Le Désert de Sarnissa

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Yuimen
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Le Désert de Sarnissa

Message par Yuimen » sam. 6 janv. 2018 14:33

Désert de Sarnissa


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Nombreux sont les lieux sur Yuimen qui ont une histoire ancienne et qui furent créés autres qu'ils sont. Le désert de Sarnissa en fait partie. A l'origine, c'était une vaste plaine bordée de montagnes et de forêts tropicales mais, lors de l’Ère des Dieux, avant le réveil des Premiers, une terrible bataille entre les Immortels eut lieu en ces terres. Au bout de six jours et six nuits, Zewen mit fin à cette guerre puérile, mais le mal était fait et de cette bataille était né le terrible désert de Sarnissa.

On raconte encore que les Dieux, avant de partir de Yuimen pour laisser la place aux mortels, y pleurèrent. Les larmes de Moura y firent un oasis et des minuscules points d'eau, les larmes de Meno les volcans tout proches. Les larmes de Gaïa y créèrent le scintillement si exceptionnel, les larmes de Valyus colorèrent les nuages d'une étrange couleur mauve, celles de Rana forgèrent les dunes de sable; celles de Yuia donnèrent la fraîcheur aux profondeurs du désert, celles de Phaïtos forgèrent des lieux reculés où nulle vie ne se développe. Les larmes des deux dernières divinités furent des larmes de sang: celles de Thimoros condamnèrent les peuples du désert à la discorde éternelle, celles de Yuimen créèrent un écrin de verdure près de l'oasis et un sanctuaire du Pardon éternel. C'est toujours ainsi qu'est le désert de nos jours. Fait de sable vers le mer, de roche en son centre et de montagnes vers les volcans.

Que ça soit au plus proche de la chaîne volcanique ou au cœur du désert, vous ne croiserez ici que du sable et des rochers. Des dunes, certes, pas réellement un reg, ni réellement un erg, mais un subtil mélange des deux où, sur les pentes sableuses, vous pourrez croiser une arrête tranchante de pierre. Sable planqué sous la pierre ou pierres cachées sous le sable, impossible de le savoir avant de tomber dessus. Quant au ciel proche du volcan, vous y verrez des nuages, nombreux panaches de fumées chaudes où l'eau vient se fixer dans la poussière. Dans les couleurs des sols, vous verrez du noir, du rouge, de l'orange, à tel point que le ciel lui-même semble changer de teinte. Au cœur du désert, le phénomène climatique est unique et le ciel se colore de mille teintes, du bleu le plus profond au mauve inquiétant, en passant par toutes les teintes chaudes, comme si le désert se reflétait dans le ciel et lui donnait une consistance. Il semble parfois tellement proche et la lune tellement grande et basse que les légendes veulent que, si les Eruïons sont si petits dans le désert, c'est pour éviter de heurter le ciel. C'est ce phénomène si étrange qui donne l'impression aux Sindeldi d'étouffer et de manquer d'air malgré l'immensité du désert qui s'étend à perte de vue.

Au niveau du climat, les journées sont si torrides qu'il est possible de cuire des aliments en les posant sur le sable, les nuits si glaciales qu'il n'est pas rare que le désert se couvre de givre. Lorsque le vent se lève, ce qui arrive plusieurs fois par mois, de dantesques tempêtes de sables obscurcissent si bien les cieux que l'on pourrait jurer que la nuit est tombée. Malheur à qui ne s'en est pas protégé à temps car le sable porté par les violentes bourrasques peut littéralement vous décaper peau et chairs, en général après avoir promptement étouffé les malheureux.

Les seuls habitants de cette terre désolée sont des elfes bruns fort primitifs vivant de pillage et de chasse nommés Eruïons. Ce peuple est le premier du Naora, faisant autrefois partie de la race des Shaakts il aurait déjà existé avant la grande guerre des Dieux. Ne priant aucune divinité, ils redoutent les Sindeldi qui les ont impitoyablement chassés et repoussés en cette terre aride. Chacune des neufs tribus possède ses propres lois, dictées par ses matriarches dirigeantes en fonction des nécessités liées à la survie de leur groupe. Bien qu'ils puissent s'avérer extrêmement dangereux et belliqueux, ils accueillent facilement des étrangers dans leurs tribus, à condition bien sûr que ces derniers les respectent, eux et leurs traditions.

Côté flore, vous ne trouverez guère que cactus et plantes grasses près des rares points d'eau. Côté faune en revanche, de nombreuses espèces vivent dans ce désert: redoutables dévoreurs des sables, scorpions, serpents et bien d'autres encore, la plupart sont hostiles et toujours en quête d'une proie à se mettre sous la dent. Il peut également arriver de tomber sur une bande de fugitifs de Raynna, ou encore sur une patrouille des troupes d'élite Sindeldi de Raynna. Dans les deux cas il est possible que la rencontre soit amicale, tout comme elle peut dégénérer en bataille féroce, il n'y a aucune règle en la matière.

Bien des mystères résident encore dans les profondeurs de ce royaume des sables, ruines antiques, cavernes inexplorées, qui sait sur quoi vous pourrez tomber si vous avez l'audace d'explorer ces lieux effroyablement hostiles?

Lieux particuliers au sein du Désert de Sarnissa :

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Tanaëth Ithil
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Re: Le Désert de Sarnissa

Message par Tanaëth Ithil » dim. 25 août 2019 12:47

Un peu plus tard, c'est en bien étrange équipage qu'Yliria me rejoint : visiblement morte de honte, c'est portée comme une enfant par un robuste matelot Sindel qu'elle arrive jusqu'à moi. Lorsqu'elle me demande s'il s'agit là d'une coutume de mon peuple, je ne peux m'empêcher d'éclater de rire avant de lui répondre :

"Pas vraiment, non. Ils ont été impressionnés par ta bravoure et ils sont heureux que tu aies survécu."

Elle s'excuse ensuite de l'accueil qu'elle m'a réservé un peu plus tôt et affirme que je ne lui dois rien, ce qui me fait hausser les épaules :

"Aucune importance, nous avons tous besoin de solitude de temps à autre. Pour le reste... ne vois pas ça comme une dette que je me sentirais tenu de rembourser. C'est simplement que ceux que je considère comme mes proches peuvent compter sur moi en toute circonstance."


La jeune femme me demande ensuite d'un ton piteux s'il y a moyen de se laver sans s'exposer à la vue de tout l'équipage, question qui, au grand dam de la semi-Shaakte, fait aussitôt revenir le marin qui l'a portée, un grand sourire aux lèvres. Réprimant à grand peine un nouvel éclat de rire, je lui rétorque avec mon plus innocent sourire :

"Oh, Mëryan se fera sans aucun doute un grand plaisir de te couler un bain dans ta cabine..."

Yliria me regarde comme si je venais de la trahir, une lueur affolée dans les yeux, puis tente en vain d'échapper au marin qui ne se laisse pas démonter, même lorsqu'elle le menace de s'enflammer. C'est donc sous les rires de l'équipage que, rouge comme une tomate, la jeune femme se fait emmener vers un bain salutaire pour nos narines. Après cet épisode des plus cocasses, le temps s'écoule sans autres péripéties notables et, le lendemain soir, nous parvenons enfin en vue de la grande baie où nous avons rendez-vous avec les Eruïons de la tribu de Moura.

Aucun n'est cependant visible quand nous accostons sur une grande plage de sable fin. Un lieu qui serait idyllique si l'écrasante chaleur du désert de Sarnissa ne nous tombait dessus telle une masse de plomb fondu dès que nous posons pied à terre. La brise marine nous en avait protégé jusque là, mais on pourrait jurer qu'un véritable mur se dresse en bordure de l'Aeronland pour l'empêcher de rafraîchir les terres tant la différence de température est brutale.

(Misère, ça va être la fête de se balader en armure dans le coin), songé-je en commençant à transpirer massivement dans mon pesant harnachement de mithril.

Fort heureusement la nuit est en train de tomber et, ayant bénéficié des conseils de mon épouse, j'ai prévu des sortes de grands burnous couleur de sable qui nous préserveront un peu de l'ardeur du soleil. Cela dit, au vu de la cuite qu'il fait à l'heure actuelle, je n'ose même pas imaginer ce que ce sera en milieu de journée... Quoi qu'il en soit, les marins entreprennent de décharger rapidement la cargaison destinée aux Eruïons. Certaines denrées sont bonnes à jeter suite au combat contre le crustacé géant, l'eau qui s'est infiltrée dans les cales les ayant corrompues, mais l'essentiel du chargement est intact et ne tarde pas à former un sacré empilement sur la plage, à distance suffisante de la mer pour que la marée ne risque pas de l'atteindre. Les marins prennent alors congé après s'être assurés que nous ne manquions de rien et notre seule chance de sortir de cet enfer facilement s'enfuit avec eux, sous la forme d'une galère qui disparaît bien vite à l'horizon. Nous voilà seuls face au Dragomélyn, perdus à des centaines de kilomètres du premier lieu civilisé et sans aucun espoir de trouver de l'aide si nous avons un problème. Cela devrait sans doute m'inquiéter mais, en réalité, je suis surtout heureux d'être reparti à l'aventure après les interminables mois passés à Nessima. Après avoir longuement observé les dunes en quête du moindre mouvement, sans succès, je me tourne vers Yliria :

"Les Eruïons arriveront sans doute durant la nuit, si tu veux dormir un peu n'hésite pas, je monterai la garde. Oh, une chose avant qu'ils n'arrivent : souviens-toi que chez eux, les hommes ne donnent jamais d'ordres, ils s'attendront donc à ce que ce soit toi qui décides, nous concernant. Et du fait de leurs coutumes, même si j'ai noué une relation avec l'une des matriarches de la tribu qui va venir, je vais devoir me montrer très prudent avec elle, surtout en public. La contredire ouvertement, par exemple, me vaudrait sans aucun doute de sérieux ennuis, cela affaiblirait son autorité sur les siens que de laisser passer telle chose sans réagir."

Je monte ensuite rapidement la petite tente empruntée à la garde militaire afin que la jeune femme puisse s'y reposer si elle le souhaite puis, arc à portée de main, m'installe confortablement dos à l'océan, de manière à apercevoir quiconque s'approcherait de nous par le désert. Plusieurs heures s'écoulent ainsi tandis qu'un froid de plus en plus mordant remplace l'insoutenable chaleur du jour, jusqu'à ce qu'un mouvement ne m'alerte soudain. J'ai tout juste le temps de réveiller Yliria avant qu'une bonne vingtaine de silhouettes armées d'arcs courts ne surgisse comme par enchantement des dunes, formant un demi-cercle autour de nous et nous tenant en joue. L'une d'elle s'avance, que je reconnais sans mal lorsque la lueur de l'astre nocturne caresse son visage aux traits durs et sévères: Serayä.

L'Eruïonne aux longs cheveux couleur de vieil argent tressés et au regard d'or est, comme la dernière fois que je l'ai rencontrée, revêtue d'une très belle armure complète de couleur rougeâtre. De part et d'autre, quoique en retrait de quelques pas, ses deux gardes féminines pareillement équipées la protègent, vigilantes. Un discret sourire ourle les lèvres de la matriarche alors qu'elle s'arrête à deux pas de moi :

"Tanaëth Ithil. Tu tiens tes promesses, à ce que je vois. Sois le bienvenu. Qui est cette jeune femme qui t'accompagne?"


"Heureux de vous revoir, Serayä. Je vous présente Yliria, une amie chère à mon coeur qui souhaitait découvrir votre peuple et votre pays."

L'Elfe Brune observe la jeune femme avec attention durant quelques instants, visiblement intriguée, puis lui adresse également un léger sourire :

"Sois la bienvenue également, Yliria. Les amis de Tanaëth sont nos amis."

Elle se détourne ensuite pour donner quelques ordres dans sa langue, que je traduis discrètement pour Yliria, afin que ses compagnons montent le camp et préparent un repas, tâches auxquelles ils s’attellent aussitôt avec une remarquable efficacité. J'en profite pour saluer également les deux gardes du corps de l'Eruïonne :

"Bonsoir dames. Erythëa, heureux de te revoir également. Tes sabres sont-ils toujours aussi bien affûtés?"

La guerrière aux cheveux blancs et au perçant regard d'azur me décoche un sourire carnassier et riposte :

"Veux-tu que je m'en assure sur toi, insolent Sindel?"

"Puisse Sithi m'en préserver", lui répliqué-je avec un léger rire, sachant fort bien qu'elle plaisante mais qu'elle n'hésiterait pas une seconde à mettre sa menace à exécution si je la taquinais un soupçon de trop sur la question. Mon attention se reporte vivement sur Serayä lorsque, ayant fini de transmettre ses consignes, elle reprend :

"Nous resterons ici deux jours, le temps de préparer le transport de toute ces marchandises et de nous assurer que le chemin de retour à notre campement est sûr. Nous avons été attaqués et pillés, lors de la dernière livraison, le savais-tu?"

"Non, je l'ignorais mais... par qui", lui demandé-je, profondément surpris de cette nouvelle?

"Je ne sais pas, sans doute des pillards d'une autre tribu, ou des fugitifs de votre maudit bagne. Leurs visages étaient dissimulés, ils étaient vêtus de tenues propices au camouflage et ont agi très discrètement; nous n'avons réalisé ce qui s'était passé qu'au matin, en découvrant six morts et un blessé grave qui n'a rien pu nous apprendre de plus que ce que je viens de te dire."


Perplexe, je jette un coup d'oeil en coin à Yliria, me demandant si elle s'interroge comme moi quant à un éventuel lien entre cette attaque et les troubles ayant conduit Tyrdann, lointain commandeur de notre citadelle en Imfitil, à nous l'envoyer pour enquêter sur le sujet. Je peine à croire que des fugitifs de Raynna, logiquement dépourvus de tout, aient pu trouver les tenues mentionnées et assez d'armes pour s'en prendre à un solide groupe d'Eruïons, mais qui sait? Quant à l'hypothèse qu'il s'agisse de membres d'une autre tribu, je n'en sais de loin pas assez pour déterminer si c'est plausible, mais je n'imaginais pas qu'ils puissent se déchirer entre eux compte tenu de leur situation. Une vision qui pourrait s'avérer rudement naïve, en y songeant, la misère peut pousser à bien des extrémités d'après ce que j'en ai vu. Ce n'est qu'une fois que Serayä s'est retirée que je questionne pensivement ma compagne d'aventures:

"Qu'en penses-tu? Crois-tu qu'il y a un rapport entre cette attaque et ces troubles qui t'ont amenée au Naora?"
Modifié en dernier par Tanaëth Ithil le ven. 30 août 2019 22:09, modifié 1 fois.

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Yliria
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Re: Le Désert de Sarnissa

Message par Yliria » dim. 25 août 2019 18:54

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Désert cuisant

La situation sembla beaucoup amuser Tanaëth qui éclata de rire lorsque je lui demandai si c’était une coutume Sindel que de me porter jusqu’à lui, mais visiblement non, juste une facétie du marin. Entendre qu’ils étaient heureux que j’ai survécu me laissa un sentiment étrange, mais je me contentai de hocher la tête, les surveillant du coin de l’œil. Visiblement il ne me tint pas rigueur de mon comportement et assura que c’était simplement parce qu’il me considérait comme quelqu’un de proche et que, le cas échéant, j’aurai son soutien. Je le remerciai d’un sourire avant de lui demander pour un bain. J’avais espéré lui demander suffisamment bas pour qu’il soit le seul à entendre, mais l’ouïe Sindel semblait affutée car le marin revint aussitôt, un large sourire aux lèvres. J’allais demander un soutien à Tanaëth quand celui-ci me poignarda dans le dos avec un sourire des plus innocents.

- Oh, Mëryan se fera sans aucun doute un grand plaisir de te couler un bain dans ta cabine...

Je le regardai abasourdie et légèrement affolée aussi, me tournant vers le marin qui approchait, cherchant à reculer pour qu’il me laisse tranquille. Je pouvais me débrouiller seule ! Le menaçant clairement de m’embraser s’il s’approchait, je titubai en cherchant à lui échapper, en vain. Je finis une fois de plus dans les bras du marin qui, tout sourire, m’emmena à l’étage inférieur sous les rires et les sifflets amusés des marins. Jamais je n’avais eu aussi honte de toute ma vie.

- Tu n’as pas à te sentir gênée.

Je relevai les yeux vers le marin qui affichait un air plus sérieux et ... reconnaissant ?

- C’est mon frère que tu as soigné, il te doit la vie. Les autres te respectent pour avoir aidé les nôtres et avoir permis de vaincre ce monstre. Nous voulons simplement prendre soin de toi le temps qu’il reste à naviguer. Tu as été blessée en nous aidant, alors laisse nous t’aider en retour.

- Je vois… j’avais plus l’impression que vous vous payiez ma tête.

Cela le fit éclater de rire et il m’assura que ce n’était pas l’objectif, bien que ma réaction ait beaucoup joué dans la façon dont il avait décidé de m’aider. Lorsqu’il me laissa seule avec un baquet d’eau dans ma cabine, je le remerciai et, une fois la porte close, en profitai pour me laver malgré la fraicheur de l’eau, me décrassant au mieux avant de me sécher, observant ma peau nue couverte de contusions en tout genre, d’un violet sombre à peine visible mais bien présent. Le pire restait tout de même les blessures encore visibles, notamment l’épaule et la cuisse. J’avais sacrément dégusté cette fois…

Le reste du voyage se passa dans un calme presque étrange après le combat. Les marins étaient globalement parvenus à remettre le navire en état et refusèrent catégoriquement toute aide de ma part, me laissant avec pour seule occupation la contemplation de l’océan. Les entraînements ne seraient pas pour tout de suite, je préférais d’abord que ma jambe guérisse peu à peu à force de repos et de magie et je passai donc la journée de trajet restante près du bord du navire à discuter avec Alyah ou Livwaë de tout et de rien, à regarder les matelots travailler et à m’amuser un peu avec mes fluides, en essayant de petites choses parfaitement inutiles en combat, mais bien agréable, comme réchauffer le bol de soupe qu’on me donna le midi.

Le lendemain, la baie qui devait voir la fin de notre voyage maritime fut en vue et le bateau accosta sur une large plage de sable fin. Je sentis aussitôt la chaleur caractéristique du désert nous happer et je retins un sourire en voyant la réaction de Tanaëth et des autres marins qui subirent la chaleur de plein fouet. Surtout Tanaëth avec sa lourde armure de métal… il l’enlevait des fois ? L’épaule guérie mais la jambe toujours douloureuse, je descendis du bateau et inspirai l’air brûlant avec une petite pointe de nostalgie. Cela me donna envie de retourner voir Lichia et je me promis de le faire dès que l’occasion se présenterait. Me rappelant ses conseils, je m’enroulais ma pièce de tissus mauve autour de la tête dans un genre de chèche afin de la protéger du soleil et d’en atténuer quelque peu les effets brûlant. Les marins déchargèrent le matériel et les vivres destinés aux Eruïons, retirant ce qui fut endommagé par le combat ou par l’eau de mer, avant de repartir après un bref salut, nous laissant seuls sur la plage où rien ne bougeait. Tanaëth passa un moment à scruter les dunes tandis que j’inspectai nos provisions, surtout l’eau, soulagée de voir que nous avions de quoi tenir un moment. Je l’entendis s’approcher et me retournai tandis qu’il m’expliquait certaines choses.

- Les Eruïons arriveront sans doute durant la nuit, si tu veux dormir un peu n'hésite pas, je monterai la garde. Oh, une chose avant qu'ils n'arrivent : souviens-toi que chez eux, les hommes ne donnent jamais d'ordres, ils s'attendront donc à ce que ce soit toi qui décides, nous concernant. Et du fait de leurs coutumes, même si j'ai noué une relation avec l'une des matriarches de la tribu qui va venir, je vais devoir me montrer très prudent avec elle, surtout en public. La contredire ouvertement, par exemple, me vaudrait sans aucun doute de sérieux ennuis, cela affaiblirait son autorité sur les siens que de laisser passer telle chose sans réagir.

- D’accord, merci Tanaëth. Je devrais m’en sortir, j’ai vécu à Gwadh, ça ressemble au même système… plus ou moins.

