La Taverne d'Hargartt

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Yuimen
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La Taverne d'Hargartt

Message par Yuimen » ven. 5 janv. 2018 10:45

La taverne d'Hargartt

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La Taverne de Tulorim est gérée par Hargartt, un brave humain ayant mené dans sa jeunesse de nombreuses guerres contre plusieurs peuples d’êtres sombres.
Ici, dans sa propre Taverne, Hargartt est très apprécié par ses clients habituels et lorsqu'une personne saoule, dérangée ou même déterminée sème le trouble, alors c'est lui-même qui la sortira de son établissement à coups de pieds au derrière. Si par bonheur pour elle ses amis ne le font pas, car certains sont un peu moins regardants sur la manière!

Essentiellement fréquentée par des Humains, des Nains et des Elfes, la Taverne est un lieu d'échanges plus ou moins discrets. Que ce soit pour discuter de commerce, des plans des généraux humains ou pour organiser le pillage des bateaux avoisinant les ports, les complots y sont aussi fréquents que les honnêtes transactions.

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Adam Von Demorlys
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Re: La Taverne d'Hargartt

Message par Adam Von Demorlys » dim. 24 févr. 2019 22:08

Le jeune noble débarqua dans la taverne d'Hargartt d'un pas vif et assuré, un individu en armure et à la mine patibulaire sur ses talons. Réajustant une mèche de cheveux, Adam salua le patron d'un signe de tête et balaya soigneusement la salle animée du regard. Il le repéra rapidement, attablé dans un coin de la vaste pièce avec un guerrier à la mine aussi belliqueuse que son compagnon.
Le jeune homme se fraya un chemin jusqu'à lui, Jonas lui suivant de près. Son père avait insisté pour que son bras droit l'accompagne. Tous deux prirent alors place en face d'un homme au ventre bedonnant et au teint hâlé. Ses doigts boudinés ornés de grosses bagues tapotaient nerveusement la table et ce dernier sursauta presque lorsqu'Adam et son acolyte tirèrent les chaises :

« Ah vous voilà, pas trop tôt. Je commençais à me demander si votre père était revenu sur sa proposition. »

Adam fit signe à une serveuse et répondit aux ronchonnements de son interlocuteur :
« Père ne revient jamais sur une décision. D'ailleurs il vous présente ses excuses pour ne pas avoir pu se déplacer lui-même, un imprévu a dû requérir toute son attention. Mais rien de grave ne vous en faites pas. »

« Hmm ». Le gros marchand, un dénommé Yzrouel se contenta de hocher la tête tout en marmonnant. Visiblement il s'était rendu au rendez-vous fixé par Mordred, le père d'Adam, avec une certaine réticence. L'individu qui se tenait à ses côtés était à n'en pas douter un de ses gardes. Ce dernier restait silencieux, lorgnant avec méfiance le duo qui venait de les rejoindre.

Mordred, ancien milicien qui avait eu une belle carrière, s'était reconverti dans le commerce depuis maintenant pas mal d'années. Gonflé d'ambition, il était prêt à tous les coups fourrés pour asseoir sa position, et ainsi gagner un siège parmi le conseil des 7 marchands. Voilà maintenant quelques mois qu'ils avaient repéré Yzrouel, un riche commerçant originaire de Nirtim, qui venait sur Tulorim afin de vendre d'intéressants produits exotiques et artefacts.

« Comme il vous l'a déclaré dans sa missive, père désire vous proposer un partenariat. Je suis ici pour vous présenter les détails. Comme vous l'aurez vous-même constaté, bien que Tulorim soit une cité axée sur le commerce, elle regorge également d'insécurité. Je ne vous apprends rien, les richesses engendrent les convoitises et cette cité est aussi une fosse à miséreux. »

Adam laissa planer quelques secondes, laissant au marchand bedonnant le temps de revisualiser un des coffres de son étal retrouvé éventré. La scène s'était déroulée la veille, durant la nuit. Personne n'avait rien vu, aucun coupable n'avait été démasqué et il y avait bien trop de suspects pour pouvoir lancer de sérieuses accusations.
Mais le jeune mage savait qui avait fait le coup, ou plutôt qui avait commandité le vol. Le but n'avait pas été de dérober des marchandises, en tout cas surtout pas à un point où cela aurait pu décourager le commerçant de faire des affaires sur Tulorim. Non, le but avait plutôt été d'insuffler à Yzrouel un sentiment d'insécurité suffisamment poignant pour que l'entretien actuel se passe dans des conditions favorables.

