Le village d'Alythaë

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Yuimen
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Le village d'Alythaë

Message par Yuimen » sam. 5 oct. 2019 15:12

Le village d'Alythaë

Image


Sur la côte nord de l'île de Sansstrya, proche du delta du fleuve Sithialë, une très modeste bourgade de pêcheurs et de cultivateurs se niche au fond d'une petite baie. Trois cents Sindeldi vivent là, chichement, dans de sommaires cahutes de bois et de toile, bien loin de la prospérité et du faste des nantis. Le seul bâtiment de pierre du village est une simple chapelle dédiée à Sithi où officie un unique Ithilauster, un Sindel dans la force de l'âge, couturé de cicatrices et au visage amer nommé Araël.

Le port d'Alythaë se résume à quelques pontons de bois branlants où ne sont guère amarrées que de longues pirogues et quelques rares barques à fond plat de plus grande taille bien plus adaptées à la navigation dans le delta qu'à la mer. Tous les jours, au matin, un petit marché très animé s'installe sur la place du village, si tant est que l'on puisse qualifier ainsi l'espace terreux qui en tient lieu, où se vendent produits de la mer, céréales et légumes.

L'unique route desservant ce village est une mauvaise piste de terre menant à Nessima.

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Gamemaster7
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Re: Le village d'Alythaë

Message par Gamemaster7 » sam. 5 oct. 2019 16:00

Émergence : màj pour Yurlungur et Jorus


Lorsque la tempête prit fin au petit matin, une odeur repoussante flottait dans l'entrepont, pour laquelle il fallait remercier Jorus qui. au final, se trouvait bien affaibli et si crasseux que les Sindeldi évitaient de l'approcher et fronçaient le nez dès qu'ils passaient à moins de dix mètres de lui. Mais ils étaient vivants, sans doute était-ce déjà pas mal.

En fin de matinée, le Danse-Lame, en piteux état, se faufila dans une petite baie au fond de laquelle une misérable bourgade s'étalait, constituée de huttes miteuses plus que de maisons, où vaquaient quelques Sindeldi pauvrement vêtus. L'arrivée du navire ne passa pas inaperçue, sans doute était-il rare qu'un navire de ce gabarit mouille dans la région contrairement aux modestes pirogues, nombreuses, et aux quelques barques de plus grande taille parfois dotées d'un mât. Des cris retentirent et, lorsque une chaloupe fut mise à l'eau pour permettre à Yurlungur et Jorus de descendre à terre, une foule de plus d'une centaine de Sindeldi attendait sur la plage. Le capitaine s'approcha alors des deux aventuriers, tapota la tête de Yurlungur et tendit, après une hésitation, la main à Jorus :

"Je n'avais guère d'estime pour les humains, mais vous avez mérité mon respect. Voici, pour chacun de vous, un modeste présent. Puisse Sithi éclairer votre chemin."

A Yurlungur il tendit un petit fagot d'une dizaine de carreaux d'arbalète de la meilleure qualité qui se puisse trouver. A Jorus il tendit une fine cape de couleur moirée, de belle qualité également, qui remplacerait avantageusement la pelure élimée qu'il avait sur le dos. Puis il leur fit signe de grimper dans la chaloupe qui, moins de cinq minutes plus tard, accosta sur la plage d'Alythaë sous les regards curieux, méfiants ou sourdement hostiles de la population locale. Un Sindel mesurant plus de deux mètres dont les luxueux habits gris argent dénotaient avec la mise plus que modeste des autres habitants s'approcha des deux aventuriers. Diverses cicatrices parsemaient son visage sévère et ses mains, seules parties visibles de son corps. Il scruta Yurlungur en fronçant les sourcils, détaillant son équipement avec une surprise teintée d'envie, puis Jorus avec tout autant de suspicion, avant de lâcher sèchement :

"Nous ne voulons pas d'étrangers ici, vous n'avez rien à faire là. Remontez sur ce navire et partez."

L'un des marins du Danse-Lame qui avait servi de rameur pour amener la chaloupe au rivage lui rétorqua non moins sèchement quelque chose dans sa langue, incompréhensible aux deux compères, mais qui eut pour effet d'assombrir encore le Sindel richement vêtu. Fixant les deux humains d'un regard hostile, il maugréa :

"Envoyés par cette sale gamine de Sylënn, hein? Très bien, que voulez-vous?"

*****


Gains et récompenses :

Yurlungur : rp du quotidien : 0,5xp ; affronter la tempête : 3xp Total : 3,5xp
réputation : Danse-Lames : a bravé la tempête pour sauver un navire.
Autre : 10 carreaux parfaits (jet de blessure +2)

Jorus : rp du quotidien : 0,5xp ; affronter la tempête : 3xp Total : 3,5xp
réputation : Danse-lames : a sauvé deux marins. Titre officieux : marin d'eau douce.
Autre : cape Elfique moirée (qualité d'artisan, aide à la dissimulation)

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Yurlungur
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Re: Le village d'Alythaë

Message par Yurlungur » dim. 6 oct. 2019 18:10

...

La jeune fille regagna rapidement son hamac pour vérifier que toutes ses affaires étaient restées en place. Heureusement, ses précautions avaient été efficaces : bien que secoué dans tous les sens, le paquetage conservait une certaine rigidité et n'avait pas valsé d'un bout à l'autre de la cabine. En se retournant vers Jorus, elle constata néanmoins que celui-ci était pris de hauts-le-cœur et rapidement des vomissements suivirent : avec un dégoût non feint, elle resta loin de lui jusqu'à ce que la tempête se calme, ses affaires conservées à proximité, lui faisait signe de se reculer lorsqu'il s'approchait trop près. Mais son état était suffisamment mauvais pour qu'il finisse par ne plus trop pouvoir se mouvoir et qu'il reste dans son coin : malgré le fort tangage du bateau, la gravité empêchait la bile encore rejetée quelquefois d'atteindre sa position, venant éclabousser le plancher ou un tissu qu'il mettait en travers pour éponger.

Une fois qu'il fut calmé, la jeune fille prit place dans son hamac, un peu plus sereine - et surtout éreintée. La tempête n'était pas encore complètement apaisée, mais il lui semblait que le navire se secouait de moins en moins, ou alors que le capitaine reprenait véritablement le contrôle de l'embarcation : dans tous les cas, autant par fatigue que par une indifférence naturelle propre aux Dahràmais des nuits secouées par le vent et les vagues, elle réussit finalement à trouver le sommeil, s'enroulant dans son hamac et le refermant en son centre d'un nœud pour éviter une mauvaise chute au cas où les secousses reprendraient de plus belle.

La nuit fut courte, mais elle parvint tout de même à se reposer davantage que certains autres marins. L'agitation de la mer l'empêchait de rester longuement endormie : elle était sans cesse réveillée et, si la pause était tout de même bienvenue, il lui faudrait certainement une sieste en journée pour récupérer totalement. Mais lorsque les premières lueurs du jour pointèrent et que, le remarquant, elle décida finalement de se lever, elle constata avec étonnement que le bateau était beaucoup plus calme. Certes, il y avait toujours cette détestable odeur qui traînait depuis quelques heures dans la cale, due aux relents et dégorgements de Jorus plus tôt, mais elle s'y était presque habituée : en montant sur le pont, baigné d'une douce lumière rose, elle s'emplit avec plaisir les narines d'air frais et pur, chassant toute l'acidité qui régnait en bas.

Elle observait le décor autour d'elle avec un sourire de satisfaction. Pourtant, le navire était en ruine : la voile avant disparue, les autres avaient été hissées à nouveau une fois la tempête passée mais présentaient de multiples déchirures qui réduisaient leur efficacité - il était heureux que ne souffle à présent qu'une brise légère, incapable d'aggraver le piteux état des voiles - ; le bordage de bois avait été brisé ou défoncé par rares endroits, laissant apercevoir des échardes dressées entre lesquelles avait séché une fine poussière de cristaux de sel, qui resplendissait sous l'aurore aux douces teintes d'églantine. Elle avait en elle un murmure d'orgueil qui s'épanchait en profitant du spectacle des cieux qui s'illuminent au-dessus de l'immense et calme océan : c'était grâce à elle que le navire n'avait pas sombré. Elle en était le gardien et le bienfaiteur, laissant tomber sur chacune des planches un regard hautain, fier et passablement fourbu. Il fallait reconnaître que si l'aurore la distrayait, elle sentait sur ses épaules et dans son crâne une pression d'exténuation, comme l'agitation de ses neurones pour demander encore un somme.

