Les Profondeurs

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Yuimen
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Les Profondeurs

Message par Yuimen » mar. 2 janv. 2018 14:21

Les profondeurs
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Omyre est une ville ancienne. Très ancienne. Au point qu'aujourd'hui, plusieurs vestiges de villes ont tendance à se superposer, de sorte que, par les caves des maisons ou parfois même simplement par des trous s'ouvrant dans les rues, on peut déboucher dans des cavités, voire dans un vaste dédale souterrain. Nul ne sait jusqu'où il s'étend, au minimum sur toute la surface de la ville...

Lieu étrange, sinistre et impossible à cartographier, ce monde souterrain tentaculaire, aux murs oscillants entre le noir morbide et le vert glauque est peuplé de bandits et de contrebandiers. Mais on y trouve aussi des mort-vivants errants et autres monstres créé par les 13. Il est en effet bien connu que ceux-ci ont tendance à jeter leurs créations ratés dans les ombres pour s'en débarrasser. C'est d'ailleurs pour ça que personne ne descend jamais dans les zones les plus profondes.

On raconte qu'il s'y trouverait, dans une immense caverne ténébreuse à peine éclairée par quelques champignons phosphorescent, une colonie de choses qui étaient des elfes bleu ayant survécu à la prise de la ville par Oaxaca il y a 7900 ans de cela. Devenus incapables de supporter la lumière du jour et corrompus par les émanations de la tour noire, ils ne s'aventureraient même pas dans les couches supérieurs des profondeurs. Mais sans doute tout cela n'est-il qu'une légende...

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Eteslë
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Re: Les Profondeurs

Message par Eteslë » ven. 6 nov. 2020 19:19

L'Antichambre

Le passage à l'arène est bref, la jeune femme se faisant rapidement panser par un segtek bougon qui tourne les talons aussitôt son baume appliqué et les linges serrés contre les blessures. Le reste de la journée, Eteslë le passe à observer quelques entraînements menés par maître Gorchak, appréciant les techniques du maître, particulièrement lorsqu'il renvoie la lame d'une épée dans le torse de son porteur, sans y participer, préférant conserver ses forces pour la soirée où tout pourrait parfaitement mal se passer. On n'entre pas dans le milieu clandestin sans un minimum de prudence et la jeune femme n'est pas téméraire au point de croire qu'y aller la fleur au cœur suffira. Elle se doit d'être en forme, ou du moins suffisamment capable pour tenir si jamais elle devait jouer des poings pour se tirer d'un mauvais pas.

Pas qui, une fois la journée bien avancée, l'emmènent vers le Rat Putride, la fameuse auberge dont a fait mention Virek à son arrivée. Elle ne sait pas trop à quoi s'attendre, mais un simple regard la renseigne suffisamment pour qu'un rictus narquois apparaisse sur son visage lorsque le fameux bâtiment est face à elle. Elle peut déjà entendre le tapage présent à l'intérieur alors que la devanture, aussi douce et raffinée que le reste de cette ville, invite plutôt les voyageurs à essayer de dormir dehors plutôt que de tenter de poser un seul orteil à l'intérieur. La pièce ornée d'yeux dans la main, elle pousse la porte, ses oreilles sifflant un instant face au vacarme présent à l'intérieur. Ici comme partout, des garzoks, mâles et femelles, qui boivent, jouent ou semblent essayer de s'écharper sous l’œil peu vigilant d'un thorkin portant un collier de cuir qui s'occupe de faire le service.

Son arrivée passant peu ou prou inaperçue, la jeune femme pose ses fesses sur un tabouret et tapote le comptoir pour attirer l'attention du thorkin qui finit par s'approcher. Vêtu de peu, il porte sur son bras un linge qui devait être blanc à l'origine, mais qui approche davantage de la couleur crasse qui emplit l'auberge. Sa barbe n'est que poils hirsutes virant vers le blanc et le gris tandis que ses petits yeux mornes semblent afficher une résignation profondément ancrée qui fait grimacer Eteslë. Elle lui montre discrètement la pièce avant de refermer le poing.

- Je cherche Virek.

Le nain ne répond pas, mais hoche la tête et lui fait signe. Sans un mot, elle lui emboîte le pas, traversant la bruyante auberge où quelques femelles garzoks, vêtues de ce qui s'apparente plus à des ficelles qu'à de vrais vêtements, lui jettent de curieux regards intéressés avant que le nain n'ouvre une porte menant à l'arrière de l'auberge, puis vers une trappe qu'il soulève, révélant un passage souterrain accessible par une simple échelle. Sans un mot ou explication, il quitte la pièce, laissant seule la jeune femme qui n'hésite pas et commence à descendre. Veillant à ce que Taloril, toujours attachée dans son dos, ne soit pas cognée contre les parois, elle s'enfonce dans une obscurité relative et atterrit dans un couloir souterrain fait de nuances de noir et de vert où des torches et des braseros semblent lui ouvrir le chemin.

D'un pas calme, les sens néanmoins aux aguets, la cogneuse avance, suivant le tracé enflammé qui serpente dans les souterrains, probablement vastes, qui courent sous la ville d'Omyre. Ceux-ci ressemblent à d'anciennes rues, comme si une ville entière se trouvait ensevelie sous l'actuelle. Des vestiges, témoins d'une époque lointaine aujourd'hui largement révolue dont Eteslë se fout complètement. Elle se contente de suivre le chemin des lueurs, pressée d'arriver à sa destination pour enfin essayer d'en apprendre plus. À l'idée même d'enfin trouver des réponses, son sang bouillonne et elle se sent prête à tout pour parvenir à ses fins.

Elle ralentit pourtant et fronce le nez, une odeur familière parvenant jusqu'à elle. Une odeur froide et métallique qu'elle ne connaît que trop bien. Comme si cela l'excitait davantage, elle reprend sa route d'un pas plus vif, avant que la clameur lointaine d'un rassemblement ne murmure à ses oreilles avant qu'elle ne se trouve face à deux garzorks. Solidement campés devant une lourde double porte bardée de fer, ils portent tous deux une armure de plates où l'ocre et l’ébène se côtoient. Chacun d'eux portent un attirail complet, masquant jusqu'à leur visage dont seuls les deux yeux fixant la jeune femme à travers leurs heaumes indiquent qu'ils ne sont pas statues, mais être de chairs. L'un porte un marteau de Lucerne qu'il tient fermement dans son gantelet sombre, tandis que l'autre, plus standard, avance d'un pas, la main sur la poignée du fauchon qui pend à sa hanche. Sans se démonter, Eteslë présente sa pièce. Le Garzok hoche la tête en direction de son comparse et tous deux poussent les battants de la lourde porte qui s'ouvre alors.

La clameur qui s'insinue jusqu'aux oreilles d'Eteslë la fait légèrement grimacer alors qu'elle entre dans une vaste salle. Elle se tient au sommet d'impressionnants gradins de pierre noire installés en cercle et plongeant jusqu'au bord d'un autre cercle entouré de chaînes où elle peut apercevoir deux silhouettes se battant furieusement sous les cris d'un public extatique encourageant l'un ou l'autre des deux combattants. La porte derrière elle se referme dans un claquement sourd alors qu'elle avance d'un pas, perchée au dessus d'un spectacle qu'elle n'aurait jamais imaginer voir sous la ville. Et tandis qu'elle observe avec attention une grande créature aux bras puissants écraser sans grande difficulté son adversaire qui hurle avant de s'éteindre dans un geyser d'hémoglobine sous les cris de la foule, une voix à sa droite lui fait tourner la tête et croiser le regard satisfait d'un visage connu. Virek.

- Bienvenue dans l'Antichambre. Je savais que tu viendrais. Par ici. Hmm.

D'un signe de la main, il l'invite à le suivre. Lui emboîtant le pas, Eteslë descend peu à peu les gradins pour finalement en faire le tour et passer à travers une porte gardée par un garzok similaire à ceux gardant l'entrée. La clameur des gradins s'efface peu à peu après que la porte se soit refermée tandis qu'elle suit Virek dans un couloir étonnamment propre. D'autres couloirs vont à droite ou à gauche. Ils passent devant des portes closes sans s'y attarder avant de finalement prendre à gauche pour ouvrir l'unique porte au fond d'un court couloir. Virek s'efface pour laisser passer la jeune femme qui entre dans un appartement composé d'un petit lit, d'un large bureau auquel est accolé un fauteuil de bonne qualité. Une commode, une armoire et quelques étagères pleines d'objets insolites complètent la décoration plutôt chiche du lieu. D'un geste il l'invite à s'asseoir sur une des deux chaises faisant face au bureau tandis qu'il grimpe sur son fauteuil. Elle s'exécute, son dos négligemment appuyé contre le dossier après avoir déposé le corps de Taloril sur ses genoux.

- J'ai eu vent de tes actions dans l'arène. Je ne m'étais pas trompé. Pourquoi es-tu venu, finalement ?Hmm.

- Les contacts.

- Les contacts ? Plutôt étonnant, mais soit. J'ai quelque chose à te proposer. Il y a un genre de tournoi qui se déroulera dans à peu près une dizaine de jours. Je cherchais un combattant pour me représenter, et tu es là, qu'en dis-tu ? Hmm.

- J'y gagne ?

- Bien sûr ! L'argent, la renommée et donc les contacts, le prix du vainqueur et, le plus important, mon éternel gratitude si tu parviens à me faire gagner ce qu'il y a pour le représentant du vainqueur. Hmm.

La jeune femme fixe un instant le segtek qui lui sourit de toutes ses dents. Elle n'est pas dupe, sait très bien que Virek se servira d'elle si elle accepte, mais ne pourrait-elle pas également se servir de lui dans ce cas. Un léger sourire apparaît sur son visage tandis qu'elle tend la main vers son nouveau partenaire qui la lui serre sans cesser de sourire. Marché conclu, semble-t-il.

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Eteslë
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Re: Les Profondeurs

Message par Eteslë » jeu. 26 nov. 2020 11:25

Terre de ruine

Les dix jours qui suivent ne sont qu'attente pour la jeune femme qui prend son mal en patience, tout en profitant de ce temps accordé pour s'entraîner en vue du prochain événement. Elle se sert de la salle de l'arène des milles lances pour se préparer et, le jour venu, patiente nonchalamment dans les gradins, observant les autres combattants d'un œil critique. Il y a de tout, à vrai dire. De gros garzoks en armure sans une once de subtilité, des elfes noirs aussi -ou plus- gracieux que mortels et quelques humains dont elle peine à voir les capacités, certains se gardant bien d'afficher ostensiblement leurs armes. Celui qui attire son attention, en revanche, n'est si un garzok, ni un elfe, ni humain, mais ce qu'elle imagine être un segtek. Portant un étrange casque blanc jaunit fait d'un crâne de ce qu'elle imagine être un rongeur par dessous une épaisse capuche, il avance bizarrement, courbé comme s'il portait quelque chose sous ses larges habits amples. Il marche à l'aide d'un bâton terminé par deux cornes de métal hérissées de pointes aussi bien vers l'intérieur que l'extérieur.

Lorsqu'il tourne soudainement la tête vers elle, elle croise deux pupilles brillantes d'un jaune-vert étrange surmontant ce qui ressemble plus à un museau que véritablement un nez au milieu de son visage. Elle l'observe tandis qu'il semble renifler vers elle avant de claquer la mâchoire et de se détourner, les autres combattants ne faisant pas plus que cela attention à lui. Eteslë se rend compte qu'un frisson lui parcourt l'échine lorsqu'elle observe l'étrange segtek et un mouvement qu'elle n'arrive pas à identifier fait bouger les vêtements dans son dos, comme s'il portait quelque chose ou quelqu'un... Le son bruyant d'une corne retentit, lui faisant tourner la tête vers l'origine du bruit avant qu'une voix forte n'invite les combattants à descendre rapidement dans l'arène située au bas des gradins.

Après être descendue par un échelle de corde, la jeune femme atterrit sur le sable tapissant le fond de la fosse pouvant à vue de nez accueillir bien plus de participants qu'ils ne sont. La vingtaine de combattants présents ne remplit que bien peu d'espace et la jeune femme commence à se demander si ce « tournoi » est vraiment ce que Virek lui a expliqué. Et alors qu'elle cogite un instant sur l'intérêt de faire descendre tout le monde sans distinction, la voix retentit de nouveau, annonçant le début des festivités, tirant un grognement exaspéré de la gorge de la jeune femme. Virek s'était manifestement fichu d'elle en parlant de tournoi. Ce n'est pas un tournoi, c'est chacun pour soi dans une arène avec une vingtaine d'autres combattants prêt à étriper le premier qui s'approche. Elle remarque que tous se sont éloignés les uns des autres et ont sorti leurs armes. Dardant un regard mauvais au segtek perché dans gradins, elle fronce davantage les sourcils lorsqu'il lui renvoi un sourire assuré. Certain de sa victoire ? Probablement qu'il est certain de s'en tirer à bon compte car si elle perd, elle n'aura aucun moyen de lui expliquer sa façon de penser.

C'est un hurlement guttural suivi des acclamations la foule ayant empli les gradins qui sort Eteslë de son duel visuel avec Virek. Autour d'elle, des combats ont commencé. Principalement des duels, mais elle voit aussi certains se mettre à plusieurs contre une seule cible. Du regard, elle cherche l'étrange segtek mais ne parvient pas à le trouver. Elle reste pourtant persuadée qu'il est bien un des combattants, mais son attention est bientôt accaparée par un humain se ruant sur elle après avoir terrassé l'elfe contre qui il se battait, ce dernier baignant dans le sang coulant de la large balafre sabrant sa gorge. Vêtu d'une armure de cuir brun, l'humain porte une hachette dans une main et un katar dans l'autre. Sa barbe brune est tâchée de sang et ses yeux sombres sont fixés sur elle alors qu'il lui fonce dessus sans chercher à cacher ses intentions. Si la jeune femme pense initialement à une feinte, elle évite un coup de taille de la hachette en reculant d'un bond, comprenant que son adversaire n'a aucune subtilité et compte sur le fait qu'elle ne porte pas d'arme pour la vaincre.

Masquant difficilement un sourire narquois, Eteslë évite le coup de kata en s'abaissant , fléchissant les genoux avant de remonter dans la garde de l'humain. Sa dextre serré le frappe dans le plexus solaire, lui coupant la respiration, tandis que sa senestre lui fracasse la mâchoire et l'envoie prestement au sol en crachant un peu de sang. Il se relève pourtant d'un saut carpé face au regard appréciateur d'Eteslë. Et alors qu'elle s'apprête à apprécier un combat, un hurlement strident semble figer tous les combattants de l'arène et même la foule semble se taire. À l'opposé de sa position, Eteslë aperçoit un Garzok hurler de douleur en se tenant ce qui fut son bras, mais n'étant plus qu'un moignon sanglant. Si la vision en elle-même n'a rien d'étonnante dans cette situation, c'est de voir son adversaire dévorer le bras encore sanguinolent qui fait tiquer la jeune femme. Adversaire qui n'est nul autre que le fameux segtek. Sentant l'attention se tourner vers lui, l'être lâche le bras qu'il a commencé à ronger et relève les yeux, balayant l'arène d'un regard plus animal que conscient. Sa voix, hachée, rapide et légèrement aiguë, perce alors le silence.


- Choses garzoks faibles oui-oui. Hrm, Hrm. Facile à vaincre. Hrm. Facile à tuer-dévorer. Repas abondant pour contrer la faim-faim.

