est capable cette femme venue des tréfonds de mon passé et elle se joue de la guerrière avec un plaisir horrifiant. Je devrais aider Sylve, mais je n’y arrive pas. Mon esprit hurle de bouger, mais mon corps est une pierre immobile. Les souvenirs me hantent et sont un mur infranchissable avant d’espérer le moindre mouvement de mon corps. Mon pouls s’accélère, de même que ma respiration, puis c’est ma poitrine qui me fait un mal de chien tandis que mon corps entier tremble. A côté de moi et malgré les blessures qui l’handicape grandement, le Garzok se relève péniblement.
"Que…que fais-tu ?" Dis-je terrifier.
"De ce que je comprends, c’est cette femelle peau noire qui a massacré les miens et je compte bien lui rendre la pareille !" Répond-il.
"Tu n’es clairement pas…en état de…de te battre !" Fais-je en cherchant à contrôler mes tremblements.
"Nous avons fui pour vivre et combattre libre ! Si je dois mourir, se sera en tant qu’être libre ! Va, fuis et laisse cette femelle peau blanche se battre seule si tu en as le courage !"
(Bon sang, mais que m’arrive-t-il ? J’ai affronté tant d’épreuves depuis ma libération et voilà que je perds tous mes moyens dès que mon passé surgit !)
Alors que le Gazrock peine à se mouvoir à cause de ses multiples blessures, la Shaakt semble en avoir assez de ce petit jeu avec Sylve et montre ses véritables capacités. La semi-elfe fait preuve d’une défense exemplaire, mais la différence de force va briser son endurance.
(Allez bouge !)
Sylve n’arrive pas à suivre les multiples agressions du fouet et se voit obligée de reculer petit à petit devant le sourire carnassier de l’elfe noire.
(Ne reste pas à ne rien faire. Bouge !)
La Shaakt augmente la vitesse de ses frappes et profite d’un moment de faiblesse pour désarmer une des lames de la guerrière.
(Ne te laisse pas dominer par ton passé et agis !)
La semi-elfe glisse et pose un genou à terre tandis qu’elle subit sans interruption les puissantes attaques de son adversaire qui la fait ployer. Un nouveau coup du fouet métallique attrape la lame pour la désarmer. Ma clochette se met à sonner, signalant un danger imminent pour Sylve et un dernier avertissement pour agir.
(Maintenant !)
Ce signal d’alerte est le déclencheur qui me permet de bouger à nouveau. Alors que le Garzok halète comme un bœuf sans être capable de bouger sa propre masse, je mobilise mes fluides terrestres pour projeter un pilier de pierre avec toute la magie que je suis capable de générer pour frapper la Shaakt. Le coup la touche de plein fouet au torse et la projette au loin. Avant de retrouver la guerrière, je laisse mon sac au Garzok et lui explique la raison.
"A l’intérieur il y a un étrange objet rayé rouge et blanc. C’est un sucre d’orge magique. Mange-le et il te guérira sans avoir recours à la magie blanche ! Tu as ma parole !"
Suite à quoi je me précipite vers la semi-elfe et me place de sorte à prendre les coups à sa place.
"Le petit chien a appris à montrer les crocs pour sauver sa nouvelle maîtresse ? Tu as finalement appris à maîtriser ta magie. La dame sera heureuse de l’apprendre. Tu te souviens d’elle et de vos activités n’est-ce pas ?" Déclare-t-elle, mais je sens désormais que c’est une provocation qu’elle fait. Elle cherche à me déstabiliser pour m’atteindre plus facilement.
"J’ai essayé de chauffer son arme, mais on dirait qu’elle est résistance au feu !" M’explique Sylve toujours un genou au sol.
"Une protection ignifugée !" Fais-je presque ravi de voir une manifestation magique qui est peu commune.
"J’ai entendu parler de protection élémentaire, mais je n’en ai jamais vu jusque-là ! Tu as une blessure particulièrement sévère ?"
"Oui à la cuisse, mais j’ai utilisé tes sorts de soin durant le combat contre le Garzok." Me répond-elle.
