Le lendemain, j’ai repris mon avancée depuis peu lorsque j’entends pour la première fois un bruit sourd et diffus. Ce n’est qu’au bout de quelques instants que je comprends qu’il provient des flots du fleuve. Son lit doit être plus proche que je ne le pensais hier soir. L’évolution de la végétation accélère : les grands arbres se font plus rares, leurs racines devenant probablement trop profondes pour cette terre boueuse et friable, encore plus gorgée d’humidité que le reste de la jungle. Ils sont remplacés par une multitude de plantes basses se mélangeant dans un fouillis dense. Des résidus d’algues s’accrochent sur la partie basse des quelques troncs restants, comme si le cours d’eau déborde régulièrement de son tracé. Le sol spongieux ne facilite pas ma marche mais peu importe, ma joie de ne pas m’être trompé de chemin et d’être arrivé jusque-là me pousse à presser le pas pour voir l’eau scintillante au plus vite. Le Soleil accompagne ma satisfaction, ses rayons caressant ma fourrure maintenant qu’ils ne sont plus filtrés par les branches et leurs feuilles.
Après avoir passé un buisson touffu qui me bloquait la vue, j’arrive enfin au terme de la première étape de mon trajet. La jungle s’ouvre sur une tranchée d’une quinzaine de mètres de large, baignée de la lumière et de la chaleur de l’Astre d’Utu. Ses bienfaits permettent la présence de nombreuses plantes aux fleurs garnies de larges pétales aux couleurs vives, entourées de petits oiseaux se délectant de leur nectar sucré en restant suspendus dans les airs grâce à un vol stationnaire d’une légèreté gracieuse. Je m’avance au bord de la rive pour observer ce cours d’eau que je poursuis depuis plus d’une semaine. Le courant défile bien plus vite que ce que je m’imaginais. Il est vrai que les contreforts de la montagne occupant le centre de l’île sont proches et que le fleuve y trouve sa source, il doit conserver une partie de la vitesse issue de sa course folle depuis les sommets. Son agitation projette en l’air une infinité de gouttelettes en suspension dans lesquelles le Soleil se reflète, créant un paysage irisé irréel sous la luminosité matinale. Je m’assieds quelques instants pour exprimer à mon Dieu la plénitude que je ressens en ce lieu.
(Merci de me guider dans mon périple. Merci de me rappeler ma place, simple rouage au sein de Ta nature. Je tâcherai de me montrer digne de sa perfection.)
Je continue ensuite ma route en longeant le fleuve vers l’Ouest. J’essaie de rester attentif aux embûches éventuelles mais mon esprit part peu à peu ailleurs, imaginant mon arrivée dans la cité elfique alors que mon ombre, se projetant d’abord loin devant moi, se fait progressivement rattraper par mes pas.
(A quoi peut bien ressembler cette ville ? Et son ambiance ? D’ailleurs c’est quoi son nom ? Je sais même pas… Bah peu importe, le principal c’est que je trouve de quoi m’y occuper. Ils ont sûrement besoin de chasseurs aussi, là-bas. Je pourrais me spécialiser dans quoi ? Les grosses proies impressionnantes ? Les plus rares, difficiles à pister ? Je verrai ça plus tard, pas besoin de me faire des nœuds au crâne pour l’instant… Tiens, c’est quoi ces pierres ?)
Mon regard est attiré par un amas de pierres taillées sortant à peine du sol, un peu plus loin sur ma gauche. Ce sont les premiers vestiges civilisés que je remarque ici. Je me rapproche afin de mieux les observer et remarque à leur aspect qu’elles ont dû être posées il y a très, très longtemps. Je regarde autour de moi et en aperçois d’autres, isolées, allant globalement dans la même direction. Ma curiosité éveillée, je décide de les suivre et tournant le dos au fleuve, je m’enfonce à nouveau dans la jungle. La piste est facile à suivre et mène à un muret pas plus haut que ma hanche, composé de pierres identiques à celles m’y ayant conduit, que j’enjambe. J’entre dans ce qui semble avoir été une petite cour, à en juger par les quelques autres pans de murets abîmés m’entourant et délimitant un espace rectangulaire. Sur ma droite, l’extrémité de cette cour aboutit sur un mur plus élevé recouvert de plantes grimpantes et percé d’une ouverture en son centre. Je m’y dirige, le jardin extérieur ne présentant rien de particulier, à part peut-être quelques plaques de pierres effleurant le sol par endroit, plus grandes que celles que j’ai suivies pour venir mais tout aussi polies par le temps.
