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par Aeglos » dim. 3 nov. 2019 16:31
Dans le silence assourdissant du royaume de Sarindel, le prêtre de la Dame de Glace méditait. La méditation elfique était loin d'être un sommeil, elle permettait aux siens de se remémorer chaque infime détail de la journée. Aeglos respirait lentement, sa poitrine se soulever à un rythme régulier, alors qu'il replongeait dans sa mémoire. Ses souvenirs étaient comme un fleuve, au départ tranquille, puis de plus en plus violent et imprévisible. Il tomba dans un sommeil plus profond tentant de se rappeler son passé, cependant ses souvenirs étaient flous. Il avait l'impression que sa mémoire était pareil à ce fleuve paisible dont la surface de l'eau venait d'être troublé. Au bout de plusieurs heures, il abandonna l'idée de passer outre son amnésie. Le sindel avait déjà été témoin de cela chez les humains et l'un d'eux lui avait répondu que ce phénomène survenait lorsque l'esprit souhaitait se protéger d'un lourd traumatisme. Le nom de cet homme lui échappait, mais il avait ressenti un certain attrait vis-à-vis de cet individu. Ses paroles empreintes de sagesse avaient sonné harmonieusement à ses oreilles. Les humains ne possédaient pas la sagesse des elfes et encore moins des sindeldi, sans doute n'arriveraient-ils jamais à ce stade. Leur sagesse était plus primitive et pure et pour un esthète tel qu'Aeglos, il y avait là une forme de beauté à laquelle nul elfe ne pouvait rivaliser. Aujourd'hui, après des siècles, cet homme était sans doute mort et lui continuait d'exister.
Il fit dériver consciencement son esprit vers un temps plus simple à appréhender que le passé : le présent ou tout du moins un passé moins lointain. Ses pensées n'étaient guère empreintes de joie, que cela soit le passé ou le présent, tout cela lui apparaissait sombre. Seul le futur était lumineux et empli de promesses.
Le présent était envahi d'images de ces sindeldi en proie à la misère dans les rues de Nessima et dans les quartiers pauvres de la capitale. Leur visage colérique, effrayé, triste lui revenait sans cesse à l'esprit. En roturier, Aeglos avait pensé les comprendre, mais il devait se l'avouer, il était désormais dépassé par les événements. Il craignait pour leur vie et pour leur liberté. La milice, les nobles, l'armée avaient oublié leurs devoirs envers leur peuple. Ils devaient être les protecteurs, les gardiens des sindeldi, leur richesse, mais désormais le royaume de Sarindel était corrompu. Le régent était stupide et cupide, il n'était qu'une marionnette entre les mains de l'Ithil Taerym et de sa femme. Trop de siècles passés où la haine et le mépris ont envahi leurs cités et il y avait trop peu de sindeldi capables de s'y opposer.
Ses rêves durèrent un instant qui paraissait être une éternité avant que les rayons du soleil ne vinrent le réveiller. Il était assis, en tailleur, alors qu'Ephedym et une autre sindel dont la parure était un mélange de tissus et de pièces d'armure judicieusement placées se présentaient à lui. Aeglos se releva, s'époussetant et alors qu'Ephedym présentait sa guide qui ne se privait pas de le mater sans vergogne, il s'inclina devant elle respectueusement. Son regard couleur glace rencontra l'acier des prunelles de la sindel à la chevelure tressée.
La réponse de l'elfe à son salut était simple, elle n'était clairement pas de la noblesse, mais elle avait le sens de la convenance. Cela changeait des manières des humains autorisés à venir au sein de leur royaume. Sans doute étaient-ils tous agréables, mais leur manque de manière avait eu de quoi éroder sa patience légendaire. La voix douce d'Athaëllë lui fit remarquer qu'ils feraient mieux de se mettre en route. Après s'être enquis d'un matériel minimum auprès de l'Ithilauster, il suivit les traces de sa guide.
Le voyage s'annonçait au départ facile. Suivre le fleuve Nartraîm était un jeu d'enfant. La suite s'annonça plus rude. Aeglos se résolut à ne pas poser de questions à sa guide qui ne semblait pas être une adepte des grandes conversations. Aeglos passa les quatres jours enveloppé dans le silence le plus parfait, interrompu parfois par le bruit de quelques animaux sauvages et la neige qui tombait drue à un moment de la traversée des contreforts de l'Ithilély. Sa guide avançait sans se retourner et le prêtre n'était guère habitué à autant d'effort. Il était un érudit et non un sportif. Mal lui prit de s'arrêter, laissant sa guide le distancer, une ombre lui sauta dessus. La monstruosité grisâtre à cornes pourvu de longs bras se terminant par de longues griffes lui grognait dessus et cherchait à le dévorer.