« Père vous propose donc une place réservée auprès d'un de ses commerces, où vos conditions pour travailler et entreposer seront bien meilleures que sur le marché. Il s'agit d'une zone relativement protégée, et la notoriété grandissante de père vous aidera à écouler plus facilement vos marchandises. Pour cela vous lui remettrez juste un quart de vos bénéfices. »


Yzrouel ouvrit de grands yeux ronds. Sa bouche sembla marmonner sans toutefois sortir de son et son teint déjà mat vira au cramoisi. Le guerrier qui lui servait de chien de garde et qui était jusqu'à maintenant resté stoïque, ne pût également s'empêcher d'écarquiller les yeux.
« Ha ! Tu entends ça Ablit ? Un quart ! »
Yzrouel porta à sa poitrine une de ses mains surchargées de parures, et continua a s'exclamer d'un ton qui dégoulinait d'ironie :
« Quelle générosité de votre part !  Mais dites-moi, pourquoi je n'irais pas plutôt voir un des sept marchands, je suis certain qu'il me rendrait ce... « Service » pour bien moins cher. »

Adam retint un soupir de lassitude et répondit :
« Il n'est pas question de générosité, mais d'opportunité pour vous. Quant à savoir si un des sept grands marchands vous rendrait ce même service mais avec moins d'intérêts, vous faites erreur. Aucun d'eux n'est arrivé là où il en est en faisant la charité. »
Le jeune noble comptait sur cette logique imparable pour abuser son interlocuteur.

Cette dernière avait d'ailleurs l'air de faire son effet vu l'air confus du gros lard. Son teint cramoisi semblait virer de plus en plus au foncé. Yzrouel tourna les yeux vers son homme de main, qui lui répondit par un haussement d'épaules. Le marchand bedonnant articula alors : 
« Un dixième des revenus. »

La réponse ne se fit pas attendre :
« Un quart. »

Un crachat s'abattit sur la table en même temps qu'Yzrouel se redressa d'un bond, dardant sur Adam un regard furieux.

Adam mis quelques secondes avant de reprendre la parole, l'ombre d'un mince sourire triste naissant sur son visage :
« Croyez-moi il s'agit là d'une opportunité en or pour vous. Vous sous-estimez la misère de cette ville, les individus qui emplissent ces bas fonds sont des animaux. J'ai déjà vu des hommes et des femmes se faire couper la main en quelques secondes pour des bijoux plus petits que ceux-là.»
Il baissa le regard sur une des mains surchargée de bijoux d'Yzrouel.

Le gros commerçant balbutia quelques secondes, visiblement troublé et se ressaisit rapidement en crachant :
« Que Phaitos vous emporte. Je n'ai besoin de personne pour gérer mon commerce et surtout pas d'escrocs comme vous ! Viens Ablit on n'a plus rien à faire ici. »

Le guerrier ne se le fit pas dire deux fois. Il darda un regard sombre sur le duo et tourna les talons, sortant de la taverne à la suite de son maître.


Adam soupira et joignit ses mains derrière sa tête :
« Je me doutais qu'il serait fermé à l'idée mais pas à ce point. Ma foi ce n'est pas grave, il n'y a plus qu'à.»