Et tandis qu'il se met à baver, mettant aussitôt tous les autres combattants sur leurs gardes, son bâton se met à luire d'une lueur verte. Eteslë jure intérieurement, imaginant sans mal que ce segtek est un mage. Comme pour lui donner raison, un pic de roche empale le garzok, achevant la peau-verte dont les hurlements s'éteignent dans un gargouillis sanglant. Comme un seul être, les combattants décident de s'occuper du segtek en priorité, tous se tournant vers lui, armes lui faisant face. Cela ne semble pas le déranger plus que cela car il ne bouge pas davantage. Puis, soudainement, il frappe son bâton sur le sol et tous se mettent en garde, prêts à lui bondir dessus. Rien ne se passe pourtant alors qu'il frappe une deuxième fois, puis une troisième. Eteslë plisse les yeux et son instinct lui dicte de rapidement s'éloigner du segtek avant qu'il ne termine de frapper le sol. Elle se rue en arrière, apercevant un shaakt faire de même alors que d'autres foncent plutôt vers le segtek qui tape en tout treize fois le sol avant que tout ne se mette à trembler.

Surgissant du sol en partant du mage, de grands pics de terre sortent du sol, empalant jambes et mollets des combattants trop proches du mage. Eteslë, qui s'est éloignée, se rue alors vers le mur le plus proche et se propulse en hauteur après quelques pas sur le mur pour atteindre une des chaînes entourant l'arène. La zone entière se couvre de pics. Certains, déséquilibrés, s'empalent sur les pics en tombant dessus, tandis que la plupart sont simplement blessés aux jambes. Les cris des blessés prennent le pas sur les cris de la foule qui semble soudainement bien plus calme. Prudente, Eteslë se laisse glisser le long mur pour rejoindre le sol désormais déformé de l'arène et observe la situation. Le seul combattant encore en lice, excepté le segtek, est le shaakt ayant eu le même flair qu'elle. Les autres sont visiblement hors-jeu et la jeune femme peste intérieurement. Elle ne s'attendait pas à croiser un mage dans ce genre d'endroit, surtout un visiblement assez puisant pour lancer ce genre d'attaques.

D'un hochement de tête, elle s'accorde avec l'elfe qui tire un kukri et une faucille, prêt à attaquer le segtek. Si elle sait bien qu'il n'y aura qu'un seul vainqueur, la cogneuse sait aussi que, seule, elle aura bien du mal à se défaire du segtek et compte sur le shaakt pour l'aider à le terrasser avant de reprendre un combat plus équitable. Et tandis que tous deux se ruent en avant vers le mage qui ne cesse de rire d'une voix caquetante en leur promettant la mort et la ruine, la foule, elle, semble se réveiller et acclamer le spectacle. Un frisson parcourt brièvement l'échine de la jeune femme alors qu'elle capte le regard du segtek. Un regard mauvais, moqueur et vicieux. Quelque chose, dans son attitude, est étrange, tout comme sa présences, mais elle ne parvient pas à mettre le doigt sur ce qui la gêne et se concentre sur le combat à venir, slalomant entre les pics de terre qui jonche désormais le sol ensanglanté de l'Antichambre.

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Eteslë
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Re: Les Profondeurs

Message par Eteslë » jeu. 26 nov. 2020 11:32

Marée de vermines Musique d'ambiance

Elle court vers le segtek, se jetant sur le côté pour éviter un pic de terre filant dans sa direction. Dans son esquive, elle frappe l'un des pics qui se fissure. Le shaakt attirant l'attention du mage, elle se redresse et frappe de son pied la fissure, brisant le pic. Elle s'empare de la pointe et la lance de toutes ses forces vers le segtek. Celui-ci, visiblement agile, l'évite d'une souple acrobatie avant d'attaquer violemment le shaakt à l'aide de son étrange bâton, ayant clairement l'avantage du fait de son allonge face à son adversaire. Eteslë finit par rejoindre les deux combattants et se jette dans la mêlée en visant le dos du mage. Son poing heurte avec violence quelque chose de métallique caché sous les vêtements du segtek et elle grimage face à la douleur cuisante tout en reculant d'un bond. Le ricanement du segtek l'enrage, mais elle se fige lorsqu'il retire finalement la cape cachant son dos.

Une cage est fixée sur les épaules du segtek, une cage de fer dans laquelle des dizaines de paires d'yeux rouges se fixent sur elle alors que le rire du segtek augmente encore. Puis, d'un mouvement, la cage tombe au sol et s'ouvre, libérant son contenue qui se répand sur le sol. Des dizaines de rats noirs au poil luisant s'éparpillent dans l'arène. L'un d'eux se jette sur Eteslë, mais la jeune femme se souvient de son combat dans les égouts et a tôt fait de l'attraper par la queue pour le fracasser contre le pic le plus proche, faisant éclater le rongeur. Elle est chanceuse, car autour d'elle, des blessés commencent à hurler lorsque les rongeurs, probablement affamés, se ruent sur eux, commencent à se repaître des chairs encore vivantes alors que le segtek rit de nouveau. Un rire fou qui ne fait que s'amplifier à mesure que les cris des blessés augmentent. Puis il se tourne vers Eteslë, la fixe de son regard jaunit et des dents pointues se dévoilent en un sourire dément.

- Votre déesse est faible. Vous serez bientôt de la nourriture pour la horde, oui-oui. Viens, oreilles-rondes, débats-toi face à ta mort-mort.

Et sans plus tarder, il se rue vers elle en hurlant tel un dément. Son bâton fend l'air, frôlant la jeune femme qui s'est instinctivement baissé. D'un chassé, elle tente de faire tomber ce fou dangereux qui se contente de sauter pour s'accrocher à un pic proche avant de sauter sur elle. Les deux adversaires roulent au sol, mais Eteslë se retrouvant en dessous, elle propulse l'autre cinglé contre un pic. Il a beau être brutal et fou, il reste un segtek et physiquement inférieur à elle. Elle compte jouer là dessus tandis qu'elle s'empare de sa jambe. Elle bande ses muscles et, de ses deux mains, l'envoie valdinguer contre le mur proche. C'est là que, sous ses yeux ébahis, il semble disparaître avant de réapparaître quelques secondes plus tard pour lui foncer à nouveau dessus, toutes dents dehors, cherchant à la mordre. Elle évite sa première attaque, répond d'un coup de poing qui rencontre une plaque d'acier caché sous ses vêtements. Elle grogne alors qu'il ricane.

- Faible-faible. Hrm.

Énervée, la jeune femme se rue sur son adversaire. Elle reçoit un coup de bâton dont l'un des pics lui perce le flanc. La douleur la crispe, mais elle s'accroche à l'arme pour la lui ôter des mains. Elle la récupère aisément puisque le mage la lâche avant de serrer le poing pour frapper le sol. Un bloc de pierre vient frapper la jeune femme et l'envoie alors s'écraser contre un pic proche, le brisant au passage. La cogneuse crache du sang en toussant sous la douleur, se demandant si elle n'a pas quelques côtes cassées après ce coup particulièrement brutal. Elle sent quelque chose lui serrer la cheville et se rend compte que la pierre et le sable rampent alors sur ses chevilles, l'empêchant de se mouvoir correctement alors qu'elle se relève d'un pas titubant. Se léchant les babines, son adversaire la fixe d'un regard empli de désir et de faim. La jeune femme renifle, crache à nouveau du sang sur le sol et le fixe à son tour, d'un regard mauvais. Elle n'a qu'une envie, tuer ce fumier, aussi douloureusement que possible.

Il ramasse son bâton et se rue vers elle. Gênée par le sol cherchant à l'immobiliser, elle ne peut éviter le coup de l'arme qui atteint son épaule. Aucun pic ne perce sa chair cette fois, et la jeune femme se contente de grogner sous l'impact avant que les deux cornes du bâton n'enserrent sa gorge, la figeant instantanément. Les pics présents à l'intérieur de chaque corne appuient sur sa peau sans pour autant la traverser, comme si le segtek voulait se délecter de la vision de la jeune femme prise au piège de sa magie et se son arme. Il se lèche à nouveau les babines, son sourire s'élargissant à nouveau avant de brusquement se crisper en une grimace de douleur. Surprise, Eteslë aperçoit le bout d'une lame percer le poitrail du mage avant que le visage du shaakt n'émerge de derrière l'épaule du segtek.

- On m'oublie ?

La douleur ayant visiblement fait perdre au mage sa concentration, Eteslë sent la gangue de pierre s'effriter, aussi en profite-t-elle pour donner un coup de pied dans le bras du segtek qui lâche son bâton dont elle s'empresse de s'écarter en se massant la gorge. Le mage, fou de rage, invoque à nouveau sa magie et un énorme poing de pierre s'abat sur le shaakt qui l'évite de justesse pour aller s'écraser plus loin sous l'impact. Profitant de la blessure du segtek, Eteslë se rue sur lui malgré la douleur qui enfle dans son corps. Son poing serré l'atteint en pleine mâchoire, brisant quelques dents au passage alors qu'un autre coup frappe sa blessure saignant abondamment. Le segtek couine en étant projeté au sol. Se mettant sur ses quatre pattes, il fixe Eteslë avant de disparaître à nouveau. Du moins c'est ce qui apparaît au premier abord avant que la jeune femme ne comprenne qu'il s'est transformé. A la place du segtek, c'est un rongeur similaire aux autres qui se tient là une demi-seconde avant de chercher à s'enfuir parmi les autres qui continuent à arpenter l'arène en attaquant ceux encore vivants.

- Enfoiré de mage...

Elle se rue à sa suite, peinant à suivre des yeux sa cible alors qu'elle slalome entre les pics. Comme mue par un instinct collectif, les autres rats cherchent à la gêner. Elle en écrase quelques-uns, faisant rapidement fuir les autres. Elle perd pourtant le mage de vue et peste avant de se retourner en entendant un hurlement. Celui-ci en provient pas de l'arène cette fois, mais des gradins. Là aussi, c'est devenu un carnage. D'autres segteks avec le même attirail ont envahi les gradins et massacrent brutalement les présents, combattent les gardes garzoks avec une férocité surprenante malgré leur petite taille face aux colosses en armure.

- Vous n'êtes rien-rien. Hrm. Bientôt nous régnerons, oui-oui. L'Usurpatrice tombera !

Elle tourne un regard haineux vers la source de sa fureur, fixant le segtek qui s'est à nouveau transformé et qui se tient en hauteur, s'aidant de sa magie pour soulever la terre pour sortir de l'arène. Après un ricanement, il quitte les lieux, entouré par les autres, ne laissant derrière eux que des morts et des blessés cherchant à échapper aux dizaines de rats qui pullulent encore dans l'arène et dans les gradins ensanglantés. Le combat étant terminé, la jeune femme se met en tête d'exterminer chaque rongeur encore en vie sur le sable, aidé du shaakt qui semble bouillonner lui aussi. Après le dernier couinement du dernier rat, le silence retombe sur l'Antichambre. Un silence pesant et froid. Eteslë balaye d'un regard les gradins où Virek s'est avancé, une corde à la main, pour la faire sortir de là. Elle s'extirpe de la fosse et s'effondre à demi contre les gradins. Elle lance un regard à Virek qui semble comprendre sa question muette.

- J'en sais pas plus. Il faut soigner tes blessures. Suis-moi. Hmm.

Se forçant à mettre un pied devant l'autre, elle suit le segtek jusqu'à sa chambre où, tandis qu'il sort tout un attirail qu'il a visiblement prévu, elle s'effondre sur le lit, ignorant le sang et la crasse qui maculent les draps. Elle oublie même de lui en vouloir pour ne pas l'avoir prévenu de la teneur exacte du « tournoi ». Non, tout ce qui compte, dans son esprit, c'est retrouver ce mage et lui faire la peau aussi douloureusement que possible.

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Eteslë
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Re: Les Profondeurs

Message par Eteslë » sam. 28 nov. 2020 00:19

Nectar rouge

- Je veux ces fils de putes morts ! Vous entendez ?!

Eteslë, les bras croisés sur la poitrine, lève les yeux au ciel devant les vociférations de l'humain assis avec d'autres autour de la table. Quatre jours après l'attaque, alors que la jeune femme était encore en convalescence, elle et Virek ont été appelé à un rassemblement du monde souterrain d'Omyre. Virek, apparemment une figure plus importante qu'Eteslë ne l'a imaginé, est en ce moment assis avec une dizaine d'autres personnages. Garzok, humain, segtek ou shaakt, toutes les races de la ville sont représentées et font apparemment partie des plus influents de la pègre locale. Eteslë, elle, visiblement considérée comme une garde du corps, se tient en retrait, adossée au mur, sans qu'elle ne prenne part aux discussions concernant l'attaque.

Chacun va de son commentaire ou de sa demande. Virek n'a pas encore ouvert la bouche une seule fois depuis le début de la réunion et la jeune femme commence à sévèrement s'ennuyer. Cela fait des heures qu'ils sont là et les mêmes choses reviennent en boucle sans que personne ne prenne de décision. À vrai dire personne ne sait d'où viennent ces segteks, quel est leur but, ni même pourquoi ils ont attaqué. Tout n'est que supposition, de la plus ridicule à la plus capillotractée, sans que la vérité ne puisse être démêlée. Et tandis que le débat part à nouveau depuis son point de départ, la jeune femme balaie la salle du regard, croisant le regard ennuyé du shaakt croisé dans l'arène. Lui accompagne une femelle de son espèce qui est restée étonnamment muette, elle aussi, laissant aux autres la joie et le privilège de s'égosiller en palabres aussi stériles qu'inintéressantes. Si le shaakt a les traits durs, des yeux rouges luisant et un crâne presque chauve, la femelle, elle, est d'une beauté captivante, avec un visage aux angles doux, au regard mauve pénétrant et aux longs cheveux blanc tressés d'or et aux mains parées de bijoux.

Un geste de Virek la sort de sa contemplation et elle remarque que, visiblement ennuyé, il a posé ses pieds sur la table, attirant les regards énervés de la plupart des autres, exceptée la fameuse shaakt dont le visage s'orne d'un discret sourire amusé. L'humain qui n'a cessé de s'égosiller, un grand barbu aux cheveux noirs et aux yeux sombres désormais emplis de fureur, se lève alors violemment en repoussant la chaise qu'il occupe, la faisant tomber au sol. Si Virek ne réagit absolument pas, ce n'est pas le cas d'Eteslë qui se poste aussitôt derrière le segtek en fixant l'humain. Habituée à jouer les gros bras lorsqu'elle vivait encore à Dahràm, elle garde encore les réflexes de ce genre de rencontre et sait qu'un simple regard peut dissuader même le type le plus virulent. Peut-être est-ce à cause des bandages barrant ses hanches ou du fait que ce type est particulièrement stupide, mais il ne tient guère compte de la menace muette et sort une lame en la plantant dans la table en fixant Verek.

- Toi le nabot vert tu commences à me faire chier ! T'as pas l'air concerné alors que c'est ta soi-disante championne qui a laissé s'échapper cet enfoiré! T'as des comptes à rendre Virek !