L’ouverture donne sur une salle aux dimensions restreintes. Son toit en partie effondré se retrouve désormais en pièces détachées sur le sol, occupant tout un coin de cette antichambre et laissant entrer un peu de la lumière du jour. Une porte me fait face, cependant je ne la traverse pas tout de suite : en me dirigeant vers elle, une lumière fugace parmi les gravats m’éblouit momentanément. Je me penche alors sur les éboulis et cherche d’où provient cet éclat. Après avoir enlevé quelques blocs, je découvre une petite boîte métallique gisant ouverte au milieu des décombres, restée brillante et immaculée au-delà des siècles. Je m’en saisis pour me rendre compte qu’elle est vide à l’exception d’une petite pierre polie.
(Merde ! Vu la qualité de la boîte, j’aimerais savoir ce qu’il y avait dedans ! Et qui doit maintenant être éparpillé en dessous de tout ce vrac…)
Que faire ? Je n’ai pas l’énergie de tout retourner alors que je ne sais pas la distance qu’il me reste à parcourir et que j’ai fini le dernier morceau de cochon il y a deux jours. Je lance de dépit la boîte contre le mur et me rapproche de la porte. La pierre se trouvant à l’intérieur est projetée et après deux rebonds contre les murs, finit sa course devant mes pattes. Je baisse les yeux machinalement et remarque un détail que je n’avais pas vu auparavant. Un dessin est gravé sur une face de la pierre, un trait surmonté d’un demi-cercle. Je la ramasse et l’observe de plus près. Ce symbole m’est inconnu mais taillé avec soin et précision, son auteur s’est appliqué. Je vais la garder avec moi et essayer d’en apprendre plus à son sujet plus tard. Je la glisse sous ma manchette gauche pour ne pas la perdre puis entre finalement dans la salle suivante.
Celle-ci est bien plus sombre. Son plafond intact, elle n’est éclairée que par la lumière provenant de la pièce précédente. Je devine qu’elle est bien plus grande sans parvenir à voir à quel point. Une forte odeur de renfermé me pique le nez. Près de l’entrée se dresse un bloc de roche massif dont les cotés sont gravés de motifs aux détails insaisissables, happés par l’obscurité. Il est entouré de larges colonnes de plus de deux mètres de haut, elles aussi parsemées de gravures. En avançant, je faillis trébucher en découvrant au dernier moment une volée de marches descendant vers la deuxième partie de la salle. Je me rattrape au dernier moment en me tenant du bras droit contre le mur et décide de faire le tour de la pièce en me tenant ainsi afin d’en estimer les dimensions.
La surface minérale est fraîche et sèche, protégée par l’épaisseur des murs. Mes doigts sentent à peine les fines jointures entres les blocs de pierre de bonne taille, la construction de cet édifice a été soignée, quels qu’en soient ses anciens bâtisseurs. Des renfoncements sont creusés à intervalles réguliers, sortes d’alcôves garnies chacune en son centre d’une protubérance dont l’extrémité dessine sous mes pattes une forme de demi-lune. Des supports servant jadis à accrocher des torches pour compenser l’absence de fenêtres ? J’atteins le mur du fond, assez éloigné de l’entrée. Etant donné le volume intérieur, je dois me trouver dans ce qui était la salle principale du bâtiment. Je longe ce mur et mes pattes quittent la roche pour effleurer à présent une surface métallique. Je devine aux lourdes poignées y étant fixées qu’il s’agit d’une double porte massive, ne laissant filtrer aucune lumière sur son pourtour. J’arrive face à un autre paroi quand j’entends une voix en provenance d’une troisième pièce :
« Han ! »
Mon premier réflexe est de me figer sur place. Quelles personnes peuvent bien explorer ces ruines ? Je préfère écouter plutôt que me découvrir, tout en me rapprochant lentement de l’entrée, profitant de l’obscurité pour rester invisible. On sait jamais sur qui on peut tomber.
« Han, viens voir ! On est bien ! Ils ont laissé pas mal de babioles pour accompagner leurs morts ! »
(Bien sûr ! Le bloc de roche à l’entrée, un autel ! Les plaques en pierre dehors, des tombes !)
Alors que je comprends que ce bâtiment est une sorte d’ancien site funéraire, je saisis également que je fais face à des pilleurs de tombes. Je suppose qu’en général ils aiment pas tomber sur des intrus pendant qu’ils fouillent dans des endroits sombres et j’ai pas envie de me battre aujourd’hui.
