L'Auberge du Pied Levé

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Yuimen
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L'Auberge du Pied Levé

Message par Yuimen » ven. 5 janv. 2018 10:42

L'auberge du Pied Levé

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L'auberge est le lieu où tout le monde se rend dès son arrivée en ville et qui permet pour quelques bières consommées, un bon repas, ou avec un bon pourboire, d’avoir presque n’importe quelle information. Talic, le gérant, est toujours d’humeur heureuse et n’hésite pas à rendre un quelconque service.

Son établissement est en fait bien plus que ça : hormis vendre des bières et donner des informations ou autres histoires, ses domestiques s’occupent aussi des chevaux et autres animaux des voyageurs durant leurs séjours dans les chambres de l’hôtel.

L’ambiance dans l'auberge est tout le temps à son paroxysme, lorsque ce ne sont pas les musiciens et les danseuses qui mettent de l’animation, ce sont alors les jeux de hasard, les paris et les bagarres qui s’en chargent.

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TGM
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Re: L'Auberge du Pied Levé

Message par TGM » sam. 4 mai 2019 17:11

-----E-----


Après avoir semé la milice en traversant quelques pâtés de maisons par les ruelles de traverse, je croise un groupe de marins se dirigeant, d'après ce que j'ai compris, à l'auberge du pied levé. N'ayant nulle part où aller, je décide de les suivre discrètement. Après de courtes minutes de marche, j'entre à leur suite dans un bâtiment d'allure extérieure modeste. En entrant, je vois, derrière son comptoir, le tavernier saluer nos arrivées successives de grands gestes chaleureux. Il semble également inviter les nouveaux arrivants à venir commander au bar, mais le son de sa voix ne parvient pas à traversé la musique du petit orchestre et les clameurs des badauds acclamant les danseuses sur la petite scène. Si les marins rejoignent le bar, je m'arrête en route pour me joindre à une table de joueurs de dés.

Je réfléchis un instant sur le choix de mes dés, lorsqu'ils me proposent naturellement de participer. À première vue, ils n'ont pas l'air ivres mort et je ne sais pas combien de temps je vais jouer, exténué d'avoir surveillé le navire toute la nuit. Je décide donc de ne pas utiliser la tactique de Tatch consistant à changer de dés en milieu de partie. Pour autant, je suis seul dans une ville inconnue, les dés noirs m'assurant une victoire quasi-permanente risqueraient de me causer beaucoup de problèmes, choses qui serait fâcheuse juste avant la mission de Belmont. Je choisis donc d'utiliser deux dés noirs et un dé blanc, afin d'avoir des bons scores, mais sans gagner à chaque fois. Le dé blanc et ses résultats minables me servent aussi à ne pas trop attirer l'attention sur les autres, tant ses lancés sont aux antipodes des deux noirs. Après quelques parties, le tavernier s'approche pour me proposer à boire et à manger. Il s'interrompt cependant en voyant mon visage boursouflé par les coups et me demanda s'il doit appeler un médecin. Bien que ma face soit encore douloureuse, je lui réponds qu'une outre d'eau fraîche à appliquer suffira. Je commande également, sur ses conseils, une pinte de rougette, une bière aux fruits et sucrée que je trouve particulièrement délicieuse, et une assiette de demoiselles drapées, que je découvrirai être des crevettes braisées dans du thym.

À la mi-journée, mes profits de jeux me permettent de me payer une chambre pour la nuit et de commander un dernier repas, en plus de régler le premier. Je quitte alors mes camarades de jeux, qui n'ont rien vu de mes dés truqués et commande au brave Talic, le gérant, un plat d'urikan et un bol de sucrine en lui rendant l'outre d'eau à présent à température ambiante. Je vois rapidement arriver devant moi un plat de viande en sauce, le premier à ne pas être un morceau rance baignant dans son sang. Me voyant presque me bâfrer, l'aubergiste me tend alors une miche de pain dont je me sers pour lui rendre le plat aussi propre que s'il n'avait pas été utilisé. Si la viande m'a plu, ce n'est rien à côté de la sucrette qui me sert de dessert. Il semble s'agir d'un jus ou d'un coulis de fruits divers et variés, stimulant les papilles bien au-delà de tout ce que l'on peut trouver à Omyre. Repus après ce repas riche en découvertes gustatives, je commande une chambre et règle ma note. Bien que l'après-midi ne fasse que commencer, la fatigue m'emporte rapidement dans la chambre à la décoration sommaire et me plonge dans un long soleil qui durera jusqu'au matin. Quand l'aube arrive enfin, me réveillant à travers les carreaux, je m'habille rapidement et file rejoindre mon employeur devant chez lui.

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Guasina
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Re: L'Auberge du Pied Levé

Message par Guasina » jeu. 16 mai 2019 03:45

Pénétrer dans l'auberge

Visiblement déçu de nos réponses respectives, ce fut le dos tourné que le maître de maison nous donna congé. La corvée de nous reconduire à la porte d’entrée incomba donc à la servante, une jeune et jolie femme aux cheveux d’ébène.

En traversant ces riches corridors, je perçus un gargouillement bien caractéristique de mon estomac, ce qui me rappela notre destination prévue tout juste avant de répondre à l’annonce placardée sur un mur : l’auberge du pied levé.

Tout en trottinant à la suite de l’employée de la maison, je jetai un coup d’œil à cet homme qui m’accompagnait. Nos différences physiques étaient plus que notables, mais son aura respirait la sérénité et m’inspirait confiance. Et puis, notre vision de la vie, nos valeurs semblaient s’accorder suffisamment pour qu’on puisse faire un petit bout de chemin ensemble. Mais pour le moment, ma priorité était de satisfaire ma faim. Je n’avais aucune idée de ce que je ferais par la suite.

Sitôt sortie de la maison, je levai les yeux vers le ciel à la recherche de mon canard. Il m’aperçut le premier et fut à mes côtés avant même que je n’eus le temps de l’appeler. Je lui caressai alors les plumes à la base de son cou comme il aime tant, puis je grimpai sur son dos avec précaution. Je fis alors un grand sourire à Jager pour lui signifier que j’étais prête et nous prîmes le chemin vers l’auberge du pied levé.

Les rues étaient bien achalandées en ce milieu de journée et je fus bien contente de ne pas avoir à parcourir à pied la distance qui me séparait de l’auberge. Pataud, pour sa part, marchait sans peine aux côtés du grand homme, tout en laissant échapper de temps à autre quelques petits caquetages.

Une fois devant la façade de l’établissement, je m’arrêtai et Jager fit de même. Il n’était pas question que Pataud me suive dans l’auberge, je ne voulais pas prendre le risque d’aiguiser l’appétit d’un client affamé qui réclamerait ensuite du canard rôti. Je descendis donc prestement de ma monture, permettant à Pataud de se trouver une place de choix sur le toit.

Des bruits de foules nous parvenaient de l’auberge lorsque la porte s’ouvrait afin de permettre à des clients d’y pénétrer et à d’autres d’y sortir. Il n’y avait pas de doute, l’endroit était bondé de gens…, plus particulièrement des géants, et je craignais y entrer et me faire piétiner. Hésitante, je fis part de mes craintes à mon nouveau compagnon :

« Il y a foule dans cette auberge, je risque de me faire écraser. »

Sans hésiter, Jager proposa de prendre les devants afin de m’ouvrir la voie. De mon côté, j’hésitais, tout en penchant ma tête de côté, je l’examinais. Il aurait été plus simple qu’il me tende la main, afin que j’y grimpe pour ensuite m’installer sur son épaule. C’était en fait ce que mes compagnons des aventures antérieures m’avaient offert à la première occasion. Ce ne fut pas le cas pour Jager et je n’osais pas lui en faire la demande. Je comprenais qu’il pouvait être désagréable de laisser un inconnu, tel un parasite, escalader son corps de géant. De son côté, il craignait peut-être que je prenne d'un mauvais œil cette proposition. Après réflexion, j’acceptai son offre tout en émettant une légère réticence.

«Ça pourrait être une idée... si vos talons ne me heurtent pas...»

Il me promit de faire attention et je lui offris mon sourire comme réponse. Il ouvrit donc la voie comme il me l’avait proposé, et je le suivis de près sans toutefois me river le nez contre ses talons.
Modifié en dernier par Guasina le jeu. 9 janv. 2020 04:30, modifié 2 fois.

Jager
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Re: L'Auberge du Pied Levé

Message par Jager » dim. 16 juin 2019 22:35

Nous avons été congédiés. Un truc poli. Pas de coups de pieds au cul, pas de brutes pour pousser dans le dos, ni de menaces voilées. Pas cordial, peut-être un poil déçu, le gaillard. Tant pis. La servante nous raccompagne, galerie de personnages dans le sens inverse, et quand elle referme la porte derrière nous, j’ai l’impression qu’un tombeau vient de se clore dans mon dos. Pas fâché de retrouver la rue, ça sent la vie, ça pue aussi, au pire un fumet de cadavre tout ce qu’il y a de plus pourrissant, pas de choses venues des profondeurs pour croquer un bout de pied, voire pire… Alors maintenant, il faut retrouver une trace à suivre. Je ne me vois pas piétiner dans la ville, pas fait pour moi, pas de quoi exercer mon art, ce que je connais de mieux. Au moins j’ai fait une rencontre de hasard qui me semble de bonne augure.