Faisant attention à la Shaakt, je mobilise mes fluides lumineux pour résorber autant la blessure qu’il m’est possible de le faire.
"Comment ?" S’étrangle l’elfe noire.
"La magie blanche ? Tu as renié tes dieux ?" Fait-elle en maniant rageusement son fouet dans ma direction.
"Pas seulement." Lui dis-je.
"J’ai prêté allégeance et fidélité à la république d’Ynorie ! J’ai déjà commencé à œuvrer pour la milice, mais je compte bien faire davantage au nom de la déesse Gaïa !"
"Misérable larve !" Grogne-t-elle en s’élançant rageusement vers moi.
Elle manie son fouet avec rapidité, mais ne rencontre que la lame protectrice de Sylve qui s’est dressée pour me protéger. Enroulée autour de l’arme de la guerrière, j’ai tout le loisir d’envoyer une boule de feu majeur sur la Shaakt en pleine poitrine. Même si elle s’est protégée avec ses gants ignifugés, elle n’est clairement pas sortie indemne.
"Sylve, il faut que tu…" Dis-je avant d’être interrompu.
"T’inquiètes pas j’ai compris. Je peux l’occuper pendant que tu fais le plein !" Déclare la guerrière qui commence à bien comprendre les problèmes que rencontrent les mages purs et qui cerne mieux mon style de combat.
Alors que je mobilise les esprits environnant pour retrouver mes ressources grâce au sort contenu dans mes gants, Sylve rejette l’arme de notre adversaire pour éviter de se faire désarmer. Le combat fait rage entre les deux femmes, mais le temps qui m’est alloué me permet d’augmenter mes réserves et c’est aux trois quarts de mes ressources désormais que je me mêle à la danse.
Nous n’en sommes pas à notre premier affrontement avec Sylve et avec le temps, nous avons appris à reconnaître le style de combat de l’autre et à nous y adapter. En fine bretteuse, la guerrière reste au corps-à-corps et accentue l’attention sur elle en ondulant sa position de gauche à droite. De mon côté, je joue avec les déplacements de la guerrière qui me laisse des ouvertures grâce à ses mouvements de penduliers. Mes sorts ont beau être générés avec un minimum de magie pour privilégier l’endurance de mes ressources, leurs multitudes les rend efficaces. Qu’ils échouent ou non, Sylve profite de chaque occasion pour acculer encore notre adversaire. Cependant avec le temps, je vois bien que globalement nous n’arrivons pas à prendre le dessus. Profitant que je rassemble mes énergies magiques, la Shaakt passe à l’offensive et rompt notre formation. Les coups pleuvent sur nous et m’oblige à user de sorts de protections.
"Tiens bon jusqu’à l’arrivée des renforts !" Fais-je à la semi-elfe.
"Des renforts ? Mais où ça ?" Déclare-t-elle qui doute soudainement de ma santé mentale.
En lieu et place d’une longue explication, peu appropriée dans ces circonstances, un cri de rage survient. Ce même cri qui nous a tétanisés Sylve et moi lorsqu’il nous était adressé, nous laisse encore des séquelles psychologiques avec un frisson sur l’ensemble de notre corps. Pourtant ce n’est pas contre nous qu’il est adressé. Preuve à l’appui, la masse énorme du Garzok charge comme un troupeau de Brok'nud à lui seul et force l’elfe noire à esquiver un piétinement ravageur. Un nouvel intervenant entre dans ce conflit. Cependant s’il devait être un l’atout qui nous manquait, ses coups très puissants manquent non seulement de précision, mais notre ennemi commun fait preuve d’une intelligence du combat particulière en se déplaçant de sorte que nous nous gênions les uns les autres. Le Garzok, et son imposante carrure, empêche la guerrière de se positionner correctement et cela rend mes interventions plus compliquées, m’obligeant à prendre du recule.
