La Forêt des Loups Blancs

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Yuimen
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La Forêt des Loups Blancs

Message par Yuimen » mar. 24 juil. 2018 20:22

La Forêt des Loups blancs

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La principauté d'Henehar est bordée, à l'Est, par une forêt de conifères qui s'étend tout le long des chaînes de montagne qui marquent la frontière avec le Matriarcat de Gwadh. Si ces terres et cette forêt est théoriquement sous le contrôle d'Henehar, ce sont en pratique les tribus de phalanges de Fenris y vivant qui y imposent leur loi. Au sein de cette forêt n'a été fondé aucun hameau vassal d'Henehar et seuls quelques miliciens de la ville sont autorisés à y passer de temps en temps pour vérifier que les Shaakts se tiennent tranquilles de l'autre côté.
Le nom de la Forêt fait référence à la propension de loups blancs vivant là et au rituel mis en place par la quasi-totalité des tribus, qui gardent les peaux et s'en servent comme déguisement au sein de cette forêt... de façon assez trompeuse.
Cette forêt est couverte de neige la majeure partie de l'année (lorsque ce n'est pas simplement un blizzard qui y souffle) : les rares sentiers y sont donc bien souvent cachés dessous. Entre le climat, les phalanges de Fenris, la faune et, si l'on se perd trop loin vers l'Est, les Shaakts, les dangers sont nombreux et mortels. En outre, la région n'est pas cartographiée en détail et le relief y est particulièrement traître : quelques crevasses et falaises d'une dizaine de mètres de haut parsèment la forêt...
Bon courage.

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Ahrroë
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Re: La Forêt des Loups Blancs

Message par Ahrroë » jeu. 2 avr. 2020 19:49

Lorsque, enfin, la lisière de la forêt est franchie, Claire serre les deux poings devant elle, victorieuse.

« Gaïa soit louée nous sommes à l'abri du vent ! » se réjouit-elle sous le regard amusé d'Ahrroë.

Il leur aura fallu presque cinq jours pour traverser la plaine malgré un temps relativement clément pour l'endroit. Le voyage ne fait que commencer, mais protégées par les arbres et ayant maintenant accès à une réserve illimitée de bois leur confort s'en trouve grandement amélioré. Sans compter la possibilité de poser quelques pièges la nuit en espérant attraper quelques proies pendant leur sommeil. C'est cependant tout autre chose qui enchante la vagabonde.

« Aaaaaaaah, je peux le sentir, on va enfin avoir de l'action ! »

L'érudite lui jette un regard moribond.

« Génial, on va se faire capturer et violer par des tribus entières de Phalanges de Fenris, » lâche-t-elle d'une voix plate.
« Mais non ! » la rassure la sauvageonne. « Tout va bien se passer, je suis là. »
« Malgré tout le respect que j'ai pour toi Ro, excuse-moi si je doute de ta capacité à nous défendre face à une vingtaine de guerriers entraînés alors qu'il y a une semaine tes blessures se rouvraient simplement en faisant quelques mouvements brusques. »

L'intéressée hausse les épaules, pas inquiétée pour un yu.

« C'que t'arrives pas à comprendre c'est qu'il y a toujours pleeeeeeeeein de façons de se tirer d'une situation de merde, » philosophe-t-elle en enjambant une souche morte.
« Oh, et quelle est ta façon de nous tirer toutes deux vivantes d'une embuscade tendue par plusieurs guerriers familiers d'une région dans laquelle tu poses le pied pour la première fois, au juste ? » ironise son amie.
« Aucune idée ! » se réjouit l'autre. « C'est ça le plus drôle, faut toujours improviser ! »

L'érudite lève les yeux au ciel, ne partageant pas l'enthousiasme de sa compagne de route, mais ne dit pas un mot. Pour autant, et malgré toutes ses protestations, elle continue de la suivre. Sans bien comprendre elle-même pourquoi elle fait tant confiance à cette étrange femme qu'elle ne connaît que depuis deux semaines.

Leur chemin continue ainsi quelques heures alors que les rayons de soleil traversant les branchages s'amenuisent. Lorsque ceux-ci ont pratiquement disparus, Claire fait signe à Ahrroë de s'arrêter.