D’ailleurs, la lutine Guasina ne tarde pas à retrouver la monture qui a occasionné notre rencontre. Un bon canard, en d’autres circonstances il aurait pu faire un repas, mais là il semble surtout offrir un confort de déplacement autant qu’une compagnie. Pratique pour les gens de petite taille. N’empêche, il doit y avoir tout un tas de montures dont ils pourraient profiter… Un gros chien, c’est déjà une sacrée bête de sa hauteur… Qu’est-ce que moi je devrais chevaucher pour avoir la même sensation ? Regarder le monde d’un peu plus haut ? Probablement une bête capable de m’écraser, ou de me manger… Bah, comme quoi rien ne vaut mes gibolles, à ma mesure de la terre que je foule.

Bizarre, de me balader avec un canard qui se dandine à mes côtés.
Nous ne nous sommes pas attiré d’ennuis pour autant. Au final, je suis bien content de voir se profiler l’enseigne de l’auberge au détour d’une rue. L’air de la ville, ça creuse aussi bien que l’air de la campagne.

Le canard est libéré par la lutine, il s’envole vers le toit, hors de portée d’un matou particulièrement affamé ou d’un autre carnivore, humanoïde compris. Guasina observe un peu les allées et venues dans l’auberge, et fait une remarque sur le risque que représente pour elle une clientèle nombreuse, d’autant qu’à mon avis ladite clientèle doit être légèrement avinée. Assez pour bousculer sérieusement ce qui se trouve au niveau de leurs pieds. Je propose d’ouvrir la voie, et répond à sa remarque sur mes talons que je ferai en sorte de veiller à ne pas la heurter.

Ca sent la viande chaude, la sueur, l’alcool et un peu la pisse. Le sol est jonché, à la fin de la journée il n’y aura plus qu’à repousser tout ça sur le seuil, charger la charrette, préparer à nouveau la couche protectrice. Il y a dans un coin encore des tables libres : je me dirige vers celle qui me semble la mieux localisée, qui me permettra de jeter un coup d’oeil à la salle et de ne pas avoir grand monde dans mon dos.

Une fois attablé, je laisse la lutine s’installer à sa convenance. L’escabeau n’est guère trop haut de toute manière. L’établissement recrute des femmes dégourdies : pas besoin de crier, d’agiter les bras, pour se faire servir. Une femme au pas sûr nous a repéré dès notre arrivée et une fois son plateau réparti auprès de divers consommateurs, les pièces empochées, elle se dirige vers nous pour s’enquérir de nos besoins. Après nous avoir résumé l’ensemble de ce que les cuisines et les tonneaux contiennent pour nous restaurer et nous désaltérer, nullement démontée par la présence de la lutine, elle lui demande son nom. La réponse semble lui convenir, car elle explique connaître la famille Roquin de Tuile Aux Rimes, pour des raisons commerciales principalement. Voilà qui pique ma curiosité. Des villages lutins, c’est tout à fait cohérent. Je les imagine bien proches des forêts, dans un environnement riche de ressources, de cachettes.

« Et où vous croyez qu’y pourrait y avoir d’autres villages lutins ? J’ai entendu qu’à Yarthiss y’a de beaux bois. Pourrait s’en croiser par là bas ? »

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Guasina
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Re: L'Auberge du Pied Levé

Message par Guasina » lun. 24 juin 2019 22:43

Un repas agréable


Faisant confiance au géant qui me précédait, je le suivis à la trace, tout en prenant soin de laisser une distance sécuritaire entre ses talons et mon visage. Je ne savais où il avait choisi de prendre place, mais je constatai avec une certaine nervosité que nous traversions de long en large la grande salle. À deux reprises, je dus faire un petit saut de côté, afin d’éviter d’être aspergé par un jet de bière provenant d’une chope trop pleine qui se balançait au rythme de la chanson du client relativement amoché qui la tenait plus ou moins fermement entre ses mains. Par contre, dans ce brouhaha, personne ne porta attention à ce qui se passait à la hauteur de leurs pieds. S’ils ne pouvaient manquer la présence de Jager dont le visage était marqué d’une empreinte de main noire, je passai, à mon grand soulagement, tout à fait inaperçue. Ce fut devant une table près d’un mur que Jager s’arrêta. Sans perdre une seconde, il choisit de prendre place sur la chaise dont le dossier s’appuyait contre le mur, protégeant ainsi ses arrières. Pour ma part, je me hissai à un barreau horizontal de la chaise, pour ensuite me hisser sur le siège. La suite fut plus facile. Il me suffit de prendre un petit élan et de sauter pour atterrir tout en roulant sur la table.

Les places se remplissaient au fur et à mesure qu’elles se vidaient. Les serveuses, expérimentées, se faufilaient d’une table à l’autre, prenant les commandes, servant un client d’une main tout en desservant un autre de l’autre main. Ce fut une femme rondelette dans la quarantaine avancée qui s’approcha de nous. Calepin à la main, elle nous sourit gentiment, cachant du mieux qu’elle put la brève surprise que causa ma présence. Une fois qu’elle nous eut récité et vanté les plats principaux ainsi que les breuvages offerts dans son établissement, elle se tourna vers moi, me demandant mon nom, justifiant sa curiosité par sa connaissance de quelques familles lutines provenant d’un petit village non loin de Tulorim.

« Je me nomme Guasina Roquin, et j’ai effectivement des cousins habitant Tuiles aux rimes. »

Elle s’arrêta un petit moment, ses yeux orientés vers le haut, signe qu’elle réfléchissait.

« Roquin,… oui, je connais bien Antonio, il est propriétaire d’une auberge à Tuiles aux rimes, serait-il l’un de vos parents ? ... Mais je connais surtout la famille Charette à qui nous achetons leur cueillette de fruits. »

Tout en lui offrant mon plus beau sourire, je répondis à son interrogation.

« Antonio est bien mon oncle, le frère de mon père. Pour ce qui est de la famille Charette, je ne les connais que de nom. Mon oncle nous a parlé d’eux lors de sa dernière visite chez nous. »

La serveuse, se présentant comme étant Agathe, prit nos commandes et repartit vers les cuisines promettant de me rapporter des couverts à ma taille.
Ma brève conversation avec l’employée de l’auberge sembla avoir attisé la curiosité de Jager qui s’enquit de la présence des lutins dans la région de Yarthiss. Comme tous les autres gens de grandes tailles, il n’était pas conscient de l’étendue de notre race sur Yuimen tout entier.

« Il y a d’autres villages lutins, oui assurément. Il est fort probable pour Yarthiss. Nous sommes beaucoup plus nombreux que vous pouvez vous imaginer. Certains d’entre nous sont très sédentaires, alors que d’autres préfèrent voyager. Mon oncle, l’aubergiste, nous a rendu visite à quelques reprises, mais c'est surtout au moyen de lettres envoyées par les oiseaux que nous communiquons entre nous. »

Jager me confia alors qu’il avait prévu se rendre à Yarthiss. Il espérait y gagner quelques yus en offrant ses services pour effectuer de menus travaux et il aimerait bien voyager en ma compagnie. Sa proposition me fit plaisir et j’allais lui répondre lorsque nos commandes arrivèrent. Discrète, Agathe disposa un mini gobelet et un bol à soupe, tous les deux inversés, faisant respectivement office de banc et de table, nous distribua boisson et nourriture puis s’en alla sans dire un mot. Je pris une gorgée du délectable jus de baies sauvages avant de lui faire part de mes réticences à l’accompagner.

« J'aimerais bien me rendre à Yarthis pour rencontrer d'autres lutins, et votre compagnie me serait agréable, ça, c'est certain. »

Je m’arrêtai là, cherchant mes mots. Je voulais lui expliquer mes craintes sans pour autant l’offenser.

« Par contre, je pense que notre différence de taille sera un souci... Sur de courtes distances, je peux monter sur Pataud et il peut marcher à vos côtés. Mais sur de longues distances, il préférera voler... et mes petites jambes ne me permettront pas de vous suivre, je serais obligée de toujours courir et je ne pourrai maintenir ce rythme très longtemps. »

Jager sembla comprendre les raisons de mon hésitation à l’accompagner et il proposa de faire le trajet dans des charrettes en compagnie de marchands, précisant qu’il pourrait payer son passage en s’occupant des bestiaux de la caravane. Je fronçai alors les sourcils. Non pas que son idée me déplaise, mais simplement parce que je me demandais comment moi je pourrais être utile. Il était hors de question que je ne fasse pas ma part.

« C'est une bonne idée, je n'y avais pas pensé. Par contre, moi, je ne sais pas comment je pourrais payer mon passage...Quoique je pourrais voler à dos de Pataud, et ainsi servir d'éclaireur pour prévenir d'éventuels bandits, et me reposer de temps à autre dans une charrette...Hum…en fait, je ne sais pas trop... Vous comptiez partir aujourd'hui ?»

Je profitai du moment de réflexion de mon vis-à-vis pour prendre quelques bouchées de la délicieuse baie rouge déposée sur ma table improvisée. Tout en se grattant la barbe, il me donna son avis. Vu ma petite taille, il pensait que les marchands ne seraient pas exigeants et me laisseraient voyager gratuitement. Par contre, ma proposition de faire l’éclaireur semblait lui plaire. Il pensait que ça pourrait être bien vu par les marchands. N’aimant pas beaucoup la ville, il pensait partir dès qu’une bonne occasion se présenterait.