Système qui là-bas me répugnait, j’espérai que celui-ci serait moins… esclavagiste. Tanaëth monta rapidement une petite tente où il me proposa de me reposer alors que la nuit tombait et je ne me fis pas prier. S’ils arrivaient au beau milieu de la nuit, quelques heures de sommeil ne seraient pas de refus. Je le vis s’installer dehors avec son arc et me promis de ne pas trop dormir afin qu’il évite de geler pendant la nuit. Je connaissais suffisamment le désert pour savoir que les températures nocturnes étaient glaciales. Je m’endormis néanmoins comme une souche et émergeai difficilement lorsqu’il me secoua en urgence. Frigorifiée, je sortis de la tente et me figeai en voyant une douzaine de flèches pointées sur nous. Voilà qui commençait bien…

Tout semble pourtant bien se passer et une des Eruïonnes, probablement celle dont Tanaëth m’avait parlé, s’entretint avec lui et demande qui je suis. Tanaëth me présente avant même que je n’ouvre la bouche et l’Eruïonne, prénommée Serayä, me souhaite la bienvenue après m’avoir observée quelques instants.

- Sois la bienvenue également, Yliria. Les amis de Tanaëth sont nos amis.

- Merci pour votre accueil…

Musclé l’accueil, mais je commençais presque à y être habituée… Elle donna des ordres brefs que Tanaëth me traduisit discrètement et le camp fut rapidement monté tandis qu’un repas était préparé. Tanaëth s’entretint ensuite avec une des deux autres Eruïonnes qui accompagnaient la matriarche, ses gardes du corps probablement, et j’en profitai pour détailler leurs faciès. Pas étonnant qu’on me confonde avec ce peuple, il y avait effectivement de grande similarité, bien que ma peau semblait tout de même plus sombre que la leur. Ayant fini de transmettre ses ordres, la matriarche reprit, parlant s’attaques sur les caravanes transportant les vivres et matériels offert pour son peuple, me faisant froncer les sourcils. Tanaëth sembla tout aussi surpris que moi et je le vis me jeter un coup d’œil en coin. Il attendit que Serayä prenne congé pour me poser une question qui ne me surprit guère, ayant la même chose en tête.

- Qu'en penses-tu? Crois-tu qu'il y a un rapport entre cette attaque et ces troubles qui t'ont amenée au Naora?

- J’en doute… enfin c’est peut-être lié, mais je ne pense pas que cela serait aurait inquiété le commandeur au point de m’envoyer ici. Je pense que c’est quelque chose de plus insidieux que cela, ou de plus inquiétant. Enfin je n’aime pas ça de toute façon, j’espère qu’on ne va pas se faire attaquer…

Tout cela ne me plaisait guère. Je regardai les Eruïons préparer leur repas pendant quelques secondes et, grelottant de froid, je jurai tout bas avant de diffuser mes fluides en dehors de mon corps, tout autour de moi, faisant légèrement rougeoyer ma peau avant que la température ne remonte d’une petite dizaine de degré, rendant le froid plus supportable, soufflant un air chaud par la bouche pour évacuer les derniers fluides de feu. Frissonnant devant le changement de température, j’offris un léger sourire à Tanaëth.

- Je préfère la chaleur honnêtement, je supporte mal le froid. Mon côté pyromancienne j’imagine. Mais pour en revenir au problème dont avait parlé le commandeur, je pense qu’il nous faudra un peu de temps pour le cerner. J’aimerais déjà qu’ils me fassent confiance…

Je soupirai en me grattant la tête.

- J’ai toujours du mal à voir pourquoi il m’a envoyé moi, je ne suis pas spécialement diplomate.

(Euphémisme quand tu nous tiens…)

Retenant un grognement face à la réplique d’Alyah, j’acceptai la proposition des Eruïons de partager le repas avec eux, même si je n’avais pas spécialement faim. Je remarquai vite que les mâles ne parlaient guère, et ne coupaient jamais la parole. J’avais l’impression de replonger à Gwadh, avec cette séparation permanente. Je n’étais pas certaine d’apprécier cela sur le long terme. Le repas se passa néanmoins calmement et je pus profiter de quelques heures de sommeil supplémentaires avant que la chaleur ne redevienne écrasante le lendemain. En me levant, je jetai un œil à ma jambe blessée qui semblait relativement bien encaisser les soins magiques quotidiens. Je lançai de nouveau un sort de soin, résorbant finalement la blessure avant de la bander par sécurité, faisant quelques pas hésitants sur le sable en sentant avec soulagement que la douleur s’était nettement atténuée. Je fis quelques pas basés sur la danse du feu apprise auprès de Lichia et souris en constatant que je m’en sortais bien, même après tout ce temps.

Avisant Tanaëth, je m’approchai de lui d’un pas rapide, presque dansant, haussant un sourcil dubitatif lorsque je vis qu’il portait encore son armure.

- Bonjour… Je pense que vous devriez l’enlever, vous allez rôtir, encore plus lorsque le soleil sera haut ou que l’on se mettra en route.

Je le voyais transpirer à grosses gouttes et le plaignais vraiment. Même si j’adorais la caresse des rayons du soleil, ceux-ci étaient bien trop brûlant dans le désert, je n’osai même pas imaginer pour lui. Du coup mon idée me sembla quelque peu compromise.

- Euhm… j’aurais voulu qu’on reprenne l’entraînement si vous voulez bien, mais vu la chaleur je pense qu’on va attendre la nuit si vous êtes toujours d’accord.

J’espérai qu’il le serait, j’avais vraiment envie de maitriser cette danse martiale.

- Je vais essayer de parler avec certains des Eruïons, histoire d’en savoir plus sur eux. Je pense pas pouvoir me faire passer pour l’une d’eux, je ne comprends rien à leur langue, mais je pense que on métissage pourrait être utile, pour une fois. On se voit plus tard. Et n’oubliez pas de boire !

Je le laissai vaquer à ses occupations et partis en trottinant vers les Eruïons. Si les hommes semblaient un peu surpris que je leur adresse la parole aussi familièrement, discuter avec eux ne fut pas un problème et j’avouai sans gêne mon métissage en expliquant que je cherchai à trouver une place quelque part, raison de ma venue. Ce n’était pas totalement vrai ni totalement faux, je voulais vraiment en apprendre plus sur eux, tant pour moi que pour la mission. J’évitai la matriarche et ses gardes volontairement. Elles me rappelaient trop les Shaaktes de Gwadh par certains aspects, notamment leur domination sur les hommes que je trouvais simplement ridicule. Probablement que j’aurai fini comme elles si Mère m’avait mis le grappin dessus. Je préférai ne pas y penser.

Le soir venu, je revins auprès de Tanaëth. Nous devions partir le lendemain, aussi je ne comptais pas veiller trop tard, marcher dans le désert était épuisant, j’étais bien placée pour le savoir, il fallait que je m’économise, sans pour autant négliger l’entraînement.

- Si vous êtes toujours d’accord, je suis prête !


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Modifié en dernier par Yliria le mar. 27 août 2019 22:48, modifié 1 fois.

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Tanaëth Ithil
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Re: Le Désert de Sarnissa

Message par Tanaëth Ithil » lun. 26 août 2019 19:34

Pas plus que moi la jeune femme ne semble croire que l'attaque mentionnée par Serayä a un lien direct avec les troubles parvenus à l'oreille de Tyrdann, mais nous ne pouvons évidemment pas exclure que cela en soit une manifestation. Pensifs, nous observons un moment les Eruïons en train de s'activer tandis que la température accablante du jour descend en flèche. Bientôt, nos souffles forment de petits nuages de vapeur lorsque nous expirons, ce qui pousse Yliria à essayer de se réchauffer bien étrangement au moyen de sa magie de feu et à m'avouer qu'elle supporte plutôt mal le froid. Elle ajoute qu'il nous faudra certainement un peu de temps pour cerner la nature du problème qui nous a conduit ici et qu'elle aimerait tout d'abord gagner la confiance de nos hôtes, bien qu'elle ne comprenne pas vraiment pourquoi le commandeur de l'Opale l'a envoyée elle alors qu'elle n'est guère douée en diplomatie. Un sourire de dérision aux lèvres, je lui rétorque :

"Il a dû se dire que ce serait toujours moins pire que si c'est moi qui m'en chargeais."

Haussant les épaules et reprenant un air sérieux, j'ajoute :

"Cela dit, je doute que les Eruïons fassent grand cas des discours, ici c'est la capacité à survivre et à se rendre utile pour le bien du groupe qui engendre le respect, d'après le peu que j'en sais."

Le repas se déroule paisiblement puis, tandis qu'Yliria va se recoucher, les Elfes Bruns profitent quant à eux de la fraîcheur nocturne et s'activent à préparer la marchandise amenée pour qu'elle puisse aisément être transportée. Mais, alors que je m'apprête à leur donner un coup de main, le moment que je craignais se présente lorsque Erythëa m'annonce que Serayä requiert ma présence dans sa tente. Impossible de me dérober, bien sûr, mais peut-être veut-elle juste que nous parlions?

(Ben voyons...) ironise Sindalywë d'un ton lourd de sarcasme qui me fait discrètement grimacer.

(Aide-moi au lieu de te payer ma tête! Je suis marié, bon sang! C'est fini les frasques...)

(Eh bien je te laisse volontiers le soin d'expliquer ça à ta matriarche, le concept de mariage lui parlera sans doute beaucoup.)

(Non mais attends, je rêve ou tu es en train de me dire que je dois tromper Sylënn sous prétexte de respecter les coutumes Eruïonnes?!)

(Je n'ai rien dit de tel, monsieur le coureur de jupons. Ce n'est pas moi qui t'ai incité à folâtrer avec toutes les demoiselles qui ont croisé ta route, hein, alors débrouille-toi maintenant!)

Je dois bien avouer qu'elle a presque toujours tenté de me dissuader de "folâtrer", comme elle le dit, et que je n'ai jamais écouté ses conseils en la matière, mais tout de même! Maugréant intérieurement, je n'en suis pas moins contraint de suivre Erythëa jusqu'à la tente de Serayä dans laquelle j'entre en cherchant désespérément un moyen de me tirer de ce mauvais pas. Comme elle en avait coutume dans l'intimité de nos rencontres précédentes, l'Eruïonne n'est vêtue que d'un pagne et d'une bande de tissu autour de la poitrine malgré le froid mordant qui règne à l'extérieur, à peine atténué dans sa demeure de toile par un petit brasero. A mon arrivée elle se tourne vers moi et me prend totalement au dépourvu en me demandant abruptement :

"Pourquoi es-tu revenu, Elfe de Lune?"

A toute autre je répondrais facétieusement que le seul plaisir de la revoir constitue un motif bien suffisant, mais je connais assez l'Eruïonne pour savoir que ce genre de réponse ne ferait que l'agacer, aussi préféré-je aller droit au but :

"J'ai entendu dire que vos tribus étaient en proie à une agitation inhabituelle. Après ce qui s'est passé la dernière fois que nous nous sommes vus, cela m'a inquiété et j'ai préféré venir voir par moi-même de quoi il retournait."

"Assieds-toi", m'ordonne-t-elle en me désignant les coussins posés sur la natte qui lui sert de sol. Une fois que j'ai obtempéré, elle me dévisage un instant en silence avant de poursuivre : "il y a toujours eu des périodes plus troublées que d'autres, il suffit d'une nouvelle matriarche un peu belliqueuse, ou d'une disette, pour que les esprits s'échauffent."

"Je n'aurais donc aucune raison de m'inquiéter, d'après vous?"

L'Elfe me tend une tasse de thé brûlant puis s'assied à son tour en face de moi en me jaugeant longuement avant de répondre :

"J'apprécie l'aide que tu nous fournis et tu m'as prouvé que tu étais digne de confiance, Elfe de Lune. Mais tu n'es pas l'un des nôtres et, même si tu as une idée de notre situation, ce n'est pour toi qu'un concept abstrait. Nous en avons déjà parlé, quelques cargaisons ne suffisent pas à changer les choses à l'échelle de mon peuple. Et puis, beaucoup sont jaloux à cause de ce que tu nous offres, même si nous nous efforçons de partager, aussi sommes-nous de plus en plus tenus à l'écart par les autres tribus."

"Je vois... donc quelque chose pourrait se tramer sans que vous soyez au courant?"


"C'est possible, oui. Les tribus ne dépendent que des matriarches qui les dirigent, les raids ne vont pas cesser parce que tes navires nous apportent un peu de matériel, tu dois t'en douter."


Songeur, j’acquiesce d'un simple hochement de tête : que les cargaisons épisodiques des six Danse-lames ne suffisent pas à améliorer le quotidien de milliers d'Eruïons je le savais avant même d'acheter ces navires, mais je n'avais en revanche pas songé à la jalousie que cela pourrait engendrer au sein des tribus. Il faut dire que je ne sais quasiment rien sur les relations qu'elles entretiennent entre elles, ni sur la manière dont elles se répartissent territoires et ressources. Quant à leur fournir davantage de nourriture, j'ai beau être plus qu'aisé, ma fortune ne suffira jamais à leur assurer à tous des moyens de subsistance décents. D'autant plus qu'ils ne sont pas les seuls à manquer de tout, les souvenirs des quartiers pauvres de Nessima et de Tahelta sont encore vifs en ma mémoire, sans même parler des bannis de Raynna. Oh, il serait facile de se dire que ces derniers ont mérité leur sort, la plupart de mes semblables le pensent, mais j'ai payé pour savoir qu'il y a plus d'innocents que de véritables coupables au sein du bagne. Que se passera-t-il si l'un ou l'autre de ces groupes de démunis décide que c'en est assez? Sera-ce l'étincelle qui mettra le feu au tas de foin et engendrera une nouvelle guerre au Naora? Je n'en sais trop rien, à dire vrai, mais cela ne me semble pas totalement impossible au vu des tensions croissantes qui se manifestent un peu partout. Que ferais-je alors? Choisir un camp, en sachant que dans tous les cas cela m'obligerait presque inéluctablement à dresser mes lames contre certains des miens? Me tenir à l'écart, et laisser des Enfants de Sithi se faire massacrer sans intervenir?

"Tu sembles bien pensif, Elfe de Lune. Oublie tout cela pour le moment et enlève-moi toute cette ferraille" ordonne soudain Serayä en se rapprochant de moi avec la claire intention de m'aider à me défaire de ma pesante armure.

"Ce ne serait pas raisonnable, Serayä, je suis marié maintenant et..."

"Marié? Qu'est-ce que c'est? Une de vos stupides lois? Elles n'ont pas cours, ici, Sindel, souviens-t-en."

"Je sais, mais..."

"Si tu sais, tais-toi et obéis", assène-t-elle d'un ton autoritaire tout en faisant sauter les attaches de mes protections.

(Eh merde, je savais bien que ça allait coincer...)

(Pfffuuu! Tu n'espères quand même pas me faire croire, à moi, que ça te dérange?)


(Tssk! Tu sais très bien que si, quelque part!)

(Quelque part, peut-être, mais où, là est toute la question) ricane mon insupportable Faëra.

(Bon, de toute manière ce n'est pas vraiment comme si j'avais le choix, un refus serait considéré comme une offense, ici, et...)

(Ah ben c'est pratique, ça, tu ne me l'avais encore jamais faite celle-ci!)

(Hoooo, ça va toi! Si tu as une idée pour me sortir de ce guêpier je t'écoute, sinon abstiens-toi de te payer ma tête!)

(Je te déconcentre?)

(Rhâaa, mais c'est pas vrai par Sithi! Qui est-ce qui m'a collé une teigne pareille?!)


Ces échanges qui pourraient sembler houleux à quiconque les entendrait demeurent en réalité teintés d'une profonde affection réciproque, rien ne saurait affaiblir le lien inaltérable qui nous unit depuis que nous avons rencontré Sithi. Reste que je ne me sens pas exactement bien dans mes bottes durant les heures qui suivent, j'ai l'impression de trahir la confiance de Sylënn et ce n'est pas précisément une pensée agréable. Je doute fort qu'elle accepte l'excuse que je ne pouvais refuser sous peine d'offenser gravement l'Eruïonne, mais bon, je vis au présent depuis trop de décennies pour me soucier longuement d'hypothétiques problèmes qui ne se poseront sans doute jamais. Et puis, il a toujours été convenu entre nous que chacun vivrait sa vie du moment que cela ne causait pas de tort à la réputation de l'autre, même si la dernière nuit que nous avons passée ensemble à Nessima a quelque peu remis en question notre relation. Quoi qu'il en soit, le jour est levé depuis un bon moment lorsque nous émergeons de la tente et, bien que la distance de rigueur reprenne aussitôt place, je ne me fais pas la moindre illusion sur le secret de notre relation : tout le camp est au courant, même si nul ne s'avise de le montrer. Un peu plus tard, Yliria me rejoint et hausse un sourcil dubitatif en lorgnant mon armure, que j'ai bien entendu remise en me levant malgré la chaleur de plus en plus écrasante :

"Bonjour… Je pense que vous devriez l’enlever, vous allez rôtir, encore plus lorsque le soleil sera haut ou que l’on se mettra en route."

Avant que je n'aie pu lui répondre, elle ajoute qu'elle aimerait bien reprendre l'entraînement mais que, vu la cuite, il vaudrait sans doute mieux attendre le coucher du soleil. Alors que l'amusement se dessine de plus en plus ouvertement sur mes traits, elle poursuit en déclarant qu'elle va tenter de palabrer un peu avec les Eruïons mais qu'elle a peu d'espoir de se faire passer pour l'une d'eux, ne parlant pas leur langue. Visiblement très en forme, elle me recommande ensuite de ne pas oublier de boire, à quoi je rétorque avec un sourire en coin :

"A vos ordres, ma dame. Mais... je suis né dans ce pays, tu sais?"

C'est la première fois que je me rends dans le désert des batailles, à dire vrai mais, durant toute mon enfance j'ai côtoyé des soldats habitués à son climat et ai écouté leurs récits de toute mon enfantine attention. Cela étant, je suis bien conscient qu'il y a un sérieux fossé entre la théorie et la pratique, mais si je devais demander conseil à ce propos je me tournerais plus facilement vers les Eruïons que vers une adolescente semi-Shaakte n'ayant jamais mis un pied dans la région avant ce jour. Enfin, ça partait d'une bonne intention évidemment, mais je peine quand même à dissimuler mon amusement. La nuit venue, la jeune femme revient vers moi en se déclarant prête pour un nouvel entraînement si je suis toujours d'accord, à quoi je réponds d'un ton ennuyé :

"Pffff, il fait trop chaud pour ça mais... voyons un peu ce que tu as retenu?"

Sans prévenir, je dégaine vivement mes lames et la gratifie dans la seconde suivante d'une Danse de l'éclipse emplie d'une feinte férocité. Je n'utilise que les pas que je lui ai déjà enseignés, mais à un niveau suffisant pour l'obliger à se surpasser afin de les contrer. Je l'invite ensuite à m'attaquer avec ces mêmes pas jusqu'à ce que j'aie le sentiment qu'elle en a vraiment saisi le principe, puis je lui montre les trois suivants tout en lui désignant les astres dont le cycle a inspiré chacun d'eux. Après un bon moment, profitant d'une pause, je lui relate aussi la discussion que j'ai eue avec Serayä à propos de notre mission. Non que cela nous avance beaucoup, mais tout de même, ce sont des détails qui peuvent avoir leur importance et deux esprits pour y réfléchir valent toujours mieux qu'un seul.

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Yliria
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Re: Le Désert de Sarnissa

Message par Yliria » mar. 27 août 2019 22:47

<< Auparavant


Le regard ennuyé de Tanaëth fit immédiatement disparaître mon sourire et je me pinçai les lèvres d’un air gêné, un peu déçue qu’il réagisse ainsi. Mais le fourbe tira ses lames et m’attaqua soudainement, m’obligeant à sortir mes armes en tout hâte et à parer ses attaques. Je perçus rapidement qu’il effectuait une Danse de l’Eclipse, mais à une vitesse supérieure à celle avec laquelle il avait l’habitude de m’entraîner. Essayant de calquer mes pas sur les siens, je tentai d’anticiper les attaques, me fiant davantage aux mouvements des jambes de Tanaëth qu’à ceux de ses bras, avec un succès plus ou moins concluant selon les pas. Je pris quelques coups mais la majorité je parvins à les parer ou les esquiver de manière à dessiner un sourire satisfait sur le visage du Sindel qui m’enjoignit à passer à l’offensive après un pas en arrière. Moi qui voulais un entraînement, j’étais servie…

(Tu l’as cherché…)

(Oui bon… Et comment il fait pour bouger comme ça avec tout ce métal sur le dos ? Ça me dépasse, jamais je pourrais faire ça !)

(Peut-être parce qu’il fait deux mètres, qu’il est musclé et entraîné alors que t’es une crevette anorexique qui mouline dans le vide ?)

(Que… Quoi ? Alyah !)

(Bah quoi ? T’es pas grande, pas grosse ou musclée et t’es pas très expérimentée. Tu préfères ça ?)