Seul le ricanement moqueur du segtek lui répond, amplifiant encore un peu plus la rage de l'humain dont la veine pulsant sur son front manque d'exploser à chaque seconde. Un tempérament peu adapté à ce genre de monde, pense Eteslë, là où le sang-froid est d'ordinaire recommandé pour ne pas se faire happer vivant par ceux plus malins, plus viles et plus sournois qui rôdent dans les ombres du monde illégal. Cela ne la change guère de Dahràm, une fois de plus, et c'est avec une certaine lassitude qu'elle observe l'humain bouillonner jusqu'à presque exploser, avant que la shaakte ne se lève à son tour, attirant l'attention ailleurs. Sa voix suave capte son auditoire tandis que les améthystes de ses pupilles captent un à un chaque personne présente, s'arrêtant une seconde de plus sur Eteslë, l'ivoire de ses dents se dévoilant un instant à ce moment-là.

- J'ai envoyé des traqueurs à leur poursuite, comme je l'ai indiqué et Virek a déjà partagé toutes les informations que sa combattante a pu glaner. Qu'as-tu fait, Howard, si ce n'est te plaindre ? Il me semble que tes guerriers d'élites ont été bien moins efficaces que cette jeune femme que tu te plais à accuser. Nous sommes ici pour trouver une solution, pas trouver des coupables, surtout que tu n'es pas exempt de fautes, toi non plus. Alors, assieds-toi, avant que tes babillages insupportables ne me donne vraiment envie de t'arracher la gorge...

Toujours furieux, l'humain obtempère pourtant, non sans jeter un regard glacial à Virek et Eteslë qui recule d'un pas pour laisser la discussion continuer, nullement impressionnée par le regard de Howard. La shaakte continue sur sa lancée et Eteslë, peu intéressée par les détails, retient simplement que les segteks les ayant attaqué seraient cachés dans les niveaux les plus bas des souterrains et auraient capturé des dizaines d'individus de toutes races au nez et à la barbe de tout Omyre et de la pègre. Personne ne parvient à expliquer pourquoi ils ont soudainement attaqué aussi ouvertement, mais tous semblent d'accord pour dire qu'il faut lancer des représailles et anéantir ce groupe qui ose attaquer la pègre d'Omyre aussi impunément. Le reste n'intéresse guère la cogneuse qui est venue dans le seul but de pouvoir retrouver ce satané mage et lui faire la peau elle-même.

La discussion dure encore un moment avant que tous ne se mettent d'accord pour envoyer une équipe d'extermination dans le repaire même des segteks une fois que celui-ci aura été localisé avec précision. Satisfaits, les participants quittent la grande pièce un à un avec leurs combattants personnels et il ne reste bientôt plus que la shaakte et son combattant en plus de Virek et Eteslë. Un léger silence s'installe avant que Virek ne pose son sac sur la table pour en sortir des godets de bois lustrés tandis que la shaakte claque des doigts pour que son acolyte pose deux carafes de vin sur la table avant d'en verser le contenu dans les verres. L'un atterrit devant Eteslê qui hausse un sourcil, mais s'installe près de Virek, le shaakt faisant de même auprès de sa compatriote aux cheveux tressés. C'est d'ailleurs elle qui prend la parole.

- Toujours à chercher Howard, hein Virek ? C'est un imbécile, mais il est utile à sa façon, ne l'abîme pas trop, d'accord ?

Le segtek se contente de ricaner avant de porter le vin à ses lèvres... Plus méfiante, Eteslë renifle la boisson et attend que la shaakte boive avant de faire de même. Une fois la première gorgée avalée, ses yeux s'écarquillent légèrement, puis elle en sirote une deuxième, puis une troisième, savourant toujours plus le goût parfumé et délicat du nectar qu'elle a devant elle. Rien à voir avec la piquette dont elle a l'habitude, mais un vrai produit de qualité dont le prix d'une gorgée doit excéder tout l'argent qu'elle possède. Elle remarque le regard amusé de Virek et se calme, reposant doucement le godet sur la table comme si de rien n'était et écoute distraitement leur conversation amicale jusqu'à ce que le sujet l'intéresse vraiment.

- Dès que nous aurons trouvé trace de ces segteks, il y aura des équipes d'extermination et de nettoyage qui seront mises sur pied et envoyées régler le problème, comme nous l'avons dit. Ta combattante en fera partie ?

- Vois ça avec elle, Valadria, je ne lui donne pas d'ordre. Hmm.

Après un haussement de sourcil, la shaakte se tourne vers Eteslë qui termine de siroter sa gorgée de vin, savourant la boisson au point de récupérer une goutte tombée sur ses lèvres pour profiter autant que possible de la saveur du nectar rouge. Elle finit par fixer la shaakte et hocher la tête. Evidemment qu'elle va y aller, elle a un compte à régler avec l'enfoiré de segtek mage de terre qui s'est enfui. Cela semble suffire à l'elfe noire qui finit par se lever et se préparer à sortir, son acolyte lui ouvrant la porte. Elle finit par se retourner malgré tout et jette un dernier regard à Eteslë.

- On se reverra bientôt. J'amènerai plus de vin.

Sur ces quelques mots, elle sort et laisse Virek et Eteslë dans un léger silence avant que le segtek ne tourne un regard amusé vers la jeune femme qui grogne, le faisant sourire largement, au grand dam de la cogneuse.

- Pas un mot.

- Je n'ai rien dit. Hmm.

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Eteslë
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Re: Les Profondeurs

Message par Eteslë » sam. 4 sept. 2021 15:42

Mise en marche

- Quelqu'un peut-il enfin me dire ce qu'on fout là ?! Cela va faire des heures qu'on attend, j'en ai plein le cul !

Assise sur une chaise penchée contre le mur, Eteslë tourne brièvement la tête vers le Garzok impatient avant de se remettre à l'ignorer. Voilà en effet plusieurs heures que la jeune femme patiente dans une pièce où des individus divers ne cessent d'arriver un à un. Des humains, des garzoks, des segteks, des shaakts. Une vingtaine d'âmes au total, la plupart armés et armurés, avec plus ou moins de cicatrices et de prestance. Le Garzok en question est guerrier armé d'une hache impressionnante qu'il manie sans doute à deux mains et dont il ne cesse de caresser le fil avec tendresse. Elle reconnaît le shaakt croisé dans l'arène et qui n'a fait que la saluer d'un hochement de tête avant de s'installer un peu plus loin. Un autre individu, un humain cette fois, retient son attention avec son arbalète accrochée dans son dos et le glaive long qu'il tient fermement en jetant des coups d’œils suspicieux autour de lui. Une belle bande de combattants et probablement pas les plus sympathiques du coin. Ils restent des appelés de la pègre, les enfants de chœur n'y ont pas vraiment leur place.

Visiblement agacé de n'avoir aucune réponse à sa question, personne n'ayant daigné lui répondre, le Garzok commence à tourner en rond, cherchant visiblement à heurter quelqu'un juste pour le plaisir de la provocation la plus basique qui soit. La cogneuse roule des yeux, trouvant le comportement du guerrier quelque peu pathétique, mais se garde bien d'intervenir ou de le remettre à sa place. Elle-même commence à en avoir marre d'attendre et ce n'est pas la venue d'un étrange type masqué et coiffé d'une calotte de cuir qui l'aide à se calmer. Elle soupire discrètement et s'appuie davantage contre le mur, observant sans vraiment voir les autres individus. Elle ne remarque rien de notable de plus et se lasse bien vite, focalisant son attention sur l'unique porte. Porte que Virek lui a désigné avant de lui demander d'attendre, trois heures plus tôt. Trois, putain d'heures entières. Finalement agacée à cette pensée, la jeune femme s'écarte du mur, le son des pieds de la chaise percutant le sol attirant quelques regards sur elle alors qu'elle se lève.

- Tu vas quelque part la glabre ?

La voix suave d'un shaakt lui fait fugacement tourner la tête avant qu'elle ne l'ignore et marche vers la porte. Un mouvement sur sa gauche la fait réagir rapidement et elle se penche vivement sur le côté pour éviter la dague qui frôle à peine sa gorge. Aussitôt en position de combat, elle fait face au shaakt qui tire une seconde lame plus longue et la toise d'un air mauvais. Autour d'eux, les autres se sont écartés et semblent observer le déroulement de l'action avec intérêt. Eteslë ne réagit pas davantage et reste immobile, fixant le shaakt qui ne bouge pas plus qu'elle, comme s'il attendait qu'elle fasse le premier pas. Et donc l'erreur fatale d'attaquer un envoyé de la pègre dans une pièce remplie d'assassins, chasseur de primes et autres truands à la solde du monde souterrain. C'est un élément extérieur qui brise la tension, le Garzok frappant bruyamment dans ses mains, mais parlant d'une voix froide.

- Pas mal, pas mal ! Je prends le survivant !

Cela suffit à calmer le shaakt qui, après un regard dédaigneux, range ses lames et retourne s'asseoir. Eteslë, si elle n'apprécie guère être ainsi attaquée, laisse couler, consciente que chercher les ennuis ne serait rien de plus qu'un aller simple vers la fosse la plus proche. L'agacement vibrant dans son corps, elle se contient pourtant et retourne sur sa chaise, sa jambe s'agitant nerveusement. Chacun reprend le fil de ses pensées et de longues minutes passent encore avant que la porte ne s'ouvre à nouveau. Trois individus rentrent cette fois. Elle reconnaît Virek, la shaakte de la dernière réunion dont elle avait apprécié le vin. À leurs côtés, un Garzok à la couleur plus foncée que ses congénères présents. Pourtant pas plus grands que les autres, il impose une présence étonnante qui fait taire toutes les réclamations que les présents ont pu avoir. Vêtu de la sombre toge d'un prêtre du dieu de la Guerre, il arbore un collier portant une collection de crânes et un sceptre orné d'un orbe noir de jais. Tout le monde, même le Garzok impatient, le fixe et attend, soudainement calme. La voix grave et grondante qui s'échappe de sa gorge ressemble presque au grondement du tonnerre, mais aucune menace ni malveillance ne semble pourtant habiter son ton neutre. Peut-être trop neutre.

- Vous êtes tous au courant de l'attaque. Nous savons où se réfugient les coupables. Votre mission est simple. Tuer leur chef et massacrer le maximum de ses vermines avant que l'armée ou la milice ne s'en mêle. Vous irez en petits groupes guidés par un de nos informateurs. Récompense à la clé. Or, chair, sang, équipement, peu importe, vous aurez votre dû en revenant. Ramenez-nous les dents ou les oreilles comme preuve. Vous risquez de crever, mais ça vous le savez. Questions ? Objections ?

Un silence de mort répond en retour un sourire mauvais se dessine sur son visage aux dents proéminentes et complètement imberbe. Il commence alors à créer les groupes et Eteslë se retrouve avec le Garzok turbulent, nommé Gork, le type masqué avec sa calotte sur la tête, étrangement nommé Quatre et un shaakt armé d’une arbalète et portant un foulard cachant la moitié basse de son visage, nommé Sossrass. Leur guide, un autre Garzok à la peau plus pâle que ses congénères et au corps malingre, nommé Deralk, leur intime de le suivre dans un dédale de couloirs les entraînant rapidement dans les sous-sols de la ville. Pendant plusieurs heures, pas un mot n’est échangé entre les membres du groupe et pas une seule précaution n’est prise. Gork fait régulièrement taper sa hache contre les murs et Jordief ne cesse de faire craquer les doigts de ses mains, agaçant prodigieusement Eteslë. Puis le groupe finit par s’arrêter face à un trou où est accolé une échelle de métal descendant dans les profondeurs. Leur guide prend alors la parole, d’une voix lente et faible.

- À partir d’ici, nous devons être prudents, la pègre n’a plus le contrôle des lieux.

Chacun hoche la tête et, après un grognement approbatif de Gork, le guide commence à descendre l’échelle, suivi du groupe qui s’enfonce peu à peu dans les profondeurs de la cité d’Omyre.

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Eteslë
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Re: Les Profondeurs

Message par Eteslë » sam. 4 sept. 2021 15:46

Hurlements

Le petit groupe évolue dans un vaste réseau de couloirs, goulots et corridor sombres, à peine éclairés par la torche porté par le guide qui a pris la tête de leur peloton. L’odeur ici est épouvantable et ressemble à un mélange de charnier laissé en plein soleil, de moisissure, le tout dans une humidité stagnante et putride, donnant des hauts le cœur à tous, même le garzok. C’est lui qui ferme la marche, suivant Eteslë qui a tenu à être certaine que le shaakt soit devant elle. Elle ne connaît pas celui-là, mais elle s’en méfie, par habitude maintenant, trop d’ennuis avec ces satanés elfes noirs. Devant ce dernier, suivant le guide, est l’individu masqué qui n’a prononcé le moindre mot depuis le début. Tout ce petit monde avance dans un silence relatif, aux aguets. Le sol jonché de détritus, d’ossements ou d’autres choses inidentifiables ne facilite guère le trajet de l’équipe. Après plus d’une heure de marche dans cette ambiance pesante, ils arrivent à l’intérieur d’un croisement qui étonne Eteslë. Le toit ressemble à une coupole de pierre avec de grandes arches sculptées dans une pierre qui, par endroit, est devenu noire. Le garzok, curieux, tapote à l’endroit où elle et la plus accessible, son gantelet faisait résonner la pierre et attire le regard de tout le groupe.

- Merde alors… de l’Olath…

- Putain, Gork ! Qu’est-ce que tu fous ? demande le guide, visiblement agacé par le comportement du garzok.

- Calme tes miches Deralk, je vérifiai quelque chose. Ces lieux sont tellement emplis de Mort que de l’Olath y est apparu. Cela ferait une belle offrande au temple…

- Pas le temps.

Gork fixe Eteslë qui, peu intéressée par une quelconque offrande, se tient non loin, bras croisés, vaguement ennuyée par le comportement de la peau verte. Le Garzok s’approche d’elle, la toisant avant de pointer le métal du doigt.

- Ceci, glabre ignare, vaut plus que ta vie, alors ne me dis pas que nous n’avons pas le temps d’en récupérer. C’est…

- Retour. Pas maintenant.

Le garzok grogne, mais le reste du groupe semble d’accord avec la jeune femme. Avancer et terminer leur objectif est plus important que s’emparer d’un métal qui nécessite du temps et du bruit pour être extrait, ce qu’ils ne peuvent se permettre. Gork semble finalement en prendre conscience et, malgré un grognement de frustration, hoche la tête.

- Très bien. Mais je viendrai en récupérer quoi qu’il arrive. Les plus valeureux se doivent de porter ce métal.

Disant cela comme une vérité absolue qui attise quelque peu la curiosité d’Eteslë. Pourquoi un simple métal noir serait-il aussi important ? Elle jette un dernier regard à l’objet de convoitise avant de reprendre le trajet avec le reste du petit groupe. Elle s’interroge sur l’intérêt de ce fameux métal. Serait-il précieux au point qu’un mercenaire comme Gork s’arrête en pleine mission pour chercher à s’en procurer ? le doute était permis, notamment sur la qualité réelle du métal, mais la cogneuse n’était pas contre l’idée de s’en procurer un peu histoire de renforcer ses fonds. L’argent lui a toujours fait défaut et, même avec une mission comme celle-ci, rien ne disait que la récompense serait à la hauteur de ses aspirations.

Ce court interlude terminé, le groupe reprend sa marche, s’enfonçant encore et toujours dans le dédale sinueux de couloirs obscurs et puants. Parfois, les passages écroulés nécessitent un peu d’escalade et, si le shaakt et la jeune femme s’en sort bien, les deux étant agiles, les autres peinent un peu plus, surtout Gork avec sa stature imposante. Un air moqueur sur le visage, Eteslë lui tend la main alors qu’il souffle comme un bœuf et il lui renvoi un regard noir et s’évertue à se débrouiller seul. Le masqué est moins stupide et accepte l’aide de la jeune femme et le guide celui du shaakt. Après bien des tours et détours dans ce qui ressemble vraiment à un labyrinthe de mort, le groupe fait face à quelque chose qui abat aussitôt toute légèreté au sein du groupe.