Jonas hocha la tête en empoignant la choppe que venait d'apporter une serveuse. Il avait été un des subordonnés de Mordred au sein de la milice. Il l'avait ensuite suivi en tant qu'homme de main par amitié, et aussi parce qu'il gagnait ainsi bien plus d'argent. L'ancien soldat essuya d'un revers de main le filet de bière qui coulait le long de son imposante barbe brune.
« Il n'y a plus qu'à... »

Tous deux commandèrent de quoi grignoter et discutèrent tranquillement des affaires en cours, en attendant que la nuit soit bien avancée. Adam appréciait cette taverne. Ce n'était pas un lieu de débauche et de désordre comme on en trouvait beaucoup sur Tulorim. Lorsqu'une personne se montrait trop turbulente on la foutait dehors. C'était une chose quasiment acquise auprès des habitués du lieu. Du coup l'ambiance y était plus sérieuse que la moyenne et donc plus propice aux discussions professionnelles.
Le duo se leva un peu plus d'une heure plus tard et gagna la sortie.

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Relonor
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Re: La Taverne d'Hargartt

Message par Relonor » dim. 19 févr. 2023 15:51

Chapitre 1 - La cupidité des hommes.
IX.2 Retrouvailles.


Comme prévu, la victoire de Relonor durant l’arène lui a procuré une bonne renommée au sein de Tulorim. Un début prometteur dans cette ville et les premières répercussions se voient dans la taverne d’Hargartt. Nombreux sont ceux dans le bâtiment à être venu voir l’elfe noir qui a décapité le rhox, connu pour avoir massacré bons nombres de guerriers : le shaakt à la lame de dragon. Beaucoup espèrent voir la fameuse lame, forgée avec un morceau du dragon noir d’Oaxaca. Pour l’heure, Relonor n’a montré que la lame dans son fourreau, malgré les nombreuses suppliques qui lui sont adressées.

"Cette lame n’est ni un jouet, ni un vulgaire trophée. Elle a été forgée sur l’île volante où résident les dieux eux-mêmes ! Il m’a fallu survivre à la bataille de Kochii pour avoir cet honneur. Si vous désirez la voir, il vous faudra montrer autant de courage qu’il m’en a fallu ce jour !" Calme l’elfe noir.

"Ou alors je te prends ton arme pendant que de l’autre main je te brise ta nuque !" Grogne un humain assez impressionnant physiquement.

Torse-nu, il laisse apparaître ses muscles saillants et de nombreuses cicatrices sur le corps, preuves qu’il est lui aussi rompu aux combats difficiles. L’elfe noir le toise des pieds à la tête, sans dire un mot, cachant son expression derrière le verre qu’il porte à sa bouche. Il finit enfin par répondre, de la manière la plus calme et la plus froide possible.

"J’ai tranché le corps d’un rhox avec, malgré la puissante armure de son corps, chatouillant ses entrailles comme un couteau dans du beurre. Comment penses-tu que ton corps se sentirait si je venais à examiner tes tripes de la même manière ?"

Il n’y a aucun signe de mauvaise blague sur le visage de l’exhibitionnisme. Rien d’autre qu’un rictus déformant sa face, d’une colère qui ne cesse de croître avec les moqueries dont il est soudainement la cible de la foule. Les nombreux muscles de son corps se tendent à répétition, montrant son envie d’en découdre. Il fait un premier pas vers le shaakt, lorsqu’une voix l’arrête.

"Je te le déconseille Vareil. Tu risques la mort dans le meilleur des cas et si, par une chance inouïe qu’il te fait défaut, tu viendrais à l’emporter, sache qu’aucun de tes petits camarades ne serait assez fort pour t’empêcher de sortir de cette ville démembré !"

L’homme est dans l’ouverture de la taverne. A cause de la forte lumière qui sort de l’extérieur, il est difficile de voir correctement les détails de son visage, encore plus pour un elfe noir, qui ne voit qu’une vague silhouette masculine. Cependant, Relonor n’a pas besoin d’autant d’indices pour connaître son identité, sa voix familière est amplement suffisante. La menace suffit à obliger l’imposant humain à partir, non sans laisser un dernier regard haineux à l’elfe noir. Une conversation des yeux, une menace sans mot, une promesse que cet échange trouvera son dénouement dans d'autres circonstances. Le silence s’installe dans la taverne et bien que le guerrier shaakt ne voit pas clairement le nouvel interlocuteur, il pose son regard là où devraient se situer les yeux.