Une autre voix lui répond de l’extérieur :
« Parfait ! Commence à charger ton sac, j’arrive ! »
Je me colle contre le mur, un peu trop violemment. Des morceaux déjà affaiblis par le poids des ans se détachent et heurtent le sol en faisant beaucoup trop de bruit à mon goût.
« Han ? C’est toi ? »
Silence.
Des pas viennent d’à côté et rentrent dans cette salle.
« Qui est là ? Je me répéterai pas ! »
Je ne sais pas comment réagir. Me tapir dans l’obscurité en espérant que le pilleur arrête ses recherches si je reste silencieux ? Et s’il possède une torche prête à être allumée ? Ne ferais-je pas mieux de fuir dès maintenant et profiter de l’effet de surprise pour déguerpir ? Les pas commencent à se rapprocher, je ne peux pas rester immobile plus longtemps et attendre qu’il finisse par me découvrir. Je m’élance soudainement en direction de l’entrée – devenue sortie – mais arrivé à quelques enjambées de celle-ci, j’aperçois la silhouette du dénommé Han entrant dans la pièce intermédiaire. Je risque d’être pris en tenaille !
(Réfléchis ! Tu ne peux pas te battre contre les deux en même temps, c’est trop dangereux…)
Ce temps de réflexion suffit à Han pour m’apercevoir, encore à moitié masqué par les ombres. Il me dévisage en silence quelques secondes, interloqué, ne devant voir briller que mes yeux et mes crocs dans cette pénombre. Puis il se met à crier en s’avançant vers moi :
« Fais gaffe Salaël, y a un putain de fauve dans la chapelle ! »
Je n’ai plus le temps de gamberger. J’agis par réflexe, automatiquement, sans peser le pour et le contre de mes actions. Je dois bloquer l’arrivant avant de me retrouver encerclé. Du coin de l’œil, je vois la colonne de pierre sculptée jouxtant l’autel non loin de moi. Je me place derrière elle et pousse de toutes mes forces dans l’espoir de la faire tomber en direction de Han et de la porte et ainsi de l’obstruer le temps que je règle son compte à l’autre voleur. Le pilier bouge légèrement, me faisant comprendre que ma tentative n’est pas vaine, mais ne bascule pas pour autant. Je prends alors quelques pas d’élan et lance un rugissement sorti du fond de mes tripes. Le cri résonne et s’amplifie dans ce lieu clos, je vois qu’Han s’est arrêté de marcher et doit évaluer la menace que je représente. Je me jette alors de tout mon poids contre la colonne, l’épaule en avant, la faisant enfin chuter dans l’encadrure de la porte. Elle s’y fissure en plusieurs gros morceaux, empêchant toute personne plus épaisse qu’un chat de la traverser. Ça ne va pas tenir très longtemps, j’ai tout au plus un sursis de quelques minutes que je me dois de mettre à profit. Je ramasse rapidement sur le sol du gravier issu du pilier effondré et recule à nouveau dans l’obscurité.
« Ça va Han ?
- Ouais t’inquiètes pas pour moi. Je vais dégager la porte rapidement et venir t’aider, m’attends pas et occupes-toi de lui !
- Oh oui je vais me le faire, dépêches-toi si t’en veux un bout ! »
Pendant leur échange, je me dirige à tâtons vers une alcôve de la pièce le plus silencieusement possible et m’y accroupis. Je ne vois toujours pas ce Salaël mais entends qu’il commence à patrouiller lentement dans la salle. Apparemment il n’a pas de quoi faire une flamme et marche au hasard, jouant sur l’intimidation.
« Alors comme ça tu préfères te cacher ? Tu oublies un point : en bloquant mon pote dehors, tu t’es enfermé avec moi ici… Y a plus d’issue ! On finira par te faire la peau ! Tu retardes seulement l’échéance ! Mon épée s’impatiente… »
Ses mots sont accompagnés du bruit d’une lame fendant l’air noir et épais de cette chapelle.
(C’est bien, continues de parler, l’ami ! Je sais exactement où tu es !)
Je jette quelques graviers dans la direction opposée à la sienne.
