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Les Rakhaunens, bien qu'ils aient remarqué que les armes rendues étaient les leurs, acceptèrent de payer pour cela, ayant dégoté sur un cadavre une bourse visiblement bien remplie. Elle s'en saisit promptement et la fit disparaître dans ses affaires. Trop tard. Elle ne la rendrait pas. Elle attendit un moment que le forgeron lui forge la lame qu'elle avait demandée, s'écartant des brasiers pour respirer un peu d'air frais. La surface commençait décidément à lui manquer ; lorsqu'il lui tendit la dague, elle l'admira quelques instants, lui sourit en remerciement, et le sourire disparut lorsqu'il retourna à son travail. Elle était un peu plus longue que ce qu'elle avait demandé. Il y avait néanmoins cette caractéristique spéciale, comme selon son souhait : une sorte de gouttière en plein milieu de la lame, qui permettrait de retenir du sang plus facilement, et d'en lécher un peu sans plus risquer de se couper la langue.
Finalement, le commandant la convoqua à nouveau et elle le rejoint immédiatement, sa dague fièrement portée à la ceinture. Elle remarqua aussitôt son air lugubre et son inquiétude et l'écouta attentivement, sa propre expression passant du sourire de satisfaction à une certaine forme de l'agacement, celui qui survient auprès de celle qui avait prévenu mais qu'on n'avait guère écoutée. Ils étaient repérés ! Et les Rakhaunens qui étaient si certains de remporter la victoire... Rien n'était moins sûr désormais. Les Sindeldi ne connaissaient peut-être pas encore leur position exacte, mais ils savaient qu'ils seraient attaqués depuis les souterrains... Ils pourraient dès lors aisément leur tendre une embuscade et mettre en péril le point central du plan : l'infiltration de l'intérieur pour ouvrir les portes de la ville à l'armée qui arriverait de dehors.
Alors qu'elle réfléchissait à cela et maudissait intérieurement l'inconséquence des nains cendrés, le commandant lui proposa d'aller corriger cette erreur elle-même. Elle fronça les sourcils. Il pensait vraiment que ce serait si facile ? Les éclaireurs Sindeldi étaient organisés, après avoir découvert les Rakhaunens, ils avaient dû rentrer illico presto faire leur rapport. Sans nul doute, à l'heure actuelle, Sylënn devait être au courant... Elle n'avait plus beaucoup de marge de manœuvre.
«
Que dois-je faire ? »
En tout cas, elle n'avait pas l'intention de rester ici avec le risque d'être pris au piège. Cela ressemblait de plus en plus à une souricière. Il fut question d'aller vérifier les souterrains qu'ils emprunteraient pour attaquer, vérifier la sûreté du passage, bref, tout ce qu'ils avaient manqué à faire eux-mêmes. Les Rakhaunens, si fiers il y avait quelques jours, qui l'avait dédaignée comme une gosse, étaient maintenant forcés de lui laisser prendre en main une tâche centrale... La roue tournait.
«
Je m'y rends seule ? Vous avez un plan des galeries, pour que je puisse me repérer ? »
Le commandant rétorqua qu'elle aurait un guide, mais visiblement pas davantage de troupes pour l'escorter. Et si elle tombait dans une embuscade, maintenant ? Il voulait se débarrasser d'elle ou quoi ? Ça ne marcherait pas. Si piège il y avait, elle s'enfuirait et ça lui fournirait une excuse pour disparaître un moment : le guide retournerait au bastion Rakhaunen, annoncerait qu'ils avaient été surpris ; sinon, il était même préférable qu'elle ne soit pas trop accompagnée si elle décidait de subitement retourner sa veste. Était-ce déjà acquis qu'elle les trahirait ? Peut-être. Peut-être pas. La duplicité a pour mérite de n'être jamais entière d'un côté ou de l'autre. Le seul intérêt qui compte, c'est le sien propre.
