Je passe sous une table, longe les boîtes en carton, slalom entre les jambes de Mammie, mais cette horrible créature est toujours sur mes talons. Je ne peux pas prendre le risque de demander de l’aide à Mammie, même si ce n’est pas l’envie qui m’en manque, mais même avec plein de bonne volonté, elle pourrait bien faire le contraire de ce que je souhaite. Non loin de moi, Berty est en proie avec un autre ourson, similaire à lui.
(D’ailleurs c’est lequel Berty ?)
Je ne peux affronter une créature aussi horrible qu’une banane-concombre-verte-piquante. Cependant, je ne suis pas complètement seul. Il y a beaucoup d’autres jouets et surtout, il y a Charlie. Je me précipite vers la sortie, à la recherche du chien.
(Peau de banane et noix de coco, Mammie l’a laissé filé !)
Toujours poursuivis par la créature verte, j’entreprends une retraite accélérée. J’arrive en haut du toboggan à boules et de l’escalier.
"Charlie !" Fais-je en criant, espérant capter l’attention du monstre de bave.
J’entends un bref "Mbouf" provenant de la cheminée. Avant d’être rattrapé par cette banane-cactus, je prends et pose une boule de Noël sur le toboggan saute dessus. En équilibre sur la sphère colorée, je descends à reculons l’intégralité du toboggan, jusqu’à atteindre les boules en bas. Si je suis capable de rester en équilibre sur une boule qui dévale à toute allure, je suis incapable de m’arrêter lorsque la boule atteint ses copines du bas. Entraînée par la vitesse, je suis projeté en avant, arrivant cependant non loin de la cheminée, d’un grand fauteuil. Là, Charlie est particulièrement concentré sur sa sieste. C’est à peine s’il bouge lorsque j’atterris au sol avec mes cymbales. Derrière moi, l’aberration fruitière me talonne de près. Je me précipite jusqu’au chien pour lui implorer son aide.
"Charlie, attrape cette banane-concombre-cactus !"
Rien. Ma seule chance de m’en sortir ne répond que par un ronflement particulièrement puissant. Je frappe aussi fort que possible de mes cymbales pour le réveiller. C’est un succès, Charlie ouvre un œil, puis deux. Je lui indique la créature qui m’en veut personnellement et lorsqu’il la voit, sa tête se dresse immédiatement. Bon peut-être pas autant que cela, disons qu’il lève ses oreilles de surprise, sans que sa tête ne quitte le sol.
(Qu’il en soit ainsi. Si tu ne veux pas aller à la banane-concombre-cactus, c’est elle qui ira à toi !)
Je reprends donc ma course, de sorte que ma poursuivante passe près de la niche. Mon plan se déroule parfaitement. A portée, Charlie lève sa grosse papatte et l’abat de tout son poids…à côté de sa cible. La course-poursuite reprend donc là où elle en était, mon seul allié potentiel, reprenant sa précédente activité dans le monde onirique. Au-delà du tapis de Charlie, c’est un espace bien ouvert qui m’est proposé. Rien de mieux pour se faire attraper donc. C’est pour cette raison que je fais le tour du chien passant tout près de la cheminée, quitte à me faire roussir les poils que je n’ai pas. Le concombre fait de même et me laisse ainsi la possibilité de repasser par le toboggan.
Les bras bien ouverts et les cymbales écartées, je grimpe sur la glissière et remonte lentement jusqu’à l’étage précédent. Je pense avoir semé ce légume-fruit qui ne manque pas de piquant, mais ce dernier me suit à la trace sur le même chemin. En haut, j’entends Berty qui vient à ma rescousse.
(Ha merci, enfin quelqu’un pour m’aider.)
Je cours là où j’ai entendu la voix et saute sur le côté, de peur, lorsque je croise l’ours avec un couteau dans les pattes. Les événements récents commencent à faire monter ma tension. Il rien paraît suffisant pour me faire sursauter.
"Bouge de là macaque !" Grogne une voix derrière moi tandis que je vois Berty passer.
Surpris par cette intervention, je saute de peur et place par mégarde, l’une de mes cymbales dans la tête de l’individu. Le malheureux paraît sonné et s’en va caresser le sol de son fessier duveteux.
"Ho pardon, je suis vraiment désolé, je n’ai pas fait exprès ! Allongez-vous, ça va passer dans quelques minutes !" Lui dis-je tout penaud.
(Ce ne serait pas un frère à Berty ? C’est peut-être pour ça qu’ils se chamaillaient ! Les frères se chamaillent tout le temps !)
"Berty ? Je suis désolé, j'ai eu peur et j'ai frappé ton frère par mégarde !" Dis-je à mon ami ourson.