"Je vois que tu n’as pas perdu la main ici ! Tu es déjà connu et crains. Sortons, j’ai besoin de prendre l’air ! Content de te revoir !" Déclare l’elfe noir.

"Moi de même !" Réplique le renard, son homme de main.


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Nhaundar
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Re: La Taverne d'Hargartt

Message par Nhaundar » dim. 24 déc. 2023 20:28

VIII 15 Ecurie ou chenil ?


VIII 16 No-Hell à Tulorim



L’impossibilité de pouvoir déposer Mange-botte m’inquiète assez. Tulorim n’a pas bonne réputation en ce qui concerne la propriété d’autrui. Du moins, tant qu’on a de l’argent et de l’influence tout va bien. Cependant, même si je possède une bonne somme sur moi, il y a des choses qui ne s’achètent pas, comme l’avarice de personnes peu scrupuleuse. Comme l’a mentionné le palefrenier, je ne dois pas rester ici trop longtemps. Grâce à ma capacité de méditation, me permettant de n’avoir besoin que de deux heures pour dormir, je pourrais rester éveillé assez longtemps pour garder un œil sur Mange-botte, me permettant au moins de ne pas avoir de problème jusqu’à demain, le temps que l’information de la présence de mon Corgy géant se répande dans toute la ville.

Je me dirige dans une auberge pour la nuit qui vient rapidement. J’ai eu droit au confort des lutins, mais je regrette un peu de n’avoir pas eu droit à de la viande que je privilégie. Il est vrai que chasser un lapin et différent lorsqu’on fait sa taille et la cueillette des fruits et légumes est une activité moins dangereuse et plus lucrative pour de si petits êtres. J’arrive donc à la taverne d’Hagartt. Ce n’est pas tant l’aspect extérieur qui m’intéresse, mais plutôt le délicieux fumet qui s’en dégage. J’attache Mange-botte à l’extérieur, vérifie que la clochette qui me permettra de le retrouver est attachée à sa selle. Tandis qu’un attroupement se fait à plusieurs mètres du Corgy géant, mélange de peur et de curiosité. Je pénètre à l’intérieur et demande une bonne assiette de viande pour me restaurer, ainsi qu’un peu d’eau. J’aimerais éviter d’être altéré par l’alcool tant que je n’ai pas une situation sûre pour Mange-botte. Dans l’auberge, je constate que des décorations sont présentes et après réflexion, il est vrai que j’en ai vu à l’extérieur. Ce seraient donc déjà les festivités de No-Hell ? Du coup, je commande un peu de vin pour fêter cela.

Je m’installe près d’une fenêtre pour observer à l’extérieur et durant mon repas, je jette de nombreux regards à mon chien géant dehors, soulagé que personne ne tente de s’approcher de lui pour l’instant. Je commande une portion pour toute une meute de chiens géants dehors et s’inquiétant que je ne donne à manger aux chiens errants du coin, je lui présente Mange-botte. Peu de temps plus tard, mon Corgy géant profite d’une énorme portion de viande et d’une bassine d’eau. J’en profite pour demander une chambre possédant une cheminée et surtout, assez près pour le surveiller ma monture. Lorsque la fatigue commence à se faire sentir, j’inspecte une dernière fois la ruelle, à l’affût d’une menace pour Mange-botte, je me dévêtis pour être à mon aise lors de ma méditation, laisse mes armes à portée de main au cas où et dépose ma chaussette de No-Hell, espérant recevoir un tout nouveau présent.

(Qu’est-ce qui pourrait me faire plaisir ? Un objet qui permet de recharger les charmes magiques de mes objets ? Non, je serais bien plus satisfait si j’y parviens tout seul ! De nouveau savoir magiques ? Des objets avec des pouvoirs ? Des livres peut-être ? Ou la possibilité de nourrir Mange-botte sans contrainte ? Il est vrai qu’en-dehors des villes, il va m’être difficile de m’occuper de lui correctement. Ha ! Nous verrons bien. Je suis sûr que cela va me plaire de toute façon !)