« Ha ha ! Je te tiens ! Avoue que tu te fais dessus en ce moment ! »
(Quel abruti…)
De là où il est, il sera obligé de passer devant moi pour y aller. Je ne bouge plus d’un millimètre et retiens même ma respiration lorsque je l’entends se rapprocher puis marcher devant moi. Je réfléchis à ma prochaine attaque. Elle doit être tout de suite efficace pour ne pas perdre de temps. Dommage que je ne puisse pas tenter ma nouvelle technique dans cette obscurité mais je fais confiance à mes griffes. Dès qu’il m’a dépassé, je sors de ma position et assène un coup de patte puissant de haut en bas pour lui déchirer la nuque et le dos.
« Tu t’étais planqué là, connard ! »
(Merde !)
Je saute instinctivement en arrière pour éviter toute tentative de sa part, et sens du tissu pris dans mes griffes. Je l’avais presque ! Mon adversaire lance un cri et j’entends le sifflement d’une lame tout près de moi, suivi d’un choc métallique et d’une étincelle quand elle heurte le mur juste devant mon visage. Devinant sa position, je me jette sur lui non plus pour le frapper mais pour l’attraper au corps à corps. Il ne doit plus m’échapper. Mon idée fonctionne et j’arrive à le saisir, de dos et lui bloquant les bras le long du corps. Il est immobilisé mais je ne peux plus le frapper si je ne veux pas qu’il profite du relâchement de mon étreinte pour me taillader. Bien que je le serre le plus fort possible afin qu’il lâche son épée, ses doigts restent agrippés fermement car je n’entends aucune arme tomber.
Les échos de l’affrontement arrivent jusqu’à Han, occupé à libérer la porte.
« Tiens bon, j’ai presque fini ! J’arrive tout de suite ! »
Je tourne la tête dans sa direction, là où se trouve la seule source lumineuse et comprends à contre-jour qu’il dit vrai, il sera là dans moins d’une minute ! Dans le même regard, un coin de l’autel accroche tout juste suffisamment de lumière pour attirer mon attention. Je parle alors à Salaël pour la première fois, laconiquement :
« T’aimes prier ? »
Tout en le maintenant serré contre moi, je profite de mon avantage de taille et de force pour le soulever et commencer à avancer vers l’autel en marchant. J’accélère progressivement et me met à courir en espérant écraser mon paquet contre le bloc de roche. D’abord silencieux, il crie maintenant à pleins poumons. L’affrontement se déroule bien, je vais en finir avec lui avant l’arrivée de Han. Sauf que j’ai oublié une chose. Enfin, plutôt trois. Ces satanées marches indiscernables qui divisent la pièce. Je trébuche et m’étale de tout mon long, atterrissant sur mon prisonnier dont le corps fait un sale bruit en touchant le sol lesté de mon poids. Je me relève au-dessus de lui et de ses gémissements incompréhensibles. La luminosité étant plus forte sur cette estrade, je tire sur ses longs cheveux blancs pour lui tourner la tête et regarder son visage. C’est pas joli à voir, sa tête a dû se fracasser au sol en premier. Son nez, cassé en différents endroits, disparait à moitié enfoncé dans son crâne et masqué par des bulles de sang quand Salaël essaie de respirer. Sa mâchoire pend asymétriquement dans un sourire malade aux dents cassées. La peau de son front s’est déchirée et laisse l’os visible. Le blessé émet de tristes gargouillis difficilement rapprochables de l’être humain. Ou elfique dans ce cas précis. En tout cas, il ne me gênera plus – ni personne d’autre d’ailleurs.
« Lâche-le, enfoiré ! »
Han a fini de libérer l’entrée et me regarde furieusement, penché sur son ami, le visage défoncé. Nous restons un instant figés avant de nous élancer l’un vers l’autre. Le choc est brutal. Je le saisis aux épaules et parviens à le repousser et le plaquer contre le mur. Pourtant, en position délicate et son compagnon presque mort, il sourit. Je le fixe incrédule quand je sens une douleur aigüe me percer le flanc gauche. Je baisse les yeux et distingue le manche brillant du poignard qu’Han vient de planter sous mes côtes. Malgré un soubresaut que je ne peux réprimer, je suis bien plus puissant que l’homme à la peau noire et au crâne rasé qui me fait face. J’ai envie de lui effacer son sourire, qu’il comprenne que son couteau ne va pas suffire et que sa fin est proche. Je rapproche mon visage à quelques centimètres du sien et commence à plisser mes babines, découvrant mes crocs acérés. Je sens Han se raidir sous mes pattes.
