IV.8 Compréhension sur le retour.
IV.9 Monstres de glace.
Les derniers jours, je me suis concentré sur l’utilisation de mon énergie, le dosage associé à la technique étant assez complexe. Elle ne doit pas être trop faible pour offrir une stabilité, mais elle ne doit pas non plus être trop importante, sans quoi je perds considérablement fluidité et précision. Je suis à peu de chose de trouver l’équilibre parfait, alors que je retrouve enfin les sentiers qui me sont plus familiers. Chez moi, j’aurais bien plus de possibilités à m’exercer. Je le sens, ce n’est qu’une question de temps.
Le vent froid apporte avec lui une bourrasque de neige qui me fait grelotter. Je regretterais presque le climat plus doux de l’autre côté des monts éternels. Les flocons viennent caresser mon visage, réconfortant mon cœur de souvenir de ma terre natale.
(Qu’importe si nous vivons dans un lieu plus inhospitalier, c’est chez nous ici et nul ne viendra nous déranger !)
Porté par le renne, nous arpentons ensemble des terres qui nous sont plus familières. Le froid dur de cette partie du monde, rend difficile la vie ici. Le calme est parfait. Toutes les créatures présentes, savent qu’il faut rester discret pour ne pas alerter les prédateurs, qui n’attendent que ce moment pour s’offrir un festin en suivant les traces auditives. Une quiétude règne ici et rien ne la brise. Hormis peut-être un cri soudain.
(Quoi ? Qui ose alerter toutes les créatures des alentours de sa présence ?)
Je l’ai senti au plus profond de moi. Ce cri tirait sa source d’une détresse profonde et un cri humain qui plus est. Nulle envie de s’attirer les prédateurs pour une lutte de vie et de mort digne d’un guerrier. Mon instinct me crie qu’une chasse est en cours. Sans attendre, j’incite le renne à partir en direction de l’individu. C’est dangereux, mais c’est plus fort que moi. Ce sont les terres de notre village et quelqu’un semble attirer malgré lui, un danger sur nous. Il me faut insister un peu auprès de ma monture, avant qu’elle ne daigne accepter de s’y rendre. Un nouveau cri retentit, alors que je perdais la localisation estimée de l’individu. Je pousse le renne à accélérer la cadence, en pénétrant dans une zone boisée, où la neige est moins dense. La couche blanche brise les bruits de pas et les rend inaudibles pour la proie et son ou ses poursuivants. Un mouvement rapide apparaît brièvement, camouflé par les arbres.
Tandis que je me rapproche à dos de renne, les mouvements réapparaissent à nouveau. Je connais bien ce lieu et plutôt que de suivre bêtement le pourchasser, je dirige le renne à prendre un chemin qui mène à un surplomb. J’arrête l’animal et de là-haut, je commence à voir l’esquisse d’un être courant dans la neige. Sa tête regarde derrière elle et me pousse à faire de même. Plus loin, la neige se meut d’une façon qui ne me plaît guère. C’est comme si quelque chose se déplaçait dans la neige et une des rares créatures à le faire, est le traqueur des glaces. Une abomination de ces contrées gelées. Mais non. Plutôt que de découvrir ces fameux chasseurs avec le dos en pic de glace, deux étranges créatures blanches apparaissent finalement lorsqu’ils pénètrent à un endroit où la neige se fait plus rare. Non, c’est finalement deux tas de roches blanches de formes humanoïdes qui courent après sa proie. De là où je me trouve, j’estime que ces créatures font à peine plus d’un mètre de haut. L’être qu’ils pourchassent peine à avancer dans la neige. Ses pas sont lourds et ses foulées grandes pour parcourir un maximum de neige.
Que sont ces choses ? Qui est-ce et pourquoi cette personne est-elle poursuivie ? Telles sont les questions qui traversent mon esprit. La seule chance d’obtenir une réponse, c’est de lui venir en aide.