« Il est vrai que je ne suis pas encombrante, je peux prendre place sur la tête d'un cheval, ce qui me convient bien, ou sur les épaules d'un humain, c'est pratique pour faire la conversation si l'humain accepte une telle intrusion... par contre, les gens de grandes tailles, que certains lutins appellent les géants, ont tendance à sous-estimer nos capacités. »

Je m’arrêtai un moment regardant attentivement cet homme à l’aspect particulier. Je me sentais bien à ses côtés et l’aura qu’il dégageait m’était agréable. Je pris donc ma décision et lui annonçai :

« Je partirai donc avec vous. Et pour le sérieux des caravanes, je possède en quelque sorte un don me permettant de sonder la bienveillance des gens. »

Je prononçai cette dernière phrase avec une certaine gêne. Sentant mes pommettes s’empourprer je baissai les yeux, ce n'était pas dans mes habitudes de mettre en avant mes talents. Je me sentais à l’aise avec Jager et je pensais qu’il comprendrait qu’il ne s’agissait point de vantardise de ma part.

À ma grande satisfaction, il m’affirma qu’il ne voyait pas d’objection à me prêter le confort de ses épaules lorsqu’il en sera le temps. En fait, il n’osait pas me le proposer de peur de m’offenser. Notant la rougeur de mes joues, il m’assura que j’avais bien fait de lui parler de mon talent pour cerner les gens. Je me redressai alors la tête et tout en lui souriant de mes yeux espiègles, je levai mon verre dans sa direction :

« Marché conclu alors. Nous ferons un petit bout de chemin ensemble. »

Il leva le sien également, une entente était convenue, je partais pour Yarthiss avec cet homme récemment rencontré.
Modifié en dernier par Guasina le jeu. 9 janv. 2020 04:48, modifié 3 fois.

Jager
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Re: L'Auberge du Pied Levé

Message par Jager » sam. 21 déc. 2019 23:38

L’hypothèse que je venais de soulever concernant les lutins et une potentielle destination fait mouche. C’est une bonne idée, après tout, de rencontrer d’autres individus d’une autre race que la sienne. Le commerce avec les humains ne m’a pas toujours valu de bons souvenirs, tandis qu’avec les sinaris, tout est allé pour le mieux. Honte à qui méprise les gens de petite taille sur ce seul critère…

La serveuse se mêle à son tour à la conversation, précisant qu’elle connaissait des lutins et s’enquiert de la parentèle de Guasina. Toujours bon à savoir qu’ici les lutins ont bonne réputation chez certains, et elle ne nous a pas mis en garde. Tant mieux… tant mieux…

Passée la discussion avec la serveuse, la lutine m’apporte quelques précisions sur ceux de sa race, et les raisons pour lesquelles nous pourrions en trouver à Yarthiss. Nous autres humains, ne connaîtrions pas si bien leur population. C’est fort possible, et c’est tant mieux pour eux. Elle m’apprend également qu’ils communiquent par des lettres portées par les oiseaux. Je n’aurais pas imaginé cela de leur part… Et pourtant, des humains s’envoient des messages par la même voie des airs ! Je ne suis pas épargné par les préjugés, comme quoi… Un voyage en bonne compagnie me permettra peut-être de les dissiper.

Alors que j’indique à Guasina ma volonté de me rendre à Yarthiss pour gagner ma vie comme bûcheron, et lui propose de faire route avec moi, la serveuse apporte de la vaisselle à la lutine, pour un usage drôle mais bien pensé : un petit gobelet pour tabouret, un bol de soupe renversé pour table, et des couverts à sa mesure. Je suis servi également, le tout sent bon, et après la tambouille sommaire du voyage en bateau, de la viande fraîche et quelques légumes dans un ragoût me semble le comble du bonheur pour les narines, et j’imagine aussi pour la langue. Voyant qu’elle s’apprête à prendre la parole, je m’empresse d’ingurgiter une bouchée, pour éventuellement pouvoir lui répondre plus tard sans passer pour un gars grossier.

Elle soulève une question de taille pendant que je savoure mon plat. Difficile pour elle de toujours suivre mes enjambées, le rythme d’une caravane marchande, sur une longue distance. Comme je le lui indique, tout cela ne devrait pas poser de problème, elle ne prendra guère de place dans une charrette, si l’argent est un problème, je peux de toute façon me rendre utile à la caravane, soit en soignant quelques bestiaux, en allant ramasser du bois ou tout simplement en défendant ce qui peut l’être contre tous les dangers qui guettent un convoi marchand… enfin tous les dangers qui ne me dépassent pas.

Elle ne manque pas d’idée non plus pour servir, et propose de faire sa part. Voler à dos de canard pour repérer les dangers ! Ah quelle belle idée ! Quel avantage ! J’imagine déjà le chef de caravane, s’il n’est pas trop stupide, se réjouir. Voir plus haut, éviter les plis du terrain, voir plus loin aussi… Un atout précieux, compte tenu de la place qu’elle prendrait en plus, personne ne la ferait payer. Ma réponse à sa dernière question, quand partir, est simple, et je préfère jouer la franchise en lui confiant que je ne suis pas à l’aise dans les villes, que le plus tôt sera le mieux. J’espère qu’elle ne m’en tiendra pas rigueur, qu’elle ne voudra pas s’attarder : même si un bon lit et un bon repas me conviennent toujours, je pense que plus d’une journée à traîner les ruelles commencerait à sérieusement entamer mon moral.

La suite des propos de la lutine me donnent quelques indices et l’idée d’une proposition que je n’aurais pas osé lui faire. Elle m’explique que parfois elle voyage sur des épaules d’humain. Les miennes seraient bien assez large, sans compter mon paquetage, pour la porter, et même son canard avec, s’il ne se soulage pas sur mon sac. Mais lui proposer, je n’aurais pas osé. Eh quoi, ce n’est pas parce qu’on est petit qu’on manque de ressource et qu’on n’a pas sa fierté. De plus, elle me dit avoir un bon sens pour sonder les gens, et trouver une bonne caravane. Nous ne serons pas trop de deux pour repérer d’éventuels marchands malhonnêtes qui voudraient nous exploiter, nous voyant seuls et débarqués d’on ne sait où.

En trinquant, nous scellons donc cet accord, et le projet commun de prendre la route vers Yarthiss.

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Guasina
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Re: L'Auberge du Pied Levé

Message par Guasina » lun. 6 janv. 2020 00:58

La suite du repas se passa en silence… enfin, un silence relatif, puisque si aucun de nous ne parlait, l’ambiance de l’auberge s’avérait plutôt animée et bruyante. Les uns riaient, les autres chantaient et certains même se menaçaient. Et dans tout ce brouhaha, les serveuses se faufilaient habilement avec leur cabaret chargé de victuailles, de chopes de bières et de couverts vides à rapporter à la cuisine.

Nous avions conclu un marché et il n’était plus nécessaire de parler davantage. Bien à l’aise dans ce mutisme, je dégustais mes quelques baies tout en jetant de temps en temps un petit coup d’œil satisfait à mon vis-à-vis qui en faisait autant. Aucun de nous deux ne semblait indisposé par cette absence de conversation. Ce « silence relatif » ne nous pesait aucunement, je ne ressentais pas la nécessité de meubler ces temps morts et il semblait partager ce sentiment. Cette fin de repas me persuada que j’avais pris la bonne décision, cet homme, apparemment solitaire, respecterait mes désirs d’intimité et de recueillement et j’en ferais tout autant.

Alors que je venais de terminer de manger ma dernière baie. Un petit son de clochette retentissant dans mon dos m’alerta. Instinctivement, je me retournai aussitôt, pour remarquer un sournois chat tigré à moins d’un mètre de moi qui m’observait attentivement de ses yeux verts perçants tel un prédateur envers sa proie. Heureusement pour moi, ce petit bijou, qui ornait son cou, l’avait trahi dans sa manœuvre qui s’était voulue silencieuse. Alors qu’il ne cessait de me fixer, mon attention se porta sur son cou orné d’un ravissant collier rouge ornée d’une fine fourrure blanche et munie d’une clochette salvatrice. Sans me perdre du regard, le félin rapprocha ses pattes de devant vers celles de derrière, il descendit l’avant de son corps, comme s’il amorçait un ressort pour le relâcher par la suite. Il n’y avait aucun doute possible, il s’apprêtait à effectuer un spectaculaire saut, propre aux félins, afin de me rejoindre sur la table. De mon côté, j’avais récupéré mon arc d’ombre de la main droite et tendu la corde de la gauche et une flèche s’était automatiquement matérialisée. Mes jambes bien campées sur la table de bois, mes pieds positionnés parallèlement à ma cible et écartés d’une largeur d’épaules, la corde de mon arc tendue et ramenée à mon visage à la hauteur de ma bouche, le dos droit de manière à ce qu’il forme un "T" avec mes bras et mes épaules, j’étais prête. Contrôlant ma respiration, j’attendis de voir surgir l’animal en chasse avant de libérer ma flèche qui se voulait meurtrière.