Grommelant contre ma faera qui ricana en réponse, je répétai les pas de la Danse contre Tanaëth, m’appliquant d’abord à bien les effectuer avant d’accélérer petit à petit, mais sans jamais avoir l’impression de le mettre en danger, ne serait-ce qu’une seconde. Lorsqu’il se déclara satisfait avec un sourire, il me montra les trois mouvements suivants et expliqua leur rapport avec la course des astres. Reprenant comme au tout début, il me les fit répéter jusqu'à ce que je sois capable de les intégrer dans l’enchaînement global, après plusieurs heures qui me laissèrent épuisées. Lorsqu’il s’assit sur le sable, je ne me fis pas prier et fis de même, haussant les sourcils lorsqu’il raconte la discussion avec la matriarche, me laissant pensive. Que les autres tribus soient jalouses ne m’étonnait guère en soit, mais que la matriarche en parle aussi ouvertement à Tanaëth me laissait perplexe. Enfin cela ne me regardait pas vraiment, mais l’interrogation de Tanaëth me travailla une bonne partie de la nuit sans que je n’arrive à mettre le doigt sur ce qui me dérangeait. J’avais un étrange pressentiment, mais impossible de savoir pourquoi. Avant de m’éclipser pour dormir après cet entraînement, je glissai quelques mots à Tanaëth.

- Je vais y réfléchir… mais je pense qu’il y a quelque chose qui nous échappe dans tout ça. Bonne nuit… enfin si vous dormez.

Je m’effondrai presque comme une masse une fois arrivée dans ma tente. La chaleur et l’entraînement m’avaient complètement épuisée, aussi je dormis d’un sommeil profond jusqu’à ce que la chaleur ne me réveille. A moins que ce ne fut les aller-retours des Eruïons qui s’affairaient pour partir. J’aidai Tanaëth à empaqueter la tente rapidement avant de suivre le mouvement, la matriarche annonçant qu’il était temps de partir. M’abritant sous le burnous bien trop grand que me donna Tanaëth, je suivis le mouvement et entamai ainsi la première journée de marche au cœur de désert. En nous éloignant peu à peu de la plage, je sentis tout de suite la différence et remerciai intérieurement Tanaëth pour avoir pensé à me donner de quoi survivre sous le soleil. L’avancée était plus rapide que je ne l’aurai cru, les Eruïons se déplaçant avec une aisance trahissant leur habitude de marcher ainsi dans le sable. Ils trouvaient toujours le passage le plus stable où ils ne risquaient pas de s’enfoncer dans le sable à chaque pas. Les pauses furent rares et rapides et pas le moindre obstacle à l’horizon pour espérer un peu d’ombre histoire de se refroidir un brin. DU soleil et de la chaleur à perte de vue, c’était tout.

Le pire fut après l’instant où le soleil passa son zénith, la chaleur devenant véritablement un enfer et je craignais parfois de me liquéfier sur place tant il faisait chaud. Les gourdes se vidaient à une vitesse folle et je plaignais vraiment ceux qui transportaient les vivres et le matériel à travers ses étendues arides. Lorsque la nuit commença doucement à s’installer, il fut décidé de s’arrêter et je retins à grande peine un soupir de soulagement. J’avais oublié à quel point le désert était éprouvant. Le repas fut rapidement mis en place et je donnai un coup de main pour les feux, faisant apparaître des flammèches au bout de mes doigts pour allumer de quoi réchauffer la nourriture en plus des Eruïons. Cela attira visiblement l’attention de la matriarche et, pendant que nous mangions, elle tourna sa tête vers moi.

- Dis-moi jeune fille, j’ai appris que tu posais beaucoup de questions. Je vois que, comme le disait l’elfe de Lune qui t’accompagnes, tu voulais en savoir plus sur notre peuple… mais une certaine réciprocité me parait être la moindre des choses, qu’en penses-tu ?

Elle me prenait un peu au dépourvu sur ce coup -là et je retins un coup d’œil vers Tanaëth, c’était à moi de m’en sortir, il l’avait dit.

- Euh… bien sûr… mais je ne vois pas…

- Et bien d’où viens-tu pour commencer ?

Je ne m’attendais pas vraiment à ça mais… soit.

- Je suis née à Gwadh, une cité Shaakte. J’y ai passé presque toute ma vie d’ailleurs…

- Il y a quelques vestiges de cités Shaaktes ici au Naora, mais bien loin d’égaler une vraie cité souterraine…

Elle semblait intriguée par le fait de vivre sous-terre. Les Eruïons supportaient visiblement très bien les rayons du soleil, pas étonnant que l’idée d’une cité entière bâtie loin de la lumière leur soit étrange. Un Eruïon posa alors une question, faisant hausser les sourcils de la matriarche qui semblait pourtant d’accord car elle n’ajouta rien.

- Comment est-ce à l’intérieur ? Comment ils s’éclairent ?

- Euh… je… je ne sais pas.

Cela fit froncer les sourcils de la matriarche qui parla d’une voix un peu sèche.

- Comment cela ? Tu es née là-bas et tu ne sais pas ? Je n’aime guère les menteurs vois-tu ? Es-tu née là-bas oui ou non ?

- Oui, mais je…

- Et bien alors ? Parle !

- Je ne suis jamais allée en sous-sol. Il y a une petite cité en surface et je m’y cantonnai les rares fois où j’allais en ville…

- Voilà qui est bien dommage. Pourquoi cela ?

- Et bien c’est…

Merde, même Nyllyn n’était pas au courant de ça, je n’avais pas envie d’en parler. Mais la matriarche soupira et parla d’un ton plus sévère qui me fit tiquer.

- Jeune fille, il va falloir cesser d’hésiter ainsi. N’essaie pas d’inventer une histoire et…

- Je n’allais pas en sous-sol parce qu’une métisse fille d’esclave qui mendie dans la rue ça m’aurait plus valu des coups que des pièces, ou la torture, voire la mort si une prêtresse dans un mauvais jour trouvait ça amusant de s'acharner sur quelqu'un comme moi.

Ou comment jeter un froid glacial en plein milieu d’un désert. J’en avais les mains qui tremblaient rien qu’en repensant à ces moments, mais visiblement la matriarche n’avait pas fini.

- Je vois… tes parents étaient des esclaves…

- Mon père en était un oui… ma mère est une prêtresse de Valshabarath.

- Et où sont-ils pour te laisser gambader ainsi ?

- Ma mère est toujours à Gwadh j’imagine.

Cette vipère pouvait bien rester terrée là-bas, pour ce que j’en avais à faire…

- Et ton père ?

(Mais elle va pas me lâcher celle-là… merde !)

(Yliria, tes mains ! Calme-toi !)

Mes mains tremblaient et commençaient à rougeoyer à cause de la tension contenue. Je voulais juste en finir…

- Il est mort assassiné, y’a moins d’un an…et c’est… je… désolée…

Je me levai et m’éclipsai sans plus de cérémonie, marchant tout droit en m’éloignant rapidement des autres, battant le sable sous mes pieds pendant quelques minutes avant de m’affaler sur le sol. Marre, j’en avais marre de mes réactions dès qu’on évoquait ma famille. Pourquoi tout était toujours comme ça ?

(Yliria… tout va bien d’accord ? Calme-toi…)

(Je suis très calme !)

(Alors arrêtes ta magie avant que tu ne deviennes une torche au beau milieu du désert !)

Je canalisai mes fluides pour calmer la magie qui menaçait de jaillir sans que je ne la contrôle.

(Là, t’es contente ?)

(Non. Je m’inquiète pour toi. Il faut que tu arrives à faire ton deuil Yliria, à passer à autre chose et…)

(Je n’y arrive pas ! Peu importe que j’en parle ou non, que j’y pense ou non, je n’y arrive pas ! Et forcément l’autre a pas trouvé mieux que poser ses questions à la con !)

(Elle ne pouvait pas savoir…)

(Je m’en fous ! Je veux juste qu’on me foute la paix avec ça, c’est trop demandé ? C’est déjà suffisamment difficile à vivre sans qu’en plus on vienne s’y intéresser. Qu’elle aille se faire voir chez les Sindeldi avec ses questions.)

(Ne dis pas ça à Tanaëth…)

(Quoi Tanaëth ?)

(Il arrive.)

Evidemment… Je ne l'avais même pas entendu approcher malgré le silence du désert. Je restai allongée sur le flanc de la dune, le laissant s’installer comme il le souhaitait. Un long silence prit alors place, qui dura bien trop de temps, me mettant les nerfs en pelote. J’avais probablement manqué de respect à tout le monde en fuyant comme ça. Je savais bien que négocier ce n’était pas mon truc.

- J’ai tout fait foiré… Je suis désolée d’être partie comme ça, mais ce genre de questions…

Pas besoin d’en dire plus, il avait très bien compris. Nouveau silence après cela, juste assez long pour que je parvienne à me calmer un peu plus.

- Juste… n’en parlez pas à Nyllyn s’il vous plaît. Personne n’était supposé être au courant de ça.

J’avais honte. Honte d’avoir une mère pareille honte d’avoir dû mendier pour ne pas mourir de faim, honte d’avoir honte de tout ça.

(C’est du passé Yliria…)


- Si seulement il pouvait disparaître, ce foutu passé.

Et Elle avec.


Suite >>

(((HRP ! Suite de l'apprentissage de la posture "Danse de l'Eclipse")))
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Tanaëth Ithil
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Re: Le Désert de Sarnissa

Message par Tanaëth Ithil » jeu. 29 août 2019 14:14

Après que j'aie fait part à Yliria de la discussion avec Sëraya, la jeune femme réfléchit longuement avant de me déclarer qu'elle va y réfléchir et de supposer que quelque chose nous échappe dans l'affaire. Une pensée qui rejoint la mienne, sachant que si j'ai rencontré l'Eruïonne c'est parce qu'elle avait conclu une entente avec Mëaren, un banni Sindel que j'ai connu à Raynna mais dont les révélations sibyllines m'ont laissé une sale impression. J'en suis venu à douter qu'il ait véritablement été banni, il savait trop de choses et ses propos laissaient entendre qu'il faisait partie d'une vaste conspiration, mais comment savoir? J'aurais aimé pouvoir le cuisiner et lui extirper davantage d'informations, bien sûr, mais il n'a lâché ces quelques inquiétantes bribes qu'après que je lui aie mortellement planté le sabre d'Erythëa dans le corps.

Une courte nuit de repos plus tard, chargés comme des mules, nous nous mettons en route pour rejoindre le camp principal de la tribu de Moura, situé à quelques cinq jours de marche selon Sëraya. Les Eruïons maintiennent un rythme soutenu, malgré la chaleur qui se fait de plus en plus écrasante à mesure que le soleil s'élève dans le ciel et la difficulté de se mouvoir dans du sable qui n'a de cesse que de se dérober sous nos pieds. J'ai beau être entraîné aux longues marches et avoir l'habitude, dans une certaine mesure, de la chaleur, la fournaise qui règne ici n'a rien à voir avec celle qui sévit parfois à Nessima et je ne tarde pas à me demander combien de temps je vais tenir avant de m'effondrer comme une loque. J'ai littéralement l'impression de cuire dans mon armure, malgré l'espèce de burnous censé nous préserver des rayons de l'astre du jour, mais l'enlever impliquerait de la porter sur le dos en plus de tout le reste de mon équipement et ça... non. Conscients qu'Yliria et moi ne sommes pas capables de les suivre longuement, les Eruïons marquent fort aimablement quelques haltes pour nous permettre de récupérer un peu, mais la journée n'en est pas moins un véritable enfer qui met ma résistance à rude épreuve. Yliria paraît supporter un peu mieux que moi le climat, d'autant plus qu'elle est beaucoup moins chargée, mais son soulagement n'en est pas moins presque aussi visible que le mien lorsque nous nous arrêtons enfin pour la nuit.

Une fois le sommaire campement monté et le repas préparé, nous nous retrouvons tous autour du petit feu, guetteurs de rigueur exceptés, où Sëraya entreprend soudain de questionner la jeune semi-Shaakte. L'Eruïonne ayant remarqué la curiosité de ma jeune amie à leur égard, elle juge que la réciprocité est de mise et commence par l'interroger sur ses origines. Attentif, j'écoute la conversation en me gardant bien d'intervenir et apprends ainsi qu'Yliria vient de Gwadh, une cité Shaakte située en Nosvéris. J'ai déjà entendu ce nom une ou deux fois mais, n'ayant jamais mis le pied sur ce continent et encore moins dans une quelconque ville d'Elfes Noirs, je suis aussi curieux que la matriarche d'en apprendre plus sur le sujet. Néanmoins Yliria ne peut répondre à la question qui lui est posée ensuite, à savoir comment les Shaakts s'éclairent-ils, ce qui attise la suspicion de Sëraya qui l'invite sèchement à ne pas se payer sa tête en lui racontant des fadaises. La jeune femme, atrocement mal à l'aise, explique alors qu'elle se cantonnait à la cité de surface, étant de sang-mêlé et par ailleurs fille d'esclave obligée de mendier pour survivre. Je hausse un sourcil à ces mots, non que cela me surprenne vraiment mais, sans trop savoir pourquoi, je n'imaginais pas qu'elle ait grandit dans un tel contexte.

Elle précise ensuite que seul son père était esclave, sa mère étant une prêtresse de Valshabarath, l'abjecte déesse araignée des Shaakts. Je retiens de justesse une grimace à ces révélations qui réveillent en moi de sombres souvenirs, aucun risque que j'oublie l'effroyable combat mené dans les entrailles du Rock Armath contre des prêtresses de cette pseudo-déesse et l'Arctosa qu'elles avaient trouvé moyen de manipuler. Pas davantage je ne risque d'oublier le camp d'esclaves près de Khonfas, où j'ai rencontré pour la première fois Isil. Une sourde mélancolie m'envahit lorsque je repense à l'Hinïonne, source de l'un des très rares regrets qui ont trouvé à s'enraciner en mon âme. Mais je chasse vite ce sentiment pernicieux afin d'écouter la suite de la conversation. Si la mère d'Yliria se trouve toujours à Gwadh, son père en revanche a été assassiné voilà moins d'un an, un aveu visiblement pénible qui fait craquer la jeune femme car elle s'excuse alors abruptement et s'enfuit presque en courant. Sans manifester la moindre émotion, Sëraya m'observe alors d'un regard perçant et, d'un infime signe du menton, m'incite à la suivre sans tarder, ce que je fais après l'avoir remerciée d'un hochement de tête bien que je ne cerne pas exactement le pourquoi de cette injonction muette. Peut-être craint-elle que le jeune femme ne se mette en danger vu son trouble? A moins qu'elle n'éprouve une certaine compassion et ne suppose que je suis en mesure de la réconforter?

Je retrouve Yliria allongée sur le flanc d'une dune quelques instants plus tard et, ne sachant trop quoi dire, m'assieds tranquillement à ses côtés. Un long silence s'installe, que la jeune femme finit par rompre:

"J’ai tout fait foirer… Je suis désolée d’être partie comme ça, mais ce genre de questions…"

Là encore je m'abstiens de prononcer le moindre mot, lui laisser sortir ce qu'elle a sur le coeur me paraissant être la meilleure option pour le moment. Après un nouveau silence, elle ajoute avec, me semble-t-il, une bonne dose de honte :

"Juste… n’en parlez pas à Nyllyn s’il vous plaît. Personne n’était supposé être au courant de ça."

Elle achève en souhaitant que ce "foutu passé" disparaisse, ce qui me fait sourire un peu tristement :

"Je suis désolé, pour ton père. Certains prétendent que le temps efface toutes les blessures, mais c'est de la foutaise. On apprend seulement à vivre avec, ou pas."

Je contemple un instant la voûte céleste, plus somptueuse ici que n'importe où ailleurs, avant de reprendre doucement :

"Ce n'est pas à moi de parler de ta vie à Nyllyn. Mais as-tu donc si peu confiance en elle pour croire que savoir cela changerait quoi que ce soit à la profonde amitié qu'elle éprouve pour toi?"

Je laisse filer un bref silence et poursuis :

"On ne choisit pas où on naît, ni nos parents. Mon père m'a banni de ma terre natale puis, des années plus tard, s'est acoquiné avec des Shaakts de Khonfas pour me faire assassiner parce qu'un prêtre de Sithi l'y avait contraint en kidnappant ma mère et en menaçant de la tuer s'il n'obéissait pas. J'ai été contraint de prendre sa vie pour préserver la mienne, mais suis-je responsable de tout cela? Devrais-je en avoir honte? Certains le penseraient peut-être, mais je ne vois pas les choses ainsi. Ce qui compte à mes yeux, c'est ce que l'on fait de sa vie. Tu es née dans un cadre pourri, tu as dû mendier pour t'en sortir, et alors? Aujourd'hui tu es là, tu es devenue une excellente guerrière, une magicienne talentueuse, tu fais partie d'un ordre légendaire. Si tu étais née dans une riche famille Sindel, tout ça aurait été facile, mais ce n'est pas le cas, ce que tu as aujourd'hui tu l'as conquis à force de courage et de volonté. Tes origines, les épreuves de ton enfance, ce ne sont pas des faiblesses mais une force qui a contribué à faire de toi celle que tu es ici et maintenant. Alors sois fière de ce que tu as accompli, du chemin que tu as parcouru."

C'est plus facile à dire qu'à faire, je suis placé pour le savoir, mais ce n'est pas en s'apitoyant sur soi-même que les choses s'arrangent, bien au contraire. Avec un sourire serein, j'achève :

"Quant à avoir tout fait foirer... crois-tu que les Eruïons ne savent pas ce que c'est que de traverser un moment difficile? Regarde mieux, Yliria. Leur vie est un enfer, leurs enfants meurent faute d'eau ou de nourriture, ils sont traqués comme des animaux par mon peuple. Sëraya semble faite de pierre et être insensible aux émotions, mais crois-moi : ce n'est qu'une façade. Je l'ai vue au bord des larmes tellement elle se sentait impuissante à aider les siens. Et puis, on parlait de mendicité... comment crois-tu qu'elle perçoive l'aide que je leur apporte? Elle ne l'avouera jamais, mais je sais qu'au fond d'elle elle a honte de dépendre ainsi de moi. Elle n'a ravalé sa fierté que pour le bien de sa tribu. Alors tu vois, elle est née dans l'un des pires endroits de Yuimen, dans une misère noire, mon peuple la considère comme une sauvage mal dégrossie, et pourtant c'est l'une des personnes que j'admire le plus au monde. En leur parlant de ton passé tu as ouvert une porte, parce que maintenant ils savent que tu peux comprendre ce qu'ils vivent."

A peine ai-je achevé de parler que des cris en provenance du camp nous parviennent, mêlés de hurlements de douleur! Je me relève d'un bond et m'empare dans la foulée de mes lames en grondant laconiquement :

"Viens! Ils sont attaqués!"

Les mêmes pillards que la fois précédente? Une créature quelconque? Je l'ignore, mais une chose est certaine: aujourd'hui ils ne se battront pas seuls.
Modifié en dernier par Tanaëth Ithil le mer. 4 sept. 2019 02:57, modifié 3 fois.

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Re: Le Désert de Sarnissa

Message par Yliria » ven. 30 août 2019 22:57

<< Auparavant


Le silence était apaisant en quelque sorte. Le ciel était dégagé et on pouvait voir toutes les étoiles et les constellations dont je ne me souvenais pas des noms… en fait la plupart je ne les reconnaissais pas, nous étions vraiment très loin de Gwadh. Tanaëth s’assit à côté de moi, sans dire un mot, me laissant parler avant que je ne me taise pour de bon. Je ne savais pas pourquoi il était là, nous n’étions pas proches à ce point. Peut-être se sentait-il obligé ?

- Je suis désolé, pour ton père. Certains prétendent que le temps efface toutes les blessures, mais c'est de la foutaise. On apprend seulement à vivre avec, ou pas.

Je levai mes yeux vers lui alors qu’il me souriait tristement. Je ne sus quoi dire alors je gardai le silence, le laissant continuer sur sa lancée après qu’il ait lui aussi contemplé les étoiles quelques instants. Le ciel nocturne ici était magnifique, peut-être que cela avait quelque chose d’apaisant.

- Ce n'est pas à moi de parler de ta vie à Nyllyn. Mais as-tu donc si peu confiance en elle pour croire que savoir cela changerait quoi que ce soit à la profonde amitié qu'elle éprouve pour toi ?