- Merde… C’est le groupe de Jordief…

Les corps sans vie de quatre des mercenaires leur font face, empalés du fondement jusqu’au crâne sur de longues piques ressortant par la bouche, la gorge ou tout autre endroit possible. Le guide, déjà pâle, blanchit un peu plus tandis qu’Eteslë s’approche des corps, accompagné du shaakt. La jeune femme avance prudemment, s’attendant à voir surgir des ennemis ou un quelconque piège s’activer, mais rien. Les corps ont été laissés là en guise d’avertissement, la jeune femme n’a guère de doute là-dessus. Ce qu’elle veut savoir, en revanche, c’est s’ils étaient morts avant d’être empalés comme des porcs prêt pour la broche. Le shaakt la tire de ses réflexions morbides qui, de toute façon, ne vont guère l’avancer sur la menace en elle-même.

- Il manque leur guide.

- Il a peut-être réussi à s’enfuir ?

Le doute se répand dans le groupe et chacun se tait un instant, plongé dans ses réflexions ou guettant avec attention les alentours. Eteslë, elle, jette un regard suspicieux à leur guide. Pour des raisons évidentes, aucun des mercenaires envoyés n’est un segtek, mais elle imagine très bien un mercenaire trahir sans commune mesure la pègre s’il y trouve son intérêt. Pourtant, le regard angoissé de leur guide la rassérène un peu. Le type semble aiment effrayé par la vision des corps empalés et salement amoché. Le chef du groupe, le fameux Jordief croisé bien plus tôt, a été éborgné et une de ses mains est manquante. Quant à savoir si tout ça a été fait pendant le combat ou sous la torture…

- Vous entendez ?

Un silence suit les paroles du garzok, un long, long et angoissant silence. Chacun tend l’oreille, cherchant à percevoir ce que Gork a bien pu entendre. Puis un hurlement déchire le silence, semblable à celui d’un loup, mais porteur de sonorités qu’aucun animal ne pourrait, mélange de gargouillis, de crissement métallique qui emplissent le couloir, résonnent contre les parois de pierre et figent le groupe dans une surprise angoissée que même Gork ne peut réfréner.

- Merde, merde, merde !

Leur guide, soudain terrifié, fuit. Il court aussi vite qu’il le peut dans la direction dont le groupe vient. Gork tente bien de le retenir, mais le guide, étonnamment rapide, l’évite et s’enfuit, disparaissant bien vite dans les ténèbres, laissant derrière lui la torche qu’il a fait tomber, l’individu masqué la prenant à sa place. Chacun regarde l’autre. Eteslë n’a pas pensé à mémoriser le chemin de retour, n’imaginant pas que leur guide leur fausserait compagnie ainsi. Et alors que tous se concertent pour partir à la poursuite du lâche, un hurlement de terreur résonne, suivant du bruit affreux de chair déchiquetée et du gargouillis du sang. Les quatre mercenaires se figent avant que le hurlement étrange ne reprenne, plus proche. Trop proche. Et les bruits de pas qui se rapprochent décident le groupe d’un commun accord, formulez par le masqué, jusque-là resté silencieux.

- Courez !

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Re: Les Profondeurs

Message par Eteslë » dim. 5 sept. 2021 18:47

Marchand d’oreilles

Cela fait un moment qu’Eteslë court dans une obscurité presque totale. Ses bras sont couverts de bleus à force de se cogner dans les murs qui surgissent devant elle. Sa vision s’est quelque peu habituée, mais pas suffisamment pour voir beaucoup plus que ses mains. Lorsque le groupe a décidé de se mettre à courir, il n’y a eu aucun plan, aucune cohésion. C’tait chacun pour soi et le groupe s’est séparé sans y penser, prenant des embranchements différents selon la volonté de chacun. Résultat, la jeune femme est seule dans le noir, sans même une torche et doit se fier à ses cinq sens pour ne pas percuter la moindre aspérité des couloirs qu’elle arpente à tâtons. Elle peste intérieurement. Impossible dans cette situation de sortir d’ici, sans parler de réussir la mission sur laquelle la jeune femme a fait une croix presque définitive. Presque, parce que si sa route croise celle d’un sekteg dissident…

Soudainement, la jeune femme se fige et s’accroupit, les sens aux aguets. Elle entend quelque chose. Des voix. Tendant l’oreille, elle avance doucement, veillant à faire le moins de bruit possible. Elle passe un embranchement à demi effondré et parvient à ne toucher aucune des pierres qui se sont amoncelées en un petit tas. En faire rouler une aurait compromis sa position et elle préfère savoir à qui appartiennent ces voix avant de prendre des risques inconsidérés. Elle aperçoit une lueur et se dirige vers elle d’un pas lent, prudent, s’attendant à tomber sur un piège à chaque instant. Au lieu de quoi, elle découvre que le couloir s’arrête brusquement, net, pour ensuite plonger dans le vide sous elle. Et ce qu’elle y voit la surprend avant qu’un sourire mauvais n’ourle ses lèvres.

Sous elle, accroché aux parois, se trouve tout un entremêla d’échaudages en bois, d’escalier, de cordes et de passerelles, éclairé par de nombreuses torches et lanternes produisant une lumière étrange, verdâtre, donnant un air encore plus lugubre et l’étonnant spectacle qui se dessine sous les yeux de la cogneuse. Elle comprend, en voyant deux sektegs discuter à quelques mètres en dessous, qu’elle est au bon endroit. Elle a trouvé la base des renégats, elle va peut-être finalement faire son travail et obtenir la satisfaction que la fuite du mage lui a ôté, lors de l’affrontement dans l’Antichambre. Son sang bouillonne et, plutôt que de rester inactive, elle se redresse, étire ses jambes et se jette dans le vide.

Les deux sektegs ne se doutent pas de ce qui leur tombe dessus. Discutant probablement de la qualité de la bouillie infâme dont ils se nourrissent, leur surprise est totale lorsqu’Eteslë leur tombe dessus. Elle écrase littéralement l’un des deux sous sa chute, lui brisant instantanément le corps entre ses jambes et le bois épais de l’échafaudage sous lui. Sa tête s’encastre si violemment dans le bois qu’il la traverse. Son comparse, médusé, n’a pas le temps de dégainer la massue archaïque à sa ceinture. Un coup de poing lui écrase la trachée, un second lui enfonce le plexus solaire et un coup de pied l’envoie s’éclater contre la paroi contre laquelle l’échafaudage est installé. Il tombe, secoué de spasmes tandis qu’Eteslë s’approche de lui pour le soulever par les jambes. Elle cogne son crâne contre le sol, lève son pied et lui écrase la tête une, puis deux fois, sa nuque se brisant avant son crâne. Elle lâche négligemment le corps sans vie et va vérifier le deuxième. Mort également.

Elle se hâte de fouiller les deux corps, craignant que le bruit n’attire d’autres sektegs. Elle ne trouve rien d’intéressant sur les corps, sinon une bourse vide. Visiblement, ce n’est pas en tuant ces troufions qu’elle va alourdir sa propre bourse. Se souvenant malgré tout de la consigne, elle tire la lame prise à un autre sekteg et entreprend de couper l’oreille droite de chacun des cadavres. La tâche est moins aisée qu’elle ne le pensait, la dague n’tant pas vraiment de qualité ni adaptée, mais elle parvient à récupérer les deux trophées et à les mettre dans la bourse de cuir. Peu importe le rang de ces deux-là, une oreille est une oreille et elle compte bien commencer à en amasser une collection.

Laissant son méfait sans se soucier de qui pourra les trouver, la jeune femme s’aventure dans l’échafaudage. Tortueux et construit sans aucune logique apparente, il offre nombre de coins et recoins où la jeune femme parvient à se dérober aux yeux des patrouilles armées qui arpentent le périmètre. Il ne faut pas longtemps pour que les corps mutilés des deux sektegs soient découverts et Eteslë observe, cachée dans une alcôve dissimulée par un amas de planches, le ballet frénétique des patrouilles cherchant un coupable. Elle passe ainsi plusieurs heures à noter ce qui ressemble être une certaine hiérarchie au sein des dissidents. Ceux en bas de l’échelle sont faibles physiquement, souvent vêtus de peu et s’occupent de travailler à tout ce qui doit être fait. L’équivalent d’esclaves, mais visiblement volontaires. Les soldats ont tout un assortiment d’armes hétéroclites, surtout fait de bric et de broc récupéré ça et là et seuls leurs chefs ont des armes et armures décentes, bien que de qualité tout au plus correcte.

Pendant ce qui lui semble être plusieurs jours, Eteslë observe méthodiquement et sort de sa cachette pour s’attaquer à des cibles isolées ou de petits groupes, ne dépassant jamais trois. La méthode est toujours la même. Attaquer vite, fort et repartir après avoir coupé les oreilles des victimes. Elle s’attaque d’abord aux plus faibles, les massacrant sans difficulté et laissant à la vue de tous les cadavres pour tenter d’inspirer la terreur dans leurs esprits. Un ennemi effrayé est un ennemi plus prompt à fuir ou à se rendre, après tout. Mais jouer à la terroriste n’est qu’un moyen de parvenir à ses fins. Changeant régulièrement de cachette, elle essaie de semer la confusion et d’attirer un plus gros poisson : le mage. Pourtant, même après une vingtaine d’oreilles récupérées, toujours aucun signe de ce dernier. Les patrouilles se font plus nombreuses, plus vigilantes et il devient très rapidement difficile pour la jeune femme de se déplacer.

Même manger devient difficile. La seule nourriture qu’elle trouve est cette espèce de bouillie infâme qui, bien que nourrissante, a un aspect aussi attrayant que son goût. Et elle se refuse tout bonnement à essayer de manger un morceau de sekteg. Même son estomac à des limites. Elle remarque cependant que les soldats et leurs chefs sont sensiblement mieux nourris et elle décide alors, autant pour dégoter de la vraie nourriture que pour poursuivre sa mission, de passer à la vitesse supérieure. Même sans armes, elle se sait parfaitement capable de venir à bout de quelques sektegs mal armés et pas toujours bien vigilants malgré les consignes et les cadavres qui s’accumulent. Le problème vient surtout de leurs chefs qui portent souvent des armes longues comme des hallebardes et sont protégés par des armures de fer qui, malgré leurs piètres qualités, vont lui poser un vrai problème. Les poings ne sont pas vraiment faits pour cogner du métal supposé protéger de coups de lames.

(Je vais devoir trouver un autre moyen de m’occuper d’eux…)

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Eteslë
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Re: Les Profondeurs

Message par Eteslë » lun. 6 sept. 2021 15:58

Double peine

Perchée sur une corniche, dissimulée par les ombres, Eteslë observe attentivement un groupe de combattants sektegs. Au nombre de cinq, ils patrouillent depuis un moment cette portion de l’échafaudage géant qui sert de base à toute leur petite insurrection. Quatre d’entre eux n’ont que de simple pic de bois ou est attaché une lame quelconque, créant par bricolage une arme d’hast archaïque. Le dernier, visiblement leur chef, porte dans son dos une hache qui devrait être bien trop lourde pour lui et une hallebarde simple, mais bien plus efficace que ce que ses hommes portent. La vraie menace vient de lui, pas de doute à avoir là-dessus. Son armure de métal, même si rudimentaire, le protège trop et, comme la jeune femme le craignait, il va sans doute être difficile de se débarrasser de lui sans recourir à une arme. Ce qu’Eteslë déteste. Utiliser une arme n’a pour elle pas la même signification, pas le même pouvoir que d’utiliser son corps comme une arme.

Si son esprit a oublié, son corps, lui se souvient. Elle sent parfois dans son être des sensations familières quand elle combat, quand elle s’entraîne. Son corps n’est probablement plus que l’ombre de ce qu’il a un jour été et elle est bien déterminée à lui redonner la force qu’elle n’aurait jamais dû perdre. Chaque fois que ses poings frappent, qu’ils cassent un os, enfonce un crâne ou une gorge, elle a l’impression de se rapprocher un peu plus de celle qu’elle était avant. Avant qu’elle n’oublie toute sa vie, qui elle est et d’où elle vient. Alors si chercher de simples indices ne suffit pas, peut-être que ramener son corps à ce qu’il était avant déclenchera un événement qui lui rendrait une partie de sa mémoire. Ne serait-ce que des brides. Maintenant qu’elle a entraperçu cette possibilité, impossible pour elle de renoncer.

Le mouvement soudain de la petite patrouille attire son regard et elle fronce les sourcils en les voyant courir soudainement ans une direction opposée à la sienne. Elle peste intérieurement. Elle a besoin de s’occuper d’un petit groupe de ce genre pour évaluer ses chances pour la suite et elle avait prévu le piège parfait, un morceau de roche aurait eu raison du chef et les autres n’auraient été que l’affaire de quelques instants. Un sekteg ne représente pas vraiment un défi pour elle. Du moins pas un sekteg armé d’un bâton pointu. Restait les chefs et ce maudit mage dont elle n’avait pas encore aperçu l’ombre d’une oreille.

Des bruits de combat se font soudainement entendre. Eteslë, surprise, décide d’abandonner son perchoir pour aller voir ce qu’il se passe. Atterrissant souplement sur la passerelle en contrebas, elle se met à suivre les bruits du combat. Elle ne repère aucune autre patrouille dans le secteur et, même en regardant en bas, la plus proche mettra quelques minutes à arriver. Elle ne sait pas contre qui se battent les sektegs, mais elle va en profiter. Lorsqu’elle déboule face à l’action, elle reste une fraction de seconde interdite face à la scène qui se joue devant elle. Cela lui tire néanmoins un souffle amusé.

- Venez bande de vermine ! Je vais vous faire passer l’envie de vous opposer à notre déesse !

Eteslë se baisse juste à temps avant qu’un sekteg ne lui passe au-dessus en hurlant, son corps désarticulé chutant dans les profondeurs. C’est avec une certaine satisfaction qu’elle voit alors Gork, visiblement en colère, combattre une demi-douzaine de sekteg, le même nombre jonchant déjà le sol couvert de sang. Sans plus attendre, Eteslë se jette dans le combat, écrasant un sekteg au sol avant de lui enfoncer la tête sans la passerelle à coups de pieds. Gork, contrairement à elle, est armé, en armure et semble tout à fait capable de gérer les protections métalliques du chef de patrouille. Le seul problème vient du fait qu’il est bruyant, très bruyant. Chaque coup est accompagné d’un cri et la jeune femme n’apprécie guère qu’il rameute toute la fichue insurrection sur eux deux.

Deux des petites peaux vertes se sont retournés vers elle et la menacent de leurs lances archaïques. Elle évite sans peine le coup d’estoc du premier et attrape la lance qu’elle brise en deux d’un coup de genou. La hampe se brise et elle retourne la lame contre son porteur, la lui enfonçant d’un l’œil et le laissant tomber raide mort. Le second, visiblement paniqué, cherche à s’enfuir, mais la jeune femme n’a pas l’intention d’en laisser un seul vivant. Elle est sur lui en quelques secondes et le gobelin, finalement plus courageux que son aspect ne le laisse penser, fait front, cherchant à tenir Eteslë en respect avec son arme. Il donne de nombreux coups dans sa direction, qu’elle se contente d’éviter jusqu’à ce que l’un d’eux ne lui entaille le flanc. Elle tique et le rictus qui passe sur son visage suffit à faire pâlir le sekteg qui, sous les yeux de la jeune femme, lâche son arme et se met à l’implorer, face contre le sol.