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Relonor
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Re: La Taverne d'Hargartt

Message par Relonor » sam. 1 nov. 2025 15:48

Chapitre 17 - Jeu d’apparences.

IX.18 - Fleur et Fortune.



La taverne d’Hargartt est un lieu propice pour bon nombre d’événements. Des rencontres entre des personnes compétentes et de futurs clients. Des luttes acharnées entre buveurs de boissons fortement alcoolisées. Des plans se font, des accords se créent, par des signatures, des poignées de mains, ou plus discrètement par des regards complices. C’est dans ce lieu que le Shaakt accompagne le noble Milfeim et ses hommes. Une fois attablés, l’elfe noir se dirige jusqu’au comptoir pour commander à boire. Il paye une somme plus importante pour être servi à table et par la serveuse la plus distinguée qui soit. Sauf qu’au-delà de la commande, c’est principalement pour avoir un visuel des clients présents qui l’intéresse. Nombre de regards sont tournés vers le riche homme, un attrait qui l’interpelle.

(Il va falloir faire vite !)

À son retour, il examine la table de ses invités. Si les soldats semblent à leur aise, ce n’est pas le cas de sa seigneurie, ayant probablement moins cette habitude à côtoyer la populace. Il se place pour faire face à l’entrée de la taverne et rapidement, les regards et le malaise du noble disparaissent avec la présence d’une très charmante femme. Des courbes gracieuses, un visage enjôleur et surtout, des manières délicates qui savent ravir le plaisir de sir Milfeim, en particulier lorsqu’elle se penche pour le servir, révélant un décolleté plus charmant que provocateur. Le chef des gardes refusant de boire en service, ses hommes grimacent en devant se contenter d’un peu d’eau. Une opportunité que Relonor ne gaspille pas.

« Sois gentille et fais préparer votre meilleure bouteille pour ces messieurs. » Dit-il en attrapant délicatement le bras de la serveuse lorsqu’elle le sert à son tour. « Vous n’aurez qu’à la boire durant vos quartiers libres ! » Termine-t-il en recevant la gratitude des gardes.

Après une bonne rasade d’eau et de vin, Relonor commence doucement à préparer le terrain pour la suite.

« Vous comptiez faire affaires à Tulorim, dans quel secteur au juste ? Je souhaiterais savoir où je dois investir prochainement. »

Le riche homme commence à prendre ses aises. Il s’apprête à dévoiler un domaine dans lequel il se croit au-dessus des autres. Le port hautain, le regard prétentieux, l’attitude arrogante, et encore… il n’a pas ouvert la bouche.

« Ma foi, il existe bien des domaines dans lesquels j’ai acquis une somme importante, mais je dois avouer que mon penchant premier, et la raison qui m’a poussé ici, réside dans un domaine tout particulier, dans lequel j’excelle : les fleurs. » Se vante-t-il.

« Pardon ? » Lâche l’elfe noir sans s’en rendre compte.

« Il y a un problème avec mon domaine d’expertise. » Demande le noble un peu suspicieux.

(Merde ! Quel con !)

« Aucunement non. » Se reprend Relonor. « Mais j’ignorais que l’on pouvait en tirer profit. C’est en effet quelque chose que l’on voit peu dans cette ville. Les gens ne se soucient guère des fleurs. Au mieux, les cérémonies religieuses et les charmeurs de dames pourraient être intéressés. Comment avez-vous envisagé votre commerce ? Y a-t-il des variétés locales qui captent votre intérêt au-delà des eaux ou peut-être qu’au contraire, vous comptez faire parvenir des biens par bateau ? » Interroge le shaakt, laissant dans ses questions transparaître un faux sentiment d’intérêt.