Le pont était calme : la tempête venait à peine de se terminer et la plupart des marins avaient rejoint leurs quartiers pour se reposer. Cela ne durerait pas : profitant de leurs talents de méditation, ils seraient de nouveau dispos en quelques heures, après avoir trimé toute la nuit. À l'arrière, au gouvernail, se tenait pourtant encore le capitaine, fier et droit. Il avait le regard las, perclus d'une tristesse sensible. Ils avaient évité le désastre : mais un tel saccage lui pesait visiblement ; par ailleurs il fallait bien tenir la barre en attendant que son second puisse le remplacer le temps que lui-même prenne un peu de repos. Elle s'approcha de lui et lui adressa un signe de la tête avant de demander :

« À quelle distance se trouve le prochain port où nous nous arrêterons ? »

Elle ne savait pas tellement non plus si la tempête les avait retardés ou éloignés de leur objectif, qu'ils auraient dû atteindre au cours de cette même journée en principe : dans tous les cas, il était nécessaire que le bateau reçoive rapidement des réparations et, si ces dernières étaient trop longues, Jorus et Yurlungur auraient intérêt à continuer à pied. Le capitaine, avec assurance, lui indiqua qu'ils y seraient en début d'après-midi au plus tard. Elle opina du chef. C'était raisonnable. Une escale ne ferait de mal à personne.

Mais si elle était venue lui parler, ce n'était pas réellement pour cette information : dans les faits, elle avait assez peu d'influence sur le chemin que suivrait le navire et devrait bien s'accommoder des décisions du capitaine, quelles qu'elles fussent. En revanche, l'assassine n'avait pas oublié son cri, alors que la tempête commençait à engloutir le navire : diverses hypothèses s'étaient frayé un chemin dans son esprit, hier soir, à la faveur de l'inaction, certaines plus farfelues que d'autres ; dans tous les cas, elle avait décidément entendu le terme de “magie” être prononcé - et le capitaine savait quelque chose là-dessus. Avec une mine plus grave, elle demanda :

« Tout à l'heure... Vous avez parlé de “mages”. Vous saviez que la tempête était provoquée par quelqu'un ? »

Il semblait étrange qu'on leur en veuille au point de vouloir couler le navire : par ailleurs, elle imaginait avec peine la puissance d'un sorcier capable de déclencher un tel cataclysme. Si c'était bien le cas, Sylënn avait davantage d'ennemis que prévu... Le Sindel fronça les sourcils, visiblement surpris par la question, comme si elle était impertinente, puis son visage se détendit et se couvrit d'un sourire presque moqueur, tandis qu'il lui expliqua, d'un ton qui indiquait que cela était censé être une évidence, que le climat du Naora était contrôlé par des mages Sindeldi, ceux-ci ayant donc laissé la tempête se produire alors qu'ils auraient dû la contrôler. Il sous-entendait que ces mages étaient incapables de provoquer un véritable ouragan aussi facilement, ayant davantage des capacités de contrôle et d'apaisement que de destruction. Mais cela était étrange... D'expérience, la jeune fille avait pu constater qu'il était souvent plus facile d'anéantir que de dompter, tout comme il était plus simple de tuer que de neutraliser...

Et l'idée que le Royaume des gris ait engagé des mages pour contrôler le climat la laissait muette. C'était presque trop gros : pourtant, le capitaine ne semblait pas vouloir se moquer d'elle, au contraire son visage exprimait une forme de douceur, tel un professeur heureux d'apprendre quelque chose de nouveau à son élève. Son visage à elle était celui de l'étonnement et de l'incompréhension, et pour cause : pendant des siècles, les pirates dahràmais avaient eu à braver les cyclones et les mers déchaînées, en appeler uniquement à la miséricorde de Moura pour leur survie, alors qu'à des milliers de kilomètres de là, on avait simplement et purement réussi à faire cesser toute intempérie indésirable. C'était toute sa vision du monde qui s'effondrait : alors que pendant des années elle avait cru à une force puissante et incontrôlable qui régissait le mouvement des flots, ses fureurs et ses folies, voilà qu'on lui annonçait que cela aussi pouvait être dompté.

« Les mages... contrôlent votre climat ? »

Elle se sentait presque triste pour tous les marins du monde qui, le matin, partaient sur mer sans savoir s'ils rentreraient le soir. Elle se sentait triste pour les pirates de Dahràm qui, dans les tavernes, annonçaient avec fierté le nombre de tempêtes qu'ils avaient bravées, munis d'un grand sourire édenté et d'une chope de bière blonde. Toutes les histoires racontées ces soirs-là, avec moult rebondissements et la crainte toujours présente d'un naufrage imminent : tout cela était vain. Ça n'existait plus dans ce monde-ci, où la technologie et la magie avaient cru bon de remplacer tout effort humain.

« Donc d'ordinaire, vous n'avez à braver aucune tempête lorsque vous naviguez dans l'archipel ? »

Elle savait par ailleurs que les Sindeldi ne s'aventuraient pas par bateau au-delà : on ne les avait jamais vus en mer à Nirtim, puisqu'ils dominaient les cieux et pouvaient voyager d'un continent à l'autre sans subir les inconstances de l'océan. Le capitaine confirma que c'était bien la première tempête qu'il avait à affronter sur ces eaux, normalement préservées par une caste de mages météorologues. Le coin d'aventure où ils s'étaient trouvé cette nuit-là même n'était d'ailleurs peut-être qu'une mégarde de cette caste - ou pire, volontairement créé par ceux-ci pour gêner les aventuriers dépêchés par Sylënn. Les deux idées s'affrontaient dans l'esprit de la jeune fille : elle aurait mille fois préféré n'avoir pas à compter parmi ses ennemis cette assemblée de mages-là, mais elle ne pouvait se défaire du soupçon qu'ils avaient agi intentionnellement, contre Jorus et elle. Après tout, la commandante de Nessima avait parlé de “bâtons dans les roues”... Mais le capitaine lâcha qu'il ne naviguait par ici que depuis deux ans.

« Deux ans... Ça me paraît beaucoup. Mais pour un elfe, c'est sans doute trois fois rien, » ajouta-t-elle en souriant, presque amère. Si elle avait passé deux ans à naviguer sur des eaux calmes, elle se serait diablement ennuyée. Seuls les elfes pouvaient avoir la patience nécessaire d'endurer une telle inaction... Les hommes devaient leur paraître bien vains à s'agiter dans tous les sens, du début à la fin de leur existence, de tenter de la vivre autant qu'ils le pouvaient, d'en profiter dès treize ans, et peut-être seulement jusqu'à quinze... Ce serait l'âge qu'elle aurait après deux années complètes d'aventure : elle ne parvenait même pas à se l'imaginer. Elle ne pouvait pas s'imaginer vieille : elle ne parvenait même pas à s'imaginer changer. Pourtant, elle n'était probablement plus la même que lorsqu'elle était partie sur Aliaénon, mais elle avait la certitude profonde et absurde que son essence ne changerait pas, qu'elle serait toujours aussi jeune et agile. La proximité d'un elfe, de cette race qui était naturellement épargnée par le passage du temps, était propice à la conforter dans cette vision étriquée de la réalité, dans laquelle rien ne change jamais, ou alors seulement en mieux.

« Vous étiez où, avant ? » demanda-t-elle alors. « Vous avez voyagé, navigué sur des mers plus sauvages, peut-être ? »

Peut-être que, lorsqu'elle aurait vingt ans, lorsqu'elle serait vieille, elle aurait besoin de se poser quelque part, songeait-elle. Elle deviendrait peut-être capitaine d'un navire, pour parcourir les flots : elle aurait à ses ordres une horde de pirates, qui l'écouteraient au doigt et à l'œil, avec lesquels elle arpenterait l'Aeronland, traversant quelques tempêtes pour se rappeler le temps passé des aventures et de toute la gloire qu'elle avait cru y trouver. Elle était suffisamment fatiguée pour que tout sens critique soit évanoui à propos des illusions qu'elle se donnait à elle-même : c'était presque comme si elle voyait déjà les silhouettes de ses marins à elle se mouvoir sur le pont de ce navire. Mais elle avait besoin d'un appui extérieur : de l'avis du capitaine, qui devait lui montrer qu'on pouvait brûler sa jeunesse par les deux bouts et tout de même finir dans une condition respectable, comme capitaine pirate. Il évoqua Sor-Tini, qui avait malheureusement été conquis par Oaxaca, et parla de son ancienne expérience de capitaine sur des mers déchaînées, qui lui avait permis de maintenir ce navire-ci à flots, alors qu'il n'était guère conçu pour affronter de telles intempéries.