- Pitié, pitié, j’ai pas eu le choix, pitié, je veux pas mourir.

Eteslë hausse les sourcils, un peu surprise par ce revirement soudaine qu’elle n’aime guère. Cela cache souvent quelque chose. Pour tirer ça au clair, elle relève la tête du sekteg qu’elle attrape par le col pour le lever à hauteur de ses yeux. Elle ne lit que terreur dans ses pupilles qui reflètent son visage probablement perçu comme terrifiant par l’être à la peau verte qui supplie toujours, tout bas, qu’elle le laisse en vie. Elle jette un œil à Gork qui semble en avoir terminé lui aussi, retirant sa hache du crâne du chef de patrouille avec un bruit de succion. Il lève un regard empli de satisfaction vers Eteslë et s’avance, la visière de son casque révélant un large sourire.

- Ah, bah, t’es en vie en fait ! Et lui, t'en fais quoi ? Tu veux que je le découpe ?

- Pas besoin.

- Quoi ?! On est supposé…

Le garzok ne peut terminer sa phrase car la jeune femme le surprend. Elle repose le segtek au sol et, d’un coup de pied, le jette dans le vide. Le hurlement de terreur du segtek est rapidement couvert par le rire gras du garzok qui aurait donné une tape dans l’épaule de la jeune femme si cette dernière ne s’était pas écartée, pas très emballée à l’idée de recevoir une accolade amicale avec une main énorme dans un gantelet de métal. Il ne semble pas s’en offusquer au vu du large sourire qui s’étire sur son visage.

- T’es pas la moitié d’un cornichon on dirait ! Je sais pas depuis combien de temps je suis paumé dans ces satanés couloirs, mais ça fait plaisir de voir une tête familière, même si c’est la tienne. Comment t’as fait ?

Elle hausse les épaules et lui montre la bourse de cuir pleine d’oreilles de segtek. Il lâche un grognement approbateur et la laisse aller collecter l’oreille de celui qu’elle a tué, l’autre étant clairement irrécupérable. Et lorsqu’elle a fini, une question lui vient en tête.

- Les autres ?

- L’humain masqué est mort, j’ai retrouvé sa tête sur une pique avec son masque dans la bouche. Le shaakt a disparu. Je te pensais crevée comme lui.

- Je suis coriace.

- Je vois ça. T’as un plan ?

- Les tuer.

- Simple ! J’aime ça ! Pour l’heure, fichons le camp, j’entends la cavalerie qui arrive. Sont sacrément nombreux ces petits salopards, crois-moi. Par ici.

Acquiesçant, Eteslë suit Gork sur une passerelle menant à un couloir sombre s’éloignant du cœur de la construction segtek. Les deux s’enfoncent dans l’obscurité, simplement guidés par la torche du garzok, volée aux segteks. Eteslë se félicite intérieurement d’avoir un peu de chance. À deux, le boulot sera bien plus simple.

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Re: Les Profondeurs

Message par Eteslë » mer. 8 sept. 2021 12:04

Décision

C’est dans une alcôve sombre et à moitié effondrée que Gork a trouvé refuge et entraine Eteslë qui s’installe sur un tas de pierres sèches pour s’adosser au mur. Cela fait un moment qu’elle n’a pas réellement pu se reposer. De courtes périodes de sommeil volées çà et là, toujours de manière aléatoire et toujours insuffisante pour réellement lui permettre de récupérer complètement. Le danger omniprésent lié à la proche présence de tous ces ennemis et l’inconfort l’a privé de nombreuses heures de sommeil et la jeune femme doit bien avouer que profiter de quelques heures de calme lui serait bénéfique. Ça et un repas un peu plus consistant. Par chance, Gork lui lance ce qui ressemble à un morceau de fromage, accompagné de pain.

- T’imagines pas toute la bouffe que transportent ces rats d’égouts. Sers-toi.

Ne se faisant pas prier, la jeune femme mord avidement dans le repas offert tandis que le Garzok s’occupe de nettoyer la lame de sa hache. Le silence est à peine perturbé par les mastications d’Eteslë et le bruit du chiffon sur la lame qui est finalement reposant. Une fois repue, Eteslë se laisse aller à bâiller, tirant un ricanement au garzok.

- On est fatigué ?

- Ouais.

Sans rien ajouter, elle ferme les yeux et ne tarde pas à sombrer dans un sommeil enfin réparateur. Rien ne semble venir la déranger dans son sommeil et, lorsqu’elle ouvre les yeux, elle trouve Gork à l’exact même place, mais son armure est posée sur le sol et elle l’observe un instant tandis qu’il s’entraîne. Les mouvements répétés de ses haches offrent un ballet hypnotisant qui fascinent Eteslë.

- Pourquoi tu n’utilises pas d’armes ?

La question, posée d’une voix calme, précède l’arrêt de l’entrainement du garzok qui, couvert de sueur, se laisse tomber pour reprendre son souffle, le fer de sa lame raclant le sol dans un crissement bref, mais désagréable. La jeune femme reste silencieuse, adossée à son mur. Puis elle hausse finalement les épaules, pas vraiment du genre à raconter sa vie à un type quelle connaît à peine.

- Je préfère.

- Hmm… je trouve qu’il faut être cinglé pour ne pas utiliser d’armes, surtout quand tout le monde en a. Mais soit, tu fais ce que tu veux. J’ai vu comment tu cognes, je suis content d’avoir mon armure.

Cela tire finalement un sourire amusé à la jeune femme qui se lève finalement et s’étire, faisant délicieusement craquer ses articulations pour finir de se réveiller. Gork, lui, remet une à une les pièces de son armure avec une dextérité prouvant une habitude bien huilée. Lorsque les deux compères sont prêts, ils s’assoient et, sous l’étonnante impulsion de Gork, décide de mettre en place un plan pour venir à bout de la mission malgré le massacre de leur équipe.

- On ne peut malheureusement pas foncer tête baissée et on n’a aucune information concernant la survie des autres équipes, exceptée celle de Jordief qui est… et bien, empalée.

- On tue les chefs.

- Ceux en armure ? C’est une idée… T’as peut-être réussi à te cacher parce que tu fais pas de bruit avec tes fringues, mais avec mon armure c’est pas possible et de toute façon c’est pas mon genre. Alors ta technique de guérilla c’est bien beau, mais ça ne nous avance pas à grand-chose si on tue juste des sous-fifres… Si seulement on avait plus de combattants…

- On remonte ?

- Et comment ? C’est un foutu labyrinthe là-dedans ! Sont bien gentils les imbéciles au-dessus, mais ça aurait été bien d’envoyer des gars avec plus d’expérience que de la simple chair à canon.

Eteslë reste silencieuse. L’énervement de Gork ne la surprend pas vraiment, mais elle sait être pragmatique. À deux, ils ne peuvent rien faire d’autre qu’attirer l’attention et peut-être réussir à être une épine dans le pied de l’insurrection, mais sans réserve d’eau et de nourriture, sans plan, sans renfort, elle voit mal comment ils pourraient être assez efficaces pour faire une quelconque différence. Elle est même persuadée que Gork en est aussi conscient, mais la fierté l’empêche simplement d’admettre que finir cette mission à deux relève de l’impossible. Oh, cela ne plaît pas davantage à la jeune femme qui détesterait devoir abandonner, mais l’issue étant plus ou moins décidée.

- Putain de merde… On se casse, on n’a presque plus d’eau, pas question que je crève dans ce trou. Qu’ils aillent se faire foutre, je vais demander le double de la somme prévu, avec acompte. C’est vraiment la merde. On avait qu’à laisser la milice s’en charger, putain.

La jeune femme, toujours silencieuse, le laisse empaqueter ses affaires en ronchonnant. Il compte seulement trois torches et si cela peut les aider pendant près d’une journée complète, rien ne dit qu’ils trouveront leur chemin dans ce satané labyrinthe dans ce laps de temps. Surtout qu’elle a encore en mémoire le cri étrange qui a résonné au cœur des couloirs de la cité enfouie sous la terre. Quoique cela puisse être, il est probablement toujours là, quelque part, à attendre quelque chose à manger.

Sortant avec précaution de leur abri, les deux compagnons s’enfoncent dans le dédale de couloirs, laissant derrière eux les sektegs et leur installation à flanc de paroi rocheuse. Laissant Gork prendre la tête de leur duo, Eteslë surveiller les embranchements qu’ils ne prennent pas, essayant de discerner d’éventuelles formes inquiétantes ou un mouvement suspect. Rien ne semble pourtant accompagner les deux arpenteurs si ce n’est le silence pesant des ruines, parfois perturbé par le clapotement d’une flaque d’eau ou la chute d’un petit caillou qui leur fait souvent s’arrêter et scruter les ténèbres avec attention.

La jeune femme ne saurait dire combien de temps passent tandis qu’ils arpentent les couloirs obscurs et dénaturés de ce qui semble avoir été une vieille, très vieille cité enfouie par le tout nouveau et glorieux abattoir à ciel ouvert qu’est Omyre sous le joug d’Oaxaca. Un passé qui n’intéresse pourtant pas spécialement la jeune femme s’il n’y a rien à en tirer. Elle ne se fait même pas l’illusion de chercher à fouiller les endroits où ils passent, telles deux ombres silencieuses. Des générations de pilleurs ont déjà dû fouiller ces endroits de fond en comble et leur temps reste précieux. Déjà, une de leur torche leur a fait défaut et a été abandonnée. Mais quelque chose a le don de réjouir Gork lorsqu’ils pénètrent dans une salle quelque peu familière.

- AHA ! L’Olath ! Nous sommes sur le bon chemin ! Louée soit la Déesse. Voyons cela…

Il s’approche avec enthousiasme du fameux métal noir auquel Eteslë n’accorde qu’à peine un regard avant de profiter de la petite pause pour boire quelques gorgées et étirer ses bras avant qu’un violent bruit ne la fasse se retourner. Sous ses yeux effarés, Gork est en train d’attaquer le métal noir comme la nuit avec sa hache. La jeune femme se précipite sur lui et empoigne le manche de sa hache, l’empêchant de frapper à nouveau le métal. Le Garzok se retourne, un rictus énervé sur le visage, mais Eteslë ne flanche pas et soutient son regard avant de secouer la tête.

- Trop de bruit.

- Je veux juste un éclat pour…

Le hurlement qui lui coupe la parole le fait aussitôt pâlir. Ils ont déjà tout deux entendus ce hurlement, juste avant que la mission ne vole en éclat après que le guide ne se soit fait dévorer. Et à entendre les pas rapides et sentir le tremblement du sol, il se dirige droit sur eux.

- Je l’avais oublié lui…

Si Eteslë n’avait pas eu besoin de lui, elle lui aurait enfoncé sa hache dans l’œil sur-le-champ.

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Re: Les Profondeurs

Message par Eteslë » mer. 8 sept. 2021 16:30

Lutte de chaque instant

Il n’est pas bien difficile pour les deux compères d’infortune de savoir d’où proviennent les pas qui s’approchent dangereusement. Eteslë pensait avoir tout vu, déjà, mais elle se trouve finalement loin du compte lorsque les yeux luminescents émergent des ténèbres. La créature semble tout droit sortie des Enfers. Son poitrail est ouvert et sanguinolent, laissant s’échapper de morbides volutes. Sa tête est semblable à un crâne évidé emplit d’une lumière verdâtre et glauque, mais ses mâchoires laissent entrevoir des crocs acérés. Le reste de son corps est recouvert d’un pelage aussi sombre que l’Olath et, s’il ressemble à celui d’un loup à première vue, la démarche est bien plus féline. Eteslë sent l’air autour d’elle empester peu à peu la chair morte et putréfié et fronce le nez à l’odeur. Cette créature empeste la mort comme si elle en est une part à elle seule.

- Putain de merde… J’aurais préféré tomber sur un troll…

Eteslë acquiesce en silence et commence à doucement s’écarter de Gork d’un pas latéral et mesuré. L’attention de la créature se porte sur elle et ses mâchoires claquent alors qu’un étrange feulement mélangé à un crissement vrille les tympans de la jeune femme. Elle ne perd pas la créature de vue et se met en garde, veillant à ne pas inspirer trop fort pour ne pas avoir à supporter la puanteur de la créature. Cette dernière fixe Eteslë de ses cavités vides qu’auraient dû être ses yeux. Le cliquètement de longues griffes sur le sol de pierre attire un instant le regard de la jeune femme. Ce petit moment d’inattention se révèle être une grossière erreur. La créature, extrêmement rapide, bondit en avant toutes griffes dehors. La cogneuse a de bons réflexes et évite l’attaque des crocs et des griffes mais, à sa grande surprise, la queue de cette chose s’enroule autour de son buste avant de la projeter. Elle s’écrase deux mètres plus loin, heurtant le sol avec violence et rebondit pour percuter le mur, son dos s’écrasant avec brutalité contre la roche. Quelques débris lui tombent dessus, mais la jeune femme, à demi sonnée, ne les sens même pas.

La douleur dans tout son corps se révèle après quelques secondes de léthargie. Elle grogne de douleur, crache le sang qui s’est accumulé dans sa bouche, sentant ce même fluide couler de sa tempe droite. Ses oreilles bourdonnent, son dos la lance terriblement et c’est à peine si ses jambes lui répondent. Elle entend vaguement les cris de rage et les chocs du combat qui a lieu non loin. Elle s’ébroue essaie de se redresser, mais la douleur, atroce, l’en empêche. Elle jure entre ses dents serrées, essaie de forcer son corps à bouger, mais elle souffre tellement que, d’instinct, son corps refuse de trop forcer. Elle rage intérieurement de s’être ainsi faite avoir et frappe le sol de son poing, provoquant une décharge dans tous ses membres. Si son corps a trop mal, alors elle va juste ignorer la douleur. Sinon elle va mourir, et ça, il n’en est pas question. La douleur n’est rien.

Elle inspire, essaie d’ignorer simplement les appels de détresse de son corps en poussant sur ses bras. Elle se redresse en grimaçant, mais parvient à faire avec la douleur, mais sans l’ignorer. Elle tourne la tête, voit Gork en difficulté, essayant de repousser les mâchoires du monstre qui sont trop près de sa jambe. D’un effort, Eteslë se relève. La douleur de son dos lui fait lâcher un gémissement, mais elle se tient droite. Elle peut faire avec la douleur pour se battre. La douleur n’est rien. Elle s’avance vers le monstre, trébuche et ramasse une pierre qu’elle lance à la gueule du cauchemar. L’animal reçoit la pierre dans le crâne e tourne vers Eteslë, hurle et se jette sur elle. Ses réflexes entamés par la douleur, la jeune femme est percutée de plein fouet. Les crocs s’enfoncent profondément dans son flanc. Elle hurle, frappe la tête de l’animal qui la jette sur le côté. Un coup de hache de Gork attire son attention loin de la jeune femme qui se tord de douleur sur le sol. La douleur, violente, semble l’empoisonner, l’empêchant de bouger correctement. Elle cherche de l’air, semble s’enfoncer de plus en plus dans les ténèbres alors que sa vue se brouille.