Il avait raison tout en étant complètement à côté de la plaque, mais il ne pouvait pas deviner pourquoi. Je savais que si Nyllyn apprenait tout cela, elle poserait des questions, encore et encore des questions, elle apprendrait pour ma mère, et se mettrait en tête, non pas de me dissuader, mais de m’aider, et il en était tout simplement hors de question. Alors pour éviter d’avoir à lui expliquer, je préférais tout simplement qu’elle n’en sache rien.

- J’ai confiance en elle… justement.

Alors qu’il poursuivait, je me redressai, soudainement étonnée par ce que j’entendais. Il avait tué son père qui l’avait banni et qui avait tenté de trahir les siens pour protéger la mère de Tanaëth… Je me demandais soudainement si lui raconter ce que j’avais passé sous silence ne pourrait pas m’aider, au moins un peu, mais j’oubliai bien vite l’idée en entendant la suite. Etre fière de ce que j’avais accompli, ne pas considérer mes origines comme une faiblesse…Facile à dire pour quelqu’un qui n’avait pas connu la misère ou qui ne craignait pas de subir la haine de n’importe qui par sa seule présence. Si j’en étais là, aujourd’hui…

(C’est grâce à toi, et à toi seul. Et ne me parle pas de tes mentors, personne n’est entièrement autodidacte, surtout en ce qui concerne la magie. Tu t’es faite toute seule Yliria. Je sais que tu doutes de toi, et Tanaëth l’a très bien compris, parce que tu as vécu ainsi pendant des dizaines d’années, à penser que tu ne valais rien. Mais, comme je te l’ai dit, il est temps de grandir et de passer outre.)

(Ce n’est pas si facile…)

(Je n’ai pas dit que ça le serait, mais si tu veux un jour affronter ta mère, il va falloir que tu aies plus à lui opposer que quelques balbutiements et un air gêné sur le visage, tu crois pas ? Quand tu combats, tu es bien plus sûre de toi, alors fais de même pour le reste… enfin en tenant compte de mes conseils, cela va de soi.)

Je retins un sourire et acquiesçai silencieusement, autant pour Tanaëth que pour Alyah. Grandir…ça me fichait la trouille. Mon attention se reporta sur Tanaëth qui m’expliqua à quel point mon histoire était, en quelque sorte, similaire à ce que vivaient les Eruïons, pauvreté, misère, obligé de rengainer sa fierté pour ne pas mourir de faim, d’accepter l’aide d’autrui alors qu’on voudrait s’en sortir seul.

- En leur parlant de ton passé tu as ouvert une porte, parce que maintenant ils savent que tu peux comprendre ce qu'ils vivent.

Je n’avais pas vu les choses sous cet angle. Je n’avais vu que mon passé et les effets qu’il a sur ma vie, pas le fait qu’en parlant, cela pouvait leur faire comprendre que j’étais, un peu comme eux. Plongée dans mes pensées, je ne perçus pas le mouvement de Tanaëth, ne relevant la tête que lorsqu’il qu’il grogna. J’écarquillai les yeux en entendant les cris en provenance du campement. Je me relevai aussitôt et me ruai vers le camp, distancée par un Tanaëth qui courait bien plus vite… bien trop vite.

Le chaos était total. Partout où mes yeux se posaient il y avait des corps au sol, souvent ensanglantés et des individus masqués et armés s’en prenaient aux rescapés. Je vis Tanaëth foncer vers la matriarche et ses protectrices et j’hésitai une fraction de seconde sur ce que je devais faire. Un cri me fit tourner la tête vers un Eruïons qui tombait au sol face à un agresseur visiblement pressé d’en finir. La boule de feu que j’envoyai fit reculer l’individu masqué suffisamment pour que je me mette entre lui et le blessé, bouclier et arme dégainés. Il portait un cimeterre et une dague et je le vis plisser des yeux sous son étoffe avant de se mettre en position pour attaquer. J’enflammai aussitôt ma lame tandis que des flammes m’entouraient. Pour des yeux extérieurs, j’avais soudainement pris feu des pieds à la tête, arme comprise, seul mon bouclier échappant au brasier. Cela sembla surprendre mon adversaire qui alla pour attaquer lorsqu’un son de cor se fit entendre. Je le vis se figer, plisser à nouveau des yeux avant de fait volte-face et de s’enfuir, rejoignant d’autres guerriers qui allaient tous dans la même direction. J’en vis plusieurs porter des sacs.

(Les vivres ! Ah les sales fils de…)

(Yliria ! A leur gauche !)

Mon regard suivit les indications d’Alyah et je pâlis en voyant une sphère d’un bleu glacial se créé au-dessus d’une silhouette encapuchonnée. Cela ressemblait au propre sort que j’usai, mais d’un élément différent et la taille était plus importante que ce que je pouvais créer. Je jetais des coups d’œil autour de moi, essayant de voir où il allait tirer, avant de voir Tanaëth aider Seraya visiblement blessée. Je courus aussitôt vers eux, regardant avec horreur la sphère s’élever brusquement vers le ciel. Je savais exactement ce qui allait se passer ensuite, donc j’avais le moyen de le contrer, en partie.

- Tanaëth, couchez-vous !

J’espérais qu’il m’entendrait et comprendrait en me voyant dresser un bouclier fait de fluides de feu et de lumière en arrivant devant eux juste au moment où la sphère percutait le sol, projetant des éclats de glace meurtriers tout autour de son point d’impact. Ceux qui percutèrent mon bouclier de feu furent en partie stoppés, s’évaporant purement et simplement pour les plus petits. Mon bouclier de métal, que j’avais levé pour protéger ma tête, stoppa deux ou trois débris de plus, mais j’en pris un dans le ventre, me coupant la respiration, et un deuxième dans ma cuisse à peine guérie qui me fit gémir et tomber sur le ventre sous l’impact. Heureusement le bouclier de feu n’avait pas besoin que je reste debout pour fonctionner et je doutais que grand monde ne soit blessé, du moins je l’espérais. Je me retournai sur le dos pour soupirer avant de grimacer en sentant ma cuisse. Pas de plaie ouverte, c’était déjà ça…

Le silence qui suivit le combat contrasta avec la violence de l’assaut qui n’avait laissé que morts et blessés derrière lui. Je me redressai en grimaçant, contente malgré tout d’être relativement intacte. Ma cuisse me fit aussitôt regretter cette pensée. Pas intacte donc, entière, tout du moins.

- ‘Chier…

Je jetai un rapide coup d’œil autour de moi, rassurant Tanaëth qui regardait dans ma direction d’un air alarmé, avant de m’approcher en boitant de l’Eruïonne qui avait été blessée à l’épaule. Rien de très grave, mais mieux valait ne pas prendre de risque, aussi j’apposai mes mains et laissai la magie guérir la plaie, juste assez pour ne pas qu’elle s’infecte ou la vide de son sang. Je fis de même avec tous les blessés alentours, jusqu’à ce que ma magie soit complètement vidée, m’allongeant alors dans le sable avec un léger tournis. Après une journée entière de marche et une telle dépense d’énergie, je commençai à être vraiment épuisée, mais une Eruïonne, une des deux gardes du corps, vint me trouver et m’invita à la suivre en me pressant. Visiblement, pas de repos pour tout de suite. La matriarche fit un bilan des pertes. Il était lourd, quatre morts et presque le double de blessés et la majeure partie des vivres et du matériel volé. Les Eruïons avaient payé le prix fort pour au final tout perdre… j’enrageai silencieusement, et je n’étais visiblement pas la seule. Je m’approchai de Tanaëth, parlant à voix basse pour ne pas interrompre l’Eruïonne

- Tanaëth… il faut qu’on les rattrape non ? On doit bien pouvoir faire quelque chose.

J’étais épuisée, mais il était hors de questions d’avoir fait tout ça pour rien et de laisser ce genre de crimes impunis. Et au fond de moi, je sentais une fois de plus que quelque chose n’allait pas dans toute cette histoire, restait à découvrir quoi. Je vis la matriarche me jeter un drôle de regard, mais rien de plus et lorsqu’elle donna ses instructions pour les soins et s’occuper des morts, je me tournai de nouveau vers Tanaëth.

- Qu’est-ce qu’on fait ? Si vous voulez les rattraper pour leur faire passer l’envie de recommencer, je viens avec vous !

Lorsque les Eruïons s’attelèrent à leurs tâches après le rude combat, la matriarche, voulant probablement parler avec Tanaëth, passa derrière moi et je sentis sa main se poser sur mon épaule et une légère pression suivit. Je levai les yeux vers elle et elle hocha simplement la tête, le même air impassible sur le visage. Pas de mots, mais je savais que, au final, je n’étais pas venue pour rien.


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Tanaëth Ithil
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Re: Le Désert de Sarnissa

Message par Tanaëth Ithil » dim. 1 sept. 2019 17:28

Nous n'avons quitté les Eruïons que depuis quelques petites minutes, et pourtant le chaos est total lorsque je parviens en vue du campement. Plusieurs corps ensanglantés d'Elfes Bruns sont au sol et les survivants sont aux prises avec de nombreux combattants pourvus de vêtements couleur de sable et masqués.

(Et merde! Une embuscade, on s'est fait avoir comme de bleus) ragé-je en analysant rapidement la situation pour déterminer où mon aide serait la plus utile. Avisant Sëraya et ses deux gardes du corps en fort mauvaise posture face à un guerrier masqué muni de deux longues lames dégoulinantes de sang, je me précipite vers elles afin de m'interposer; Erythëa est déjà au sol, salement blessée à la cuisse, tandis que sa collègue tente désespérément de contenir son adversaire, en vain car, le temps que j'arrive au contact, elle s'effondre à son tour et l'assaillant trouve moyen d'atteindre la matriarche à l'épaule! J'entre dans la danse avec une rare férocité, juste à temps pour parer le coup qui va achever mon amante d'un revers de ma Vorpale. Quoique surpris, son assaillant réagit avec une rare célérité et, après une adroite glissade en arrière, tente de me percer le ventre d'une attaque de pointe de sa deuxième lame. Je l'esquive d'une contorsion et riposte d'une large taillade de mon Ardente qui le contraint à reculer précipitamment.

(Bon sang! Rapide le bougre!)

Il s'ensuit un échange de coups vifs et vicieux qui met ma science des armes à rude épreuve, sans qu'aucun de nous ne parvienne cependant à franchir la garde adverse, jusqu'à ce que, subitement, une puissante sonnerie de cor retentisse dans le silence malmené du désert. Mon ennemi m'assène alors une redoutable série d'attaques brutales qui me forcent à me replier hâtivement puis, contre toute attente, profite de ma retraite pour rompre le combat et s'enfuir à toute allure! Jurant entre mes dents serrées, j'esquisse le geste de le poursuivre mais un soudain avertissement me fige sur place :

"Tanaëth, couchez-vous !"

La voix d'Yliria, mais que... cherchant d'où vient le danger, je vois cette dernière se précipiter vers moi en dressant une espèce de bouclier de feu et de lumière puis, une fraction de seconde plus tard, aperçois avec effroi une saleté de sphère bleutée qui s'apprête à me tomber dessus! Sans réfléchir plus loin je me jette sur le côté de manière à précipiter Sëraya, qui ne semble pas avoir réalisé le danger, et moi au sol afin de la protéger de mon corps. La sphère magique percute le sol une fraction de seconde plus tard, pile à l'endroit où je me trouvais, et projette de dangereux éclats tranchants ressemblant fort à de la glace! Par chance, le bouclier de la semi-Shaakte nous préserve du pire et les quelques éclats qui franchissent sa protection ricochent sur mon armure, peut-être en partie grâce à l'enchantement contre la magie de glace que j'y ai fait ajouter récemment. Je me relève aussitôt en jurant comme un charretier et cherche du regard le maudit mage qui m'a balancé cette cochonnerie de boule de glace. Je le découvre sans grand mal, sa sombre silhouette encapuchonnée se dessinant au sommet d'une dune à quelques dizaines de mètres de nous, trop loin évidemment pour que j'aie une chance de l'atteindre avant qu'il ne me lance un nouveau sortilège. Mais l'enfoiré ne fait pas mine de réitérer, il s'éloigne au contraire comme l'a fait le guerrier que j'ai brièvement affronté et, réalisé-je une seconde plus tard, la totalité des assaillants!

"Ah non, vermine, tu t'en tireras pas comme ça", grondé-je sourdement en rengainant prestement mes lames pour saisir mon arc et y encocher une flèche que je gèle d'un effort de volonté. A mon plus grand dépit le mage disparaît derrière la dune, mais je n'abaisse pas mon arme pour autant : j'aperçois le sommet de la dune suivante, plus élevé que celle derrière laquelle il vient de se dissimuler, et s'il file bien dans la direction que je crois, j'aurais une chance de l'atteindre quand il la franchira. Trois secondes plus tard, sa silhouette apparaît plus ou moins à l'endroit prévu et je lâche aussitôt mon trait à l'instinct, ainsi que me l'a enseigné Elëryann, la tireuse d'élite de notre commanderie de Nessima. Mon tir trouve sans faillir sa cible, laquelle pousse un hurlement de douleur qui me fait grogner :

"Alors crevure, on veut jouer avec la glace, hein?! Sans blague!"

Je me lancerais bien à sa poursuite pour en finir, mais un bref coup d'oeil alentours me révèle l'ampleur des pertes subies et, surtout, le nombre élevé de blessés, dont Sëraya, Erythëa et Yliria que je scrute brièvement avec inquiétude. Cette dernière me rassure rapidement sur son état en se relevant et en se dirigeant vers nous, rien de grave apparemment bien qu'elle boîte passablement. La semi-Shaakte entreprend alors d'utiliser sa magie pour guérir la matriarche et sa garde du corps tandis que je me mets en demeure de l'aider de mon mieux en faisant ici et là quelques garrots au moyen de bandes de tissu hâtivement prélevés sur un cadavre. Les pertes sont lourdes, quatre Eruïons sont morts et il y a bien le double de blessés mais, ce qui me fait le plus grincer des dents dans l'histoire, c'est que nous n'avons pas réussi à abattre le moindre adversaire!

Il s'avère aussi, après que Sëraya ait fait un rapide bilan de la situation, que nos ennemis sont parvenus à emporter une bonne partie des vivres et du matériel que nous transportions ; dans le genre échec total nous avons fait fort, pas de doute... La rage au ventre, je me tourne vers Yliria lorsqu'elle me rejoint et murmure :

"Tanaëth… il faut qu’on les rattrape non ? On doit bien pouvoir faire quelque chose."

Je retiens de justesse une réplique colérique, il est évident qu'on ne va pas les laisser s'en tirer aussi facilement, en réalisant qu'elle est totalement exténuée et que les Eruïons survivants ne valent guère mieux. Quant à moi, je suis certes fatigué, mais les runes incrustées sur mon armure me confèrent assez d'endurance pour que je sois encore en mesure de courser les maudits pendant un bon moment. Alors que j'hésite brièvement sur la marche à suivre et me demande si me lancer seul à leur poursuite est vraiment une bonne idée, Yliria ajoute :

"Qu’est-ce qu’on fait ? Si vous voulez les rattraper pour leur faire passer l’envie de recommencer, je viens avec vous !"

Sans doute lui rétorquerais-je que je m'en chargerais seul, s'il n'y avait ce foutu mage en plus du guerrier qui m'a tenu tête, mais ma témérité a tout de même des limites et je me résigne finalement à lui répondre :

"Tu n'es pas en état de galoper pendant des heures et nos amis Eruïons non plus. Ces empaffés sont chargés comme des mules, ils n'iront pas très vite ; reposons-nous deux ou trois heures, ensuite nous irons leur faire payer leurs actes..."


Sëraya passe alors derrière la jeune femme en posant une main sur son épaule, un geste de remerciement qui en dit plus long que les mots, avant de s'adresser à moi d'un ton où perce une profonde lassitude :

"Ils sont trop nombreux, et trop puissants. Regarde le carnage qu'ils ont fait... nous devrions aller chercher des renforts, le gros de ma tribu n'est qu'à une journée de marche d'ici."

"Ils seront loin, dans un jour, et le désert est vaste. Que le vent se lève, ou qu'ils prennent soin de passer par des zones rocheuses, et nous ne les retrouverons jamais."

"Je sais, Elfe de Lune. Mais nous avons eu assez de morts comme ça, sacrifier vos vies ne nous rendra pas ce qu'ils nous ont volé."

Je lui souris doucement et frôle sa joue d'une fugace caresse avant de lui rétorquer :

"Nous serons prudents, mais il n'est pas question que ces damnés s'en sortent une fois de plus impunément. Allons mon amie, rendez les honneurs à vos morts et occupez-vous de vos blessés, Yliria et moi nous chargerons d'apprendre à ces maudits qu'on n'attaque pas la tribu de Moura sans conséquences."


L'Eruïonne me scrute longuement en silence, puis elle incline lentement le visage en guise d'acceptation :

"Soit. Jabahl'Yr vous accompagnera, il sait lire les traces et connaît le désert mieux que personne."

Du menton, elle nous désigne un Elfe Brun relativement âgé comparé aux autres, maigre et noueux comme une vieille racine.

"Très bien, son aide nous sera certainement précieuse vu que nous n'avons jamais mis les pieds dans la région. Reposons-nous, maintenant, nous partirons dans trois heures", achevé-je à l'attention d'Yliria.

Un bref repos qui ne suffira pas vraiment à ressourcer la jeune femme, je suppose, mais ce sera toujours mieux que rien. Pour ma part je vais sans plus tarder m'asseoir en tailleur dans un coin et me plonge dans une profonde méditation puis, le moment venu, prépare rapidement quelques outres d'eau et de la nourriture avant d'aller réveiller en douceur mon amie :

"Il est temps de se mettre en route."

Quelques minutes plus tard, nous nous enfonçons rapidement dans les profondeurs inconnues du Dragomélyn à la suite de Jabahl'Yr. L'Eruïon n'a aucun mal à dénicher puis à suivre la piste de nos attaquants, non seulement ils ne se sont pas souciés d'effacer leurs traces mais, en outre, des gouttes de sang jalonnent le chemin à intervalles irréguliers. Un sourire carnassier relève mes lèvres à cette vue, ma flèche n'aura pas été totalement inutile et le mage devrait être passablement affaibli s'il continue à perdre son sang. Et si les fuyards se sont finalement décidés à le soigner, ils auront perdu un peu de temps et nous ne les rattraperons que plus vite.

Les heures passent, de plus en plus glaciales alors que la nuit avance et nous rapproche d'une aube que je ne suis pas vraiment pressé de voir se lever vu la chaleur qu'elle amènera avec elle. Alors que les premières lueurs du jour pointent à l'horizon, illuminant les cieux de somptueuses couleurs orangées, je réalise qu'Yliria commence sérieusement à peiner car elle manque à plusieurs reprises de s'affaler au sol lorsque le sable se dérobe sous ses pas. Repensant à la scène qui m'a tant amusé sur le navire, je m'approche d'elle et, sans prévenir, la soulève de terre en glissant un bras sous ses genoux et un autre sous ses aisselles :

"Pas la peine de râler, tu sais que ça ne sert de toute manière à rien, hein" lâché-je avec ironie avant d'ajouter plus sérieusement : "Essaye de dormir un peu et ne t'en fais pas, je peux sans mal te porter comme ça quelques heures."

Là encore les runes enchâssées dans mes protections se révèlent de la plus grande utilité : j'ai littéralement l'impression que la jeune femme ne pèse rien dans mes bras, ce qui me permet de poursuivre notre route aussi aisément que si je ne la portais pas. A mesure que le temps passe, la température grimpe en flèche et nous ne tardons pas à avoir le détestable sentiment de marcher dans un four brûlant. Pas question de nous arrêter cependant, Jabahl'Yr nous affirme que nous ne sommes plus qu'à quelques minutes derrière nos ennemis d'après la fraîcheur des petites traces de sang qui marquent toujours ici et là le sable ocre du Dragomélyn. Ce qui s'avère parfaitement exact car, un petit quart d'heure plus tard, il nous fait soudain signe de nous arrêter et murmure juste assez fort pour que nous l'entendions :

"Ils se sont arrêtés derrière cette dune, vous entendez?"

Tendant l'oreille, je perçois en effet de légers bruits, principalement de discrets cliquetis métalliques et quelques paroles prononcées à voix basse. Après avoir déposé Yliria au sol, je fais signe à mes deux compagnons de m'attendre là pendant que je grimpe discrètement jusqu'au sommet de la dune pour espionner nos ennemis. Ces derniers, au nombre d'une vingtaine, ont trouvé un maigre recoin d'ombre à l'abri d'un gros rocher qui dépasse du sable et, visiblement épuisés, sont en train de se nourrir et de s'abreuver. Si leur nombre pourrait me faire grincer des dents, c'est en réalité tout autre chose qui me fait tiquer : bien que trop éloigné encore pour saisir toute la teneur de leurs paroles, quelques mots me parviennent et... ils s'expriment en Sindel!