« Le terrain est accidenté dans cette forêt, on ferait mieux de se préparer pour la nuit, » conseille-t-elle.

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Ahrroë
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Re: La Forêt des Loups Blancs

Message par Ahrroë » ven. 3 avr. 2020 05:24

Pour la troisième fois depuis qu'elles sont entrées dans cette forêt, la nuit tombe ; aucun signe de Phalanges de Fenris jusque là, au grand bonheur de Claire et au grand dam d'Ahrroë. Si le temps est plus clément entourées ainsi de barrières naturelles, chaque soir est pour la première un sujet d'inquiétude, les deux voyageuses devant toujours impérativement faire des feux, aisément repérables dans ce territoire hostile, pour se maintenir suffisamment au chaud comme pour cuire les oiseaux et lapins qu'elles parviennent à attraper.

Cependant, si un feu est visible en ce début de soirée, ce n'est pas le leur. Une odeur de fumée est portée par le vent alors que les deux jeunes femmes parcourent ce qui devrait être leurs derniers mètres avant de monter le camp et quelques bruits anormaux se font entendre dans la même direction.

« Bizarre, » commente sobrement et doucement Ahrroë en remarquant ces signes.

S'étant dirigées avec plus ou moins de succès en direction du nord très rapidement après avoir pénétré la forêt, elle n'imagine pas croiser une véritable installation de Phalanges si près de la lisière. Mais pour qu'elles sentent une telle odeur de fumée avant d'en voir le foyer alors que leur vision est partiellement dégagée en cette partie encore peu dense des lieux, la conclusion naturelle lui venant en tête est celle d'un vrai campement et non du bivouac d'une petite patrouille comme il serait logique d'en trouver dans les alentours. Théorie renforcée par l'hétérogénéité des sons arrivant jusqu'à elles, lui laissant imaginer la présence de nombreuses personnes peu discrètes plutôt que de quelques voyageurs ou éclaireurs furtifs.

« Ca m'fait penser à un camp militaire, » continue-t-elle en se tournant vers Claire. « Mais j'croyais que les armées foutaient pas les pieds ici ? »

L'érudite hoche la tête avec vigueur, comprenant le questionnement de son amie.

« Cela ne me dit rien qui vaille, nous devrions contourner amplement. »

Face à la prudence de l'académicienne, Ahrroë affiche un sourire vaguement moqueur.

« Ca y est, tu t'chies dessus ? » taquine-t-elle, attirant un roulement d'yeux à l'intéressée.
« Henehar n'enverrait jamais ses troupes ici, ils pourraient venir de Gwadh, » justifie-t-elle. « Même toi n'as pas envie d'être capturée par des shaakts, crois-moi. »

La sauvageonne hausse les épaules.

« Déjà fait, » balaye-t-elle. « Donc je sais d'expérience que les shaakts font pas autant de bruit en territoire ennemi. »

Visiblement anxieuse, Claire lâche un soupir d'agacement.

« Qui que ce soit, qu'ils soient aussi désinvoltes dans cette forêt est le signe que nous devrions les éviter. »

Nouveau sourire de la vagabonde.

« Mais t'es pas curieuse ? » demande-t-elle, les yeux pétillants. Puis ajoute, sans attendre de réponse : « Allez, on va voir ! »

Ni une, ni deux, elle se tourne dans la direction du fameux campement et s'avance d'un pas décidé, laissant son amie paralysée par la stupéfaction. Et avec un choix cruel : rester seule dans un lieu potentiellement dangereux ou l'accompagner vers un lieu sans aucun doute dangereux. Evidemment il ne lui faut pas longtemps pour rattraper Ahrroë en courant.

Au bout de quelques minutes de marche, l'origine de la fumée se dessine devant elles alors que les bruits se changent en brouhaha. Un énorme feu de camp illumine les alentours jusqu'à plusieurs centaines de mètres de distance malgré les arbres et il devient de plus en plus évident que les voix et autres sons viennent d'un véritable peloton. Et lorsqu'enfin elles arrivent à bien discerner les contours du campement, la scène prend tout son sens pour la vagabonde. Au milieu d'une clairière, cinq chapiteaux sont montés devant un très grand foyer trônant au centre, une bonne vingtaine d'hommes en armures légères, diverses et dépareillées se réchauffant en mangeant et buvant avec une insouciance insolente. Plusieurs charrettes étrangement cubiques sont entreposées un peu partout autour d'eux et recouvertes d'un tissu. Il n'en faut pas plus à Ahrroë pour laisser tomber son paquetage près d'un arbre.