La douleur n’est rien

Comme une phrase maintes et maintes fois répétées, elle entend ses mots résonner dans son esprit. Elle entend soudainement le raclement du fer contre la chair et le cri de la bête semble la ramener sur Yuimen. Elle grogne, tousse, crache un peu de sang. Groggy, à moitié assommée, elle sent pourtant toujours la douleur qui l’étreint et semble la clouer au sol. Elle ne peut pas faire avec la douleur, c’est au-delà de ses forces. Elle doit juste l’ignorer. Ignorer son corps qui souffre et subit, ignorer son sang qui se répand lentement sur le sol oublié, ignorer ses muscles et ses organes abîmés. Plus facile à dire qu’à faire en l’état. La jeune femme grogne, gémit, crache tandis que son compère faiblit de plus en plus face aux assauts de la créature.

(Comme si j’allais crever ici…)

La douleur n’est rien

Ignorer la douleur. Ignorer que son corps est blessé. C’est tout ce qu’elle doit faire. Elle se tourne sur le ventre, appuie son front contre le sol et pousse, force, oblige son corps à répondre. Ce dernier lutte, crie, s’agite, refuse de lui obéir tant la douleur est forte. Elle s’en fiche, continue, essaie encore de se lever alors qu’un cri de douleur de son comparse s’élève, bientôt suivi de celui de la bête. Elle essaie alors de se vider l’esprit. Ne plus penser à avoir mal, ne penser qu’au combat, à la survie, à tuer. Combat. Survie. Oublier la douleur, la refouler dans un coin et cadenasser le tout. Elle focalise son attention sur les bruits du combat, sur les griffes raclant le métal, sur les cris de rage et les bruits des corps qui se heurtent. Elle finit par bouger, une jambe, un bras, puis se relève. Les yeux hagards, la démarche d’abord incertaine et hésitante, elle se raidit, s’affermit, fais un pas. Le sang de ses plaies coule le long de sa hanche, mais c’est à peine si elle y prend garde. Elle ne ressent que l’adrénaline qui se précipite dans son corps pour répondre à son besoin insensé. Combattre. Combattre pour survivre. Combattre pour tuer.

Avec un hurlement de rage, elle se rue en avant et percute la créature de toutes ses forces. Elle la repousse, laissant à un Gork blessé le temps de se relever. Déjà la créature est sur elle, furieuse. Mais Eteslë l’est plus encore. Elle évite un coup de patte, mais une fois de plus, la queue de la créature la surprend. Elle percute son flanc blessé, faisant crier de douleur la jeune femme. Pas assez concentrée. La douleur revient, pas totalement absente. La jeune femme pose un genou à terre, crache à nouveau du sang. La créature se jette en avant, toutes griffes dehors. Gork essaie d’arriver, mais il sera trop tard. La douleur semble clouer la jeune femme. Douleur, encore et toujours cette douleur. Elle inspire, encore et encore. Puis ses yeux se voilent et un sourire taché de sang apparaît sur son visage.

La douleur n’est rien, seul compte l’ivresse du combat et de la victoire.
D’un élan insoupçonné, Eteslë se relève brusquement, le haut de son crâne cognant contre la mâchoire ouverte de la créature qui pousse un étrange glapissement avant de choir au sol, une bouillie noirâtre s’échappant de sa gueule, comme si elle saignait. Elle se relève et pousse un hurlement vengeur vers la jeune femme qui se tient debout, face à elle, un sourire aux lèvres. Car Eteslë est debout, du sang lui coulant depuis le haut de sa tête, mais elle l’ignore. Son flanc est couvert de sang, mais elle l’ignore. Elle ne ressent plus que la fureur du combat, la volonté de vaincre, de tuer cette chose, peu importe ce qu’elle doit endurer. Une transe qui met son corps à rude épreuve, le forçant à ignorer les plaies qui s’accumulent, les os qui se fragilisent, les muscles qui faiblissent. Tout ça n’a plus aucune importance.

La douleur n’est rien
***

Début d'apprentissage de la posture « Abstraction de la douleur »

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Re: Les Profondeurs

Message par Eteslë » mer. 8 sept. 2021 21:47

A bout de souffle

Dans la sombre salle tout juste éclairée par la torche tombée au sol projetant des ombres déformées sur les murs, les étirant pour leur donner un aspect grotesque, la créature fait face à la jeune femme au sourire tâché de sang. La cogneuse n’a plus que l’ivresse du combat en tête, ignorante des blessures qui parsèment son corps, du sang qui coule sur le sol. Elle n’a pas conscience du danger et se rue en avant, répondant au cri de la créature. Son pied lui percute la mâchoire, repoussant l’animal monstrueux. La queue de la créature agit à nouveau, vole, vicieuse, frappe Eteslë sur le flanc. La douleur se réveille et, pendant un instant, la jeune femme perd sa concentration. Elle peut constater l’état de son corps, l’état de ses blessures qui semblent s’aggraver tant elle pousse son corps. Et pourtant, pourtant elle ne renonce pas. Alors même qu’elle roule au sol. Elle se relève, crachant un peu plus de sang encore.

La douleur n’est rien

Et la douleur ne devient qu’un souvenir, un fantôme qu’elle occulte le temps de vaincre la créature qui se rue sur elle. Alors même que des griffes lui lacèrent le bras, la cogneuse frappe la mâchoire une fois, deux fois, trois fois, si vite que la créature lâche un cri plaintif tel un frottement de métal. Elle recule et feule face à cette humaine dont els épaules sont secouées de spasmes. Eteslë relève la tête, un sourire encore plus large qu’auparavant. Elle bande ses muscles, faisant jaillir le sang des plaies sur son bras. Plus rien d’autre n’a d’importance maintenant. Elle se rue en avant, évite un coup de patte et frappe à nouveau. Elle entend des os craquer, elle sent la créature souffrir et l’euphorie la gagne alors elle continue. Elle frappe, encore et encore, ne lui laissant pas le temps de se reprendre. Droite, gauche, droite, gauche, sans relâche, frappant ce crâne aux cavités luminescentes qui semblent être plus fragile que le reste.

Un craquement lui fait tourner la tête. Son propre bras la trahit. Blessé, trop sollicité, il a lâché, incapable de suivre le rythme. Et pourtant, elle ne s’en préoccupe pas plus que cela. Elle ne sent rien après tout, pourquoi s’inquiéter. Son pied frappe le côté de la tête de la créature, l’envoyant au sol, mais, rapide, elle se redresse en vitesse. Haletante, couverte de sang, Eteslë se sent faiblir. Aucun de ses coups ne semble avoir d’effet durable et elle fatigue, sans compter son bras blessé inutilisable et son compagnon garzok aussi mal en point qu’elle, obligé de se tenir debout grâce à sa hache. Elle inspire comprenant qu’elle doit vite mettre un terme au combat sous peine de ne plus jamais voir la lumière du jour. Elle doit réussir à se débarrasser de cette chose, mais comment ?

Elle inspire, mettant dans le même temps un peu de distance avec la créature qui semble elle aussi plus prudente, comme si elle comprenait ce qui se jouait à cet instant précis. La cogneuse observe les mouvements félins de l’animal. Dès le début elle a été surprise par sa vitesse et ses mouvements imprévisible et maintenant, avec un bras indisponible, elle doute de pouvoir faire face à la créature encore en pleine possession de ses moyens. Enfin en dehors des sacrées beignes qu’elle a déjà reçu de sa part et de la belle blessure à son flanc, cadeau de Gork. La jeune femme se dit que si elle peut l’immobiliser suffisamment, elle peut gagner un sacré avantage. Mais comment faire ? Gork fait quelques pas dans sa direction et se poste, hache levée, s’appuyant davantage sur sa jambe valide. Lui aussi est à bout, il faudrait donc faire vite.

- Ton bras ?

La jeune femme hausse son épaule valide et cela semble suffire au garzok qui se tient prêt. Pourtant, pour la jeune femme, c’est le déclic. Elle doit essayer de lui immobiliser un membre pour donner à Gork l’occasion de frapper. Elle peut toujours essayer lui briser une patte, mais elle manque de force et s’épuisera plus vite que la créature. Il lui faut trouver une autre solution, quelque chose qui pourrait juste donner quelques secondes pour un avantage. La créature, cependant, ne va pas la laisser réfléchir plus longtemps. Elle bondit en feulant, mais est intercepté par Gork qui, d’un puissant coup de hache, la force à reculer sous peine de se faire couper en deux. La légère entaille sur sa patte droite ne la ralentis pas, même si un muscle est visible sous la blessure. Et pour Eteslë, cela suffit. Elle doit frapper les muscles plutôt que les os pour espérer l’emporter avec sa fatigue actuelle et son bras en moins. Frapper fort pour briser les os, frapper moins fort mais avec précision pour gêner les muscles. Le tout reste de bien doser. Contre un humanoïde cela aurait été plus simple, mais la créature n’en est pas une, alors elle va devoir un peu improviser.

Elle s’élance vers la créature, étudiant les muscles qui roule sous sa peau et sa fourrure. Elle sait à peu près où sont ses épaules, si elle peut seulement les atteindre… La créature se jette alors sur elle, la forçant à éviter un coup de patte. Son coup de pied de représailles l’effleure à peine et la hache de Gork n’est pas plus efficace. Toujours rapide, la créature les contourne et charge Eteslë. Cette dernière, plutôt que de foncer, fait quelque chose d’inattendu. Elle court aussi, comme pour échapper, droit vers un mur. Elle peut entendre la bête se rapprocher, mais, lorsqu’elle atteint le mur, elle profite de son élan pour marcher dessus. Faisant quelques pas avant se propulser vers l’arrière, elle entend le bruit de l’animal qui heurte le mur alors qu’elle se réceptionne sur ses jambes d’une pirouette. Profitant de l’état de la créature, elle s’avance et, essayant de doser sa force, frappe dans ce qu’elle pense être l’épaule de sa patte avant droite.

Excès de confiance ? Manque de force ? Réflexion complétement fausse ? Elle n’en sait rien, mais son coup, en plus de lui sembler mou, n’a aucun autre effet que celui de faire se retourner la créature d’un bond. Elle attaque, griffe légèrement le bras encore intact de la jeune femme qui riposte d’un crochet de ce même bras. Gork arrive à la rescousse, mais valdingue lorsque la queue de l’animal le projette en le frappant durement au torse, enfonçant encore un peu plus son armure. La créature jette sur lui et Eteslë court à son aide, cherchant à nouveau à paralyser une de ses pattes. Le coup, trop puissant, émet certes un craquement satisfaisant, mais n’empêche pas la créature de bondir et de se réceptionner.

- Faut qu’on en finisse…

- Je sais.

Les deux sont en nage et Eteslë à de plus en plus de mal à garder les yeux ouverts tandis que sa vue se brouille par moments. Elle se rue pourtant sur la créature, évite souplement sa queue décide d’utiliser sa main plutôt que son poing. Ce sont ses doigts qui, cette fois, s’enfonce dans le cuir de la créature, au niveau de son épaule ; elle sent qu’elle touche quelque chose, car la créature s’affaisse à demi. Manquant probablement de précision, le coup ne paralyse guère la patte qui projette Eteslë sur le dos un peu plus loin. Sonnée et finalement à bout de souffle, la jeune femme n’a que le temps de voir l’animal se jeter sur elle. Elle lève le bras comme pour frapper, mais c’est la hache de Gork qui d’un coup de taille, s’enfonce dans la mâchoire grande ouverte de la créature. Dans une gerbe de sang noirâtre, la moitié supérieure de sa tête se détache et la créature s'effondre sur le sol, juste derrière la jeune femme.

- Enfin ! Louée soit la Déesse !

Le cri de Gork parvient à peine aux oreilles de la jeune femme qui, aussitôt le combat fini, crache une gerbe de sang. Son corps, épuisé et brisé, ne lui répond plus du tout et c’est à peine si elle parvient à respirer. Elle parvient vaguement à distinguer la forme de Gork qui s’approche d’elle avant que l’obscurité ne soit totale, pour de bon.
***

Apprentissage de la posture « Abstraction de la douleur » et début de « Frappe paralysante »

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Re: Les Profondeurs

Message par Eteslë » dim. 12 sept. 2021 07:49

Un paiement longuement dû

- Joli travail, mes chers ! À notre victoire !

Eteslë regarde avec un mélange de mépris et d’agacement lesparrains de la pègre s’enivrer en se congratulant les uns les autres pour le boulot que d’autres, dont elle, on fait à leur place. Rares sont ceux qui ne boivent pas autour de cette table. Virek se contente de faire tourner son vin dans son gobelet. La shaakte qu’elle a croisé la dernière fois et son garde du corps n’ont pas touché à leur boisson et un autre humain aux yeux verts et aux longs cheveux noirs, ne semble pas plus enjoué que cela par toute cette agitation. Cela fait près d’une heure que la réunion a commencé et tout ce qu’Eteslë a retenu, c’est que personne ne sait ce qu’était cette insurrection, aucun n’ayant pensé à garder des types à interroger, et que le mage qui semblait le chef, a disparu sans laisser de trace. Cela a le don de prodigieusement agacer la cogneuse qui doit en plus supporter tout cela sans broncher.

Le regard qu’elle adresse à Virek fait simplement sourire ce dernier qui sirote une petite gorgée de son vin, se délectant visiblement de l’agacement de la jeune femme qui commence à tapoter ses doigts sur la table avec de plus en plus de force, s’attirant surtout la moquerie de Virek et le regard amusé de la shaakte. Elle a néanmoins un soutien. Gork, lui aussi convié à la réunion, est adossé au mur en face d’elle et semble tout aussi agacé de la situation actuelle. Sans son armure et sa lourde hache, elle ne l’avait pas immédiatement reconnu, mais les deux s’étaient salués d’un hochement de tête amical et semblaient désormais prêts à amorcer une nouvelle révolte tant ce qu’il se passait commençait à les énerver tous les deux.

- Bien, messieurs, nous avons suffisamment profité de notre victoire, passons aux choses sérieuses maintenant, voulez-vous ?

La shaakte parle d’une voix mielleuse et presque sucrée, mais cela a un effet immédiat et les rires et démonstration de joie s’arrêtent brusquement, comme happé par la voix suave de l’elfe noire. Un murmure d’assentiment parcourt les rangs des personnes présentes et Eteslë hausse un sourcil. La shaakte aurait-elle pris le contrôle pendant qu’elle était ans les vapes. Un regard à Virek ne lui apprend rien, le sekteg affichant encore et toujours son petit air suffisant et satisfait. Gork, lui, se décale finalement du mur en jetant un bref regard à la shaakte avant de prendre place sur un siège qu’il a délaissé jusque-là. Un autre Garzok à la peau plus sombre que Gork, prend la parole.

- Nos traqueurs fouillent encore la ville, sans succès en ce qui concerne le chef de cette organisation. Rien ne laisse penser qu’il a quitté la ville, nos informateurs nous auraient prévenu. Il va falloir le trouver ou attendre qu’il sorte de son trou. Nous avons… un soutien haut placé. Malgré l’absence de la Cheffe Suprême parti à la conquête du continent, son jugement reste rendu depuis la Tour Noire…

De nouveaux murmures se répandent parmi le groupe. Eteslë ne s’en inquiète guère, bien peu intéressée par la politique, contrairement à Virek qui a perdu son attitude nonchalante et qui échange quelques mots avec son voisin. Visiblement le soutien officieux du gouvernement en place est un événement non-négligeable. Rien de surprenant. On tolère la pègre tant que les choses se passent dans un chaos contrôlé, mais vu le bain de sang qu’il y a dû avoir, certains regards ont dû se tourner vers le monde souterrain. Eteslë comprend bien que les choses sont encore plus tendues qu’auparavant. La rébellion voulait s’en prendre au système en place, après tout, rien de surprenant à ce que ledit système intervienne, même par des voies détournées. En revanche…

- Absence ?