Elle opina du chef et lança un nouveau regard sur les ombres hallucinées qui s'agitaient sur le pont. Ça, c'était un avenir glorieux : pirate... Mais elle se souvint soudain de Jess et Guigne, perdues dans le portail, et de Sable qui les attendait : son expression, brutalement, devint plus sombre. Elle n'avait pas le temps de rêver à ces choses-là. Les Sindeldi savaient contrôler le climat : peut-être sauraient-il également, une fois qu'elle leur aurait rendu service, contrôler les fluides spatiaux et ramener les deux Reines qu'elle avait perdues. Sur le pont, il n'y avait plus personne, juste la lumière fraîche et dorée du matin.

« Une dernière chose, » ajouta-t-elle en se retournant vers le capitaine, revenant sans le préciser sur les mages météorologues. « Vous pensez qu'ils ont laissé la tempête se produire intentionnellement... ou par mégarde ? Je veux dire, elle était grosse, quand même, ils auraient dû la voir venir, » précisa-t-elle pour ne pas en dire trop - pour ne pas qu'il comprenne qu'elle et Jorus avaient potentiellement des ennemis puissants au Naora, au point de vouloir les gêner par tous les moyens -, « Ou alors ils ne sont pas assez puissants ? »

Il y avait dans cette dernière interrogation une forme d'espoir fou, qui aurait replacé l'univers dans son état de grâce, insensible à la volonté des hommes qui ne font qu'y passer : mais le capitaine nia, préférant l'hypothèse d'une erreur ou d'un complot. Elle hocha de la tête.

« Je ne vous dérange pas plus longtemps, » lâcha-t-elle en bâillant. « J'ai besoin de plus de repos qu'un elfe... »

Il ne commenta pas, visiblement au courant des différences physiologiques, et elle retourna dans la cale. L'odeur était forte et persistante : elle réveilla Jorus sans ménagement et lui intima rudement d'aller un peu nettoyer. Chacun récupéra un seau d'eau et une serpillière et ils lavèrent rapidement le sol, en particulier aux endroits où Jorus avait vomi. Rapidement, ce fut plus supportable : sans être parfait, elle estima qu'elle s'en accommoderait et se hissa dans son hamac pour une bonne sieste.

Une si bonne sieste qu'il fallut la réveiller lorsque le navire approcha de la côte : elle empaqueta rapidement les affaires qu'elle avait sorties, dont la corde qu'un marin avait détachée et repliée, et elle gagna le pont. Ils s'approchaient d'une baie dans laquelle avaient été bâties quelques huttes un peu miteuses : au bord de l'eau, observant avec surprise le Danse-Lame, des Sindeldi pauvrement vêtus observaient l'imposant trois-mâts qui venait jusqu'à leur petit village de pêcheurs. Il était déconcertant de constater la présence d'une si petite bourgade après avoir vu Nessima, la capacité des gris à contrôler le climat et à arpenter les cieux. Il n'y avait dans le port que de bien plus petites embarcations, comme ces pirogues qui devaient leur servir à s'aventurer non loin des côtes pour pêcher : d'ailleurs, il n'y avait pas réellement de ponton pour amarrer le Danse-Lame, qui jeta l'ancre avant de manquer de fond et fit descendre un canot afin de permettre à quelques marins et aux deux aventuriers humains d'aller à terre. Mais avant qu'on ne les laisse embarquer dans cette navette, le capitaine les rejoignit et leur adressa des remerciements ainsi que ses félicitations. Si ce n'était que cela, la jeune fille l'aurait vaguement remercié à son tour avant de s'empresser de rejoindre la plage : mais en sus de ces quelques mots dans lesquels on sentait encore et toujours le mépris classique des Sindeldi pour eux, pauvres humains, il leur offrit à chacun un présent. Si elle remarqua que, pour Jorus, c'était une nouvelle cape, elle eut droit à une dizaine de carreaux d'arbalète. Bien qu'elle ne s'en soit pas servi, elle portait effectivement à la ceinture l'arbalète de poing d'Aethalin, qu'Arsok avait retrouvée, sans qu'elle sache véritablement comment il avait fait, et qu'elle avait récupérée par l'entremise de Sable ; son carquois était déjà plein, mais elle constata rapidement que les carreaux du capitaine étaient de bien meilleure facture que ceux qu'elle avait achetés à Kendra Kâr.

« Merci à vous, capitaine, et à la prochaine, » répondit-elle avec un sourire franc. Elle ressentait une grande fierté à recevoir un tel cadeau : c'était comme la reconnaissance palpable de ses actes, de son action héroïque - pas de vulgaires remerciements qu'elle aurait oubliés le lendemain.

Ils embarquèrent dans la chaloupe et gagnèrent la plage, où ils débarquèrent, sentant immédiatement se poser sur eux des regards anxieux et haineux. Un rapide coup d'œil aux alentours confirma à la jeune fille que ce n'était pas les marins Sindeldi qui attisaient la curiosité des villageois, mais bien eux deux, les deux humains qui se trouvaient parmi eux. Ils furent rapidement rejoints par un Sindel bien plus richement vêtu que le reste de la populace, qui cachait sous d'amples tissus sa peau, à l'exception de ses mains et de son visage sur lesquels on pouvait nettement distinguer des cicatrices nombreuses. Il les dévisagea avec suspicion et l'assassine sentit le regard de l'elfe se poser avec envie sur son équipement. Elle fronça légèrement les sourcils, tentant de conserver autant que possible le contrôle sur l'image qu'elle renvoyait : il était inutile de se montrer agressif avec celui qui semblait être le dirigeant de cette localité, aussi insignifiant fût-il par ailleurs. Mais elle détestait ce regard qui semblait signifier qu'il profiterait du moindre dos tourné pour la trahir et lui subtiliser tout ce qu'elle avait longuement acquis, sur Yuimen ou Aliaénon.

Celui-ci ne dissimula par ailleurs pas son aigreur ni sa xénophobie : il leur intima de repartir aussitôt, refusant de les accueillir à Alythaë. L'un des marins lui répondit en elfique et Yurlungur put constater que le riche Sindel, bien obligé d'accepter la remarque, n'en était que plus irrité. Le matelot lui avait visiblement parlé de Sylënn et le chef du village leur demanda donc rudement ce qu'ils voulaient, non sans insulter au passage la commandante.

Yurlungur hésita un instant, puis songea que ce n'était pas correct. Elle était entourée de Sindel : leur reprocher encore une fois leur manque d'hospitalité, comme elle avait pu le faire à la Garde militaire, était un suicide politique. Il fallait essayer de flatter l'inconnu, de se montrer poli, bien que ce soit difficile : il fallait prendre sur soi et espérer qu'ainsi, ils daigneraient, sinon les aider, au moins les laisser en paix... Elle fit un pas en avant et prit la parole, sans même songer qu'en plus de son sang humain, son apparence juvénile la desservirait probablement.

« Noble Sindel, » commença-t-elle, « nous sommes dépêchés par la Garde militaire de Nessima afin de mettre au jour les mouvements étranges de troupes qui ont été entrevus dans les environs, en particulier au cœur du Delta. Vous comprendrez que la situation géopolitique actuelle, ainsi que la nature inconnue de cette menace, ait empêché la commandante d'envoyer des troupes pour cette mission, et qu'elle ait dû faire appel, exceptionnellement, à des mercenaires de tous horizons. Mais nous sommes ici pour vous aider, protéger autant que possible ce village et réduire à néant tout péril qui pourrait se terrer dans les environs. »

Elle laissa planer un instant de silence, laissant son explication faire son effet. Son visage était des plus sérieux : son expression était grave et son regard rivé sur le petit chef.

« Nous aimerions que vous nous renseigniez sur toutes les informations supplémentaires dont vous disposeriez à propos des mouvements de troupes aperçus dans les environs, ou des incidents récents. Par ailleurs, vous n'avez pas à vous inquiéter quant à notre présence : nous partirons bientôt de nouveau pour explorer le Delta : dès qu'il vous en plaira, dès que vous nous autoriserez à emprunter une pirogue afin d'y pénétrer. »

Elle espérait que cette proposition fasse mouche : si le Sindel était probablement peu enclin à offrir quoi que ce soit à des étrangers, elle estimait que les chances étaient bien meilleures si cela pouvait le débarrasser de gêneurs... Du reste leur mission était hautement respectable et d'un intérêt direct pour ce village, le plus proche des mouvements aperçus : ils n'avaient pas intérêt du tout à les gêner à ce propos.