"Eh merde !" Fais-je dans un grognement avant de descendre du renne et de poser ma main sur son museau.
"A moins que tu ne sois en danger, reste ici !"
Je me tourne finalement avec ma lance en main et regarde la hauteur que j’ai à parcourir pour descendre. C’est risqué, mais je n’ai guère le choix. Les prédateurs sont bien plus rapides et la proie montre d’évidant signes de fatigue en multipliant les chutes dans la neige. La dernière semble être de trop, car le corps ne bouge plus d’un pouce. Plus le temps d’hésiter, je m’élance dans la pente raide, glissant dans la neige alors que je lutte pour garder mon équilibre. Le manche de mon arme m’aide à rester stable, au moins au début. Les choses se compliquent lorsque ma vitesse commence à être trop importante. Plus qu’une descente, c’est une chute et à ce jeu, la meilleure solution reste de sauter. Je bondis jusqu’en bas et oriente mon corps pour minimiser l’impact. Bras droit tendu vers le sol et sa sœur jumelle gardant ma lance loin de moi, je m’apprête à me réceptionner. Les muscles bandés, mon bras tendu traverse la couche de neige pour atteindre un sol plus ferme. Je fais ensuite tourner mon corps pour que mon omoplate soit la première partie à recevoir le poids de mon corps. L’élan aidant, mon être pivote dans la neige qui amortit le reste de l’impact et retrouve ma stabilité avec mes quatre membres au sol. Finalement, je n’aurais peut-être qu’un bleu à l’épaule demain.
Les créatures arrivent sur moi, ma lance pointe son extrémité tranchante sur elles, cachée dans la neige. De plus près, ces choses sont encore plus étranges. Il s’agit d’un amas de blocs de glace liés ensembles qui bougent liés par une volonté unique.
(Mais nom d’un barioth en rut, comment un tas de cailloux peut bouger de la sorte ?)
Ces choses ne semblent pas inquiétées par ma présence. Elles parcourent les derniers mètres qui nous séparent sans ralentir. Loin de passer pour une manifestation surprenante de la flore locale, ces horreurs me prennent pour cible. Je commence à faire réagir mon énergie en moi pour éviter le coup, lorsque je me rappelle finalement la présence de la personne derrière et m'arrête. Trop tard pour changer de position. Je n’ai que le temps de placer le manche de ma lance devant moi pour recevoir l’attaque. Plus petite que moi de moitié, la créature qui me frappe possède une force comparable à la mienne et me repousse d’un bon mètre en arrière. Son homologue préfère me contourner pour se diriger vers l’individu couché au sol. Erreur de sa part d’oublier ma présence, je profite d’être dans son dos pour la frapper à la jambe, ou du moins ce qui s’en rapproche. L’arme du forgeron est assez bonne. Alors que cette créature est faite de glace, la lame s’enfonce un peu et vient même délester une partie de son être. Nul flot de sang n’apparaît pourtant de cette plaie, confirmant mes soupçons.
(Ca pue la sorcellerie de truc ! Raison de plus pour les exterminer !)
En plus de frapper fort, ces choses blessent étrangement. Profitant que j’ai mon attention portée ailleurs, je reçois un coup au flanc droit. Plus qu’une frappe lourde, une sensation de froid intense se propage, sans être atténuée par mon armure. Touché, je me replace avec au moins le plaisir de voir que ces choses s’intéressent toutes deux à moi.