« Des braconniers. Reste-là. »

Claire la dévisage quelques instants, affolée. Jamais elle ne l'a vue avec un visage si grave. Il n'empêche qu'à une contre - au moins - vingt, même en pleine possession de ses capacités ce n'est rien d'autre qu'un suicide. Alors... blessée ?

« Non ! » la retient l'académicienne d'une voix basse mais ferme. « Tu vas juste te faire tuer ! »

La vagabonde la regarde avec surprise.

« Bien sûr que non, » répond-elle le plus naturellement du monde. « Je vais les tuer. »

Et, échappant à l'emprise de son amie d'un coup d'épaule, se dirige vers le campement.

« Mais si tu me suis on s'fait toutes les deux violer jusqu'à la mort, » prévient-elle sans se retourner.

Elle n'est pas peu fière de son effet. L'art et la manière de couper un débat, sa mère le lui avait toujours dit. Ou reproché, selon les situations.

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Ahrroë
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Re: La Forêt des Loups Blancs

Message par Ahrroë » sam. 4 avr. 2020 01:13

Il y a toujours plein de façons de se tirer d'une situation de merde. Ne reste qu'à trouver laquelle. D'autant qu'aussi irresponsable soit-elle, Ahrroë sait que si elle y passe Claire est foutue.

( Incroyable de pas savoir se défendre à son âge, ) se plaint-elle mentalement.

Elle s'approche lentement de la clairière, restant le plus loin possible pour rester hors de vue mais suffisamment près pour avoir une vue d'ensemble des lieux.

( Sont presque tous ronds comme maman dans une cave à vin, ) observe-t-elle en voyant quelques hommes tituber. ( Ou comme moi dans une cave à vin. )

Puis entreprend de les compter plus précisément. Un humain qui fait distraitement le guet non loin d'elle. Un, deux, trois autres plutôt sobres en train de nourrir les un, deux, trois... dix chevaux, détachés de leur attelage et paissant à l'opposée de la clairière. La vagabonde contourne quelque peu, changeant d'angle de vue pour mieux se faire une idée de l'ensemble. Cinq autres sont bourrés, près du feu, assis en tailleur ou sur des rondins de bois. Un dernier, sobre, se tient à l'écart, installé sur une souche d'arbre. Son armure est belle. Plus complète. Le chef.

( Cinq humains sobres, cinq bourrés, ) comptabilise-t-elle.

Deux garzoks. Pas sobres du tout. Mais même bourrés, ça fait bien quatre-cent livres de viande. De viande sans gras. De viande lourdement armée. Un elfe gris. Dans son coin. Visiblement sobre aussi. Grimace. Ca a l'ouïe fine ces saloperies. Ou c'est les blancs et eux c'est la vue ? Elle s'en souvient jamais.

( Dans l'doute on va essayer de pas trop faire de bruit. Et de surtout pas sortir de l'ombre. )

Un humoran. Bien clair, probablement d'origine tigrée. Bourré. Tout ça près du feu, encore.

( Pourquoi y font comme chez eux, j'croyais que tout le monde avait peur des Phalanges de Machin ? ) se demande-t-elle.

En tout cas c'est à son avantage. Reste quatre nains. Et trois petites merdes vertes, autrement connues sous le nom de gobelins. Ou sektegs. Mais elle préfère petites merdes vertes. C'est plus marrant. Sans surprise, ils ont tous bu. En fait les petites merdes vertes piquent déjà du nez.

( En même temps ça fait vingt livres ces saloperies, ) songe-t-elle en retenant un ricanement. ( C'bien des p'tites merdes vertes. )

Elle continue son petit tour quelques secondes pour vérifier les angles morts. Rien en vue. C'est l'heure du bilan.