Une voix grave se fit alors entendre :

« Par ici Minet. »

Attiré par l’odeur de viande, sûrement plus que par l’ordre de son propriétaire, ce Minet affublé des pattes gauches entièrement blanches se détourna de moi, pour sauter sur la chaise située à la droite de son propriétaire. De ce dernier, je ne percevais que le dos. Il s’agissait d’un homme de stature moyenne, portant des cheveux bruns très courts, laissant paraître une légère cicatrice sur l’arrière de son crâne. Il ne s’était pas retourné, se contentant de tendre son bras droit et d’agiter légèrement sa main afin de faire ressortir les effluves alléchants d'un morceau de viande rosée. Le chat appâté suivit des yeux la main de son humain, puis sans prévenir, il s’élança agilement et attrapa sa pitance convoitée. Avec précaution, je détendis ma corde et descendis mon arc, le prédateur avait trouvé autre chose à se mettre sous la dent, j’étais sauve. Tout en replaçant mon arc en bandoulière, je formulais un timide merci à l’attention de l’homme qui pour toute réponse se contenta d’un grognement, suivi d’un geste de la main qui signifiait qu’il acceptait mon remerciement. Je restai debout à regarder Minet terminer son repas et faire sa toilette. Mon aversion pour les chats était bien réelle et irréversible. Néanmoins, il ne s’agissait aucunement de haine de ma part, mais plutôt une crainte fortement légitime en tant que proie éventuelle. Si ce n’avait été de ma taille, j’aurais sûrement admiré ce félidé agile, souple et intelligent. Et qui sait, j’en aurais peut-être même un comme compagnon. Mais telle n’était pas ma situation, et je devrais continuellement me méfier de ce prédateur en puissance. Ce fut la voix de son maître qui me sortit de mes réflexions.

« Patience Minet, je te débarrasse de ça dès la fin de mon repas. »


Son Minet tentait en effet de ses petites pattes poilues de se débarrasser de ce collier qui semblait ne pas lui plaire pour plusieurs raisons dont une que je devinais aisément.

Lorsque je portai de nouveau mon attention sur mon compagnon, je constatai qu’il avait lui aussi terminé son repas et qu’il avait hélé la serveuse. Une fois cette dernière à notre hauteur, je payai mon dû en yus et nous sortîmes de l’établissement, non sans avoir jeté un œil sur Minet et m’assurer qu’il ne me suivait pas à la trace.

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Cecilia Von Holsen
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Re: L'Auberge du Pied Levé

Message par Cecilia Von Holsen » jeu. 7 juil. 2022 16:25

PLUS TÔT
Contre-coup

« Tu connais mon frère, toi ? »

La voix qui pose cette question n’est pas très distincte. Les paroles semblent difficilement s’articuler pour former des mots, engluées qu’elles étaient dans la nébulosité pâteuse de l’alcool.
La voix qui pose cette question est, bien sûr, la mienne.
Étrangement, Je suis bien consciente de mon ivresse et me comprends difficilement moi-même. Détachée, je suis à la première place d’un spectacle que je ne dirige pas.

Je me vois très nettement, les coudes sur la table, le visage entre les mains, deux pintes de bière posées devant moi, dont l’une est à moitié pleine et l’autre vide, avoir un semblant de conversation avec l’homme assis en face.
Une simple silhouette, en l’état. Les lanternes de l’auberge allumées derrière lui m’empêchent de discerner ses traits. Quand donc s’est-il installé à ma table ?

Oui, j’en suis effectivement à ma deuxième pinte et, de toute évidence, non je ne suis pas une grande habituée de la boisson.

« Non… tu ne connais pas mon frère… parce que sinon… tu saurais ! *J’appuie cette affirmation par quelques mouvements de tête.* Tu saurais que c’est le plus graaaaand abruti de tout Imiftil… Oui !
Je fais une pause, le temps de faire disparaitre une bonne quantité de bière.

» Tu vois ça ? *Je reprends en montrant la bosse sur mon front.* Eh ben, ça, c’est lui ! ’fin, non, c’est pas lui… c’est son… *Je m'effleure le menton.* Touche, tu vas voir… *Je me penche brusquement par-dessus la table.* Allez, touche ! Tu verras, c’est gros comme un œuf… Non ? Comme tu voudras. *Je reprends ma position.* Mais bon… c’est pas une preuve, ça !? C’est pas un œuf d’abruti, peut-être !?

Je reprends mon gobelet et, me laissant aller contre le mur derrière moi, je termine ce qu’il contenait encore. Je regarde sans les voir les deux danseuses et le musicien au centre de la salle, les gens autour, assis ou debout, qui riaient, buvaient, se chamaillaient, le tout dans une bonne ambiance. Je me souviens qu’en arrivant plus tôt, j’avais trouvé le brouhaha qui régnait ici, apte à m’apaiser l’esprit.

Je perds un peu le fil du temps. J’ai certainement dû faire un geste à l’aubergiste car le voilà qui m’apporte une nouvelle bière. La partie encore saine en moi me rappelle que jamais je n’en ai ingurgité autant. Ce dont je me félicite en m’offrant trois gorgées bien fraiches avant de la reposer.
L’Homme en face de moi me rappelle son existence en changeant de position. J’attaque de plus belle, comme si rien n’était.

« Puis ça ! *Je me tapote la joue de la main.* Ça, c’est encore chaud, tu vois et ça fait encore mal. Eh bien, c’est lui qui m’a giflée ! Oui ! D’un coup, comme ça ! J’dis pas que je l’ai pas mérité, c’est pas le sujet, mais c’est pas des manières envers la petite sœur qu’on aime, si ? *Je bois.* Et tu sais pourquoi il a fait ça ? Non ? Tu sais pas ? À cause de ces « Treize… fichues… années »…
Dans mon brouillard, je trouve mon imitation absolument parfaite et j’éclate de rire.

» T’as entendu !? On s’y serait cru, hein ? J’ai la mauvaise idée de vouloir boire alors que l’hilarité me taraude. Le résultat n’est pas joli. Je vois l’Homme reculer brusquement sur son banc au moment où j’avale de travers et suis prise d’une quinte de toux. J’essaie de me calmer et par la même occasion de le rassurer d’un geste de la main tout en essayant d’articuler un « cha va pacher » peu convaincant.
Mais ça passe. Des larmes plein les yeux.

Je reprends longuement mon souffle tout en regardant les artistes. Et voilà que ça me donne la fabuleuse idée d’aller les rejoindre pour onduler comme les danseuses.
« Viens, on va danser ! » je lance.
Je tente à plusieurs reprises un décollement du séant, tâche peu probante, celui-ci semblant s’être étonnamment alourdi depuis peu. Je m’aide des deux mains, en poussant sur la table et je réussis finalement à me mettre debout.
Le fait que tout ce qui m’entoure se mette à faire la ronde autour de moi ne m’inquiète pas le moins du monde. C’est sûrement la fête ! Je tente quelques pas pour entrer, moi aussi, dans la volte.

Je me tiens toujours à la table et dès le premier mouvement, mon pied ne veut en faire qu’à sa tête en allant résolument à l'opposé de ce que j'avais prévu. Je serais certainement tombée sans mon sens de l’équilibre et l’Homme, qui m’a promptement retenue par le bras.

«Tout ba vien, tout ba vien…» je mâche.
Juste avant qu’une chape d’obscurité me tombe dessus et engloutisse sens et conscience, d’un seul coup.

Je devais porter au moins tout le poids du monde pour avoir autant traînassé après avoir vu Johann. J’ai mis un temps fou depuis le quartier des belles habitations à finalement rejoindre l'auberge où j’avais ma chambre. Je ne compte même pas le fait de m’être perdue deux ou trois fois en route - j’ai beau être née dans cette ville, c’est l’endroit que je connais le moins au monde.

Toujours est-il que j’avais grand-soif en arrivant.
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Cecilia Von Holsen
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Re: L'Auberge du Pied Levé

Message par Cecilia Von Holsen » sam. 9 juil. 2022 19:41

AU COMMENCEMENT

PLUS TÔT
Le jour de l’après - I

Je n’existe plus.
Je ne suis plus qu’une douleur unique dont le centre irradiant est mon cerveau.

Mes tempes pulsent sous la pression trop élevée de ce que j’imagine être la liquéfaction pure et simple de ce siège de la pensée. De la pensée unique, devrais-je dire, car ce couard semble n’avoir qu’un but, fuir et pour ça il essaie obstinément de briser les parois internes de mon crâne. J’en suis convaincue.
D’ailleurs, si j’en juge par mon impossibilité à ouvrir les yeux, je devine que sa liquéfaction s’est déjà répandue et a envahi mes paupières, c’est la seule explication logique… J’imagine ces deux petites choses transformées en outre à eau, dont l’ampleur me défigure et entrave tout mouvement palpébral. Ma beauté outragée… Gonflée comme une outre… Si j’attends trop longtemps mes paupières vont à coup sûr se distendre, se fendre, se répandre… Que faire… ? Si j’arrache deux ou trois cils, est-ce que ça pourrait créer une fuite ? Un drainage pilaire… Sauvée par le poil… Le poil de l’outre…
Je réalise d’un coup mes délires et une hilarité aussi fulgurante que malvenue me secoue tout entière. Bon sang !!
Je me prends précipitamment la tête entre les mains pour contenir la douleur de l’implosion qui menace.
Ne pas rire. Ne plus rire. Jamais.
Une accalmie plus tard, je retrouve une certaine lucidité mais, par acquit de conscience, je me palpe minutieusement le visage à la recherche d’une quelconque difformité… On n’est jamais trop prudent.