- Tu étais inconsciente, mais l’armée a quitté la ville pour l’Ynorie. La guerre doit faire rage au moment où nous parlons. Hmm

La jeune femme hoche la tête au murmure de Virek. Elle a bien noté un calme inhabituel dans la ville, mais pas au point d’imaginer que les forces noires soient parties en guerre. Voilà qui risque surtout de rendre certains un peu aventureux. L’idée ne lui déplaît pas, à vrai dire, mais il ne faudrait pas que la situation dégénère avec les défenses affaiblies. Finalement, un humain se lève et chuchote quelques mots à un sous-fifre qui hoche la tête et qui sort en trombe.

- Nous avons également quelques… cadeaux à remettre.

Eteslë ne peut empêcher un rictus de se peindre sur son visage en entendant le ton mauvais de l’humain lorsqu’il prononce ces mots en regardant Virek. Le concerné ricane silencieusement à ses côtés et elle a visiblement vu juste. Elle ne sait par quel moyen de pression le sekteg a bien pu obtenir quelque chose, mais cela ne semble pas plaire à certain. Gork est appelé et se voit offrir une jolie bourse qu’il prend avec un air satisfait sur le visage. En retournant s’assoir, il offre un clin d’œil à la cogneuse qui lui renvoie un sourire amusé et un peu moqueur auquel il répond d’une grimace. Puis le nom de Virek est appelé et il se lève, faisant signe à la jeune femme qui le suit sans rechigner. Restée ainsi assise à attendre l’ennuie tellement que juste se lever pour suivre le sekteg est le moment le plus excitant de cette réunion. Cela en dit long sur l’intérêt qu’elle porte à toutes ces conneries politiques.

- Virek… ta championne a participé à la mission avec succès, voici la récompense promise.

Il donne une bourse dodue au gobelin qui la prend, mais ne bouge pas plus, attirant le regard intrigué d’Eteslë.

- Et le reste ? Hmm.

- Ne pousse pas ta chance, vermine… Ce sont les tiens qui ont foutu la merde, putain de sekteg. Tu devrais les rejoindre six pieds sous terre et ta pute ne va pas…

Un rictus énervé sur le visage, Eteslë frappe brutalement l’humain dans la gorge, le faisant reculer en toussant. Sans attendre, elle lui attrape le col de son vêtement et l’écrase contre le mur de pierre puis le soulève du sol. Elle entend des chaises racler le sol derrière elle, mais la voix de la shaakte calme les ardeurs des plus téméraires.

- Suffit ! Elle et Virek sont dans leur droit…

- De sages paroles Kyeskra… Si j’avais voulu votre mort, vous ne seriez plus ici, je vous prie de me croire, messieurs… Quant à ma championne, elle a accompli plus que sa part et j’exige la récompense adéquate pour sa victoire à l’antichambre ET pour les oreilles qu’elle a rapportées comme preuve de son action. Nul doute qu’elle serait très heureuse de rappeler elle-même à certains de quoi elle est capable. Hmm.

Un sourire carnassier s’étire sur le visage d’Eteslë. Malgré son air nonchalant irritant, Virek est un employeur plus qu’intéressant et elle doit bien avouer qu’elle a eu de la chance de tomber sur lui avant même d’atteindre Omyre. Elle finit par lâcher le type qu’elle tenait toujours, le laissant glisser sur le sol avant de récupérer la récompense de l’Antichambre en tant que vainqueur, ainsi que la prime pour les oreilles de sekteg. Un regard à Virek l’informe qu’il n’en a pas terminé et elle reste à ses côtés, un air calme, mais le regard moqueur en fixant l’assemblée. Elle est sûrement en trin de se faire des ennemis, mais elle s’amuse finalement beaucoup et le jeu en vaut la chandelle.

- Il va de soi qu’elle participera à la mise à mort des survivants, vous avez ma parole, messieurs… Et madame. Nous espérons obtenir une compensation… généreuse après cela. Hmm.

Pas une menace, mais la jeune femme sent bien que tout le monde a compris le message. Elle n’a aucune idée des ressources réelles de Virek, mais el fait qu’il déniche toujours les personnes adéquates et efficaces au bon moment lui fait ire que ce sekteg est probablement un des membres les plus puissants de ce conseil de criminels. Pourquoi tient-il à obtenir plus d’argent dans ce cas ? Cela reste un mystère pour elle, mais elle ne cherche pas plus loin. Pas pour le moment en tout cas, il y a des choses plus urgentes. Elle se rassoit à ses côtés et assiste à encore près d’une heure de parlotte insupportable avant d’enfin pouvoir sortir, suivant Virek dans les couloirs du repaire du monde souterrain.

- Tu te demandes ce que je vais faire de cet argent, n’est-ce pas? Hmm?

Elle se contente de hausser les épaules, sans confirmer ou infirmer. Le sekteg se tourne vers elle lui montre la bourse.

- J’ai quelques contacts pour certains… matériaux. Je n’ai pas l’intention de devoir te rafistoler à chaque fois, donc je vais faire marcher quelques relations pour te trouver un équipement plus… adapté. Considère que cette bourse-là, c’est pour compenser. Tu gardes deux autres, tu les as gagnés. Hmm.

- J’ai rien demandé.

- Considère cela un cadeau généreux de ton merveilleux employeur dans ce cas. Hmm.

Cela a le mérite de faire souffler Eteslê du nez, amusée par la façon dont Virek arrive à se trouver dans son droit alors même qu’elle aurait pu faire autre chose de cet argent. Les deux compères repartent avant qu’un bruit de cavalcade n’attire leur attention. Six garzoks débarquent, visiblement pressés, mais Virek ne perd pas de temps.

- Messieurs ! Que vous arrivent-ils ? Hmm ?

- On a enfin repéré le mage ! Il n’est pas loin, on va vite lui tomber dessus !

Satisfait, Virek laisse passer le petit groupe et se tourne vers Eteslë qui n’a pas besoin de voir le regard du gobelin pour sentir qu’il y a une embrouille.

- Il vient se venger. Hmm.

Eteslë hoche la tête juste avant qu’un tremblement ne secoue le lieu et que le plafond ne laisse tomber quelques poussières et débris. Elle se hâte de mettre son argent dans ses fonds personnels accrochés à sa ceinture tandis que Virek annonce l’évidence.

- Tue le, qu’on en finisse. On se retrouve chez moi. Tâche de ne pas finir en charpie. hmm.

Elle hoche la tête, laissant Virek partir dans l’autre sens alors qu’elle se hâte vers la sortie et les bruits de combat qui se font entendre. Elle ne va pas le rater cette fois. Elle l’aurait même fait gratuitement, juste pour avoir le privilège de s’en occuper elle-même…

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Re: Les Profondeurs

Message par Eteslë » mer. 15 sept. 2021 22:14

Coup décisif

Courant dans le couloir en direction de la sortie, Eteslë entend de plus en plus distinctement les bruits de combats, les cris, le son des os qui se brisent et les appels de part et d’autre des deux camps. Elle monte quatre à quatre un étroit escalier en colimaçon menant vers un court couloir tout aussi étroit menant vers une salle permettant ensuite d’atteindre l’extérieur via un autre escalier et évalue rapidement la situation, qui n’est pas du tout celle qu’elle imaginait. Le couloir est bloqué par deux garzoks protégés par de lourdes armures et boucliers et elle ne perçoit que les dos des deux gardes pendant bref instant, puis elle constate l’étendue du carnage qui se joue sous ses yeux. Des corps sont étendues dans toute la pièce et elle arrive à compter une bonne douzaine de sektegs encore en vie qui s’acharnent sur les corps morts ou mourants des défenseurs de la pègre. Un bain de sang totale et fou que la jeune femme observe un instant. Lasse de ne rien faire, elle cogne contre le dos du Garzok le plus proche, attirant son regard surpris et loin d’être content de la voir.

- Quoi ? C’est ça nos renforts ? Putain, on était six contre une trentaine de ces connards et ils nous envoient une humaine seule ?

- Bouge !

Le Garzok hésite un bref instant, mais la jeune femme ne lui se pas le choix et le pousse pour avancer dans la salle. L’un des sektegs l’aperçoit et hurle comme un dément avant de se jeter sur elle. Un n’a qu’une pelle ébréchée à la main et ses mouvements sont chaotiques. La jeune femme ne lui laisse même pas le temps d’agir. D’un coup de pied circulaire, elle l’envoie valdinguer sur le côté. Il pousse un cri de douleur, lâche son arme et glisse sur quelques mètres. Un sifflement appréciateur parvient aux oreilles de la cogneuse qui, l’ignorant, chope le gobelin par l’arrière du crâne avec ses deux mains et le lui écrase violemment sur le sol. Le son des coups répétés attire l’attention des autres sekteg qui observe Eteslë se relever, les mains rougies de sang jusqu’aux poignets, abandonnant le corps sans vie du gobelin au crâne réduit en bouillie. Elle leur offre un sourire carnassier en attrapant la jambe du gobelin mort, puis elle jette son corps vers eux, tel un défi. Certains hurlent, furieux. D’autres, apeurés, semblent hésiter face à cette humaine au sourire et au regard fou et aux mains rougies du sang d’un de leurs.

Sans hésiter, la jeune femme se rue sur le suivant qui cherche à s’enfuir alors que d’autres viennent à sa rencontre. Elle change de cible, évite un coup de dague maladroit et enfonce son genou dans le nez du gobelin avant de lui attraper le bras et le projeter sur un autre qui s’écroule sous le poids mort de son comparse. La jeune femme recule pour éviter une hachette, donne un coup dans la tempe d’un gobelin, le sonnant un instant, avant de crocheter les jambes d’un autre. Il chute et la jeune femme l’accompagne d’un brutal coup de talon descendant, lui écrasant le thorax. Elle bondit en arrière pour éviter un coup de poignard qui laisse tout de même un sillon sangant sur sa cuisse. Elle siffle de douleur et fixe le gobelin responsable qui semble s’enhardir. Mal lui en prend. D’un coup habile de sa main, elle détourne le poignet du gobelin et retourne sa propre arme contre lui, le faisant se planter le poignard dans l’épaule. Il crie, brièvement. Un coup de poing dans la mâchoire réduit son cri à un gargouillement, un deuxième le jette au sol et le suivant le massacre et emporte son dernier souffle, la jeune femme se relevant alors en regardant autour d’elle.

- Putain, elle déconne pas la peau-glabre … t’as vu ses mains couvertes de sang ? On dirait des gants...

Elle jette un regard mauvais aux deux Garzoks qui n’ont pas bougé et qui, soudainement, se regardent avant de charger sur les sektegs désormais désemparés qui cherchant à s’enfuir. La violence dont a fait preuve Eteslë semble être plus efficace que de simplement tous les abattre, mais quelque chose ne semble pas tourner rond. La jeune femme regarde autour d’elle tandis que les sektegs cherchent à s’enfuir. Elle ne voit pas trace du mage et elle trouve cette attaque un peu faiblarde pour une vengeance. Il ne risquait pas de faire de gros dégâts avec si peu de combattants et sens être lui-même présent. Elle fronce les sourcils, mais va porter assistance aux deux garzoks qui s’acharnent à empêcher les Sektegs de s’enfuir. Aucun quartier n’est fait, aucune pitié montrée. Chaque sektegs est tué et bientôt, le silence se fait dans la salle si ce n’est pour le souffle court de combattants encore debout. La jeune femme, elle, constate que son corps a encore besoin d’un peu de remise en forme, mais elle est en bonne voie, sans nul doute. Et alors qu’elle commence à nouveau à se demander où le mage peut bien être, un tremblement secoue les alentours et elle fixe le couloir d’où elle est venue, un mauvais pressentiment lui parcourant l’échine.

Sans attendre, elle se rue dans le couloir, faisant le chemin inverse pour retourner à la salle de la réunion. Une nouvelle secousse manque de la faire tomber et elle se retient au mur avant de courir dans l’escalier, sautant les dernières marches pour se remettre à courir. Elle perçoit des cris et accélère pour se jeter au sol lorsque le mur devant elle semble exploser. Des débris volent en tout sens, remplissant l’espace confiné de poussière et de morceaux de pierre. Relativement épargnée par les plus gros morceaux, la jeune femme se relève pour voir un corps désarticulé sur le sol du couloir, comme s’il avait traversé le mur. Elle reconnait le corps étendu comme l’humain lui ayant donné l’argent des récompenses. Elle grogne et se rue dans le trou béant dans le mur, prête à intervenir.

Dans la salle dévastée règle un chaos sans nom. Des corps jonchent le sol. La grande table de bois est fracassée et morcelée aux quatre coins de la pièce où, en son centre, se trouvent un amas de roche tournant en anneau autour d’un orbe de pierre. Eteslë grince des dents en voyant la silhouette et le bâton reconnaissable du satané mage qu’elle a juré de tuer après s’être faite presque ridiculisée. Ce dernier ne semble pas s’être aperçu de sa présence et semble observer le carnage avec une certaine satisfaction. Un seul pas de la jeune femme suffit à attirer l’attention de l’étrange amas de roche mouvante qui lance aussitôt un pieu de roche droit vers elle. Elle se jette au sol, laissant le pieu la dépasser pour s’encastrer dans le mur, attirant finalement l’attention du mage qui la fixe tandis qu’elle se tient prête à lui foncer dessus.

- Oh, oh, retrouvailles, oui-oui. Idiots, ignares. Pensiez que nous-nous étions vaincus pour si peu. Gnaha Gnahahahaha. Si faible, oui-oui, si idiots. Gnahahaha!

Eteslë se rue en avant, mais d’un claquement sec de la langue du sekteg, la créature étrange de roche s’interpose et Eteslë est forcée de reculer puis de s’aplatir au sol pour éviter un nouveau pic de roche. Elle entend un râle de douleur et lève les yeux, soudainement hors d’elle. Tenu entre les branches du bâton, elle voit Virek, encore en vie, mais le front ensanglanté et le cou percé par les pointes de l’arme du sekteg qui ricane à nouveau et claque la langue, la créature arrêtant son attaque sur la jeune femme. C’est d’ailleurs vers elle que se tourne à nouveau le mage, un sourire dément sur le visage.


- Toi-toi, amusante, oui-oui. Nous-nous emmenons celui-ci…

- Tu vas nulle part…

D’un bond, la jeune femme charge à nouveau le mage, évitant l’épieu de roche lancé par la créature. Son pied vise la tête du mage mais heurte avec force ce qui ressemble à un mur. Des grosses plaques de roche recouvrent à présent le mage qui ricane face à l’attaque avortée de la cogneuse qui fulmine de rage. Un bras de roche cherchant à la frapper l’oblige à reculer à nouveau et le mage commence à s’éloigner d’un pas tranquille, l’amas de roche empêchant à Eteslë d’approcher. Elle grince des dents face au rire du sekteg qui se place alors sur un petit monticule de sable qu’Eteslë n’avait pas remarqué, avant de voir un trou dans le plafond, juste avant qu’un monticule de terre ne commence à se former sous les pieds du mage, l’élevant vers le trou.