( Un elfe et cinq hommes sobres. Deux garzoks, un humoran, quatre nains, trois sektegs et cinq hommes bourrés. )

Elle fait une moue pensive. Elle est un peu en sous-nombre. Heureusement qu'il y a quatre petits chariots et trois gros. Etat final des lieux : six personnes plus ou moins sobres, quinze à des degrés d'ivresse variés, dix chevaux, sept attelages, cinq chapiteaux et un énorme feu.

( Jouable, ) conclut-elle en hochant la tête. ( Si j'ai d'la chance sur les cages. )

« Hééééé, cheeeeeeef ! » beugle l'un d'eux, attirant l'attention de la vagabonde.

C'est un humain. L'un des bourrés, évidemment.

« On peut vraiment pas s'farcir les femmes ? » demande-t-il, presque suppliant.

L'intéressé lui jette un regard glacial. Gagné, c'est bien le gaillard sobre sur la souche.

« Si l'un de vous abîme la marchandise je le revends avec pour compenser le déficit, » prévient-il très sérieusement.

Ahrroë fronce les sourcils.

( Les femmes... Ils ont vraiment envie que je les massacre ces enculés. )

Comme si elle avait besoin de plus de raisons pour rendre leur agonie lente.

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Ahrroë
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Re: La Forêt des Loups Blancs

Message par Ahrroë » dim. 5 avr. 2020 06:24

[:attention:] (((Attention, scènes choquantes !))) [:attention:]


Attente. Longue. Trop longue. La patience n'a jamais été le fort d'Ahrroë. Mais mieux vaut un ennui passager que se retrouver morte après avoir fait le tour d'un camp de braconniers esclavagistes, même elle en a conscience. Alors elle attend. Mais si pour elle le temps passe lentement, il ne faut finalement pas longtemps aux bandits pour se terminer au rhum et à la bière. Certains vident leur estomac dans les buissons avant d'aller se coucher. D'autres s'endorment sur place, la bave au coin des lèvres, avant d'être réveillés par les quelques humains encore debout. Un à un, alors que les tours de garde s'organisent en fonction de la sobriété de chacun, ils rentrent presque tous dans les quatre tentes-dortoirs, le chef accaparant la cinquième seul.

Puis finalement vient le temps de passer à l'action. Sur les quinze poivrots, Ahrroë en a compté neuf ivres morts, les autres ayant fini dans un état un peu plus enviable, quoique second. Le froid a failli engourdir ses muscles, l'obligeant à remuer les membres de manière régulière ; heureusement l'été approche à grands pas et ils sont à basse altitude. Ses blessures sont handicapantes, ralentissant ses mouvements et impactant sa souplesse et sa force comme sa précision, mais la douleur ne devrait pas être un problème.

( Pff, t'façon même avec une jambe en moins j'vais pas claquer contre ces fils de putains, ) balaye-t-elle immédiatement après ces pensées.

D'aucun l'appelleraient téméraires. Et en fait ils auraient raison.

( Mais jamais à tort, ) songe-t-elle en se levant, un sourire au coin des lèvres.

Le garde pique du nez. S'étire. Secoue la tête. Il est dos au feu, maintenant pratiquement éteint, et le froid l'engourdit. Et il ne s'attend visiblement à rien. Ils connaissent vraisemblablement l'endroit suffisamment pour se croire hors de danger. Après tout la plaine est à moins d'une journée de marche à l'ouest, le pire qu'ils pourraient croiser est une petite patrouille de Phalanges. Pensent-ils.

Ahrroë fait un grand tour. Lentement. Discrètement. Et lorsqu'une tente se dresse entre elle et le garde, se glisse en tapinois jusque la première des grosses charrettes. Des cordes retiennent le tissu qui la recouvre mais il ne lui faut que quelques secondes pour retirer quelques attaches et soulever le drap. Une énorme créature aux canines supérieures de la taille de ses avant-bras est allongée dans une cage en métal et ouvre un œil épuisé dans sa direction. En une seconde il se redresse, poussant un grondement sourd. Malgré la pénombre, elle peut discerner ses yeux se teinter de rouge en la voyant.

( Que la fête commence ! )

Elle est ravie. Ne voyant pas l'ouverture et entendant le garde bouger derrière le chapiteau, elle s'empresse de sortir sa hachette et de passer sous la cage. Bruits de pas. Un seul homme. Il n'a prévenu personne. Elle sourit.