Je perçois finalement la dureté de l’endroit où je suis allongée. Un plancher en bois, à priori. Au moins, je ne suis pas dans une ruelle, c’est toujours ça de pris.
Je vais devoir bouger et me lever.
J’aspire une bouffée d’air censée me donner du courage avant d’ouvrir un œil prudent. Puis l’autre… et je m’éborgne aux piques brûlantes qu’une pauvre lumière passant à travers je ne sais quelle ouverture, me lance très certainement à dessein. Les secondes qui suivent baignent dans un mélange de larmes et d’imprécations silencieuses… Je crains en effet que le moindre bruit ne perturbe irrémédiablement ma bancale lucidité.

Après plusieurs tentatives, je parviens enfin à rouler sur moi-même et à ramper jusqu’au mur à proximité pour m’y adosser. Le goût salé de la nausée me prend au dépourvu. Je ferme quelques instants les yeux et je respire profondément une bonne dizaine de fois avant de rétablir la stabilité toute relative de mon estomac. Et je veux mourir.

Au bout d’un moment, je peux enfin regarder autour de moi.
Une pièce pas très grande. Une fenêtre. Un lit. Une petite table avec une cuvette et son broc d’eau, un tabouret avec un sac posé dessus et au sol, pas très loin de moi… un seau. Pertinente idée.
Je suis plutôt soulagée de reconnaître ma chambre à l’auberge. Soulagement toutefois mâtiné d’une certaine perplexité car lorsque je me réveille quelque part, je me souviens en général y être arrivée et – plutôt heureusement – de ce qui j’y ai fait.
Une rapide inspection m’apprend que je ne suis en rien débraillée, du moins pas plus que je ne le devrais, et rien ne semble anormal. Mon honneur est sauf.
Je me consacre, alors, à un retour laborieux à la station verticale et à faire quelques pas prudents vers la cuvette et son eau qui m’appelle à grands cris. Je bois à même le broc et me rafraîchis comme je peux, avant de devoir m’asseoir sur le lit pour reprendre des forces et mes esprits. J’ai mal partout.

Des bribes de la journée d’hier - était-ce hier ? - me reviennent… Johann, l’auberge, la musique, la bière… une odeur sucrée de fruit rouge semble flotter autour de moi et je manque tourner de l’œil. Fichue Rougette…
Fichus boyaux…
Oh ! Fichtr… Non ! Non ! Pas ce souvenir-là !
Peine perdue. Je me jette et me prosterne in extremis devant le seau pour lui offrir tout un monceau de vestiges de la veille.

Il y a certainement quelque chose qui cloche chez moi… Me remettre en mémoire, à cet instant précis, cette vieille affaire alors que je pensais bien l’avoir totalement annihilée de mon esprit… Et voilà que je ne peux pas m’empêcher de revoir les évènements défiler pendant que j’agonise au-dessus du récipient.

C’était il y a longtemps, quelques mois après mon départ de Tulorim, j’étais jeune. J’avais le ferme intention de rejoindre la sororité de Selhinae ou du moins d’y faire une halte et d’y rencontrer les Sœurs. L’incident s’est passé en chemin. Pas loin de la plaine des Amazones. Une querelle à propos de chasse et de butin dont la propriété était discutable – enfin, c’était tout de même ma flèche qui lui transperçait le cou, à ce pauvre chevreuil – mais qu’après tergiversation l’on m’accorda. Je me retrouvais bientôt au campement des querelleurs sous prétexte de boire à la réconciliation et d’oublier tout ça. Il s’agissait de ma première rencontre avec l’alcool et l’on peut imaginer l’effet de la nouveauté et de l’excès sur ma personne. Toujours est-il, que bien plus tard, je me suis réveillée, seule, dans un état lamentable, avec la sacoche dépouillée et les pieds et les poings solidement liés. Un moindre mal, puisque j’étais intacte.
Sauf que ce qui ligotait mes membres n’étaient autres que les intestins du gibier responsable de la discorde.
Inutile de préciser que personne n’avait eu la décence de les vider avant d’en faire usage. Ils commençaient déjà à se décomposer au contact de ce qu’ils renfermaient et de la chaleur. Les retombés de l’alcool combiné avec l’odeur méphitique de ces choses autour de mes poignets et mes chevilles m’ont fait rendre tripes et boyaux – c’est de bonne guerre – durant des heures.
Cela n’a l’air de rien, mais l’intestin est une solide entrave et je n’avais rien pour m’en dépêtrer. Mon seul espoir était de me servir de mes dents, mais là… il me fallait tout de même un peu de courage… Je n’eus heureusement pas à aller jusque-là car je fus secourue par une sœur qui rentrait au monastère, et dont la suite est une autre histoire.
Pendant longtemps la simple évocation de ce souvenir me rendait malade et j’ai, depuis, conservé une méfiance instinctive envers l’alcool. D’autant qu’il a été, plus tard, la cause d’une autre mésaventure mais… passons.


Pendant quelques instants, le seau a été mon meilleur ami. Il m’a épaulé jusqu’au bout, et grâce à lui, je me sens mieux.
Après une petite toilette et un changement de tunique – et en faisant surtout abstraction du mal de crâne qui me taraude – je me sens d’attaque pour rejoindre la grande salle de l’auberge.
Je vais devoir y manger quelque chose, ce sera salvateur si mon estomac consent à tout conserver.
Et je veux également avoir l’esprit clair avant de poser quelques questions à Talic.
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Cecilia Von Holsen
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Re: L'Auberge du Pied Levé

Message par Cecilia Von Holsen » dim. 10 juil. 2022 16:09

AU COMMENCEMENT

PLUS TÔT
Le jour de l'après II

« Mais c’est qu’elle est toute pâlichonne, la jeune dame ! V’nez, v’nez donc ! Asseyez-vous là ! m’accueille Talic.
Déjà éreintée par la vingtaine de pas depuis la chambre, je m’exécute sans faire d’histoires. Il me propose un banc, juste à côté du comptoir.
» C’est pas encore passé, hein ? Je savais bien que vous n’aviez pas l’habitude, mais comme vous aviez l’air d’aimer ça, j’ai pas commenté, voyez ? Mais attention hein ! J’vous aurais pas laissée en boire une de plus ! Faut dire que la Rougette c’est une sale bête, toute douce mais il y a toujours un moment où elle vous prend à revers et vous chique…

Il s’affaire tout en parlant – pour deux, ce qui m’arrange bien – et amène une petite table qu’il pose devant moi.
» Voilà, bougez pas, j’vais vous dorloter. Je vais déjà vous apporter un quelque chose à ma façon, vous allez apprécier !»
Il passe rapidement derrière son comptoir et emplit une timbale d’un liquide indéfinissable avant de revenir la poser sur ma table.
» Buvez ça, ça va vous requinquer ! *il remarque mon air méfiant.* Craignez rien ! Buvez, c’est que du bon ! Une infusion de menthe, camomille avec une pointe d’Erak, que je prends chez un ambulant qui passe parfois. C’est un mélange à moi, voyez ? Et c’est radical pour ce que vous avez.

Je hume prudemment le breuvage et je sens effectivement l’odeur de ce qu’il m’annonce avec un léger effluve terreux qui doit venir de l’Erak. Je me laisse tenter et avale d’un coup tout le contenu. C’est frais, le gout de la menthe est puissant et… tout va bien.

» Jolie descente !*Il rit.* Maintenant, il y a plus qu’à attendre que ça fasse son petit effet ! Après ça, vous serez sûrement d’attaque pour un bon plat chaud ! J’ai du bœuf qui mijote justement, ça vous remettra définitivement d’aplomb !
À cet instant précis, l’image du bœuf mijotant est bien loin de me mettre d’aplomb, mon estomac se cabre instinctivement. J’étais peut-être venue avec l’intention de me nourrir, mais je crains de devoir y renoncer pour le moment. Autant le prévenir.

Je parle pour la première fois depuis mon arrivée.... Ou du moins j’aurais parlé pour la première fois si au moment de m’exécuter, le plus formidable, le plus énorme, le plus abject de tous les rôts jamais propulsés n’était pas sorti de ma bouche.
Sorti de MA bouche ! La mienne ! Non, non, impossible qu’une chose aussi monstrueuse ait pu provenir de moi.

L’attitude de Talic ne laisse pas planer beaucoup de doute, étant donné la manière qu’il a de se gondoler de rire. Mais quel âge a-t-il, franchement…
» Bah ! Voyez ? Le voilà le p’tit effet ! Dites-moi, il était plus gros que vous, celui-ci, non ? *il rit de plus belle.* Allez, ne vous faites pas de bile, personne n’a rien remarqué.
Personne… ? Je note pour la première fois la présence d’une dizaine de clients déjà - ou encore - dans l’auberge. J’étais dans un tel état en arrivant que je n’aurais même pas aperçu un éléphant dans la salle. Et tous ces braves gens, sans exception, ont les yeux braqués sur moi, l’air hilare ou goguenard… Cela va de soi.
Bon. Suis-je à ça près ? Je prends sur moi.
D’autant que… il est magique son petit effet ! Je me sens complètement libérée et… Bien. Très bien même.