« Il y a en effet un désintérêt sur ces produits d’exception, mais cela n’est dû qu’à un manque cruel de connaissance. Laissez-moi enrichir votre esprit de quelques éléments que je suis un des rares, si ce n’est le seul à posséder. Tout d’abord, il faut savoir que… »

Et c’est là que seigneur Milfeim se lance dans un long, très long épanchement de ses dites connaissances florales. Des informations qui n’ont ni queue ni tête pour la plupart, à moins que le désintérêt quasi-total de l’elfe noir ne l’empêche de percevoir toute la subtilité d’une marchandise si précieuse. En tout cas, il ne le laisse pas percevoir et s’acharne à garder le fil des échanges pour relancer, par des questions anodines, les explications et les nombreux détails qui déferlent sans cesse. La réaction blasée des hommes de main montre qu’ils ont déjà eu affaire à cette scène et peinent à rester stoïques. Relonor oriente ensuite la conversation, si ce n’est un monologue, sur les fameuses compétences du noble et comment il est parvenu à un tel savoir.

Il s’ensuit une nouvelle et longue tirade sur ses talents, remontant à son enfance, lorsque l’elfe noir perçoit du mouvement à l’entrée. Harti arrive assez timidement dans l’auberge, le regard révélant assez bien qu’il ignore encore la raison de sa présence ici. Il déambule autour des tables, jusqu’à ce que son habitude le reprenne et qu’il se dirige vers le comptoir. Il est cependant percuté par un semi-homme un peu trop pressé et sans s’en rendre compte, il fait face à quelques mètres de lui, à un elfe noir qui lui fait signe de s’approcher.

« Pardonnez-moi seigneur Milfeim, voilà un associé dans une affaire très récente. » Explique Relonor alors qu’Harti fait face à toute la table. « Je suppose que ce sont les revenus que tu m’as promis. » Sourit le shaakt en dérobant une petite bourse que l’homme n'a pas suspecté. Un œil très averti aurait remarqué qu’il n’avait rien en main, avant d’être percuté par un semi-homme.

Relonor examine avec une discrétion maladroite le contenu des dites recettes, laissant une pièce d’or émerger, sous l’incrédulité d’Harti, qui aurait bien voulu savoir qu’il possédait une telle somme sur lui. L’elfe noir laisse ensuite retomber la pièce pour qu’elle percute d’autres de ses copines à l’intérieur de la bourse.

« C’est au-delà même de ce que tu m’avais promis. Nous fêterons cela plus tard, j’ai des devoirs envers un invité de marque. » Remercie-t-il, avant que l’invité en question ne s’intéresse à la conversation.

« Vous avez dit qu’il s’agissait de votre associé ? Dans quel genre d’affaires œuvrez-vous pour obtenir de tels résultats ? » S’intéresse le noble. « Je n’ai pu m’empêcher d’entrevoir une partie de votre transaction. »

(On a ferré le poisson. Tirons doucement sur la ligne, ne forçons pas les choses.)

« Hé bien mon ami ici présent,…prend une chaise et sers-toi un verre de vin. » Invite soudainement le shaakt à Harti, en l’invitant à ses côtés. « Mon ami ici présent est quelqu’un… des plus formidables. Avec quelques contacts et ses conseils avisés, il a su mettre à profit un investissement dans le commerce d’étoffes. J’avoue avoir été très hésitant au préalable, mais il m’a démontré qu’il avait un large panel de connaissances et le résultat est tout ce qu’il y a de plus sonnant et trébuchant. » Termine-t-il en secouant la bourse qu’il a prise des mains d’Harti.

« Ho vraiment ? Et dans quels genres d’affaires avez-vous obtenu le plus de résultat ? » Demande le noble en observant le nouvel arrivé.

« Je vois où vous voulez en venir. Malheureusement, je crains fort que le commerce de fleurs, dans lequel vous comptez vous lancer, soit de son ressort. Il s’agit là d’un produit des plus particuliers et délicats. » Réplique le shaakt.