(C'est quoi cette magouille encore?!)

Après un dernier coup d'oeil, je redescends silencieusement vers mes deux compagnons et leur chuchote :

"Je n'y comprends rien! Ce sont des Sindeldi! Ils sont une vingtaine, mais tous bien épuisés m'a-t-il semblé. Je serais d'avis d'en éliminer le plus possible à coups de flèches et de sorts, du moins si tu te sens capable d'en balancer quelques-uns, Yliria?"
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Yliria
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Re: Le Désert de Sarnissa

Message par Yliria » dim. 1 sept. 2019 22:03

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Tandis que Tanaëth et l’Eruïonne discutaient, je sortis ma couverture de mon sac avec dans l’idée de dormir quelques heures comme l’avait suggéré Tanaëth. J’avais beau dire que je voulais les rattraper, j’étais épuisée par la marche, la chaleur et la magie et un peu de repos ne serait pas de trop. J’entendis Seraya protester vainement puis capituler lorsque Tanaëth lui indiqua que nous partions à la poursuite des pillards, avant de présenter un Eruïon, nommé Jabahl'Yr, bien plus âgé que ses congénères, qui nous servirait de guide dans le désert. L’idée était bonne et, après que Tanaëth ait accepté, je m’enroulai sans plus de cérémonie dans ma couverture, me roulant moi-même en boule en prévision du froid mordant qui ne manquerait pas de tomber. Le sommeil me tomba dessus sans que je n’eus besoin de le chercher et ce fut avec des yeux embués de fatigue et l’esprit encore peu alerte que je me redressai lorsque Tanaëth me réveillait d’une voix douce. J’avais dormi combien de temps ? Deux, peut-être trois heures ? Trop peu pour me ressourcée complètement, mais je m’en contentai. Je tenais sur mes jambes et cela suffisait.

La marche commença sous le froid mordant de la nuit. Chaque expiration laissait échapper des petits nuages de vapeur de ma bouche et je dus avancer à un rythme soutenu pour ne pas me faire largement distancer par Tanaëth et l’Eruïon. J’enviai la méditation qui leur suffisait pour être reposés, mais je m’ébrouai et me concentrai sur le fait de mettre un pas devant l’autre sans m’effondrer bêtement. Chose qui s’avéra de plus en plus complexe à mesure que la nuit disparaissait pour laisser place, quelque heures plus tard, à une aube qui précédait la chaleur écrasante du désert. Je manquai plusieurs fois de m’étaler à cause du sol traître, mais il n’était pas question de demander une pause. Nous devions les rattraper au plus vite ou tout ce voyage aurait été un fiasco du début à la fin. Après avoir une nouvelle fois manqué de m’effondrer lorsque le sable se déroba sous mes pieds, je sentis des bras me soulever et poussai un léger cri de surprise, me retrouvant dans les bras de Tanaëth. Je n’eus que le temps d’ouvrir la bouche pour protester avant qu’il ne parle.

-Pas la peine de râler, tu sais que ça ne sert de toute manière à rien, hein.

Je le regardai la bouche ouverte quelques secondes avant de la refermer et d’acquiescer, le remerciant après qu’il ait affirmé qu’il pouvait me porter et que je n’avais qu’à dormir un peu. C’était atrocement gênant de se retrouver dans cette position, trimballer par Tanaëth, mais mon corps en profita et je ne tardai pas à m’endormir malgré l’inconfort et le fait que je portais encore mon équipement. Ce fut la chaleur qui me réveilla alors que le soleil était déjà haut dans le ciel. Je papillonnai quelques secondes en essayant de mettre de l’ordre dans mes idées, entendant l’Eruïon affirmer que nous n’étions plus très loin de notre cible. Encore groggy par le sommeil et écrasée par la chaleur, je ne fis pas le moindre mouvement. Tanaëth me déposa finalement derrière un rocher après que notre cible ait été repérée. Tanaêth me fit signe de ne pas bouger et j’obtempérai, me claquant les deux joues pour achever de me réveiller sous l’œil dubitatif de Jabahl'Yr. Je bus la moitié d’une outre et avalai rapidement un peu de viande séché tandis que Tanaëth revenait, un air grave sur le visage.

- Je n'y comprends rien! Ce sont des Sindeldi! Ils sont une vingtaine, mais tous bien épuisés m'a-t-il semblé. Je serais d'avis d'en éliminer le plus possible à coups de flèches et de sorts, du moins si tu te sens capable d'en balancer quelques-uns, Yliria?

Des Sindeldi ? Pourquoi diable des Sindeldi pilleraient des vivres destinés aux Eruïons sur leur territoire ? Je ne comprenais pas leur présence ici, et visiblement Tanaëth non plus.

- Je ne devrais pas avoir de soucis pour des sorts offensifs. Par contre pour les soins… ce sera plus limité.

Pas assez de sommeil, je ne m’étais pas vraiment ressourcer suffisamment pour mitrailler des sorts dans tous les sens et soigner des dizaines de blessures, mais je pouvais au moins faire quelque chose. Me concentrant, je laissai mes fluides de lumières se diffuser jusqu’à mes mains avant de nimber Tanaëth, Jabahl'Yr et moi-même d’une lumière fortifiante. Quitte à combattre des adversaires nombreux, autant mettre toutes les chances de notre côté.

- Je suis prête !

Je le suivis jusqu’au sommet de la dune et observai les Sindeldi, visiblement en train de se reposer. Je vis Tanaëth sortir une flèche et l’Eruïon deux katars dans un état tout relatif. Il m'expliqua brièvement un plan pour écarter le mage du reste de la troupe et j’écoutai en silence, attentive. Mon travail serait de le mettre hors-jeu le plus vite possible, lui et Jabahl'Yr feraient diversion pour attirer le gros de la troupe sur eux. Je hochai la tête et reportai mon attention sur la troupe Sindel. J'entendis Tanaëth inspirer et une première flèche fila, suivit d’un bref cri de douleur. Aussitôt la troupe s’ébroua et chaque Sindel prit ses armes tandis que Tanaëth en fauchait un second avec une précision redoutable. Ils formèrent un mur compact pour protéger deux Sindeldi restés en retrait et je concentrai mes fluides en une immense boule de feu qui fusa ensuite vers le ciel. En retombant, le vacarme fut assourdissant mais ne put étouffer les cris de douleur qui suivirent. Masquée par le sable soulevé par l’explosion, la zone était difficile à percevoir mais Tanaëth se rua à l’assaut, accompagné de l’Eruïon et je fis de même, choisissant plutôt de contourner davantage la zone afin d’arriver sur le flanc et de foncer directement sur le mage de glace. J’entendis rapidement des bruits de combats et de nouveau cris de douleur. J’enjambai un corps brûlé au sol, retenant une envie de vomir avant de m’arrêter net lorsque deux Sindeldi me barrèrent la route, lame au clair, l’un armé d’une grosse masse qu’il portait à deux mains et l’autre d’un fauchon et d’un bouclier.

Ils se jetèrent sur moi avec ce que je pensais être l’énergie du désespoir, leurs faciès creusés par la fatigue étaient révélateur de leur état. Enflammant mon arme, je reculai d’un bond pour avoir une meilleure marge de manœuvre, invoquant mes fluides pour essayer un sort nouvellement acquis. Trois boules incandescentes apparurent autour de moi et se mirent à tournoyer avant que je n’avance au contact des pillards. Le premier tenta de m’atteindre à l’épaule d’un coup de taille mais j’esquivai sans difficulté son coup en me fendant sur le côté, me plaçant idiotement à portée du second dont la masse rencontra mon bouclier, glissant sur le métal poli plutôt que sur ma tête, le choc se réverbérant tout de même le long de mon bras. Je repoussai l’arme aussi violemment que possible, ouvrant la garde de mon adversaire lorsque les boules invoquées se mirent en action, d’eux d’entre elles fusant vers chacun de mes deux adversaires. Si celui au fauchon l’évita de justesse, le second se prit l’attaque de plein fouet et ne put esquiver mon coup qui lui transperça la poitrine, ma lame enflammé perçant ses protections aussi facilement que si cela avait été du beurre. Il s’effondra et je reportai mon attention sur le deuxième qui tentait d’éviter les assauts de la boule de feu qui virevoltait pour l’atteindre. Profitant de sa confusion, je me ruai en avant et lui assénai un coup de bouclier dans les côtes, entendant nettement un grognement de douleur s’échapper de sa bouche. Il attaqua à l’aide de son fauchon, frôlant le haut de ma tête et me forçant à reculer pour ne pas me faire ensuite taillader le visage.

J’étais en nage après un combat aussi bref. La chaleur et le manque de sommeil conjugués à la tension et l’effort physique commençaient à sérieusement me fatiguer, je devais en finir rapidement et m’occuper du mage avant qu’il ne commence à faire de vrais dégâts. Pour l’instant la mêlée devait l’empêcher d’user de ses sorts efficacement, mais si Tanaëth et Jabahl'Yr parvenaient à clairsemer leurs rangs, je craignais qu’un véritable déluge ne s’abatte sur eux. Inspirant, je me mis en garde de nouveau, prévoyant d’utiliser la Danse que Tanaëth m’avait enseigné. Je maîtrisais suffisamment les mouvements de base pour l’affronter pendant les entraînements, il fallait que je voie si elle était aussi efficace contre un adversaire qui ne la connaissait pas. Premier pas, mouvement ascendant suivit d’une vrille dissimulant l’arme derrière le bouclier avant de surgir, créant une estafilade sur le bras du Sindel surpris. Deuxième pas, enchaînement rapide et fluide en arabesques pour finalement partir sur une attaque d’estoc prenant l’adversaire à contre pied, lui perçant l’épaule alors que je visais la gorge. Je n’étais pas encore au point ! Troisième pas, les lames se rencontrèrent, ne touchèrent pas malgré les assauts rapides, à croire qu’il s’habituait aux attaques. J’enrageais mais Alyah me força à me calmer. J’évitai un coup tranchant, et reculai pour mieux repartir à l’assaut. Quatrième pas, plus complexe, nouvellement appris, encore brouillon. Arabesques, vrilles et attaques ascendantes qui brouillèrent la perception adverse, lui entaillèrent le bras directeur avant qu’une feinte ne le fasse faire une erreur. La garde s’ouvrit, laissant ma lame s’engouffrer, percer la maille protégeant le cœur. Pas un cri, juste un regard surpris avant que les yeux ne se voilent et que le corps ne choit au sol, immobile, nimbant le sable d’une couleur rougeâtre.

Je haletai, les mains sur les genoux, reprenant mon souffle, laissant l’air me bruler les poumons. J’étais tellement concentrée que j’en avais presque oublié de respirer, par Meno. Inspirant avant d’essuyer d’un revers de manche la sueur qui maculait mon front, sentant finalement une entaille au-dessus de mon œil. Il m’avait entaillé le front, mais je ne l’avais même pas sentie. Je me redressai et cherchai le mage des yeux, le voyant en train de charger un sort. Sans réfléchir, je me ruai sur lui, attirant son attention en m’entourant d’une aura de feu. Il me fit aussitôt face, mais je vis clairement qu’il souffrait au vu de son teint, de la sueur qui coulait sur son front et du fait qu’il s’appuyait sur un grand bâton dont le sommet était surmonté d’une sorte de cristal enchâssé entre des serres.. Une barrière de glace se matérialisa devant moi, mais je connaissais déjà la faiblesse de ce sort, l’ayant déjà vu à l’œuvre lors de l’expédition vers l’île interdite. Elle explosa d’un simple coup de ma lame, mais le mage en avait profité pour lancer un autre sort. Un pic de glace fusa dans ma direction et j’eus juste le temps de dresser un bouclier de feu avant qu’il ne m’atteigne. Le projectile fut en partie stoppé, mais le reste me frappa en pleine course, me jetant au sol et me coupant la respiration sous l’impact. Mes côtes protestèrent, mais tinrent bon. Je crachai et toussai pour reprendre mon souffle. Je sentis alors un froid intense se propager sur mon bras droit. Je gémis de douleur en lâchant mon arme, le bras complètement inutilisable.

(Bordel je hais la magie de glace !)

(Tu disais ça de la magie sombre aussi…)

(Pas pour rien que j’ai ma cape. Va vite falloir que je trouve un moyen de me protéger de ça. Ah putain ça fait mal…)

Grimaçant, je générai une boule de feu et l’envoyai vers le mage de glace, le forçant à se jeter au sol pour l’éviter. Cela me permit de me relever, mais j’avais toujours le bras engourdi parle froid et je n’étais pas ambidextre. Le mage se releva à l’aide de son bâton et le pointa vers moi, le cristal luisant de magie. Je me sentis aussitôt somnoler sans comprendre pourquoi. Une intense envie de m’allonger me prit et le simple fait de bouger une jambe ou un bras était une épreuve en soi.

(Yliria ! je vais te mettre des claques mentales !)

(Si tu peux, fais le… j’ai l’impression d’être sur le point de m’endormir…)

(C’est un sort ! Réveille-toi !)

Je levai les yeux que je gardai difficilement ouvert vers le mage qui m’envoya un nouveau pid de glace. J’eux juste le temps de jeter sur le flanc, le pic me frôlant non sans m’entailler le bras au passage. Comme si mon corps avait besoin de ça, la douleur sembla me réveiller un peu je me relevai d’un bond, lançant une boule de feu vers un adversaire qui fatiguait tout autant que moi. Il se prit l’orbe en pleine poitrine et je l’entendis hurler de douleur. Sa grande robe n’avait hélas pas pris feu et il se releva, non sans grimacer. Mon bras frigorifié sembla revenir à la normale et je ramassai mon arm, chassant les dernières brumes de somnolence avant d’avancer sur lui pour finalement me ruer durant les deux derniers mètres. Je feintai une attaque vers son torse, l’obligeant à mettre inutilement son bâton entre nous. La pointe de ma lame elfique frôla son torse avant de revenir transpercer sa gorge. Il écarquilla les yeux avant de tomber à genoux et de s’écrouler, face contre terre, son sang imbibant le sable. Je reculai de deux pas en haletant, m’effondrant sur les fesses dans le sable, cherchant de l’air, la gorge sèche et le cœur tambourinant dans ma poitrine. Je n’avais aucune idée de l’état de Tanaëth et de Jabahl'Yr, mais ce n’était pas le moment de me reposer ! Je perçus un mouvement sur ma gauche et tournai la tête, voyant un Sindel armé d’une grande épée foncer sur moi. Je jurai et me remis debout, me préparant au combat avant de le voir s’effondrer, l’immense épée se plantant juste devant mes pieds. Abasourdie, je regardai la flèche plantée entre les deux omoplates du Sindel avant de relever les yeux vers un Tanaëth couvert de sang qui approchait tant bien que mal. Jabahl'Yr était plus loin, assis sur le sol, visiblement blessé et épuisé. Je m’effondrai de nouveau sur le sable, cherchant mon outre à tâtons avant d’en boire l’intégralité. J’avais bien mérité une petite pause. Voyant Tanaëth regarder autour de lui d’un air étrange, je me levai et le rejoignis en titubant par moment.

- Je suis désolée pour vos compatriotes… vous allez bien ?

Ce n’était vraiment pas le moment qu’il flanche, parce que j’avais tué trois personnes aujourd’hui… et je commençais à m’y faire… merde !


((( HRP : Tentative d'apprentissage de la Posture "Danse de l'Eclipse" commencée plus tôt)))

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Tanaëth Ithil
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Re: Le Désert de Sarnissa

Message par Tanaëth Ithil » mar. 3 sept. 2019 21:41

Yliria et Jabhal'Yr semblent aussi surpris que moi lorsque je leur révèle que nos adversaires sont des Sindeldi. Mais cela ne change rien. Du moins pour eux car je ne peux m'empêcher de repenser à ma rencontre avec Sithi et au rôle qu'elle m'a confié : protéger et guider mon peuple. Et pourtant, voilà que je m'apprête une fois de plus à user de mes lames contre des Elfes Gris... mon père, Maëren, Averenn et quatre de ses gardes, le mage sombre qui l'épaulait, combien des miens devrais-je encore anéantir sous prétexte qu'ils se dressent entre mes buts et moi? Et dans le cas présent, mes objectifs justifient-ils vraiment que je prenne la vie de deux dizaines de Sindeldi parce qu'ils s'en sont pris à des Eruïons, peuple avec lequel nous sommes en guerre depuis des millénaires? Je n'approuve pas ce conflit, ni la manière dont nous traitons les Elfes Bruns, mais cela me donne-t-il pour autant le "droit" de massacrer des Enfants de Sithi? Que ferait-elle à ma place, notre Créatrice? Se rangerait-elle aux côtés de ses fils malgré leurs actes odieux? Considérerait-elle seulement ces actes de la même façon que moi ou, au contraire, trouverait-elle simplement normal qu'ils aient agi de la sorte contre des êtres qui sont, du point de vue de nos dirigeants, des ennemis de notre nation?

Nulle voix divine ne s'élève pour répondre à mes interrogations, bien sûr, comme toujours je suis seul décisionnaire de ce qu'il convient de faire, seul face à mon destin. Même Sindalywë s'abstient d'intervenir, comme si elle n'avait pas non plus de réponse à ces questions. C'est par ma seule volonté que mes lames se meuvent, clame notre devise, mais parfois j'aimerais ne pas avoir à décider, n'être qu'un simple soldat suivant bêtement les ordres qu'on lui donne. Tout serait tellement plus simple...

"Je ne devrais pas avoir de soucis pour des sorts offensifs. Par contre pour les soins… ce sera plus limité."

La réponse d'Yliria me sort sans douceur de mes amères pensées. Allons, puisque décider il faut, décidons :

"Bien. Alors allons-y."

La semi-Shaakte prend encore le temps de lancer un sortilège qui nous pare tous trois d'une sorte d'aura lumineuse, un pouvoir qu'elle a déjà employé sur le navire qui nous a amené dans cet enfer et qui, si je ne m'abuse, sert à renforcer la puissance de nos coups. Elle annonce ensuite être prête, si bien que nous grimpons discrètement jusqu'au sommet de la dune dont je viens tout juste de redescendre afin d'observer une nouvelle fois nos ennemis. Plissant les yeux de concentration en tentant d'échafauder un plan, je m'interroge tout de même sur la pertinence de nous lancer à l'assaut, ne vais-je pas risquer inconsidérément la vie de mes compagnons? Sommes-nous vraiment capables de venir à bout d'autant d'adversaires? S'il n'y avait pas ce foutu mage et le type qui a mis à mal Sëraya je n'en douterais pas vraiment, j'ai affronté seul de plus fortes troupes du côté d'Omyre, mais le fait est qu'ils sont bel et bien là.

(Tu en penses quoi Sindalywë?)

(J'en pense que c'est téméraire, pour changer.)

(Mais encore?)

(Eh bien, je doute que la piétaille puisse vraiment te mettre en danger, mais si le mage a l'occasion de s'en prendre à toi pendant que tu affrontes leur chef, ça va être ta fête...) grommelle-t-elle d'un ton quelque peu indécis.

(On est d'accord.)

Me tournant vers Yliria et Jabhal'Yr, je murmure tout en saisissant ma relique de glace :

"Il y a deux types vraiment dangereux dans le tas : le guerrier qui a blessé Sëraya et, surtout, le mage. Alors voilà comment je vois les choses : je flèche les deux types qui sont entre nous et ce mage pour dégager un peu le passage. Ils vont probablement réagir en se regroupant pour le protéger et, là, tu balances ton sort explosif au milieu d'eux, Yliria. Jabahl'Yr et moi, on profite de la confusion pour leur tomber dessus et essayer d'atteindre le chef. Si nous sommes assez rapides le mage n'osera plus nous attaquer de peur de toucher ses alliés. Là il faudra que tu essayes de le neutraliser au plus vite, Yliria, il est déjà blessé mais ne prends pas de risques inutiles, j'ai surtout besoin que tu me donnes le temps d'éliminer le chef sans me prendre un sortilège dans le museau. Jabhal'Yr, ton rôle c'est de m'aider à frayer un passage jusqu'au chef puis d'aider Yliria une fois que je l'aurai atteint. Prêts?"