( Z'êtes trop sûrs de vous, ) pense-t-elle en apercevant des bottes de cuir se rapprocher.

« Putain de gobelins, savent même pas faire un nœud, » l'entend-elle râler.

Il se penche en avant, tirant de nouveau le tissu malgré le grognement de l'animal captif, pendant que la vagabonde roule de l'autre côté. Il est temps de semer le chaos. Elle raffermit sa prise sur sa hache, l'attrapant à deux mains pour compenser son manque de précision, et contourne prestement la cage, prête à viser sa nuque d'un coup horizontal tant qu'il est occupé. CRACK. POOOOOOW. Le bruit n'est pas très fort mais est sourd et vibre quelques instants dans les airs. Elle a failli se déboîter une épaule et a frappé à quelques centimètres de sa cible, le tranchant de sa hache s'encastrant entre ses mâchoires et faisant rebondir sa tête sur les barreaux. Oups. Il était même pas positionné comme prévu. Ses yeux la fixent avec incompréhension alors que des sons gutturaux s'échappent de sa bouche obstruée, du sang s'échappant de manière chaotique d'un peu tous les côtés. Reprenant des forces, la créature pousse un petit rugissement, signant le sursis d'Ahrroë. Les quelques alcooliques du camp ne se lèveront pas pour si peu mais il reste un elfe et quatre hommes au sommeil probablement plus léger. N'hésitant pas plus, elle ressort d'un coup sec son arme de la tête du braconnier... pour l'y replonger plus ''proprement'', cette fois dans le front. Son corps chute au sol. Le plus dur commence.

« T'as intérêt à m'aider, » chuchote-t-elle à l'attention du prédateur.

Elle dresse de nouveau son arme et frappe dans le support, en bois, de la cage, visant près de la roue. Une voix s'élève faiblement depuis la tente. Elle frappe à nouveau. Le bruit est ténu mais pas suffisamment. Encore un coup. Au même endroit. Enfin, à peu près. La créature gronde de plus en plus fort, commençant à faire des tours dans sa prison. Son cri commence à réveiller le contenu des autres cages, d'où s'élèvent des rugissements menaçants. PAF. Les voix se multiplient derrière elle. Le temps presse. Elle a déjà mal au bras droit, handicapé. Mais serre les dents et abat encore sa hachette, inlassablement.

« Oh tu fous quoi ?! Fais-les taire ! » hurle une voix depuis l'un des chapiteaux alors que les cris des animaux captifs commencent à occuper l'espace.

( Au moins ça couvre le bruit que j'fais, ) se console-t-elle en donnant un énième coup près de l'axe de la roue.

Mais cette fois c'est la bonne. Le support lâche. La cage s'affaisse sur elle-même. Entre le métal et la bestiole, le bois finit par éclater sous son propre poids et l'engrenage se casse net. Le coin du chariot chute. La bête pousse un hurlement quand elle se sent tomber, mais le sol n'est pas très loin. Le choc avec celui-ci fait voler des morceaux en éclats, la faisant paniquer. Mais décrochant la cage de son socle.

« ROOOOOOOOAAAAAAAAAAAAAAAAR ! »

Ahrroë s'écarte d'un bond.

( Ha ! ) se félicite-t-elle intérieurement en observant la créature s'extirper tant bien que mal, apeurée, de la cage branlant à moitié en l'air.

Sans demander son reste, elle court aussi vite qu'elle peut en direction du feu, contournant la tente qui la sépare de celui-ci. Deux hommes émergent de sous les tentures mais elle les ignore royalement, utilisant sa hache à deux mains pour taper en plein dans les braises, se brûlant superficiellement au passage sous leurs yeux ahuris. Mais ils n'ont pas vraiment le temps de comprendre ce qu'il se passe.

« Le barioth ! » crie l'un d'eux, paniqué.
« NIQUEZ VOS MEEEEEEEEEEERES ! » hurle la vagabonde en continuant de taper dans le feu comme une démente.