Cependant il s’avère que ce n’était que le prélude à une véritable montée en puissance de la Shaakt. Renonçant à frapper avec son fouet l’espace d’un instant, elle scinde son arme en deux de même longueur, mais d’épaisseur moins importante. L’effet est quasi immédiat. Bien que les coups soient portés avec moins de poids, l’utilisation d’une arme plus maniable dans chaque main est effroyablement efficace. Les coups pleuvent tandis qu’elle esquive avec aisance les assauts contre elle. J’ignore comment le Sylve et Garzok le perçoivent, mais de mon point de vue éloigné le combat tourne clairement à notre désavantage.
(Bon sang réfléchis ! Tu ne peux certes pas utiliser ta magie comme tu le fais d’habitude, mais il y a bien un moyen d’agir ! La brûlure sournoise est peu efficace à cause de ses gants. J’en sais assez sur elle pour oublier la torture mentale. Elle possède une tolérance à la douleur particulièrement travaillée ce qui va rendre ma torture mental moins utile. Mon sort de corruption ne fonctionne que sur les techniques employant les ressources internes et ne nous sera pas d’un grand secours. Je vais devoir trouver un autre moyen, un autre type de magie psychique pour l’atteindre. Bon réfléchis. C’est une guerrière accomplie. Elle est agile, puissante, sournoise, les sens dangereusement aiguisés…)
Je m’arrête quelques instants avec cette notion de sens dans l’esprit.
(Je suis parvenu à pénétrer l’esprit des individus pour accroître leurs peurs et les empêcher d’utiliser leurs capacités. Techniquement si j’atteins ses sens, je pourrais user de ma magie pour les influencer !)
Avant de passer à l’action, je recouvre à nouveau les trois-quarts de mes réserves magiques et rassemble mes fluides pour les envoyer dans la tête de l’elfe noire, comme je le fais habituellement pour mon sort de corruption. Ma magie pénètre la tête de ma cible et change ma perception de mon environnement. Je perçois toute l’activité présente, mais seule la partie concernant les sens m’intéresse. Je n’ai guère le temps pour m’intéresser à tout cela et focalise mon attention sur le plus évident : les yeux. Une sorte de lien est présent et se dirige à l’arrière de la tête. Ayant déjà perdu du temps, j’immisce mes fluides dans cet étrange lien et y perturbe l’activité.
Ma magie m’obéit avec une aisance qui fait gonfler mon égo. Cependant de retour à la réalité, si les effets de mon interaction semblent présents, cette Shaakt ne semble pas être tant gênée que cela. Soit elle est capable d’agir avec une gêne visuelle, soit elle use de ses autres sens pour se repérer. Elle sent que quelque chose ne va pas et intensifie ses attaques sur ses deux opposants.
Dans ce cas je retente l’expérience avec rapidité et me focalise sur l’activité autour de ses oreilles. Un lien est également présent, mais à ma grande déception il ne se rend pas au même endroit. Je fais de même avec les autres sens et un rapide constat se fait : il me sera possible d’attaquer qu’une seule et même zone en agissant ainsi. Alors que je sonde l’intérieur de sa tête, je perçois que les interférences visuelles que j’ai causées se sont déjà estompées. Il est inutile d’agir sur l’un puis l’autre, je dois œuvrer sur les autres en même temps.
J’ai perdu du temps plongé dans mes observations magiques et alors que je regarde avec mes propres yeux, je remarque que la Shaakt perçoit dans mon attitude en retrait, que je manigance quelque chose et cherche à se frayer un chemin dans ma direction. Je ne peux me permettre d’agir avec trop de précautions. Je mobilise à nouveau mes fluides dans la tête de ma cible et infuse ma magie dans chacun des liens, pour perturber sa perception venant de ses sens. Je transforme mes fluides pour qu’ils se fondent dans ce lien que je perçois et perturber ainsi sa perception sensorielle.
Mon sort semble affecter la Shaakt car une fois que je reprends le court réel des choses, une intense contrariété est palpable sur son visage. L’elfe noire comprend que je m’attaque à elle et que petit à petit cela l’affecte de plus en plus. Cependant mes efforts ne semblent pas encore suffisants car elle continue de se battre comme une dément. D’ailleurs elle se rue sur moi et reçoit un puissant coup du Garzok qui la déporte de la zone de combat et lui ouvre un champ libre pour m’atteindre.