...
Modifié en dernier par Yurlungur le mar. 15 oct. 2019 21:46, modifié 1 fois.

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Jorus Kayne
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Re: Le village d'Alythaë

Message par Jorus Kayne » ven. 11 oct. 2019 17:13

La nuit est particulièrement difficile pour moi. Ca tourne, ça tangue, ça tourne, ça tangue, ça remonte et ça sort ! Après ce qui me semble être une éternité, je finis par m’endormir. Au matin les malaises sont complètement partis comme le tournis. Lorsque je me relève, je constate qu’en réalité non, je n’ai toujours pas récupéré du choc de la veille. Heureusement que j’ai quelqu’un qui veille sur moi.

(Comment tu te sens ?)

(Bof, j’ai l’impression d’avoir avalé un truc vivant, qui a décidé de sortir après avoir fait la fête avec quelques amis !)

(Mmm à l’haleine je pencherais pour une famille de belette. A moins que je ne confonde avec l’odeur ambiante que tu as répandue cette nuit.)

(Ha merde, tant que ça ? J’arrive même plus à sentir quoique ce soit. Comment s’est passé la nuit ?)

(Ce qui est sûr c’est que le capitaine et son équipage son loin d’être des barboteurs de rivières. Si Yürlüngür a coupé la voile qui posait problème, il fallait tout de même un sacré cran pour lutter cette nuit. La tempête est passée et certains marins se reposent actuellement. Tu t’es surpassé hier, ça m’a complètement bluffée.)

(Oui…merci. J’espère que ça aidera à donner une meilleure image de nous. Bon, je pense que je vais refaire un p’tit somme. Yürlüngür est levée ?)

(Oui il y a peu, je crois qu’elle est allée voir le capitaine pour savoir ce qu’il est advenu de cette nuit.)

(Je crois plutôt que cette histoire de mage la travaille. Elle n’aime pas la magie et les mots du capitaine lui ont certainement hérissé les poils hier. Ce que je partage également.)

(Tu veux que j’aille voir ce qu’il en est ?)

(Pourquoi pas, mais je ne te promets pas d’être encore réveillé lorsque tu reviendras !)

Je ferme les yeux et me replonge dans un demi-sommeil, laissant mes songes prendre le dessus en espérant de doux rêves. En lieu et place de mon souvenir avec l’elfe verte, la présence de ma faéra me fait presque sursauter.

(Bon, j’ai du nouveau !)

(Bonnes ou mauvaises nouvelles ?)

(Bonnes je dirais, dans le sens où tu n’auras plus à supporter le tangage du bateau. Nous devrions arriver à destination dans la journée.)

(Il est vrai que je ne serais pas contre un peu de stabilité en ce moment. C’est tout ?)

(Non ils ont également mentionné cette histoire de mage. Apparemment ces derniers auraient un rôle prépondérant ici puisqu’ils sont capables de contrôler le climat et ont donc laissé filer cette tempête alors que leurs devoirs est d’éviter ce genre de cataclysme !)

(Tu te fous de moi là ? Ca fait des siècles voir même des millénaires que les Sindeldi sont capables d’éviter les catastrophes des tempêtes, alors que tous les marins des autres continents luttent pour leur vie à chaque fois qu’ils prennent la mer ! Il faut vraiment que nous menions cette mission à bien afin que le peuple Sindel s’ouvre au monde et apporte son savoir !)

(Oui et cela explique pourquoi ils ne craignent pas un assaut maritime ! Yürlüngür a essayé d’interroger le capitaine sur la possibilité d’un complot nous visant, mais il ne semble guère être d’accord sur cette éventualité.)

(C’est une bonne chose. Si des mages aussi puissants se mettaient dans l’idée de nous mettre des bâtons dans les roues, on pourrait craindre le pire ! Rien d’autre ?)

(Si, une saleté de mouette a failli me déféquer dessus !)

(Oui il est évident qu’un être intangible peut craindre de genre de désagrément ! Bon laisse-moi me reposer un peu si t’as rien de plus à me dire.)

A ce moment-là, je sens ma faéra qui ricane dans son coin. Ce que j’ignorais c’est que Yürlüngür venait dans ma direction pour me réveiller, avec la compassion d’un ours qu’on aurait dérangé en pleine hibernation, ou d’une personne qui aurait mal dormi suite à une odeur pestilentielle. Etions-nous soudainement attaqués, désirait-elle ardemment m’avouer certaines choses après m’avoir vu œuvrer vaillamment à sauver les marins sur le pont ? Non, il était tout simplement temps de nettoyer l’œuvre artistique de mon estomac. Fort heureusement elle ne me laisse pas seule à cette ignoble tâche, ce qui est un réconfort face au travail dont je nous ai obligé à faire. Par moment je manque de déverser à nouveau ma bile sur le pont, mais les regards noirs de la jeune fille sont on ne peut plus explicite : si tu vomis, je te fais lécher le pont avec ta langue !

Une fois cela terminé, il faut avouer que l’air est plus respirable et le repos qui s’ensuit est bien plus agréable que précédemment. On nous réveille finalement alors que nous sommes près de la côte. Je remballe mes effets personnels lentement pour me concentrer sur ma respiration et éviter de nouveaux relents. Je rejoins la jeune fille sur le pont, plus rapide et organisée que moi visiblement. Sur le moment je ne fais guère attention aux marins qui prennent soin de garder une certaine distance de sécurité olfactive avec moi. Au loin j’aperçois de nombreuses huttes annonciatrices d’un petit village de pêcheurs avec le port rustique à leurs dispositions. Ne pouvant user de ce ridicule petit pont, on nous prépare une chaloupe alors que la bonne centaine de pairs d’yeux des autochtones nous observent attentivement sur la plage. Avant notre départ, le capitaine vient à nous pour poser tapoter la tête de Yürlüngür et hésiter à prendre la mienne.

"Je n'avais guère d'estime pour les humains, mais vous avez mérité mon respect. Voici, pour chacun de vous, un modeste présent. Puisse Sithi éclairer votre chemin."

Il offre des carreaux d’arbalètes d’assez bonne qualité à la jeune fille et une cape de couleur moirée d’une qualité incomparable avec ce que je possède déjà, passant ma propre cape pour un torchon. Si la jeune fille remercie verbalement le capitaine, je me contente d’un simple salue. Je crains que mon haleine ne soit encore un peu trop violente. Alors que nous descendons dans la chaloupe, nous arrivons sur la plage une poignée de minutes plus tard où nous sommes accueillis par un Sindel nous toisant du haut de ses deux mètres. Ses habits, plus luxueux que le reste des autres Sindeldi présents sautent aux yeux, de même que les cicatrices sur son visage et ses mains. Il nous observe attentivement moi et ma camarade avant de nous envoyer paitre bien comme il faut, ne désirant pas le moins du monde notre présence étrangère chez eux, ou simplement d’humains sur leurs territoires. L’un des marins du Danse-Lame qui nous a accompagné lui répond quelque chose dans sa langue, mais à première vu il n’a pas l’air très enjoué. Le visage du grand Sindel du village de pêcheur s’assombri et il nous rétorque alors :

"Envoyés par cette sale gamine de Sylënn, hein? Très bien, que voulez-vous?"

(Sylënn, cette sale gamine ? J’en connais une qui doit avoir les oreilles qui sifflent !)

Je reste stoïque face à la remarque du Sindel. Mes nausées sont toujours là, je laisse le soin à la jeune fille de parler pour nous. Il serait dommage que j’éructe en plein discours. Yürlüngür fait preuve d’un certain sens de la diplomatie. Elle évoque la mission qui nous a été confiée et après avoir demandé si ces derniers possèdent des informations sur les étranges mouvements, elle annonce que nous partirons dès que possible si un moyen de transport maritime pour atteindre notre destination suivante. Pour ma part j'observe les alentours et particulièrement les Sindeldi dont le visage pousserait à une certaine prudence.