Mes compagnons opinant à cette question, j'encoche un trait sur mon arc et me relève vivement pour le décocher avec une précision chirurgicale sur le Sindel le plus proche du mage. Mon projectile s'enfonce dans son aisselle, assez profondément pour avoir atteint ses poumons, sans doute, mais le bougre a largement le temps de pousser un hurlement de souffrance avant de s'effondrer au sol. Je jure sourdement de dépit, personne ne le saura jamais mais c'est sa gorge que je visai! Nos ennemis réagissent plus vite que je ne l'espérai et se précipitent pour adopter une formation défensive tout en dégainant leurs armes, ce qui me fait grogner intérieurement :

(Merde, jamais vu de simples pillards réagir comme ça!)

Seraient-ce en réalité des soldats de l'armée Sindel en mission? J'espère que non parce que, si c'est le cas et que l'un d'eux parvient à s'échapper, nous risquerions de sérieux ennuis. Une simple description de mon équipement suffira pour que n'importe quel soldat de Nessima m'identifie, et là... bonjour Raynna. Quoi qu'il en soit le vin est tiré et il nous faut le boire, aussi décoché-je immédiatement une deuxième flèche sur l'un des adversaires en train de se positionner pour protéger le magicien. Avant même qu'elle n'ait atteint sa cible, en pleine tête cette fois, je remise ma relique de glace et m'empare de mes lames en rugissant :

"Maintenant Yliria!"

La jeune femme n'a pas attendu mon injonction pour agir, visiblement, car déjà une puissante sphère embrasée vole dans les airs en direction de nos ennemis qui achèvent de se regrouper. Suivi de près par Jabhal'Yr, je dévale le flanc de la dune, moitié courant moitié glissant, pour atteindre le rang adverse juste après le sort d'Yliria. Ce dernier explose bruyamment dans la ligne ennemie, projetant plusieurs Sindeldi à terre et provoquant un gros nuage de poussière qui achève de semer la pagaille chez nos adversaires. Mais là encore ils démontrent de solides capacités militaires car, lorsque j'arrive au contact une poignée de secondes plus tard, ils ont déjà resserré les rangs!

(Bon, au temps pour la dentelle...)

Abandonnant toute notion de subtilité, je défonce leur belle organisation d'un enchaînement brutal qui ne leur laisse aucune chance ; ils sont compétents, certes, mais de loin pas assez pour rivaliser avec ma science des armes. Mes terribles reliques m'ouvrent un sanglant chemin dans leurs rangs avant même qu'ils ne réalisent vraiment ce qui leur arrive, fracassant os et protections, fendant les chairs avec autant d'aisance qu'une lame de boucher découpe une tranche de gigot. Dans mon sillage, Jabhal'Yr manie ses katars avec une redoutable sobriété, achevant froidement les blessés et s'efforçant d'empêcher ceux qui ont été épargnés par mon assaut de m'attaquer par derrière. Malgré ce carnage, les Sindeldi restants tentent de s'interposer entre leur chef et moi avec un courage qui, en temps normal, susciterait mon admiration et me pousserait peut-être même à épargner leurs vies. Mais, alors que ma Vorpale éventre atrocement un adversaire et qu'une hache ripe sur mon armure sans m'infliger le moindre dommage, la fureur du combat s'empare de moi et, ivre de sang et de mort, je me laisse emporter par un délectable sentiment de puissance mêlé d'une macabre exultation. Je n'ai plus conscience d'affronter des Enfants de Sithi, ils ne sont plus que des adversaires sans visages que j'aurais oublié dès le lendemain et, tout ce qui importe, c'est que ceux qui se mettent en travers de ma route meurent. J'entends vaguement Sindalywë me hurler mentalement de ne pas me laisser entraîner sur cette pente ténébreuse, mais ses paroles ne trouvent aucun écho dans mon esprit envahi de pulsions meurtrières. Peut-être cela fait-il trop longtemps que j'accumule de la rancoeur envers les exactions de mon peuple, à moins que je n'aie perdu l'habitude de participer à une véritable bataille après les mois passés à Nessima? Je n'en sais rien et je m'en fous, sur l'instant ce ne sont que de fugaces pensées dépourvues de sens et c'est en poussant un féroce rugissement de satisfaction que j'étête un nouvel ennemi.

(Attention à droite) hurle soudain ma Faëra!

Mû par mon instinct autant que par l'absolue confiance que j'ai en ma petite compagne fluidique, je relève précipitamment mon Ardente en position de parade, juste à temps pour contrer un puissant coup de taille que me porte le chef de nos ennemis. Je jure atrocement en parant un coup de sa deuxième lame au moyen de ma Vorpale : je ne l'ai pas vu arriver le saligaud, voilà qui m'apprendra à me laisser dominer par un factice sentiment d'invincibilité! Profitant de ce que son attaque m'ait pris par surprise et légèrement déstabilisé, le maudit enchaîne aussitôt avec un dangereux coup d'estoc qui me contraint à reculer d'un bond hâtif. Seulement, je n'ai pas vraiment l'habitude de combattre sur un sol de sable et je frémis en le sentant se dérober sous la forte poussée que je lui inflige. Ma retraite s'en trouve fortement raccourcie et le cadavre que j'aurais dû enjamber sans problème devient soudainement un obstacle contre lequel bute mon talon! Je récupère sans trop de mal mon équilibre d'une contorsion frénétique mais, aussi preste qu'un serpent, la deuxième lame de mon ennemi s'insinue dans ma garde malmenée et s'enfonce dans mon épaule gauche, pile à la jonction entre mes brassards et les épaulières de mon armure de torse.

Lâchant un jappement de douleur, je recule d'un pas incertain, autant pour retirer l'arme de ma plaie que pour me dégager de mon adversaire, mais ce dernier ne l'entend pas de cette oreille. Me collant aux basques avec un art consommé, il tente de m'asséner un rude coup de taille dans les côtes, que je ne parviens à parer que d'extrême justesse au moyen de mon brassard droit, fort heureusement suffisamment renforcé par les runes qui y sont incrustées pour résister au choc brutal. Surmontant la douleur qui m'assaille d'un difficile effort de volonté, je lui balance férocement ma Vorpale dans la figure, un coup très approximatif qu'il esquive sans peine mais qui le contraint à reprendre un peu de distance.

(Baisse-toi!!!)

Là encore je réagis sans me poser la moindre question, et heureusement car quelque chose me frôle le crâne de si près que j'en sens le déplacement d'air sur mes cheveux.

(Rhâaaa, ils s'y mettent à deux maintenant! Fait ch...!)

Accroupi, je pivote rageusement sur moi-même en tendant mes lames à l'horizontale, si le nouvel arrivant a commis l'erreur de se mettre à portée ses genoux vont déguster... et de fait ils trinquent salement à en juger par l'ignoble fracas d'os brisés produit par mon Ardente lancée à toute volée. Je n'ai pas le loisir de m'en assurer, cependant, alors même que le bougre hurle de douleur mon adversaire principal profite de ma position basse pour tenter de m'asséner un coup brutal de haut en bas, du genre qui fend un type jusqu'au sternum... je me jette fébrilement de côté avec la ferme intention d'effectuer une rapide roulade qui me permettra de me relever à quelques distance du maudit, mais il semblerait que rien ne doive se passer comme prévu aujourd'hui! J'atterris droit sur le ventre d'un corps odieusement pourfendu, sans doute lors de mon premier assaut, une "surface" bien trop molle dans laquelle mon coude s'enfonce au lieu de servir de point d'appui comme je l'espérai pour entamer ma roulade. Je manque vomir, autant en réalisant que je me suis littéralement enfoncé dans ses tripes qu'en humant bien contre mon gré l'abjecte odeur qui en émane, mais un nouvel avertissement de ma Faëra m'incite à dégager de là en urgence. Empêtré dans le cadavre, je suis malheureusement un rien trop lent cette fois et je glapis de douleur en sentant la lame de mon ennemi s'enfoncer profondément dans ma cuisse droite! L'enfoiré a visiblement le don de trouver les failles de mon armure et, si je ne trouve pas très vite un moyen de l'abattre, les deux blessures qu'il m'a infligées saignent tant qu'il n'aura aucun mal à m'achever.

Mais pour l'heure l'urgence est déjà de parvenir à me remettre debout et, pour cela, rien de tel que la menace des flammes de mon Ardente pour inciter mon ennemi à reprendre ses distances. Il recule comme prévu lorsque je taillade les airs de ma flamboyante dans sa direction, ce qui n'a rien de bien étonnant : il ne peut ignorer que chaque seconde qui passe m'affaiblit et le rapproche de la victoire... Je discerne d'ailleurs un sourire malveillant dans ses prunelles, le reste de son visage étant toujours dissimulé par un voile, qui me fait frémir des pieds à la tête. Je n'en parviens pas moins à me relever vivement en grimaçant de douleur et à me remettre en garde sous le regard goguenard de mon ennemi.

(Ah ça te fait marrer, vermine? Attends un peu...)

Mais encore faudrait-il que je parvienne à reprendre l'initiative et à l'attaquer ce qui, pour l'instant, ne semble pas gagné car il fond sur moi en utilisant une technique que je reconnais aussitôt : la Danse des sabres, risquée mais ô combien dévastatrice lorsqu'elle réussit. Bien déterminé à ne pas me prendre un nouveau coup, je lui oppose la non moins redoutable Danse de Moura, priant Sithi pour qu'il ne la connaisse pas. Nos lames s'entremêlent et se séparent au gré de cet échange de haut vol, les lames de mon adversaire me frôlent à plusieurs reprises sans pour autant parvenir à franchir ma défense, fort heureusement. Mais si la Danse marine est d'une rare efficacité en défense, elle ne permet pas d'attaquer et ne résoudra donc pas mon problème. J'ai néanmoins la satisfaction de voir toute trace d'amusement quitter le regard de mon ennemi, remplacée par une lueur de méfiance teintée d'une certaine incrédulité. Aussi, lorsque j'arrive au dernier pas ondulant qui me permet d'esquiver ses assauts, j'enchaîne immédiatement avec la plus difficile des techniques que j'ai acquises: la Danse de l'éclipse. Tournoyant de toute ma vélocité, j'utilise aussi bien mon corps que l'insoutenable éclat du soleil pour dissimuler mes attaques et tenter de le prendre au dépourvu. Il parvient à parer mes deux premières attaques, esquive adroitement la suivante, une autre encore puis, enfin, ma Vorpale trouve la brèche dans sa garde et trace un sanglant sillon sur sa face! Le Sindel beugle de souffrance et, lâchant ses armes, porte instinctivement les mains à son visage ruiné. Un geste qui signe son arrêt de mort car j'en profite sans la moindre hésitation pour lui planter de toutes mes forces mon Ardente dans le ventre, appuyant dessus jusqu'à ce que la garde vienne buter contre son corps. Je la retire néanmoins vivement en voyant ses vêtements prendre feu et, indifférent aux terribles hurlements de souffrance de mon ennemi en train de se consumer, jette un froid regard aux alentours.

Le combat est presque terminé, Yliria a visiblement terrassé le mage et Jabhal'Yr achève son dernier adversaire avant de s'effondrer sur le derrière, visiblement à bout de forces. Mais ce "presque" me fait frémir car un survivant, armée d'une énorme épée, est en train de se précipiter vers Yliria qui, assise pour je ne sais quelle raison, ne parait pas réaliser le danger. Réalisant qu'il est bien trop loin pour que j'aie la moindre chance de l'intercepter à temps, je lâche mes reliques en jurant et m'empare aussi vite que je peux de mon arc pour lui décocher une flèche. Mon tir arriverait bien trop tard si le sol était de pierre, mais il n'est guère aisé de courir dans le sable et mon trait se plante profondément entre les omoplates de l'assaillant avant qu'il n'ait pu atteindre mon amie! Le guerrier s'écroule au sol juste devant la jeune femme en train de se relever, spectacle que cette dernière contemple d'un air abasourdi avant de relever le regard vers moi et de réaliser d'où est venu le projectile. Je lui adresse un pâle sourire puis range mon arc, récupère mes reliques et les essuie sur le premier cadavre venu en frissonnant de tout mon être. Non de froid bien évidemment, il fait une telle cuite que je ruisselle littéralement de sueur, mais parce que c'est à cet instant que je commence à réaliser ce qui vient de se passer.

(Ô Mère... qu'ai-je fait...)

(Oh! Ce qui est fait est fait, te morfondre là-dessus ne sert à rien! C'est avant qu'il fallait réfléchir!)

(Merci, mais alors pour ce qui est de me réconforter, on repassera...)

J'avise alors Yliria qui se dirige vers moi et, peu soucieux de lui laisser voir la honte qui m'envahit, me recompose un visage neutre alors qu'elle me dit :

"Je suis désolée pour vos compatriotes… vous allez bien ?"

Je hausse les épaules et lui rétorque d'une voix atone :

"Ils ont choisi le mauvais camp. Mais ça va... et toi?"

Saisi de vertiges, je m'empare rapidement de ma gourde magique et avale une grande potion de soin pour stabiliser la blessure de ma cuisse, la plus grave des deux, avant de la tendre à la jeune femme :

"Il me reste une grande potion de soin, si tu en as besoin."

J'entreprends ensuite de panser soigneusement mes plaies, puis celles d'Yliria et de Jabhal'Yr si besoin, avant d'aller récupérer mes flèches puis fouiller le corps de mon adversaire en quête d'un indice pouvant m'apprendre qui il était et d'où il sortait. Je récupère au passage tout ce qui me semble intéressant, mais ne trouve rien qui puisse me renseigner ainsi que je l'espérais. Ce n'est qu'en examinant ses épées longues, de très belles armes, que je découvre un symbole qui me fait frémir. Je le montre sans tarder à Yliria en lui précisant à mi-voix :

"Tu vois ce symbole gravé, une lune devant un bouclier? Ce type appartenait à la garnison de Nessima... or les soldats de ma ville natale n'ont rien à faire là, ce sont les troupes de Raynna qui ont la charge du Domaine de Charlùm. Et vu sa manière de se battre, ce n'était certainement pas un simple troupier... Je n'aime pas ça du tout. Ça pue à plein nez la machination, si ces mecs étaient là, c'est qu'ils en avaient reçu l'ordre, et il n'y a pas dix personnes qui ont le pouvoir d'ordonner à des soldats de Nessima de venir dans le coin alors qu'ils n'ont rien à y faire. Surtout pour s'en prendre aux Eruïons en dissimulant leurs visages..."

Peut-être est-ce ce dernier point le plus suspect, d'ailleurs, pourquoi se cacher s'ils avaient réellement l'autorisation d'agir ici? Et pourquoi une telle autorisation aurait-elle été donnée? Si l'armée avait voulu mettre à mal les Eruïons, ce sont les redoutés Fils du Dragomélyn, les troupes d'élite de Raynna, qu'elle aurait envoyé. Plissant les yeux de concentration, j'ajoute après un bref instant :

"Il faut que nous retournions au plus vite à Nessima. Il n'y a que là-bas que nous aurons une chance de découvrir qui état ce gars et ce qui se cache derrière tout ça. Et puis, suivant de quoi il s'agit, Sylënn pourrait bien être en grand danger, je doute beaucoup qu'elle cautionne une telle action, celui qui est derrière ça aurait tout intérêt à l'éliminer sans tarder. Je vais faire revenir un navire au plus vite..."

Tout en rangeant les deux lames dans mon paquetage, je complète en dévisageant la jeune femme :

"Rien ne t'oblige à revenir à Nessima avec moi, mais... je pense tout de même que ce serait plus sage. Nous ignorons tout de ce qui se trame dans le coin, d'autres unités ont pu être envoyées et je préférerais de loin te savoir accompagnée que seule au milieu d'une tribu d'Eruïons susceptible de se faire massacrer n'importe quand."

Une discrète amertume transparaît dans mes derniers mots, mais mon regard déterminé devrait aussi lui indiquer que cela n'arrivera pas s'il est en mon pouvoir de l'empêcher. Et notre meilleure chance d'éviter que cela n'arrive, à mon sens, c'est de couper la tête du serpent, laquelle ne peut se trouver que dans les hautes sphères Sindel. Je m'entretiens rapidement avec Jabhal'Yr afin de m'assurer qu'il est encore en état d'aller chercher les siens pour récupérer la marchandise volée qui est entassée là, puis sors mon nécessaire d'écriture télépathique de mon sac et y rédige un court message à l'attention de Llyann, sachant que cette dernière a l'habitude de ce moyen de contact et qu'elle prêtera donc toute l'attention nécessaire aux pensées qui envahiront son esprit :

(Llyann? C'est Tanaëth! J'ai besoin que tu m'envoies au plus vite un Danse-Lame au point de rendez-vous habituel avec les Eruïons, c'est vraiment urgent. Dis aussi à ma garde personnelle de protéger Sylënn jusqu'à mon retour et sois prudente!)

Le message envoyé, je tourne un regard interrogatif vers Yliria afin de connaître sa décision.

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Yliria
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Re: Le Désert de Sarnissa

Message par Yliria » mer. 4 sept. 2019 23:05

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Le regard que posa Tanaëth autour de lui m’inquiéta quelques instants, me poussant à lui poser une question à laquelle il répondit d’une voix neutre. Cela ne fit que m’inquiéter davantage et je me contentai de hausser les épaules lorsqu’il me demanda si j’allais bien. Physiquement, ça allait, oui. Mais la nausée qui commençait à poindre n’arrangeait pas vraiment mon état de fatigue et la vue des corps, dont un calciné, me fit fermer les yeux quelques instants. Non, décidément, j’avais du mal à m’y faire. Tanaëth me demanda si j’avais besoin d’une potion, mais je secouai la tête négativement. Dans le pire des cas j’avais ce qu’il fallait dans mon sac qui était au sol un peu plus loin, éloigné du combat. Lorsqu’il tenta de bander mes plaies, je le remerciai d’un sourire, usant d’un sort sur une des siennes, celle qui me semblait la plus grave, à la cuisse et fit de même pour notre compagnon Eruïon qui hocha la tête en remerciement. Après cela, j’étais vidée de toute énergie lumineuse, donc je ne pouvais guère être plus utile que cela. Je vis Tanaëth commencer à examiner les corps un à un, ramassant leurs équipements lorsqu’il les jugeait visiblement adéquat.

(Fais de même.)

(Tu sais que je n’aime pas piller des morts c’est… c’est bizarre.)

(Je sais, mais je doute que quiconque ait l’usage du bâton du mage et tu peux sans doute revendre quelques bricoles en rentrant.)

(Cela ne me plaît toujours pas. Je n’arrive pas à m’y faire.)

(Et j’espère que tu ne t’y feras jamais vraiment. Mais tu ne profanes nulle tombe, les morts ne pourront rien te réclamer et personne ne t’en voudra.)

(Pourquoi est-ce que tu me dis de faire ça Alyah… ?)

(Pour que tu comprennes que, parfois, tu devras faire des choses qui te répugnent pour atteindre tes objectifs. Et mieux vaut que tu commences avec ça plutôt qu’avec d’autres plus… discutables.)

(Je ne suis pas sûre d’aimer ça…)

(Je sais Yliria. Mais tu dois t’endurcir, petit à petit.)

(… ‘Chier… je déteste quand tu as raison sur ce genre de choses.)

Elle m’envoya un petite vague de réconfort qui ne m’aida nullement à me décider. Ce fut Tanaëth qui me sortit de mon hésitation en me montrant un symbole gravé sur une épée longue : une lune devant un bouclier. Je l’avais déjà vu quelque part, mais où ? Il me donna rapidement la réponse d’un air grave.

- Tu vois ce symbole gravé, une lune devant un bouclier? Ce type appartenait à la garnison de Nessima... or les soldats de ma ville natale n'ont rien à faire là, ce sont les troupes de Raynna qui ont la charge du Domaine de Charlùm. Et vu sa manière de se battre, ce n'était certainement pas un simple troupier... Je n'aime pas ça du tout. Ça pue à plein nez la machination, si ces mecs étaient là, c'est qu'ils en avaient reçu l'ordre, et il n'y a pas dix personnes qui ont le pouvoir d'ordonner à des soldats de Nessima de venir dans le coin alors qu'ils n'ont rien à y faire. Surtout pour s'en prendre aux Eruïons en dissimulant leurs visages...

Tout allait bien trop vite. Une machination ? Par des hauts gradés ? Pouvait-il y avoir pire nouvelle ? Pas certaine, mais lorsque Tanaëth indiqua qu’il allait rentrer au plus vite à Nessima, découvrir de quoi il en retournait et protéger sa femme qui semblait être un obstacle potentiel selon ses dires, je compris que le danger était réel et bien plus important que je ne l’aurais imaginé. Il me laissa le choix, mais ce qu’il ajouta me décida sans grande hésitation. Des ennemis pouvaient toujours être dans les parages avec des ordres similaires et je n’étais pas de taille, loin de là. Et de toute façon, je m’inquiétais pour Nyllyn qui était à Nessima elle aussi. Si la machination prenait Sylënn pour cible, rien ne garantissait que d’autres, surtout ceux vivant à la commanderie, ne seraient pas blessés, ou pire. Je laissai le temps à Tanaëth de s’entretenir avec Jabhal'Yr et le vis écrire quelque chose avant de se tourner vers moi. Je répondis sans vraiment hésiter

- Je rentre avec vous, je ne suis pas assez folle pour croire pouvoir faire une quelconque différence ici, seule.