Portés par le vent, des tisons finissent par atterrir sur l'un des chapiteaux alors que d'autres braconniers émergent de leurs dortoirs pour identifier l'origine du vacarme. Des ordres et des insultes fusent mais il est trop tard, le feu prend à une vitesse impressionnante, attisé par la brise ambiante. Son travail accompli, la sauvageonne reprend sa course en direction de la forêt, des bandits sur les talons. Mais le chaos a raison de leur lucidité : trois la suivent, d'autres cherchent désespérément l'eau, certains encerclent la créature enragée... Mais presque tous sont nus et désarmés.

Arrivée dans les bois, Ahrroë se tourne subitement et agite sa hachette pratiquement à l'aveuglette, touchant un humain à l'épaule. La lame se plante nette, envoyant voler une gerbe de sang et lui tirant un cri de douleur. Réalisant qu'ils n'ont pas d'arme, les deux autres s'arrêtent aussitôt, marquant une hésitation. Une hésitation fatale pour leur compagnon. Rattachés par l'arme qu'elle a planté dans son bras, elle ne peut pas louper son attaque, même handicapée : elle donne un coup de talon magistral dans sa rotule gauche, qui explose sous l'impact, le faisant tomber sur son genou droit dans un craquement atroce. Hurlement. Elle sourit. L'un des deux autres poursuivants se jette sur elle, réussissant à dévier l'attaque qu'elle cherchait à asséner au visage du blessé, mais manque de chance l'arme est envoyée dans sa nuque à la place, coupant court à son supplice. Le plaquage de l'humain lui fait perdre la prise sur la hache, qui reste figée là. Ils tombent tous deux sur des branchages.

« Va m'chercher une corde ! » crie son assaillant au troisième en étreignant la vagabonde pour l'empêcher de bouger.

Mais alors qu'il s'éloigne en courant, docile, le sourire de la jeune femme s'élargit et fait hésiter le bandit massif qui la retient, surpris. Il ne lui en faut pas plus : elle se redresse juste assez pour atteindre sa jugulaire et mord de toutes ses forces. Nouveau cri, au plus grand plaisir de la sauvageonne qui se laisse tomber en arrière sans lâcher sa prise. Il détend l'un de ses bras pour tenter de glisser ses doigts entre les dents d'Ahrroë, mais, son bras gauche libre, elle lève sa main et tâtonne sur son visage de ses doigts. Paupière trouvée. Paupière touchée. Elle enfonce son pouce dans son œil, appuyant de toute la force dont elle est capable ; rapidement son hurlement s'intensifie alors qu'elle sent son globe oculaire se transformer en pâte visqueuse sous la pression.

« Salope ! » gémit-il avec douleur en relâchant complètement sa prise pour tenter de se défaire de celle de celle qu'il croyait à sa merci deux secondes plus tôt.

Ses dents toujours figées dans le cou du braconnier, elle se propulse du bras droit : essayant de s'extirper en arrière, il ne faut qu'une petite impulsion pour qu'il se retrouve sur le dos et elle sur lui. Tirant d'autant plus sur sa mâchoire, elle arrache un morceau de chair à l'homme, gravement blessée, puis attrape la première pierre qu'elle aperçoit. Et frappe. Et frappe. Et frappe. Le second œil vole rapidement hors de son orbite mais elle continue quelques fois pour la forme avant de se redresser. Elle se retourne prestement pour voir le troisième assaillant arriver avec une corde et du renfort... Un nain et un garzok, les yeux injectés de sang, ayant du mal à aligner deux pas. Derrière eux le fameux barioth s'occupe de bouffer la tête d'une petite merde verte pendant que le feu prend des proportions démesurées. Il y a au moins quatre morts. Elle recrache le morceau de chair, la bouche pleine du sang d'un autre, attrape sa hachette encore plantée dans le premier des poursuivants et éclate d'un rire dément à l'attention des nouveaux arrivants. Ils sont à quelques mètres d'elles, mais même le garzok semble hésiter.

« Comme tous les fils de pute vous connaissez que la force brute, » s'amuse-t-elle.

Elle a mal. Elle est fatiguée. Elle est blessée. Mais elle a une putain de créature d'une tonne de ''son côté'', des vêtements et une arme. Et toute la nuit pour s'amuser.

Profitant de leur seconde d'hésitation, elle se retourne et décampe dans les ombres.

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