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Gamemaster7
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Re: Le village d'Alythaë

Message par Gamemaster7 » sam. 12 oct. 2019 12:51

Émergence : màj pour Yurlungur et Jorus


Le discours de Yurlungur, habilement tourné, engendre de nombreux murmures au sein de la population. Certains habitants désignèrent les pirogues amarrées, d'autres le tout proche delta. Le Sindel auquel la jeune femme s'adressait, en revanche, se redressa de toute sa taille et répondit d'un ton sec et méprisant :

"Les étoiles tomberont des cieux avant que nous n'ayons besoin de… d'humains… pour s'occuper de nos affaires. A plus forte raison s'agissant d'une gamine et d'un blanc-bec qui devraient encore traîner dans les jupons de leurs mères plutôt que de se mêler de ce qui ne les regarde pas."

Il tendit un doigt en direction du navire qui avait amené les deux aventuriers et ajouta :

"Repartez, retournez dans votre pays, étrangers. Nous n'avons rien à vous dire et certainement pas une pirogue à sacrifier pour satisfaire le caprice d'une indigne petite commandante de province."

A nouveau un sourd brouhaha enfla au sein des autres Sindeldi présents. Si quelques-uns semblaient approuver la réponse de celui qui devait plus ou moins être le chef de cette modeste bourgade, beaucoup paraissaient au contraire d'un autre avis, sans pour autant s'opposer ouvertement à lui. Dans les regards se mêlaient curiosité, inquiétude et même, apparemment, une certaine crainte teintée de soumission. Alors que la suite du voyage de Jorus et Yurlungur se trouvait ainsi compromis, une voix féminine fendit le brouhaha comme une lame glaciale :

"L'indigne petite commandante de province pourrait bien vous offrir un long séjour à Raynna, si elle avait vent de vos déplorables élucubrations à son propos, Araël."

L'auteure de ces mots se dégagea de la foule pour s'approcher des deux humains. Indubitablement Sindel, et combattante à en juger par le sabre accroché dans son dos, les parties visibles de son corps étaient marquées d'un réseau de fines cicatrices évoquant davantage des scarifications rituelles que des traces de coups. Son visage était quant à lui muni d'un tatouage clair, presque blanc, d'apparence étrangement tribale et ses prunelles d'un vert très pâle, scrutatrices, reflétaient une force de caractère inhabituelle.


Image


"J'ai aperçu, de loin, ces troupes que vous évoquez, il y a de cela un peu moins d'un mois. Près des Montagnes Grises, à l'endroit où le Sithialë quitte la jungle de Saraënan. S'y rendre actuellement en pirogue serait insensé, il a beaucoup plu et le fleuve est en crue, vous iriez droit à votre perte si vous tentiez de le remonter maintenant."

Passant outre l'expression outragée du chef du village, elle ajouta après un instant de réflexion :

"Il existe un chemin, néanmoins, périlleux et éprouvant, difficile à trouver. Je pourrais vous guider, mais rien n'est gratuit en ce bas monde."

Un sourire souligna ces derniers mots, sans atteindre son pâle regard cependant, alors qu'elle attendait sans la moindre trace d'impatience la réaction des deux compères.


*****


Gains et récompenses :

Yurlungur : rp du quotidien : 0,5xp ; interaction avec le capitaine : 0,5xp ; Total : 1xp

Jorus : rp du quotidien : 0,5xp ; interaction avec ta Faëra : 0,5xp ; Total : 1xp

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Jorus Kayne
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Re: Le village d'Alythaë

Message par Jorus Kayne » lun. 14 oct. 2019 14:25

Yürlüngür semble avoir fait mouche parmi la population locale. Certains murmurent entre eux, d’autres désignent des pirogues ou même ce qu’il me semble être la direction du delta. En revanche, le chef de cette petite tribu ne semble pas apprécier notre demande. Pour lui, les Sindeldi ne demanderont pas l’aide des humains, même si les étoiles devaient tomber du ciel et encore moi s’il s’agit d’une gamine et d’un blanc bec. Il pointe du doigt notre navire et nous encourage fortement vivement à rentrer chez nous.

"Nous n'avons rien à vous dire et certainement pas une pirogue à sacrifier pour satisfaire le caprice d'une indigne petite commandante de province."

(Indigne petite commandante ? Il faut croire qu’une grande distance est le meilleur des boucliers !)

Derrière-lui le brouhaha se fait avec l’approbation des propos tenus par le chef, tandis que certains plus discrets semblent d’un autre avis, sans pour autant s’opposer clairement. Visiblement nous ne sommes pas autorisés à rester ici, mais il est hors de question que nous fassions demi-tour et rentrer bredouille. Soudain, une voix féminine tranche dans le tumulte de la foule.

"L'indigne petite commandante de province pourrait bien vous offrir un long séjour à Raynna, si elle avait vent de vos déplorables élucubrations à son propos, Araël."

L’être derrière la voix s’extirpe de la masse elfique et s’approche de nous. Avec son sabre dans le dos elle semble faire partie des guerriers du coin. Ses différentes parties visibles exposent des cicatrices étranges, plus proches d’un éventuel rituel que de rudes combats et son visage lui possède un tatouage clair, d’apparence tribale. Un caractère visuellement affirmé à l’image de l’opposition qu’elle a marquée vis-à-vis du chef Sindel. Elle nous relate ensuite avoir vu les fameuses troupes au loin il y a un bon mois de cela. Vraisemblablement au même endroit évoqué par la commandante. En revanche elle nous met en garde contre l’utilisation insensé d’une pirogue pour s’y rendre. L’accumulation de pluie et le fleuve en crue rend l’excursion quasi mortelle. Je jette un bref regard au chef courroucé par l’intervention de la guerrière avant que celle-ci ne reprenne.

"Il existe un chemin, néanmoins, périlleux et éprouvant, difficile à trouver. Je pourrais vous guider, mais rien n'est gratuit en ce bas monde." Sourie-t-elle attendant notre réaction.

(Et voilà que les ennuis commencent ! On a à peine posé le pied au sol qu’on est déjà à marchander un droit de passage.)

(Tu noteras tout de même que le chef n’a cependant pas appelé ses hommes pour vous contraindre d’avancer davantage. Je doute qu’il vous empêche réellement d’aller plus loin. C’est de l’esbroufe !)

Attendant une réponse de notre part, je me tourne vers le dénommé Araël le chef du village pour commencer et lui parle assez bas pour que seul notre petit groupe entende.

"Noble Sindel, je comprends votre réaction…En fait non je ne la comprends pas ! Nous sommes venus ici pour venir en aide au peuple Sindel, non pour semer le trouble dans vos demeures. Sachez que nous poursuivrons notre chemin que vous le vouliez ou non ! Ces hommes vont retourner à Nessima et je suis sûr que votre hospitalité si particulière arrivera aux oreilles de Sylënn'tar Ithil qui s’est démenée pour faire venir des étrangers sur le Naora. Il ne tient qu’à vous de ne pas vous faire remarquer inutilement."

Je laisse le chef méditer sur ces mots pour m’intéresser à la guerrière. Elle semble plus ouverte que la majorité des Sindeldi, à moins que ce ne soit l’appât du gain. Voyons comment elle va réagir.

"C’est une proposition intéressante malheureusement ceci," dis-je en désignant mon corps, "n’est plus disponible j’en suis navré. Peut-être que la satisfaction d’avoir aidé Sylënn'tar Ithil, par notre biais, vous suffirait ?"

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Yurlungur
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Re: Le village d'Alythaë

Message par Yurlungur » mar. 15 oct. 2019 21:45

...

Il lui sembla, alors qu'elle venait de finir de parler, qu'elle aurait aisément reçu l'aide de la population locale, si ce ne tenaient qu'à eux. Ils avaient l'air un peu effrayés par la seule mention d'un ennemi inconnu au sein du delta : ce n'étaient pas des guerriers et, habitant loin du centre névralgique de Nessima, ils devaient probablement être suffisamment impressionnés par l'arrivée d'envoyés de la commandante - fussent-ils humains - et, qui plus est, sur un tel navire. Elle ignorait si la tempête avait eu lieu jusqu'ici, ou s'ils l'avaient aperçue depuis le port : peut-être se doutaient-ils également des épreuves qu'ils avaient rencontré sur leur trajet...