Talic, c’est un miracle votre mixture là… *je parle, enfin.* Je ne sais vraiment pas comment vous remercier ! Vous ne m’en vendriez pas par hasard ?
Bah, j’dis pas que ce serait pas utile à des petites natures comme vous mais c’est pas l’genre de choses que je vends, voyez ? M’enfin… vais voir ce que je peux faire. Sinon, ce bœuf ? Vous en voulez, maintenant que vous lui avez fait de la place ?
Étrangement, je me sens à présent affamée.
Allez, je veux bien ! Mais, avant, dites-moi un peu ce qu’il m’est arrivé hier soir, s'il vous plait. C’est le brouillard et je n’aime pas rester dans l’inconnu.
Comment ça ? Bah… Laissez-moi vous remettre… *il croise un pied sur l’autre, d’une main prend appui sur la table et se gratte le haut du sourcil de l’autre… signe d’une intense réflexion* Alors oui, voilà… Vous êtes arrivée franchement pas gaie, je me souviens et vous vouliez commander à boire,*jusque-là je confirme et j’approuve d’un signe de tête.* mais comme vous saviez pas trop bien quoi, je vous ai fait gouter de la Rougette, parce que bon… on dira c’qu’on voudra, ça remonte quand même bien le moral c’tte affaire... En plus, on peut dire que ça vous a plu, hein ! *Il rigole.* Vous en avez voulu une pinte. Vous l’avez sifflée d’un coup, celle-là ! Bon, c’était pas bien malin, si vous voulez mon avis… Parce que c’est ça, qui vous a fait tout de suite monter les choses à la tête, voyez ? Après, vous êtes partie, la pinte vide en main, ça m’a fait marrer et vous avez fait le tour de la salle avec, à quelque chose près… À un moment, vous avez chanté et…
Ouh là !… un moment.
Chanté ? J’interromps, un peu affolée.
Bien oui, vous aviez tout un petit groupe d’admirateurs autour de vous ! Puis, ça rigolait ! Je crois qu’elle plaisait bien votre chanson sur les ponts ou les digues, ch’sais plus bien. Ça reprenait le refrain en chœur et tout ! Après vous êtes revenue, vous avez pris une autre pinte. Vous vouliez pas lâcher la première... Allez comprendre... Et vous avez rejoint votre ami à sa table.
Un ami ? Mais je n’ai pas d’amis, ici. Vous êtes sûr que je suis allée à sa table ?
C’est ce que j’ai vu, en tout cas ! La manière de comment que vous lui parliez et de comment qu’il vous écoutait. Faut dire aussi que, quand vous avez perdu conscience et que vous êtes tombée, sans lui vous vous seriez pas réveillée pareille, voyez ? Il a bien amorti la chute.
J’ai un très vague souvenir d’avoir beaucoup parlé effectivement… mais d’être tombée, pas du tout.
» Après ça, lui et moi, on vous a mise au lit et voilà.
Et je me suis réveillée au sol, toute cassée. La nuit a dû être agitée.
Vous le connaissez, cet ami ?
Pas du tout. Quoique… j’en sais trop rien finalement, je ne l’ai même pas bien vu. Et puis, il est parti presque aussitôt après.
Je vois... tant pis… Je vous remercie de m’avoir éclairée, Talic. Vous avez une sacrée bonne mémoire !
Ha ! Ça c’est le métier, voyez ? Allez, je vais chercher votre plat, parce que ça doit gargouiller là-dedans.
Et le voilà qui part.

Ce qui me permet de faire un peu le point.
Depuis mon retour, j’ai l’impression d’accumuler tout plein de petits drames. Et mon frère qui ne veut pas me voir pour l’instant… Non seulement, cela m’attriste mais c’est en plus très embêtant. J’avais plusieurs questions à propos de la mort de notre père et j’espérais qu’il veuille bien y répondre. Sans compter que je ne sais même pas où est le reste de ma famille.
Je vais devoir remettre à plus tard certaines choses que j’avais prévues. Ce qui ne m’enchante guère.

Et en attendant, il va falloir que je trouve de quoi m’occuper, si je ne veux pas que l’ennui me terrasse et me plonge corps et âme dans la Rougette, voyez ?
Modifié en dernier par Cecilia Von Holsen le mer. 13 juil. 2022 11:14, modifié 2 fois.

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Aaliah
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Re: L'Auberge du Pied Levé

Message par Aaliah » lun. 11 juil. 2022 22:08

Les regards scrutateurs des gardiens de la bâtisse où je suis apparue, en direct de mon monde d’origine, me confrontent au premier jugement des âmes d’ici-bas. Prudente, je me laisse mener docilement, sans un mot, les yeux baissés. Les deux hommes, humains comme leurs semblables de l’Ard’Ùlan, me mènent jusqu’à un bureau situé à plusieurs étages au-dessus de cet étrange fluide de transport inter-mondes. Ils m’y font entrer, muets aux aussi, mais par consigne plus que par pudeur, deviné-je. Là, un autre mâle m’attend. Un gradé, un chef, au vu de son armure ornementée et des galons y étant accrochés. C’est d’une voix bourrue qu’il m’adresse la parole.

« Une visiteuse hein ? Présentez-vous, et signez ici. »

Il tend dans ma direction un parchemin parcouru de vulgaires pattes de mouche. Des écrits qui sont pour moi aussi obscurs qu’inconnus. Déjà en mon monde je n’ai pas eu accès à l’apprentissage des écritures, alors pour comprendre celles d’ici… Je m’approche du bureau et m’exécute, ne sachant pas trop ce qu’il souhaite que je dise.

« Aaliah, Cinquante-cinq ans, originaire de l’Ard’Khorneur sur Saldana. »

Je n’ai aucune intention d’en dévoiler plus sur mon identité. Sur mon ascendance. Ni sur mon but ultime. Je dois d’abord me faire une impression de ce monde, apprendre à le connaître, avant toute chose. Je regarde de manière circonspecte le bout de papier bruni. Sans doute comprend-il mon désarrois, car il précise aussitôt :

« Bienvenue sur Yuimen, alors. Ce sont là les consignes de la milice pour votre venue : interdiction formelle de parler de votre monde ou cité d’origine, de l’existence du fluide spatial et de sa position dans nos caves. Forte recommandation de respecter les lois de Tulorim et de la Fédération de Wiehl tant que vous y séjournerez. Pour le reste… C’est vous que ça regarde. C’est un séjour temporaire ou plus définitif ? »

Curieuses conditions. Nos dirigeants ne nous dissimulent pas l’existence d’autres mondes, ni les passages qui y mènent, bien qu’ils soient normalement réservés à une élite. J’acquiesce silencieusement, avant de répondre à sa question d’un ton sec, sans émotion.

« Définitif. Je n’ai plus aucun avenir sur Saldana. »

Il toussote, main fermée devant sa bouche à la moustache épaisse et grisonnante, et reprend la parole.

« Bon. Bon. Alors apposer votre signature ici. Votre marque. »

Je le regarde d’un air hagard. Ma marque ? Je n’ai guère de signature, ni de marque spécifique d’identification, puisque c’est ce qu’il attend. Me saisissant de la plume trempée d’encre noire qu’il me tend, j’hésite un instant avant de la poser sur le papier épais. Une marque… Je marque un nouveau temps de pause. J’en ai, des marques. Partout sur mon corps, inscrites dans ma chair. Chacune avec une signification profonde. L’une de celles-là, donc. Je ne mets pas plus longtemps à me décider, et la dessine avec précision en bas de la page. Trois cercles concentriques percés de cinq sceptres rejoignant leur sommet au centre des premiers. Une marque sur ma joue, m’identifiant clairement. Une marque qui signifie « esclave » sur Saldana, dont nombre de femmes sont teintées. Une marque que je dépossède de son sens. Elle ne représentera plus mes chaînes, mais ma liberté nouvelle. L’officier semble surpris de mon dessin. Il ne s’attendait sans doute pas à ça. Tant pis, il a ma marque, comme il l’avait demandé. Il finit par opiner du chef et placer le parchemin sur une pile d’autres, déjà griffonnés. Et enfin, il me congédie.

« Tout est règlementaire, vous pouvez sortir. En espérant n’avoir plus à entendre parler de vous. »

Son sourire laisse penser qu’il plaisante. Je ne rétorque que d’un signe de tête sérieux. Curieux sens de l’humour. Sans demander mon reste, je quitte le bureau et me laisse conduire jusqu’à la porte de l’établissement. J’en sors sans attendre. Après quelques pas, je m’arrête, fermant les yeux. L’air ici est respirable, agréable. Pas froid, mais fort loin pourtant de la chaleur de Saldana. Le ciel est visible, bleu et dégagé, et un soleil y brille. Un ciel, une cité ouverte, bien loin de nos habitats troglodytes. Et un astre lumineux qui ne brûle pas la peau. Une nouveauté, pour moi. Rouvrant les yeux, je me laisse parcourir un instant les rues, larges ou plus étroites, de cette nouvelle ville. Tulorim. Un nouveau monde, un nouvel espoir. Certains badauds me reluquent curieusement, sans doute étonnés par mon apparence peu commune ici, ou par les tatouages nombreux sur mon visage et ma gorge découverte. Mais je ne sens aucun jugement, aucun grief chez ceux-ci. Là aussi, c’est nouveau. J’évite au possible de croiser leurs regards, poursuivant ma route. Les rues ici sont curieuses, comme l’architecture des bâtisses. En hauteur, sur plusieurs étages pour les plus grandes, de pierres taillées. En paille et en bois pour les plus pauvres, couvertes de chaume.

J’arrive bientôt face à un établissement qui invite à y pénétrer : une enseigne croisant une chopine moussante et un pied retourné. Une taverne, ou quelque chose s’en approchant. La bière, devise universelle rassemblant les peuples. SI je dois commencer quelque part, c’est par là. J’y pénètre sans plus attendre.