Je n’ai que le temps d’une ultime tentative pour complètement chambouler sa perception de l’environnement et je décide de mettre le paquet en usant du maximum de mana que je suis capable de générer. Mes fluides pénètrent dans sa tête à la recherche de ces fameux liens sensoriels, que je retrouve facilement à présent.
(Bon quitte à embrouiller ses sens, autant les transformer en un champ de fleurs après le passage d’une tribu de Garzoks ! Ma belle, tu vas connaître le plaisir de sentir par les pieds !)
Plutôt que de parasiter les liens sensoriels, je change leurs trajets de chacun pour qu’ils atteignent une destination différente. Ainsi elle aura beau avoir les sens les plus développés, elle sera incapable d’y faire face sans subir d’importants changements. Durant ma précédente tentative, ma magie s’est transformée pour ressembler à ces étranges liens entre les éléments sensoriels, comme le nez ou les oreilles. Il m’est désormais facile de changer la nature de mes fluides qui s’immiscent dans la tête de la Shaakt. Prenant le contrôle de chacun des liens, je les redirige à l’aide de ma magie là où un autre lien aurait dû se rendre. Ainsi, l’elfe noir peut sentir par sa peau, voir par son nez, entendre par sa bouche, goûter par les oreilles et avec le toucher grâce à ses yeux.
L’effet est immédiat et la terrible guerrière se vautre lamentablement au sol en me manquant d’un bon mètre. Même si j’ignore que son cerveau fait un travail colossal pour trier les informations et les remettre dans l’ordre, la réalité est suffisamment déformée pour qu’elle ne devienne plus cette guerrière émérite qu’elle était il y a peu. A mon tour de me délecter de sa faiblesse, mais c’est un jeu auquel je ne suis que novice et la première leçon que j’en tire est qu’il ne faut pas se laisser dominer par sa suffisance. Malgré sa faiblesse, l’elfe noire use de ses fouets pour brasser l’espace autour d’elle et m’atteindre aux jambes en me faisant lourdement tomber au sol. Le sol tremble, mais ma chute n’en est pas la raison. Alors que Sylve vient à mon chevet, le Garzok charge comme un dément, le corps mutilé par d’innombrables lacérations plus ou moins profondes et la frappe de toutes ses forces. Cette fois-ci, la Shaakt oppose bien moins de résistance qu’auparavant et reçoit deux autres puissants coups qui la font tomber au sol tandis que ses deux fouets gisent à plusieurs pas d’elle.
Je reste stupéfait face à ce déferlement de puissance. Le colosse vert ne cesse d’harceler sa proie et contre toute attente son adversaire se redresse, saute à bonne hauteur et percute le guerrier d’un puissant coup de ses deux pieds réunis. Le coup est précis et perturbe l’équilibre du mastodonte qui se voit emporté à quelques mètres de sa cible. Mon sort ne semble plus lui faire effet. De notre côté, nous avons le loisir d’observer la femme dans un état lamentable. Son corps est particulièrement ensanglanté. Un de ses bras paraît inutilisable, une jambe est grièvement blessée et elle possède également une large plaie au thorax. Sa respiration est haletante et son regard résigné. Le Garzok se relève et charge à nouveau sur elle. Cependant l’elfe noire adopte une nouvelle stratégie et éclate au sol un objet qui génère un épais nuage gris et la fait disparaître de notre vue. Le monstrueux guerrier brasse le nuage devant lui de sa hache, mais ne rencontre que la résistance du vent. Au bout de quelques secondes le nuage disparaît, frappé par une brise, ne laissant plus aucune trace de l’elfe noire. Ne restent que ses deux fouets qui attestent de sa présence plus tôt et face à l’incapacité de prendre sa revanche, le Garzok hurle à nouveau de rage.
VII. 7 Se dire au revoir.