Mais le Sindel en face, qui avait tout l'air d'être le chef du village, se redressa de façon pitoyable et rétorqua sur un ton de fierté qu'ils n'avaient pas besoin de l'aide des humains, ajoutant à cela une jolie image à propos des étoiles, tout en leur reprochant leur jeune âge. Yurlungur le fixa un instant en réfléchissant à la meilleure façon de l'aborder. Il était visiblement suffisamment cultivé pour sortir une métaphore apte à perdre et donc impressionner tous ses ouailles : par ailleurs, elle se souvenait que la déesse tutélaire des Sindeldi était Sithi, déesse de la lune, des étoiles, et de tout le tintouin qu'on voyait dans les cieux, la nuit. Peut-être était-il prêtre ? Difficile à dire. Mais il était clair qu'il avait sur le village une autorité naturelle, qui pouvait fort bien émaner de la mission divine de laquelle ils le croyaient peut-être investi.

Il leur ordonna de repartir aussitôt sur leur navire, refusant de “sacrifier” une pirogue, tout en insultant allègrement Sylënn. L'hypothèse d'un prêtre de Sithi se renforçait : l'armée et le clergé n'avaient probablement pas de hiérarchie commune avant les plus hautes fonctions du Royaume, aussi était-il tout naturel qu'un représentant de l'un refuse les consignes d'un commandant de l'autre. Et Sylënn n'avait-elle pas parlé d'une certaine opposition du clergé à la venue d'étrangers sur leurs terres ? Quoiqu'il en soit, tout cela était fâcheux. Elle ne pouvait simplement lui forcer la main - quoiqu'il eût été facile de lui sauter à la gorge et de le prendre en otage avec sa lame, elle doutait que ce fût fort diplomate. Mais la voie de la diplomatie était fortement compromise : ils n'avaient pas davantage à offrir que leur aide pour la résolution d'un problème qu'il avait l'orgueil de prétendre pouvoir gérer seul... Il faudrait l'humilier, devant toute sa population. Cela en ferait un ennemi, mais au moins serait-ce un ennemi déclaré ; du reste, étant donné ses convictions et l'insistance avec laquelle il souhaitait qu'ils repartent, Yurlungur voyait mal comment dépasser cet obstacle autrement. Autour, la foule était divisée quant à la marche à suivre : si elle obtenait leur soutien, même tacite, il serait contraint de plier.

Mais soudain, une seconde voix s'éleva. Une voix qui menaça ouvertement “Araël”, lui reprochant de chercher à se faire envoyer au bagne : c'était une Sindel munie d'un sabre dans son dos, s'avançant à travers la foule pour se rapprocher des deux aventuriers. Sa peau était couverte de fines cicatrices qui semblaient presque former un motif déterminé, comme si celles-ci résultaient de la volonté de cisailler son corps, comme un artisan creuse un bloc de granit en statue. Cette impression était confirmée par le tatouage qui ornait son visage, clair, presque blanc pour se détacher du teint grisâtre de sa peau. Alors que les Sindeldi avaient montré un raffinement rare dans leurs constructions et leur technologie, celle-ci paraissait issue d'un temps lointain, d'une tribu éteinte de sa race, qui vivait selon des coutumes plus proches de celles des humains primitifs que des orgueilleux elfes gris.

Son regard vert pâle accrocha celui des deux humains pour leur annoncer expliquer qu'elle avait elle-même aperçu les troupes qu'ils recherchaient, mais leur déconseillait vivement de s'y rendre en pirogue, estimant ce choix potentiellement mortel. En revanche, elle les informa de l'existence d'un chemin sur lequel elle pourrait les guider... moyennant rémunération. Curieusement, Yurlungur sourit, d'un sourire d'amusement et presque de connivence, qui répondit agréablement à celui de la Sindel elle-même.

Ce fut Jorus qui réagit le premier, s'adressant à Araël pour tenter (certes un peu naïvement) de lui faire comprendre qu'ils étaient venus afin d'apporter leur aide et qu'il ne saisissait pas pourquoi ils étaient ainsi refoulés. Il lui rétorqua qu'ils poursuivraient leur chemin quoiqu'il en soit et que les marins du Danse-Lame rapporteraient probablement son hospitalité à Sylënn - mais il souligna que celle-ci avait tout fait pour permettre à des étrangers de venir au Naora. Ce n'était pas nécessairement la meilleure chose à dire, mais tant pis. Il se tourna ensuite vers la jeune femme qui se proposait comme guide et commença comme de coutume par une petite blague que Yurlungur n'essaya pas réellement de comprendre, avant de proposer la satisfaction d'avoir aidé Sylënn comme récompense. L'assassine lui laissait ce genre de négoce : elle se posta face au prêtre et lui répondit :

« Admettons que ce que vous dites est vrai. Admettons que les Sindeldi n'ont pas et n'auront jamais besoin des humains. Comment allez-vous alors gérer ce problème de troupes nocturnes, inconnues, étrangères sans doute, qui rôdent dans le delta ? Comment expliquez-vous qu'il faille que la commandante de Nessima soit contrainte de faire appel à des mercenaires humains pour mettre fin à cette menace ? »

Elle étendit les bras, désignant la foule amassée autour d'eux.

« Désignez quelqu'un, désignez un groupe... Ou irez-vous vous-même ? »

Elle laissa flotter une pause, puis reprit :

« Les habitants de ce village n'ont pas l'air d'être des combattants. Et si ces troupes nocturnes décident de passer à l'offensive, vous serez les premiers à périr. »

Elle haussa les épaules.

« Bien entendu, ils seront probablement rapidement réprimés par l'armée Sindel, traqués, abattus, mais d'ici-là, votre village sera en cendres. Est-ce quelque chose que vous êtes prêt à risquer, Araël ? »

Elle plissa les yeux.

« Êtes-vous prêt à mettre en jeu Alythaë en refusant notre aide ? »

Elle était tentée de sourire, naturellement, mais s'efforçait de conserver un visage aussi grave que possible. Son discours, qu'elle adressait au chef, était prononcé suffisamment clairement et distinctement pour que tous, autour, puissent l'entendre - et ceux qui étaient trop loin pouvaient demander à leurs voisins. Il suffirait peut-être en lui-même à impressionner Araël ; dans l'éventualité où le prêtre resterait de marbre, la population serait probablement suffisamment apeurée pour émettre quelques objections.

Après quelques instants, elle se tourna vers la Sindel et demanda, d'une voix plus basse :

« Si nous réussissons au cours de notre mission, vous pourrez revenir avec nous à Nessima. Là-bas, si votre aide s'est révélée précieuse, il va sans dire que vous recevrez de la commandante la récompense que vous demandez. Comment vous nommez-vous ? »

...
Modifié en dernier par Yurlungur le lun. 28 oct. 2019 17:06, modifié 1 fois.

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Gamemaster7
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Re: Le village d'Alythaë

Message par Gamemaster7 » sam. 19 oct. 2019 17:09

Émergence : màj pour Yurlungur et Jorus


Jorus ne devait pas être dans un bon jour car ses paroles à Araël lui valurent un regard lourdement méprisant et une réponse qui ne l'était pas moins :

"Où donc vous croyez-vous, pauvre sauvage? Dans l'une de vos tanières pouilleuses où des inférieurs de votre espèce sont susceptibles d'être impressionnés par votre misérable outrecuidance? Vous irez là où je vous autoriserai à aller, humain. Et si vous espérez m'inquiéter avec vos menaces creuses, vous vous trompez de personne. Je n'ai nul compte à rendre à Sylënn et elle n'a aucune autorité sur moi."

Et sa réplique à l'humour discutable adressée à la guerrière ne reçut guère meilleur accueil car elle le dévisagea avec une moue peu amène et riposta avec une discrète lassitude :

"Vous m'attirez à peu près autant qu'un bouc, sieur. Gardez donc vos plaisanteries vaseuses pour vos semblables, voulez-vous?"

Par chance, Yurlungur intervint à cet instant, détournant l'attention de Jorus, avec davantage de diplomatie mais guère plus de succès car Araël, ayant écouté sans grand intérêt son verbiage, lui rétorqua :

"Cette Sylënn dont vous faites si grand cas n'est jamais qu'une marionnette sans réel pouvoir entre les mains de son Ithil Aënor d'oncle, fillette. Vous croyez vraiment que quiconque au Naora, à commencer par Sylënn, espère que des étrangers soient en mesure d'accomplir quelque chose ici? Les tenants et aboutissants de ce qui est en train de se passer vous échappent aussi sûrement que le ferait de la brume si vous tentiez d'en capturer. Vous n'êtes que des pions dans une partie dont les enjeux vous dépassent de loin. Quant à protéger ce village, je devrais compter sur deux gamins pour ce faire? Laissez-moi rire. Dans deux jours l'armée sera ici et je souhaite bien du plaisir à quiconque tenterait de nous assaillir."