L’ambiance est calme, en cette heure de la journée. Plusieurs personnes sont attablées, partageant un repas. Le décor me surprend : des têtes animales accrochées aux murs, cernées de cadres de bois. Des trophées, sans doute. Et autant de créatures inconnues de mon monde. Un bonhomme guilleret s’occupe des commandes de boisson derrière un bar imposant. J’observe la salle avec plus d’attention. Quelques personnes sont seules, déjeunant. D’autres en groupes, ou assises sur des tabourets hauts proches du comptoir. Une seule, cependant, attire mon attention. Une femme isolée. Je ne crois pas que les hommes d’ici traitent les femmes comme par chez moi, mais par habitude, je ne m’adresse pas à eux. Et me fondre dans un groupe pourrait être dangereux. C’est donc vers elle que je me dirige. Pourquoi faire ? Je n’en sais moi-même rien. Si : pour qu’elle m’apprenne les bases de son monde. Les choses à faire, à ne pas faire. Mais je ne dois pas éveiller les soupçons, respecter l’interdiction du gradé de la milice locale. Comment ? Là encore, je l’ignore. Mais je m’avance pourtant, la scrutant avec curiosité. Elle a le teint plus pâle que celle des habitants de Saldana. Un regard plus clair, aussi. Elle n’est pas une bourgeoise, une noble, en témoignent ses hardes défraîchies. Tant mieux : c’est autant d’indices supplémentaires me faisant dire qu’elle ne me repoussera pas.

J’atteints sa table, dominant la jeune femme de toute ma hauteur Et d’un ton neutre, sans expression, j’énonce :

« Bonjour. Puis-je m’attabler ? »

Une mine fermée, mes yeux noirs fixés sur les siens, d’or. Et l’attente de la réponse, comme une angoisse montante.
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Cecilia Von Holsen
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Re: L'Auberge du Pied Levé

Message par Cecilia Von Holsen » mar. 12 juil. 2022 17:13

Je la vois arriver sans vraiment la voir.
Non pas qu’elle ne soit pas notable, loin de là ! Avec ses arabesques sur le bas du visage – très jolies par ailleurs – elle tranche radicalement avec le reste de la clientèle présente. Mais, après m’être restaurée grâce aux bons soins de Talic, je suis perdue dans mes pensées, toutes focalisées sur ma déjà pesante oisiveté.

Si le pas est décidé en se dirigeant droit vers moi, la voix, elle, est égale lorsqu’elle me demande l’autorisation de s’asseoir à ma table. Il me parait clair que son détachement affiché n’est qu’une posture.

Je la regarde, étonnée, ce qui me permet de noter un petit menton buté qui m’en apprend beaucoup sur sa nature, avant de parcourir – de façon légèrement ostentatoire – la salle des yeux. Puis je lui réponds.
« Bonjour à vous…*j’use à dessein d’un ton traînant pour lui signifier ma perplexité* Je vous en prie, faites donc. Mais vous allez devoir prendre ce banc, juste derrière vous, *Je lui montre d’un geste de la main* et l’apporter ici.

Elle suit mon mouvement du regard, se dirige vers l’objet en question, le saisit d’un côté avant de le ramener près de la table. Tandis que le banc, à l’autre bout, raclant le sol de plus belle, geint à fendre l’âme.
Et les oreilles. Les miennes en l’occurrence, encore sensibles. Ce qui, l’air de rien, titille mon humeur. Je serre quelque peu les mâchoires.

La voilà qui s’installe, et me fait face, silencieuse. Je deviens alors une curiosité sur laquelle on s’attarde. Ses yeux, totalement noirs à en être déstabilisants, me scrutent et je suis curieuse de ce qu’elle pourrait découvrir.
Pour ma part, je ne vois qu’une jeune fille, venue de je ne sais où, presque une enfant.
Je lui adresse un demi-sourire, comme si j’étais amusée par son attitude, ce qui est peut-être le cas.

» Vous aviez une raison particulière de vous asseoir ici ? Il me semble voir quelques tables encore disponibles, *d’un petit geste circulaire je montre la flagrance de ce fait* à commencer par celle d’où provient votre banc…
Je la vois regarder prudemment ce qui l’entoure avant de me signifier – comme si cette raison était l’unique valable – que je suis la seule femme isolée. Certes. Je comprends qu’il est plus rassurant d’être en compagnie d’une femme seule, dans son cas. Mais ne sait-elle pas qu’une femme aussi peut ne pas être de confiance ?
Elle use le tutoiement de façon naturelle, je ne m’en offusque pas, certaines peuplades n’utilisent que cette formulation. Et puis… cela me permet de faire de même, ce n’est tout de même qu’une enfant.

Que répondre lorsqu’elle me demande ce que je fais là, alors que je n’en sais rien moi-même ?
» L’histoire est longue. Mais disons que je réfléchissais à mon avenir. Et toi ? Tu n’es pas vraiment d’ici.
Affirmer cela équivaut à dire que l’herbe est verte. Ce qu’elle confirme, l’air pincé et sans plus s’avancer. Et voilà qu’elle me dit chercher un guide pour SON avenir…
Je laisse échapper un petit rire.
» Nous voilà bien…
Je ne peux m’empêcher de trouver ironique la situation. Deux générations différentes et pourtant une même quête… Puis, j’additionne sa présence ici, son examen de tantôt et le total m’interpelle légèrement, pour ne pas dire qu’il m’inquiète. Je reprends d’un coup mon sérieux.
» Tu n’es tout de même pas venue à ma table pour cela ?
Le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle ne fait pas durer le suspense : Si, Si répond-elle ! À l’entendre, être de cette charmante région fait de moi le guide idéal… En voilà une idée.

» Eh bien… Tu m’as l’air d’être drôlement sûre de toi ! Mais il faudrait déjà que j’arrive à me guider moi-même pour ça… * Je baisse légèrement la voix sur cette énoncée et je fronce les sourcils comme si je m’en faisais la réflexion en même temps.* Et puis d’abord, de quel genre de guide parles-tu ?
C’est vrai, ça. Autant savoir dans quoi je vais m’impliquer.

Et voilà qu’elle me dit vouloir apprendre à mieux connaître la ville, – la pauvre innocente ne sait pas que je me suis perdue deux fois sur le trajet entre mon ancienne maison et ici, pas plus tard qu’hier – mon pays, à travers lequel j’ai effectivement beaucoup voyagé, donc sur ce point on peut s’arranger et qu’elle veut savoir comment l’on traite les étrangers par ici. Je m’apprête à lui répondre lorsqu’elle ajoute qu’en échange, elle peut, elle, m’aider, moi, à me retrouver… et je veux bien être pendue si, en disant cela, je n’ai pas vu une ombre de sourire sur son visage décidément trop sérieux…

J’en doutais jusque-là, mais elle a peut-être de l’humour. Un détail qui peut faire pencher la balance, sans compter le fait de me dire qu’avec de la chance, il s’agit-là de l’opportunité que j’attendais pour passer le temps.

» Tu as des pièces d’or ? *Je demande* Si c’est le cas, tu seras bien traitée. Et plus tu en auras, mieux tu le seras. C’est la première leçon concernant cette ville. C’était le cas, quand j’en suis partie il y a des années et c’est toujours le cas. Tu es sûre de vouloir y rester ?
Non, elle n’en a pas et j’apprends qu’il existe un endroit où cela n’existe pas… Les bienheureux… Bien que… qu’ont-ils donc à la place ? Elle veut que je l’aide à en trouver.
Je ris de sa façon simple de voir les choses.

» En trouver… Il y a toujours moyen d’en trouver. Surtout si on n’est pas trop fainéant et qu’on ne craint pas de se salir les mains. On le gagne à la tâche. Il suffit de choisir la bonne.* Je fais une pause un instant.* j’imagine que tu n’as pas d’endroit où dormir ? Si on dort chez toi, bien entendu.
Elle lève un sourcil quand elle me répond avec sérieux que si les siens dorment, pas elle car elle n’en a pas la nécessité. Elle ignore ce qu’est être fainéant, ce que je salue… et me dit que chez elle toutes les femmes sont des esclaves – tiens ! – que certains hommes aussi et que ceux qui ne travaillent pas meurent.
J’aurais toujours le temps de l’informer qu’ici aussi, ceux qui ne travaillent pas meurent, même si ce n’est pas vrai partout.

Elle veut gagner beaucoup d’or et le plus vite possible, me demande quelle tâche est à même de la contenter. Elle n’a pas peur de la difficulté, rajoutant que moi aussi j’en aurais. Je me demande un instant s’il s’agit d’or ou de difficultés. Dans le doute, j’opte pour l’or.

» Ce sont les choses les plus salissantes – et dans tous les sens du terme – qui rapportent le plus. Et ne t’inquiète pas, j’aurais ce que j’aurais gagné par mes propres moyens… Si tu ne dors pas, est-ce que tu manges au moins ?
Je suis heureuse de savoir qu’elle le fait. Elle croit que je la trouve étrange alors que cela ne m’avait pas effleuré l’esprit. Et elle veut apprendre à être comme nous. Où est l’intérêt ?

» Tu n'es pas étrange, tu es différente. Si tu veux vraiment nous ressembler, ce que j'ai du mal à comprendre mais passons... je veux bien te montrer les ficelles humaines. Tu vas voir que ça fait souvent des tas de nœuds. Mais puisque tu insistes...*je l’étudie un instant en silence* Tu as faim peut-être ? Talic *Je le désigne d’un mouvement du menton* fait un excellent bœuf… Oh ! et je me nomme Cecilia.