«
Et je dois seulement monter la garde ? Ou essayer de les pourchasser ? Vous m'avez dit que vous disposiez de plusieurs points d'entrée dans la cité. Si l'un d'entre eux est compromis, il doit en rester d'autres accessibles encore inconnus des Sindeldi, non ? »
Qui sait, il pouvait rester un peu d'espoir : mais le commandant n'en était pas aussi certain. Il répondit que l'attaque avait eu lieu au cœur des ruines, et il comptait mener l'assaut le plus tôt possible. Elle, son rôle était donc de veiller à ce que personne ne leur tende d'embuscade. Ben voyons. Si les Sindeldi ne tentaient pas un tel coup, c'était qu'ils étaient débiles. Celui qui une heure plus tôt l'assurait avec arrogance que leur victoire était certaine se trouvait dans une situation bien délicate, elle le sentait. Cela l'irritait prodigieusement. Elle se renfrogna et grogna :
«
Bon, j'y vais. Pas l'temps d'niaiser. »
Elle partit aussitôt, son guide sur les talons, qui prit les devants lorsqu'ils furent suffisamment éloignés du camp de base. Elle observait tout, essayait de retenir le chemin, et avait même sorti une craie du fond de son sac, discrètement tenue dans sa main. Lorsqu'ils passaient à côté d'une stalagmite, elle laissait une petite marque, du côté d'où ils venaient : ainsi, puisqu'ils avançaient, son guide ne pouvait pas remarquer qu'elle avait laissé une trace même s'il se retournait, et cela lui permettrait de revenir en arrière avec plus de facilité. Naturellement, elle n'avait commencé à marquer son chemin qu'après s'être assez éloigné du camp, afin qu'aucun Rakhaunen ne la surprenne : mais elle était étonnée de n'en croiser aucun alors qu'ils traversaient les ruines de la cité Shaakt.
«
Il n'y a pas d'éclaireurs Rakhaunens aux alentours ? Tout le monde est plus bas ? »
Il lui expliqua que les armures n'étaient pas assez discrètes et qu'ils étaient seuls. Parfait. Personne pour remarquer son manège. Le guide, quelquefois, lui suggéra d'aller vérifier plus en profondeur les ruines, ce à quoi elle répondait par un regard dur et l'ordre de continuer la marche vers l'entrée qu'ils allaient emprunter. C'était encore elle qui décidait, ici. De toute façon, elle avait une petite idée de la marche à suivre. Si elle ramenait sa fraise à la garde militaire avec toutes les informations qu'elle avait recueillies, elle toucherait certainement une récompense à la hauteur de ses espérances ; d'autre part, l'assaut Rakhaunen serait tranquillement repoussé. Il fallait seulement espérer que les Sindeldi ne l'abattent pas avant.
Ils finirent par arriver à proximité de l'entrée dans Nessima que le commandant comptait emprunter, ce que son guide lui indiqua à voix basse. La craie cachée dans sa main était presque épuisée à présent, devenue un tout petit bout, mais ça restait une preuve. Sans desserrer son poing, elle lui indiqua :
«
Restez par ici. Ils se méfieront moins s'ils ne voient que moi... Je vais jeter un œil. »
Et puis, l'autre était nettement moins discret qu'elle. Elle commença donc à s'avancer, précautionneusement, veillant à faire le moins de bruit possible. Tous ses sens étaient en alerte afin de détecter une possible embuscade, et toute sa dextérité était employée à se rendre aussi indétectable qu'une ombre dans un souterrain. Le plan était clair. S'il n'y avait personne, et si elle parvenait effectivement à pénétrer dans Nessima, elle noterait où ils se trouvaient, tenterait peut-être un cri vers les souterrains pour faire croire à une embuscade et se rendrait à la Garde militaire en courant afin de prévenir Sylënn et empocher quelques milliers de yus - elle avait encore son laissez-passer. Sinon... Eh bien, si elle se trouvait nez-à-nez avec des Sindeldi qui l'attendraient, il faudrait tenter de négocier, ou de les passer sans être vue... Elle aviserait le moment venu.
(((Utilisation d'une craie pour pouvoir retrouver le chemin. À la fin, utilisation de toutes les capas RP de discrétion pour rejoindre Nessima (assassin, ninja))))
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