En vérité cela m’ennuyait de laisser ainsi les Eruïons, mais que pouvais-je faire ? Je n’allais pas refaire la même erreur en restant seule au milieu du désert, surtout en sachant quel ennemi rôdait ici. J’eus un brusque vertige et jurai doucement. Je n’étais toujours pas reposée et le combat, ajoutée à la chaleur, m’avait épuisé. L’odeur du sang et la vue de tous ces corps au soleil n’arrangeait rien et, m’excusant auprès de Tanaëth, je regagnai un coin d’ombre en ramassant mon sac, grommelant en entendant Alyah me sommer de ramasser l’équipement, mais m’exécutant tout de même. Je pris ce que je pus et ajoutai tout ça à mon paquetage, délaissant l’immense épée du dernier Sindel que je n’aurais jamais eu la force de soulever, veillant cependant à bien prendre le bâton du mage, qui pouvait s’avérer intéressant à étudier. Mon sac me servant d’appui, je m’affalai alors sur le sable, fermant l’œil une poignée de secondes, ne les rouvrant finalement que lorsque la nuit commençait à tomber, de même que la température. Les Eruïons, probablement arrivés là quelques heures auparavant, avaient largement eu le temps de récupérer tout ce qui pouvait l’être et semblaient prêts à lever le camp.

Je me relevai en vitesse, rangeai et chargeai mon sac sur mon dos avant de rejoindre un Tanaëth toujours soucieux. Seraya me fit un signe de tête et il ne fallut pas longtemps avant que tout le monde ne reparte. Nous nous détachâmes néanmoins rapidement avec trois autres Eruïons chargés de nous emmener jusqu’au point de rendez-vous avec les bateaux de l’Ordre, les autres continueraient leur route vers leur tribu. Seraya me prit néanmoins à parti quelques instants, me fixant d’un air étrange avant de parler.

- Sache que moi et les miens te sommes reconnaissants pour ton aide, ton intérêt et la franchise. Si par hasard tu souhaitais de nouveau partager avec ma tribu, sois assurée que tu seras la bienvenue, jeune elfe sombre.

- Je… merci.

Un rictus ressemblant vaguement à un sourire apparut sur son visage puis elle reprit la route avec la majorité des gens de son peuple tandis que notre petit groupe prenait la direction du lieu de rendez-vous. De nouveau une marche éreintante dans un froid nocturne glacial ou sous un soleil accablant. Les pauses étaient restreintes pour atteindre au plus vite notre objectif, mais je peinai de plus en plus à mesure que nous avancions, jetant un regard équivoque à Tanaëth lorsque je trébuchai sur une aspérité du sol. Il m’avait eu une fois, pas deux. Mais par chance, nous n’avions pas parcouru une distance phénoménale à l’aller et le trajet, bien qu’éprouvant, fut court, à peine plus d’une journée et demi en comptant la petite nuit de sommeil qu’on m’accorda. Lorsque la baie fut enfin en vue, je soupirai de soulagement et, après avoir remercié les Eruïons qui repartirent après une pause qui me parut bien courte, il ne restait plus qu’à attendre. Profitant d’une méditation de Tanaëth, je profitai de la mer sans trop m’éloigner du rivage. En voyant mon corps en plein soleil, je notai la différence notable d’avant mon intégration dans l’ordre. J’avais changé, je m’étais musclée sans m’en rendre vraiment compte à force de voyages et d’aventures, avait gagné en endurance et en agilité aussi.

(Oui, et y’a pas que ça qui a changé.)

(Tu veux dire que je me débrouille mieux ?)

(Je veux surtout dire que l’adolescence commence à se faire sentir… Encore quelques années et les garçons n’auront d’yeux que pour toi.)

(Oh, c’est très fin ça, merci Alyah. D’autres remarques Ô combien pertinentes en réserve ?)

(Oui, il serait temps que tu changes de vêtements une fois rentrée. Ça commence à devenir un peu ridicule tes guenilles.)

Je levai les yeux au ciel en retournant sur la plage, me rhabillant en sachant très bien que le soleil aurait tout fait sécher d’ici quelques minutes. Elle avait de ces remarques parfois… J’attendis patiemment que Tanaëth sorte de cet état méditatif qui lui tenait lieu de sommeil pour lui poser une question toute bête.

- Dites, comment vous comptez contacter l’Ordre ? Le temps que le message fasse l’aller et qu’ils envoient un bateau, on va en avoir pour plus d’une semaine non ?

Il me sourit en réponse, me tendant un nécessaire pour écrire. Cela me fit hausser un sourcil dubitatif avant de comprendre qu’il y avait une histoire de magie là-dessous. Avant que je ne puisse étudier plus en avant l’objet, Tanaëth se chargea de m’en expliquer l’intérêt.

- Grâce à ceci. Si tu écris dessus et que tu penses à une personne connue, elle recevra le message dans son esprit. Mais ça peut évidemment surprendre la personne, si elle ne connaît pas la télépathie. Tu peux essayer si tu veux. Et effectivement. Mais j'ai contacté Llyann pour lui demander de nous renvoyer un navire au plus vite et je sais qu'elle aura agi sans délai.

Je ne répondis pas, examinant l’objet sous toutes les coutures en essayant d’en comprendre le fonctionnement, en vain. Ce genre d’objet était incroyable, un vrai petit bijou. Je le lui rendis avec précaution et le regardai le ranger en me demandant où il avait bien pu dénicher un objet pareil. Il me sortit de ma réflexion avec une remarque qui me laissa pantoise.

- Et je pense que tu peux cesser de me vouvoyer, tu ne crois pas ?

- Ah… oui, bien sûr. C’est juste que comme tout le monde le faisait… Merci Tanaëth.

Il était vrai qu’après avoir combattu ensemble et s’être mutuellement sauvé la vie, le vouvoyer était un peu…étrange. Tant que cela n’était pas une nouvelle excuse pour certains pour répandre des rumeurs dans mon dos ou le sien, cela m’allait parfaitement. Finalement rassurée sur le fait qu’un message était déjà parti et qu’un probable bateau était en route, je m’attelai à nettoyer mon équipement, vérifier mes affaires, raccommoder ce qui pouvait l’être et soigner chacune des blessures encore visibles jusqu’à être parfaitement en forme lorsque le bateau fut visible quelques jours plus tard. On nous conduisit rapidement à bord où le capitaine vint saluer Tanaëth. J’allais en profiter pour poser mes affaires, mais le capitaine se tourna ensuite vers moi avec un étrange sourire.

- J’imagine que tu es Yliria ?

- Euh… oui ?

J’avais un mauvais pressentiment.

- Fëwell ! Apporte donc le cadeau du mousse !

Un Sindel se précipita vers l’escalier et disparut dans la cale, remontant quelques minutes plus tard avec… une grosse pince de couleur sombre. Il la déposa juste devant moi et me salua avec un sourire avant de reculer. Mes yeux allèrent de la pince au capitaine sans comprendre, et il finit par expliquer.

- Avant que nous ne partions, un autre navire, en bien piteux état, est arrivé au port. Apparemment, la Peste-Mer les aurait attaqués et ton nom, tout comme celui du Seigneur Ithil a largement été diffusé en tant que tueur de cette maudite bestiole. Tous les marins du Naora, voire de tout Yuimen connaîtront bientôt vos noms et sauront ce que vous avez fait.

Je le regardai avec un air un peu gêné sur le visage, ne sachant pas trop si j’étais censée dire quelque chose ou non, mais il n’avait apparemment pas terminé.

- Un mousse du bateau, Livwaë je crois, lorsqu’il a appris que nous allions vous chercher, nous a donné ça et a insisté pour que tu l’obtiennes. C’est une pince de la créature, considère-la comme une preuve et un trophée. Et si te balader avec une grosse pince de crustacé ne t’enchante pas, ce que je peux comprendre, je suis sûr que tu pourras en tirer quelque chose auprès d’un forgeron talentueux.

Sans plus de cérémonie, il prit la pince et ma la fourra dans les bras. Sans être lourde, elle était grande et franchement encombrante. Au moins elle ne puait pas, elle avait visiblement était vidée et nettoyée. Ça restait tout de même une grosse pince dont je n’avais absolument aucune idée de quoi faire.

- Je… merci.

- C’est nous qui te remercions gamine. Les mers seront plus sûres désormais.

Le capitaine me tapota la tête avant de donner ses ordres. Je jetai un œil dubitatif à un Tanaëth visiblement amusé et soupirai en allant déposer tout mon barda, pince comprise, là où je pourrais dormir. J’entendis Alyah marmonner dans mon esprit et fronçai les sourcils en l’entendant ricaner.

(Tu m’expliques ?)

(Ce Livwaë, on peut dire qu’il….)

(Alyah…)

(… en pince pour toi.)

(Oh pitié…)

Elle éclata de rire face à ma mine déconfite et, plutôt que de chercher à la calmer ou la détromper, je retournai m’asseoir sur le pont avec la petite rune que j’avais retrouvé au fin fond de mon sac. Assise en tailleur à un endroit où je ne gênerais personne, j‘examinai la pierre tout en essayant d’en comprendre la signification.

(Franchement, elle n’était pas si nulle … si ?)


Suite >>


(((Identification de la rune Tem)))
Modifié en dernier par Yliria le sam. 7 sept. 2019 04:36, modifié 1 fois.

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Re: Le Désert de Sarnissa

Message par GM Apprenti 1 » mer. 4 sept. 2019 23:25

Intervention pour Yliria


La jeune femme, après un moment de concentration, parvint sans mal à identifier la rune : "Tem" était son nom divin, ce qui signifiait "Esquive" en langue commune.
.

De l'autre côté du miroir... Mais je vous aiderai sans vous décevoir !
GM en apprentissage, dégagez le passage !

.

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Tanaëth Ithil
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Re: Le Désert de Sarnissa

Message par Tanaëth Ithil » mer. 11 sept. 2019 15:45

La jeune femme, après avoir passablement guéri ma plaie à la cuisse ainsi que les blessures les plus graves de Jabhal'Yr, répond à ma question de savoir si elle préférait rester ici avec les Eruïons ou rentrer avec moi à Nessima :

"Je rentre avec vous, je ne suis pas assez folle pour croire pouvoir faire une quelconque différence ici, seule."

J'incline légèrement le visage, soulagé de cette décision que je juge empreinte de sagesse, puis vais m'installer dans un coin pour méditer quelques heures, le temps de récupérer du combat et de la marche forcée qui a précédé. Une fois ressourcé, physiquement du moins car mentalement je ne suis pas près d'encaisser le fait d'avoir tué autant des miens, je récupère une pelle dans le matériel volé et entreprends d'enterrer les morts que je déleste de tout matériel pouvant être utile aux Elfes Bruns. Une tâche longue et pénible, sous le soleil brûlant du désert, mais au moins l'effort m'évite-t-il de trop réfléchir et de me laisser aller à mon amertume. Le jour viendra où je devrai rendre des comptes à Sithi mais, d'ici là, force me sera de vivre avec le poids de mes actes. Quelques heures plus tard les Eruïons, prévenus par Jabhal'Yr, nous rejoignent et se mettent aussitôt en demeure de récupérer tout ce qui leur avait été dérobé par mes compatriotes tandis que Sëraya s'approche de moi d'un air grave après avoir contemplé les traces du combat et l'empilement de matériel que j'ai mis de côté :

"Jabhal'Yr m'a appris ce qui s'était passé. Une fois encore tu t'es dressé contre les tiens pour nous venir en aide... Je suis heureuse que tu ne sois pas notre ennemi, Elfe de Lune. Nous n'oublierons pas. Que vas-tu faire, maintenant?"

"Yliria et moi allons retourner à Nessima. Quelqu'un de puissant cherche à attiser le conflit qui oppose votre peuple au mien, nous allons essayer de trouver de qui il s'agit et de mettre un terme à ses agissements."


Et cela même s'il me faut prendre la vie d'autres Enfants de Sithi, songé-je la mort dans l'âme. Pour être franc avec moi-même, j'ai su que cela serait inévitable dès le jour où j'ai accepté de reprendre les rênes de l'Opale mais, aujourd'hui, je mesure pleinement la différence entre savoir quelque chose et le vivre. Quoi qu'il en soit, Sëraya se contente d'un hochement de tête en guise d'acceptation puis, quelques instants plus tard, Yliria et moi, accompagnés de trois Eruïons, nous mettons en route pour la baie où nous retrouverons en principe le Danse-Lame qui nous ramènera à Nessima. Nous y parvenons sans encombres après une rude mais relativement courte marche et, après que les Elfes Bruns nous aient quitté et que nous ayons pris un peu de repos, Yliria se décide à venir m'interroger :

"Dites, comment vous comptez contacter l’Ordre ? Le temps que le message fasse l’aller et qu’ils envoient un bateau, on va en avoir pour plus d’une semaine non ?"

Je lui souris légèrement et sors mon nécessaire d'écriture télépathique de mon sac pour le lui tendre en lui expliquant :

"Grâce à ceci. Si tu écris dessus et que tu penses à une personne connue, elle recevra le message dans son esprit. Mais ça peut évidemment surprendre la personne, si elle ne connaît pas la télépathie. Tu peux essayer si tu veux."

"Mais elle ne pourra vous répondre ?"

"Effectivement. Mais j'ai contacté Llyann pour lui demander de nous renvoyer un navire au plus vite et je sais qu'elle aura agi sans délai."

La jeune femme examine l'artefact sous toutes ses coutures avant de me le rendre, visiblement un peu perplexe face à cette magie rarissime. Une pensée me venant soudain, j'ajoute avec un petit clin d'oeil :

"Et je pense que tu peux cesser de me vouvoyer, tu ne crois pas ?"

Ma proposition semble la surprendre, mais elle l'accepte néanmoins sans trop d'hésitation :

"Ah… oui, bien sûr. C’est juste que comme tout le monde le faisait… Merci Tanaëth."

Quelques jours plus tard, c'est avec soulagement que je distingue les voiles du Danse-Lame requis à l'horizon, nos réserves d'eau et de nourriture étant quasiment épuisées. Une fois à bord le capitaine, après m'avoir salué et s'être enquis de notre destination, s'assure que la jeune femme qui m'accompagne est bien Yliria et ordonne à l'un des matelots de lui amener le "cadeau du mousse", lequel s'avère être l'une des pinces de la monstrueuse créature que nous avons affrontée à l'aller. La jeune femme semble bien empruntée par cet encombrant présent et me jette un coup d'oeil dubitatif auquel je ne réponds que par un sourire amusé. Comme le précise le capitaine, il doit être possible de tirer quelque chose d'intéressant de cette pince aussi solide que les meilleurs métaux, ce qui en fait un beau présent.

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Gamemaster7
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Re: Le Désert de Sarnissa

Message par Gamemaster7 » sam. 5 oct. 2019 12:44

Émergence : màj pour Astérie et Yliria


Les trois Eruïons saluèrent d'un sobre hochement de tête les deux aventurières, leur attention toute entière tournée vers Astérie et son Silnogure. Etonnement, curiosité et méfiance se mêlaient dans leurs regards mais, après un temps de silence, le vieux Jabahl'Yr finit par se tourner vers Yliria pour lui répondre avec fatalisme :

"Les Sindeldi sont toujours prêts à se battre et à nous exterminer. La guerre est déjà sur nos terres, jeune Yliria, elle n'a jamais cessé depuis leur arrivée dans notre pays. Voilà cinq jours, ces maudits ont massacré une vingtaine des nôtres dans l'un de nos refuges souterrains. Des femmes et des enfants, pour la plupart."

Il haussa les épaules et ajouta calmement, quoique un éclat de colère fusse visible dans ses prunelles d'améthyste :

"Au moins sont-ils libérés des souffrances de l'existence, mais les Sindeldi devront payer pour ça."

Il désigna ensuite le nord-est d'un geste vague :

"Notre tribu s'est rassemblée, et Sëraya m'a dit de vous conduire à nos cavernes. Venez, nous avons une longue marche devant nous. Cinq nuits, si tout va bien."

Sans un mot de plus, il se mit en route d'un pas rapide. La terrible chaleur de cette fin de journée ne tarda pas à baisser tandis que le ciel se parait de couleurs flamboyantes allant de l'orangé au plus sombre mauve, formant un dais presque matériel qui avait un petit quelque chose d'oppressant. Le sable jaune de la côte se parsema bientôt de roches rouge sang, la nuit se fit plus profonde et le froid si vif que, très vite, chaque expiration produisit un petit nuage de vapeur. Une heure encore et le désert se couvrit de givre tandis que, immense et plus lumineuse que nulle part ailleurs, la lune, à l'état de fin croissant encore, se levait, répandant sa pâle lueur sur l'immensité sans fin de sable et de roches et faisant scintiller les cristaux gelés comme des diamants. A cet instant, Jabahl'Yr prévint Astérie et Yliria :

"Regardez où vous mettez les pieds, les scorpions sortent de leurs tanières."

Et de fait, les deux jeunes femmes ne tardèrent pas à en voir un, noir comme le charbon, de la taille d'une main, puis un deuxième et d'autres encore. Les heures s'écoulèrent, harassantes malgré le froid car les Eruïons, visiblement très à l'aise malgré la difficulté de marcher dans du sable meuble, maintenaient un rythme d'enfer. L'aube finit par se lever, répandant ses ors sur le sable désormais noir du désert de Sarnissa et la roche sombre de l'Akuynra dont le petit groupe s'approchait visiblement. Avec le lever du soleil revint la chaleur, de plus en plus écrasante, largement plus terrible que celles ressenties jusque là par les deux jeunes femmes. Enfin, les Eruïons s'arrêtèrent et entreprirent de tendre des toiles ocres au creux d'une grande dune, de manière à former de sommaires abris contre l'ardeur de l'astre diurne. Jabahl'Yr les désigna avec un léger sourire, mais son ton était des plus sérieux :

"Nous venons d'entrer dans le Dragomélyn, le désert profond, mettez-vous à l'ombre et reposez-vous, si vous voulez survivre jusqu'à ce soir. Economisez votre eau, mais buvez régulièrement une ou deux gorgées, n'attendez pas d'avoir vraiment soif. Et ne touchez pas le sable qui est au soleil avec votre peau nue, vous vous brûleriez. Cela vaut aussi pour votre Nenlartëa, femme aux cheveux de feu."

La journée s'écoula, si chaude que faire le moindre geste prenait des allures d'effort insurmontable puis, le soleil se couchant, la marche infernale reprit et le froid reprit ses droits, plus perçant encore que la veille semblait-il. A l'aube du cinquième jour, le petit groupe avait rejoint les premiers contreforts de la chaîne volcanique et, après les avoir longés durant deux heures de plus, Jabahl'Yr désigna soudain un gros promontoire rocheux :

"Nous sommes presque arrivés."

Un quart d'heure plus tard, ayant contourné le promontoire, la vaste entrée d'une caverne apparut, invisible à moins d'être devant. Plus étonnant, un torrent s'y déversait, jaillissant d'une faille du massif volcanique située à moins d'une centaine de mètres de là. Une fois qu'ils furent parvenus à hauteur du porche, un spectacle aussi surprenant que la présence du torrent attendait les deux jeunes femmes, que le vieil Eruïon présenta avec fierté :

"Voici le refuge le plus sacré de notre tribu."


Image

*****


Gains et récompenses :

Astérie : rp du quotidien : 0,5xp, interactions avec Yliria : 0,5xp, affronter une pluie de feu : 2xp ; Total : 3xp
réputation : Danse-Lames : a sauvé plusieurs marins.

Yliria : rp du quotidien : 0,5xp, interactions avec Astérie : 0,5xp, affronter une pluie de feu : 2xp ; Total : 3xp
réputation : Danse-Lames : a sauvé plusieurs marins.