« N-N-NOOOO … »
Je n’attends pas la fin de sa supplique pour planter mes canines dans sa gorge. Son sang inonde ma bouche. Je garde la gueule fermée et secoue violemment ma nuque afin de briser la sienne. Lorsqu’il a fini de tressaillir, je le laisse finalement retomber par terre.
Je m’assois à côté de son cadavre pour reprendre mon souffle et étudier ma blessure. Le poignard est encore dans la plaie, empêchant mon sang de trop se répandre et me protégeant pour le moment. Je pense qu’aucun organe vital n’est touché cependant la douleur va sacrément me ralentir dans mon avancée. Et ça peut s’aggraver si je trouve pas un moyen de protéger la plaie. Peut-être les pilleurs de tombes ont-ils amené une trousse de soin ? Je fouille du regard mon voisin, assis immobile contre le mur. On pourrait croire qu’il pique un somme, si ce n’est la large blessure laissant apparaître la chair de son cou. Il n’a sur lui aucun sac pouvant m’intéresser, je dois aller vérifier sur l’elfe agonisant. Je grimace alors que mon ventre me lance lorsque j’essaie de me relever. Je me déplace à quatre pattes pour avancer vers lui et remarque une besace qu’il porte en bandoulière. Le blessé remue un peu au moment où je passe l’anse au-dessus de ce qu’il lui reste de tête. Les sons qu’il émet sont écœurants, personne ne devrait souffrir ainsi dans un lieu dédié à une divinité, n’importe laquelle. D’un geste net, je l’épargne en lui brisant les cervicales. Il expire une dernière fois dans un fouillis de bulles ensanglantées. Je me concentre à présent sur son sac. Je n’arrive pas à bien discerner ce qu’il contient ici, il faut que je sorte à la lumière du jour.
Je parviens à me mettre debout en m’appuyant sur l’autel. La lame me cisaille l’intérieur à chaque mouvement mais je ne peux pas encore la retirer. Je traverse la salle intermédiaire puis sors dans la cour extérieure. La lumière et la chaleur du Soleil m’y accueillent et me permettent de vérifier l’intérieur de la sacoche. Une gourde avec encore un peu d’eau, quelques provisions, des bricoles métalliques qui font probablement partie de son butin. Rien pour me soigner. Je bois avidement les gouttes restantes et m’apprête à retourner au fleuve pour y laver ma blessure. Je prends tant bien que mal le sentier en sens inverse, bien plus lentement qu’à l’aller, tout en réfléchissant à un moyen de stabiliser la profonde coupure. Je ne suis pas guérisseur, cependant la chasse m’a laissé suffisamment de blessures pour que je sache comment fabriquer un pansement sommaire. A cette fin, j’arrache des morceaux de lianes sur mon trajet, ils me serviront tout à l’heure.
Après un bon bout de temps, je retrouve les flots tumultueux auprès desquels je me laisse tomber. Allongé ainsi, le corps relâché, la douleur se calme. Mais je ne peux pas me permettre d’attendre. Je me redresse en grognant et finis de déchirer la tunique que je porte depuis mon départ et qui porte déjà les stigmates de mon périple dans cette jungle hostile. Je la plonge dans le courant en frottant pour la laver un minimum, l’essore et la garde en patte. De l’autre, je saisis la poignée ouvragée de la lame en respirant profondément. Je sais ce qu’il me reste à faire.
(Un. Deux. Trois.)
Je tire lentement sur le manche pour ne pas étendre bêtement la blessure. L’arme sort facilement et je me dépêche de plaquer le linge mouillé sur la plaie, en appuyant fort malgré le mal que ça fait. De l’autre patte, je ramasse une liane arrachée plus tôt et la passe autour de moi. Avec un seul bras disponible, la tâche est laborieuse et me demande un certain temps. Quand il y a deux tours autour de ma taille, je remonte les lianes pour qu’elles fassent pression sur le pansement de fortune. Je relâche ce dernier et fais un nœud pour fixer le pansement. Le résultat est loin d’être parfait, je ne peux pas espérer beaucoup mieux ici.
Je croque dans les provisions récupérées dans le sac pour reprendre des forces et me décide à reprendre la route. J’ai maintenant une motivation supplémentaire pour arriver en ville au plus vite : me faire soigner avant l’infection. Voire la mort.
La journée avait pourtant si bien commencé.
(((HRP : blessure grave au corps et récupération du sac et du poignard des pilleurs de tombe)))