Discrètement, l’elfe noir offre un coup de genou dans la jambe de l’intéressé. Le signe est dépourvu de toute explication. Harti est pris de court pour l’empêcher de préparer son coup à l’avance avec d’autres complices extérieurs à l’elfe noir et ses hommes. Néanmoins, son sens aigu du profit le met en alerte et c’est, avec une aisance presque surréaliste, qu’il enfile son costume d’escroc.

« Des fleurs ? Mais mon cher ami, bien au contraire ! Il est des trésors plus précieux que l’or, plus durables que le fer, plus subtils que la magie. Ce sont les fleurs. Oui, les fleurs. » Continue-t-il à toute la tablée, noble et gardes. « Trop souvent jugées futiles, simples parures des champs. Mais voyez plus loin : chaque pétale porte un parfum, chaque couleur un message, chaque bouquet une émotion. Et les émotions, mes nobles amis, dirigent les hommes bien plus sûrement que la raison. Dans les grandes cités du royaume, les dames des cours réclament des roses d’hiver pour leurs bals, les temples cherchent des lys pour leurs rituels, et les maisons marchandes offrent des bouquets rares pour sceller leurs alliances. Derrière ces usages simples, un commerce prospère s’ouvre, un commerce du beau, du symbolique, du sacré. » Termine l’homme, usant de ses mains durant son discours.

S’il fallait donner un nom à la prise de parole d’Harti, ce serait une déclaration d’amour aux fleurs. Son ton, ses intonations, la gestuelle employée, accentuant ici et là ses propos, donnent à son discours et ses arguments plus d’impact. À travers lui, tout semble prendre vie. Le poids de ses mots résonne dans l’esprit de Relonor et il se serait fait prendre s’il ne savait pas la malice qui se cache derrière cet homme.

(Il est terriblement doué. Dommage qu’il ne soit d’aucune confiance, il aurait pu être un atout précieux.)

Le silence qui s’ensuit est terrifiant. Nul n’ose enchaîner après cette prise de parole et Relonor n’ose intervenir à la suite, trop focalisé sur la réaction du seigneur Milfeim. Celui-ci, arborant un visage stupéfait et la bouche grande ouverte, tourne lentement la tête vers l’elfe noir avant de s’exclamer.

« Jamais…jamais je n’avais rencontré quelqu’un qui saisisse à ce point la justesse des fleurs ! C’est… » Continue-t-il alternant entre l’elfe noir et l’escroc. « Et vous dites qu’il possède un réseau ici à Tulorim ? »

« Ma foi, je dirais qu’il n’y a pas meilleur que lui, les résultats promis sont là, comme vous avez pu en attester. Pourquoi ces questions, pensez-vous à une affaire avec mon camarade ? »

Le seigneur Milfeim se redresse, et son regard, auparavant curieux, devient calculateur.

« Tulorim est un terrain encore inconnu pour moi. Une cité vaste, aux coutumes bien établies… où ceux qui maîtrisent les réseaux dictent les règles. » Il incline légèrement le menton vers Harti, comme pour reconnaître publiquement l’importance soudaine de cet homme. « Si vous savez comment circulent ici les parfums et les couleurs…si vous pouvez me conduire vers ceux qui décident ce qui mérite d’être admiré…alors vous et moi pourrions faire prospérer bien plus que de simples corbeilles de fleurs. » Sa voix s’adoucit, sans perdre son assurance. « Je suis prêt à financer l’introduction d’un commerce nouveau dans cette cité. Mais je ne joue que des coups gagnants. Prouvez-moi que votre réseau est réel, solide…et je vous ouvrirai des portes qu’aucun Tulorimien n’aurait jamais osé pousser. » Un sourire ambitieux étire ses lèvres. « Ensemble, faisons fleurir Tulorim. Et que chacun sache quel nom aura planté cette première graine. »

De son côté, Relonor jubile. Milfeim est hypnotisé par les paroles d’Harti et avec son don si particulier, ce n’est qu’une question de temps avant qu’il n’achève les dernières résistances qui retiennent sa bourse. À ce rythme, à la fin de la journée, il aura fini son œuvre. Reste que l’elfe noir doit trouver un moyen de s’éclipser, autant physiquement que moralement de l’affaire en cours. S’il participe activement à l’escroquerie, son nom sera entaché.