La voilà qui lève la main pour me préciser qu’elle ne veut pas nous ressembler mais simplement nous apprendre et qu’elle veut des pièces d’or car c’est grâce à elles qu’on est mieux traités.
Elle tourne la tête vers l’aubergiste puis vers moi et nous désigne tous deux par nos noms comme une enfant. Une enfant qui semble avoir une obsession naissante pour l’or, une enfant à surveiller donc… Je crains que ce ne soit de ma faute.
J’ai au moins de quoi m’occuper un bout de temps, puisqu’il semble acté que je sois devenue son «guide».

Je sais à présent qu’elle se prénomme Aaliah et qu’elle ne connait pas même l’existence du bœuf. Je demande à Talic de la servir et le paie lorsqu’il lui apporte son plat.

Je la regarde pendant qu’elle se nourrit, tout en me questionnant sur ce qui m’attendra au détour du prochain chemin et sur ce que j’allais bien pouvoir faire d’elle.

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Aaliah
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Re: L'Auberge du Pied Levé

Message par Aaliah » ven. 15 juil. 2022 00:24

La réponse est directe et polie. Un peu trop polie, presque : l’étrangère me vouvoie et m’invite à m’installer, me faisant toutefois noter qu’il n’y a d’autre place à sa table pour l’instant. Pour y pallier, elle me conseille de ramener un banc, qu’elle désigne. Sans un mot, le regard fixé sur l’objet, je m’exécute sans ciller. D’une main ferme, je me saisis de l’objet, un peu lourd, et je le fais traîner sur le sol de l’auberge, sans souci de discrétion. Et c’est le moins qu’on puisse dire : tiré par terre, il fait un bruit plutôt désagréable. Loin de m’en soucier, je m’installe sur celui-ci une fois rapproché de la table de l’isolée. Mon regard se pose une fois de plus sur elle, scrutateur. Comment aborder les choses sans être trop directe, ou trop évasive ? Elle doit voir que je me questionne, puisque sur ses lèvres naissent une esquisse de sourire. Elle me questionne, évidemment, sur les raisons de m’asseoir près d’elle. Elle qui est seule à cette table. Table qui n’est pas la seule libre. Mon regard, agacé de cet empressement à me questionner sans que j’aie pu trouver mes mots, tourne autour de notre position. De fait. Et je l’avais déjà remarqué. Les mots sortent de ma bouche avec instinct, d’une voix forçant l’évidence.

« Tu es la seule femme isolée. »

Oui, c’est pour ça que je l’ai approchée, même. Comme par peur d’avoir été par trop découverte dans mon échec d’initiation de conversation normale, je renchéris d’une question :

« Que fais-tu là ? »

Exactement ce que je détesterais qu’elle me demande, donc. Elle rétorque, générale, qu’elle pense à son avenir. Je ne sais pas vraiment à quoi je m’attendais. Et évidemment, elle me retourne la question, précisant comme si ça allait de soi que je ne viens pas du coin. Mes lèvres se pincent. Si j’avais voulu rester discrète sur mon origine extérieure, c’est raté. Et je ne sais pas vraiment que répondre à sa question sans trop en dire. J’hésite un instant, avant de me lancer, succincte :

« Non. Pas d'ici. Je cherche un guide. Un guide pour... mon avenir. »

Une réponse presque miroir. Un clin d’œil ? Peut-être, mais lancé sans accointance particulière. Cela semble l’amuser, et elle appuie l’étrangeté de la situation. Je me sens maladroite, et je tâche de garder contenance. Une contenance qui amène visiblement au malaise. Redevenue sérieuse, elle me demande, un peu dépitée, si c’est la raison pour laquelle je suis venue m’asseoir près d’elle.

« Si. Si, toi tu es d'ici, tu peux me guider. »

Comme prise d’ironie, elle salue mon assurance et plaisante sur sa propre capacité à se guider elle-même. Curieuse, ensuite, elle m’interroge sur le genre de guide que je recherche. La situation, la discussion, est vraiment étrange. Je tente de clarifier les choses le plus possible : quitte à être transparente, autant le faire à fond.

« D'une guide qui m'apprendrait à mieux connaître ta ville. Ton pays. Ton mon... bref, chez toi. Je n'y connais rien, pas même comment l'on traite les personnes comme moi, ici. Toi, toi tu peux me le dire. »

Et puis, toujours en me faisant le miroir de ses propres paroles, je finis par préciser, non sans laisser échapper à mon visage de marbre l’esquisse d’un sourire :

« En échange, je peux te guider pour te trouver. »

Je crains que ne viennent les questions sur mon origine, ma provenance. Mais non, en place et lieu, elle me demande si je suis munie de pièces d’or. Souhaite-t-elle me soutirer, déjà, une sorte de paiement ? Elle m’indique qu’ici, si on veut être bien vu, il faut en posséder. Beaucoup. Sur la défensive, jouant à moitié l’ingénue, je rétorque :

« Non. Aucune pièce d'or. Il n'y en a pas chez moi. Peux-tu m'aider à en trouver ? »

Visiblement, je n’y arriverai pas sans. Elle a bien insisté sur le fait que c’était la première chose à savoir sur la ville : ces pièces d’or sont une clé vers la connaissance et le pouvoir. Ma remarque semble l’amuser, lorsqu’elle me semble plutôt légitime : s’il est important d’en avoir, autant savoir comment en obtenir, non ? Elle précise que le meilleur moyen d’en dénicher, c’est de n’être pas fainéant. D’œuvrer pour en gagner. Elle la joue mystérieuse en précisant qu’il faut choisir la bonne tâche… Sans préciser le fond de sa pensée. Puis, et la question me prend au dépourvu, elle me demande si j’ai un endroit pour dormir. Quel est donc ce lien curieux qu’elle fait là ? Elle poursuit même en demandant si l’on dort, chez moi. Se moque-t-elle ? Je lève un sourcil, entre la curiosité et la vexation, et rétorque au premier degré :

« Ceux de chez moi dorment, mais pas moi. Je n'en ai jamais eu besoin. Et j'ignore ce qu'est d'être feignant. Les femmes sont toutes des esclaves. »

Ne pas trop en dire. Elle ne doit pas trouver les dires sur mes origines trop étranges. Se rendra-t-elle compte que je viens de lui livrer là la raison de ma venue vers elle, et pas d’autres ? Sans doute pas. Je poursuis néanmoins, après m’être nerveusement passé une main sur la joue.

« Et certains hommes, aussi. Ceux qui ne travaillent pas, chez moi, ils meurent. »

C’est dans ces valeurs que j’ai toujours vécu. Est-ce donc si différent, ici ? Je ne souhaite guère plus m’étendre sur les mœurs de Saldana, aussi secoué-je la tête pour sortir de mes pensées.

« Quelle tâche rapporte le plus de pièces d'or ? Et le plus vite possible. Je n'ai pas peur de la difficulté. Toi aussi, tu en auras. »

Comme ça, je désamorce d’avance sa demande de paiement pour ses services de guide. Eque ce sont les choses les plus salissantes qui rapportent le plus d’or. Sales dans ses sens les plus divers. Elle ne me laisse que peu imaginer les tenants et aboutissants de ce qu’elle dit et dévie une fois encore la conversation pour me demander si je mange, puisque je ne dors pas. Gagner de l’or est-il si avilissant ? Je ne suis pas prête à tout non plus… Il doit y avoir bien des chemins pour gagner mon objectif. Je rétorque :

« Oui, manger, je fais. »

Mon ton est plus détendu. Plaisantin, même. Amusé. Et je m’ouvre davantage à elle.

« Tu dois me trouver étrange... M'apprendras-tu à être comme vous ? »

Elle se dit surprise que je veuille leur ressembler, mais accepte de me donner des conseils pour me fondre dans la masse. Et me conseille aussitôt de manger en sa compagnie ce qu’elle appelle du… bœuf, dont la recette serait détenue par un dénommé Talic. Elle se présente, enfin, sous le nom de Cécilia. Je tâche de la rassurer :

« Oh, je ne cherche pas à vous ressembler. Juste à vous apprendre. Et à avoir des pièces d'or, puisque c'est grâce à elles qu'on est mieux traité. »

Je tourne la tête vers le tenancier de l’auberge. Le fameux Talic, j’imagine. Je la questionne sur ce fait, puis la pointe du doigt, répétant son prénom, et donnant, finalement, le mien.

« Aaliah. Allons-y pour le b...bœuf. »

Une spécialité locale que j’écorche déjà, visiblement. Elle s’occupe de passer commande, et bientôt le plat est servi. Une viande rouge et goûteuse, en sauce, nous est amenée. Sans me laisser prier, je la savoure sans attendre. Je l’aperçois me regarder pendant que je savoure. Elle a sans doute autant de questions sur moi que moi sur elle et les siens. J’espère qu’elle saura réfréner sa curiosité, et satisfaire la mienne sans trop demander en retour.

Une fois le plat fini, mes yeux d’obsidienne se tournent à nouveau vers elle, interrogateurs. Est-ce là l’augure d’une nouvelle séance de question, ou a-t-elle autre chose en tête pour me faire apprendre ses semblables ? Je la laisse prendre le devant des choses sans rien dire, visage plus détendu désormais. L’estomac ragaillardi y est pour quelque chose. C’est vrai que ce n’est pas dégueu, ce bœuf.
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