Les villageois en revanche semblaient beaucoup plus partagés. Si certains paraissaient soutenir Araël, d'autres en revanche laissaient entrevoir des signes de désaccord, sans pour autant oser les exprimer à haute voix, comme cela avait déjà été le cas. Puis, Yurlungur répétant plus ou moins la proposition de Jorus à la guerrière et lui demandant son nom, celle-ci répondit avec un léger sourire :

"Vous êtes plus adroite que votre compagnon, malgré votre jeune âge. Je me nomme Ëlëann. Et vous?"

Une fois que Yurlungur eut répondu à cette question, la Sindel se tourna vers Araël et lui dit avec une amabilité que démentait l'éclat de ses prunelles :

"Allons mon cher, retournez donc à vos occupations, tout ceci ne mérite pas que vous perdiez davantage de votre précieux temps. Je me charge de ces deux humains."

Puis, à l'attention de la foule elle ajouta :

"Cela vaut pour vous également, la situation est sous contrôle et vous avez sans nul doute à faire."

Le chef du village lui jeta son plus noir regard et, durant un instant, sembla sur le point de la défier. Mais il finit par hausser les épaules et rétorqua comme à regret :

"C'est vous qui voyez. Allez, dispersez-vous, vous autres."

Il se retira, non sans un dernier regard empli de mépris aux deux humains, puis l'attroupement commença à se disperser. Qui était Ëlëann pour disposer d'une pareille autorité? Certainement pas une simple villageoise comme l'avaient supposé les deux aventuriers, mais pour l'heure, le mystère restait entier. Une fois qu'ils furent plus ou moins seuls, elle reprit de manière à ce que seuls Jorus et Yurlungur puissent entendre :

"C'est un imbécile, mais il n'a pas tout tort : Sylënn vous a mêlé à une affaire complexe d'influence et de pouvoir qui dépasse largement les quelques troubles qui vous amènent. Je la connais assez pour savoir qu'elle est intègre et qu'elle pense réellement que vous pourriez vous avérer utiles, mais ce n'est pas une politicienne et je doute qu'elle mesure vraiment les implications de sa décision et les risques qu'elle court. Enfin, peu importe, vous voulez aller dans le delta? Soit, je vais vous conduire, l'occasion est trop belle de faire enrager ce triste bouffon d'Araël, je ne manquerais ça pour rien au monde."

Un sourire ironique aux lèvres, elle fit signe à Jorus et Yurlungur de la suivre et se dirigea vers l'extérieur du village, en direction du fameux delta du Sithialë pour autant que les deux compères pouvaient en juger.


*****


HRP : l'xp vous sera attribuée à la fin de la présente situation.

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Yurlungur
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Re: Le village d'Alythaë

Message par Yurlungur » jeu. 24 oct. 2019 19:13

...

Naturellement, le Sindel prit mal l'intervention de Jorus qui, bien que n'exprimant ni plus ni moins que ce qu'il avait sur le cœur, était suffisamment osée du point de vue d'une race qui se croyait en tous points supérieure. Mais le manque de diplomatie de Jorus permit au moins de révéler ceci : qu'Araël ne reconnaissait pas l'autorité de Sylënn, ce qui était déjà passablement clair, mais même qu'il n'avait pas à lui rendre de compte du tout. Cela semblait confirmer la supposition de la jeune fille : s'il s'agissait effectivement d'un membre du clergé, il était probable qu'il soit indépendant de la commandante militaire de Nessima. Enfin, l'aventurier l'avait mis en rogne et il affirmait à présent encore plus sa volonté de les empêcher de passer.

Si bien que, lorsqu'il lui répondit, semblant à peine écouter, il qualifia Sylënn de “marionnette”, soutenant à nouveau qu'eux deux seraient incapables de quoi que ce soit, tout en pointant qu'ils ignoraient tout des jeux de pouvoirs. Yurlungur plissa les yeux. Et alors ? Les mercenaires n'en avaient généralement rien à faire, des “tenants et aboutissants”, comme il les appelait. Ce qui l'intéressait, elle, c'était de remplir sa mission et d'empocher la récompense. Cet Araël croyait-il vraiment qu'elle avait un si grand intérêt pour le Naora - décidément si hospitalier - pour chercher à aider concrètement le camp qui le mériterait ? Elle était à peine affectée par l'insulte de “pion” : dans les faits, elle avait bien compris qu'il y avait dans ce pays tout un tas d'usages qui lui étaient inconnus, et une myriade de factions qui s'affrontaient, dont celle d'Araël et celle de Sylënn. Mais seule la seconde avait fait une proposition décente pour qu'elle consente à les servir...

Enfin, il releva que Jorus et elle seraient bien incapables de protéger le village contre les assaillants du Delta - ce pour quoi il n'avait peut-être pas tort, la jeune fille ayant autre chose à faire que de tenter de garder en vie des péquenauds dirigés par un insupportable imbécile -, tout en rajoutant que l'armée arriverait sous deux jours. Dans deux jours ? C'était étrange. Sylënn n'avait guère parlé de ce genre de visites - ou alors cela avait échappé à l'assassine. Elle ne l'avait pas non plus questionnée, mais elle avait cru comprendre que la commandante les envoyait précisément en mission parce qu'elle ne pouvait dépêcher directement l'armée, celle-ci étant affairée à contenir les raids des Eruïons... Qu'importe. Dans un sens, ça l'arrangeait. Si l'armée se pointait effectivement, ils auraient un bastion de repli prêt : et leur laissez-passer devrait avoir davantage d'effet sur un lieutenant que sur Araël.

Quant à la mystérieuse Sindel, elle répondit froidement aux avances de Jorus, sans grande surprise. Yurlungur le laissait gérer cette affaire, assez surprise du libertinage du jeune homme en se souvenant de la belle rousse qu'il avait abandonnée à Oranan. Cette dernière avait semblé passablement jalouse... Autour d'eux, la populace semblait mitigée, quoique toujours sous l'influence de leur grand manitou. La Sindel déclina son identité, retournant la question à l'assassine avec un compliment en sus.

« Je suis Yurlungur... et lui Jorus, répondit-elle en prenant l'initiative de présenter son compagnon également. »

Puis Ëlëann se tourna vers Araël et lui enjoignit de ne pas perdre davantage son temps avec les deux humains, précisant indirectement qu'elle les guiderait dans le Delta, avant de s'adresser également à la foule et de demander aux villageois de se disperser. Cette proposition était trop grosse pour passer : il y avait d'ailleurs une tension palpable entre les deux Sindeldi, l'une défiant ostensiblement le pouvoir de l'autre en prenant deux étrangers sous sa protection ; mais Yurlungur entendit avec incrédulité Araël consentir.

Une fois les villageois et leur prêtre dispersés, Ëlëann s'adressa enfin à eux deux pour souligner le manque de tact de Sylënn dans cette affaire qui devait également la dépasser. Yurlungur était surprise de constater que cette jeune femme paraissait mieux connaître la situation géopolitique et les enjeux de pouvoirs que la commandante de Nessima elle-même - ou alors ne parlait-elle que de la région aux environs d'Alythaë ? Ëlëann glissa bien connaître Sylënn, tout en affirmant cette fois à voix haute son mépris pour Araël. Mais qui était-elle au juste ? Yurlungur l'observait depuis un moment, sans beaucoup détacher son regard de la Sindel scarifiée. Commençant à la suivre vers le Delta, elle ne put s'empêcher de demander :

« Araël ne vous aime pas. Et pourtant, il vous respecte. Pourquoi ? »

La Sindel rétorqua d'un ton assuré que ce n'était guère du respect mais de la crainte, ce à quoi l'assassine sourit. Après tout, la haine avait peu d'importance, pour peu qu'elle fût crainte...