- Athaëlle !
Si vite sorti son cri, il agrippa fermement son bâton, fit quelques gestes et pétrifia la bestiole qui retomba lourdement contre le manteau neigeux. Des griffes dépassaient juste du bloc de glace dans lequel la créature était prise aux pièges. Aeglos soupira, mais cela fut de courte durée. D'abord un crissement des doigts griffus contre l'épais bloc de glace, puis un craquement suivi d'une multitudes de fissures qui apparaissaient ici et là. Aeglos se pressa de courir pour rejoindre sa guide, mieux équipée que lui pour lutter contre la faune locale. Ses pas étaient lourds, pesants au milieu de toute cette poudreuse. Le craquement du cristal de glace l'encouragea à courir de plus en plus vite.
- Athaëllë !
Il songea à cet instant qu'il n'était peut-être pas conseillé de continuer à crier le nom de sa guide dans les montagnes au risque d'en attirer d'autres ou pire, de créer une avalanche. Les grognements de la bête s'approchèrent, il esquiva de justesse la première attaque qui était trop courte. Si la faim augmentait la force de la créature, elle la rendait impatiente. La seconde attaque l'envoya valser et retomber lourdement dans la poudreuse. Aeglos se releva tant bien que mal, faisant face malgré lui à l'être cornu qui chargeait à présent dans sa direction. La neige jusqu'aux genoux, il esquissa quelques légers et précis mouvements de son arme magique, le cristal s'illuminant d'un doux bleu. La main droite au-dessus du manche de son bâton, il invoqua un pic de glace qu'il fit exploser, le morcellant avant d'envoyer les éclats dans le corps de l'immondice. Cela ne l'arrêta pas mais cela lui évita d'être décapitée par sa première attaque . Le coup de griffes suivant égratignèrent l'armure de cuir au niveau du plastron et du protège-bras et quelques goutelettes perlaient de son bras gauche. La douleur eut au moins le mérite de lui donner un bon coup de fouet, son corps légèrement engourdi par le froid jusqu'à alors. Cela ne lui suffit pas et la peur le terrassa alors qu'il vit son ennemi chercher à le mordre désormais. Soudain, il stoppa net.
Un vent d'abord léger puis plus fort s'engouffra parmi les crevasses de la montagne et ce phénomène fit agiter les feuilles des arbres et arbustes alentours. Le vent produisait sa propre musique, il sifflait, semblait chanter et la créature dodelinait à présent de la tête en rythme avec cette mélodie. Toute trace d'animosité avait disparu chez son ennemi et il semblait même grogner de plaisir, en réponse à cette musique toute naturelle. Lorsque la musique s'arrêta, l'animosité revint, mais Aeglos avait déjà posé son bâton contre le crâne de l'être cornu, un pic de glace lui traversant la tête. La créature retomba mollement à ses côtés, le carmin venant tâcher la pureté de la neige.
Ses yeux étaient comme hypnotisés par cette flaque de sang et sa mémoire lui revint de ce jour funeste. Les cris des habitants de ce monde de glace lui revinrent en mémoire. Les Ithilausters avaient considéré qu'ils étaient leurs ennemis, pourtant c'étaient des êtres intelligents et pacifiques. Il se rappelait s'être opposé aux prêtres de la lune et il les avait vus mourir. Ce jour-là, il avait violé l'une des lois les plus sacrées : il avait tué des sindeldi pour tenter de protéger des étrangers.
Il chassa le souvenir de son esprit, se tenant le visage de sa main droite.
(Qu'ais-je donc fait Mère ? Qu'ais-je donc fait ? Suis-je condamné à verser le sang des miens, de vos fils et filles, Mère ?)
Une vingtaine de minutes lui permit de se reprendre, il ne pouvait changer le passé, seulement tenter de réparer ses erreurs passées. Le bras légèrement en sang, sa protection de bras et de plastron ayant atténué le choc, il rejoignit sa guide, vidé de toute énergie magique.
- Dépêchons-nous d'arriver, vous voulez bien ?
(Blessure légère au bras gauche, use des 6 PM de glace (1 sort lvl 2 blizzard givrant, 2 sorts lvl 2 pics de glace)