Lentes, il ne m’est pas difficile de les toucher, mais elles possèdent une résistance importante. Je continue de frapper en gardant mes distances, profitant que mon arme possède une allonge plus grande. Au premier abord, il semble évident que ces êtres de glaces ne possèdent aucun sens du combat en groupe. Elles sont désorganisées et pire encore, elles se gênent mutuellement. J’ai l’air d’un prédateur jouant avec une proie quasi morte. Mes coups touchent par petits coups, mais si je ne fais aucune erreur de placement, ce n’est qu’une question de temps avant de les vaincre. Pourtant, les choses ne se passent plus aussi bien qu’avant. Alors que je me place de sorte qu’un tas de glace se dresse entre moi et sa consœur, cette dernière tend son bras dans ma direction avec des yeux d’un bleu glaçant, et projette un souffle gelé qui me saisit dans tout mon être. J’ai l’impression d’être tombé dans l’eau des plaines gelées. J’ai beau avoir grandi dans cet élément froid, avoir bravé des tempêtes et des températures extrêmement basses, je reste tout de même touché par une simple brise. Mon corps se raidit, mais mon esprit bouillonne.
(Encore de la sorcellerie !)
En plus d’être solide, ces choses sont en mesure de pratiquer cette odieuse sorcellerie. Frigorifié, je ne suis pas en mesure d’éviter le coup qui me touche à jambe et réitère ce froid prenant. Heureusement pour moi, la magie ne fait plus effet. Alors qu’ils s’attaquent de nouveau à moi en brandissant leur poing, je concentre mon énergie en moi et esquive. Tirant profit d’une position avantageuse, je frappe. Ma lame se fiche dans l’épaule de ma cible, qui me frappe au ventre, engendrant un froid terrible jusque dans mes entrailles. Son camarade plus éloigné, use de sa magie pour lancer un pic de glace qui me manque de peu.
(Si ces choses me touchent, elles peuvent m’infliger des dégâts de froids. Si je m’éloigne trop elles useront de la magie. Il ne me reste plus qu’à les abattre et rapidement !)
Nos coups s’enchaînent et maintenant qu’il m’est impossible de jouer sur un placement efficace, sans craindre leur magie, je suis contraint de faire front face à deux adversaires simultanément. Je ne suis certes pas complètement désavantagé, car ils pourraient être intelligents et m’attaquer à deux endroits à la fois, mais cette incapacité à bouger correctement me hérisse le poil. Je ne dispose pas de technique de combat utile face à ces choses. L’empalement ne marche que sur des êtres qui saignent, la dérobade m’éloignerait de l’un deux, le poussant à utiliser sa magie. Quant au lancer, mieux vaut ne pas finir désarmer. Pourtant, seule l’utilisation d’une technique les a sérieusement blessées et c’est me focalisant sur la défense que je cherche une solution.
(Il ne me reste plus qu’à mettre en œuvre plus tôt que prévu, mes derniers essaies. Frapper plusieurs adversaires en usant de mon énergie. Or, je n’ai pas encore trouvé l’équilibre entre la densité, qui me permet d’être stable, alors qu’une répartition plus fine me donne souplesse et fluidité dans mes coups. En y repensant, l’idéal serait de cumuler les deux. Bon sang, mais c’est bien sûr ! C’est ça la solution ! Plutôt que de répartir mon énergie uniformément dans tout mon corps, je dois distribuer mon énergie différemment. Une densité forte au niveau des jambes et plus fine dans le haut du corps. J’aurais ainsi stabilité et fluidité !)
L’excitation de cette solution me fait perdre ma concentration et je finis par être touché gravement au bras. Mon bras paraît gelé de l’intérieur, mais il reste cependant utilisable. C’est l’occasion ou jamais, pour faire ressortir tout mon talent de guerrier. Gardant ces choses ni trop proches, ni trop loin, je monopolise mes ressources internes. Habitué à les manipuler de la sorte ces derniers jours, il ne me faut pas longtemps avant de les répartir comme je le souhaite. Je brandis mon arme sur le côté et d’un pas en avant, je réduis la distance et frappe. Ma bonne stabilité dans mes jambes m’offre de l’impact dans le coup et la faible densité dans le haut du corps une souplesse dans l’exécution. La lame atteint ses cibles, entaille le premier bloc de glace vivant et manque de peu de toucher le second. Au moins, cette attaque aura eu le mérite de repousser la créature touchée sur sa consœur et les empêche d’attaquer correctement.