- Cours, cours. Trouve nous-nous. Vie en jeu, oui-oui, lui mourir si trop lente.

Se pensant en sécurité, le mage se permet de rire à gorge déployée, mais la jeune femme ne cache pas su fureur et se rue vers le monticule de roche qui élève le mage. Celui-ci cesse de rire, mais ne fait rien pour empêcher la jeune femme de prendre de l’élan. Elle fonce vers le monticule et profite de sa vitesse pour faire quelques pas sur le sommet de la pile de roche. Malheureusement pour elle, le plafond trop proche l’oblige à lâcher et elle fixe, impuissante, le mage s’enfuir avec sa créature portant le corps inanimé de Virek. Autour d’elle, elle ne voit que des cadavres. Les chefs de la pègre semblent s’être tous fait éliminés d’un coup. Pourtant, elle ne voit pas le corps de la shaakte ou de son acolyte, ni celui de Gork. Elle secoue la tête et décide que cela attendra et elle se remet à courir vers la sortie la plus proche. L’ordure semblait vouloir jouer avec elle, alors elle va jouer et lui faire passer l’envie de le faire, définitivement.

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Eteslë
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Re: Les Profondeurs

Message par Eteslë » mer. 22 sept. 2021 01:15

Retour aux sources

- Alors, t’en penses quoi ? Hmm ?

Eteslë remonte son regard vers Virek qui se tient dans l’entrebâillement de la porte de sa chambre, un fin sourire aux lèvres. À son réveil, elle a trouvé un étui contenant les fameux gantelets proposés par Virek pour la récompenser de lui avoir, entre autres, sauvé la peau. Chaque gant est fait d’un ensemble fait d’un cuir souple recouvert de plaques de cuir plus dures maintenues par des clous métalliques donnant une armature suffisamment souple pour les utiliser facilement tout en étant très solide, en plus d’être parfaitement légers. La jeune femme défait rapidement les bandes de tissus qui lui servaient jusque là et enfile les gants. Neuf, le cuir grince un peu, mais elle n’a aucun problème pour bouger les doigts et, en frappant poing contre poing, c’est à peine si elle sent l’impact. Elle ajuste le serrage des gants grâce aux sangles prévues sur l’avant-bras et se lève pour tester quelques mouvements simples comme prendre un objet, ouvrir et fermer le poing rapidement, bouger les poignets et c’est finalement un sourire satisfait qui se dessine sur son visage.

- Parfait !

- Tu m’en vois ravi. À peu de choses près on y ajoutait des plaques de métal, mais ça aurait peut-être été trop lourd et tu voulais quelque chose de léger, donc voilà. Hmm.

La jeune femme doit admettre que le résultat lui convient tout à fait et elle a hâte de l’essayer sur quelque chose de plus consistant que l’air vide de sa chambre. C’est d’ailleurs avec un sourire que Virek lui propose de tester cela sans tarder et la jeune femme, sans vraiment réfléchir plus que cela, accepte. Après tout, cela fait presque cinq jours qu’elle n’a pas beaucoup bougé, et même si elle n’a aucune envie de se frotter à nouveau à un mage d’aucune sorte, taper sur quelque chose ne lui ferait sans doute pas de mal. Alors lorsque Virek l’invite à le suivre, elle n’hésite pas vraiment et le suit aussitôt en enfilant ses nouveaux gants. Elle ne s’attendait cependant pas à la suite.

***

- Le spectacle va bientôt commencer mesdames et messieurs !

Eteslë garde un œil furieux vers un Virek souriant qui semble lui dire « de quoi te plains-tu ? », alors qu’elle dans une arène et lui est tranquillement installé dans les gradins qui l’entourent, assis au milieu d’une petite foule enthousiaste alors que le premier événement de réouverture de l’Antichambre attire plus de monde que d’ordinaire. Les gradins sont bondés et les paris vont bon train, la pègre ayant décidé de remettre en place le combat qui avait démarré toute cette histoire avec le mage et l’insurrection sekteg. Tout ça dans le but d’afficher leur pouvoir, avec le concours plus ou moins volontaire d’Eteslë qui a baissé sa garde après le cadeau de Virek, oubliant momentanément que c’était un sale petit fourbe.

Elle finit par détacher son regard du gobelin lorsque celui qui hurle depuis tout à l’heure pour captiver le public commence à présenter les participants de ce combat où la seule règle est d’en sortir vainqueur. Armes, armures et magie autorisées pour le plus grand malheur d’Eteslë qui déteste particulièrement devoir se battre contre des mages dans un tel environnement. Pas ou peu d’endroits où obstruer la vision, une arène plane en cercle, tapissée de sable et entourée de chaînes au-dessus d’un mur de plus de trois mètres. Un vrai calvaire lorsqu’un mage décide de se joindre à la fête. La plupart des combattants ont, heureusement, des armes classiques, mais deux d’entre eux ont un bâton et la jeune femme s’est posté non loin de l’un d’eux pour le mettre vite hors d’état de nuire. Pas question de combattre encore ces satanés sorciers.

En tout, une douzaine de participants cherchent à obtenir la victoire, qu’Eteslë compte bien fourrer dans le pif de Virek pour lui apprendre à se foutre d’elle. « Un combat simple, pour te remet d’aplomb » qu’il disait… Elle soupire et se met néanmoins à s’étirer. Il est trop tard pour reculer et fuir maintenant lui est impossible. Pas physiquement, mais les règles sont claires et elle n’a pas envie de finir avec la pègre sur le dos pour avoir fui l’Antichambre après avoir pénétré l’arène. Chacun y va en connaissance de cause… sauf ceux obligés, mais leur sort reste le même, au final. Elle entend vaguement son nom prononcé et se concentre finalement sur ses alentours directs. Le mage d’abord, elle avisera ensuite, quitte à profiter honteusement des combats en cours pour se débarrasser des éléments les plus gênant pour elle, comme le deuxième mage ou ce colosse en armure de plates complète. Tous les coups sont permis, après tout.

Lorsque le décompte commence, elle se tient prête tout en adoptant une attitude nonchalante pour ne pas attirer l’attention du mage. Sans savoir de quoi est faite sa magie, mieux vaut rester prudente. Elle attend la fin du décompte, puis se rue vers le mage dont les bras s’entourent d’éclairs, faisant grincer la jeune femme des dents. Alors, à sa plus grande surprise, il hurle.

- Je suis Maximilien le Foudroyant ! Craignez la colère de Valyus et de son élu !

Puis il envoie une série d’éclairs qui mettent au sol trois autres participants d’un seul coup. Il lève les bras au ciel en riant, faisant rouler des yeux la cogneuse qui se jette sur lui. D’un coup brutal du poing sur la tempe, elle l’envoie au sol, le sonnant juste assez pour lui prendre son bâton et l’assommer pour de bon d’un deuxième coup. Elle affiche une moue satisfaite en se relevant, observant ses gants qui, même si elle a ressenti l’impact, ont protégé ses mains des coups. Elle sourit en jetant le bâton derrière elle, posant un regard au mage qui gémit faiblement sur le sol, le nez cassé et en sang. Autant pour le soi-disant élu de Valyus.

Une fois les mains libres de ce premier mage, elle cherche des yeux le second. Des cris emplissent la salle, couvrant la voix pourtant tonitruante de celui qui commente, se concentrant visiblement sur un combat dantesque entre deux participants. Cela arrange Eteslë qui se rue plutôt sur un humain armé d’un simple gourdin, mais qui a sobrement assommé à un type d’un coup derrière la nuque. L’homme la repère et arme son coup, mais la jeune femme, plus vive, passe sous son attaque trop prévisible et lui crochète les jambes tout en bandant les muscles de ses bras. Alors qu’il chute, elle lui projette ses deux poings dans le ventre. Elle le voit cracher tout l’air qu’il a dans les poumons et il lâche son arme en étant envoyé en arrière, roulant dans le sable sur lequel il reste allongé. Il reste allongé. De nouvelles exclamations s’élèvent et Eteslë voit avec stupeur un mur de glace se dresser avant qu’une boule de feu ne s’y fracasse sans lui causer le moindre dommage. Elle grogne. Encore deux mages, finalement.

Laissant les combattants en robe se faire la peau entre eux, elle s’en prend à un garzok se battant aussi à mains nues. Elle lui fait face, contrairement aux autres, par respect. Respect qui disparaît bien vite quand le salopard fait apparaître une arme faite de terre, faisant grogner Eteslë. Trop de mages, cela tue le divertissement, de son point de vue. Et tandis qu’un mur de feu remplace le mur de glace, elle se rue à l’attaque, déviant de son point l’épée de roche forgée par le mage et, dans un déluge de coup, frappe violemment le visage du garzok qui recule en hurlant de douleur. Elle enchaîne aussitôt, frappant le muscle de son bras armé pour l’empêcher de s’en servir et commence à tabasser le garzok avec poings et pieds sans distinction. Son adversaire esquive, pare, mais les coups sont trop nombreux, il finit par s’écrouler, arme s’évanouissant avec sa conscience.

Elle regard autour d’elle. Ils ne sont plus que quatre en lice. Le mage de feu, un hinion qui possède un sabre et un tenu aussi rouge que sa magie. Un shaakt armé de deux longues épées suintant d’un liquide, probablement un poison. Le Garzok en armure lourde portant une hache à double tranchant et elle-même.

- L’ultime confrontation, chers spectateurs ! Qui sortira vainqueur ? Le flamboyeur ? le destructeur ? L’empoisonneur ? La cogneuse ? Les paris sont ouverts !

La foule crie, encourage, invective ou hue les combattants qui se regardent en chien de faïence, pas plus perturbés que cela par le déchaînement bruyant qui a lieu autour. Eteslë évalue ses chances face à chacun des combattants. Elle manque d’allonge contre tous et de puissance contre le garzok, alors elle patiente, puis bande ses muscles et se rue en avant la première, visant aussitôt le mage. Comme prévu, il réagit aussitôt et une boule de feu fuse vers elle. Elle l’évite d’un bond latéral, laissant l’orbe s’écraser plus loin. Les deux autres combattants se mettent en branle et la mêlée devient brouillonne. Eteslë évite un coup de hache, dévie une taillade d’épée qu’elle redirige vers son propriétaire qui est forcé de se jeter en arrière face au sabre du mage. Le garzok hurle, moissonnant l’air devant lui de sa lourde hache qui est stoppée par le shaakt usant de ses deux épée, Eteslë en profitant pour asséner un coup au mage qu’elle envoie valdinguer d’un coup-de-poing alors qu’un orbe de feu touche le garzok qui n’apprécie guère. D’une cabriole, Eteslë évite les lames empoisonnées, mais reçoit un coup-de-poing gantée de fer dans le bras, faisant grogner. Elle réplique aussitôt, frappant de toutes ses forces sous l’aisselle de la boite de métal, paralysant son bras qui pend lamentablement sur le côté alors qu’il balaie mollement l’air de sa hache un peu trop lourde pour un seul bras.

Profitant de l’avantage, Eteslë se rue sur le mage, l’obligeant à parer son coup avec son sabre plutôt qu’en utilisant sa magie. Son gant percute brutalement le métal sans causer de tort à la jeune femme qui se baisse avant de donner un coup de pied arrière dans le plexus solaire du mage en train d’incanter. Sa magie lui échappe et l’orbe de feu lui explose à la figure, pour la plus grande surprise, mais aussi le plus grand bonheur de la cogneuse qui en profite et lui assène un brutal coup de poing sur le crâne, le faisant s’écraser sur le sol, inconscient.

- Un combat dantesque, cher public ! On en veut plus !

Les trois restants sont tous blessés et se regardent avec méfiance avant que la shaakt ne passe à l’action, visant le garzok. Son épée entaille son armure qui commence à grésiller étrangement, puis à fumer. Le garzok tente de la retirer, mais le shaakt ne lui en laisse pas le temps, l’attaquant encore alors qu’Eteslë se joint au combat. D’un coup de pied sauté, elle atteint le shaakt à la tempe, le forçant à l’attaquer elle. Le garzok, lui, se hâte de retirer son armure qui semble se faire ronger par quelque acide étrange que la jeune femme n’a pas envie de voir agir sur la peau. Elle se rue rapidement sur l’elfe noir qui se fend en avant, les deux larmes fusant vers le torse de la jeune femme. Une entaille profonde, mais sans gravité se trace sous sa poitrine, mais la jeune femme passe la garde du shaakt et frappe. Deux coups-de-poing gantés s’abattent sur son visage tel des battoirs. La tête de l’elfe noir est projetée en arrière tandis qu’un coup de pied descendant s’abat finalement dessus, l’envoyant au tapis. Par précaution, Eteslë envoie les épées plus loin avant de vérifier la blessure de son torse qui, par chance, semble avoir été épargnée par le poison.

- Incroyable ! Ils ne sont plus que deux, épuisés, mais toujours debout ! Qui sortira vainqueur ?!

La voix du commentateur commence à taper sur le système d’Eteslë jette un œil au garzok qui est parvenu à retirer son armure. Son torse musclé semble lui aussi attaqué par le poison et il se débat sur le sol, comme s’il pouvait s’en débarrasser. Rapidement, la jeune femme fouille le shaakt et tombe sur plusieurs fioles et jure en voyant deux couleurs différente. Elle avance vers le garzok et en débouche une pour verser une goutte sur l’armure déjà corrodée. Le crépitement reprend et elle reprend la bouteille avant d’ouvrir l’autre pour le verser de la même façon. Le crépitement s’arrête et elle verse alors prudemment une dose sur la plaie du garzok qui semble souffrir le martyr. Rapidement, les effets sont visibles et la corrosion cesse, laissant tout de même une affreuse plaie au Garzok qui cesse néanmoins de se débattre et inspire de manière plus régulière. Sans un mot, il se redresse et dépasse Eteslë pour se rendre près du shaakt qu’il soulève avant de lui donner un coup-de-poing qui l’envoie voler plusieurs mètres en arrière sous les cris d’encouragement de la foule. Il se tourne alors et hoche la tête vers Eteslë avant de s’asseoir sur le sol.

- Je m’incline ! L’honneur veut qu’elle remporte la victoire !

Un silence de mort suit la déclaration du Garzok. Puis la foule applaudit avec une étonnante bienveillance le garzok alors que le commentateur hurle le nom de la jeune femme. Celle-ci adresse un bref hochement de tête en retour au garzok qui s’allonge ensuite en soupirant tandis que les portes s’ouvrent pour laisser les guérisseurs investir les lieux. La cogneuse, elle, rapidement bandée par un soigneur, est récompensée d’une généreuse bourse qu’elle prend sans un mot avant d’attendre un peu. Lorsque Virek la rejoint, elle lui sourit, et lui lance la bourse, l’atteignant à la tête et le faisant chuter en répandant une partie des yus au sol. Elle s’approche alors du sekteg allongé au sol, à demi-sonné, ramasse quelques pièces et se penche près du gobelin, un sourcil haussé.

Il se redresse en grommelant, avise les yus étendus au sol et le visage d’Eteslë. Il pince les lèvres et fronce les sourcils avant d’éclater de rire. Un rictus amusé ourle les lèvres de la jeune femme qui l’aide à se redresser, mais nullement à rassembler les pièces qui sont tombées de la bourse qu’il s’empresse de ramasser en faisant un clin d’œil à la jeune femme.

- Ravi de travailler à nouveau avec toi, Eteslë ! Hmm !

- Réciproquement.

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