« Sans vouloir vous manquer de respect seigneur Milfeim, je n’avais prévu qu’une petite halte dans cette auberge pour vous et vos hommes. En aucune manière je comptais m’éterniser ici. Ce n’est pas un lieu pour un gentilhomme tel que vous. »

« Pourquoi faites-vous tant de manière très cher. Ce n’est pas un si mauvais lieu, si l’on en croit les personnes de goût qui le fréquentent. » Rétorque-t-il.

« Il sera fait selon votre désir. Hélas, Harti ne peut rester avec nous. Il reste quelques points qui nécessitent son action aujourd’hui même et dans l’idéal, dès que possible. » Réplique le shaakt avant d’enchaîner. « Je pourrais éventuellement prendre sa place, ceci dit…j’ai promis de m’occuper de vous et d’assurer votre sécurité. »

« J’apprécie votre sollicitude, mais mes hommes sont parfaitement en mesure de garantir ma propre sécurité. Si vous avez à faire, n’ayez crainte, j’aime les échanges avec les esprits vifs et éclairés comme votre associé. »

« C’est très aimable de votre part monseigneur, cependant… les affaires ne se déroulent pas comme à Kendra Kâr. » Cette fois-ci, Relonor s’approche du centre de la table pour chercher intimité et discrétion dans les propos qui suivent. « Ici nous avons certaines règles quant à la parole donnée. Elle n’a pas plus de poids qu’une feuille emportée par le vent. J’ai mis ma parole dans la mission que l’on m’a confiée et si vous préférez vous abstenir de ma présence je n’y vois aucun problème. Tout ce que je demande c’est l’attestation signée de votre sceau, me lavant de toute responsabilité quant aux suites impliquant mon absence. Sans cela, je crains que ma propre parole ne soit entachée, et ici, c’est tout ce qu’un homme puisse réellement posséder. » Il marque une pause, ses yeux glissant de Harti au seigneur Milfeim. « Je suis venu pour servir et réussir, monseigneur. Mais sachez que dans cette cité, celui qui avance sans garantie finit souvent seul…et enterré sous les promesses non tenues. » Termine-t-il en retrouvant le dossier de sa chaise.

Le noble le regarde quelques instants, pensif. Il jauge l’elfe noir, ainsi que l’homme arrivé il y a peu. Il se gratte le cou en continuant ses réflexions et répond simplement en souriant.

« Si ce n’est que cela, je puis vous apporter satisfaction. »

Il fait sortir à l’un de ses hommes de quoi écrire. Il rédige quelques lignes à la fin desquelles, il appose son sceau. Tendant le document à Relonor, le shaakt parcourt le texte, s’assurant qu’avec celui-ci, il ne sera en aucune manière, son nom ne sera entaché dans l’escroquerie qui va se terminer sans sa présence.

« C’est parfait ! Dans ce cas je vous laisse messieurs. » Coinçant le document dans un recoin de ses vêtements, il se lève et salue avec respect le seigneur Milfeim ainsi que ses hommes. « J’espère que vous apprécierez les charmes de notre cité. Messieurs… » Continue-t-il aux gardes. « Tulorim peut être sournoise alors gardez l’œil ouvert. J’ai conscience de cet absurde conseil, mais cette ville est parfois aussi garce qu’une femme. Ne craignez rien, je m’occupe de l’addition avant de partir. » Puis il pose enfin une main sur l’épaule de son complice. « Harti, j’espère que nous nous reverrons bientôt. »

Se faisant, il quitte la table, part en direction du comptoir pour régler la note et ajouter une seconde bouteille pour les hommes. Il s’éloigne enfin de la taverne avec une dernière inclinaison de la tête, avant de retrouver l’air extérieur et un point de surveillance non loin, dans l’ombre.


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