(Fichtre ! Je n’ai pas assez d’impact et mes coups sont trop rigides.)
J’ai au moins l’occasion de recommencer à nouveau, car ces choses ne laissent pas tomber. Je recommence à distribuer mon énergie dans tout mon être en réglant la distribution de mon énergie. Mon coup est plus puissant, mais manque mes adversaires, qui ne se font pas prier pour m’atteindre, l’un durement à la jambe gauche et l’autre à la main droite.
(Trop en bas et pas assez en haut. J’y suis presque, encore un dernier petit effort !)
Il ne me reste assez de force que pour une dernière tentative. A vaincre avec facilité, on triomphe sans honneur. Cette fois-ci, mon égo prend le dessus sur mon être, résolu à en finir. Je manipule et ajuste une dernière fois l’énergie dans mon corps. Ma stabilité est solide et le coup porte en lui la puissance d’une avalanche. L’énergie dans le haut de mon corps est manipulée avec une telle précision, que ma lame n’est plus une arme, mais un simple prolongement de mon corps. Le tout, tranche mes deux adversaires simultanément. Le premier est sévèrement touché, alors que son comparse est réduit en un tas de glace inerte. Des morceaux de blocs manquant, il est incapable de se mouvoir avec efficacité, m’offrant le loisir de l’achever l’instant suivant.
Ereinté par le combat, je pose les deux genoux à terre en prenant appui avec le manche de ma lame pour ne pas choir complètement. Je voudrais me reposer, mais cela équivaudrait à une mort certaine. Je suis gravement gelé et je n’ai plus d’énergie si un prédateur vient à surgir. Chose possible puisque l’idiot qui gît dans la neige a hurlé il y a peu. Il me faut atteindre rapidement le village en emportant cet énergumène, afin d’apprendre deux ou trois petites choses sur lui et ces horreurs issues de la sorcellerie qui le poursuivaient.
Dans un premier temps, je lui mets le manteau que je porte. Un Fenris supporte le froid, mais s’il ne bouge pas, même nous pouvons mourir gelés. J’appelle ensuite mon renne qui me regarde depuis sa position. Il me regarde, mais ne bouge pas. Toujours aucun mouvement alors que j’insiste. Il va me falloir prendre le temps de lui inculquer quelques consignes simples. Je porte sur moi l’homme, mais mes blessures de froid se refont sentir. Dans mon état, il est préférable que je n’insiste pas. Je finis par aller chercher la monture et le rapproche jusqu’au corps, pour le poser sur le dos de l’animal et reprendre la route avec le peu d’affaires que ce type transporte.
Arrivé au village, le renne refait des siennes. Il refuse de s’approcher, m’obligeant ainsi à devoir porter le corps jusqu’à ma yourte. Chose qui ne me laissera pas sans conséquence au vu de mes blessures. Je tente une nouvelle fois de le calmer. Je m’approche de son museau, place mes mains au niveau de ses joues et pose ma tête contre la sienne.
"Je comprends bien que les hommes te font peur et à juste titre vu ce que tu as subi. Cependant, je suis différent d’eux et je pense te l’avoir assez prouvé. Je dois transporter cet homme jusque chez moi et sans toi, je pourrais me faire très mal. J’ai besoin que tu m’aides sur ce coup." Je me recule et d’une seule main restée sur sa joue, je l’invite à me suivre.
"Allez, viens !"
Loin de le forcer, ma main ne fait qu’une légère pression pour lui indiquer mon souhait de me suivre. Il renifle un coup fortement, chose qu’il a réalisée à chaque fois qu’il refuse de venir. Alors que je m’apprête à laisser tomber une nouvelle fois, ne voulant pas le forcer, il fait un pas dans ma direction, puis un autre….
V.1 Une invitée pleine de mystères.