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Yliria
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Re: Le Désert de Sarnissa

Message par Yliria » jeu. 10 oct. 2019 22:29

<< Auparavant
La traversée du désert


Les premiers mots de Jabahl'Yr, après un silence que je trouvai pesant, me figèrent et je baissai la tête, penaude, en apprenant que des Sindeldi avaient massacré femmes et enfants il y a peu. Et évidemment, la vengeance transparaissait dans la voix de l’Eruïon. Ils devront payer.Le cercle infernal de la haine ne cessera jamais. Bien hypocrite de ma part, de leur jeter ainsi la pierre alors que j’avais la même rage, enfouie, quelque part, le même désir de vengeance. Mais je ne condamnais pas tout un peuple en agissant ainsi, alors qu’eux, Eruïons ou Sindeldi, condamnaient des milliers, peut-être des millions, à mourir. Je hochai la tête, silencieuse, lorsqu’il désigna d’un geste vague le nord-est, affirmant que sa tribu s’était réunie, à cinq nuits de marche d’ici. Sans rien ajouter, il partit et, lâchant un soupir, je lui emboîtai le pas. Je me sentais mal à présent, ressassant les paroles du vieil Eruïon. Comment empêcher deux peuples qui se haïssaient à ce point de s’entretuer ? Je me trouvai stupide, soudainement, à penser que j’avais la moindre chance sans y réfléchir intensément. J’étais partie sans y penser, convaincue que c’était la bonne solution, mais en voyant la colère dans les yeux de Jabahl’Yr, je venais de prendre conscience que je m’étais largement sur estimée.

La nuit ne tarda pas à tomber et avec le coucher du soleil, vint le froid, vif et mordant. Je resserrai ma cape autour de moi et m’approchai un peu d’Astérie avant de concentrer mes fluides, faisant légèrement rougeoyer ma peau, diffusant une douce chaleur pour atténuer le froid, autant pour elle que pour moi, ne serait-ce qu’un peu. Cela avait le mérite de ne pas me faire claquer des dents, même si cela n’était pas suffisant pour combattre totalement le froid. Heureusement, la marche avait de bon que mon corps se réchauffait un peu de lui-même en bougeant ainsi. Je levai les yeux lorsque Jabalh’Yr nous mit en garde et me sentis un peu idiote, soudainement. C’était quoi ça, un scorpion ? Mais la réponse ne tarda pas et une créature noire apparut. De la taille d’une main, elle possédait des pinces et un dard au bout d’une queue étrangement redressée. La façon qu’elle avait de se déplacer, avec ses six pattes, me fit penser à une araignée et je détestai instantanément cette horreur, le surveillant du coin de l’œil, prête à la faire flamber si elle approchait. Et il en vint d’autres, à intervalle régulier, souvent plus gros que le premier. Je n’avais aucune idée de ce que ces choses pouvaient faire, et je n’avais pas très envie de le découvrir et gardai ma rapière à portée de main.

Les heures filèrent, épuisantes à force de marcher à un rythme éprouvant, le sable n’arrangeant absolument pas les choses, mais j’avais un peu d’expérience et ne trébuchais pas trop souvent. La nuit fit place à l’aube et l’aube apporta la lumière et la chaleur. Au début bienfaisante, elle augmenta rapidement pour redevenir infernale. Les Eruïons décidèrent d’une halte et tendirent de grandes toiles ocres dans le creux d’une dune et Jabalh’Yr nous conseilla de nous reposer, de boire et de ne pas toucher au sable en plein soleil, sous peine de nous brûler. Je hochai la tête et ne me fit pas prier. Une fois à l’ombre, j’ôtai mon burnous, ma cape, mes bottes et mon armure, ne gardant que ma tunique et mon pantalon, faisant une boule avec le burnous pour m’installer avec l’intention de piquer un somme. Je me sentis partir avant même de manger quelque chose et ce fut la soif qui me réveilla, un moment plus tard. Par Meno, j’avais si chaud… c’était bien pire que la dernière fois. J’avalai deux gorgées d’eau, sentant à peine la différence, avant de jeter un œil autour de moi. La chaleur créait ces petites zone floues au-dessus du sol qui attirèrent mon regard quelques instants avant que mes yeux ne se posent sur les Eruïons qui semblaient se ménager, bougeant peu. Je suai à grosse gouttes, mais gardai les conseils de Lichia et n’essuyai rien, pour que mon corps se régule correctement. Je bus une nouvelle gorgée et me rallongeai, cherchant de quoi occuper mon esprit et finis par sortir la petite rune que le capitaine m’avait offert. J’étais certaine de ne pas la connaître et, n’ayant rien d’autre à faire, m’y intéresser semblait une bonne idée. Je la retournai entre mes doigts, surprenant le regard d’Astérie et en désignant du doigt la petite pierre avec un sourire.

- Comme on a rien à faire, j’allais me pencher sur son cas. Tu veux que je te dise ce que la tienne signifie ? Je peux percevoir leurs effets sans les utiliser, c'est assez pratique.

Visiblement l’idée sembla lui plaire, mais elle avoua sa totale méconnaissance sur le sujet, ne sachant pas ce qu’une rune pouvait être. Elle en sortit pourtant trois autres en me demandant si je saurai les traduire. Je hochai la tête tout en les prenant délicatement, les examinant une seconde en remarquant que je n’en connaissais aucune des quatre.

- Oui bien sûr ! Ce sont des runes, des pierres divines. Tu peux les utiliser en prononçant leur nom, mais j'ai jamais essayé et ça les fait disparaitre apparemment. Sinon tu peux demander à un artisan magique de les incruster, regarde.

Je me retournai, le regrettant aussitôt avec la chaleur écrasante. Le moindre geste semblait empirer la chaleur et soulever mon bouclier, pourtant léger, fut une épreuve dont j’aurai dû me passer. Je montrai néanmoins le contour à Astérie, là où l’on pouvait aisément voir les runes gravées luire légèrement.

- ça permet de donner des effets aux objets, je trouve ça génial !

Bien que je n’avais pas encore eu l’occasion de voir si les effets étaient bel et bien utiles… Astérie sembla vraiment impressionnée par ce qu’elle voyait, trouvant cela joli en se demandant comment ça rendrait sur son arc. Mais puisqu’elle ne connaissait rien à leur sujet, elle demanda comment faire, si elle ne connaissait pas leur signification et je lui répondis avec un sourire.

- Tu peux aller dans les boutiques magiques pour demander à ce qu'on te dise ce qu'elles signifient, et j'ai jamais payé pour avoir l'information donc c'est simple. Sinon faut avoir de la chance et tomber sur quelqu'un qui arrive à les comprendre... comme moi. Je suis gentille, je te ferai rien payer non plus.

Je terminai ma boutade par un sourire auquel elle répondit, me demandant si je pouvais traduire celles qu’elle possédait, en plus de la mienne.

- Oui... je les connais pas, donc ça va me prendre un certain temps par contre, ne sois pas pressée.

Heureusement, le soleil était encore haut et plusieurs heures allaient encore passer avant que les Eruïons choisissent de repartir. Je me concentrai donc sur les petites pierres, tentant de percevoir leur signification.


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(((HRP : identification de la rune Aov pour Yliria, et des runes Bet, Yaru, Aojy et Tao pour Astérie )))

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Gamemaster7
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Re: Le Désert de Sarnissa

Message par Gamemaster7 » ven. 11 oct. 2019 12:05

Émergence : intervention pour Yliria et Astérie

A force de concentration et d'analyse, la jeune enchanteresse parvint à identifier la première rune, "Aov", qui symbolisait l'élément "Feu". Puis ce fut au tour de la rune offerte à Astérie par le capitaine et son équipage, "Bet", signifiant "Vie", un précieux présent en ces temps troublés. Quant à "Aojy", il s'agissait sans aucun doute d'un verbe : "Transformer", alors que la rune "Tao" désignait la "Magie". "Yaru, enfin, désignait un animal : le "Loup".

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Asterie
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Re: Le Désert de Sarnissa

Message par Asterie » ven. 11 oct. 2019 14:32

À notre approche, je sens le regard des trois inconnus peser sur moi avec attention. Sur moi et Daelyrn. Font-ils le rapprochement avec mes actes passés, en des lieux sombres de ce désert ? Rien dans leur attitude ne me l’indique. Ils restent un instant silencieux, dans un silence gênant mêlé de soupçons, avant que l’un d’eux ne parle enfin, s’adressant à Yliria, qu’il semble connaître. Son discours n’est pas fort joyeux, et il explique que la guerre est déjà entamée, depuis des milliers d’années. Une vue de l’esprit que je peux comprendre : ils en sont les victimes permanentes, reclus dans des terres hostiles à la merci de la prétention grise. Il évoque un massacre récent, cependant, dans des refuges souterrains, qui appelle vengeance. Je baisse la tête, défaite. Et nous représentons, ici, ceux qui en sont responsables. Enfin, presque. Mais à leurs yeux, ça pourrait le paraître.

L’aîné du trio poursuit en nous indiquant qu’il a reçu l’ordre de sa matriarche (ou en tout cas celle que je devine comme l’étant), une certaine Sëraya, de nous conduire à elle, dans leur refuge cavernicole. Cinq jours de marche nous attendent. Nuits, plutôt, comme il le précise bien vite, la chaleur du désert étant trop puissante pour marcher de jour. Le crépuscule, magnifique, peint de teintes violacées se mêlant à de l’orange mordoré, presque matériel tant il est écrasant de sa présence, ne tarde pas à tomber, et avec lui les températures. Celles-ci se font plus supportables, avant de devenir carrément fraîches à mesure que les teintes ocre et rouges du désert se font bleues et nocturnes. Une fraicheur bienvenue, et pour tous, comme le rappelle notre guide, indiquant de-ci de-là de petites taches sombres mouvantes sortant du sable ou du couvert de rochers. Des scorpions. Suivant ses conseils avec attention, je guette où mes pieds se posent : ni sur l’un d’eux, ni trop proche non plus, de peur qu’ils considèrent ça comme une agression. Deux à trois fois, je rappelle mentalement Daelyrn qui, poussé par une curiosité maladive, tente de s’approcher d’eux pour les renifler. Il obéit sans peine à mes conseils, heureusement, comprenant le danger que ces animaux représentent.

Pour contrer le froid de la marche nocturne, Yliria s’approche de moi, luisant d’une aura rougeâtre liée au feu. La magie, bien pratique en cette occasion. Mais par le sang, pourquoi ne manie-t-elle pas la glace, pour les lendemains de fournaise qui nous attendent ?

Lorsque la nuit cède au jour, en une aube radieuse et déjà écrasante de chaleur. J’appelle silencieusement à une pause, la randonnée ayant été plus que rythmée, sur un terrain difficile à la progression. Foutu sable. Et c’était loin d’être fini. Je ne suis cependant entendue que lorsque j’ai l’impression de fondre en cascades suantes, capuchon rabattu loin en avant pour protéger ma peau sensible de ce soleil agressif. Les Eruïons installent, ci et là, des abris de fortune pour nous protéger des rais mortels de cet agressif soleil. Celui qui depuis le début se comporte comme un chef d’escadrille nous donne quelques conseils avisés : le repos. L’eau à user avec parcimonie et stratégie, et… un rappel du sable brûlant qui causerait cloques et brûlures à qui oserait y poser la peau, même Daelyrn. J’opine du chef, prenant son conseil à la lettre en m’approchant de mon silnogure pour envelopper ses pattes dans des bandages de tissu, afin de m’assurer qu’il ne soit pas meurtri par la chaleur du sol.

Je note avec un sourire, au passage, le surnom que me donne l’Eruion qui ne s’est toujours pas présenté : Femme aux cheveux de feu. Ils ont vraiment peu l’habitude de ce détail de pilosité, par ici.

L’amusement passa rapidement, par contre, lorsque la chaleur, que je trouvais déjà puissante, se fait encore plus forte. Insoutenable. À l’abri sous leurs refuges, camouflée dans ma cape anti-soleil, je ne bouge plus d’un poil. J’ai l’impression de me dessécher sur place, suffoquant. Je n’ai pas même la force de parler. Je somnole, par moments, mais je ne peux guère trouver un sommeil confortable dans ces conditions. Je ne néglige pas l’hydratation de mon Nenlartëa. Que l’ai-je pris avec moi dans cette tourmente sèche, lui qui aime tant se baigner ?

À un moment, mon regard est attiré par Yliria qui tripote un petit bout de roche. Celui-là même offert par le capitaine du Danse-Lame. La curiosité me redonne un brin d’énergie, et je réponds par la positive lorsqu’elle me demande si elle peut traduire la mienne.

« Oh, oui. Même si j'ignore un peu ce que c'est... J'ai d'autres cailloux gravés qui y ressemblent un peu. Tu saurais les traduire aussi ? »

Sortant celle du capitaine, je farfouille mon sac pour dénicher les trois autres qui y traînent depuis quelques temps maintenant. En provenance de ce-même désert, elles aussi. Yliria accepte de bonne grâce et m’explique leur utilité. Il s’agit de runes, des pierres divines disparaissant lorsqu’on prononce leur nom, libérant leur pouvoir. Une autre utilisation de celles-ci est de les incruster sur des pièces d’équipements. Elle m’en montre un exemple sur son bouclier, précisant que ça lui donne des effets spéciaux. Impressionnée, je rétorque :

« Wah, c'est plutôt joli en plus. ça donnerait bien sur mon arc. Mais... comment je fais si je ne connais pas leur nom ? »

Souriante, comme une maîtresse à un élève posant une question ingénue, elle rétorque que je peux me faire aider dans une boutique spécialisée en magie. Un service que les savants rendent généralement gratuitement. Bon à noter. Elle précise ensuite pouvoir elle-même les traduire, arguant qu’elle ne ferait pas payer non plus, par gentillesse. Répondant à son sourire, je profite de son offre :

« Ah ben... Et tu saurais les traduire, celles-ci ? »

Je lui tends les pierres, qu’elle récupère en hochant la tête, précisant que ça lui prendra un moment. Je la laisse faire, retournant à quelques papouilles sur Daelyrn à moitié endormi dans une sieste de rigueur, mais assez vite, la petite me donne la signification des quatre runes. La rune « Vie », offerte par le capitaine du navire. Elle m’arrache un sourire. Les suivantes sont les runes « Transformer », « loup » et « Magie ». Je suis très impressionnée par ses connaissances, et par ma possession de tels artefacts.

« Woah. C’est trop impressionnant. Merci ! Je… je risque pas de les utiliser de sitôt, j’ai pas encore tout à fait bien compris le concept. »

Je me sens un peu naze à côté d’elle, avec mes connaissances sur les empreintes d’animaux et sur les noms des arbres et des plantes forestières. Elle promet de m’accompagner si on trouve un artisan capable de les travailler, précisant qu’il expliquera sans doute mieux qu’elle. En attendant, elle me conseille de les garder précieusement, car il s’agit d’objets rares. Opinant du chef à nouveau, je les range avec délicatesse dans ma bourse, remerciant une nouvelle fois la sang-mêlé, et me retournant pour tenter une nouvelle fois de trouver le sommeil.

J’y parviens finalement, épuisée, et me fais réveiller trop tôt par la reprise de la marche, à la tombée du soir. Cinq jours semblables, longs et pénibles, à greloter de nuit, et à suffoquer de jour, ont raison de moi. Lorsque nous arrivons enfin à destination, je dois ressembler à un mort vivant tant je suis fourbue et épuisée. Je ne réagis même pas lorsque notre guide sans nom nous indique être bientôt arrivés.

Devant le spectacle qu’il présente fièrement comme le refuge le plus sacré de leur tribu, je reste cependant pantoise. Comme devant une hallucination, refusant presque d’y croire. À mon côté, Daelyrn jappe de bonheur : devant nous, une chute d’eau, encadrée de maisons troglodytes creusées dans la roche friable d’une grotte à l’abri du soleil. De rares, si rares plantes vertes s’épanouissent dans cet environnement foutrement surprenant au milieu de cet enfer de chaleur et de sable. Je mets quelques secondes à me remettre, me frottant les yeux pour être certaine de ne pas rêver. Un commentaire m’échappe, sans doute influencé par la pressante envie de Daelyrn…

« C’est… magnifique. Et… on peut s’y baigner ? »

Tout mon corps n’aspire qu’à ça. Et que dire du silnogure, qui tourne en rond d’impatience, fébrile. Un délire de lieu saint interdit à tout visiteur serait une nouvelle terrible… En réalité, n’ayant vu où cette chute menait, j’ignore même s’il existe un endroit viable où faire trempette. De toute façon, là, je ne suis capable de penser à rien d’autre qu’à un peu de détente et de repos. Je me penche un peu au-dessus du vide pour voir où la chute mène, attendant la réponse de l'aîné…

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Yliria
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Re: Le Désert de Sarnissa

Message par Yliria » ven. 11 oct. 2019 18:22

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Au bout d’un temps qui m’avait paru très court mais qui devait être interminable pour les autres, je posai finalement les runes devant moi, offrant un sourire à Astérie avant de boire un peu d’eau et de me mettre à les désigner tout en expliquant leur signification.

- Alors, celle offerte par le Capitaine c’est la Rune Bet, qui signifie « Vie », celle-ci c’est Yaru, qui veut dire « Loup », là c’est Tao, qui veut dire « Magie » et enfin, Aojy qui se traduit par « Transformer ». Oh et celle que j’ai eu, c’est la rune Aov, qui veut dire « Feu ».

Une rune qu’ils avaient visiblement bien choisi et qui me plaisait beaucoup, j’avais hâte de lui trouver une application.

- Voilà... je sais pas si ça te servira tout de suite, mais certaines ont des noms intéressants.

Notamment la rune Tao, j’aurai aimé tomber sur une rune de ce genre, ça ne pouvait qu’être utile pour moi, sans compter Bet… elle serait toujours utile pour sauver quelqu’un. Astérie, elle, semblait littéralement subjuguée par ce que je venais de faire et me regardait avec une admiration qui me fit rougir, amplifiant le phénomène lorsqu’elle avoua trouver ça impressionnant, bien qu’elle n’en ait apparemment pas compris entièrement tout le concept.

- T'en fais pas. Si on a l'occasion, on ira trouver un artisan qui a la possibilité de les incruster, il t'expliquera sans doute ça mieux que moi. Mais garde les précieusement et retiens leurs noms, elles sont rares et précieuses.

Elle opina du chef et les rangea avec le plus grand soin, me faisant sourire. Je fis de même avec la mienne qui alla rejoindre les autres. Après une nouvelle rasade d’eau, je me rallongeais et trouvai une position confortable pour passer le temps restant à me détendre malgré la chaleur. Puis la marche reprit, le froid revint et j’usai à nouveau e mes fluides pour tenter de nous réchauffer, sans grand succès, il fallait bien l’avouer, mais c’était toujours mieux que rien.
Après quatre autres jours, et nuit, de ce traitement, nous parvînmes non loin de la chaîne de volcan et, après encore quelques heures de marche, Jabalh’Yr désigna un promontoire rocheux, affirmant que nous étions bientôt arrivés. Une vaste ouverture apparut bientôt, comme surgit de nulle part et nous pénétrâmes à l’intérieur et le spectacle qui s’offrait à moi me coupa le souffle. Un immense torrent dévalait les parois pour s’enfoncer dans la caverne. D’où toute cette eau pouvait bien venir, je n’en savais rien, mais la suite me laissa de nouveau sans voix. Un immense porche taillé dans la pierre marquait l’entrée de lieu de vie des Eruïons et j’ouvrai grand les yeux face aux habitations creusées dans la roche, au torrent qui se jetait dans le gouffre et à la végétation qui poussait. Des plantes, en plein désert !
- Voici le refuge le plus sacré de notre tribu.

La fierté qui flottait dans la voix de notre guide me fit sourire, mais je pouvais le comprendre, l’endroit était magnifique et totalement inattendu. Je comprenais un peu mieux comment les Eruïons parvenaient à survivre dans ce désert.

(Ferme la bouche, tu vas finir par baver.)

(C’est bon… J’ai le droit d’apprécier le spectacle non ?)

(Mouais… ça ressemble à une cité Shaakte…)

(Les araignées sculptées en moins… Et en moins sordide, eux ne craignent pas le soleil au moins.)

(Heureusement pour eux, sinon ils seraient tous morts depuis longtemps !)

(Tu as de ces façons de présenter les choses…)

(Après si les bustes de femmes nues te plaisent tant que ça…)

Je levai les yeux au ciel, sans m’attarder sur ce détail de l’architecture, faisant ricaner mon insupportable compagne ailée. Je me tournai vers Jabalh’Yr, curieuse.

- C’est magnifique ! Comment s’appelle cet endroit ?

J’avais envie de découvrir ce sanctuaire, d’aller explorer un peu, mais Alyah me ramena bien vite au présent et avec raison. Je n’étais pas là pour jouer les exploratrices… m’enfin si je pouvais en profiter…

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