« Ça revient au même. Et pourquoi vous craint-il ? insista-t-elle. »

Ëlëann sourit à son tour légèrement, comme si elle admettait le raisonnement de l'adolescente, puis fut évasif, évoquant des “lois” qu'elle n'avait pas besoin de respecter, contrairement à lui. Le message était suffisamment clair, bien que la réponse fût incomplète : la Sindel ne souhaitait pas s'exprimer sur le sujet. Elle laissa filer un court silence pour marquer un changement de sujet puis posa la nouvelle question qui lui était venue :

« Vous avez aperçu des troupes, c'est ça ? Est-ce que vous savez ce que c'était, je veux dire, ça ressemblait à quoi ? »

Ils n'avaient pas eu tellement d'informations là-dessus à la Garde militaire : a priori, cette femme était la mieux renseignée pour les préparer à ce qu'ils pourraient rencontrer dans le Delta. Elle décrit alors les êtres présents comme petits, trapus, et à la peau grise. Si les deux premières caractéristiques correspondaient à la vision que Yurlungur avait des Thorkins - dont elle n'avait jamais croisé que quelques rares représentants, un sur Aliaénon, quelques-uns à Oranan et moins de deux à Dahràm, les nains étant de piètres marins et des ennemis farouches du Royaume pirate -, la pigmentation de la peau ne lui rappelait rien du tout. Elle doutait connaître l'intégralité des peuples de Yuimen, quoiqu'elle pensât en avoir rencontré un bon échantillon, aussi lui était-il impossible de conclure à ce propos. Peut-être la version naorienne des Thorkins ? Après tout, tout le monde avait la peau grise, par ici. Par ailleurs, Ëlëann précisa qu'ils étaient lourdement équipés et très vigilants. La présence d'une telle force sur un territoire jusqu'ici très protégé des excursions étrangères - notamment par la barrière de corail et le contrôle du trafic aérien - ne pouvait en réalité signifier qu'une seule chose : il y avait probablement un fluide spatial à proximité, qui leur permettait d'acheminer leur matériel et leurs troupes.

Un instant, la possibilité que ces troupes inconnues aient déterminé un moyen de contrôler les fluides spatiaux lui fit envisager un retournement de veste fort opportun. Après tout, s'ils étaient capables de ramener Guigne et Jess, elle n'avait plus à servir ces arrogants Sindeldi... Elle chassa rapidement cette éventualité de son esprit. L'hypothèse était encore loin d'être fondée : simplement, il faudrait garder à l'idée que cette “menace” puisse posséder un savoir qui pourrait l'intéresser, et qu'une alliance avec eux pourrait être plus fructueuse qu'avec les gris.

Elle se contenta d'hocher de la tête et continua d'avancer à la suite de la Sindel sans parler.

...
Modifié en dernier par Yurlungur le lun. 28 oct. 2019 17:06, modifié 1 fois.

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Jorus Kayne
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Re: Le village d'Alythaë

Message par Jorus Kayne » ven. 25 oct. 2019 21:38

Les réactions ne se font pas attendre. Loin d’être un brin réceptif à nos arguments qui manquent certes d’humilité vis-à-vis de ce peuple isolé, nous recevons toute la haine raciale que ressentent les Sindeldi à l’égard des autres peuples. Il n’est nullement inquiété de l’influence de Sylënn et ne nous permettra pas d’aller où nous souhaitons sans son avale. Quant à la femme, elle balaie ma plaisanterie et me comparant à un bouc. A défaut d’avoir une réponse utile du chef, je sais qu’elle est franche ainsi que courtoise. Malgré la comparaison, peu flatteuse j’ai le droit à un "sieur", ce qui est déjà beaucoup.

Je ne suis pas le seul à essayer de faire comprendre à Araël que nous ne voulons que le bien du peuple Sindel. Plus diplomate que moi, Yürlüngür y va de son commentaire expliquant le besoin de la commandante de Nessima de faire appel à des étrangers pour s’occuper de la menace. Elle continue en prétextant que les habitants de ce village ne sont pas des guerriers et qu’en cas d’assaut de ces énigmatiques troupes, ils ne feront pas le poids. Le temps que l’armée intervienne, le village ne sera plus qu’un tas de cendre encore fumant. Enfin pour répondre à la question du prix que demande notre potentielle guide, elle évoque que dans le cas où son aide sera notable dans la mission qui nous a été confiée, elle recevra une récompense de la commandante.

Le chef répond de toute sa hargne que Sylënn n’est qu’une marionnette à laquelle nous accordons une importance illusoire. Comme attendu, il réfute notre capacité à œuvrer dans l’intérêt du peuple Sindel. La réalité de ce qui se passe réellement nous échappe complètement, au point de n’être que des pions incapables de comprendre les vrais enjeux qui se déroulent ! Quant à notre utilité vis-à-vis de la protection du village, il ne compte pas sur deux gamins comme nous pour garantir la sécurité du village alors que l’armée arrivera d’ici deux jours. Avec la menace des Eruïons, l’armée sera-t-elle vraiment au rendez-vous ? Derrière-lui les avis sont partagés, mais toujours sans émettre le moindre commentaire. Il serait bon de savoir comment le chef est promulgué à ce rang, mais pour l’heure nous avons une mission qui nous attend. J’espère simplement qu’il n’attend pas une armée que refuse d’envoyer les hautes sphères du pouvoir.

L’éventuelle guide se présente sous le nom d’Ëlëann et met l’accent sur l’adresse verbale de la jeune fille qui nous présente tous deux. Je passe presque pour un rustre, mais c’est une bonne chose car ils mettent l’accent sur le jeune âge de Yürlüngür ignorant se dont je la sais capable. Elle enchaîne vers le chef du village et lui propose de s’occuper de nous afin qu’il ne perde pas plus de temps que nécessaire, puis elle fait de même avec l’attroupement et les poussent à se disperser. Araël accepte finalement la proposition d’Ëlëann et ordonne lui-même aux membres du village de vaquer à leurs occupations. Il nous laisse avec notre guide officielle qui nous apprend d’ailleurs que la commandante nous a mêlés à un jeu complexe d’influence et de pouvoir, dont la teneur dépasse largement la raison de notre venue. Ëlëann semble connaître Sylënn, assez bien pour la juger honnête lorsqu’elle nous pense être utile pour le Naora, même si les rouages politiques impliquent des risques qu’elle n’imagine pas en faisant venir des étrangers. Elle conclut finalement en nous proposant concrètement de nous emmener dans le delta, l’occasion de titiller la colère d’Araël étant trop tentante pour elle.

Alors que nous suivons notre guide vers ce qui semble être le delta, du moins selon ses dires, Yürlüngür profite de l’écart avec le village pour s’intéresser à Ëlëann et savoir pourquoi il l’a respecte. L’intéressée rétorque qu’il s’agit là non pas de respect, mais de crainte et cela m’intrigue. Si la jeune humaine insiste sur la nature de cette crainte, la Sindel répond simplement qu’elle n’est pas soumise aux mêmes lois. Visiblement elle détient un rôle ou un titre qui lui permet d’échapper à certaines contraintes, mais elle ne semble pas vouloir s’étaler davantage sur le sujet. Après un court instant, Yürlüngür s’intéresse ensuite aux fameuses troupes qui ont été vues et à quoi celle-ci ressemblaient. Notre guide les détaille comme des petits êtres à la peau grise avec un corps trapus. Malgré leurs équipements importants, ils font preuve d’une vigilance trop importante pour s’approcher de plus près d’eux.

Si Yürlüngür ne semble pas poser plus de questions, il y a un point qui me titille. Bon deux pour être précis, mais elle ne semble pas vouloir expliquer son propre statut. Alors que jusque-là je m’étais fait discret depuis notre sortie du village, j’accélère le pas pour me rapprocher de la meneuse de notre groupe.

"Pardonnez-moi mais…j’ai du mal à admettre qu’une troupe, venue de nulle part et lourdement équipée comme vous l’avez décrit, soit capable de vous échapper ! Ce que je veux dire par là c’est que vous connaissez le terrain cela ne fait aucun doute et il est tout de même question de troupes. Ca passe pas inaperçue normalement ! Comment sont-ils capables d’être plus vigilant que vous-même ?" Après un bref instant je remarque que ma question est idiote puisqu’en présence de réponse, nous ne serions pas là. "Ces fameux équipements lourds, de quelle nature étaient-ils ? Militaire avec armes et armures, magique avec des objets nécessaires à des rituels, civile avec de quoi raser les arbres et forer la terre ou bien festifs avec des tables, de la bière et des filles en tenues légères ?"

(Ha oui c’est vrai elle n’aime pas les plaisanteries !)

"Plus sérieusement, c’est quoi cette histoire avec la commandante ? Vous et Araël semblez bien au fait de cette histoire politique et selon les propos de notre commanditaire, nous risquons de nous y heurter d’une manière ou d’une autre. Alors, de quoi s’agit-il ?"

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